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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la santé


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 17 mars 2003




¹ 1535
V         La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.))
V         Dr Martin Schechter (directeur national / titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le VIH/sida et sur la santé de la population urbaine, Réseau canadien pour les essais VIH)

¹ 1540

¹ 1545
V         La présidente
V         Mme Louise Binder (présidente, Conseil canadien de surveillance et d'accès aux traitements / «Voices of Positive Women»)

¹ 1550

¹ 1555

º 1600
V         La présidente
V         Mme Sheena Sargent (coordonnatrice des programmes d'éducation, Société du sida YouthCO)

º 1605

º 1610
V         La présidente
V         M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne)
V         Dr Martin Schechter
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Louise Binder

º 1615
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Louise Binder
V         M. Rob Merrifield
V         Dr Martin Schechter
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Sheena Sargent
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Sheena Sargent
V         Dr Martin Schechter
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Louise Binder
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Louise Binder
V         M. Rob Merrifield
V         Dr Martin Schechter
V         M. Rob Merrifield
V         Dr Martin Schechter
V         M. Rob Merrifield
V         La présidente
V         M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ)

º 1620
V         Dr Martin Schechter
V         Mme Louise Binder

º 1625
V         M. Réal Ménard
V         Dr Martin Schechter
V         La présidente
V         Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.)

º 1630
V         Dr Martin Schechter
V         Mme Louise Binder

º 1635
V         La présidente
V         Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)
V         Dr Martin Schechter
V         Mme Carolyn Bennett
V         Dr Martin Schechter
V         Mme Carolyn Bennett
V         Dr Martin Schechter
V         Mme Carolyn Bennett
V         Dr Martin Schechter
V         Mme Carolyn Bennett

º 1640
V         Dr Martin Schechter
V         Mme Carolyn Bennett
V         Dr Martin Schechter
V         Mme Carolyn Bennett
V         Dr Martin Schechter
V         Mme Louise Binder
V         Mme Carolyn Bennett
V         Mme Sheena Sargent

º 1645
V         La présidente
V         Dr Martin Schechter
V         La présidente
V         Dr Martin Schechter
V         La présidente
V         Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne)
V         Mme Louise Binder

º 1650
V         Mme Carol Skelton
V         Mme Louise Binder
V         Mme Carol Skelton
V         Mme Sheena Sargent
V         Mme Carol Skelton
V         Mme Louise Binder
V         Mme Carol Skelton
V         Mme Sheena Sargent
V         Mme Carol Skelton
V         La présidente
V         Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.)

º 1655
V         La présidente
V         Mme Hélène Scherrer
V         Dr Martin Schechter
V         Mme Sheena Sargent
V         Mme Hélène Scherrer
V         La présidente
V         M. Réal Ménard

» 1700
V         Dr Martin Schechter
V         Mme Louise Binder
V         M. Réal Ménard
V         Mme Louise Binder
V         Mme Carolyn Bennett
V         Mme Louise Binder

» 1705
V         La présidente
V         Mme Hedy Fry
V         Dr Martin Schechter

» 1710
V         La présidente
V         Mme Hedy Fry
V         Dr Martin Schechter
V         La présidente
V         M. Rob Merrifield
V         Dr Martin Schechter
V         M. Rob Merrifield

» 1715
V         Dr Martin Schechter
V         M. Rob Merrifield
V         Dr Martin Schechter
V         M. Rob Merrifield
V         La présidente
V         Mme Carolyn Bennett
V         Mme Louise Binder
V         La présidente

» 1720
V         Dr Martin Schechter
V         La présidente
V         Dr Martin Schechter
V         La présidente










CANADA

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 024 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 17 mars 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance du Comité de la santé est ouverte. Nous accueillons aujourd'hui des témoins qui travaillent dans le domaine du VIH/sida et nous avons hâte d'entendre leur témoignage.

    Nous entendrons tout d'abord le Dr Martin Schechter, directeur national et titulaire de la chaire de recherche du Canada sur le VIH/sida et sur la santé de la population urbaine.

    Docteur Schechter.

+-

    Dr Martin Schechter (directeur national / titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le VIH/sida et sur la santé de la population urbaine, Réseau canadien pour les essais VIH): Merci, madame la présidente. Mes collègues et moi-même sommes heureux d'être ici et nous vous remercions de nous avoir invités à prendre la parole devant votre comité.

    Le sujet qui nous occupe aujourd'hui, la situation relative au VIH et au sida, est un problème d'une extraordinaire urgence pour le Canada. Les faits saillants de mon témoignage figurent dans la documentation que nous avons apportée à votre intention.

    Premièrement, il faut bien comprendre que contrairement à tout autre problème de santé que nous tentons de prévenir, il existe une corrélation parfaite entre l'acquisition du virus et l'apparition du sida. Autrement dit, toute personne qui est infectée par le VIH développera un jour ou l'autre une déficience immunitaire et tombera malade; personne ne peut avoir le sida sans avoir été infecté par le VIH.

    Par conséquent, chaque fois que nous réussissons à prévenir une infection par le VIH, nous nous trouvons à prévenir un cas de sida, avec tout ce que cela suppose de frais médicaux, de coûts sociaux et de souffrance personnelle, sans compter le risque de propagation. Dans le cas du VIH/sida, la prévention a des retombées immenses.

    Aujourd'hui, bien que nous puissions prévenir la transmission du VIH et que nous ayons réussi à réduire les taux d'infection par rapport à ce qu'ils étaient il y a dix ans, il y a encore malheureusement quelque 4 000 personnes qui sont infectées chaque année par le VIH. Nous devons absolument tout mettre en oeuvre pour réduire à zéro si possible le taux d'infection.

    La stratégie fédérale sur le VIH/sida a été établie en 1993, avec un budget de 42,2 millions de dollars. Quand il était dans l'opposition, le Parti libéral a critiqué ce budget, le trouvant insuffisant, mais à cause des efforts visant à enrayer le déficit, il n'a pu augmenter ce budget depuis 1993. Nous luttons contre le VIH/sida depuis 10 ans avec un budget fixe alors que les difficultés n'ont cessé d'augmenter.

    On évalue actuellement à 54 000 personnes le nombre de personnes infectées par le VIH au Canada. Le nombre réel de cas est sans doute supérieur, car il y a probablement de 10 000 à 20 000 personnes qui viennent de contracter l'infection, n'ont pas subi le test de dépistage et ignorent leur état. Au moment où le gouvernement fédéral a établi un budget de 42,2 millions de dollars, il y avait seulement 30 000 personnes séropositives au Canada. Le nombre de cas a presque doublé, et pourtant nous fonctionnons encore avec le budget d'il y a 10 ans.

    De plus, l'épidémie est devenue beaucoup plus complexe et pose beaucoup plus de défis. Les personnes qui contractent l'infection aujourd'hui au Canada sont plus difficiles à rejoindre; ce sont des clientèles marginalisées et laissées pour compte qui nécessitent une prévention ciblée et beaucoup d'efforts de la part des intervenants. Je pense tout particulièrement aux jeunes, aux femmes pauvres, aux Autochtones, aux habitants de quartiers pauvres des villes, aux jeunes de la rue, aux itinérants et aux détenus.

    Au cours des 10 dernières années, nous avons fait des progrès considérables au chapitre des traitements à l'intention des personnes infectées par le VIH. Tout le monde a entendu parler des cocktails médicamenteux que les sidéens doivent prendre. D'ailleurs, certains de ces patients vous adresseront la parole aujourd'hui. Ces médicaments ont cependant amélioré de façon extraordinaire la qualité de vie des personnes séropositives. Dans certains cas, des gens qui étaient à l'article de la mort sont redevenus producteurs et ont pu recommencer à vivre normalement.

    Malheureusement, ces cocktails de médicaments sont très compliqués et ont des effets secondaires terribles. De plus, le virus développe une résistance à ces médicaments. Pour ces raisons, nous arrivons à ce que j'appellerais la fin de la lune de miel avec ces traitements médicamenteux complexes et, à moins que de nouveaux médicaments soient homologués, les thérapies actuelles ne pourront plus rien pour un certain nombre de malades.

    Mon hôpital, le St. Paul's Hospital de Vancouver, traite plus de personnes séropositives que la plupart des autres hôpitaux du pays. Vers le milieu des années 80, le nombre de malades hospitalisés pour le sida est tombé à 10 ou à 15 patients à certains moments, mais quand j'ai quitté Vancouver pour venir ici, il y avait 41 sidéens dans l'hôpital. Le nombre de sidéens hospitalisés a presque triplé.

¹  +-(1540)  

    Vous savez sans doute que l'épidémie explose dans certaines parties du Canada. Ainsi, au centre-ville de Vancouver, ce qu'on appelle en anglais le «downtown east side», le quartier où j'effectue mes recherches, nous avons découvert des taux d'infection de pas moins de 40 p. 100 chez certaines tranches de la population. On ne trouve de pareils taux d'infection nulle part au monde sauf au Botswana, en Afrique du Sud, en Zambie et en Afrique centrale et sahélienne. Nous avons au Canada des taux d'infection équivalents à ceux des pays en développement. Ce qui est pire, c'est que plus de 90 p. 100 de ces personnes sont atteintes d'hépatite C. Or, le traitement d'une personne porteuse à la fois du VIH et du virus de l'hépatite C est extrêmement compliqué, en raison de la complexité du régime médicamenteux, des effets de ces médicaments sur le foie et de leurs interactions avec d'autres médicaments. Nous devons donc composer avec toutes ces difficultés.

    Il faut renouveler et redoubler nos efforts pour vaincre le VIH pour beaucoup de raisons, dont certaines sont d'ordre humanitaire et sociale, mais d'autres sont d'ordre économique. J'ai souligné l'escalade des coûts du traitement de l'infection par le VIH. D'après une étude très rigoureuse réalisée il y a trois ou quatre ans, le traitement de chaque cas de SIDA coûterait environ 150 000 $, mais ce chiffre est dépassé. Si on menait cette étude aujourd'hui, le chiffre serait beaucoup plus élevé. Aujourd'hui même, la FDA des États-Unis a homologué le dernier médicament contre le VIH, le Fuzeon. C'est un nouveau type de médicament doté d'un nouveau mécanisme d'action, et le prix initial du traitement d'une personne est de 20 000 $US ou 30 000 $ canadiens par année. C'est plus de quatre fois le coût de n'importe lequel des médicaments que nous avons en ce moment. D'autres médicaments, meilleurs que ceux que nous avons, sont en préparation, mais ils coûteront cher.

    Ainsi, si 4 000 Canadiens sont infectés par le VIH chaque année au Canada, cela revient à ajouter, au bas mot, 600 millions $ à notre facture de frais médicaux. Au fur et à mesure que ces médicaments évolueront, les coûts grimperont en flèche. Comme la facture augmente de 600 millions $ par année, il n'est guère étonnant que les provinces demandent au gouvernement fédéral de les aider à financer leur régime de soins de santé, puisqu'on ne peut prévenir une telle escalade des coûts.

    Investir dès maintenant dans la lutte contre le VIH/sida serait une mesure judicieuse non seulement sur le plan social mais également sur le plan économique. C'est ce que je disais déjà il y a 10 ans et nous voici maintenant confrontés à la perspective d'une augmentation annuelle des coûts de l'ordre de 600 millions $. Il faut éviter à tout prix d'avoir à faire face à une facture trois ou quatre fois plus grosse dans dix ans, parce que le nombre de personnes séropositives pourrait doubler. Voilà pourquoi nous demandons au gouvernement d'agir. Nous savons que la situation économique du pays n'a pas toujours permis d'augmenter ce budget qui remonte à dix ans, mais nous estimons que le moment est venu de nous attaquer à ce fléau.

    En terminant, j'aimerais rappeler certains faits. À l'heure actuelle, le sida ne se guérit pas, mais il y a des gens qui pensent le contraire. Les cocktails médicamenteux réussissent à garder les malades en vie et à améliorer leur qualité de vie, mais ils ne guérissent pas le sida. L'épidémie n'est pas maîtrisée, et comme je le signalais, elle se propage à nos citoyens les plus défavorisés.

    On peut cependant se réjouir des progrès importants réalisés jusqu'à maintenant grâce aux fonds liés à la stratégie. Nous avons participé à des recherches internationales et contribué à la mise au point de certains des traitements actuels. Grâce à nos activités de prévention et à l'action communautaire, nous avons probablement réduit le taux d'infection qui, autrement, aurait probablement été beaucoup plus considérable.

    Malheureusement, il reste beaucoup à faire et nous devons redoubler d'efforts. Nous ne pouvons pas accepter que 4 000 personnes contractent l'infection par le VIH chaque année au Canada, et encore moins les risques de propagation que cela comporte.

    Nous demandons instamment au gouvernement fédéral de revoir ce budget qui remonte à dix ans et de comprendre l'énormité des défis que nous devons relever, notamment la complexification de l'épidémie et le fardeau de la maladie pour les personnes séropositives, et de relever le niveau de financement pour essayer de corriger un budget qui n'a pratiquement pas bougé depuis dix ans.

    Merci de votre attention.

¹  +-(1545)  

+-

    La présidente: Merci, docteur Schechter.

    Nous passons maintenant au témoignage de Mme Louise Binder du Conseil canadien de surveillance et d'accès aux traitements/Voices of Positive Women.

    Vous avez la parole, madame Binder.

+-

    Mme Louise Binder (présidente, Conseil canadien de surveillance et d'accès aux traitements / «Voices of Positive Women»): Bonjour et merci de nous avoir tous invités à prendre la parole devant votre comité.

    J'aimerais vous raconter une histoire qui, à mon avis, fait ressortir les raisons pour lesquelles nous devons renouveler et améliorer la Stratégie canadienne sur le VIH/sida.

    J'ai appris que j'étais séropositive il y a un peu plus de 10 ans. Cela m'a sidérée, parce que j'avais été mariée pendant plus de cinq ans et que j'avais eu le même partenaire pendant plus de huit ans.

    J'avais divorcé trois ans auparavant, parce que mon mari avait changé littéralement du jour au lendemain pendant notre mariage, et je n'avais jamais compris pourquoi. Quand on m'a donné le diagnostic, j'ai instantanément tout compris. Il avait appris qu'il était séropositif pendant que nous vivions ensemble et cela l'avait bouleversé et déprimé, tout comme moi maintenant. Il ne m'a jamais informée de son diagnostic pendant notre vie commune, et il est décédé il y a plus de sept ans.

    Mon médecin de famille m'a communiqué le diagnostic au téléphone. Elle semblait ne pas savoir plus que moi quoi faire. J'ai au moins réussi à la convaincre de me mettre en rapport avec un hôpital qui avait une clinique de traitement des maladies infectieuses. J'ai la chance d'habiter une grande ville où il y a des établissements de santé dotés de spécialistes qui comprennent cette maladie complexe et savent comment la traiter.

    Au moment de mon diagnostic, il n'existait pas de traitements efficaces. On m'a donc conseillée de mettre de l'ordre dans mes affaires et de me préparer à mourir, m'expliquant que j'avais de deux à quatre années à vivre. Heureusement, j'ai trouvé un bon système de soutien et j'avais assez d'argent, grâce à un système d'assurance médicale et à des prestations d'invalidité prolongée, pour obtenir d'excellents soins, y compris pour me faire soigner pendant un certain temps par un médecin de New York.

    J'ai mis très peu de gens au courant de mon état, parce que j'avais peur de perdre mon emploi et mes amis, et peut-être même le soutien de ma famille. Par chance, une de mes proches amies avait entendu parler d'une organisation appelée Voices of Positive Women. C'est la seule organisation de lutte contre le sida au Canada qui soit gérée par des femmes séropositives.

    J'ai adhéré à un groupe d'entraide relevant de cette organisation. On m'a recommandée à des médecins et on m'a parlé des effets cliniques portant sur les médicaments qui existaient à ce moment-là. Malgré tout, mon état de santé s'est détérioré. Mon système immunitaire s'est détraqué et j'étais si fatiguée que je ne pouvais presque rien faire. À 42 ans, j'ai dû cesser de travailler.

    Mes perspectives d'avenir étaient sombres. Puis tout à coup, en 1996, il y a eu une percée d'un traitement du sida. Une nouvelle catégorie d'anti-rétroviraux a été mise au point et les scientifiques ont constaté que leur association aux médicaments déjà existants pouvait être efficace. J'ai eu la chance d'avoir accès très tôt à cette polythérapie. Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre. J'étais terrifiée parce que je savais qu'il s'agissait d'une chimiothérapie à vie, mais je savais aussi que j'allais mourir si je ne faisais rien.

    Comme vous voyez, je ne suis pas morte. Même qu'après un certain temps, je me sentais assez bien pour faire du bénévolat. Je me suis sentie de nouveau utile et j'ai eu l'impression de faire partie de la société, ce qui a été bénéfique pour ma santé. J'ai parlé publiquement de mon état afin de sensibiliser les gens. Très peu de gens, et encore moins de femmes, sont capables de le faire; elles craignent d'être stigmatisées et que leur famille, particulièrement leurs enfants, en souffrent. J'ai décidé que j'avais la responsabilité de parler au nom de ces gens. Certaines personnes ont coupé les ponts avec moi parce que je suis séropositive, mais je pense que c'est tant pis pour eux.

    Pendant les sept années qui ont précédé ma décision de faire du bénévolat, j'ai éprouvé différents problèmes de santé causés par les médicaments puissants que je dois prendre. Le pire de ces problèmes est la lipodystrophie, dont j'ai été affligée pendant un certain temps. Il s'agit d'une redistribution de la graisse corporelle, qui s'accompagne d'une élévation alarmante du taux de cholestérol et des triglycérides.

    J'ai apporté avec moi une photographie, que je pourrai vous montrer tout à l'heure, pour montrer à quel point cette chimiothérapie a modifié mon apparence. J'ai engraissé de 30 livres pratiquement du jour au lendemain et je courais un très grand risque de maladie cardiaque.

    Malgré tout, j'ai encore une fois eu de la chance. Certains de mes amis ont eu des crises cardiaques à cause de ces médicaments. D'autres ont des lésions graves du foie et des reins, et dans certains cas ont besoin d'une greffe du rein. Dernièrement, j'ai recommencé à aller à des funérailles.

¹  +-(1550)  

    Les médicaments ne sont pas parfaits. Du reste, comment une chimiothérapie à vie pourrait-elle ne pas avoir d'effets nocifs? Ce qui est très alarmant, c'est qu'à cause des effets de ces médicaments, plusieurs femmes de ma connaissance ont refusé ou cessé de les prendre au moment même où le taux d'infection augmente chez les femmes.

    Je continue à travailler bénévolement pour Voices of Positive Women. J'ai vu le nombre de nos membres grimper de 30 à plus de 650 femmes. Nous voyons maintenant des femmes séropositives de tous les groupes d'âge, de toutes les couches socio-économiques, de tous les milieux ethniques et raciaux.

    En Amérique du Nord et au Canada, l'épidémie de sida ne touche plus seulement la communauté gaie et est désormais manifeste dans toute la population. Il faut rappeler qu'au moment où le budget de la stratégie a été établi, les mesures ne ciblaient que la communauté gaie. Voilà pourquoi, à mon avis, il faut accorder de nouveaux fonds pour la stratégie. Je sais bien qu'il y a d'autres maladies qui doivent également être combattues, mais je pense que les groupes qui luttent contre les différentes maladies et invalidités ne doivent jamais rivaliser pour obtenir des fonds. Cependant, le sida est une maladie différente des autres sur plusieurs plans.

    Premièrement, cette maladie peut être prévenue pour peu que l'on prenne les moyens nécessaires. Deuxièmement, l'épidémie de sida tue des citoyens jeunes et productifs. Troisièmement, cette épidémie a d'autres dimensions, outre la dimension médicale. Le VIH s'attaque aux pauvres, aux sans-abri et aux personnes peu scolarisées. Quatrièmement, les personnes infectées par le VIH sont stigmatisées, si bien que dans bien des cas elles n'osent pas révéler leur état.

    J'ai essayé de vous montrer comment ces caractéristiques propres à l'infection par le VIH m'ont affectée, mais je ne suis qu'une des 54 000 personnes séropositives au Canada. Il faut faire savoir sans équivoque que la Stratégie canadienne sur le VIH/sida a été un outil précieux, pas seulement pour moi, mais pour toutes les Canadiennes et tous les Canadiens infectés par le VIH, de même que pour tous ceux et celles qui luttent contre cette maladie cruelle au Canada.

    Grâce à cette stratégie, beaucoup de vies ont été sauvées et beaucoup de gens ont été traités par des médicaments que nous devons à l'excellence des chercheurs canadiens. Les interventions prévues par la stratégie ont donné d'excellents résultats pour le premier groupe de personnes infectées: les hommes ayant des rapports homosexuels. Ce travail doit se poursuivre. Il faut éduquer et traiter la nouvelle génération d'hommes gais comme on l'a fait pour la précédente.

    J'espère que mon histoire personnelle aura montré qu'il n'y a pas de solution unique, particulièrement pour les autres clientèles qu'il faut cibler au chapitre de la prévention, des soins, des traitements, du soutien, du développement communautaire, de la recherche et des droits de la personne.

    Avant d'être infectée, je ne savais pas que les femmes étaient menacées par le VIH. La plupart des femmes n'en sont pas encore conscientes. Il faut tracer des stratégies de prévention expressément à leur intention et à l'intention de chacune des autres populations à risque. Je vous assure que ces autres populations dans leur ensemble ne savent rien du risque posé par le VIH. Nous perdons nos jeunes, nos Autochtones, les gens originaires de pays où le VIH sévit à l'état endémique. Il faut de toute urgence concevoir des stratégies de prévention conçues pour chacune de ces catégories de personnes.

    Il faut également faire des recherches et concevoir des traitements axés sur chacune de ces populations. Les nouveaux traitements et polythérapies sont complexes et doivent être adaptés à chaque personne; beaucoup de questions à leur sujet sont encore sans réponse. Par exemple, pourquoi est-ce que les femmes réagissent aussi fortement aux antiviraux? Nous prescrit-on de trop fortes doses? Comment harmoniser les traitements médicamenteux et les façons autochtones traditionnelles de soigner? Comment renseigner la population au sujet des nouveaux traitements? Comment trouver la polythérapie qui convient le mieux à chaque personne?

    Les stratégies de prévention et de traitement sont inséparables. Si les traitements ne sont pas efficaces, les mesures de prévention ne donneront pas les résultats escomptés. Les gens ne voudront pas subir un test de dépistage s'ils croient qu'il n'y a pas de traitement efficace dans leur cas. D'autres craindront d'être ostracisés, marginalisés ou de faire l'objet de discrimination parce qu'ils appartiennent à une certaine catégorie de personnes.

¹  +-(1555)  

    Dans une grande mesure, ce sont les groupes communautaires subventionnés par la stratégie qui offrent les soins, le traitement et les renseignements nécessaires. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si, après avoir reçu mon diagnostic, je n'avais pas pu compter sur le soutien d'une organisation d'aide aux femmes séropositives. D'autres catégories de personnes ont également besoin de compter sur des organismes qui connaissent leurs besoins particuliers et peuvent y répondre en tenant compte de leur réalité culturelle. Sans de tels groupes, nous n'arriverons jamais à joindre ces populations. Il reste beaucoup à faire aussi au chapitre des droits de la personne pour mettre fin à la discrimination et à l'ostracisme dont les personnes séropositives sont victimes.

    Malgré tout, l'optimisme est de mise. Il est possible d'enrayer la maladie chez toutes ces populations par la mise en oeuvre de stratégies adaptées à leur culture et à leurs besoins, sur tous les fronts de la lutte contre le VIH: la prévention, la recherche, les soins, les traitements, le soutien et les droits de la personne.

    Le budget établi en 1993 et gelé depuis n'a jamais été calculé en fonction de tout ce travail. Pendant ces 10 années, l'épidémie a fait des petits. On ne parle plus d'une mais bien de plusieurs épidémies. L'augmentation des fonds prévus nous permettra d'empêcher le VIH d'infecter la nouvelle génération et d'aider les personnes séropositives à mener une vie productive, quels que soient leurs besoins personnels. Si j'ai moi-même survécu, c'est en partie grâce à ma bonne étoile. La nouvelle génération a besoin de votre aide pour faire de même.

    Merci.

º  +-(1600)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup, madame Binder.

    Je donne maintenant la parole à Mme Sheena Sargent, directrice générale de la Société du sida YouthCo de Vancouver.

    Madame Sargent.

+-

    Mme Sheena Sargent (coordonnatrice des programmes d'éducation, Société du sida YouthCO): Bonjour et merci.

    Je m'appelle Sheena Sargent et je travaille avec une équipe de jeunes à Vancouver, une organisation du nom de YouthCo. Vous m'avez invitée à venir témoigner sur la situation du VIH et du sida et ses conséquences pour les jeunes Canadiens. Bien que je ne sois pas touchée actuellement par le VIH, je suis une jeune directement touchée par le virus. Je suis ici pour vous dire les progrès réalisés en matière de prévention, de soins, de traitement et de soutien pour les jeunes, et aussi pour vous dire tout le chemin qu'il reste encore à faire.

    Après 20 ans de VIH/sida au Canada, l'âge moyen d'infection continue à chuter tous les ans—23 ans d'après le dernier rapport. Au 31 décembre 2001, un total de 13 029 jeunes âgés de 15 à 29 ans avaient un diagnostic positif de VIH; 620 de ces jeunes sont passés au stade suivant, au sida. Étant donné que beaucoup de ces jeunes sont touchés et infectés pendant l'adolescence ou le début de l'âge adulte, et qu'ils ne sont diagnostiqués que beaucoup plus tard, il est très vraisemblable que ces chiffres sont plus élevés que les rapports ne semblent l'indiquer.

    On dit souvent que le VIH s'attaque aux plus vulnérables. À cause de leur âge, les jeunes sont une population vulnérable. C'est le moment où on se pose des questions, où on façonne son identité; c'est un moment de transition; un moment où on quitte la vie scolaire, sa maison, qu'on assume de nouvelles responsabilités et qu'on vit de nouvelles expériences; c'est le moment où on assume le fardeau des parents et de la collectivité, qu'il s'agisse de questions liées à la pauvreté, à la toxicomanie, aux rapports sociaux entre les sexes, à la sexualité, à l'immigration, à la colonisation; c'est aussi le moment où pour beaucoup de jeunes, le besoin ou le manque d'estime peut grandement influer sur leurs décisions vis-à-vis du sexe et de la drogue. Nous apprenons comment dire non et comment dire oui sur des bases plus sûres et plus salubres.

    Les jeunes sont aussi plus vulnérables aux dangers du VIH à cause des autres réalités de leur vie. Beaucoup font l'expérience de la drogue et de l'alcool et beaucoup de ceux qui sont séropositifs sont infectés par l'usage commun de seringues. L'âge moyen à partir duquel les jeunes commencent à utiliser des seringues est de 21 ans. Il faut aider les jeunes à s'informer sur la manière de s'injecter de la drogue sans danger; cependant, les membres de notre société prêts à reconnaître ce besoin comme une question de santé sont rares.

    Les jeunes qui vivent dans la rue courent un plus grand risque de transmission du VIH s'ils s'injectent aussi de la drogue, qu'ils vivent dans la pauvreté ou qu'ils ont des antécédents d'abus physiques ou sexuels. Pour les jeunes qui vivent dans la rue, affamés, pauvres et sans abri, le VIH ou comment l'éviter est souvent le cadet de leur souci. S'il leur faut vendre leur corps pour manger, pour avoir de l'argent, de la drogue ou un abri, ils n'ont pas les pouvoirs de négociation en matière de relations sexuelles qui leur permettent de se protéger.

    Le nombre de jeunes homosexuels qui, de séronégatifs deviennent séropositifs, continue également d'être alarmant. Les raisons possibles sont nombreuses: les effets de l'homophobie, l'affirmation de l'identité, l'isolation sociale, le manque de vigilance, la résignation et le manque de services adéquats. Ces problèmes sont encore plus inquiétants quand on sait que souvent, les jeunes homosexuels ont leur première expérience sexuelle avec des membres de la communauté homosexuelle plus âgés, plus expérimentés, aux contacts multiples et plus fréquents. Avec leurs pairs ou dans les milieux scolaires et familiaux marqués par le rejet, insister sur l'utilisation de préservatifs devient un autre obstacle à l'amour, la valeur et l'estime de soi sur le plan sexuel.

    Comme ma collègue Mme Binder vient de le dire, les jeunes femmes courent également un risque élevé de contracter le VIH. Près de la moitié des nouveaux cas de VIH chez les jeunes femmes au Canada concernent des femmes de moins de 25 ans. Ce sont plus souvent les hommes qui dominent et contrôlent les relations sexuelles. Il peut être difficile aux jeunes femmes dont les partenaires masculins sont encore une fois plus âgés et plus expérimentés, d'insister pour qu'ils utilisent un préservatif.

º  +-(1605)  

    Les jeunes Autochtones sont aussi très vulnérables. Beaucoup de communautés autochtones continuent à se battre contre les effets de la toxicomanie, de la colonisation, des pensionnats, de la pauvreté et du manque d'accès à des services culturellement appropriés et conçus pour répondre aux besoins de leurs populations diverses. L'infection par le VIH chez des jeunes Autochtones est une des conséquences catastrophiques de ces problèmes.

    Les jeunes qui vivent dans des collectivités rurales ou isolées ont aussi leur propre série de défis à relever. Les jeunes dans les petites communautés ont peur, peut-être à juste titre, de déclarer leur orientation sexuelle, leur identité sexuelle, leur toxicomanie, leur activité sexuelle ou leur séropositivité. L'accès à des services confidentiels de dépistage, de conseils et d'éducation sur le VIH manque souvent cruellement ou est purement inexistant.

    Imaginez-vous la chose suivante: imaginez-vous un jeune confronté à un seul des problèmes que je viens de mentionner. Vous connaissez peut-être même personnellement un jeune confronté à un de ces problèmes. Imaginez que ce jeune est un des 13 000 jeunes au Canada qui est également séropositif, et demandez-vous quels sont les besoins de soutien de ce jeune? Que lui offre le gouvernement? Quand peut-on dire que cette offre est suffisante? Et sur la base des témoignages que vous avez déjà entendus aujourd'hui, qu'est-ce qui manque d'après vous?

    Le taux d'infection chez les jeunes Canadiens montre que les méthodes traditionnelles de prévention, de soins, de traitement et de soutien ne sont pas suffisantes et n'interpellent pas la jeunesse d'aujourd'hui. On n'interpelle pas un jeune de 15 ans de la même manière qu'on interpelle un adulte de 25 ans et encore moins un adulte de 35 ans. Les besoins sont différents.

    La nécessité d'une stratégie sur le VIH/sida à volets multiples n'a jamais été plus grande. Il faut aujourd'hui que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les conseils scolaires, les services correctionnels, de santé et d'immigration, les organismes communautaires et les organisations de lutte contre le VIH/sida s'engagent dans des programmes d'information et de soutien axés sur les jeunes, des programmes réalistes, culturellement et communautairement appropriés.

    Depuis le lancement de la stratégie en 1993, nous avons amélioré nos compétences et nos connaissances sur le VIH et les jeunes. Nous avons beaucoup appris sur la prévention et l'éducation. D'une manière générale, les jeunes savent comment utiliser un préservatif. D'une manière générale, les jeunes savent qu'ils ne doivent pas partager leurs seringues. Mais ce genre d'information n'est pas suffisant en soi. Il nous faut aussi une structure qui permette à des gens comme moi de former des jeunes volontaires dont beaucoup vivent eux-mêmes avec le VIH pour qu'ils puissent aller sans problème dans les écoles, dans les centres de détention et dans les communautés pour expliquer le VIH à leurs camarades.

    Il nous faut une structure qui nous donne les ressources nécessaires pour multiplier les campagnes de prévention destinées aux jeunes, pour passer de la connaissance à un changement de comportement. Nous avons aussi besoin de savoir que notre gouvernement continue à soutenir nos partenariats au niveau de la rue en poursuivant le dialogue en collaboration au niveau interministériel.

    Depuis l'entrée en vigueur de la stratégie, nous avons également pu mettre sur pied des programmes et des stratégies efficaces qui ont un impact direct sur la vie des jeunes séropositifs. Ces jeunes séropositifs vivent désormais plus longtemps et plus en santé avec le virus. Nous savons désormais que le VIH ne constitue plus une sentence de mort. Nous avons besoin aujourd'hui d'une structure qui nous permet d'apprendre comment continuer à nous soutenir les uns les autres pendant les effets secondaires à long terme tels que la dépression, d'apprendre à mieux trouver un équilibre pendant les périodes de transition et de contradiction qui jalonnent nos vies, succession de régimes structurés de cocktails médicamenteux et de préservatifs. Et il nous faut comprendre comment prévenir de manière efficace la propagation de ce virus dans nos communautés et comment continuer à vivre pleinement dans ce pays avec le VIH dans nos corps.

º  +-(1610)  

    Je suis une jeune. Je suis une femme. Je suis Canadienne. J'ai appris à parler du VIH et du sida. Je viens de vous en donner la preuve. J'ai passé 20 ans dans notre système d'éducation publique qui, lui, parle à peine de ce problème. Je vis avec ce problème qui me tient quotidiennement en contact avec notre système de santé public. Je côtoie quotidiennement le danger du VIH et tous les jours je suis accompagnée de mes jeunes amis et de mes jeunes collègues qui sont morts d'overdose, de co-infection, du sida ou qui se sont suicidés. Regardez-moi bien et regardez bien les témoins silencieux assis derrière moi. Ce sont eux les oubliés.

    Je suis touchée par le VIH et le sida et je veux faire changer les choses. Votre comité est touché par le VIH et le sida et il peut aussi changer les choses. Vos enfants, vos nièces et vos neveux et leurs enfants sont tous touchés par le VIH et le sida. Les générations suivantes n'ont pas à l'être. Je vous supplie d'augmenter le budget de la stratégie.

+-

    La présidente: Merci, madame Sargent.

    Nous passons maintenant à la période des questions et des réponses. C'est M. Merrifield qui commencera.

+-

    M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Merci.

    Permettez-moi de vous dire au nom du comité combien nous vous savons gré d'être venus. Merci de ces excellents témoignages. Ils nous ont donné beaucoup d'information que nous n'avions pas. Les témoignages personnels sont d'une très grande valeur pour cette importante étude.

    Le VIH et le sida frappent de nombreux pays. On parle beaucoup de l'énorme problème que pose le sida à l'Afrique. Je ne savais pas que dans certains quartiers de nos propres villes, le risque était peut-être aussi grand que dans certains pays d'Afrique. Je trouve cela alarmant.

    Parlons faits. Sauf erreur, le budget du programme est de 42,2 millions de dollars. C'est le montant qui a été fixé en 1993. Il est réparti en 10 catégories différentes. Examinons pour commencer ces catégories. L'argent dépensé l'est-il dans les bonnes catégories? Le budget est-il suffisamment souple? Y a-t-il des domaines où cela marche mieux que dans d'autres? Si vous aviez plus d'argent, qu'en feriez-vous?

+-

    Dr Martin Schechter: Au début de la dernière stratégie en 1998, l'allocation des fonds dans la stratégie s'est faite sur la base d'une large consultation des intervenants. C'était une procédure excellente proposée par Santé Canada. Nous avons fait de notre mieux pour cibler les domaines avec un budget relativement modeste. Il y a aussi un contrôle permanent qui permet d'ajuster les dépenses.

    En termes de domaines, je dirais qu'il y a aujourd'hui des problèmes dans tous les domaines. Dans le domaine de la prévention, des soins et du soutien communautaire, et s'agissant des populations spéciales dont le gouvernement doit s'occuper, comme par exemple les populations carcérales, les problèmes empirent.

    Du côté de la recherche, même s'il y a eu d'une manière générale augmentation des fonds pour la recherche, ce dont nous sommes fort contents, nous n'arrivons toujours pas à financer tous les travaux importants qui restent à faire. Le taux de succès des subventions accordées est excellent mais cela ne continue à représenter que 30 p. 100 des besoins. Il en reste 70 qui ne sont pas financés.

    Ma réponse est que le financement reste insuffisant dans tous les domaines. Et cela fait déjà un certain temps que cela dure. J'aimerais que l'on procède à une répartition analogue à ce qui se faisait auparavant, avec consultation de tous les intervenants pour déterminer l'importance des besoins et attribuer les fonds en conséquence.

+-

    M. Rob Merrifield: Laissez-moi vous poser la question différemment. Si on vous accordait un montant supplémentaire mais limité, lequel de ces 10 domaines aurait votre préférence?

+-

    Mme Louise Binder: Pour commencer, bien que ce ne soit pas vraiment un conflit d'intérêts, je dois vous avouer que c'est moi entre autres qu'on a consultée pour diviser la moitié de budget la dernière fois. Vous ne pouvez imaginer combien cela a été difficile car je savais que quoi que je fasse personne n'aurait son compte. Je le dis aussi à ceux que je représente. Si vous voulez vous en prendre au messager, vous pouvez commencer par moi.

    Nous poser cette question revient encore une fois à nous dire que nous n'aurons toujours pas tout ce qu'il nous faut pour tout faire. C'est encore un choix impossible, mais il faut le faire. C'est comme ça.

º  +-(1615)  

+-

    M. Rob Merrifield: Je devrais peut-être mieux m'expliquer. Comme vous l'avez très éloquemment expliqué, c'est une maladie contre laquelle on peut complètement se prémunir. Donc, faut-il donner la priorité à la prévention, au traitement ou à la recherche? C'est le genre de...

+-

    Mme Louise Binder: Aux trois.

+-

    M. Rob Merrifield: Aux trois. Absolument! Cela ne fait aucun doute et c'est ce que nous faisons. Ce que je veux dire...il y a maintenant 44 000 nouvelles victimes par an. Si nous voulons trouver une solution... Personne, je pense, ne conteste la gravité du problème, sa gravité potentielle, au Canada, mais il reste que les fonds sont limités. Nous le savons tous aussi. C'est dans ce contexte que je pose ma question.

+-

    Dr Martin Schechter: C'est une bonne question, mais on ne peut pas différencier entre la prévention, le traitement, les soins et le soutien. Par exemple, quand on traite quelqu'un atteint du VIH et qu'on lui donne ses cocktails de médicaments efficaces, le niveau du virus dans son sang devient indétectable et il n'est donc plus infectieux. Traiter, soigner et soutenir ceux qui sont déjà atteints, c'est faire de la prévention car pour être atteints il faut l'avoir attrapé de quelqu'un d'autre.

    Il n'y a donc pas de division nette entre la prévention et le traitement.

+-

    M. Rob Merrifield: Je comprends un peu mieux car c'est une chose que j'ignorais. Je suis sûr que c'est une question d'éducation.

    Pour revenir aux 44 000 personnes atteintes chaque année—je suppose que ma question s'adresse à Sheena, et vous y avez peut-être fait allusion, mais je n'ai pas entendu—quel pourcentage par année à votre niveau...?

+-

    Mme Sheena Sargent: Parfait, une petite question de chiffres à laquelle je ne m'attendais pas.

+-

    M. Rob Merrifield: Je n'essaie pas de vous mettre sur la sellette, j'essaie simplement...

+-

    Mme Sheena Sargent: Non, non, pas de problème.

    Martin, vous connaissez peut-être ces chiffres?

+-

    Dr Martin Schechter: Je ne peux pas vous donner le chiffre exact. Si l'âge moyen est de 23 ans, cela veut dire qu'au moins la moitié ont 23 ans ou moins.

+-

    M. Rob Merrifield: Vous ne constatez pas de pourcentage disproportionné chez les jeunes. C'est la question que je me pose. Est-ce que c'est chez eux qu'il y a le plus grand nombre de victimes?

+-

    Mme Louise Binder: J'ai peut-être quelque chose à vous offrir, du moins du côté des femmes. Environ 26 p. 100 des nouvelles victimes aujourd'hui sont des femmes mais chez les jeunes, les femmes représentent 51 p. 100. Donc...

+-

    M. Rob Merrifield: Quel que soit le chiffre, cela touche plus les jeunes.

+-

    Mme Louise Binder: Exactement. C'est assez énorme. C'est énorme chez les jeunes.

+-

    M. Rob Merrifield: Et quand vous êtes en traitement, le coût des médicaments est pris en charge. Est-ce que c'est différent d'une province à l'autre? Je sais, mais c'est un gros problème dans la région de Vancouver, je comprends, et je crois que deux d'entre vous viennent de là-bas. Louise, vous êtes de Toronto.

    En Colombie-Britannique, par exemple, quelle est la prise en charge de ces cocktails de médicaments?

+-

    Dr Martin Schechter: Je peux vous dire qu'actuellement le Centre pour l'excellence de Colombie-Britannique, qui coordonne la fourniture de médicaments pour le VIH en Colombie-Britannique, consacre approximativement 32 millions de dollars par an aux seuls médicaments. C'est pratiquement le budget de toute la stratégie fédérale dépensé dans une seule province, seulement pour les médicaments. Cela ne comprend pas les visites de médecin, les hospitalisations, les soins aux urgences. C'est le budget pour les médicaments et il augmente tous les ans.

+-

    M. Rob Merrifield: Est-ce que le coût est entièrement pris en charge par la province ou est-ce qu'il y a un ticket modérateur ou...

+-

    Dr Martin Schechter: Cela varie de province en province en fonction des plans provinciaux.

+-

    M. Rob Merrifield: Il doit aussi y avoir des régimes privés.

    Votre témoignage était excellent et nous vous sommes gré d'être venus et de nous avoir expliqué la situation.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Merrifield.

    Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Merci.

    En vous écoutant, j'étais très heureux du partage de l'information, mais j'ai eu un sentiment de retour en arrière parce qu'en 1995, j'avais déposé une motion au Comité permanent de la santé pour créer un sous-comité sur le sida, en lien avec l'accès aux médicaments dans le cadre d'essais cliniques par les compagnies pharmaceutiques. Je me rappelle avoir lu un excellent document de Louise Binder qui m'a tout appris ce que je devais savoir comme député, à la base même sur cette question-là. J'ai d'ailleurs conservé ce document. Aujourd'hui, même si le sida est passé de maladie mortelle à maladie chronique, je constate qu'il n'y a pas tant de progrès qui ont été réalisés.

    Alors, je vous pose quatre brèves questions. Est-ce que Martin pourrait nous faire le point sur la question des vaccins? Quels sont les espoirs qu'on doit entretenir? Y a-t-il des espoirs au niveau canadien? Y a-t-il des espoirs au niveau international?

    Deuxième question. J'ai appris qu'il y avait une attitude détestable de la part de fonctionnaires de Santé Canada qui harcèlent les groupes communautaires. Il y a beaucoup de contrôle pour les petits montants qui sont demandés. Puisqu'ils viendront devant nous mercredi, souhaitez-vous informer le comité d'attitudes de contrôle exagéré de la part de fonctionnaires de Santé Canada?

    Troisièmement, si vous aviez à fixer un montant... Je crois avoir vu des documents de la Coalition canadienne de la santé où vous réclamez à peu près 55 millions de dollars. Est-ce que je suis à jour? Si on fait des recommandations, ce serait agréable d'avoir un montant; 42 millions de dollars, c'est ridicule, mais qu'est-ce que vous souhaiteriez voir recommander? Commençons par ça.

º  +-(1620)  

+-

    Dr Martin Schechter: Pardonnez-moi, je vais répondre en anglais.

[Traduction]

    Pour les vaccins, vous avez probablement entendu parler d'un essai de vaccin dernièrement, un des premiers essais jamais réalisés. Les résultats ont été analysés et malheureusement, ils ne sont pas concluants, mais ce n'est pas forcément une nouvelle complètement mauvaise. Tout d'abord, cela veut dire qu'il y a des essais de vaccins. Nous sommes prêts, nous pouvons le faire et nous savons qu'il y a beaucoup de candidats-vaccins à étudier.

    Or il se trouve que le Canada a la chance de compter des scientifiques remarquables dans les domaines de l'immunologie et du développement de vaccins. D'après moi, il est tout à fait possible qu'un des vaccins qui seront découverts au cours des cinq prochaines années le sera au Canada, si nous avons les fonds pour la recherche.

    Deuxièmement, il faut être prêt à essayer les vaccins, ce qui veut dire pouvoir trouver un nombre suffisant de personnes prêtes à se soumettre à ces essais de vaccins. Il y a toute une question de préparation auprès des collectivités, car participer à un essai de vaccin ne ressemble à rien d'autre. À partir du moment où vous prenez le vaccin, vos examens sanguins deviennent VIH positif, il faut donc accepter de devenir «VIH positif» du simple fait de participer.

    Je dois dire que je suis optimiste et c'est la raison pour laquelle je pense que les cinq ou dix prochaines années vont être en vérité très importantes et très passionnantes du côté de la recherche. Il y aura des progrès majeurs au niveau des vaccins. Nous ferons des essais de candidats-vaccins au Canada en partenariat avec d'autres pays. Le Canada devrait s'associer à cet effort international et pourrait en être le chef de file à cause de la qualité de ses scientifiques.

    Vous voulez ajouter quelque chose?

+-

    Mme Louise Binder: C'est une question de contrôle et d'administration de Santé Canada. Qu'est-ce que je peux vous en dire? D'après moi, tous les ministères souffrent de bureaucratie. Ce ministère en souffre-t-il plus ou moins que les autres? Je n'en sais rien. Serait-il possible de rationaliser les procédures? Bien sûr.

    Cela dit, d'une manière générale, quand on aborde ces questions avec Santé Canada et quand on leur signale des exemples, généralement, quand on arrive à leur parler directement, il est facile de leur faire comprendre comment rendre leurs procédures moins onéreuses. Mais cela prend du temps. Il faut discuter de chaque point avec eux et je ne sais pas toujours quoi faire.

    Bien entendu, il y a toujours de meilleures solutions. Nos demandes de financement pourraient être examinées et évaluées plus rapidement, par exemple. Cela ne veut pas dire que je sois contre les contrôles, tout au contraire. Il n'y a pas beaucoup d'argent, nous voulons qu'il soit bien dépensé, je ne suis donc pas du tout contre les contrôles. Mais une fois accordé, nous devrions faire ce que nous voulons avec cet argent. Il faut trouver un juste milieu.

    Oui, parfois cela dépasse un peu ce que j'aurais espéré.

º  +-(1625)  

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: J'aimerais poser tout d'abord deux courtes questions concernant les vaccins.

    Est-ce que l'industrie pharmaceutique est associée à cette recherche-là?

    Sur la question des accès humanitaires, est-ce que ça pose toujours problème? J'avais même déposé un projet de loi.

    Avez-vous une idée du montant qu'on devrait recommander au gouvernement? Est-ce 55 millions de dollars, 60 millions de dollars? C'est sûr que ce n'est pas facile à déterminer parce que le diabète, la fibrose et toutes les maladies veulent avoir des fonds consacrés et que les ressources sont limitées. Mais tant qu'à faire une révision de la stratégie, autant avoir une idée. Moi, j'avais vu le chiffre de 55 millions de dollars, il y a peut-être trois ans de cela. Ça doit certainement être indexé, donc c'est probablement rendu à 60 millions de dollars.

    Ne soyez pas timides dans vos demandes. Ça ne veut pas dire qu'elles vont être entendues, mais au moins, ce sera précis dans le rapport.

[Traduction]

+-

    Dr Martin Schechter: Permettez-moi de répondre à la partie de votre question sur le montant. Je crois que le chiffre de 55 millions que vous citez correspond à l'époque où le gouvernement de Brian Mulroney avait annoncé un niveau de financement de 42,2 millions de dollars et qu'une coalition de groupes communautaires et de l'opposition avaient dénoncé ce chiffre comme insuffisant et avait proposé 55 millions de dollars pour l'année 1993. Je crois que c'est l'origine de ce chiffre.

    Nous ne voulions pas avancer un chiffre au hasard. Il y avait eu le rapport commandé par le conseil ministériel sur le VIH/sida, le rapport Spigleman que vous avez en main, je crois. Son titre était «Faire le point», et c'est une analyse soignée... Nous pouvons vous faire parvenir des exemplaires si vous n'en avez pas.

    Ce rapport remonte à janvier 2001. Il contient une analyse des besoins et aussi une étude comparative internationale entre les dépenses du Canada et celles d'autres pays industrialisés.

    Je peux vous dire que l'Australie, qui vit un problème de VIH moins important que le Canada et qui a fait un meilleur travail en matière de prévention, consacre à chaque victime du VIH 2 000 $ australiens par an. Il suffit de faire un ajustement pour avoir une idée de l'épidémie.

    Les États-Unis d'Amérique consacrent plus de 9 000 $CAN par an à chaque victime du VIH.

    Cela fait donc 2 000 $ en Australie, 10 000 $ aux États-Unis et devinez ce que le Canada dépense: 800 $. Ce rapport est fondé sur une analyse de la relativité de la priorité que nous accordons à cette question et ce que nous y consacrons, ainsi que les besoins non satisfaits. Le chiffre de 85 millions de dollars a été avancé et c'est le chiffre que nous avons accepté sur la base de cette étude. C'est le chiffre que nous proposons.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Ménard.

    Madame Fry.

+-

    Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

    Ces témoignages étaient excellents et je tiens à vous remercier d'être venus.

    Réal a en fait posé la question que je voulais poser qui concernait les vaccins. Quant à vous, Martin, vous avez répondu à la question sur le chiffre, c'est-à-dire 85 millions de dollars.

    Faudrait-il l'accompagner d'une clause d'indexation? En d'autres termes, si on parle pratiquement du triple du montant pour les personnes infectées pour la seule Colombie-Britannique et que vous parlez de montants pour personnes infectées en Australie et aux États-Unis, devrait-il y avoir une clause d'indexation qui permettrait d'augmenter le montant par personne infectée chaque année? La corollaire évidente, ce serait une diminution s'il y a diminution du nombre de personnes infectées, chose à laquelle on pourrait peut-être penser. C'est ma première question.

    Ma deuxième question s'adresse à Sheena et est la suivante. Y a-t-il au Canada une province ou un territoire qui offre dans ses écoles un programme complet de prévention et d'éducation, et dans l'affirmative, est-il dispensé par des jeunes? D'après moi, c'est le seul moyen de réussir.

    Troisièmement—et répondra qui voudra—la grosse question, c'est l'augmentation du coût des médicaments, de l'arrivée de nouveaux médicaments sur le marché, des traitements et du soutien communautaire, étant donné qu'aujourd'hui les gens vivent plus longtemps, et plus longtemps grâce au genre de soutien communautaire existant, seriez-vous favorables à une autre clause d'indexation pour la nouvelle génération de médicaments? J'aimerais que vous me disiez ce que vous proposez pour cette indexation.

    Sachez que je suis de tout coeur avec vous.

    J'aimerais Martin que vous me parliez un peu de la tuberculose, qui est l'une des infections les plus opportunistes qui n'a besoin ni de sang ni de fluide corporel pour être transmise; on peut attraper la tuberculose simplement en croisant un tuberculeux dans la rue. Nous sommes tous vulnérables devant des infections opportunistes comme la tuberculose, qui connaît une certaine recrudescence. C'est un problème plus grand que celui des séropositifs.

º  +-(1630)  

+-

    Dr Martin Schechter: Je vous remercie de votre excellente question.

    Je ne suis pas sûr de la façon dont le gouvernement pourrait traiter la question de l'indexation des coûts ou du rajustement des fonds. Je crois que c'est au gouvernement d'y répondre.

    Il ne fait aucun doute que si vous avez un problème et que vous établissez un budget d'un certain montant sans le modifier pendant 10 ans alors que nous savons pertinemment que le problème s'est aggravé, cela n'est pas logique—à mon sens. J'ignore quelle est la solution pour ce qui est du mécanisme, mais si le taux d'infection diminue, je dirais que ces mesures fonctionnent et, donc, qu'il faut les accroître. C'est là l'objectif. L'objectif n'est pas d'accroître le nombre de personnes atteintes de l'infection et d'accroître le budget, mais d'éliminer ce problème. La prévention des infections est d'une importance primordiale pour mettre fin au cycle que vous venez de décrire.

    C'est pourquoi je considère qu'en matière de financement, la question n'est pas de savoir combien vous avez cette année à consacrer à ce problème, mais combien vous êtes disposé à dépenser l'année prochaine ou l'année d'ensuite. C'est une question très simple. Voulez-vous dépenser 42 millions supplémentaires cette année pour atteindre un budget de 85 millions de dollars ou voulez-vous dépenser 600 millions de dollars pour chaque année supplémentaire?

    C'est comme l'annonce pour le filtre à huile—vous pouvez me payer maintenant ou vous pouvez me payer plus tard. Pourquoi les provinces font-elles appel sans relâche au gouvernement fédéral? Parce qu'elles croulent sous le fardeau du système de soins de santé en raison des infections que nous n'avons pas prévenues il y a 10 ans et que nous devons maintenant traiter à l'aide de médicaments qui coûtent 30 000 $ par année. Prévenons donc les nouvelles infections maintenant afin que les provinces ne fassent pas appel à vous dans 10 ans pour vous demander de traiter 50 000 personnes supplémentaires infectées par le VIH. C'est à mon avis l'argument qu'il faut invoquer en matière de financement.

    Comme je l'ai dit, nous sommes en train d'entrer dans une ère extrêmement intéressante. On a fait beaucoup de travail sur les vaccins. Il y a beaucoup de travail qui se fait partout dans le monde tant dans le secteur privé qu'au sein du gouvernement. Je crois qu'au cours des cinq prochaines années, nous allons constater des progrès importants en ce qui concerne les vaccins.

    Je considère que le Canada peut être un chef de file à l'échelle internationale. Nous avons apporté d'importantes contributions aux efforts déployés dans le monde pour lutter contre le VIH grâce aux découvertes que nous ont permis de faire nos recherches au Canada. Le pays peut être très fier de certains des médicaments que nous avons mis au point et des travaux cliniques que nous avons effectués. Je crois que nous pouvons aussi être des chefs de file dans le domaine du développement de vaccins.

+-

    Mme Louise Binder: J'aimerais simplement faire quelques observations qui sont directement liées à cette question.

    Nous nous sommes très bien débrouillés au début lorsque nous avons consacré des sommes importantes à la prévention axée sur la population gaie qui, d'après ce que nous avions compris, était la population touchée par le virus. Il s'agit encore une fois de reproches que je m'adresse à moi-même jusqu'à un certain point, mais lorsque la fois d'ensuite nous avons examiné l'utilisation que nous ferions de ces fonds une fois qu'ils seraient disponibles, nous avons constaté que nous avions fait un bon travail de prévention et nous nous sommes dit que nous n'avions plus besoin de consacrer autant d'argent à la prévention étant donné que nous avions de nouveaux traitements et des nouvelles recherches.

    Nous pensions que nous avions obtenu des résultats, que nous avions fait un excellent travail en matière de prévention et que le problème était réglé donc nous l'avons mis de côté. Je suppose que c'est la nature humaine.

    Maintenant, nous constatons que les cas de VIH augmentent au sein de cette population parce que nous nous sommes trompés. Le fait est que la prévention n'est pas une mesure ponctuelle. Il faut transmettre le message continuellement à la population originale et bien entendu maintenant à toutes les autres populations où sévissent des épidémies. Mais si on compare l'argent que l'on consacre à la prévention et l'argent que l'on verse pour traiter chaque infection, le ratio coûts-avantages indique nettement qu'il faut poursuivre ce travail de prévention.

    Cela dit, il faut aussi se tenir au courant des derniers traitements et des dernières recherches. Car inversement, les gens ne s'intéresseront pas aux efforts de prévention s'ils considèrent qu'il n'y a pas de traitements; cela va de pair. Mais le fait est que vous consacrerez moins d'argent aux traitements à long terme parce que vous sauverez un grand nombre de gens grâce à la prévention. Il faut donc maintenir cet équilibre, mais je tiens à vous dire que même si vous dépensez plus au départ, avec le temps, vos coûts totaux seront beaucoup moins élevés.

    Bien entendu, je pourrais aussi dire que modifier les lois internationales sur la protection des brevets permettrait de remédier au problème du prix des médicaments, mais il s'agit peut-être d'une question qui intéresse un comité différent.

º  +-(1635)  

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Madame Bennett, vous avez la parole.

+-

    Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci beaucoup.

    Est-ce que vous incluez l'argent consacré à la recherche dans la stratégie sur le sida? Que faites-vous de l'argent qui est destiné aux IRSC? Ces fonds sont-ils soustraits des montants destinés à la stratégie sur le sida? Si vous accordez un certain montant d'argent aux IRSC et que par la suite un certain nombre de projets de prévention du sida sont retenus, comment fonctionne alors la formule de financement sur un an?

+-

    Dr Martin Schechter: Voici comment je comprends la chose. Je crois que vous avez des témoins qui pourront probablement mieux répondre à cette question que moi.

    D'après ce que je crois comprendre, c'est qu'un montant d'environ 13 millions de dollars dans le cadre de la stratégie est prévu pour la recherche. Jusqu'à tout récemment, ce montant était administré de diverses façons, mais avec la création des IRSC, l'entente désormais prévoit que les IRSC administreront les fonds consacrés à la recherche. Ils utilisent donc leur mécanisme d'octroi de bourses, mais le fonds de 13 millions de dollars est transféré de Santé Canada aux IRSC pour financer cette enveloppe particulière de la recherche sur le VIH.

    Est-ce que cela répond à votre question? Cela fait partie de la stratégie sur le sida. Cela fait partie du montant de 42,2 millions de dollars.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Donc les IRSC administrent un montant supérieur à celui que nous leur accordons directement. Une partie de cet argent provient de l'enveloppe de Santé Canada destinée à la recherche sur le VIH ou à d'autres fins.

+-

    Dr Martin Schechter: Oui. C'est une enveloppe qui est transférée et que les IRSC administrent.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Mais si les IRSC avaient plus de projets d'envergure qu'ils voulaient financer à même leur budget, comment comptabiliseriez-vous cette somme dans le cadre de votre stratégie sur le sida? Je ne crois pas que cela se limite au montant de 13 millions de dollars. Donc lorsque vous nous demandez d'augmenter le montant destiné à la stratégie sur le sida, est-ce que vous tenez compte maintenant du montant que le gouvernement fédéral consacre à l'heure actuelle à la recherche sur le sida, y compris les initiatives prises par les IRSC, ou le CRSH, ou par certains autres organismes pour ce qui est des pratiques exemplaires et de l'appui à la prévention du sida et certaines autres initiatives?

+-

    Dr Martin Schechter: Je crois que la réponse est que effectivement il arrive que les IRSC financent eux-mêmes certains projets, financement qui s'ajoute à celui prévu par l'enveloppe budgétaire. Dans le cas d'excellents travaux de recherche, ils... En fait, je crois que chaque année les instituts utilisent environ 2 millions de dollars de leurs propres fonds pour accroître la recherche qui est effectuée. Donc vous avez raison, il y a probablement des fonds qui proviennent d'un peu partout.

    Il nous est très difficile de répondre à cette question. Je crois que c'est le gouvernement fédéral qui connaît la réponse.

    Vous avez raison, les IRSC utilisent probablement 2 ou 3 millions de dollars supplémentaires provenant de leurs propres fonds, pour la recherche sur le sida, et il y a peut-être même certaines sommes ici et là dont nous ne sommes pas au courant. Donc le montant total est probablement supérieur à 42,2 millions de dollars.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Très bien. Je croyais que le rôle des IRSC était d'éliminer l'aspect politique du financement de la recherche en santé.

    Je préside le Comité des personnes handicapées et je dois vous dire qu'il y a certains groupes de personnes handicapées qui ne voient pas d'un très bon oeil que le dernier budget ait choisi de financer considérablement une fondation en particulier alors que l'on était supposé retirer tout aspect politique de la santé. Il ne faudrait pas que cet argent aille à ceux qui font le plus de bruit.

    Vous savez sans doute qu'à l'école d'administration de McGill, les campagnes menées pour le sida font partie des études de cas qui y sont enseignées. Selon Steve Maguire, vous avez fait un excellent travail à cet égard.

    Nous ne voulions pas qu'il s'agisse d'un enjeu politique. Nous voulions que cela fasse partie de la prévention des maladies. On devrait mettre l'accent sur les maladies qui sont évitables. Donc il existe une façon différente de...

+-

    Dr Martin Schechter: Vous avez raison, mais les IRSC comportent un nouveau modèle qui prévoit la recherche stratégique. En fait, les 13 instituts qui font partie des IRSC doivent examiner dans le cadre de leur mandat les secteurs où les besoins sont urgents et pressants. Ils sont donc en train d'établir de grands nombres d'initiatives stratégiques et ciblées qui visent les problèmes de santé pressants au Canada. Ce que nous sommes en train de dire, c'est que le VIH/sida est l'un d'entre eux.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Oui. Dans notre système fédéral assez complexe, n'est-il pas un peu étrange que les provinces refusent de consacrer de l'argent à la prévention et qu'elles soient obligées en fait de faire appel à nous chaque fois qu'elles considèrent qu'il y a un problème en matière de prévention? Lorsque vous dites qu'elles devraient faire appel à nous, vous êtes certainement en train de dire qu'en ce qui concerne le fardeau économique que représente le sida à long terme...

    Pour ceux qui assurent effectivement la prestation de soins de santé et dont cet argent est prélevé à même leur budget, n'y a-t-il pas une disproportion...? Pourquoi les provinces ne consacrent-elles que 1 p. 100 de leur budget de santé à la prévention et à la santé publique?

º  +-(1640)  

+-

    Dr Martin Schechter: Si vous posiez la question aux représentants du ministère de la Santé de ma province, ils répondraient qu'ils consacrent beaucoup d'argent au traitement du VIH/sida. Ils dépensent 32 millions de dollars uniquement en médicaments. Ils dépensent...

+-

    Mme Carolyn Bennett: Non, quel est le montant qui est consacré à la prévention?

+-

    Dr Martin Schechter: Ils répondraient qu'il s'agit d'un problème de compétence. Le traitement de ces maladies a épuisé toutes leurs ressources. C'est là le problème. Et chaque fois que le gouvernement fédéral approuve un médicament, comme le T-20 ou le Fuzeon que vient d'approuver la FDA, lorsque ce médicament arrivera en Colombie-Britannique, en Ontario ou au Québec, il reviendra, selon le formulaire provincial, à 30 000 $ par année par personne. Donc je pense que les provinces considèrent qu'elles assument leur juste part du fardeau. Si vous ajoutez les dépenses que les provinces consacrent en tout aux médicaments pour traiter le VIH/sida, les visites médicales et ainsi de suite, la stratégie fédérale ne souffre pas la comparaison avec les provinces.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Y a-t-il des médicaments pour traiter le VIH dont les brevets ont expiré et qui n'ont pas été repris par les sociétés génériques?

+-

    Dr Martin Schechter: Non, le médicament AZT a fait l'objet d'une poursuite intentée par une société générique, qui n'a pas obtenu gain de cause. À ma connaissance, ils sont tous protégés par des brevets.

    Est-ce bien le cas?

+-

    Mme Louise Binder: Oui.

    J'aimerais faire quelques observations à ce sujet. Tout d'abord l'Ontario consacre bel et bien de l'argent à la prévention. Je ne peux pas vous préciser le montant exact, mais c'est effectivement le cas. Je ne vois jamais ce genre de dépenses car il s'agit d'un continuum pour moi. Les fonds destinés au traitement contribuent aussi à financer la prévention. Je crois que nous devons prendre garde à ne pas...c'est le cloisonnement qui crée les problèmes.

    Lorsque les gens avaient l'habitude de me féliciter pour l'excellent travail que nous faisions sur le sida, en disant que nous étions un exemple à suivre et ainsi de suite, je considérais cela comme un compliment. Aujourd'hui, je ne suis plus aussi sûre que c'était ce que l'on voulait dire. J'ai presque l'impression que d'une certaine façon on s'en tire à bon compte.

    Le fait est qu'il s'agit d'une épidémie. Il s'agit d'une maladie évitable qui tue des jeunes membres productifs de notre société. Et sans nous comparer à des groupes frappés par d'autres maladies, si vous examinez l'argent consacré à la recherche, il est important de tenir compte de l'ensemble de la situation. Malheureusement, en raison de la stigmatisation dont font l'objet cette maladie et les populations qu'elle semble frapper en majeure partie, nous ne recevons pas beaucoup de fonds privés, et je le déplore. Je suis très heureuse de constater qu'il existe des groupes qui font de la recherche sur d'autres maladies et qui obtiennent des résultats nettement meilleurs que nous à cet égard, parce que cela leur est indispensable.

    Mais le fait est que pour nous il s'agit pratiquement de notre seule source de financement. J'espère vraiment que vous ne perdrez pas cet aspect de vue.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Pourquoi le financement de l'éducation dans ce domaine ne provient-il pas des fonds provinciaux destinés à l'éducation? Pourquoi cette initiative doit-elle être financée à même le budget de la santé? Pourquoi l'éducation en matière de santé publique ne devrait-elle pas être financée par le budget de l'éducation prévu pour les écoles? Est-ce que les écoles vous aident à cet égard?

+-

    Mme Sheena Sargent: C'est une excellente question. J'aimerais pouvoir y répondre par un oui catégorique. Il s'agit d'un processus très complexe. Le ministère peut dire que vous devez mentionner le VIH, que vous devez en parler, mais en cours de route il y a l'influence des conseils scolaires, de l'administration, des enseignants et des parents. Et il est possible que le message se transforme et devienne simplement, évitez d'avoir des relations sexuelles jusqu'à ce que vous soyez mariés et vous n'attraperez pas le sida.

    Donc, effectivement, ce serait formidable que tous les ministères accroissent leur collaboration. Il ne fait aucun doute que c'est la façon d'entamer le dialogue.

º  +-(1645)  

+-

    La présidente: J'ai sur ma liste Mme Skelton, M. Ménard, puis Mme Fry à nouveau.

    J'ai simplement une question à poser concernant ce montant de 2 à 3 millions de dollars que vous pourriez obtenir des IRSC pour la recherche sur le sida ou le VIH, et sur le montant de 13 millions de dollars provenant de la stratégie sur le sida, ce qui vous donne un total d'environ 16 millions de dollars. Cette stratégie sur le sida est-elle une si bonne chose pour vous lorsqu'elle inclut la recherche? Il me semble que vous ne recevez pas vraiment votre part des fonds des IRSC, étant donné que leur budget est de 669 millions de dollars et que vous ne recevez que 2 à 3 millions de dollars.

    Que pensez-vous de retirer le volet recherche de notre stratégie sur le sida, puis de demander au gouvernement d'essayer d'obtenir une plus grande part du gâteau en incitant les IRSC à assumer l'ensemble de la recherche sur le sida? Parce que ce budget de 669 millions de dollars représente un montant assez important.

+-

    Dr Martin Schechter: Je crois que cela nuirait probablement à la recherche sur le sida.

    Tout d'abord, j'appuie sans réserve les IRSC et je félicite le gouvernement d'avoir augmenté le financement accordé aux IRSC. Je considère qu'ils jouent un rôle essentiel et qu'ils doivent poursuivre leur travail. L'existence de ces instituts présente toutes sortes d'avantages, non seulement pour la santé des Canadiens mais aussi au niveau de l'innovation dans une économie du savoir.

    Les IRSC représentent toutefois une organisation en transformation. Alors qu'au départ seule la recherche fondamentale en laboratoire était financée, maintenant le financement est destiné à une gamme complète de recherches, y compris la recherche sociologique et comportementale et sur la santé des populations. Bien qu'un budget de 669 millions de dollars semble être—et est—un incroyable montant d'argent, il sert à financer un mandat beaucoup plus vaste. En fait, si vous examinez les taux de réussite des IRSC, vous constaterez qu'ils sont relativement stables car le nombre de demandes a augmenté.

    En fait, le gouvernement a pris une initiative remarquable en élargissant le mandat des IRSC et il faut que cela continue. Je considère qu'il s'agit d'un investissement extrêmement valable pour le pays. Il faut toutefois reconnaître que l'élargissement du mandat des IRSC a suscité des attentes beaucoup plus grandes envers cette organisation d'un bout à l'autre du pays et a créé des besoins beaucoup plus importants.

    Je crois qu'il était sage de prévoir des fonds pour la recherche dans le cadre de la stratégie sur le sida parce que, comme on l'a souligné, nous n'avons pas de fondations privées auxquelles nous pouvons nous adresser, comme certains autres groupes. Il existe très peu de fonds de bienfaisance privés permettant de financer la recherche sur le sida, contrairement à ce qui existe dans les cas des maladies du coeur pour lesquelles il existe de très importantes fondations.

    Il est essentiel d'établir un partenariat entre les chercheurs et la collectivité dans le cadre de la stratégie sur le sida. Nous ne sommes pas des entités séparées. Nous travaillons effectivement en collaboration. Nous ne pouvons pas faire de la recherche sur le VIH à moins que nos partenaires dans la collectivité soutiennent cette recherche. Dans notre réseau, nous avons des personnes qui vivent avec le VIH qui font partie de tous nos comités d'examen, et je crois que c'est une formule qu'adopteront à l'avenir les IRSC.

+-

    La présidente: Je ne suis pas sûre si vous êtes satisfait du 2 ou 3 millions de dollars que vous obtenez des IRSC ou si vous avez raté votre vocation et que vous devriez vous trouver un emploi au ministère des Affaires étrangères dans le corps diplomatique.

    Êtes-vous satisfait de ce montant ou voulez-vous que nous vous aidions à exercer des pressions auprès des IRSC pour que vous obteniez une plus grande part du gâteau?

+-

    Dr Martin Schechter: Je crois qu'il faut élargir encore davantage le mandat des IRSC, et si vous pouvez leur fournir des ressources supplémentaires...

+-

    La présidente: Vous recommencez à jouer les diplomates.

    Je vais maintenant passer à Mme Skelton.

+-

    Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Je tiens à vous remercier pour votre présentation. Je crois que c'est l'une des meilleures présentations que nous ayons entendues. C'est peut-être simplement parce que je ne suis pas très renseignée sur la question, mais j'ai trouvé votre présentation très intéressante.

    Je voulais vous interroger à propos de ce groupe de femmes, Voices of Positive Women. Il semble d'après votre témoignage que cette organisation vous ait été d'une grande aide. S'agit-il d'une organisation pancanadienne?

+-

    Mme Louise Binder: Il s'agit en fait d'une organisation provinciale de l'Ontario, mais nous nous sommes dit qu'il serait certainement formidable si nous pouvions...et nous avons relativement d'influence, en fait, dans d'autres régions. Nous aidons effectivement des femmes dans d'autres régions aux prises avec des problèmes particuliers, mais jusqu'à présent nous nous en sommes tenus à une province.

º  +-(1650)  

+-

    Mme Carol Skelton: Pourquoi? Est-ce parce que vous êtes un petit groupe? Je sais que 600 femmes c'est un nombre élevé, mais comme je viens d'une province peu peuplée, je peux comprendre toutes les difficultés dont vous avez parlé. Dans ma seule circonscription, j'ai la région rurale, et défavorisée, les membres des Premières nations, des enfants de la rue—et tout cela dans ma seule circonscription. Et j'aimerais beaucoup avoir une organisation comme la vôtre pour aider les membres de ma circonscription.

+-

    Mme Louise Binder: Bien sûr. Nous devrions en parler un peu plus. Je me ferai un plaisir de vous aider.

+-

    Mme Carol Skelton: J'aimerais beaucoup recevoir toute information que vous pourriez avoir, des brochures ou des choses de ce genre.

    Sheena, je vous pose la même question. Votre organisation travaille-t-elle dans l'ensemble du Canada?

+-

    Mme Sheena Sargent: Non, nous sommes établis à Vancouver. Nous faisons aussi un peu de travail au niveau provincial, mais il existe différents programmes à l'intention des jeunes au sein de différentes organisations dans l'ensemble du Canada qui font un travail similaire.

+-

    Mme Carol Skelton: Ah bon? Malheureusement, je ne suis pas au courant de celles qui existent en Saskatchewan—et c'est mon problème, parce que cela ne m'a pas touchée. Je sais qu'il y a des gens dans ma circonscription qui s'efforcent d'établir un dialogue, et je suppose que je n'ai tout simplement pas réussi à établir le contact avec elles comme j'aurais dû le faire en jouant un rôle plus proactif. Si vous avez des informations à me fournir, je vous en serais grandement reconnaissante.

    Comment travaillez-vous avec nos collectivités autochtones, nos Premières nations? Quels sont vos liens avec elles?

+-

    Mme Louise Binder: Nous faisons effectivement beaucoup de travail dans les deux organisations que je préside. Au Canadian Treatment Action Council, nous avons un conseil de 19, dont un entre autres pour le Réseau canadien autochtone du sida, où nous abordons les questions autochtones dans le cadre de notre travail sur l'accès au traitement. En fait, nous sommes en train de faire un projet de recherche sur la surveillance postérieure à l'approbation, la communication d'événements indésirables, et nous avons établi une section particulière réservée uniquement aux Autochtones, pour nous aider à apprendre la façon dont ils préfèrent communiquer avec le système de soins de santé pour rapporter ce genre de choses.

    En ce qui concerne le groupe Voices of Positive Women, bien entendu tout ce que vous avez à faire c'est d'être positive et d'être une femme et vous pouvez vous joindre à notre organisation. Nous venons de tenir notre assemblée générale annuelle et la salle était pleine de femmes de tous âges et de tous les milieux. Donc notre organisation est très efficace. Il existe un groupe autochtone de Toronto avec lequel nous avons beaucoup collaboré. C'est un excellent partenariat.

+-

    Mme Carol Skelton: Voilà qui est bien.

    Sheena.

+-

    Mme Sheena Sargent: J'allais justement dire que cela illustre justement ces merveilleuses réalisations dont je parlais, ce partenariat de la rue.

    À la société YouthCo, nous savons ce que c'est de travailler avec les jeunes. Parfois, c'est nous qui pressentons une organisation autochtone, ou c'est l'inverse, et c'est cette organisation autochtone qui nous informera des façons qu'elle a d'oeuvrer directement auprès de sa clientèle sur le terrain. Cela donne lieu à beaucoup de dialogue, à beaucoup de partenariats, ce qui permet parfois de trouver en cours de route de magnifiques solutions.

+-

    Mme Carol Skelton: Merci.

    M. Merrifield avait une question au sujet du financement.

+-

    La présidente: J'allais passer à Mme Scherrer, qui n'a pas encore eu son tour.

[Français]

+-

    Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): J'aimerais revenir quelques minutes sur la question de la prévention. À mon avis, si on n'investit pas de façon très significative dans ce domaine, on ne réussira jamais à contrer cette maladie. D'après ce que je vois un peu partout, on s'attaque trop souvent plutôt à la maladie qu'à la prévention comme telle. À cet égard, on constate que très souvent, on a cherché à sensibiliser des groupes parfois identifiés comme marginaux ou comme ayant des pratiques marginales, qu'il s'agisse d'utilisation de drogues ou de certaines pratiques sexuelles.

    Prenons l'exemple des jeunes. Mes propres enfants, qui sont des adolescents et de jeunes adultes, se croient à l'abri de la transmission de cette maladie du fait qu'ils ont un petit train-train plutôt régulier. Ils ont un nouveau copain ou un nouveau chum, quelques relations sexuelles et, au bout d'un mois ou deux, si le chum devient permanent, ils n'utilisent plus de condoms, parce que cette relation est devenue stable et acceptable.

    J'ai l'impression qu'on ne sensibilise pas les jeunes qui ne sont généralement pas identifiés comme problématiques ou délinquants. Quand mes enfants me parlent en ces termes ou que j'entends un jeune dire qu'étant donné qu'il fréquente quelqu'un depuis trois mois, il n'a plus besoin de porter un condom, les cheveux me dressent sur la tête. Je leur dis alors que croire de telles choses n'a aucun sens. Or, on ne parle pas ici de jeunes qui n'ont pas reçu d'éducation ou qui n'ont pas un niveau de scolarité très élevé; on parle de jeunes qui entendent parler de cette question à tous les jours.

    Est-ce que c'est par manque d'argent que vous ne cherchez pas à rejoindre ces jeunes? J'ai l'impression qu'à partir d'un certain point, ils se sentent tout à fait à l'abri étant donné qu'ils ne font rien de vraiment marginal. Ainsi personne ne fait de prévention auprès de ces jeunes et ne leur signale que ce qu'ils font est épouvantable. Le fait de fréquenter quelqu'un depuis trois mois et que cette relation soit stable ne constitue pas une garantie. 

    Selon moi, il serait très important qu'on investisse et qu'on sensibilise les jeunes davantage. Ils comprennent bien les faits, mais on leur dit que cette maladie épouvantable ne touche que les gens qui ont des pratiques vraiment épouvantables. Or, on sait que c'est faux. Elle sévit chez des jeunes qui, au quotidien, ont des comportements tout à fait normaux, soit des enfants normaux de notre communauté.

º  +-(1655)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Madame Scherrer, quelle était votre question?

[Français]

+-

    Mme Hélène Scherrer: Est-ce que c'est par manque d'argent que vous ne faites pas de prévention auprès de ces groupes? Avez-vous des méthodes de prévention qui leur sont vraiment destinées? Allez-vous éventuellement vous intéresser à ces groupes de jeunes qui, pour le moment, ne sont pas inclus dans les campagnes de prévention?

[Traduction]

+-

    Dr Martin Schechter: Je vais répondre d'abord, puis ce sera au tour de Sheena.

    C'est justement ce qu'a expliqué Louise Binder plus tôt, à savoir que le message doit être maintenu de façon permanente. Après un blitz d'information dans les années 80 et 90, nous avons reçu moins d'argent, il a fallu se fixer des priorités et il a fallu sacrifier certains des éléments de notre stratégie. Comme les fonds n'augmentaient plus, il fallait établir des priorités.

    Il ne fait aucun doute qu'avec le temps, la vigilance va se relâcher et qu'il faudra renforcer les messages. Il ne faut donc pas considérer que la prévention et la promotion de la santé sont des messages ponctuels, diffusés dans le cadre d'une campagne de quelques millions de dollars qui ne fait l'objet d'aucune suite. Non, le message doit être permanent, et particulièrement auprès des jeunes. Je ne parle pas uniquement de la jeunesse d'aujourd'hui, mais de la jeunesse de demain et de celle qui la suivra.

+-

    Mme Sheena Sargent: Excusez-moi, mais j'ai eu la version abrégée de votre question, puisque je n'avais pas réussi à démêler le fil de l'écouteur qui m'aurait donné la traduction.

    Vous vous interrogez au sujet des grands messages de prévention destinés à la jeunesse. Je répondrais par oui, qu'il est très important de continuer à en faire. Voilà pourquoi nous oeuvrons dans les écoles pour transmettre le message.

    Prenez le cas des jeunes femmes atteintes, beaucoup d'entre elles vivent dans des milieux marginalisés, mais beaucoup d'autres font partie de la société ordinaire, et il faut en tenir compte dans notre stratégie. Lorsqu'on parle des messages de prévention à l'intention des jeunes femmes, il faut comprendre qu'ils s'adressent également aux jeunes hommes hétérosexuels.

    Il faut viser l'équilibre en tout. Chaque fois que l'on parle de campagnes de prévention ciblées, il faut toujours explorer l'envers de la médaille et se demander quels sont les autres facteurs qui agissent dans l'ensemble de la société et qui vont influencer cette population ciblée.

    Ai-je répondu à votre question?

+-

    Mme Hélène Scherrer: Plus ou moins.

+-

    La présidente: Merci, madame Scherrer.

    M. Ménard sera suivi de Mme Fry.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Est-ce que vous pourriez déposer au comité la liste des recherches portant sur les vaccins qui sont réalisées? J'aimerais savoir combien d'argent y est investi et qui appuie ce type de recherche. J'ai vu un document de ce genre, il y a de cela quelques années, mais j'aimerais être à jour sur ce sujet. Je ne demande qu'à partager cet optimisme qui vous porte à croire qu'il s'agira d'un cadre quinquennal.

    Vous savez sans doute que ce comité va revoir toute la question du coût des médicaments d'ordonnance. À partir du mois de juin, on va faire une étude relativement longitudinale. Il reste que tous les collègues autour de cette table sont convaincus qu'il s'agit d'une question importante pour le comité.

[Traduction]

    Je m'adresse à Mme Binder.

[Français]

    Est-ce qu'il y a toujours place pour une recommandation visant à demander aux compagnies pharmaceutiques de permettre l'accès aux médicaments pour des motifs humanitaires?

    Vous avez dit plus tôt que tous les médicaments pour le sida étaient disponibles sous forme générique. Vous avez parlé d'un médicament qui coûtait 30 000 $ par année. Or, j'ignorais qu'il était disponible en version générique.

    Si on parle de notre rapport avec les multinationales qui ont créé le médicament d'origine, croyez-vous que la bataille que vous avez livrée au début des années 1990 demeure pertinente?

»  +-(1700)  

[Traduction]

+-

    Dr Martin Schechter: Pour répondre à la première partie de la question, je ne sais pas combien exactement on investit dans la recherche sur les vaccins, mais je crois que vous faites allusion à la somme de 50 millions de dollars qu'a engagée le gouvernement fédéral dans une initiative internationale de recherche sur des vaccins. Comme le gouvernement a envoyé les fonds à l'étranger en vue d'une recherche sur les vaccins qui se ferait ailleurs, je sais que beaucoup de mes collègues faisant de la recherche en laboratoire sur les vaccins avaient l'impression qu'une partie de ces fonds aurait dû être allouée à des chercheurs canadiens qui sont, après tout, des chefs de file mondiaux dans la mise au point de vaccins.

    Vous voyez que le Canada s'est donc engagé à verser des sommes substantielles à la recherche internationale, mais quant à savoir combien on dépense ici même au Canada, je ne sais pas exactement.

+-

    Mme Louise Binder: Je me réjouis qu'il se fasse de la recherche sur les vaccins dans le monde, mais je souhaiterais que l'on s'intéresse tout particulièrement dans les laboratoires du monde entier à la recherche sur les microbicides, car ils pourraient sauver la vie de millions de femmes. Et je ne vous donne pas là uniquement mon opinion personnelle. Le week-end dernier, j'ai rencontré un groupe de Tanzaniennes, étant donné que j'espère aller faire un peu de travail là-bas, et lorsque je leur ai demandé si les microbicides pourraient être utiles à l'Afrique, elles m'ont répondu par l'affirmative et que les femmes les utiliseraient certainement.

    Je ne veux pas dire par là qu'il ne faut pas investir dans les vaccins. N'allez surtout pas dire après la réunion que Louise Binder n'a aucune confiance dans les vaccins. Bien sûr que j'ai confiance. Mais entre-temps, il existe certains microbicides qui en sont déjà à l'étape des essais cliniques et si nous pouvions faire avancer les choses, et terminer les essais sur les microbicides, nous pourrions les distribuer aux femmes sous forme de gel ou de crème—je pense personnellement que la meilleure idée, ce serait une éponge—pour qu'elles puissent les utiliser sans que leur partenaire ne le sache nécessairement. Sans que cela coûte extrêmement cher, nous pourrions ainsi sauver la vie de millions de femmes.

    Merci de m'avoir donné la chance de m'exprimer là-dessus.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Pour ce qui est de l'accès pour des motifs humanitaires,

[Traduction]

voulez-vous que notre rapport comporte une disposition ou une recommandation très nette sur l'accès pour des raisons humanitaires?

+-

    Mme Louise Binder: J'avais compris votre question et j'y arrivais, mais je voulais en profiter pour parler des microbicides.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Est-ce qu'ils réussissent à détruire aussi le sperme?

+-

    Mme Louise Binder: Oui, certains d'entre eux y parviennent aussi. On met actuellement à l'essai certains microbicides qui pourraient faire les deux, et je vous implore de vous renseigner un peu plus là-dessus.

    Pour ce qui est de l'accès pour des raisons humanitaires, je dois vous faire part d'un fait malheureux. Étant donné que le processus canadien d'examen des médicaments est très lent, les entreprises ne veulent pas lancer de programmes d'accès élargis aux médicaments avant la fin des essais cliniques. Elles ont l'impression que leur programme élargi durera trop longtemps, étant donné que l'approbation des médicaments prend un temps fou. Je connais justement un cas qui s'est produit.

    Notre programme d'accès élargi aux médicaments était très généreux. Je m'en prends souvent aux sociétés pharmaceutiques, mais elles ont bien répondu à ce programme et nous ont fourni un médicament dont la mise au point était presque terminé et qu'elles avaient demandé de pouvoir vendre du Canada. Puis, deux jours avant Noël, j'ai reçu tout d'un coup des appels de partout au Canada de la part de médecins qui m'informaient avoir reçu une lettre de la société pharmaceutique en question expliquant qu'elle allait mettre un terme à son programme d'accès pour des raisons humanitaires et que plus personne ne pourrait obtenir le médicament même si elles en avaient désespérément besoin.

    J'ai donc pris contact avec la société en question, et voici ce qui s'est passé exactement: comme cette société avait espéré il y a longtemps que son médicament serait approuvé au Canada, elle avait budgeté une certaine somme en vue de son programme d'accès élargi aux médicaments. Or, comme l'approbation était trop lente et que son programme d'accès élargi lui coûtait beaucoup plus qu'elle n'avait espéré, elle avait décidé d'y mettre un terme.

    Je sais que le Canada doit approuver des médicaments sûrs et efficaces, mais le processus prend beaucoup plus de temps que nécessaire et il nous empêche d'obtenir des programmes d'accès aux médicaments élargis et pour des raisons humanitaires. Si vous me demandez si je veux des médicaments sûrs et efficaces, je répondrai: certainement. Mais nous devons aussi honorer notre part de l'engagement et rendre le processus d'approbation satisfaisant.

    Cessons de perdre du temps. Il faut bien sûr tout faire pour que les produits offerts soient sûrs, car je ne souhaite à personne un médicament dangereux. Je veux qu'il y ait sur le marché des médicaments toujours sûrs et je veux que l'on prenne tout le temps nécessaire pour que le travail d'évaluation soit fait, mais cela semble prendre au Canada quatre à cinq fois plus longtemps qu'ailleurs. Cela prend même dix fois plus longtemps qu'en Suède, or la Suède est-elle un pays plus gros que le nôtre? Non. Alors pourquoi?

    Je répète que je veux une évaluation complète des médicaments, mais faisons en sorte que cela se fasse rapidement.

»  +-(1705)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Ménard.

    Madame Fry.

+-

    Mme Hedy Fry: Merci beaucoup, madame la présidente.

    Je voudrais réagir brièvement à la question de l'accès pour des raisons humanitaires et du temps qu'il faut pour l'approbation. Lorsque j'étais secrétaire parlementaire en 1994 ou 1995—et M. Ménard siégeait peut-être au même comité—nous nous sommes penchés sur toute cette question, et nous avons rédigé un rapport, qui se trouve aujourd'hui je ne sais où, sur la nécessité d'accélérer le processus d'approbation et sur la notion d'accès pour des raisons humanitaires. Si on pouvait demander au ministère de la Santé de retrouver dans ses archives notre rapport, il me semble qu'il pourrait être tout aussi pertinent aujourd'hui qu'il l'était à ce moment-là. J'ai l'impression qu'il ne faudrait pas changer un iota de ce rapport-là, vu qu'il était tellement pertinent.

    Il existe depuis 1997 environ en Colombie-Britannique un réseau pour les femmes chez qui on a diagnostiqué le VIH, le Positive Women's Network, et il existe également des réseaux semblables chez les Autochtones. Vous voudrez peut-être voir s'il n'existe pas quelque chose de semblable en Saskatchewan. Je crois que certains de ces réseaux ont un rayonnement provincial, mais ce serait bien d'en faire un réseau canadien.

    J'aimerais expliquer un peu pourquoi il est important de garder distincte de tout le reste la stratégie sur le VIH/sida et la recherche. C'est parce qu'il s'agit sans doute là de l'une des rares maladies infectieuses qui sévissent encore au Canada, puisque nous n'avons plus à lutter contre la typhoïde, la malaria, la variole ou d'autres maladies encore.

    On sait que le VIH se transmet par le sang et par les liquides organiques, mais j'aimerais bien que quelqu'un nous parle des autres infections opportunistes qui, comme la tuberculose, se répandent par le contact avec des gouttelettes ou par l'air ambiant, par exemple. De plus, quelle est l'incidence d'enfants nés de mères infectées au VIH/sida, et que faisons-nous pour les aider?

    Voilà ce dont il faut parler, étant donné qu'un nombre croissant de femmes deviennent infectées et qu'un nombre croissant d'enfants naîtront infectés. Je ne vois pas de meilleure raison pour élargir le financement, étant donné qu'il nous faut tenir compte de tous ces différents aspects.

    Quelqu'un pourrait-il répondre à ces questions, je vous prie?

+-

    Dr Martin Schechter: Vous avez tout à fait raison. En ce qui concerne la transmission du VIH de la mère à son bébé, foetus ou nouveau-né, il est possible aujourd'hui pour ainsi dire de l'empêcher. Si la mère prend un cocktail de médicaments durant la grossesse et si le nourrisson est traité, le taux de transmission peut être réduit à moins de 1 p. 100. Et pourtant, des études nous apprennent qu'on n'offre pas nécessairement d'office aux femmes des tests de dépistage durant leur grossesse, de sorte que nous ne pouvons pas déterminer si c'est vraiment le cas. Il est essentiel de faire ce genre de recherche et surtout que les résultats de la recherche se concrétisent dans la pratique médicale au Canada.

    J'ai entendu dire qu'un certain nombre de femmes infectées au VIH du nord de l'Alberta avaient donné naissance à des bébés infectés eux aussi, et que la majorité de ces femmes sont des Autochtones. Par conséquent, l'éradication de la transmission de la mère à l'enfant n'est pas aussi complète que nous le souhaiterions, alors qu'il aurait été tout à fait possible ou pratiquement possible d'éviter la transmission avec le traitement approprié.

    Vous devez comprendre aussi une autre chose au sujet du rôle que joue l'industrie pharmaceutique par rapport au rôle que joue le gouvernement lorsqu'il investit des fonds publics. L'industrie pharmaceutique a réussi de façon exceptionnelle à mettre au point de nouveaux médicaments. Nous devons lui être extrêmement reconnaissants d'avoir mis au point depuis 10 ou 15 ans des médicaments contre le VIH/sida, et nous dépendrons d'elle pour mettre au point les nouveaux médicaments actuellement à l'essai.

    Mais il existe aussi d'autres études tout aussi importantes, et que j'appellerais des études de gestion, destinées à déterminer la meilleure façon d'utiliser les médicaments que nous avons déjà à notre disposition. Supposons, par exemple, que j'essaie d'obtenir les médicaments pour les gens qui n'ont pas accès à nos services et qui sont marginalisés. Il faut comprendre qu'ils se plieront mal à un régime de 30, 40 voire 50 pilules par jour. Ce sont des gens qui n'ont parfois même pas de réfrigérateur! J'aimerais que l'on mette au point un schéma posologique qui leur permette de ne prendre leurs pilules qu'une fois par jour. Or, pour y parvenir, je dois démontrer que le schéma posologique n'imposant qu'un traitement par jour est tout aussi efficace qu'un schéma posologique plus complexe. Mais qui va payer pour cette étude?

    L'industrie pharmaceutique ne s'intéresse pas aux études qui permettraient de diminuer les doses ou la posologie, et qui l'en blâmerait? Elle préférera investir dans la mise au point de nouveaux médicaments. Seul l'État acceptera de financer ce type d'étude de gestion devant permettre de trouver des traitements plus simples pour la population difficile d'accès, ce qui permettrait en bout de piste de réduire la posologie, c'est-à-dire de faire économiser aux provinces tout en leur permettant d'inscrire sur leur formulaire de nouveaux médicaments. Ce genre de recherche dépend entièrement des fonds de recherche inscrits à la stratégie.

    Je tenais à vous donner cette explication car nous ne saurions dépendre uniquement du secteur pharmaceutique. Nous dépendons de lui pour la mise au point de nouveaux médicaments, mais pour optimiser ceux qui existent déjà et pour qu'ils soient les plus rentables possible, nous avons besoin que l'État soit notre bailleur de fonds.

»  +-(1710)  

+-

    La présidente: Madame Fry.

+-

    Mme Hedy Fry: Pouvez-vous nous dire un mot au sujet de l'incidence de la tuberculose?

+-

    Dr Martin Schechter: Certainement, et vous voudrez bien m'excuser si je n'en ai pas parlé jusqu'à présent.

    Il ne fait aucun doute qu'il y a plusieurs années de cela, nous avons eu très peur lorsque certaines personnes, surtout dans l'État de New York, ont commencé à être victimes d'une forme de tuberculose résistante aux médicaments. Et comme Mme Fry le signalait, nous avons maintenant des cas d'immunodéficience non transmissible, mais qui s'accompagne d'infections opportunistes très contagieuses, en l'occurrence la tuberculose.

    Des mesures très rigoureuses doivent donc être prises au niveau local lorsque quelqu'un est diagnostiqué et traité pour la tuberculose, qu'elle soit ou non secondaire à l'immunodéficience. Mais il ne fait aucun doute qu'au Canada comme dans le reste du monde, le VIH a fait renaître la tuberculose. Il s'agissait d'une maladie parfaitement contrôlée jusqu'à présent et qui était en voie de disparition, mais depuis le VIH, la tuberculose a réapparu et c'est donc quelque chose dont nous devons tenir compte.

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    La présidente: Monsieur Merrifield, puis madame Bennett.

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    M. Rob Merrifield: J'aurais deux petites questions sur deux sujets assez différents. La première découle de ce que vous venez de dire à propos des produits pharmaceutiques, un domaine que nous allons d'ailleurs bientôt commencer à étudier en profondeur. Je pense que ce que vous venez de dire pourrait s'appliquer de la même façon à tous les produits pharmaceutiques. C'est quelque chose que nous constatons et que nous allons d'ailleurs constater de plus en plus à mesure que notre étude se déroulera. Mais c'est toutefois une toute autre question.

    Lorsqu'on songe à la population et à la croissance démographique prévue pour les populations autochtones par rapport au reste de la population, puisque le taux de natalité est six ou sept fois supérieur, c'est un peu inquiétant je trouve. Et puis, vous venez nous dire que le VIH et l'hépatite C représentent un problème beaucoup plus grave pour cette population, de sorte que je me demande s'il s'agit selon vous uniquement d'un facteur socio-économique. N'y aurait-il pas un aspect génétique, une prédisposition qui ferait que les Autochtones sont plus vulnérables, à moins que ce ne soit quelque chose de culturel? Avez-vous une idée à ce sujet et comment vous y prenez-vous au niveau de l'intégration par rapport à la communauté autochtone?

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    Dr Martin Schechter: J'ignore si nous le savons au juste, mais personnellement je suis parti de l'hypothèse qu'il s'agissait de quelque chose de socio-culturel qu'on peut attribuer aux privations et aux perturbations sociales plutôt qu'à une quelconque prédisposition génétique.

    Lorsqu'on voit dans notre étude les gens qui sont devenus toxicomanes, lorsqu'on se rend compte de ce que ces gens ont subi—leurs parents dans les écoles résidentielles, puis des abus répétés—tout cela est horrible. Nous avons commencé à étudier la Colombie-Britannique en partenariat avec la communauté autochtone dans les collectivités septentrionales, Prince George et également Vancouver.

    Il est clair selon moi que la nouvelle stratégie doit absolument comporter un volet important qui est le volet autochtone—parce que nous, nous ne pouvons pas le faire. Il faut faire ce genre de chose avec la communauté autochtone et avec sa participation, et je pense ici aux problèmes comme les taux de fécondité, la transmission entre la mère et l'enfant dans les collectivités autochtones et ainsi de suite. Que je sache, aucun des programmes que nous avons implantés à Vancouver n'aurait pu marcher sans qu'il y ait eu consultation. Par contre, nous savons d'expérience que lorsqu'on travaille avec la collectivité et qu'on élabore des programmes à connotation culturelle avec sa collaboration, on peut obtenir des résultats.

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    M. Rob Merrifield: Voici ma deuxième question. Vous venez ici aujourd'hui pour nous sensibiliser au fait que vous avez besoin de plus d'argent, et on a évoqué le chiffre de 85 millions de dollars, mais je me demande aussi si vous vous êtes directement mis en rapport avec le ministre et si oui, quelle a été sa réponse.

»  +-(1715)  

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    Dr Martin Schechter: En fait, nous avons rendu visite à son adjoint—j'ai oublié quand au juste—chargé du dossier du sida, et nous lui avons fait valoir à peu près la même chose qu'à vous aujourd'hui, même si ce n'était pas exactement le même auditoire.

    Ce qu'on nous a dit, c'est que Santé Canada veut évaluer la stratégie et procède actuellement à une évaluation qui durera pendant toute l'année 2003. Nous ne savons pas quand cette évaluation sera terminée. D'après ce que nous avons entendu, c'est de cette façon et en fonction des résultats de cette évaluation que la stratégie va être déterminée.

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    M. Rob Merrifield: En d'autres termes, vous me parlez d'une autre étude, n'est-ce pas?

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    Dr Martin Schechter: En effet.

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    M. Rob Merrifield: C'est logique. Je vous remercie.

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    La présidente: Merci, monsieur Merrifield.

    Madame Bennett.

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    Mme Carolyn Bennett: Merci beaucoup.

    La question de la lenteur du processus d'homologation des médicaments est quelque chose qui m'intéresse. Je ne pense pas qu'il y ait un milieu qui s'y connaisse autant que le vôtre, alors voici ce que je voudrais savoir. D'après ce que j'ai appris, aux États-Unis la FDA a mis au point un programme qui permet, avec l'appui des parties prenantes, d'homologuer et de mettre à disposition rapidement un nouveau médicament dont le dossier international est déjà bien établi, et cela avec l'approbation des organismes compétents; par contre, si ceux-ci estiment que le protocole de recherche est insuffisant ou que c'est un médicament qui est moussé par certains intérêts, les sonnettes d'alarme commencent à se déclencher et le médicament doit alors suivre la filière normale.

    Il est évident que c'est un problème qui transcende beaucoup le problème du sida, et je pense d'ailleurs que certaines coalitions pour la lutte contre le cancer, entre autres, se penchent sur la question, mais je ne peux m'empêcher de m'étonner que nous refassions tout ce travail qui a déjà été fait et bien fait ailleurs. Ne serait-il pas préférable, étant donné nos ressources financières limitées, de s'en tenir à un simple contrôle après vente ou à mener le genre d'étude dont parle le Dr Schechter?

    Non pas que cela figurera nécessairement dans le rapport, ne pourrions-nous pas recommander par exemple que comme les crédits sont somme toute limités, nous ne voulons pas que vous dépensiez cet argent pour faire des trucs comme...? L'harmonisation et tout ce genre de choses va prendre une éternité dans le monde entier, mais ne pourrions-nous pas demander pour les thérapies contre le sida un genre de protocole pilote qui permettrait de tester un produit dans un groupe homogène de patients...?

    En fait, je pense que c'est cela que je voulais dire en parlant de l'étude de l'école de gestion de McGill puisque, dès lors qu'il y a une certaine homogénéité chez tous les gens qui interviennent dans ce dossier, on ne risque pas d'avoir des groupes dont les opinions sont opposées, d'arriver à un genre de cacophonie qui laisserait le gouvernement impuissant. Au contraire, il est possible de faire valoir clairement une argumentation qui rallie tout le monde.

    Louise, Sheena et Martin, pourriez-vous me dire si les groupes en question affirment effectivement que si le Canada avait une politique d'homologation des médicaments plus cohérente, ce serait très utile dans la mesure où cela libérerait des fonds pour la stratégie de lutte contre le sida?

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    Mme Louise Binder: Oui, cela ne fait aucun doute. Nous avons demandé qu'on améliore les pratiques exemplaires en s'inspirant de celles qui ont cours à l'étranger, mais également qu'on améliore l'harmonisation et qu'on procède à des examens conjoints. Je pourrais vous donner les recommandations formulées il y a quatre ans par un groupe de travail sur le VIH/sida avec le concours de ce qui s'appelle maintenant la Direction des produits thérapeutiques, des recommandations dont tout un volet concernait le contrôle après homologation. Mais malgré cela, nous avons toujours ce genre de problème.

    Effectivement, ce serait le cas. Cela vous appellerait également à suivre de près le processus d'examen des médicaments courants qui commence à prendre son envol, étant donné qu'il y a eu la semaine dernière une réunion à l'intention des personnes intéressées dans la collectivité. Je ne suis pas encore persuadée que le second volet du processus d'examen va effectivement être plus efficace que le processus à l'emporte-pièce que nous avons actuellement, et je veux parler ici du processus d'examen du formulaire.

    Mais je vais continuer à espérer parce que sinon, je renoncerais. Par contre, je ne peux pas me montrer aussi optimiste que je le voudrais quant à l'efficacité de ce processus.

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    La présidente: Je vous remercie.

    Comme personne ne réclame plus la parole, je voudrais au nom du comité vous remercier infiniment, pas seulement pour des exposés qui ont été très clairs, mais aussi pour la générosité dont vous avez fait montre en acceptant de nous faire part de votre expérience et de répondre à nos questions.

    Nous aurons encore une ou deux réunions à ce sujet, après quoi nous allons essayer de composer un petit rapport assorti de quelques recommandations à l'intention du ministre. Lorsque nous aurons terminé, nous vous en ferons part.

»  -(1720)  

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    Dr Martin Schechter: Pourrais-je déposer ce rapport dont il a été question?

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    La présidente: Oui, remettez-le au greffier. Il viendra vous le demander.

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    Dr Martin Schechter: Merci beaucoup de nous avoir écoutés.

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    La présidente: Tout le plaisir a été pour nous.

    Mesdames et messieurs, il y a des budgets que nous devons adopter mercredi, et j'espère que vous pourrez donc être présents. Nous n'avons pas eu vraiment le quorum aujourd'hui, mais mercredi, nous allons poursuivre nos travaux sur le VIH/sida. Pour ce qui est des lettres que vous m'avez demandé d'écrire au ministre, cela a été fait et elles ont été envoyées, mais il faut que je les fasse traduire avant de pouvoir vous les distribuer. J'espère que cela pourra se faire cette semaine ou la semaine prochaine.

    La séance est levée. Merci beaucoup.