HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 20 novembre 2002
¹ | 1540 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
Dr Arthur Leader (chef, Division de l'endocrinologie de la reproduction et de l'infertilité, Hôpital Civic d'Ottawa) |
¹ | 1545 |
La présidente |
Mme Cathy Ruberto (directrice adjointe des services cliniques, Repromed Limited) |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
La présidente |
Dr Eugene Bereza (président, Comité de déontologie, Association médicale canadienne) |
º | 1600 |
º | 1605 |
La présidente |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne) |
Dr Eugene Bereza |
M. Rob Merrifield |
Dr Eugene Bereza |
M. Rob Merrifield |
Dr Eugene Bereza |
M. Rob Merrifield |
º | 1610 |
Dr Eugene Bereza |
M. Rob Merrifield |
Dr Eugene Bereza |
M. Rob Merrifield |
Dr Eugene Bereza |
M. Rob Merrifield |
Dr Eugene Bezera |
M. Rob Merrifield |
Mme Cathy Ruberto |
º | 1615 |
M. Rob Merrifield |
Mme Cathy Ruberto |
M. Rob Merrifield |
Mme Cathy Ruberto |
M. Rob Merrifield |
Mme Cathy Ruberto |
M. Rob Merrifield |
Mme Cathy Ruberto |
M. Rob Merrifield |
Mme Cathy Ruberto |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) |
Dr Arthur Leader |
M. Réal Ménard |
º | 1620 |
Dr Arthur Leader |
M. Réal Ménard |
Mme Cathy Ruberto |
M. Réal Ménard |
Mme Cathy Ruperto |
º | 1625 |
M. Réal Ménard |
Dr Eugene Bereza |
M. Réal Ménard |
La présidente |
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.) |
º | 1630 |
Mme Cathy Ruberto |
Mme Carolyn Bennett |
Mme Cathy Ruberto |
Mme Carolyn Bennett |
Dr Arthur Leader |
Mme Carolyn Bennett |
Dr Arthur Leader |
Mme Carolyn Bennett |
La présidente |
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne) |
Mme Cathy Ruberto |
º | 1635 |
M. James Lunney |
Mme Cathy Ruberto |
M. James Lunney |
Mme Cathy Ruberto |
M. James Lunney |
Mme Cathy Ruberto |
M. James Lunney |
Mme Cathy Ruberto |
M. James Lunney |
Mme Cathy Ruberto |
M. James Lunney |
Mme Cathy Ruberto |
M. James Lunney |
Mme Cathy Ruberto |
M. James Lunney |
Mme Cathy Ruberto |
M. James Lunney |
Mme Cathy Ruberto |
M. James Lunney |
Mme Cathy Ruberto |
º | 1640 |
Dr Arthur Leader |
La présidente |
Dr Arthur Leader |
La présidente |
Dr Arthur Leader |
La présidente |
Dr Arthur Leader |
La présidente |
Dr Arthur Leader |
º | 1645 |
La présidente |
Dr Arthur Leader |
La présidente |
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.) |
Mme Cathy Ruperto |
M. Jeannot Castonguay |
Dr Arthur Leader |
º | 1650 |
M. Jeannot Castonguay |
La présidente |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
Dr Arthur Leader |
M. Paul Szabo |
Dr Arthur Leader |
M. Paul Szabo |
º | 1655 |
Dr Arthur Leader |
M. Paul Szabo |
Mme Cathy Ruberto |
» | 1700 |
M. Arthur Leader |
La présidente |
M. James Lunney |
M. Paul Szabo |
M. Arthur Leader |
M. Paul Szabo |
La présidente |
M. James Lunney |
Mme Cathy Ruperto |
M. James Lunney |
Mme Cathy Ruperto |
M. James Lunney |
» | 1705 |
La présidente |
M. James Lunney |
La présidente |
M. Arthur Leader |
La présidente |
Dr Arthur Leader |
La présidente |
Dr Arthur Leader |
La présidente |
Dr Arthur Leader |
La présidente |
Dr Arthur Leader |
Mme Cathy Ruberto |
La présidente |
Mme Cathy Ruberto |
La présidente |
» | 1710 |
Mme Cathy Ruberto |
La présidente |
Mme Cathy Ruberto |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 20 novembre 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1540)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte.
J'aimerais informer les membres du comité qu'il faut nous occuper d'une petite question de régie interne à la fin de la séance. Je vous prierais donc de rester jusqu'à la fin. Selon moi, nous pouvons probablement expédier cette affaire dans environ cinq minutes.
Cet après-midi il y a des témoins à qui j'aimerais souhaiter la bienvenue. Nous accueillons tout d'abord le docteur Arthur Leader de l'Hôpital d'Ottawa.
La parole est à vous, Dr Leader.
Dr Arthur Leader (chef, Division de l'endocrinologie de la reproduction et de l'infertilité, Hôpital Civic d'Ottawa): Madame la présidente, mesdames et messieurs du comité, je suis chargé de la médecine de la reproduction à l'Hôpital d'Ottawa et à l'Université d'Ottawa. Cela fait maintenant plus de vingt ans que je m'occupe à Toronto, dans le nord de l'Ontario, à Calgary et maintenant à Ottawa, des hommes et des femmes qui sont aux prises avec le problème médical qu'est l'infertilité.
J'ai déjà comparu au comité avec mes collègues en octobre 2001 pour vous faire part de mes opinions sur l'avant-projet de loi.
Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître à nouveau au sujet du projet de loi C-13.
Ayant pris connaissance du projet de loi C-13, je suis fier de voir à quel point le Parlement a fait du chemin depuis le rapport de la Commission royale d'enquête en 1993 jusqu'à aujourd'hui. En fait, je n'ai que quelques changements pas très longs, mais importants, à suggérer pour que le cadre juridique soit le meilleur possible. Le projet de loi présente de nombreux aspects positifs, à mon avis, même s'il faut néanmoins lui apporter quelques changements de fond.
D'abord, le projet de loi reconnaît les avantages que présente la procréation assistée tout en reconnaissant aussi que certaines activités doivent être réglementées. Il protège l'anonymat du don de sperme, d'ovules et d'embryons, tout en reconnaissant la nécessité de rembourser les donneurs de gamètes des dépenses qu'ils ont encourues.
Il crée une agence qui contrôlera la procréation assistée, qui contrôlera les activités d'aide à la conception et la recherche afférente au Canada. Cette agence deviendra également la tribune sur laquelle on débattra de façon permanente des grandes questions de principe afférentes.
Par contre, rien, dans le projet de loi, n'oblige qui que ce soit à lancer une stratégie en vue d'empêcher les problèmes de fécondité. Il n'y a rien de prévu non plus pour que les traitements de l'infertilité nécessaires du point de vue médical soient considérés comme des traitements approuvés par la Loi canadienne sur la santé. De plus, si je comprends bien le libellé du projet de loi, il ne protège pas complètement les renseignements personnels des individus qui ont recours à ces thérapies.
Je pense notamment à l'article 3, page 4, lignes 2 à 10. Il faudrait supprimer le terme «identité», à la ligne 6, et que la définition soit formulée comme suit:
«renseignement médical» Renseignement fourni dans le cadre de la présente loi relativement aux caractéristiques personnelles, à l'information génétique et aux antécédents médicaux des donneurs de matériel reproductif humain ou d'embryons in vitro...»
Les éléments identificateurs ne devraient pas se retrouver dans les renseignements médicaux publics, car il faut protéger tous les renseignements personnels des patients. Beaucoup de patients sont mal à l'aise avec l'idée que quelqu'un qui ne serait ni leur médecin ni leur famille immédiate puisse apprendre qu'ils suivent des traitements.
Par ailleurs, comme le prévoient les règlements de l'agence, les cliniques devraient être en mesure de pouvoir faire le lien entre les éléments informatifs non identificateurs, tels que le code de patient ou le code de donneur, et, d'autre part, l'identité personnelle. Si l'on apporte ces changements mineurs, les articles 14 à 18 pourront respecter l'objectif de la loi et protéger les renseignements personnels des patients, tout en donnant à l'agence l'information nécessaire pour qu 'elle puisse accomplir ses fonctions.
Même si l'on présuppose que les coûts afférents à la réglementation de la conception assistée devront être assumés par l'agence, il reste que les coûts de conformité avec les règlements—qui seront importants—devront être assumés par les cliniques et, par ricochet, par les patients souffrant d'infertilité. À l'article 19, il devrait être prévu qu'une analyse des répercussions du coût des règlements doit être effectuée et faire l'objet d'un examen public.
Les articles 50 à 56 du projet de loi ne tiennent pas compte du modèle médical de soins. En effet, le sperme, les ovules et les embryons sont la propriété de ceux qui fournissent les gamètes et sont laissés en fiducie aux cliniques. Toutefois, celles-ci n'en sont pas les propriétaires. La saisie par les inspecteurs que prévoient les articles 50 à 56 lèse les droits de ceux qui ont créé les cellules reproductives et qui en sont les propriétaires et pas seulement les droits de la clinique et de son personnel.
Enfin, mis à part le recours aux tribunaux, le projet de loi ne prévoit rien pour résoudre les différends qui pourraient survenir entre l'agence, les donneurs de gamètes et les titulaires d'autorisation. Le projet de loi décrit bien toutes les démarches qui entourent l'émission des autorisations, leur modification, leur renouvellement et leur suspension, mais dans une société juste et libre, il faudrait également décrire en autant de détails les démarches permettant d'interjeter appel.
¹ (1545)
Cet été, Statistique Canada a signalé que les taux de fécondité au Canada étaient tombés à leur plus bas niveau: 1,52 enfant par femme. L'immigration est devenue le principal facteur contribuant à la croissance démographique et à la croissance de l'économie au Canada. Toujours selon cette étude, de plus en plus de Canadiennes ne décident de devenir enceintes qu'au début de la trentaine alors que les femmes sont les plus fertiles de 20 à 29 ans. Les jeunes femmes d'aujourd'hui envisagent d'avoir leurs enfants au moment où leur fertilité naturelle diminue. Cet état de choses entraînera dans un proche avenir une augmentation de la demande de services de traitement de l'infertilité au Canada.
Madame la présidente, honorables membres du comité, je vous demande de ne pas oublier au moment d'étudier le projet de loi C-13 les centaines de milliers de Canadiennes et de Canadiens souffrant d'infertilité qui devront vivre avec les conséquences de cette mesure législative. Ces personnes comptent sur votre compassion, votre appui et votre encouragement. Ce pourraient être des membres de votre famille ou encore certains de vos amis, de vos voisins ou de vos collègues. Je vous prie d'appuyer les projets qui permettront à vos concitoyens de fonder une famille, et non de limiter les options qui s'offrent à eux.
Merci de votre attention. Je vous signale, madame la présidente, que j'ai mis un exemplaire du texte de mon exposé en anglais sur la table, au cas où certains membres du comité voudraient en prendre connaissance.
La présidente: Merci, docteur Leader.
Je donne maintenant la parole à Mme Cathy Ruberto, directrice adjointe des services cliniques de la société Repromed Limited.
Mme Cathy Ruberto (directrice adjointe des services cliniques, Repromed Limited): Je m'appelle Cathy Ruberto, et je suis directrice adjointe des services cliniques. Repromed est une entreprise canadienne reconnue à l'échelle nationale et internationale comme chef de file dans les services offerts aux donneurs et aux receveurs de sperme et d'ovules par le truchement de leur médecin et des cliniques du Canada. Les services que nous offrons de même que ceux qui sont offerts par d'autres entreprises comme les nôtres sont nécessaires au Canada.
Les installations comme les nôtres fournissent des services dans chacune de vos circonscriptions, et c'est pourquoi je m'exprime au nom de vos électeurs qui, si le projet de loi est adopté sans amendements, n'auront plus accès aux services qui les aideraient à fonder des familles. Je m'adresse à vous non seulement à titre de directrice d'une clinique qui traite la stérilité, mais également à titre d'infirmière qui a consacré sa carrière à aider le 10 p. 100 de couples en âge de procréer qui, sans qu'ils aient à se reprocher quoi que ce soit, ont dû avoir recours à des technologies de procréation assistée pour fonder leur famille, et enfin, à titre de Canadienne qui croit que tous et toutes devraient pouvoir choisir en matière de reproduction.
Depuis le 1er juin 1996, le Bureau des produits biologiques de Santé Canada réglemente les banques de sperme et les installations d'aide à la conception. Repromed a eu un rôle de premier plan à jouer dans l'élaboration de ces règlements et a travaillé avec la collaboration de Santé Canada à cette fin. Nous avons continué à oeuvrer en étroite collaboration avec l'Association canadienne de normalisation qui est en train de mettre ses règlements à jour afin qu'ils se conforment aux normes actuelles de pratique en matière de don de gamètes.
Les nouveaux règlements élaborés par la CSA incorporeront désormais les dons de sperme, d'ovules et d'embryons. À notre avis, c'est un pas dans la bonne direction pour la réglementation des dons de gamètes, qui fera partie du mandat de l'organisme de réglementation qui sera créé par le projet de loi sur lequel je vais m'exprimer aujourd'hui—et je parle spécifiquement de l'interdiction de rembourser les dons de gamètes et de l'interdiction de la maternité de substitution, ainsi que du passage à une nouvelle catégorie, celle des activités réglementées, qui dépendront elles aussi de l'organisme de réglementation.
Lorsque nous avons consulté nos donneurs, 71 p. 100 d'entre eux ont déclaré qu'ils cesseraient de prendre part à notre programme s'ils n'étaient pas remboursés de façon adéquate. Si l'on songe aux inconvénients que suscite l'obligation de fournir des dossiers médicaux, aux prélèvements sanguins obligatoires tous les 30 jours, ou au traitement envahissant qu'implique le don des ovules en vue de la fécondation in vitro, il est aisé de comprendre pourquoi un grand nombre de donneurs refuseront désormais d'assumer à eux seuls tous les inconvénients.
La Croix-Rouge a admis publiquement que depuis que tous les donneurs potentiels de sang doivent remplir un questionnaire détaillé qui peut prendre jusqu'à une heure, le nombre de donneurs de sang a chuté considérablement, au point même où l'approvisionnement en sang a atteint un seuil critique.
La possibilité d'avoir accès à de l'information médicale exacte et détaillée sur un donneur ne tient pas au fait que le donneur soit indemnisé ou pas, puisque nous ne voudrions surtout pas nous fier à la mémoire humaine lorsque l'information est à ce point vitale pour les autres. Nous faisons des contre-vérifications et nous obtenons les antécédents médicaux des donneurs jusqu'à la troisième génération des dossiers médicaux tenus par leurs médecins.
Santé Canada et certains membres du comité se sont inquiétés de la possibilité qu'un donneur ne fournisse pas de l'information exacte et vérifiable au sujet de sa santé si ses motifs étaient mercantiles plutôt qu'altruistes. On s'était déjà posé la question il y a de cela sept ans au moment des règlements sur le sperme. L'âge moyen des donneurs de sperme de Repromed n'est pas 23 ans, comme vous pourriez le suggérer, mais plutôt 33, et les donneurs sont principalement des hommes qui ont une profession libérale et un emploi rémunérateur. L'âge moyen de nos donneuses d'ovules est de 27 ans. Soixante-cinq pour cent de nos donneurs sont mariés et ont déjà des enfants, et ils se sentent privilégiés d'avoir pu fonder sans difficulté leurs propres familles; c'est pourquoi ils sont fortement motivés par le désir d'aider les autres. Enfin, 88 p. 100 d'entre eux ont un diplôme de deuxième cycle.
Si l'on compare les États-Unis et le Canada, 65 p. 100 des donneuses canadiennes d'ovules sont mariées, par opposition à seulement 10 p. 100 aux États-Unis; 65 p. 100 des donneurs canadiens sont déjà parents, contre seulement 5 p. 100 au États-Unis. Seulement 20 p. 100 de nos donneurs sont aux études, contre 85 p. 100 aux États-Unis. Jusqu'à 71 p. 100 des donneurs canadiens ne participeront pas au programme de don s'ils ne sont pas remboursés, alors que 90 p. 100 des donneurs sont motivés par un remboursement aux États-Unis. J'ai obtenu ces données comparatives de notre organisation et de l'Université Columbia, à New York.
Nous avons mené une étude à l'échelle du monde des lois et règlements ayant trait au don de gamètes, des tendances qui se dessinent et des perceptions que l'on peut avoir des règlements, de même que de leur incidence sur le don des gamètes. Notre gouvernement a modelé le projet de loi C-13 sur ce qui se fait au Royaume-Uni, à la Human Fertilisation and Embryology Authority. Voici ce que disait sa présidente, Ruth Deech, dans une lettre qu'elle a envoyée le 28 juin 2000 aux cliniques de traitement de la stérilité: «Bien que rembourser les dépenses ne devrait pas inciter qui que ce soit à faire ce don, les donneurs ne devraient pas payer de leur propre poche les démarches résultant en un don.»
J'ai remis avec mon mémoire, au cas où cela vous intéresse, l'annexe G du Code de pratique 2001 de la HFEA, cinquième édition, qui traite spécifiquement des règlements entourant l'indemnisation directe et indirecte des donneurs.
¹ (1550)
Comme on l'a vu en Suède et au Royaume-Uni, des directives spéciales s'appliquent pour l'importation de spécimens de sperme de l'étranger, et ces directives doivent se conformer strictement à la loi. Toutefois, le projet de loi C-13 ne dit rien là-dessus. Le projet de loi permet l'importation directe de dons de gamètes par des donneurs anonymes et indemnisés venant des É.-U. ou d'ailleurs, ce qui va à l'encontre même de ce type de loi au Canada. Les Canadiens seront obligés de se rendre aux É.-U. ou de se fier aux dons des Américains pour se faire inséminer, ce qui fait reculer le Canada d'une vingtaine d'années.
Nous sommes d'accord pour qu'on légifère ce domaine. Toutefois, nous souscrivons à la position exprimée par la LCFA, la SOGC et l'AMC. À notre avis, les donneurs et les mères porteuses devraient être remboursés adéquatement de leurs coûts directs et indirects et les coûts indirects devraient être plafonnés à un montant que déterminera l'agence de réglementation.
Ce qui nous préoccupe grandement, c'est que le gouvernement criminalise un domaine de la médecine qu'il ne comprend pas, par crainte de l'inconnu. Je félicite les membres du comité d'avoir tenté d'en saisir la problématique, mais il est clair que certains d'entre vous ne comprennent pas bien les grands enjeux, si l'on se fie aux déclarations incendiaires qui figurent dans les transcriptions des délibérations précédentes.
Voici ce que conseille aux pays qui veulent légiférer dans ce domaine le Dr Chris Barratt, qui connaît l'expérience de la HFEA au R.-U.:
«L'élément le plus important dans l'élaboration d'une législation rationnelle et efficace, c'est l'ouverture d'un dialogue entre, d'une part, les spécialistes de la médecine et de la reproduction et, d'autre part, les conseillers gouvernementaux, et ce avant même l'élaboration des mesures législatives.»
Merci.
¹ (1555)
La présidente: Merci.
Nous passons maintenant à Eugene Bereza, président du Comité de déontologie de l'Association médicale canadienne.
Dr Eugene Bereza (président, Comité de déontologie, Association médicale canadienne): Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs du comité.
Je suis le Dr Eugene Bereza et je suis médecin et éthicien-clinicien au Centre de santé de l'Université McGill à Montréal, là où j'ai traité plus de 1 000 cas divers dans tous les secteurs de la médecine, à partir des soins à domicile jusqu'aux cas existant dans les soins intensifs, et notamment de nombreux cas de médecine de reproduction. Ce sont ces derniers cas qui ont suscité les plus grands dilemmes déontologiques, à cause des nouvelles techniques modernes.
Je suis ici aujourd'hui toutefois à titre de président du Comité de déontologie de l'Association médicale canadienne. Je représente nos membres, notamment plus de 54 000 médecins de toutes les régions du Canada. Mais ce qui est plus important encore, c'est que je parle principalement au nom de nos patients, et en particulier de ceux qui ont des problèmes d'infertilité ou qui souffrent et souffriront de maladies pour lesquelles la science médicale cherche encore une cure.
Notre directeur de l'éthique, M. John Williams, m'accompagne aujourd'hui.
[Français]
Vous vous rappellerez que nous avons comparu devant le comité le 23 octobre 2001 en compagnie des représentants de huit autres organisations nationales, de soignants et de scientifiques afin de présenter notre position au sujet du projet de mesures législatives sur la procréation assistée.
Même si nous nous sommes réjouis de voir que vous recommandiez, dans votre rapport de décembre 2001, la création d'un organisme de réglementation de la procréation assistée indépendant du ministère de la Santé, nous avons été déçus que vous n'ayez pas retenu d'autres recommandations que nous avions proposées.
[Traduction]
Le gouvernement a répondu à votre rapport en présentant le projet de loi C-56, devenu depuis C-13, au sujet duquel nous sommes venus prendre la parole aujourd'hui.
Même si le projet de loi comporte de nombreux détails que nous souhaiterions voir préciser ou modifier, nous avons l'intention de concentrer notre propos sur la question que nous jugeons la plus importante pour le bien-être de nos patients et pour la pratique de la médecine. Je veux parler ici de l'application du droit pénal aux activités médicales et scientifiques. Il se trouve que je suis à la fois médecin et patient, et je ne vous dirai jamais à quel point je suis sidéré de vous voir juxtaposer activités médicales, activités scientifiques et actes criminels.
D'entrée de jeu, sachez que l'AMC a répété à maintes reprises qu'elle n'était pas contre l'interdiction de certaines activités de reproduction humaine assistée. Mais quelle est la meilleure façon d'interdire, en tenant compte de l'intérêt supérieur de nos patients, de la nature du lien qui unit le médecin et son patient, et l'ensemble des Canadiens?
Dans votre rapport de décembre 2001, vous avez reconnu notre position à ce sujet:
«Certains témoins ont recommandé la suppression pure et simple de la catégorie des activités prohibées. Citant les avantages de la souplesse réglementaire, ils estiment que ces activités devraient être classées parmi les activités réglementées, y compris les activités les plus répréhensibles comme le clonage aux fins de procréation, à l'égard desquelles aucune autorisation ne sera probablement jamais délivrée aux termes du règlement.»
Vous avez toutefois rejeté cette position à la page 9 parce que:
« [...] cette interdiction n'aurait pas le même poids ou la même force de censure sociale qu'une interdiction aux termes de la loi. L'interdiction officielle dans la loi précise que certaines activités sont soit dangereuses, soit socialement inacceptables. Elle indique également que ces activités inquiètent tellement les Canadiens que l'interdiction qui les frappe ne peut être modifiée sans l'aval du Parlement.»
Le projet de loi C-13 reflète votre position à ce sujet. Nous reconnaissons que vous êtes de bonne foi en proposant et en défendant cette position, mais nous sommes convaincus que les préjudices qu'elle pourrait causer l'emportent sur ses avantages éventuels. Nous reconnaissons qu'il peut y avoir des avantages, mais nous ne voyons pas le rapport comme vous.
Nous sommes donc heureux d'avoir cette occasion de réitérer les raisons pour lesquelles l'AMC juge que le projet de loi C-13 pourrait avoir des répercussions négatives sur la relation entre la patient et son médecin et sur les progrès de la science médicale.
º (1600)
[Français]
Comme vous le savez, notre position sur ce sujet a l'appui d'experts juridiques comme Patrick Healy, de la Faculté de droit de l'Université McGill, Tim Caulfield, directeur de l'Institut du droit de la santé de l'Université de l'Alberta et Bartha Knoppers du Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal. Notre position est essentiellement la suivante: le droit criminel est un marteau-pilon très difficile à modifier et il convient donc à des crimes dont la situation a peu de chances de changer au fil du temps, comme l'assassinat et le vol, plutôt qu'aux activités médicales et scientifiques qui évoluent constamment. Dans ce dernier cas, il est préférable de s'en remettre à un organisme de réglementation représentatif pour déterminer si et quand les modifications des facteurs reliés à la santé et à la sécurité, ainsi que l'évolution des attitudes et les valeurs du public, pourraient justifier, dans des conditions précises, certaines activités auparavant interdites.
[Traduction]
Le sommaire du projet de loi C-13 débute par la déclaration suivante: «Le texte interdit les techniques de procréation assistée jugées inacceptables sur le plan éthique.» Je pense que cette déclaration reflète les conclusions de votre rapport. Sauf votre respect, je ne peux que mettre en doute cette conclusion catégorique.
Comme les comptes rendus de vos audiences l'indiquent, beaucoup de Canadiens—et particulièrement mais pas seulement les personnes infertiles—ne trouvent pas inacceptables certaines des interventions qui sont interdites par le projet de loi. Devraient-elles, en vertu d'une politique gouvernementale, se voir refuser des traitements médicaux de l'infertilité parce que d'autres estiment que ces traitements sont moralement inacceptables? Nous doutons qu'il soit approprié de criminaliser des activités dont le caractère éthique est loin de faire l'unanimité dans la population canadienne aujourd'hui.
Au Canada, le législateur a jusqu'ici hésité, et à juste titre, à recourir au droit criminel pour régler des questions médicales et scientifiques comme l'avortement, la cessation de traitements de maintien en vie et la réalisation de recherches médicales. Pourquoi fait-on exception à cette règle pour la procréation assistée? Quel genre de précédent est-ce que cela établira pour d'autres questions de bioéthique controversées?
Les sanctions prévues par le projet de loi nous inquiètent également: des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 10 ans et des amendes pouvant atteindre un demi-million de dollars. Ces sanctions nous semblent démesurées par rapport à celles que l'on impose pour des crimes contre la personne ou les biens et elles susciteront un climat de crainte et de peur et de prudence excessive chez les médecins et les scientifiques qui travaillent dans ce domaine, si bien qu'ils auront tendance à éviter toute activité qui pourrait être visée par le projet de loi, même au détriment de leurs patients.
Étant donné l'évolution très rapide des connaissances scientifiques et les pratiques médicales, ainsi que la difficulté de prévoir les avancées futures, il sera difficile d'adapter la loi pour tenir compte de nouvelles applications possibles d'activités interdites, nouvelles applications qui pourraient être perçues comme acceptables dans l'avenir.
L'AMC a déclaré à maintes reprises qu'elle n'est pas contre l'interdiction de certaines activités. Nous demeurons cependant convaincus qu'au lieu d'instituer des interdictions relevant du droit pénal, il vaudrait mieux laisser à un organisme indépendant le soin de déterminer en permanence quelles activités doivent être permises ou interdites, en se fondant sur les plus récentes recherches scientifiques, sur les opinions récentes de la population et sur un examen éthique à jour. Nous estimons que cela pourrait se faire aisément dans le projet de loi C-13, en déplaçant les interventions énumérées dans les articles 5 à 9, qui décrivent les activités interdites, à la section qui traite des activités réglementées, et en ajoutant les mots «sauf lorsque ces activités se font conformément au règlement et en vertu d'une autorisation» à chacune des dispositions des articles 5 à 9.
Pour résumer notre position, nous appuyons sans réserve la volonté du gouvernement de réglementer la procréation assistée et les activités connexes, y compris l'interdiction de certaines activités. Cependant, nous sommes d'avis que la criminalisation de certaines activités médicales et scientifiques mentionnées dans le projet de loi n'est pas un bon moyen de parvenir aux résultats souhaités. À notre avis, ces objectifs pourraient être aussi bien réalisés par des moyens moins radicaux que la criminalisation, d'autant plus que celle-ci risque de créer des obstacles majeurs aux progrès médicaux et scientifiques légitimes dans le domaine du traitement de l'infertilité.
Nous recommandons que l'organisme proposé soit habilité à réglementer ces pratiques et que les sanctions pénales ne soient prévues que lorsque les activités réglementées sont exécutées en l'absence d'une autorisation délivrée par l'agence et en contravention des conditions d'obtention d'une autorisation fixées par celle-ci.
º (1605)
[Français]
Je vous remercie, madame la présidente et membres du comité. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
La présidente: Merci, docteur Bereza.
Nous passons maintenant à la période de questions. Monsieur Merrifield, vous avez la parole.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Je vais revenir sur les propos de l'intervenant précédent et vous demander à quelles interventions précises vous faites allusion. Trouvez-vous que des sanctions relevant du Code criminel seraient excessives? Si j'ai bien compris le sens de vos propos, vous pensez qu'il pourrait arriver dans l'avenir que les activités actuellement interdites deviennent acceptables sur le plan éthique. Pourriez-vous m'indiquer précisément de quelles interventions vous voulez parler et nous donner quelques explications à ce sujet?
Dr Eugene Bereza: Je préfère répondre ainsi: l'AMC ne s'est pas prononcée sur des activités particulières, précisément parce que c'est ce que nous voulions dire. Nous estimons que si on se tourne vers l'histoire, même la courte histoire du Canada, il y a des exemples, très clairs, de choses considérées comme répréhensibles par la société à une époque et qui, en l'espace de peu de temps, sont devenues acceptables du point de vue éthique. Je peux peut-être vous fournir deux exemples.
Si on remonte avant les années 60, les mesures contraceptives étaient illégales. Le Canada est un grand pays et je suis convaincu qu'il y a encore des gens qui ont un point de vue bien différent sur la moralité de la chose, mais qu'en général, on considérerait injustifié de faire de la contraception un acte criminel. Pourtant, ce l'était, il n'y a pas si longtemps.
Le deuxième exemple est celui de l'interruption des mesures de maintien des fonctions vitales. Quand j'ai commencé ma pratique, il n'y a pas si longtemps, on l'espère, certaines choses qu'on envisageait de faire aux patients étaient considérées comme contraires à l'éthique et pourtant, aujourd'hui, ce sont des normes de soins, tout à fait conformes aux normes éthiques.
Voilà donc deux exemples très clairs.
M. Rob Merrifield: Au sujet de questions éthiques et très délicates qui ne relèvent pas de l'interdit, ne pensez-vous pas que si les mentalités changent, d'ici 20 ou 50 ans, comme vous le dites, certaines des procédures seront vues bien différemment par la population? Avant que les Canadiens soient à l'aise avec des changements de normes qu'ils croient nécessaires, ne pensez-vous pas que la question devrait être confiée à la Chambre des communes, soit aux législateurs, qui en débattront, plutôt qu'à un organisme de réglementation?
Dr Eugene Bereza: Sauf votre respect, nous voyons les choses autrement. Nous ne contestons pas la valeur d'un débat parlementaire. À notre avis, cela serait une situation sans précédent puisqu'on parle de lancer un débat parlementaire sur des questions qui relèvent habituellement du domaine des actes médicaux posés dans le contexte de la relation entre le médecin et son patient.
M. Rob Merrifield: Pas si nous parlons des activités interdites. Ce sont des questions éthiques très délicates et les interdictions ne sont pas venues par accident, puisqu'elles...
Dr Eugene Bereza: Si vous permettez, je renverserai la question, en disant que par esprit de collaboration, nous pensons aussi qu'il doit y avoir des interdictions, mais que dans des domaines où c'est très délicat, où il n'y a pas de clarté, personne ne peut affirmer savoir exactement ce qu'en pensent les Canadiens.
Quel argument justifierait le recours au droit criminel pour réglementer cela, alors que les mesures prises par le passé pour réglementer les actes médicaux et d'autres activités éthiquement controversées ont été efficaces? Qu'est-ce qui justifie la rupture avec les méthodes passées?
M. Rob Merrifield: Il faut se poser deux questions. Premièrement, est-ce qu'on va à l'encontre de l'esprit de la loi, ou de sa lettre, en commettant l'activité interdite. Disons qu'on permet le clonage reproductif, ou que quelqu'un le fait et qu'à votre avis, le droit criminel impose des peines trop sévères. Si c'est inconvenant et répugnant aux yeux du public, pourquoi voudrions-nous alléger les peines, ou supprimer l'infraction, pour donner le contrôle à un organisme de réglementation? Voilà pour la première question, celle des peines.
On peut ensuite se demander si on va passer de l'interdiction d'une activité à sa réglementation, en raison de l'évolution des valeurs des Canadiens, par exemple. La loi actuelle prévoit un examen tous les trois ans.
Dr Eugene Bereza:Oui.
M. Rob Merrifield: N'est-il donc pas plus acceptable de soumettre la question de nouveau aux législateurs du pays, pour qu'on tienne compte des valeurs des Canadiens, quand on prend des décisions sur ce genre de questions?
º (1610)
Dr Eugene Bereza: Encore une fois, j'accepte l'esprit de votre proposition. Le principe d'une révision aux trois ans est concevable, mais sauf le respect qui vous est dû, nous avons un point de vue différent pour les raisons suivantes: nous avons ici affaire à des technologies dont le rythme de progrès est plus rapide que nous ne pouvons l'imaginer. Les changements survenus au cours des cinq derniers mois, et qu'on essaie d'assimiler... les progrès de la technologie sont exponentiels. Je pense que le taux de changement auquel on peut s'attendre par rapport à l'évolution des normes sociales—une fois que les gens auront vraiment compris de quoi il s'agit—va être trop rapide pour qu'on puisse envisager un ajustement tous les dix ans, ou même tous les trois ans.
Je ne peux cependant pas vous en apporter la preuve. Ce que nous craignons, c'est que la révision tous les trois ans et le recours au droit pénal ne sont sans doute pas les moyens les plus subtils ou les plus souples d'interdire une activité qui, de toute façon, serait interdite. Nous souhaiterions une intervention beaucoup mieux adaptée aux problèmes qu'il faut régler.
M. Rob Merrifield: Vous venez d'exposer vous-même mon argument. Nous sommes ici dans un domaine très dynamique qui évolue très rapidement, mais nous sommes aussi en présence d'un vide juridique. Il faut circonscrire ce domaine et lui imposer des paramètres. C'est pourquoi nous pensons avoir trouvé la bonne façon de procéder, c'est-à-dire mettre en place une mesure législative qui impose des paramètres, mais il serait irresponsable de laisser des échappatoires qui permettent de contourner ces paramètres.
Dr Eugene Bereza: Pour nous, ce ne sont pas des échappatoires.
M. Rob Merrifield: C'est bien là que nos opinions divergent.
Dr Eugene Bereza: Sauf votre respect, nous ne serons pas d'accord. Mais je pense que nous partageons les mêmes préoccupations. Nous n'avons nullement l'intention de préconiser des échappatoires. Ce que nous voulons réaliser...
Je pense que nous avons le même objectif. Nous constatons l'existence de graves questions d'éthique qui méritent un examen minutieux. Il faut les aborder en fonction des valeurs canadiennes, et avec la plus grande prudence. Je ne suis pas partisan des échappatoires, mais nous pensons que la meilleure façon de les éviter tout en protégeant les intérêts de chacun n'est pas de recourir au droit pénal. On peut y parvenir tout aussi bien, sinon mieux, sans opter pour cette possibilité. Nous divergeons d'opinion sur la solution qui serait la plus efficace.
M. Rob Merrifield: Je considère que celui qui n'enfreint pas la loi n'a pas à se préoccuper de sa sévérité.
Dr Eugene Bezera: À vrai dire, les médecins sont très inquiets. Lorsque nos autorités internes nous imposent des mesures disciplinaires ou lorsque nous nous écartons de l'usage normal, nous nous exposons à de graves conséquences.
M. Rob Merrifield: Passons, si vous le voulez bien, à la question suivante. J'aimerais interroger Cathy sur la question des dons. Vous pensez bien sûr qu'il faut accorder une indemnisation et qu'à défaut, nous risquons de manquer de matériel pour réaliser des opérations reproductives au Canada. Nous avons déjà examiné cette question de près. Nous avons consulté d'autres pays qui avaient choisi cette formule, et ce que vous dites est vrai: ils ont connu une courte période de pénurie, puis après une campagne d'éducation, les donneurs ont changé d'attitude, ont fait preuve de plus de maturité et se sont montrés plus altruistes. Pour ces pays, il n'y a pas eu véritablement de problème.
De toute évidence, vous défendez un point de vue différent. Pensez-vous que les choses qu'ont connues d'autres pays comme l'Australie ont peu de chance de durer? Pensez-vous qu'on ne puisse pas les envisager au Canada?
Mme Cathy Ruberto: Je pense que c'est impossible au Canada. Tout d'abord, l'Australie a une très faible population. Ses programmes sont rares et ne permettent qu'un accès limité à l'insémination par donneur. Il est certain que le point de vue des personnes qui attendent un traitement est différent de celui des personnes qui ont déjà reçu le leur.
Au Royaume-Uni, par exemple, l'autorité responsable de l'insémination artificielle et de l'embryologie a essayé de supprimer totalement la rémunération des donneurs. J'ai indiqué dans mon exposé que la meilleure solution pour le Royaume-Uni, c'est un plafonnement du remboursement indirect. J'ai ici un exemplaire de l'annexe d'un document de cette autorité où elle déclare qu'à son avis...
º (1615)
M. Rob Merrifield: Quel devrait être le plafond?
Mme Cathy Ruberto: À mon avis, je pense que le plafond ne devrait pas dépasser 50 $ pour un donneur de sperme.
M. Rob Merrifield: Et pour un don d'ovocytes?
Mme Cathy Ruberto: Pour un don d'ovocytes, 4 500 $ au maximum, même si ce montant paraît élevé.
M. Rob Merrifield: Est-ce pour chaque...
Mme Cathy Ruberto: Pardon... non, par cycle.
M. Rob Merrifield: Donc c'est 4 500 $ par cycle
Mme Cathy Ruberto: Oui. Personnellement, je n'accorde pas de tels montants à nos propres donneurs.
M. Rob Merrifield: Vous dites aussi que les antécédents médicaux ont un effet dissuasif.
Mme Cathy Ruberto: Non, je ne pense pas que les antécédents médicaux aient un effet dissuasif. On a déjà mentionné cet argument. Certains craignent que les donneurs cachent une partie de leur dossier médical si leur motivation est avant tout financière, mais cette question a déjà été traitée par Santé Canada au moyen de la réglementation sur le sperme. Nous devons obligatoirement obtenir le dossier médical du donneur auprès de son médecin.
M. Rob Merrifield: Mon temps de parole est épuisé, mais j'aimerais poursuivre la question.
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
À vous, monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Merci, madame la présidente.
J'ai une question pour chacun des témoins. Je vais commencer par M. Leader. Peut-être savez-vous que demain nous accueillerons le commissaire à la protection de la vie privée. Donc, les interrogations que vous avez portées à notre connaissance pourront peut-être trouver un écho sous forme de questions. Vous semblez dire qu'il y a certains renseignements personnels qui sont mal protégés dans ce projet de loi. J'aimerais que vous soyez plus explicite et que vous nous disiez ce que vous souhaiteriez qu'on puisse valider auprès du commissaire à la protection de la vie privée. C'est ma première question.
Ma deuxième question s'adresse à Mme Ruberto. J'aimerais bien comprendre la différence entre ce que vous souhaiteriez voir rembourser et ce que le projet de loi va permettre dans une perspective visant à être le plus incitatif possible auprès des donneurs.
Ma troisième question est la suivante. L'été dernier, on n'a pu voir à la télévision un gynécologue italien qui se proposait de pratiquer le clonage. Qu'est-ce que l'on peut faire, comme législateurs, s'il y a, dans des laboratoires privés ou publics, des pratiques qui sont interdites par la loi? Si ce n'est pas le droit pénal qui peut réprimer cela, qu'est-ce que ça peut être?
Ce sont mes trois questions, madame la présidente.
[Traduction]
Dr Arthur Leader: Comme je l'ai dit, le problème, c'est que selon l'article 3 du projet de loi actuel, le «renseignement médical» doit comprendre l'identité du donneur. Je voudrais demander la suppression de cette disposition, car l'identité révèle notamment le nom, le numéro de téléphone et la date de naissance de la personne concernée.
D'après les articles 14 à 18, son identité n'est pas protégée, car d'après la réglementation, les renseignements personnels peuvent être divulgués dans certaines circonstances. Si l'identité fait partie de ces renseignements personnels, il risque d'y avoir atteinte à la vie privée.
De nombreux patients, notamment ontariens, craignent que s'ils se prévalent d'un service assuré, l'OHIP connaisse leur identité, et en fait, ils préfèrent payer le montant du service pour éviter que leur identité ne soit divulguée.
[Français]
M. Réal Ménard: Dans le projet de loi tel qu'il existe, est-ce qu'il vous apparaît qu'il y a des situations urgentes? Ce que j'avais cru comprendre, c'est qu'il y a deux situations. Il y a le cas, évidemment, où le donneur donne son consentement pour que l'information soit divulguée, mais là où on est le plus susceptible d'assister à la divulgation d'information, c'est dans des situations d'urgence où l'enfant qui est né de ces dons-là se retrouve à l'hôpital et qu'il faut connaître l'identité du donneur pour faire une transfusion sanguine, par exemple.
Est-ce qu'il vous apparaît qu'il y a des situations non assimilées, non urgentes, dans ce scénario, qui pourraient faire en sorte que l'identité du donneur soit divulguée?
º (1620)
[Traduction]
Dr Arthur Leader: La question comporte deux volets. De nombreux donneurs se trouvent dans cette situation. Il peut s'agir d'un mari et d'une femme qui donnent du sperme et des ovocytes dans l'intention d'avoir un enfant. Ces personnes ne sont pas protégées. Leur identité fait partie du renseignement médical. À quoi peut bien servir de connaître l'identité de M. et Mme Smith, qui sont peut-être vos voisins, vos amis, des membres de votre famille ou des collègues députés?
Je préside le groupe de travail d'experts de Santé Canada sur les dons de sperme, d'ovocytes et d'embryons. Dans le régime qui s'applique actuellement aux donneurs de sperme au Canada, l'information est conservée dans l'établissement où les gamètes ont été recueillis. Nous parlons ici de deux choses différentes. Il y a le cas du donneur de gamètes et celui du mari et de la femme, qui donnent leurs gamètes pour créer un embryon.
Chaque don de sperme donne lieu à l'établissement d'un lien et à l'établissement d'un numéro qui peut permettre de découvrir l'identité du donneur. Mais ce qui est porté à la connaissance de l'établissement et assujetti aux règles des tribunaux et des ministères provinciaux de la Santé ne devrait pas porter l'identité des personnes qui reçoivent ces traitements. C'est cette question de respect de la vie privée qui me préoccupe. J'en ai discuté avec mes patients, qui se disent eux aussi très préoccupés.
La question de l'identité du donneur est différente, et je peux en parler aux membres du comité s'ils le souhaitent. Mais je parle maintenant des personnes qui veulent bénéficier d'un traitement.
[Français]
M. Réal Ménard: D'accord.
Ma deuxième question s'adressait à Mme Ruberto.
[Traduction]
Mme Cathy Ruberto: Me demandez-vous ce que je propose pour régler...
[Français]
M. Réal Ménard: Qu'est-ce qu'on rembourse actuellement? Qu'est-ce que le projet de loi ne permettra plus de rembourser, et qui aura un effet dissuasif sur des dons ultérieurs?
[Traduction]
Mme Cathy Ruperto: Actuellement, nous indemnisons nos donneurs pour leurs coûts indirects. Ils ne reçoivent pas d'indemnisation ni de remboursement pour leurs dépenses remboursables. Ils reçoivent un montant global indirect pour les services qu'ils nous fournissent.
Manifestement, le comité ne souhaite pas que le statu quo continue et donc nous proposons de peut-être diminuer le montant du remboursement indirect et d'ajouter un montant pour les coûts indirects encourus par la personne. Disons par exemple que quelqu'un souhaite faire appel à sa soeur pour obtenir un ovule. La soeur habite Vancouver et la récipiendaire Toronto. Quelqu'un doit payer pour le vol de Vancouver, la chambre d'hôtel, et les dépenses courantes, même si la personne est altruiste.
Il y a par exemple le cas d'une donneuse anonyme qui a déménagé au Royaume-Uni. Le couple récipiendaire avait un bel enfant en santé de cette donneuse et souhaitait un deuxième bébé. Parce que la donneuse n'habitait plus le Canada, il fallait prendre des dispositions pour l'amener ici de façon à ce que le couple puisse avoir un deuxième enfant. C'est aussi simple que cela.
Évidemment, si nous n'avions pas à indemniser nos donneuses, ce serait merveilleux, mais malheureusement, nous avons déjà un taux de rejet de 95 p. 100, avec indemnisation. Il nous faut faire l'analyse de 100 donneurs de sperme pour obtenir cinq donneurs, avec le système actuel.
Déjà, nous sommes très préoccupés par le nombre de grossesses que nous obtenons avec un donneur. Les nouvelles normes proposent de permettre trois naissances pour 100 000 de population dans une région géographique, jusqu'à un maximum de 25 familles par donneur. C'est tout à fait acceptable. Toutefois, dans une ville comme Ottawa, qui ne représente pas vraiment beaucoup plus que 100 000 habitants, nous sommes limités à un seul donneur pour trois grossesses dans une famille, chiffre que nous atteignons très rapidement.
Nous avons une population de 25 millions d'habitants. Nombre de personnes qui utilisent nos services habitent de petites villes. Dans une ville de 25 000 habitants par conséquent, tous les autres sont éliminés. Où va-t-on aller chercher les donneurs?
Nous avons déjà des donneurs matures, comme j'essayais de le souligner dans mon exposé. Nous ne faisons pas appel aux étudiants. Il s'agit d'hommes professionnels plus âgés, dans la mi-trentaine et peut-être plus vieux. Du point de vue scientifique, c'est inacceptable que l'homme ait plus de 40 ou 45 ans pour donner du sperme à cause de la possibilité accrue du syndrome de Down et toutes les autres possibilités de chromosomes anormaux. Cette limite d'âge est appliquée à l'échelle mondiale.
Je fais ce travail depuis 13 ans. Croyez-moi, s'il y avait un projet pilote à entreprendre, nous serions heureux de le faire.
º (1625)
[Français]
M. Réal Ménard: Quelle est la réponse à ma troisième question?
Dr Eugene Bereza: Je vous remercie de la question parce que je crois que cela soulève exactement la situation qui nous permettra de vous décrire de quelle façon on préfère régler la situation. Vous avez parlé de la situation du gynécologue en Italie qui a déclaré qu'il allait avoir recours à la technologie du clonage humain et vous avez demandé ce qu'on ferait devant une telle situation au Canada.
Je vais présenter une argumentation, mais je parlerai à titre personnel. Évidemment, je ne peux pas parler au nom de l'AMC, en ce sens qu'on n'a pas à se prononcer sur le clonage humain.
Je ne peux pas imaginer qu'aujourd'hui, en 2002, un organisme de réglementation puisse prévoir que cette intervention serait acceptée en vertu de l'éthique. Je ne peux pas imaginer cela. N'oublions pas que cet organisme de réglementation ne compte que des médecins ou des gens de science, des gens qui viennent de partout, des citoyens, des législateurs, toutes sortes de gens. Ce sont tous des gens qui vont discuter ensemble du fait que quelqu'un propose une telle chose, et ils vont se demander s'il s'agit là d'une chose que les citoyens Canadiens considèrent acceptable aujourd'hui. J'imagine que la réponse aujourd'hui serait: absolument pas. Voilà!.
Ce serait inscrit comme règlement. Il serait difficile de prévoir qu'un médecin puisse organiser un traitement comme celui-là: il n'aurait pas l'autorité pour le faire au Canada à l'extérieur du contexte de l'organisme de réglementation existant en médecine et l'organisme...
M. Réal Ménard: Et s'il le faisait quand même?
[Traduction]
La présidente: Merci, docteur.
Merci, monsieur Ménard. Votre temps est écoulé.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, madame la présidente.
Comme médecin de famille, je m'intéresse aux antécédents familiaux de ceux qui sont le fruit d'un don ou même d'une adoption. Parfois l'historique change—votre mère est atteinte du cancer du sein, votre père du cancer du colon—et cela change l'examen auquel vous êtes soumis.
Pensez-vous qu'il faut prévoir une disposition voulant que les donneurs doivent inscrire au registre tout changement dans leur historique? Et si c'était bien fait, est-ce qu'il serait nécessaire de noter dans le registre les couples infertiles aussi longtemps qu'il y a moyen d'obtenir l'information d'eux? Je ne comprends pas très bien pourquoi les couples doivent s'inscrire au registre. À mon avis, ce sont les donneurs qu'il faut inscrire. Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer comment on transmet l'information sur les antécédents familiaux et qui doit être inscrit au registre?
º (1630)
Mme Cathy Ruberto: Comme le Dr Leader l'a déjà dit, nous disposons déjà d'un mécanisme nous permettant de retrouver les donneurs ainsi que les couples visés. C'est déjà prévu dans la loi qui est en vigueur depuis 1996.
En notre qualité d'intermédiaire, nous devons savoir où se sont retrouvés nos spécimens. La loi prévoit déjà que la consultation des dossiers doit nous permettre de retrouver les divers intervenants. Je ne vois pas en quoi le fait d'inscrire le nom des récipiendaires des spécimens ou des patients dans un registre porterait atteinte à leur vie privée. Ces mécanismes existent déjà.
Le contrat de donneur prévoit déjà que le donneur doit nous signaler tout changement dans son histoire médicale. Nous étudions aussi l'ADN...
Mme Carolyn Bennett: Est-ce le permis provincial accordé à votre clinique qui vous y oblige?
Mme Cathy Ruberto: La province ne nous délivre pas de permis. À l'heure actuelle, notre clinique est inspectée tous les ans par les inspecteurs de Santé Canada aux termes de la Loi sur les aliments et les drogues. Lorsqu'ils examinent les dossiers de nos donneurs, par exemple, ces inspecteurs consultent nos dossiers médicaux. La loi exige que nous mettions à jour les dossiers médicaux des donneurs tous les six mois tant qu'ils continuent d'être des donneurs. Nous devons faire une mise à jour sur leurs critères d'exclusion une fois par mois.
Vous parliez cependant d'un avenir éloigné, soit dans 25 ans. Le cas est cependant prévu dans le contrat du donneur. Dans ce contrat, il est expliqué clairement au donneur qu'il doit nous faire part de tout changement important dans l'histoire médicale de sa famille. Peut-on s'attendre à ce qu'il le fasse? Certains l'ont déjà fait dans le passé. Le donneur sera-t-il plus susceptible de communiquer ce renseignement à la clinique qu'au gouvernement fédéral? Peut-être. Je l'ignore.
Mme Carolyn Bennett: Tous les cinq ans, par exemple?
Docteur Leader.
Dr Arthur Leader: La réglementation exige aussi maintenant que nous conservions un échantillon sanguin provenant du donneur pour que nous puissions établir dans l'avenir, avec l'aide de tests génétiques, si un donneur est porteur d'un trait génétique ou non. La réglementation actuelle exige donc que nous recueillions à l'égard des donneurs de sperme ce genre de renseignement génétique ainsi que les renseignements se rapportant à l'histoire médicale de leur famille. Il est maintenant question que le même genre de renseignements soient recueillis auprès des donneurs d'ovules et d'embryons.
Si l'on constate chez un enfant conçu au moyen de sperme provenant d'un donneur une déficience à la naissance, on communique avec la banque de sperme qui consulte ses dossiers pour retrouver le donneur. Comme bon nombre d'entre eux ont déjà des enfants, il s'agit d'obtenir l'avis d'un généticien pour voir si cette déficience est congénitale ou si elle est simplement due au hasard.
Nous attachons tous de l'importance au fait de pouvoir retrouver les donneurs ainsi que les récipiendaires. Cela ne vaut pas simplement dans le cas de la procréation assistée. Ce genre de renseignements sont utiles à d'autres fins également. Nous essayons de faire en sorte qu'il nous soit possible de les retrouver et le plus souvent nous y parvenons.
Mme Carolyn Bennett: On propose l'enregistrement des couples infertiles. Est-ce nécessaire? Je sais que beaucoup de couples infertiles s'y opposent. Ils aimeraient pouvoir avoir accès à cette information au besoin, mais ils ne veulent pas nécessairement que leur nom figure dans un grand registre de personnes infertiles.
Dr Arthur Leader: C'est ce que me disent mes patients. Ils ne s'opposent pas à ce que soit consigné dans un dossier le fait qu'ils ont eu ce traitement, mais ils s'opposent à ce que le projet de loi parle comme c'est le cas actuellement de renseignements permettant d'identifier les personnes. Il faut savoir ce qu'il est advenu des personnes qui ont reçu le traitement, mais leur identification porte atteinte à leur vie privée. Cela découragera des gens à chercher à obtenir de l'aide pour régler ce problème. Je ne pense pas qu'on aide ainsi les personnes infertiles.
Mme Carolyn Bennett: Je vous remercie.
La présidente: Monsieur Lunney, à vous.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Ma question s'adresse à Mme Ruberto. Vous avez dit plus tôt que 95 p. 100 des donneurs de sperme potentiels sont rejetés. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi? Est-ce en raison de leur âge, comme vous l'avez mentionné, ou de la qualité de leur sperme?
Mme Cathy Ruberto: Lorsque nous procédons à notre évaluation initiale des donneurs, nous les interviewons d'abord par téléphone et nous en excluons déjà par ce moyen. Je vais donc seulement parler des gens qui ont passé cette entrevue initiale et auxquels les critères d'exclusion ne s'appliquaient pas.
Dans la vaste majorité des cas, les donneurs qui sont rejetés le sont malheureusement parce que le nombre de leurs spermatozoïdes est insuffisant. Les journaux médicaux ainsi que la presse populaire ont signalé l'existence de ce phénomène il y a déjà plusieurs années. Il y a aussi la question de l'histoire médicale sur trois générations. S'il existe chez le donneur lui-même ou sa famille un grave problème médical ou une maladie génétique, il ou elle sera rejeté.
Si un donneur est rejeté, c'est habituellement pour une raison de santé. C'est le premier critère que nous appliquons lors de l'évaluation des donneurs. La majorité des donneurs qui sont rejetés le sont pour des raisons de santé. Vient ensuite la qualité des spécimens eux-mêmes. S'ils ne répondent pas à certains critères, il est difficile de les congeler. S'ils se congèlent mal, ils meurent dans le congélateur et nous ne pouvons pas nous en servir. C'est parfois une question d'environnement ou de régime alimentaire. Les donneurs que nous acceptons ne fument pas, ne boivent pas et ne consomment pas de drogues. Dans 65 p. 100 des cas, ils sont mariés et ont des enfants. Il s'agit de gens en santé.
º (1635)
M. James Lunney: Vous avez dit que le donneur reçoit 50 $. Je suppose que vous recueillez plusieurs échantillons. Un don peut compter des millions de spermatozoïdes. Comment traitez-vous l'échantillon?
Mme Cathy Ruberto: Nous devons préparer les échantillons pour la cryoconservation. Nous ne pouvons pas simplement congeler le sperme tel quel. On doit le préparer pour la cryoconservation.
Comment répartissons-nous...
M. James Lunney: Recueillez-vous 10, 20 ou 30...
Mme Cathy Ruberto: Très honnêtement, nous pouvons peut-être préparer deux ou trois fioles à partir d'un seul échantillon de sperme.
M. James Lunney: Et vous vous en servez pour un, deux ou trois traitements.
Mme Cathy Ruberto: Chaque unité d'insémination n'est utilisée qu'une fois.
M. James Lunney: À partir d'un échantillon vous n'obtenez donc...
Mme Cathy Ruberto: Dans le cas d'un spécimen qui est préparé directement pour une insémination intra-utérine avant d'être congelé, nous sommes heureux si nous pouvons tirer deux fioles d'un seul échantillon de sperme. La quantité recueillie est petite. Il ne s'agit que de deux cc. Ce n'est pas un galon comme pour un taureau.
M. James Lunney: Oui, mais un échantillon contient des millions de spermes et il n'en faut pas des millions pour...
Mme Cathy Ruberto: Le taux normal de survie des spermatozoïdes qui ont été congelés est de 50 p. 100. Les échantillons comptent déjà moins de sperme. Le sperme d'un donneur doit au minimum compter 60 millions de spermatozoïdes. La moitié d'entre eux meurent dès que nous les plongeons dans l'azote. Il faut que le sperme soit d'une certaine qualité pour convenir aux fins de la procréation. Sinon, à quoi bon le congeler?
M. James Lunney: Trente millions de spermatozoïdes, c'est donc à peine suffisant. Nous perdons...
Mme Cathy Ruberto: Et le nombre de spermatozoïdes peut encore diminuer.
M. James Lunney: Votre production semble inférieure à celle d'autres témoins qui nous ont dit obtenir jusqu'à 300 échantillons d'un même don de sperme.
Mme Cathy Ruberto: Pas du même éjaculat. Il y a eu malentendu. Ce serait le cas pour du bétail, mais pas pour des humains.
M. James Lunney: Y a-t-il une limite au nombre de fois qu'un donneur peut donner du sperme ou devrait-il y en avoir?
Mme Cathy Ruberto: Une limite doit vraiment être fixée quant au nombre de naissances vivantes attribuables à un donneur. C'est très important. Nous suivons cela très attentivement. D'après ce que j'ai pu voir, la nouvelle norme sera de trois naissances vivantes par 100 000 habitants. Le donneur ne pourra plus faire de don lorsqu'il y aura eu trois naissances vivantes dans un maximum de 25 familles. Il pourrait donc s'agir de 100 unités ou de 40 selon la vitesse à laquelle les femmes qui reçoivent le traitement tombent enceintes.
M. James Lunney: Cela pourrait causer certains problèmes si vous ne savez pas où se trouve... Vous saurez sans doute ce qui est fait ou à quelle étape du traitement on en est rendu et ce qu'on a fait des échantillons lorsque vous les avez envoyés.
Mme Cathy Ruberto: Oui. Nous demandons au médecin de nous dire exactement quelles sont les unités qui ont été utilisées et à combien de reprises.
M. James Lunney: Permettez-moi de présenter les choses d'une autre façon. Si nous ne pouvons pas identifier les donneurs et les participants, comment pourrons-nous savoir quelle a été l'issue du traitement? On met l'accent aujourd'hui sur les procédures qui se fondent sur des preuves. Je suis sûr que vous savez également qu'on attache aujourd'hui beaucoup d'importance en médecine aux procédures fondées sur les résultats. C'est du moins ce que nous ont dit nous amis de l'AMC.
La FIV existe depuis environ 10 ans et nous n'avons toujours pas de registre national permettant de nous faire une idée des résultats de ces techniques. Pourrions-nous, par exemple, connaître le nombre d'embryons congelés qui existent au Canada?
Quelqu'un pourrait-il m'expliquer pourquoi les médecins ne sont pas parvenus à convaincre les gens de la nécessité de recueillir des données sur les résultats de cette technique?
Compte tenu du fait que d'autres pays recueillent déjà ce genre de renseignements, quels sont les problèmes particuliers qui se posent au Canada à cet égard étant donné que les spécialistes de cette technique ne sont pas très nombreux au pays?
Mme Cathy Ruberto: Je vous parlerai peut-être des renseignements sur le sperme étant donné que je sais que le Dr Leader vous parlera des renseignements portant sur la fécondation in vitro.
La réglementation adoptée en juin 1996 à l'issue de la loi fédérale nous oblige à tenir compte des spécimens que nous expédions. C'est la seule façon que nous recueillons nos données. Nous envoyons un questionnaire à la clinique dans lequel nous lui demandons de nous fournir des renseignements sur le patient. Nous devons donner un numéro d'identification au récipiendaire et tous les donneurs sont identifiés par un code, tout comme chaque unité d'insémination, comme s'il s'agissait d'un médicament. Chaque donneur se voit attribuer un numéro d'identification et chaque éjaculat recueilli un jour donné et provenant de ce donneur porte aussi un numéro qui lui est propre. Lorsque la clinique commande des échantillons, elle doit nous fournir un numéro identifiant le patient, mais pas nécessairement des renseignements qui permettent de l'identifier. La clinique nous fournit donc un numéro qui nous permet au besoin de retrouver le patient.
º (1640)
Dr Arthur Leader: Pour ce qui est de la FIV, il existe un registre au Canada qui utilise le même logiciel qu'aux États-Unis. Un numéro est attribué à chaque clinique et à chaque patient et ces numéros permettent d'obtenir des renseignements comme le nom, l'âge et l'adresse du patient.
Ces renseignements sont ensuite transmis à un service de collecte des données à Hamilton et ils sont classés par cycle. Chaque fois qu'une femme reçoit un traitement, ce renseignement est transmis par voie électronique et figure dans la même base de données que celle qui est utilisée aux États-Unis. On recueille déjà ces renseignements.
Ce système est en usage depuis maintenant trois ans. Toutes les cliniques savent donc quelle a été l'issue du traitement reçu par leurs patientes et nous savons donc ce qu'il en est à l'échelle nationale. Le système qui est prévu dans le projet de loi exigera un investissement supplémentaire de fonds. À l'heure actuelle, le financement du registre est assuré par les cliniques. Les cliniques doivent payer des frais pour appartenir au registre et des frais sont aussi perçus chaque fois qu'un dossier est créé. Ces frais ne couvrent que le traitement des données de base que nous publions chaque année. Un système semblable existe pour la FIV.
La présidente: Merci, monsieur Lunney.
J'aimerais continuer dans le même sens. L'an dernier, nous avons entendu les représentants d'un groupe à qui on avait demandé de recueillir toute l'information à ce sujet mais ils n'avaient jamais réussi à le faire. Comment s'appelait-il encore? La SCFA. Vous n'êtes pas venu avec eux?
Dr Arthur Leader: Si.
La présidente: Et ils ont dit qu'ils n'étaient pas capables d'obtenir ces renseignements. Ils continuaient toujours à essayer.
Maintenant, vous nous dites que cette banque de données existe depuis trois ans, n'est-ce pas?
Dr Arthur Leader: Je ne me souviens pas de la question. Je pense qu'à l'époque, on nous demandait les taux de conception.
Le problème des taux de conception, c'est qu'en règle générale les données sont vieilles de deux ans étant donné que le dernier traitement remonte à la fin de décembre et que les premières naissances surviennent en septembre ou en octobre. Par conséquent, d'ici qu'on obtienne les données, il faut encore ajouter trois mois.
Par conséquent, au moment où vous aviez posé la question, nous n'avions pas les taux bruts de natalité.
La présidente: L'organisme qui gère cette banque de données produit-il un rapport annuel? Nous n'avons même pas pu découvrir combien il y avait de cliniques spécialisées dans le traitement de la stérilité au Canada.
Dr Arthur Leader: Madame la présidente, je vais m'assurer que vous obteniez ce renseignement.
En septembre, nous avons publié un communiqué qui donnait le nombre de cliniques participantes. Nous y mentionnions les résultats, c'est-à-dire à la fois le nombre de grossesses ainsi que les taux de natalité. C'est d'ailleurs le second communiqué à être publié sur la question.
Encore une fois, un certain laps de temps s'est écoulé depuis la collecte des données. C'est un peu comme aux États-Unis, où on commence seulement à obtenir les données de 1999. Il y a donc un écart chronologique. Mais je vous promets de faire en sorte que la SCFA vous transmette ce renseignement.
La présidente: Les cliniques spécialisées reçoivent-elles également un rapport—puisque ce sont elles qui financent l'organisme—sous forme de rapport annuel par exemple, ou y a-t-il simplement des communiqués?
Dr Arthur Leader: Non, ce qui se passe, c'est que chacun des centres qui produit les données reçoit les statistiques nationales dans plusieurs domaines ainsi que ses statistiques propres à titre comparatif. Chaque clinique se charge de communiquer cette information à ses patients. Ainsi, si une patiente veut savoir comment se situe sa clinique par rapport à la moyenne nationale, c'est tout à fait possible.
º (1645)
La présidente: Voulez-vous vous engager à nous transmettre ce renseignement?
Dr Arthur Leader: Certainement.
La présidente: Merci beaucoup.
Docteur Castonguay, c'est à votre tour.
[Français]
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, madame le présidente. Je reviens sur la question de l'anonymat des donneurs. Évidemment, on pense aux donneurs qui veulent rester anonymes. Au comité, on a aussi eu des témoins qui nous ont dit qu'il ne fallait pas oublier non plus les enfants qui sont issus de ces dons parce que, finalement, eux aussi, je crois, ont des droits. On sait que viendra un moment dans leur vie où ils voudront peut-être essayer de savoir qui sont leurs parents. C'est un peu en ce sens-là que le projet est fait: l'identité des donneurs fera partie de l'information médicale, mais l'identité ne pourra être divulguée aux bénéficiaires ou aux enfants biologiques sans leur consentement.
J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Si on se met dans la position des enfants... Je dois vous dire que si j'étais issu de ces techniques, j'aimerais drôlement savoir qui sont mes parents. J'aimerais au moins que l'information soit quelque part et, si mes parents étaient d'accord, j'aimerais au moins qu'on puisse faire des démarches dans ce sens-là.
J'aimerais entendre vos commentaires.
[Traduction]
Mme Cathy Ruperto: Je connais la très grande majorité des gens qui sont intervenus devant le comité et qui étaient des descendants adultes. La situation actuelle est très différente de ce qu'elle était au moment où la majorité de ces gens-là avaient été conçus. Il était courant à l'époque que le médecin choisisse le donneur de sa patiente. C'est tout à fait regrettable pour ces gens-là parce qu'en fait, ils ignorent tout. Ils ont beaucoup de mal à obtenir le moindre renseignement d'ordre médical.
À notre époque, et nous sommes au XXIe siècle, nous recueillons énormément de renseignements à caractère anonyme sur nos donneurs y compris, je l'ai déjà dit, leur dossier médical sur trois générations. S'ils le désirent, la receveuse et ses descendants peuvent obtenir ces renseignements à n'importe quel moment. Bien entendu, les gens savent qu'ils peuvent ainsi avoir accès à ce genre de renseignements et qu'ils devraient les demander.
Pour ce qui est de l'avenir, nous avons toujours eu une politique de protection de la vie privée aux termes de laquelle chaque fois qu'un descendant atteint la majorité légale, il peut se mettre en rapport avec nous. À ce moment-là, nous nous mettons en rapport avec le donneur pour lui dire qu'il a un descendant qui souhaite obtenir certains renseignements. Si le donneur y consent, s'il y a consentement mutuel des deux parties, nous facilitons une rencontre entre le donneur et son descendant. Mais nous n'existons que depuis 13 ans, et cela n'a donc jamais encore été le cas. J'ai toutefois une liste de patients souhaitant que leurs enfants fassent cette recherche d'ici cinq ans environ et j'ai hâte que cela se produise.
Pour ce qui est de légiférer l'ouverture totale des dossiers, je serai franche avec vous—c'est la question de l'indemnisation—, dans un monde parfait, ce serait merveilleux si tout le monde donnait son consentement. Ce serait extraordinaire. Mais la réalité est tout autre.
Si nous procédions à une étude pilote pour tenter de recruter des donneurs non indemnisés et non anonymes, je serais heureuse d'y prendre part.
[Français]
M. Jeannot Castonguay: Oui, mais à l'article 18 du projet de loi, on stipule que l'information qui serait recueillie, que l'identité ne pourrait être divulguée qu'avec le consentement des deux parties. Au fond, ce qu'on propose, c'est que l'information soit enregistrée afin que si, à un moment donné, un enfant issu de ces techniques voulait connaître l'identité de ses parents--et je crois, personnellement, que c'est tout à fait légitime--et que les deux parties étaient d'accord... Mais ça prendrait l'autorisation des deux parties.
Ne croyez-vous pas que c'est raisonnable?
[Traduction]
Dr Arthur Leader: Avec votre permission, madame la présidente, je vais répondre à cette question.
Je pense qu'il existe en l'occurrence trois droits différents: le droit à l'autonomie et à la vie privée des parents, le droit à la vie privée du donneur et le droit pour l'enfant de connaître ses origines. Ces trois droits ne peuvent être assurés par une seule et même formule.
Je suis d'accord pour que l'identité du donneur soit disponible. C'est la question de l'identité des gens qui reçoivent le traitement qui me pose problème. Comme M. Lunney l'a mentionné, les textes de référence évoquent déjà abondamment toutes les questions qui ont été posées ailleurs à ce sujet.
Il existe par exemple une étude publiée en 2001 aux Pays-Bas au sujet des lesbiennes qui deviennent parents. Dans ce cas-là, c'est clair, aucun homme ne se cache dans les méandres de la banque de sperme. Cette étude s'est penchée sur les attitudes de ceux qui veulent savoir, et il s'agit d'enfants qui ont maintenant plus de 10 ans. Tous ont appris qu'ils avaient été conçus à partir du sperme d'un donneur.
Dix-neuf pour cent seulement des parents voulaient connaître l'identité—il s'agit je vous le rappelle de couples formés par deux femmes—et 27 p. 100 des enfants voulaient connaître l'identité de ce donneur. La très vaste majorité des enfants, et il s'agissait d'une étude très détaillée—et je pourrais d'ailleurs la remettre au comité—qui a interrogé des enfants sans la présence des parents, et c'est une étude fort bien documentée... Le besoin de connaître l'identité est là, mais pour la très grande majorité des enfants et de leurs parents, il n'existe pas.
En Suède, où la loi le prescrit, 89 p. 100 des participants ont déclaré qu'ils n'allaient pas dire à leurs enfants qu'ils avaient été conçus à partir du sperme d'un donneur. Pour pouvoir faire ce que certains souhaiteraient, il faut prescrire que quelqu'un—le gouvernement par exemple—va devoir dire à la famille qu'elle a un enfant qui a été conçu à partir du sperme d'un donneur, s'il s'agit essentiellement de satisfaire uniquement le besoin que l'enfant a de savoir.
En fait, ce que cette étude et d'autres aussi ont révélé, c'est que les enfants n'ont pas besoin de connaître l'identité de leurs parents. Ce n'est pas vraiment un désir péremptoire. Il n'y a qu'une petite minorité de gens qui ont fait cette demande, à en croire les études et les sondages. On a donc à mon avis exagéré ce besoin de savoir.
º (1650)
[Français]
M. Jeannot Castonguay: Je peux comprendre votre point de vue, mais il reste quand même que 27 p. 100 des enfants veulent savoir. J'essaie un peu de faire un parallèle avec la situation vécue autrefois par les enfants adoptés qui ne posaient pas la question. De plus en plus, de nos jours, on se rend compte que, chez les enfants qui ont été adoptés--et il y en a dans ma famille, madame la présidente--, les attitudes ont changé. Malheureusement, dans plusieurs de ces cas, l'information n'est pas disponible, et je dois vous dire que du point de vue humain, c'est parfois dramatique. Je pense que c'est la raison pour laquelle l'idée d'avoir l'information et l'idée qu'elle puisse être partagée avec, évidemment, le consentement des deux parties... Ça demeure mon opinion. Je respecte la vôtre et j'apprécie vos commentaires.
Je vous remercie.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vous remercie.
Peut-être pourriez-vous nous dire, docteur, quel est le pourcentage des patientes traitées pour infertilité qui doivent s'en remettre à la FIV.
Dr Arthur Leader: Les chiffres ne sont pas très probants, mais chez nous, nous recevons en moyenne, chaque année, 22 000 patientes voulant être traitées pour infertilité, dont 10 p. 100 environ, soit 2 200, doivent recourir à la FIV.
M. Paul Szabo: Toujours à ce sujet, quelles seraient selon vous certaines des causes premières, certains des problèmes principaux, qui donneraient ce chiffre de 10 p. 100?
Dr Arthur Leader: Sans doute, et le chiffre augmente, près de la moitié représente ce qu'on appelle le «facteur mâle» ou tératospermie, ou encore les hommes dont le sperme présente des anomalies et est moins fertile.
En second lieu, il y a les maladies tubaires dues soit à une MTS ou à l'endométriose, cette dernière n'étant pas reliée à la transmission par voie sexuelle.
Nous constatons également qu'il y a de plus en plus de femmes, j'en ai d'ailleurs parlé dans mon exposé, qui sont plus âgées. Les femmes qui viennent nous trouver sont de plus en plus âgées et nous savons que la fertilité chez les femmes commence à diminuer considérablement entre 25 et 27 ans. Plus les gens retardent...
Voilà donc les principales raisons pour lesquelles les gens viennent nous voir.
M. Paul Szabo: Je pense que c'est en fait un peu plus grave que ce que j'imaginais. La première fois que j'avais posé la question à quelqu'un, on m'avait répondu 20 p. 100 de FIV, mais il semble désormais que la fourchette aille maintenant de 10 à 20 p. 100. C'est votre clinique.
C'est intéressant, parce que cette notion d'infertilité, sans égard à la responsabilité de la chose, et ce que vous dites en demandant si la FIV devrait être considérée comme médicalement nécessaire, constituent effectivement quelque chose dont nous voudrons nous entretenir avec d'autres intervenants. Quoi qu'il en soit, vous nous avez donné votre avis.
Mme Françoise Baylis qui travaille à Dalhousie—vous la connaissez probablement—a rédigé les lignes directrices des IRSC concernant notamment les cellules souches embryonnaires. Nous l'avons entendue hier. Elle a dit publiquement que de nos jours, les femmes étaient déjà sous médication maximum pour pouvoir ovuler à tel point que nous mettons leur santé en danger et que nous ne pouvons pas augmenter à l'infini la médication. Elle a ajouté que le problème de la pénurie d'ovules va se trouver exacerbé simplement à cause de l'augmentation de la demande. Il y a davantage de gens qui attendent plus longtemps et ainsi de suite. Le problème est qu'à mesure qu'on vieillit, peu importe la production, il est impossible de résoudre le problème.
Les femmes sont-elles donc à l'heure actuelle sous médication maximum? Que diriez-vous de cette remarque de Mme Baylis?
º (1655)
Dr Arthur Leader: Je n'étais pas là hier, mais je respecte son commentaire. En réalité, chez nous, nous utilisons moins de médicaments qu'auparavant. Cela fait maintenant 20 ans que j'exerce dans ce domaine. J'ai commencé tout au début, au début des années 80. Nos traitements sont devenus beaucoup plus précis, de sorte que la médication est moins lourde qu'avant. Le nombre d'ovules que nous récoltons est délibérément moindre étant donné que nous avons affiné nos connaissances scientifiques en laboratoire, ce qui nous permet d'utiliser ce que nous prélevons de façon plus efficace même si la patiente est plus âgée.
Je pense que le commentaire concernant la médication lourde était peut-être exacte il y a 10 ans, mais à l'époque, les médicaments étaient relativement peu efficaces par rapport à ce qu'ils sont aujourd'hui et il fallait donc en utiliser beaucoup plus.
L'autre élément de l'équation est qu'il y a eu en Australie, en Suède et au R.-U. une série d'excellentes études prouvant que cette médication n'augmente pas le risque de cancer des ovaires, du sein ou de l'utérus. Il y a eu de très vastes études épidémiologiques à ce sujet. Et de toute manière, lorsque nous traitons une patiente, nous implantons beaucoup moins d'embryons parce que nous sommes beaucoup plus efficaces maintenant avec les moyens dont nous disposons, de sorte que les besoins sont très différents.
Mme Bailys parlait je crois d'une époque différente mais certainement pas de ce qui se passe actuellement. Nous suivons mois par mois les quantités de médicaments que nous prescrivons et ces quantités ont diminué.
M. Paul Szabo: D'accord, nous allons sans nul doute en vouloir davantage.
Dans ce dernier domaine, et je ne sais pas si l'un de vous pourra répondre à cette question, mais je vais m'y risquer néanmoins. S'agissant de ceux dont l'activité consiste à prélever des gamètes, peu importe la raison, il est certain que ces gamètes risquent au bout du compte de servir à la recherche. Ils peuvent servir à produire des embryons qui seront utilisés pour produire des cellules souches embryonnaires ou que sais-je. Quelqu'un pourrait-il me dire quel est le lien, si lien il y a, entre ceux qui prélèvent les gamètes, les cliniques de fertilité, par exemple, et le milieu de la recherche. On peut supposer qu'une clinique de fertilité fait signer un formulaire de consentement. Nous en voyons, de ces approbations. Les IRSC ont des formulaires incroyablement précis et détaillés, à tel point même que le chercheur doit divulguer ses intérêts financiers et s'engager à refuser toute participation future dans une entreprise commerciale et ainsi de suite. C'est quelque chose de très important pour les cliniques spécialisées dans le traitement de la stérilité et les autres organismes qui prélèvent des gamètes.
Une fois qu'on a déterminé qu'il y a effectivement des embryons excédentaires pouvant servir à la recherche et que tous les consentements ont été obtenus, comment les choses se passent-elles jusqu'au moment où le chercheur met la main sur un embryon? Étant donné toutes les activités, tout le travail et les frais d'entreposage qui sont le lot de la clinique, y a-t-il pour celle-ci une indemnisation ou une manière de récupérer ces frais auprès du chercheur qui va utiliser l'embryon?
Mme Cathy Ruberto: Je ne peux vous répondre qu'en ce qui concerne le sperme.
» (1700)
M. Arthur Leader: Je pense que dans l'article qu'elle a rédigé pour la revue de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, Mme Bailys a utilisé les données d'Ottawa vu que nous disposons de données extrêmement précises. Pour la période de 1991 à 2001, 3 352 embryons au total ont été congelés et tous ont été donnés sauf 228. Sur ces 228, 159 ont été donnés à des fins de recherche. Et cela, sur une période de dix ans.
Pour répondre à votre question, les lignes directrices des IRSC disaient expressément que quiconque obtient le consentement ne peut intervenir dans les soins donnés à la patiente, de sorte qu'il doit y avoir une séparation entre la personne qui conseille la patiente et son partenaire en vue d'un traitement, et l'établissement de recherche. Les lignes directrices prescrivent clairement que cette séparation doit exister. Chez nous, avant même de commencer le traitement, nous donnons au couple la possibilité de choisir l'usage qui sera fait de ces embryons excédentaires dont il n'aura pas besoin à des fins de reproduction. Ces couples ne créent pas des embryons aux fins de recherche. Ce sont des embryons abandonnés, et la majorité de ces embryons abandonnés sont détruits. C'est cela qu'ils veulent, qu'on les détruise.
Un tout petit pourcentage, moins de 1 %, de ces embryons sont donnés pour être adoptés par un autre couple, et le reste, ce qui représente probablement environ 5 p. 100, peuvent alors servir à des fins de recherche. La majorité des travaux de recherche, les seuls travaux de recherche qui soient effectués—puisqu'aucun travail de recherche sur les cellules souches n'est actuellement effectué sur des embryons humains au Canada en raison du moratoire proposé par les IRSC—consistent à améliorer, comme le projet de loi le dit très clairement, la qualité des soins. Nous sommes arrivés à ce stade parce que nous avons pu utiliser des embryons qui avaient été donnés à des fins de recherche précisément pour améliorer la qualité des méthodes de laboratoire que nous utilisons pour soigner les patients.
Dans l'éventualité où les lignes directrices des IRSC viendraient à être approuvées et où on perfectionnera ce projet de loi, le processus qui s'ensuivra est très clairement précisé, vous l'avez dit vous-même, dans les lignes directrices que nous allons suivre. Il n'existe aucun intérêt financier. Les embryons sont donnés à des fins de recherche. Le protocole dit clairement que si vous demandez cela à un couple, vous devez le faire revenir pour signer un formulaire de consentement exprès permettant l'utilisation de l'embryon pour des travaux de recherche sur les cellules souches.
La présidente: Monsieur Szabo, vous avez eu 10 minutes. M. Lunney voudrait à nouveau intervenir pendant une minute.
M. James Lunney: Je cède ma première minute pour que M. Szabo puisse obtenir sa réponse.
M. Paul Szabo: Je voudrais enchaîner sur ma question.
Si les 24 cliniques de fertilité du pays font toutes ce travail, il y aura des embryons excédentaires. Il y en a plus que le nombre nécessaire pour la fécondation in vitro aux fins de reproduction. S'ils sont disponibles et mis à la disposition des chercheurs, pouvez-vous m'expliquer pourquoi une clinique de fertilité se donnerait toute cette peine, ferait toutes les démarches juridiques nécessaires et le reste, simplement pour confier les embryons à un chercheur qui s'en servira et qui risque d'en tirer un avantage commercial?
M. Arthur Leader: Les chercheurs avec qui nous travaillons se trouvent dans des universités et la tradition universitaire veut que nous collaborions avec nos collègues. Nous ne vendons pas ces embryons. Nous les donnons dans un esprit de collégialité pour améliorer la science. C'est ainsi que nous fonctionnons à Ottawa.
M. Paul Szabo: Merci.
La présidente Monsieur Lunney.
M. James Lunney: J'ai une question à poser à Cathy Ruberto. Est-ce qui Repromed importe du sperme?
Mme Cathy Ruperto: Non. Nous faisons seulement le traitement et la distribution.
M. James Lunney: Savez-vous si du sperme est importé ou exporté?
Mme Cathy Ruperto: Oui, il y a des banques de sperme qui importent leurs spécimens au Canada avec l'autorisation de Santé Canada.
M. James Lunney: Nous avons ici trois médecins. Qui a répondu à cette question? Ma tête se tourne dans trois directions différentes.
» (1705)
La présidente: J'ai une question.
M. James Lunney: Allez-y.
La présidente: Je voudrais demander aux médecins qui sont ici s'il est vrai qu'une femme qui veut faire un don d'ovules ou vendre des ovules, ce qui me paraît une description plus précise—doit subir une thérapie médicamenteuse, peut- être moins qu'il y a dix ans, selon monsieur Leader... De toute façon, elle doit ingérer des médicaments qu'elle ne prendrait pas autrement puis subir une intervention chirurgicale au cours de laquelle une perforation est faite dans son corps pour récolter les ovules. Je suppose que cette perforation doit guérir. Si les ovules sont récupérés et sont viables, je crois qu'elle reçoit de l'argent pour la dédommager de ces inconvénients. Est-ce plus ou moins exact? Ma description est peut-être un peu simpliste, mais est-elle exacte?
M. Arthur Leader: Pas toujours, car il y a des femmes qui ne touchent pas un sou et qui font don de leurs ovules pour une amie ou un membre de leur famille sans aucune rémunération.
La présidente: Oui, mais quand nous avons fait cette suggestion, on nous a dit que le nombre de donneuses diminuerait. Je suppose que le groupe dont vous parlez ne représente qu'un très faible pourcentage des donneuses.
Je vois que Cathy hoche la tête.
La majorité d'entre elles prennent des médicaments qu'elles ne prendraient pas autrement, subissent une intervention pour donner leurs ovules et sont rémunérées.
Ma question est la suivante. Connaissez-vous d'autres circonstances où l'on administre des médicaments à des hommes ou à des femmes pour les préparer à une intervention chirurgicale au cours de laquelle on enlève quelque chose de leur corps en échange d'une rémunération? Y-a-t-il d'autres interventions médicales de ce genre?
Dr Arthur Leader: En Ontario, si vous êtes un donneur de moelle épinière, si on fait appel à vous et si vous résidez à Sault Ste. Marie, vos frais sont couverts par le régime de santé. Dans ce cas, vous devez vous présenter et quelqu'un va prendre une seringue beaucoup plus grosse que celle qui sert pour la FIV, car l'aiguille de la FIV est de la même taille que celle qui sert à prélever du sang...
La présidente: Mais c'est pour les frais, n'est-ce-pas? Y a-t-il d'autre paiement en espèces, tel que les 4 500 $ dont Mme Ruberto a parlé?
Dr Arthur Leader: Il faut savoir qu'on rembourse également leurs dépenses et le temps de travail perdu. Au Royaume-Uni, par exemple, où j'ai visité la HFEA en septembre, on paie l'équivalent de l'indemnité de services judiciaires, c'est-à-dire 50 $ dans le cas des donneurs de sperme.
La présidente: Mais ces derniers n'ont pas à prendre des médicaments et il n'y a pas de perforation des parties de leur corps. La comparaison n'est pas valable.
Dr Arthur Leader: Non, mais dans le cadre d'une consultation faite en 1998, on a décidé qu'une femme qui subit tout cela pour ses propres fins peut partager les ovules—ce qui est interdit dans le projet de loi actuel. On a jugé que c'était de loin préférable à la situation que vous avez décrite. Cependant, le projet de loi actuel interdit et criminalise le partage des ovules, même si à la suite des consultation on a trouvé que cette pratique était préférable.
La présidente: Mais vous ne parlez que d'un petit groupe au sein d'un groupe beaucoup plus important. Je parle de la situation normale où un couple qui s'adresse à vous n'a pas d'ovules viables et on embauche une femme, qu'on qualifie à tort de donneuse d'ovules. En fait, elle les vend. Elle subit tous ces interventions médicales, se fait enlever quelque chose de son corps et est rémunérée.
Le seul exemple que vous pouvez me donner concerne un don de moelle osseuse, probablement pour faire une greffe pour quelqu'un qui souffre de leucémie. C'est exact?
Dr Arthur Leader: C'est un exemple.
Voulez-vous répondre à la question, Cathy?
Mme Cathy Ruberto: Nous essayons de tenir compte des coûts directs et indirects encourus par quelqu'un qui fournit—je préfère ce verbe à «vendre»—ses gamètes à quelqu'un d'autre qui lui est inconnu. La personne ne doit pas avoir à assumer ces coûts elle-même. En particulier, comme je l'ai dit, 65 p. 100 de nos donneuses—je ne trouve pas un meilleur terme, et celui-là est universellement reconnu—sont des femmes mariées, qui ne veulent pas avoir d'autres enfants et qui heureusement ont moins de 32 ans et sont prêtes à faire ce don.
La présidente: Je ne vous demande pas quelles sont les caractéristiques des femmes qui se présentent pour cette procédure. Je vous demandais simplement s'il existe une autre procédure médicale comportant les divers aspects que j'ai décrits, c'est-à-dire la nécessité de prendre des médicaments supplémentaires, la perforation d'une partie intérieure du corps, le prélèvement de quelque chose de ce corps et la rémunération qui s'ensuit.
Quant à ce montant de 4 500 $ auquel vous avez fait allusion tout à l'heure, si la personne habite tout près de la clinique où l'intervention devait avoir lieu, il n'y aurait pas beaucoup de dépenses. Naturellement, si la femme vient d'Indonésie ou d'un pays du genre, c'est une autre paire de manches, mais cette personne recevrait un montant supplémentaire même aujourd'hui.
Mme Cathy Ruberto: Pourquoi? Parce que leurs dépenses directes seraient...
La présidente: Parce qu'elles auront des dépenses directes, c'est exact. Je fais allusion à ce montant approximatif de 4 500 $. L'année dernière, il était question de 1 500 $. Disons que c'est entre 1 500 $ et 5 000 $.
» (1710)
Mme Cathy Ruberto: Je vais être tout à fait honnête avec vous. Au Canada la rémunération des donneuses commence à monter en flèche, comme cela s'est produit aux États-Unis. D'après moi, il est très important d'établir un plafond en ce qui concerne les coûts indirects.
Je vous expliquerai pourquoi j'ai proposé le montant de 4 500 $. Premièrement, je tiens à préciser qu'on n'offre pas à nos donneuses ce montant. Dans notre clinique, nous estimons qu'il est excessif. Mais au Canada le prix varie entre 2 500 $ et 5 000 $. Il y a une guerre des prix. Vous ne pourrez pas y mettre fin sans imposer des limites, et je vous parle de cette question t comme si c'était de l'essence qu'on vendait, parce que malheureusement, c'est ça qui arrive.
La présidente: Vous avouez qu'il s'agit d'une denrée.
Mme Cathy Ruberto: En effet.
On pourrait éviter que cette situation se perpétue, sans pour autant limiter le service, en établissant un plafond raisonnable. Je vous ai remis un document de l' HFEA qui explique exactement quels sont leurs tarifs selon le millage ou le kilométrage et ainsi de suite. Je crois que ces montants sont appropriés.
La présidente: J'ai lu ce document. Merci.
Y a-t-il d'autres questions?
Une voix: Non.
La présidente: Étant donné qu'il n'y a plus de questions, j'aimerais remercier les témoins de leur comparution et des documents qu'ils nous ont donnés. Nous en avons lu certains pendant votre exposé, et il va falloir lire les autres plus tard. Si nous avons d'autres questions, j'espère que nous pourrions vous téléphoner pour obtenir des précisions. Merci beaucoup.
Je demanderai aux membres du comité de rester cinq minutes. Nous devons régler un problème budgétaire. Le greffier y a trouvé une solution que je dois vous soumettre parce que, si nous ne le réglons pas, nous n'aurons rien à faire la semaine prochaine.
Nous prendrons une pause de 30 secondes étant donné que les questions budgétaires doivent être discutées à huis clos. Je prie donc les témoins de quitter la salle aussi vite que possible, s'il vous plaît.
[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos]