HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 28 octobre 2003
¾ | 0805 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
Mme Sylvie Boulanger (première vice-présidente, Fédération des infirmières et infirmiers du Québec) |
¾ | 0810 |
¾ | 0815 |
La présidente |
M. Jean-Yves Julien (président, Ordre des pharmaciens du Québec) |
¾ | 0820 |
¾ | 0825 |
La présidente |
M. Paul Saba (Président, Coalition des médecins pour la justice sociale) |
¾ | 0830 |
¾ | 0835 |
La présidente |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne) |
M. Jean-Yves Julien |
M. Rob Merrifield |
M. Jean-Yves Julien |
M. Paul Saba |
M. Rob Merrifield |
¾ | 0840 |
Mme Sylvie Boulanger |
La présidente |
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) |
M. Jean-Yves Julien |
M. Réal Ménard |
M. Jean-Yves Julien |
M. Réal Ménard |
M. Jean-Yves Julien |
M. Réal Ménard |
M. Jean-Yves Julien |
M. Réal Ménard |
M. Jean-Yves Julien |
M. Réal Ménard |
M. Jean-Yves Julien |
M. Réal Ménard |
M. Jean-Yves Julien |
¾ | 0845 |
M. Réal Ménard |
M. Jean-Yves Julien |
M. Réal Ménard |
M. Jean-Yves Julien |
M. Réal Ménard |
M. Jean-Yves Julien |
M. Réal Ménard |
M. Jean-Yves Julien |
M. Réal Ménard |
M. Jean-Yves Julien |
M. Réal Ménard |
M. Jean-Yves Julien |
M. Réal Ménard |
M. Paul Saba |
M. Réal Ménard |
La présidente |
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.) |
M. Réal Ménard |
Mme Hélène Scherrer |
¾ | 0850 |
M. Jean-Yves Julien |
Mme Hélène Scherrer |
M. Jean-Yves Julien |
Mme Hélène Scherrer |
M. Jean-Yves Julien |
Mme Hélène Scherrer |
M. Jean-Yves Julien |
M. Marc Parent (administrateur, Ordre des pharmaciens du Québec) |
¾ | 0855 |
M. Paul Saba |
La présidente |
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD) |
M. Jean-Yves Julien |
M. Svend Robinson |
M. Jean-Yves Julien |
M. Svend Robinson |
¿ | 0900 |
Mme Sylvie Boulanger |
La présidente |
M. Gilbert Barrette (Témiscamingue, Lib.) |
M. Paul Saba |
M. Gilbert Barrette |
M. Paul Saba |
La présidente |
¿ | 0905 |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
Mme France Latreille (coordonnatrice intérimaire, Union des consommateurs) |
¿ | 0910 |
M. Charles Tanguay (Responsable des communications, Union des consommateurs) |
¿ | 0915 |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
M. Charles Tanguay |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
Mme Martha Paynter (adjointe à la recherche, Atlantic Centre of Excellence for Women's Health) |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
Mme Martha Paynter |
¿ | 0920 |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
M. Luc Gagnon (directeur général, Comité des personnes atteintes du VIH du Québec) |
¿ | 0925 |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
M. Rob Merrifield |
Mme Martha Paynter |
M. Rob Merrifield |
Mme Martha Paynter |
¿ | 0930 |
M. Rob Merrifield |
Mr. José Sousa |
Mme Martha Paynter |
M. Rob Merrifield |
Mme Martha Paynter |
M. Rob Merrifield |
Mme Martha Paynter |
M. Rob Merrifield |
M. José Sousa |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
Mme Martha Paynter |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
M. Réal Ménard |
¿ | 0935 |
M. Réal Ménard |
M. Marc Lapierre (président, Comité des personnes atteintes du VIH du Québec) |
M. Réal Ménard |
M. José Sousa |
M. Réal Ménard |
M. José Sousa |
M. Réal Ménard |
M. José Sousa |
¿ | 0940 |
M. Réal Ménard |
M. José Sousa |
M. Réal Ménard |
La présidente |
Mme Hélène Scherrer |
Mme Thérèse Richer (présidente, Union des consommateurs) |
M. Charles Tanguay |
Mme Hélène Scherrer |
M. Charles Tanguay |
Mme Hélène Scherrer |
¿ | 0945 |
M. Charles Tanguay |
M. José Sousa |
La présidente |
M. Charles Tanguay |
La présidente |
M. Svend Robinson |
M. Luc Gagnon |
M. Svend Robinson |
M. Luc Gagnon |
M. Svend Robinson |
M. Marc Lapierre |
M. Svend Robinson |
M. Marc Lapierre |
M. Svend Robinson |
M. Luc Gagnon |
M. Svend Robinson |
¿ | 0950 |
M. José Sousa |
M. Svend Robinson |
M. José Sousa |
M. Svend Robinson |
M. Luc Gagnon |
M. Svend Robinson |
M. Luc Gagnon |
M. Svend Robinson |
La présidente |
M. Gilbert Barrette |
M. Charles Tanguay |
M. Gilbert Barrette |
M. Charles Tanguay |
M. Gilbert Barrette |
M. Charles Tanguay |
M. Gilbert Barrette |
Mme Martha Paynter |
M. Gilbert Barrette |
Mme Martha Paynter |
¿ | 0955 |
M. Gilbert Barrette |
Mme Martha Paynter |
Mme Thérèse Richer |
Mme Martha Paynter |
La présidente |
À | 1010 |
La présidente |
M. Joseph Kerba (Président, Kerbapharm Inc.) |
À | 1015 |
À | 1020 |
M. Réal Ménard |
M. Joseph Kerba |
À | 1025 |
La présidente |
M. Richard Mayrand (vice-président, Activités professionnelles, Le Groupe Jean Coutu (PJC) Inc.) |
À | 1030 |
La présidente |
M. Michel Leblanc (vice-président aux Sciences de la vie, Montréal International) |
À | 1035 |
À | 1045 |
La présidente |
M. Marc Hasbani (chercheur, Chaire d'études socio-économiques, Université du Québec à Montréal) |
La présidente |
M. Marc Hasbani |
M. Réal Ménard |
M. Marc Hasbani |
M. Joseph Kerba |
La présidente |
M. Joseph Kerba |
La présidente |
M. Marc Hasbani |
À | 1050 |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
M. Marc Hasbani |
À | 1055 |
M. Rob Merrifield |
M. Marc Hasbani |
M. Rob Merrifield |
M. Michel Leblanc |
M. Rob Merrifield |
M. Michel Leblanc |
M. Rob Merrifield |
M. Joseph Kerba |
M. Marc Hasbani |
Á | 1100 |
M. Rob Merrifield |
M. Joseph Kerba |
M. Rob Merrifield |
M. Joseph Kerba |
M. Rob Merrifield |
M. Joseph Kerba |
M. Rob Merrifield |
M. Joseph Kerba |
M. Rob Merrifield |
M. Joseph Kerba |
M. Rob Merrifield |
M. Joseph Kerba |
M. Rob Merrifield |
M. Joseph Kerba |
La présidente |
M. Réal Ménard |
Á | 1105 |
M. Michel Leblanc |
M. Réal Ménard |
Á | 1110 |
M. Richard Mayrand |
M. Réal Ménard |
M. Richard Mayrand |
M. Réal Ménard |
M. Richard Mayrand |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Svend Robinson |
M. Michel Leblanc |
M. Svend Robinson |
M. Michel Leblanc |
M. Svend Robinson |
Á | 1115 |
M. Michel Leblanc |
M. Svend Robinson |
M. Michel Leblanc |
M. Svend Robinson |
M. Michel Leblanc |
M. Svend Robinson |
M. Michel Leblanc |
M. Svend Robinson |
M. Michel Leblanc |
M. Svend Robinson |
M. Michel Leblanc |
M. Svend Robinson |
M. Michel Leblanc |
M. Svend Robinson |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 28 octobre 2003
[Enregistrement électronique]
¾ (0805)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue au Comité permanent de la santé, qui fait une étude sur les médicaments sur ordonnance. Nous recevons ce matin des témoins très intéressants.
Notre premier témoin est pris dans un embouteillage, et nous allons donc passer aux témoins suivant selon la liste.
Je donne donc la parole aux témoins de la Fédération, soit Sylvie Boulanger et Lucie Mercier. Vous avez la parole.
[Français]
Mme Sylvie Boulanger (première vice-présidente, Fédération des infirmières et infirmiers du Québec): Bonjour, mesdames et messieurs. Merci de nous recevoir parmi vous aujourd'hui pour que nous puissions vous présenter nos recommandations, particulièrement à l'égard de la publicité sur les médicaments d'ordonnance. Nous nous sommes déjà fait entendre au fédéral sur les questions de la santé, notamment devant la Commission Romanow, mais c'est la première fois que nous nous présentons au Comité permanent de la santé.
Il y a 30 ans, on a établi au Québec un système de santé public, mais les médicaments, qui sont une composante de plus en plus essentielle de ce régime, sont toujours en marge du régime public. Depuis sept ans, on vit l'expérience d'un régime mixte d'assurance-médicaments, mais on se dirige assez rapidement vers un régime catastrophe en dépit du fait qu'il y a un large consensus quant à un régime d'assurance-médicaments public universel.
L'industrie pharmaceutique est d'abord et avant tout une industrie très florissante, qui affiche des taux de rendement hors du commun. Elle bénéficie des protections qui sont liées à la propriété intellectuelle et constitue un axe de développement de la politique industrielle. Elle profite aussi d'avantages fiscaux non négligeables.
On sait fort bien qu'il y a peu de nouveaux médicaments mis en marché chaque année qui représentent de véritables innovations. C'est l'une des principales raisons qui poussent les compagnies pharmaceutiques à investir autant en marketing. Les dépenses de marketing ont maintenant dépassé celles qui sont consacrées à la recherche et au développement.
Les compagnies pharmaceutiques de médicaments d'origine ont mis au point, à travers le temps, différentes stratégies pour maximiser leurs investissements. En marge de l'augmentation de la durée des brevets et de l'abolition de la disposition Bolar, elles multiplient le nombre de brevets, font breveter de nouvelles utilisations des produits et mettent en marché de nouveaux produits qui ne représentent pas de véritables innovations. Les firmes ont ainsi réussi à faire de leur secteur industriel un secteur dont le rendement est meilleur que celui des banques.
L'industrie pharmaceutique, bien sûr, représente un secteur de pointe en recherche et développement. Par ailleurs, il s'y dépense plus d'argent en marketing et en administration qu'en recherche et développement. Cette industrie n'est peut-être pas le formidable moteur industriel qu'elle prétend symboliser.
Une chose est certaine, c'est que les politiques économiques canadiennes et québécoises ont favorisé une augmentation très rapide des dépenses en médicaments de l'ordre de 15 p. 100. Avec l'adoption de C-91, cela a coûté plus de 6 milliards de dollars sur une période de 20 ans. La prolongation de cinq ans de la durée des brevets coûterait, quant à elle, entre 3,7 et 6 milliards de dollars supplémentaires pour une période équivalente.
¾ (0810)
Il ne fait aucun doute pour qui que ce soit que la progression des coûts des médicaments doit être freinée. Un examen des facteurs qui contribuent à l'accroissement des coûts serait de nature à indiquer des pistes à suivre pour parvenir à exercer un certain contrôle sur ces coûts débridés. Nous pensons que le rôle du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés devrait être réévalué.
L'industrie des médicaments cherche à se doter d'une nouvelle arme pour passer à l'assaut des marchés, celle de la publicité directe aux usagers pour des médicaments d'ordonnance. L'industrie a déjà réussi à obtenir les autorisations nécessaires en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis. Les dépenses de publicité ont atteint 2,5 milliards de dollars américains il y a quelques années déjà, et leur progression est exponentielle. En Europe, par contre, les élus ont rejeté la publicité directe.
Au Canada, bien que la publicité directe auprès des consommateurs soit interdite, il y a des compagnies pharmaceutiques qui ont passé outre à cette interdiction à quelques reprises et mis sur pied des campagnes publicitaires de financement. On pense ici au produit Diane-35®. Dans le cas du Viagra, même si on ne nous dit rien, on fait une publicité assez éloquente sur ses bénéfices.
Les rares tenants de la publicité directe soutiennent que cette dernière devrait être autorisée puisque la publicité américaine envahit déjà le marché canadien. Ils soutiennent également que la publicité directe est un moyen d'éducation et de sensibilisation au traitement. Pourtant, la publicité directe ne se justifie ni au plan scientifique ni au plan clinique. Elle ne peut que contribuer à l'augmentation des coûts des médicaments, fléau qui doit être maîtrisé de toute urgence.
D'abord, il ne faut pas oublier que les médicaments sont vendus sous ordonnance précisément parce que ce sont des substances toxiques--ce sont des produits chimiques--et donc dangereuses pour qui n'en a pas besoin. Aussi, une extrême vigilance s'impose. La publicité n'est pas destinée à informer. Elle ne vise pas non plus à transmettre une information complète et objective. Elle vise à faire vendre des produits et à maximiser des profits. Les décisions en matière de publicité sont des décisions de marketing, sans lien avec l'état de santé de la population. D'ailleurs, les dépenses de publicité sont liées directement aux possibilités de vendre des produits, aux marchés potentiels. Aux États-Unis, de nombreuses infractions ont été recensées, notamment pour des usages non approuvés.
En plus de ne pas être liées à un meilleur état de santé, à une diminution des hospitalisations et à une diminution de la mortalité, les campagnes publicitaires ont des effets néfastes sur la santé publique. Il est permis de douter des avantages que pourrait tirer l'ensemble de la population d'une telle autorisation.
Nous avons des recommandations et elles se trouvent à la page 30 du document. D'abord, nous recommandons qu'il y ait une assurance-médicaments publique et universelle. Comme je vous le disais en début de présentation, on expérimente un régime mixte depuis six ans déjà, un régime dont les coûts ne cessent d'augmenter et un régime pour lequel on demande aux contribuables de fournir davantage. Le document est assez révélateur à cet égard. Il y a pourtant un large consensus qui s'établit au Québec en faveur d'un régime public universel qui serait une composante du système public de santé et de services sociaux. Nous pensons aussi que le gouvernement du Canada devrait apporter son soutien financier aux provinces pour l'établissement d'un tel régime.
Notre autre recommandation concerne une révision des politiques industrielles. Dans ce domaine plus que dans tout autre, la politique industrielle des deux paliers de gouvernement vient heurter la politique de la santé et favorise une compétition malsaine entre les deux. Le médicament ne constitue pas une marchandise et ne doit pas être traité comme tel.
Finalement, l'ensemble de la population et particulièrement les patients en paient le prix. La FIIQ croit que les deux paliers de gouvernement devraient revoir de toute urgence leur politique industrielle, rétablir la concurrence dans l'industrie, restituer l'équilibre envers l'ensemble de la population et favoriser l'aspect des soins qui est rattaché aux médicaments.
Notre troisième recommandation vise à maîtriser l'augmentation des coûts des médicaments. La progression des coûts des médicaments est d'à peu près 15 p. 100 chaque année et elle semble plutôt hors de contrôle.
¾ (0815)
Il est de la responsabilité du gouvernement fédéral d'intervenir dans ce domaine dans le respect du champ de compétence des provinces. Ainsi, le rôle et le mandat du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés semblent trop limités et devraient êtres revus.
Depuis plusieurs années, les compagnies pharmaceutiques mettent au point diverses stratégies pour contourner les organismes de réglementation, notamment en mettant constamment sur le marché de nouveaux produits. Le gouvernement fédéral doit prendre les décisions qui s'imposent pour maîtriser cette progression effrénée. Il faut proposer une politique du prix le plus bas ou une politique de prix de référence.
Finalement, il faut maintenir l'interdiction de publicité directe aux consommateurs, ce qui est notre dernière recommandation. Comme je le disais plus tôt, la publicité n'a pas pour but d'informer; elle vise à faire vendre des produits. De plus, elle vise certains produits ayant des volumes de vente importants et certaines catégories de population. À cet égard, les femmes sont davantage visées par les campagnes publicitaires. C'est, de façon généralisée, le portrait de toute forme de campagne publicitaire.
La FIIQ considère que l'information aux patients, si elle est nécessaire, ne doit pas être rattachée à des intérêts commerciaux. Il ne doit pas y avoir apparence de conflit d'intérêts. L'information doit être neutre. Il doit faire partie du rôle des organismes gouvernementaux et de celui des professionnels de la santé d'informer la population sur les produits disponibles. Les médecins doivent conserver toute latitude relativement au traitement. Les activités de marketing des compagnies pharmaceutiques, dont le coût excède maintenant celui de la recherche et du développement, nécessitent un meilleur encadrement.
Voilà un résumé très succinct de notre mémoire, que vous pourrez consulter à votre guise. Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Boulanger.
Nous passons maintenant à l'Ordre des pharmaciens, et nous accueillons nos deux témoins, M. Julien et M. Parent.
[Français]
M. Jean-Yves Julien (président, Ordre des pharmaciens du Québec): Bonjour. Merci, madame la présidente et membres du comité, de nous accueillir ici ce matin.
Je m'appelle Jean-Yves Julien et je suis président de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Je suis accompagné de Marc Parent, qui est administrateur et qui sera disponible pour répondre à vos questions.
D'entrée de jeu, permettez-moi de dire que je suis un peu étonné que le temps soit compté pour un sujet aussi important. Je pense que cela mériterait certainement une reprise avec vous, sinon on resterait un peu sur notre appétit. Je pense que les impacts économiques et scientifiques liés à ce sujet sont un élément extrêmement important.
Ce matin, pendant les quelques minutes à notre disposition, nous allons réitérer deux positions officielles de notre bureau d'administration, qui sont en lien avec les points E et F. Premièrement, nous demandons une modification du mode actuel de distribution des échantillons. Les échantillons font partie des coûts qui sont pris en considération par l'organisme fédéral, et il s'agit d'un élément très important. Deuxièmement, l'Ordre des pharmaciens s'oppose à toute publicité sur les médicaments d'ordonnance. Cela va dans le même sens que les commentaires qui viennent d'être exprimés.
Nous insistons pour que le gouvernement fédéral joue bien son rôle, qui est de rendre disponibles rapidement sur le marché des médicaments efficaces et sécuritaires au meilleur coût possible. L'organisme de contrôle est là pour le faire. C'est un mandat très large, et le gouvernement a déjà certaines difficultés et s'est délesté de certaines de ses responsabilités. Nous ne voudrions pas que cela disparaisse.
Quant aux aspects de la distribution, le rôle des professionnels, des médecins, des pharmaciens et de tous les autres prescripteurs est davantage de la compétence de la province et des ordres professionnels. Je pense qu'il est important de faire ces distinctions.
En ce qui a trait à la hausse des coûts, je pense qu'il y a une distinction importante à faire. On parle des coûts des médicaments. Le fédéral est responsable du coût des produits. On vient de mentionner qu'il y a chaque année une augmentation de 15 p. 100. On parle à ce moment-là d'une augmentation de 15 p. 100 du coût du programme d'assurance, augmentation qui n'est pas liée uniquement au coût des médicaments. Au Canada, on peut démontrer que le coût des médicaments n'augmente à peu près pas une fois qu'ils sont sur le marché. On sait que les médicaments arrivent sur le marché à des prix très élevés. Les contrôles à ce niveau sont importants, mais il faut faire la distinction entre le coût des médicaments et les coûts totaux du programme, qui sont notamment liés à une augmentation de la consommation attribuable au vieillissement et à d'autres facteurs, ainsi qu'aux honoraires professionnels.
Je vais vous donner un exemple. La partie privée du programme d'assurance québécois fonctionne depuis plus de 30 ans déjà et la partie publique fonctionne depuis 7 ou 8 ans, maintenant en partenariat privé-public. Dans la partie publique de ce programme, il y a actuellement des dépenses d'environ 2 milliards de dollars. Dans ces 2 milliards de dollars, il y a pour 500 millions de dollars d'honoraires professionnels. Donc, quand on parle des coûts du programme, il faut voir quel est le coût des médicaments à l'intérieur de cela. C'est une condition essentielle. Si on veut prendre des mesures claires de contrôle des prix des médicaments, il faut faire cette distinction de base.
¾ (0820)
Au sujet des mécanismes de contrôle, je pense qu'il faudrait que les contrôles adoptés par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés s'appliquent aussi aux médicaments génériques. Actuellement, on contrôle seulement les prix des médicaments nouveaux. On devrait contrôler les prix de l'ensemble des médicaments, ce qui serait un élément très important.
Également, pour permettre aux gestionnaires et au public de bien comprendre, il devrait y avoir des données qui nous permettraient de saisir les différents aspects des coûts. On ne peut pas se contenter de dire que cela coûte tant; il faut savoir combien coûtent les matières premières, la main-d'oeuvre, la distribution, la mise en marché, la recherche, la publicité etc. Ce n'est qu'à ces conditions qu'on pourra tenir un débat éclairé sur les mesures à prendre. Actuellement, nous n'avons pas ces renseignements.
En ce qui a trait aux mécanismes d'approbation, on a besoin d'une plus grande rigueur. On a vu le cafouillage qu'il y a eu récemment dans le cas de la marijuana. Si on veut l'approuver en tant que médicament, on doit le faire avec la même rigueur. On ne permettrait pas que je mette un nouveau produit sur le marché sans passer par tous les mécanismes de contrôle. Il y a deux débats sur ce produit: le décriminaliser est une chose et l'approuver en tant que médicament en est une autre. On ne doit pas prendre les professionnels en otage. On doit avoir plus de rigueur dans ce débat. On ne peut pas dire que, parce qu'on craint de décriminaliser la marijuana, on va en faire un médicament et avoir recours aux professionnels. Donc, une plus grande rigueur est nécessaire.
La surveillance des effets indésirables est un élément important qui fait partie de l'ensemble de la question. Tous les partenaires doivent être sollicités, y compris le gouvernement fédéral. À cet égard, un outil très important est la transmission électronique des données de toutes sortes entre médecins et pharmaciens. Il faut appuyer la transmission de renseignements utiles à la recherche sur l'utilisation des médicaments.
Pour ce qui est du lobbying, on a compris qu'on visait probablement la promotion faite par l'industrie. Toute la mise en marché est une responsabilité du fédéral. On reprend la question de la publicité un peu plus loin, mais un des aspects de la promotion qui nous touchent est celui des échantillons et de la publicité sur les médicaments.
Je m'arrête ici. Il me reste quelques minutes; elles pourront être utilisées pour les questions que vous pourrez avoir.
¾ (0825)
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à M. Saba, qui représente la Coalition des médecins pour la justice sociale.
[Français]
M. Paul Saba (Président, Coalition des médecins pour la justice sociale): Merci.
Un système universel d'assurance-médicaments doit faire partie d'un système universel de santé public. Un système de santé public sans un programme universel d'assurance-médicaments est déraisonnable et met la santé de la population du Canada en péril. Tout système privé ou tout système public avec ticket modérateur diminue l'accès aux médicaments essentiels et provoque des milliers d'hospitalisations, ainsi que des transferts dans les centres d'hébergement et même des décès. Ce fait a été confirmé par le rapport Tamblyn ici, au Québec. Pendant ce temps, les compagnies pharmaceutiques s'enrichissent sur le dos des démunis. Donc, nous sommes contre toute forme de ticket modérateur, comme les primes et la coassurance.
Il est bien évident que le recours aux produits pharmaceutiques indiqués pour l'état pathologique du malade représente un service médical essentiel, au même titre qu'un acte chirurgical. Par conséquent, les médicaments devraient être assurés comme le sont les interventions chirurgicales.
La couverture universelle des médicaments qui auront été approuvés devrait faire partie d'un programme d'assurance-maladie, au même titre que tous les autres principes déjà établis qui constituent la base de la Loi canadienne sur la santé.
Selon nos calculs, peu ou pas de financement supplémentaire serait nécessaire. J'ai déjà soumis une présentation. Selon nos calculs, ici, au Canada, on consomme pour 14,7 milliards de dollars de produits pharmaceutiques. On consomme pour environ 11,3 milliards de dollars de médicaments d'ordonnance, mais nous avons fait le total actuel, qui équivaut à 11,9 milliards de dollars. Les débours, c'est-à-dire les dépenses de poche, et les dépenses des assurances privées équivalent à 6,6 milliards de dollars. Je vais vous soumettre tous les chiffres.
Selon nos calculs, il y a des sources potentielles d'économies de 7,1 milliards de dollars. Ces économies potentielles sont les suivantes: les primes précédemment payées aux compagnies d'assurances privées, 3,9 milliards de dollars; l'utilisation accrue des médicaments génériques, 1,7 milliard de dollars; la réduction des prix par l'achat en gros, à peu près 10 p. 100 ou 1,1 milliard de dollars. Nous proposons aussi que les subventions présentement données à l'industrie pharmaceutique soient éliminées; cela représente 0,4 milliard de dollars.
¾ (0830)
Je vais vous expliquer pourquoi nous proposons cette mesure. Les calculs démontrent que le coût d'un programme d'assurance-médicaments équivaut aux dépenses actuelles pour les médicaments provenant de toutes les sources de financement et qu'il mérite une étude attentive et sans parti pris.
Quant aux autres économies sur les prix des médicaments, premièrement, nous recommandons de mieux enseigner aux médecins à prescrire des médicaments de même efficacité, mais à moindre coût. Par exemple, il faudrait utiliser des médicaments génériques plutôt que des médicaments brevetés. Une meilleure formation des médecins pour qu'ils prescrivent des médicaments moins chers occasionnerait une économie supplémentaire d'au moins 10 p. 100, c'est-à-dire une économie d'à peu près 1,13 milliard de dollars sur une facture de 11,3 milliards de dollars.
Deuxièmement, il faudrait former les médecins pour qu'ils prescrivent moins de médicaments, ce qui pourrait nous faire économiser encore 10 p. 100, ou 1,13 milliard de dollars. Je donne un exemple qui est bien connu, à savoir que les antibiotiques sont trop souvent prescrits pour des infections virales comme le rhume. Ce n'est pas uniquement une question de formation des médecins; il s'agit aussi de former le public en général afin de changer sa perception. Souvent, les gens croient que si le médecin ne leur prescrit rien, ils ne guériront pas.
Ces économies représentent encore 2,26 milliards de dollars qui, ajoutés aux 7,4 milliards de dollars que j'ai déjà mentionnés, représentent 9,66 milliard de dollars pour financer un système universel de médicaments.
L'influence des compagnies pharmaceutiques sur la pratique des médecins est bien connue. Je parle surtout des compagnies pharmaceutiques qui fabriquent des médicaments brevetés, parce que je n'ai jamais vu, dans mon bureau, de représentant d'une compagnie de médicaments génériques. Les compagnies de médicaments brevetés dépensent davantage pour la promotion et l'administration que pour la recherche et le développement.
La recherche montre que 46 p. 100 des médecins affirment que les représentants des compagnies pharmaceutiques influencent leurs choix. Un tiers des résidents avouent avoir changé leur façon de prescrire des médicaments en se basant sur l'information fournie par des représentants des compagnies pharmaceutiques, et 90 p. 100 des médecins ont changé les médicaments qu'ils prescrivaient à cause des échantillons. Les compagnies ont donc une grande influence sur les choix et les décisions des médecins.
Bien que les politiciens doivent également limiter l'influence des compagnies qui fabriquent des médicaments brevetés ainsi que la quantité de publicité qu'elles font auprès du corps médical, nous, comme médecins, ne devons pas accepter les cadeaux. En anglais, on dit: no free lunch.
Les nouveaux médicaments ne sont pas nécessairement meilleurs. Beaucoup d'anciens médicaments sont encore excellents. À peu près 20 p. 100 des nouveaux médicaments ont souvent des effets secondaires inconnus, qui nécessitent leur retrait du marché de toute urgence. Les nouveaux médicaments sont aussi beaucoup plus coûteux.
En résumé, nous proposons d'abord un plan d'assurance-médicaments universel pour tous les Canadiens et Canadiennes. Ceci aurait pour effet de répartir les coûts et donc de diminuer le coût des primes d'assurance-médicaments. Notons également qu'un tel système coûterait moins cher aux particuliers qui cotisent actuellement à des compagnies d'assurances privées. De plus, instituer un système universel pour tous et toutes pourrait diminuer les prix des médicaments, dans la mesure où le gouvernement les négocierait en plus grande quantité avec les compagnies pharmaceutiques.
Deuxièmement, nous proposons de n'ajouter au plan d'assurance-médicaments que les nouveaux médicaments qui ont une valeur thérapeutique réellement supérieure.
Troisièmement, il faudrait que les deux paliers de gouvernement investissent dans la formation des médecins pour qu'ils changent leur manière de faire des ordonnances.
¾ (0835)
Quatrièmement, il pourrait y avoir une table de concertation nationale pour mieux contrôler les coûts et l'efficacité des médicaments, avec les représentants suivants: un représentant des compagnies de médicaments brevetés--il faut comprendre que celles-ci ont une importance qu'il ne faut pas nier--, un représentant des compagnies génériques, un médecin expert en matière de coûts et d'efficacité des médicaments, un représentant des groupes communautaires des aînés, un représentant des groupes communautaires des malades, un médecin de famille, un médecin spécialiste, une infirmière ou un infirmier et un représentant des groupes syndicaux.
À long terme, nous recommandons de réviser la durée des brevets de 20 ans, et peut-être aussi d'examiner les licences obligatoires qu'on avait dans le passé, avant 1993, alors qu'une compagnie générique était capable de fabriquer des médicaments à moindre coût après sept ans de brevet.
Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Nous n'avons pas beaucoup de temps pour les questions. Je vais donc demander à mes collègues de s'en tenir à quatre ou cinq minutes, pas plus,pour que chacun ait un tour.
Notre premier intervenant sera M. Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Merci de votre présence et de tous vos exposés. Essentiellement, vous nous dites que vous voulez que les médicaments coûtent moins cher, et qu'ils soient plus accessibles. Vous êtes aussi contre la publicité directe faite aux consommateurs.
Étant donné ce que vous avez tous dit à propos des médicaments sur ordonnance et la publicité directe aux consommateurs, serait-il opportun à votre avis de fournir aux consommateurs des renseignements à la fois positifs et négatifs au sujet d'un médicament? Si le consommateur pouvait connaître les effets secondaires ou nuisibles d'un produit, pensez-vous que ce serait avantageux qu'il puisse prendre connaissance de telles informations?
Selon certains témoignages que nous avons reçus—pas ce matin mais ailleurs—il s'avère dans bien des cas que les compagnies pharmaceutiques n'informent pas les médecins des effets secondaires nuisibles de certains des produits que prescrivent ces derniers, ou en tout cas, que bien des médecins ne comprennent pas que ces produits puissent avoir de tels effets.
Avez-vous tenu compte de tout cela en cherchant à déterminer si la publicité est appropriée ou non?
M. Jean-Yves Julien: Oui, nous examinons de très près cet aspect de la question.
[Français]
On doit différencier trois choses. D'abord, il y a l'effet principal du médicament, sur lequel il faut donner de l'information objective. On ne peut pas laisser cela uniquement entre les mains de celui qui vend le produit. Ensuite, il y a les effets secondaires, comme vous le mentionnez, qui sont un deuxième élément sur lequel on doit fournir de l'information. Ces deux aspects sont liés aux produits.
Le troisième élément d'information qu'il faut absolument transmettre au public, c'est que les gens doivent tenir compte de leur situation. Je peux recevoir de l'information disant que tel médicament est utile et que tel effet secondaire est présent. Mais, dans ma condition, que veulent dire ces informations? C'est de là que vient toute la difficulté. Il faut absolument trouver une façon de communiquer cet élément. Il faut rendre les gens autonomes afin qu'ils puissent juger de la pertinence des médicaments pour eux, de leur effet principal et de leurs effets secondaires.
N'oubliez pas qu'au Canada, les médicaments les plus dangereux sont ceux qui sont probablement le mieux utilisés et pour lesquels il y a la meilleure information pour les patients. Je pense notamment à l'insuline.
[Traduction]
M. Rob Merrifield: Donc, à votre avis, la publicité peut-elle jouer un rôle utile dans ce contexte?
[Français]
M. Jean-Yves Julien: La publicité a un rôle très limité.
[Traduction]
M. Paul Saba: Les médicaments sont importants et jouent un rôle critique dans le maintien d'un bon état de santé, mais il y a d'autres mesures importantes dont le public doit être informé. C'est là que Santé Canada peut jouer un rôle important à mon avis. Par exemple, par rapport à des maladies comme l'obésité et la cardiopathie, une de ses responsabilités importantes consiste à favoriser la prévention—c'est-à-dire, la bonne nutrition, l'exercice physique, etc. Les médicaments ne représentent qu'un élément de la solution pour le traitement de la cholestérolémie élevée, par exemple. Nous ne devrions pas avoir comme premier réflexe de prendre automatiquement des médicaments anti-cholestérol, même si ces derniers jouent un rôle important.
Le problème, c'est que l'industrie pharmaceutique a intérêt à promouvoir ses propres produits, comme c'est le cas de tout fabricant de produits. Ces entreprises jouent un rôle important dans notre économie, mais nous ne voulons pas qu'elles influencent le public pour une question aussi importante que la santé. L'information qu'elles communiquent aux consommateurs doit absolument être examinée, et avant sa diffusion, Santé Canada doit se pencher sur tous les éléments de cette information et porter un jugement là-dessus en fonction de toutes les autres interventions thérapeutiques disponibles.
M. Rob Merrifield: Je crois que vous deux avez dit que nous devrions revoir le rôle du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Vous dites qu'il y a lieu de réexaminer un peu la terminologie qu'on emploie.
Là il s'agit essentiellement de médicaments brevetés. Lorsqu'on compare le prix des médicaments brevetés aux États-Unis et au Canada, on constate que les prix au Canada sont bien inférieurs. Voilà justement pourquoi les pharmacies qui vendent leurs produits sur Internet nous causent toutes sortes de problèmes en ce moment. Quand aux médicaments génériques, là nous n'avons pas ce problème, parce que nos prix au Canada sont bien supérieurs pour ce type de médicaments qu'aux États-Unis.
Vous êtes-vous demandé pour quelles raisons le prix des médicaments génériques est si élevé, alors que vous vous attaquez au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, lequel ne contrôle que les médicaments brevetés? Pourquoi condamnez-vous le prix des médicaments génériques, alors qu'ils coûtent beaucoup plus cher ici qu'aux États-Unis?
¾ (0840)
[Français]
Mme Sylvie Boulanger: Honnêtement, nous n'avons pas réfléchi à la question des coûts des médicaments génériques, qui sont plus élevés ici qu'aux États-Unis.
Par ailleurs, nous pensons que le rôle du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés doit être élargi. Il arrive parfois que de nouveaux médicaments sont brevetés, dont à peine une molécule a est changée. Les changements qui sont apportés aux médicaments et pour lesquels on émet un nouveau brevet sont subtils, voire homéopathiques, ce qui fait en sorte qu'il y a encore des délais de brevet, etc., cela pour une transformation minime. Oui, je pense qu'il faut réévaluer le rôle du conseil et, vraisemblablement, l'élargir afin que le conseil puisse procéder à un examen plus approfondi.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): J'ai trois courtes questions à poser.
Monsieur Julien et monsieur Parent, essayons de comprendre clairement le partage des responsabilités. Notre constat est que le coût d'acquisition des médicaments, pour les pouvoirs publics comme pour les particuliers, augmente de 15 à 20 p. 100 par année. Cela comprend les frais d'administration et la vente au détail. Donc, les coûts augmentent. Tel est notre constat de base. Je veux voir avec vous le partage des responsabilités.
Prenons un exemple pédagogique, avec lequel je n'entretiens qu'un rapport pédagogique, celui du Viagra. Disons que je vais acheter du Viagra à la pharmacie de la rue Hochelaga, dans Hochelaga--Maisonneuve, et que je paie 30 $ pour 12 comprimés. Expliquez-moi le partage de cet argent entre l'intermédiaire que vous êtes comme pharmacien et le manufacturier, et dites-moi quelle est la part de la personne qui se procure le médicament pour la vente au détail.
M. Jean-Yves Julien: Essentiellement, on peut dire qu'il y a trois composantes: le coût du produit, qui représente de 65 à 68 p. 100 du prix de vente au détail; le coût de distribution par un intermédiaire grossiste, qui est de l'ordre de 5 à 7 p. 100; et les honoraires des pharmaciens, qui représentent de 28 à 30 p. 100. Il y a une variation.
M. Réal Ménard: Pour combien le produit compte-t-il?
M. Jean-Yves Julien: Il compte pour 65 p. 100.
M. Réal Ménard: De ce que je paie pour le comprimé.
M. Jean-Yves Julien: C'est exact.
M. Réal Ménard: Cela vient du manufacturier.
M. Jean-Yves Julien: Cela vient du manufacturier. C'est ce que le pharmacien paie au manufacturier.
M. Réal Ménard: On s'entend pour dire que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés détermine le prix départ-usine, mais qu'une fois le prix départ-usine déterminé, le conseil n'intervient plus dans la chaîne des intermédiaires.
M. Jean-Yves Julien: C'est terminé.
M. Réal Ménard: Bon. Passons maintenant à la deuxième variable.
M. Jean-Yves Julien: La deuxième variable est la part de l'intermédiaire grossiste qui, selon l'utilisation, est de 5 à 7 p. 100.
M. Réal Ménard: Et qui est le grossiste?
M. Jean-Yves Julien: C'est celui qui prend le produit chez le fabricant, qui l'entrepose et qui le transfère à l'hôpital ou au pharmacien. Les intermédiaires sont essentiels. Les frais de grossiste sont de l'ordre de 5 à 7 ou 8 p. 100.
¾ (0845)
M. Réal Ménard: Par exemple, quand je vais chez Jean Coutu et que j'achète le comprimé, qui est le grossiste?
M. Jean-Yves Julien: Le grossiste peut être Jean Coutu lui-même. En fait, Jean Coutu n'est pas un pharmacien dans ce sens-là, mais un grossiste. À ce niveau-là, le grossiste peut être McKesson, au Canada, qui est un très gros grossiste. C'est probablement le plus important en ce moment.
M. Réal Ménard: Et c'est 5 p. 100.
M. Jean-Yves Julien: Environ 5 p. 100.
M. Réal Ménard: Et qu'en est-il de la troisième variable?
M. Jean-Yves Julien: C'est l'honoraire du pharmacien, qui est d'environ 30 p. 100.
M. Réal Ménard: C'est la chaîne des intermédiaires...
M. Jean-Yves Julien: L'honoraire est en décroissance. Il y a plusieurs années, les honoraires des pharmaciens se situaient à 48 p. 100 et ils sont maintenant à 30 ou 28 p. 100. Il en va de même des coûts des services à l'intérieur des hôpitaux.
Donc, il y a trois composantes importantes.
M. Réal Ménard: Il est important qu'on les ait à l'esprit, et j'espère que nos recherchistes les ont prises en note. C'est la première étape.
M. Jean-Yves Julien: J'aimerais faire une autre distinction. Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés ne fait qu'une comparaison des prix. Il n'analyse pas en détail les coûts au Canada. Il nous dit que le prix au Canada est meilleur que dans d'autres pays. C'est pour cela qu'on n'examine pas le prix des médicaments génériques.
M. Réal Ménard: Presque toutes les personnes autour de la table sont d'accord pour dire qu'il faut élargir le mandat du conseil.
Je voudrais maintenant poser une courte question et j'espère avoir le temps d'en poser une dernière à M. Saba.
La question des échantillons est très importante. Il y a des échantillons qui sont mis en circulation par les manufacturiers et qui ne sont pas vendus. Quelles mesures devrait-on prendre à l'endroit de cette réalité? Cette question s'adresse aux infirmières ou aux pharmaciens, selon ce qu'ils ont à nous dire là-dessus.
M. Jean-Yves Julien: Je vais répondre et quelqu'un d'autre complétera la réponse.
Selon moi, il y a deux éléments importants. D'abord, sur le plan didactique, il faut qu'une bonne information soit donnée à la personne à qui on remet les échantillons. On devrait aussi comptabiliser ces échantillons et les traiter avec la même rigueur que la distribution des médicaments. L'information doit circuler. Ils doivent être pris en considération dans les études sur la consommation de médicaments. C'est sur le plan didactique.
Sur le plan du coût, il faut comprendre que si une compagnie distribue des échantillons, cela fait partie de ses coûts. On devrait comprendre qu'il faut payer ces échantillons, parce qu'ils ne sont pas donnés. On les paie à un moment ou à un autre. Lorsqu'on nous dit que ces échantillons vont aider quelqu'un, c'est peut-être vrai, mais il y a quelqu'un qui les paye.
Troisièmement, on peut mentionner qu'il est très rare de voir des échantillons de vieux médicaments, qui sont moins chers. Si on faisait vraiment cela dans l'intérêt de tout le monde, on donnerait des échantillons de médicaments moins chers.
M. Réal Ménard: Ma dernière question s'adresse à M. Saba. C'est moi qui ai proposé votre nom. J'espère que la présidente va me permettre de vous poser une question.
Disons-nous les choses franchement. Il y a un trafic d'influence de la part des compagnies pharmaceutiques auprès des professionnels de la santé. Tout à l'heure, vous disiez qu'il n'y avait no free lunch. Quelle recommandation devrions-nous faire pour limiter ce trafic d'influence de la part des compagnies pharmaceutiques auprès des professionnels de la santé?
M. Paul Saba: Je préférerais que les représentants pharmaceutiques ne viennent plus nous voir à nos bureaux, parce que je vois les effets néfastes de cela. Nos armoires sont remplies de ces échantillons. Prenons l'exemple d'une infection des oreilles. Quand je travaille à l'urgence, je vois souvent des patients qui ont été traités avec de nouveaux médicaments, de gros canons, alors qu'ils avaient vraiment besoin d'anciens médicaments comme l'amoxicilline. Mais comme ils ont déjà utilisé un médicament très fort, après un échec de traitement, je n'ai pas beaucoup de choix: je dois administrer un médicament encore plus fort. Parfois on n'en a pas, et cela peut même compromettre la santé de nos enfants. Je préfère que toute formation soit objective et soit faite par des centres universitaires ou des centres de recherche, et non pas par des compagnies pharmaceutiques.
M. Réal Ménard: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Ménard.
Madame Scherrer.
[Français]
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Merci beaucoup.
Je vous souhaite la bienvenue chez nous. Je trouve cela assez exceptionnel et je prends la peine de le mentionner aujourd'hui: il est très rare qu'un comité de la Chambre des communes vienne à Québec. Habituellement, les comités vont à Montréal. Il n'y a pas de guerre entre Québec et Montréal, mais j'apprécie particulièrement qu'on soit à Québec aujourd'hui. De plus, cela se passe en bonne partie en français.
M. Réal Ménard: [Note de la rédaction: inaudible]
Mme Hélène Scherrer: Dans le plus beau comté du Canada.
¾ (0850)
M. Jean-Yves Julien: Un des plus beaux.
Mme Hélène Scherrer: Je voudrais poursuivre dans la même veine que mon collègue Réal Ménard. On a parlé de l'écart entre le coût des produits et ce que vous appelez le coût du programme. Il y a les produits chimiques dont on se sert pour fabriquer un médicament. On a parlé tout à l'heure du coût du marketing et de la publicité. Ce coût se retrouve-t-il dans le produit, chez le grossiste ou chez le pharmacien? Il est aussi élevé que celui de la recherche. Où le retrouve-t-on dans la ventilation que vous nous avez donnée?
M. Jean-Yves Julien: Tout ce qui touche l'industrie pharmaceutique se trouve dans le coût du produit. C'est la première partie. Si la compagnie fait de la publicité à la télévision, ses dépenses de publicité seront reflétées dans le coût du produit. Le coût des services comprend aussi le coût de la publicité qui est faite par les organisations pharmaceutiques. C'est un autre problème. C'est de la juridiction de la province et des ordres, mais c'est une autre partie. Quand vous voyez une publicité faite par des groupes de pharmaciens, cela fait partie des honoraires pour les services.
Mme Hélène Scherrer: Donnez-nous un exemple, monsieur Julien.
M. Jean-Yves Julien: On voit des annonces à la télévision de groupes de pharmaciens comme Uniprix, Familiprix, etc. Ce sont des organisations. Ce n'est pas la pharmacie elle-même qui fait l'annonce, mais c'est lié. Il y a donc là des dépenses. C'est relié à tout un ensemble qui fait partie de la composante des honoraires, mais les dépenses de publicité de l'industrie pharmaceutique se retrouvent dans le coût du médicament.
Mme Hélène Scherrer: D'accord.
Quand on voit tout le marketing et toute la publicité qu'il y a autour de différents produits, on comprend l'augmentation de 15 p. 100. Je tenais pour acquis que la proportion de 60 ou 65 p. 100 attribuable au produit ne bougeait pas beaucoup parce que le prix n'avait pas beaucoup augmenté depuis de nombreuses années. Ce sont des produits chimiques qu'on additionne pour faire un produit manufacturé. Mais vous me dites que les coûts associés à la publicité et au marketing font partie du volet de 60 à 65 p. 100. Au cours des dernières années, les coûts associés au marketing ont sans doute été en croissance constante, parce que nous n'avons jamais été aussi bombardés de publicité et de marketing, sur Internet, dans les revues et un peu partout. On essaie de voir où on pourrait faire un certain contrôle du prix des produits. Vous dites que le grossiste est essentiel. Il serait donc difficile de le toucher. Les honoraires professionnels ont même diminué, et chacun d'entre vous semblait dire qu'il serait important de garder la participation du pharmacien pour guider les gens. Donc, c'est au coût du produit qu'on pourrait s'attaquer.
M. Jean-Yves Julien: Oui, et c'est là qu'on parle d'une augmentation de 15 p. 100. Il faut comprendre que les produits, quand ils sont mis sur le marché, sont vendus à leur prix maximum, contrairement à ce qu'on voit dans d'autres domaines. Le prix du produit demeure le même ou a tendance à diminuer.
Prenons l'exemple du Viagra, que l'on a mentionné. Ce produit n'est pas plus cher qu'il l'était il y a quelques années même s'il y a plus de publicité qui est faite. Il est arrivé sur le marché à son prix maximum. Ce qui coûte plus cher aux programmes d'assurance, c'est que plus de gens en consomment. Quand on parle d'une augmentation de 15 p. 100, on ne parle pas d'une augmentation du coût d'acquisition du produit; on parle d'un nombre plus grand de personnes qui consomment le médicament. Pensons aux médicaments pour la maladie d'Alzheimer. Quand ils sont arrivés sur le marché, il en coûtait environ 3 000 $ pour traiter un patient. Cinq ans plus tard, il en coûte encore 3 000 $ pour traiter un patient, mais au lieu d'avoir 100 000 patients, on en a peut-être 200 000 au Canada. C'est à cela que l'augmentation est attribuable. Donc, c'est un mélange des deux.
M. Marc Parent (administrateur, Ordre des pharmaciens du Québec): Il y a en fait deux grandes forces. Le coût des médicaments à leur entrée sur le marché est en progression au fil des années même s'il n'évolue plus après sa mise en marché. Il y a lieu de signaler que le prix d'introduction de certains médicaments pour des maladies relativement rares a dépassé le revenu moyen des Canadiens. Actuellement, il y a sur le marché des traitements qui coûtent 20 000 $, 40 000 $, 60 000 $ ou même 80 000 $ par année, par individu. Cela a un impact majeur, et c'est un changement important et fondamental aux règles du jeu qui mérite d'être souligné et examiné de près. Donc, le coût d'introduction est le premier volet.
Le deuxième est l'aspect de la demande. La demande évolue en fonction du vieillissement de la population, d'une part, mais elle évolue aussi en fonction des besoins sollicités notamment par la publicité. La publicité est légèrement tendancieuse. Un spot publicitaire a certainement pour but de promouvoir l'utilisation du médicament, et non d'informer le public. Certaines situations de santé sont simples, et notre rôle est plutôt de nous occuper des situations complexes et d'éviter les aventures et les accidents qui peuvent survenir dans les situations complexes. Je ne pense pas que cela puisse être réglé par une page de publicité ou par un spot publicitaire de 30 secondes, étant donné la complexité des liens entre les besoins de l'individu, les avantages d'un médicament par rapport à d'autres médicaments et les effets indésirables de ce médicament en lui-même et par rapport aux solutions alternatives, même non médicamenteuses.
¾ (0855)
[Traduction]
M. Paul Saba: L'industrie pharmaceutique a exagéré le prix de commercialisation d'un médicament. Souvent cette dernière prétend qu'un nouveau médicament coûte environ un milliard de dollars. Or il y a la fameuse étude du centre Tufts indiquant qu'il s'agissait plutôt de 802 millions de dollars US, mais l'industrie se permet de gonfler le chiffre réel trois ou quatre fois. Nous avons examiné d'autres études également. Le coût réel de commercialisation d'un médicament—en dollars après impôt—est de 240 millions de dollars. Donc, à notre avis, les arguments qu'invoque l'industrie pour justifier l'augmentation des prix sont exagérés.
La présidente: Monsieur Robinson.
[Français]
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Je viens de la Colombie-Britannique, où on a adopté, il y a déjà un bon bout de temps, une politique du prix le plus bas et une politique du prix de référence. Cela a été recommandé par la Commission Romanow, mais jusqu'à présent, le gouvernement n'a rien fait pour mettre en oeuvre cette importante recommandation.
Est-ce que l'Ordre des pharmaciens du Québec appuie également cette recommandation?
M. Jean-Yves Julien: Concernant le prix de référence, l'Ordre des pharmaciens du Québec n'a pas de position officielle sur ce qui se passe en Colombie-Britannique. Il n'a pas dit s'il y était favorable ou pas.
Personnellement, je pense qu'il y a là certaines avenues à explorer, mais pour que les décideurs que vous êtes puissent porter un jugement qui soit dans le meilleur intérêt des Canadiens, il faut deux choses. On a besoin d'une industrie au Canada, et il faut le reconnaître. Il y a des milliers d'emplois de chercheurs, etc. On a aussi besoin d'une industrie générique forte parce que ça permet des exportations. Il y a donc un élément économique. Pour porter un bon jugement, je pense que vous avez besoin des informations que je vous ai mentionnées brièvement tout à l'heure.
Quel est le coût d'un produit lorsqu'il est mis sur le marché? Nous ne voulons pas savoir si son prix est meilleur qu'en Espagne ou aux États-Unis. Nous voulons connaître son coût. Si ce coût est raisonnable, on peut, dans un deuxième temps, prendre des décisions qui font qu'on va choisir le moins cher, mais en toute connaissance de cause et en ne mettant pas nécessairement en péril l'industrie.
Au Canada, il y a plusieurs provinces. Je comprends qu'une province comme la Colombie-Britannique puisse prendre cette décision, mais pour l'Ontario, qui a une industrie forte, les enjeux économiques sont différents. Il faut bien comprendre cela.
M. Svend Robinson: Oui, mais si on peut choisir un médicament générique qui a presque les mêmes effets qu'un médicament breveté au plan médical, on épargne beaucoup d'argent et cela a le même effet. J'ai d'autres questions à poser.
M. Jean-Yves Julien: La recommandation des pharmaciens va dans ce sens-là.
M. Svend Robinson: On parle beaucoup des compagnies pharmaceutiques. Je sais que c'est une industrie importante. On parle de l'importance d'une révision en profondeur de la Loi sur les brevets. Le Dr Saba et la fédération ont parlé de l'importance d'une révision en profondeur du système de brevetage, par exemple de la durée de 20 ans, du evergreening, etc. Cependant, quand nous essayons de soumettre ces choses au Comité de l'industrie, des sciences et de la technologie, les représentants du Parti libéral et du Bloc québécois nous bloquent toujours. Il y a donc un petit problème quand on parle de ces questions. J'ai toujours trouvé un peu bizarre et un peu hypocrite qu'on attaque les pharmaciens, les médecins ou d'autres groupes qui reçoivent des cadeaux des compagnies pharmaceutiques. Je suis tout à fait d'accord, mais les compagnies pharmaceutiques offrent aussi des cadeaux très généreux aux partis politiques, c'est-à-dire au Parti libéral et au Bloc québécois. M. Chrétien va éliminer cela, mais quand on parle de cadeaux, il faut dire qu'il y en a beaucoup.
Je voudrais poser une dernière question à la fédération. Avez-vous essayé de persuader le gouvernement provincial de mettre en oeuvre une politique du prix le plus bas et une politique du prix de référence? Si oui, pourquoi y a-t-il de la résistance? Pouvez-vous nous en parler un peu?
¿ (0900)
Mme Sylvie Boulanger: Quand nous avons comparu en commission parlementaire, d'abord au moment de l'adoption de la loi, puis au moment de sa révision en 2002, ce sont des éléments que nous avons défendus. La résistance est la même que celle que vous pouvez voir à Ottawa. L'industrie est puissante; il y a beaucoup, beaucoup d'argent là-dedans. Les actionnaires de ces compagnies veulent en faire beaucoup aussi, et il semble bien que ces intérêts soient considérés comme étant supérieurs à l'intérêt de la santé de la population en général.
Un peu comme le Dr Saba, nous souhaitons que les médicaments soient considérés comme un élément du système de santé public et que, par conséquent, on fasse un meilleur contrôle des prix.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Robinson.
Monsieur Barrette.
[Français]
M. Gilbert Barrette (Témiscamingue, Lib.): Merci, madame la présidente.
J'aimerais faire une observation et ensuite poser une question. Ce qui me dépasse, c'est qu'on dépense plus en promotion qu'en recherche. Je ne pensais pas cela et j'ai du mal à comprendre qu'on investisse tant dans la promotion. On attache beaucoup plus d'importance à la consommation qu'aux bienfaits des médicaments.
On pourrait réviser de fond en comble toute la chaîne du produit, de la fabrication jusqu'à la mise en marché, mais il y a un élément majeur qui déclenche la consommation. Je ne veux pas blâmer les médecins, mais la prescription est l'un des éléments majeurs de la consommation. On dit qu'on devrait mieux les former afin qu'ils prescrivent moins ou qu'ils prescrivent mieux. Je ne comprends pas qu'on ne fasse pas cela maintenant.
M. Paul Saba: Je pense que le problème est que nos colloques et nos ateliers d'éducation continue sont la plupart du temps financés par les compagnies pharmaceutiques. J'ai assisté à une conférence cet été à McGill où il n'y avait aucun représentant des compagnies pharmaceutiques. C'est très rare. Je pense que la majorité des conférences pour les médecins ne devraient pas être influencées par les compagnies pharmaceutiques. Même nos centres de recherche et nos centres universitaires sont influencés par les compagnies pharmaceutiques. Donc, les médecins ne peuvent pas être objectifs dans leur façon de traiter leurs patients.
M. Gilbert Barrette: Mais vous admettrez que c'est tout un dilemme. C'est le médecin qui nous dit ce que nous devons prendre, et on assiste en même temps à une croissance de la consommation et donc des coûts.
M. Paul Saba: Nos gouvernements peuvent jouer un rôle primordial en investissant dans la formation des médecins, en donnant, par exemple, des subventions pour l'éducation continue. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux peuvent faire partie de partenariats pour la formation des médecins en matière de médicaments. Le gouvernement provincial, présentement, est beaucoup impliqué dans les dépenses en matière de santé; il doit aussi jouer un rôle important dans l'éducation des médecins pour ce qui est de la prescription des médicaments. J'aimerais qu'il y ait des subventions pour des programmes de recherche sur le coût et l'efficacité des médicaments, ainsi que pour enseigner aux médecins à mieux prescrire des médicaments.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Barrette.
Au nom du comité, je désire remercier tous nos témoins de leurs excellents exposés. Nous vous en sommes très reconnaissants et tenons à vous remercier d'avoir investi le temps et l'effort nécessaires pour venir nous présenter vos vues si tôt ce matin. Merci infiniment.
En prévision de notre deuxième table ronde, j'invite les témoins qui doivent comparaître de 9 h 05 à 10 h 05 à venir s'installer.
¿ (0905)
[Français]
Le vice-président (M. Réal Ménard): Madame Scherrer, si vous le permettez, nous allons reprendre. Vous savez que le temps nous bouscule. C'est moi qui vais présider, madame Scherrer, et je vais vous avoir à l'oeil. Mais comme nous sommes dans votre comté, je vais être indulgent envers vous.
Nous entendrons maintenant les témoins de l'Union des consommateurs et du Comité des personnes atteintes du VIH , représenté par M. Lapierre et M. Gagnon. Nous entendrons également la représentante du Atlantic Centre of Excellence for Women's Health. Veuillez prendre place.
Si vous êtes d'accord, nous allons vous demander de faire une présentation de cinq minutes chacun, et nous aurons ensuite une discussion avec les députés. Nous allons procéder assez rapidement parce que nous devons retourner à Ottawa pour voter à 17 h 30. Nous devons prendre l'avion à l'heure du dîner.
Je donne la parole à Mme Latreille de l'Union des consommateurs.
Mme France Latreille (coordonnatrice intérimaire, Union des consommateurs): Bonjour.
Je vous présente brièvement les deux collègues qui m'accompagnent. Ce sont Thérèse Richer, présidente de l'Union des consommateurs, et Charles Tanguay, responsable des communications. Je suis, quant à moi, coordonnatrice intérimaire de l'Union des consommateurs.
Nous tenons d'abord à vous remercier de nous avoir invités à exprimer nos préoccupations devant ce comité. J'aimerais ensuite présenter brièvement notre organisme.
L'Union des consommateurs est un organisme sans but lucratif qui regroupe huit associations coopératives d'économie familiale, le Regroupement des consommateurs d'assurance ainsi que des membres individuels. La mission de l'Union des consommateurs est de représenter et défendre les consommateurs, en particulier les ménages à revenu modeste.
Depuis ses débuts, le mouvement des ACEF est impliqué activement dans le dossier de la santé. À l'heure actuelle, nous nous intéressons de façon particulière aux travaux entourant le renouveau législatif canadien en matière de protection de la santé. Nous aimerions souligner, d'entrée de jeu, que notre présentation a été peu préparée et que cela n'est pas dans nos habitudes. Nous avons reçu l'invitation tout récemment et cela ne nous a pas permis de nous préparer suffisamment.
Nous tenions néanmoins à vous soumettre ce bref témoignage afin d'indiquer clairement notre intérêt pour les questions liées aux médicaments. Mentionnons, entre autres, que nous entamons une recherche sur la publicité et les médicaments. Cette recherche, financée par le Bureau de la consommation d'Industrie Canada, nous permettra, espérons-le, d'étayer nos positions sur la question de l'information sur les médicaments et sur la publicité des compagnies pharmaceutiques ciblant directement les consommateurs. Il nous fera plaisir de vous transmettre les résultats de nos travaux d'ici environ huit mois.
Par ailleurs, nous espérons participer pleinement aux consultations menées par Santé Canada dans le cadre du renouveau législatif en matière de protection de la santé. À ce chapitre, nous souhaitons attirer l'attention du comité sur le fait que des groupes de la société civile, comme le nôtre, qui défendent l'intérêt public, disposent de trop peu de ressources pour participer adéquatement à des processus de consultation comme ceux que mène et que mènera Santé Canada. Il s'agit d'un déséquilibre important. Nos arguments sont confrontés à ceux de groupes extrêmement puissants et autrement mieux outillés que nous pour faire valoir des intérêts particuliers. Ces groupes ont souvent des intérêts commerciaux représentant des sommes astronomiques.
Nous vous suggérons de sensibiliser le ministère de la Santé à l'inégalité des forces en présence dans ce processus de consultation lorsque, par exemple, l'industrie du médicament et le lobby des éditeurs de magazines font face, quand il est question de la publicité des médicaments d'ordonnance, à un groupe aussi modeste que le nôtre. Nous aurions souhaité notamment que les groupes de consommateurs disposent de fonds pour participer à cette consultation.
Je cède maintenant la parole à mon collègue Charles Tanguay.
¿ (0910)
M. Charles Tanguay (Responsable des communications, Union des consommateurs): Bonjour et merci de nous accueillir.
Parlons rapidement des médicaments et de leur accessibilité. Selon nous, l'accès aux médicaments est un enjeu de santé publique majeur. Avec l'évolution de la recherche, les nouvelles technologies et les molécules, l'utilisation des médicaments constitue une avenue privilégiée pour des traitements. Des chirurgies peuvent être évitées, et les hospitalisations sont moins fréquentes et plus courtes grâce à l'utilisation judicieuse de médicaments. La pharmacothérapie est considérée comme un élément essentiel de l'ensemble des traitements médicaux et peut, malgré les coûts croissants, permettre de diminuer les coûts généraux de la santé en évitant des frais. C'est pourquoi il nous importe que les médicaments soient accessibles au même titre que les autres traitements médicaux de façon équitable et raisonnable pour toutes les personnes qui en ont besoin, sans égard à leur revenu ou à leur situation sociale, ce qui n'est pas nécessairement le cas partout au Canada actuellement.
Nous sommes conscients que les coûts des médicaments ne cessent de s'accroître. Cette augmentation des coûts est liée principalement à l'utilisation de nouveaux médicaments qui ne sont pas nécessairement plus efficaces que des médicaments qui existent depuis plus longtemps. Il existe de nombreux exemples de nouveautés pharmaceutiques coûteuses qui sont adoptées rapidement par les médecins, malgré le fait qu'elles ne représentent pas nécessairement une amélioration marquée par rapport à un médicament plus ancien. On donne l'exemple d'un antibiotique peu coûteux qui existe depuis 20 ans, qui est très efficace et qui a un meilleur rapport coût-efficacité que de nouvelles molécules dont le coût peut être 20 fois supérieur et qui ne sont pas nécessairement plus efficaces.
Les médecins généralistes sont plus susceptibles que les médecins spécialistes de compter parmi leurs principales sources d'information sur les médicaments les représentants de compagnies pharmaceutiques. Dans un mémoire que nous avons rédigé en 2000, nous évoquions le fait que les médecins qui prescrivent un fort volume de médicaments sont aussi ceux qui utilisent le plus fréquemment et considèrent le plus positivement les sources commerciales comme moyens d'information.
Ce sont presque toujours les nouveaux médicaments qui sont largement publicisés, selon d'autres chercheurs. Pourtant, et précisément parce qu'ils sont nouveaux, ce sont les produits pour lesquels les risques pour la santé sont les moins bien connus, les moins bien documentés. De plus, les nouveaux médicaments ne sont pas nécessairement plus efficaces ou plus sûrs, mais ils sont généralement plus chers.
Il nous paraît donc important que le gouvernement puisse baliser les efforts de marketing des compagnies pharmaceutiques et que des initiatives impartiales visant à offrir de l'information et un monitoring des effets secondaires des médicaments soient appuyées par le gouvernement.
Il est également important de maintenir l'interdiction de la publicité sur les médicaments d'ordonnance. Nous pouvons lire, dans le rapport Romanow, que le gouvernement fédéral devrait continuer à interdire la publicité sur les médicaments d'ordonnance s'adressant directement aux consommateurs au Canada. Nous sommes d'accord sur cette position.
Un médicament n'est pas un produit de consommation comme un autre. Il ne doit pas faire l'objet...
¿ (0915)
Le vice-président (M. Réal Ménard): Vous avez déjà outrepassé votre temps d'une minute. Pouvez-vous nous parler de vos recommandations?
M. Charles Tanguay: Nous sommes d'accord sur plusieurs recommandations faites par d'autres groupes, notamment Action pour la santé des femmes et leur spécialiste Barbara Mintzes, qui fait valoir que la publicité ne fournit pas une information impartiale et est un danger pour la santé en général. Il y a quelques autres recommandations, mais, en gros, ça tourne autour de ça.
Nous voulions également souligner le recours collectif intenté contre la compagnie Pfizer à cause du médicament Celebrex. Nous tâcherons de démontrer, lors de ce recours, que même l'information dite scientifique est parfois manipulée par les compagnies pharmaceutiques et que même l'information scientifique est parfois biaisée en faveur des nouveaux médicaments qui ne sont pas nécessairement plus efficaces.
Le vice-président (M. Réal Ménard): Mes collègues pourront échanger avec vous durant la période de questions.
Si vous le permettez, nous allons passer à Mme Paynter, de l'Atlantic Centre of Excellence for Women's Health. Votre présentation sera-t-elle en anglais ou en français?
Mme Martha Paynter (adjointe à la recherche, Atlantic Centre of Excellence for Women's Health): J'aimerais la faire en anglais. Cela vous va-t-il?
Le vice-président (M. Réal Ménard): Oui, il n'y a aucun problème, nous avons accès à la traduction.
[Traduction]
Mme Martha Paynter: Bonjour. Je m'appelle Martha Paynter, je suis adjointe à la recherche du Atlantic Centre of Excellence for Women's Health, qui est un centre de recherche sur l'évolution des politiques sociales. Ce dernier est affilié à l'Hôpital IWK à Halifax ainsi qu'à l'Université Dalhousie. Je suis également aspirante à une maîtrise en économie du développement, étant inscrite à ce programme à l'Université Dalhousie. Le sujet de ma thèse est une analyse microéconomique et bioéthique de la publicité directe aux consommateurs faite par les compagnies pharmaceutiques au Canada et aux États-Unis.
Je vous remercie de votre invitation à comparaître aujourd'hui. Je recommande au comité que la législation sur la protection de la santé soit améliorée en vue d'interdire complètement la publicité directe aux consommateurs dans les médias canadiens et les espaces publics, que les peines prévues pour toute éventuelle infraction par l'industrie soient plus rigoureuse et que l'on prenne des mesures sérieuses pour faire respecter cette interdiction. Je me permets de vous décrire les raisons qui motivent cette recommandation.
Les membres du mouvement de promotion de la santé féminine s'opposent à la publicité directe aux consommateurs parce que, comme c'est le cas de toute publicité, l'objet de celle qui vise directement les consommateurs consiste à faire augmenter la demande et la consommation. Voilà justement qui influe sur la santé des femmes, et ce de plusieurs façons différentes.
Les dépenses qu'entraîne la publicité se traduisent par une hausse du prix des médicaments. Les médicaments correspondent en effet au segment du budget des soins de santé où les dépenses augmentent le plus rapidement. Puisque l'assurance-santé ne couvre pas les médicaments, cette augmentation est surtout payée par les particuliers. Or les femmes sont plus susceptibles que d'autres d'avoir recours aux services de santé et de produits sanitaires, et à vivre dans la pauvreté au Canada. Par conséquent, le fardeau qu'ont à porter les femmes est disproportionné en ce qui concerne les coûts du système de soins devant être pris en charge par les particuliers.
Quand nous entendons ou voyons sans arrêt des publicités sur les médicaments qu'on nous recommande pour certains problèmes de santé, nous avons tendance à perdre de vue le principe économique selon lequel, prévenir, c'est guérir. Les pilules ne constituent pas de la prévention. En matière de prévention, on peut dire que l'accès à des logements sécuritaires et abordables, à un environnement propre, et à une bonne alimentation, conjugué à l'exercice physique, sont des éléments parmi d'autres qui contribuent à favoriser un bon état de santé. Par exemple, marcher régulièrement, constitue une mesure de prévention plus efficace contre l'ostéoporose que n'importe quelle pilule.
Or nous avons de plus en plus recours aux médicaments. Nous détectons dans notre eau la présence de médicaments hormonaux, telle que la pilule anticonceptionnelle, et nous constatons que ces médicaments perturbent le système endocrinien des poissons que nous consommons. Il arrive régulièrement que des Canadiens soient hospitalisés en raison des effets secondaires des médicaments qu'ils ont pris, et du fait d'avoir pris en même temps plusieurs médicaments qui, ensemble, ont des effets nuisibles. Certains médicaments, y compris de nombreux antibiotiques, sont surutilisés à un point tel qu'ils ne sont plus du tout efficaces.
La publicité directe aux consommateurs a entraîné la médicalisation de certains états chez l'humain qui sont parfaitement normaux ou qui se produisent à certaines étapes de la vie. C'est à la fois humiliant et dangereux de traiter des états tout à fait normaux comme s'il s'agissait de maladies. Comme cela s'était déjà produit par le passé, l'année dernière, nous avons appris que la thérapie hormonale pour la ménopause fait plus de mal que de bien. Si je dis que cela s'était déjà produit, c'est parce que les catastrophes causées par la thalidomide et les DES auraient dû constituer les dernières fois dans l'histoire que l'on se serve des corps des femmes canadiennes, sans leur consentement éclairé, pour tester les effets à long terme de nouveaux médicaments. Il ne faut pas que ce soit aux dépens des femmes et de leurs enfants que nous tirons des enseignements de nos expériences passées.
La publicité directe aux consommateurs est liée à l'accélération du processus d'homologation des médicaments. Les nouveaux médicaments se vendent bien. Empiriquement, ce sont les nouveaux médicaments qui font l'objet de la publicité la plus agressive, bien que nous possédions un minimum d'information sur leurs effets secondaires et à long terme. Au lieu de consacrer de l'argent à la publicité, un comportement plus responsable et plus favorable à la santé consisterait à employer ces crédits pour les essais de nouveaux médicaments.
De plus, des spots publicitaires qui traitent à la légère la désérection, des troubles d'angoisse sociale, et même la calvitie détournent notre attention des questions sanitaires mondiales urgentes et nous empêchent de consacrer les crédits disponibles à l'examen de ces questions. Il n'est pas raisonnable de diaboliser la timidité et de commercialiser un produit comme Zoloft pour la traiter, alors que des millions de personnes sont privées de médicaments permettant de traiter la malaria et la diarrhée.
C'est un mythe que les compagnies pharmaceutiques feront preuve d'innovation uniquement si elles peuvent enregistrer des profits faramineux. Les dépenses au titre de la R et D ne représentent que 10 p. 100 du budget de la plupart des compagnies pharmaceutiques. Les sommes consacrées aux activités de promotion sont considérablement plus élevées. De plus, les budgets de R et D servent souvent à mettre au point des produits d'imitation qui peuvent ensuite être brevetés. Ces derniers ne permettent pas de régler de nouveaux problèmes de santé; ils ne font que prolonger la durée de vie de produits qui rapportent gros.
La publicité directe aux consommateurs permet de fidéliser les consommateurs et d'entretenir leur loyauté, si bien que lors de l'expiration des brevets délivrés pour les médicaments d'origine et de la mise en marché de produits génériques tout aussi efficaces mais moins chers, les médicaments d'origine continuent d'être prescrits et achetés par les consommateurs tout aussi fréquemment.
La publicité sur les médicaments la plus agressive vise les Nord-Américains les plus privilégiés. Par exemple, Viagra et Lipitor sont des médicaments qui s'adressent à des hommes de race blanche dans la cinquantaine. Il est temps d'offrir des incitations aux compagnies pharmaceutiques pour que ces dernières mettent au point des médicaments à prix abordable permettant de traiter des maladies qui touchent les groupes les plus vulnérables. Il et temps que le secteur public lance une campagne de sensibilisation visant à renseigner les citoyens sur les produits sanitaires et pharmaceutiques. Publicité n'est pas synonyme d'éducation.
Pour conclure, la publicité directe aux consommateurs nuit à notre bien-être collectif. Il faut carrément l'interdire. La santé n'est pas un produit de consommation qu'on doit commercialiser et vendre. La publicité directe aux consommateurs est une atteinte à notre conception de la santé au Canada, qui représente pour nous un droit et un bien public.
Merci.
¿ (0920)
Le vice-président (M. Réal Ménard): Merci infiniment pour votre exposé.
Je tiens d'ailleurs à vous féliciter, parce que vous avez utilisé moins de temps que ce qui vous était imparti.
Merci beaucoup.
[Français]
Nous allons maintenant entendre les témoins du Comité des personnes atteintes du VIH du Québec. Je crois que M. Gagnon va prendre la parole le premier.
M. Luc Gagnon (directeur général, Comité des personnes atteintes du VIH du Québec): Bonjour, tout le monde, et merci de nous entendre.
Je suis accompagné de Marc Lapierre, président du Comité des personnes atteintes du VIH du Québec, et José Sousa, qui est membre du conseil d'administration du CPAVIH.
Le CPAVIH, pour ceux qui ne le connaissent pas, est le principal organisme au Québec regroupant les personnes vivant avec le VIH. C'est un organisme de défense de droits visant l'autoréhabilitation et l'amélioration de la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH au Québec. Il y a seulement 2 000 membres au sein de l'organisation, qui représente l'ensemble des personnes vivant avec le VIH au Québec.
Nous allons essayer de nous limiter à cinq minutes. Nous allons vous faire nos recommandations en cinq points. Le détail de tout cela est présenté dans le mémoire que vous avez en main.
D'abord, nous recommandons que Santé Canada coordonne le processus d'homologation canadien pour les médicaments antirétroviraux, les ARV, avec celui de l'agence américaine de contrôle pharmaceutique et alimentaire, la U.S. Food and Drug Administration, ou FDA. La FDA est reconnue comme étant rigoureuse, exhaustive et stricte.
Ainsi, quand un médicament antirétroviral est approuvé pour la mise en marché aux États-Unis, il devrait être aussitôt mis en disponibilité au Canada, car chaque nouvelle molécule homologuée offre une possibilité accrue de choix thérapeutiques. Il s'agit de faire la différence entre les nouveaux médicaments qui n'apportent rien sur le plan de la santé et les médicaments antirétroviraux qui offrent un dernier recours à des personnes vivant avec le VIH chez lesquelles la résistance ou les effets secondaires font en sorte qu'il n'y a plus de choix thérapeutique. Il faut faire la différence entre certains médicaments qui n'apportent rien et les médicaments qui permettent de prolonger la vie des personnes vivant avec le VIH.
En raison de la résistance virale aux médicaments contre le VIH, et vu que le coût de remplacement d'un médicament inefficace par un autre qui fonctionne est négligeable, les personnes vivant avec le VIH devraient pouvoir accéder rapidement à de nouveaux choix thérapeutiques. Cette procédure permettrait de sauver du temps et des vies, et éviterait au Canada d'investir d'importantes sommes d'argent pour des résultats déjà connus. Les dernières années ont démontré que toutes les études qui ont été faites au Canada suite à celles qui avaient été réalisées aux États-Unis n'ont rien apporté de nouveau à ce qu'on connaissait déjà des médicaments. C'est donc une étape qui n'apporte rien de nouveau, qui coûte de l'argent et qui retarde l'accessibilité des traitements. C'est inacceptable.
Deuxièmement, le Canada devrait investir les économies ainsi réalisées dans un programme canadien efficace de surveillance post-homologation des effets indésirables des médicaments. Un système canadien solide et bien développé de notification pour les prescripteurs et les utilisateurs répondrait aux attentes de tous les gens concernés par le traitement du VIH, que ce soient les professionnels de la santé ou les personnes vivant avec le VIH, et pourrait faire du Canada un leader dans le domaine. C'est une chose qui est très peu développée à l'heure actuelle. Il y a donc une place à prendre pour le Canada dans ce domaine.
Troisièmement, la formation médicale continue des prescripteurs et des préparateurs en ce qui concerne les médicaments, dont on a entendu parler tout à l'heure, devrait être financée par les compagnies pharmaceutiques, mais réalisée conjointement avec des groupes représentatifs des personnes vivant avec le VIH et des professionnels de la santé, afin d'assurer l'objectivité et l'inclusion des préoccupations des personnes directement concernées. Cette formation continue devrait tenir compte des besoins de formation en lien avec l'étape de surveillance post-homologation, dont on vient tout juste de parler.
En ce qui concerne la publicité s'adressant directement aux consommateurs, nous rejoignons l'ensemble des intervenants qui ont parlé avant nous. Nous nous y opposons fortement. Nous recommandons plutôt une éducation objective et réaliste sur les traitements ARV et les développements constants dans le domaine pour les patients séropositifs. Ces activités d'éducation devraient être financées par l'industrie pharmaceutique et réalisées en impliquant des représentants des groupes représentatifs des personnes vivant avec le VIH.
Dans le mémoire, vous avez des exemples de publicités américaines qui illustrent le danger mentionné tout à l'heure concernant ce genre de publicités, où on voit des personnes vivant avec le VIH musclées et en bonne santé, alors que ce n'est pas tout à fait la réalité quand on prend des médicaments antirétroviraux. Cela induit donc en erreur les personnes vivant avec le VIH, et cela a aussi un impact sur la prévention. En effet, les gens qui voient ces publicités se disent que, maintenant qu'il y a les ARV, il n'y a plus de problème. Cela a donc aussi des répercussions sur la prévention qu'on peut faire en ce qui concerne les médicaments ARV et le VIH en général.
¿ (0925)
La dernière recommandation n'est pas directement en lien avec la problématique des médicaments d'ordonnance au Canada, mais c'est quelque chose qui nous préoccupe énormément quand même. Nous sommes très préoccupés par l'apparente incohérence de la politique actuelle du gouvernement canadien concernant la question de l'accès aux traitements antirétroviraux dans les pays endémiques.
Officiellement, le Canada, par le biais de l'ACDI, n'appuie pas les actions visant le traitement du VIH, mais se concentre sur la prévention. Nous jugeons que cette position devrait être revue pour permettre de travailler sur les deux volets, prévention et traitement, afin de favoriser la survie de millions de personnes vivant avec le VIH dans les pays endémiques.
En ce sens, la question de l'exportation de médicaments génériques canadiens vers les pays endémiques, dont on a entendu parler ces dernières semaines, devrait initier le renouvellement de la position canadienne sur la question afin d'assurer une cohérence et une efficacité accrues dans la lutte contre le VIH dans les pays endémiques.
Voilà tout.
Le vice-président (M. Réal Ménard): Merci beaucoup.
Nous allons commencer la période de questions. M. Merrifield sera notre premier intervenant.
[Traduction]
M. Rob Merrifield: Merci, monsieur le président.
Je voudrais tout d'abord remercier nos témoins de leur présence et d'avoir accepté de nous faire part de leurs vues sur la question. J'ai trouvé que tous vos exposés étaient très intéressants, tout en présentant une perspective un peu différente, mais je m'intéresse surtout à la différence d'opinion entre les gens assis de ce côté-ci de la table, par rapport à ceux qui sont de l'autre côté, pour ce qui est de l'introduction sur le marché de nouveaux médicaments. Vous dites que comme ces nouveaux médicaments ne sont pas particulièrement bénéfiques et coûtent beaucoup plus cher, il ne faudrait pas se précipiter pour les commercialiser. Autrement dit, ils ne constituent pas une panacée.
Que dites-vous donc aux personnes atteintes du VIH qui nous disent que ces nouveaux médicaments sont meilleurs et plus efficaces? Comment faites-vous pour concilier cet aspect de la question et les autres, et surtout comment peut-on déterminer que ces médicaments seront utilisés ou non? Pourriez-vous me répondre rapidement?
Mme Martha Paynter: J'allais dire que certains problèmes de santé—et le sida en est certainement un—méritent qu'on fasse beaucoup plus de recherche. C'est une question de priorité.
M. Rob Merrifield: Vous avez parfaitement raison de dire que c'est une question de priorité.
Il en va de même pour les personnes qui sont allergiques à certains médicaments. Ces médicaments-là ne marchent pour eux, parce que nous sommes tous uniques. Beaucoup de gens sont venus me voir à mon bureau pour me dire qu'il nous faut accorder l'accès à ces nouveaux médicaments, parce que les anciens ne sont pas efficaces dans leur cas. Ils me disent qu'il leur est possible d'obtenir ces produits dans d'autres pays, mais qu'il y a toujours des problèmes lorsqu'il s'agit de faire approuver de nouveaux médicaments. Nous essayons toujours d'établir l'équilibre approprié entre des intérêts contradictoires.
Mme Martha Paynter: J'insistais tout à l'heure sur le fait qu'une plus grosse portion du budget des compagnies pharmaceutiques doit être consacrée à la R et D. En ce moment, cette proportion est minuscule. La publicité représente la plus grosse partie du budget de ces compagnies-là, si bien que lorsque nous payons cher tous ces médicaments, c'est essentiellement ça que nous payons.
¿ (0930)
M. Rob Merrifield: Oui, Martha, je suis d'accord avec une bonne partie de vos observations concernant les abus pratiqués par les compagnies pharmaceutiques. Une pilule n'est pas nécessairement une panacée, mais il semble des fois que c'est un peu ce que pensent dans notre société.
En fait, selon certains témoignages que nous avons reçus la semaine dernière, 10 000 décès dans les hôpitaux seraient attribuables à une mauvaise utilisation des produits pharmaceutiques, de même que des dizaines de milliers de décès en dehors des hôpitaux canadiens. Nous savons par conséquent qu'il s'agit là d'un problème très grave, et vous avez parfaitement raison. Le comité cherche à déterminer quelles mesures peuvent être prises pour solutionner ce problème.
Vous avez tous parlé de publicité directe aux consommateurs. À quand remonte la dernière fois que vous avez décidé de vous prévaloir des possibilités que prévoit la législation quand il y a des abus? Je vous dis cela parce que la seule façon de faire respecter la loi au Canada, c'est de porter plainte chaque fois que la publicité est trompeuse ou frauduleuse. Êtes-vous au courant de cas de publicité trompeuse qui serait contraire à la loi? Et dans l'affirmative, l'avez-vous signalé aux autorités?
Mr. José Sousa: Je sais que le CCSAT, soit le Conseil canadien de surveillance et d'accès aux traitements a déposé au moins une ou deux plaintes sur ce qu'il considère comme des cas de publicité directe aux consommateurs, alors que ce type de publicité est censé être interdit. Je ne sais pas sur quels médicaments portaient les publicités en question.
Mme Martha Paynter: Comme je vous le disais tout à l'heure, il faut absolument resserrer les dispositions actuelles de la loi, parce qu'en ce moment, on peut montrer un produit à condition de ne pas dire ce que fait ce produit-là. Cela n'a pas de sens de ne donner que la moitié des informations pertinentes, alors que c'est possible à l'heure actuelle à cause des lacunes de la loi actuelle.
M. Rob Merrifield: Le pire dans tout cela, c'est que nous avons une loi qui n'est même pas appliquée parce que personne ne remet en question une publicité qui contrevient aux exigences de cette loi. C'est malheureux, mais c'est ça la réalité. Vous avez sans doute raison de dire qu'il conviendrait peut-être de modifier la loi.
Je trouve intéressant que vous exprimiez votre position à la publicité directe aux consommateurs, et la question que je vous pose en tant que défenseurs des intérêts des consommateurs...
Mme Martha Paynter: Mon rôle n'est pas celui de défenseur des intérêts des consommateurs.
M. Rob Merrifield: Oui, je le sais. Je disais ça plutôt pour les autres témoins dont c'est bien le rôle. Mais vous avez tout de même fait une thèse sur la question, et vous devriez donc être bien renseignée sur la publicité directe aux consommateurs et les mesures qu'il convient de prendre. Nous avons la responsabilité de mettre un terme à ce type de publicité.
Mme Martha Paynter: En fait, c'est à Santé Canada qu'incombe cette responsabilité-là. Nous sommes les citoyens et citoyennes, et vous devez donc nous protéger.
M. Rob Merrifield: Vous avez raison; c'est peut-être dans ce domaine qu'il convient d'apporter des modifications à la loi. Mais en réalité, Santé Canada ne peut appliquer la loi à moins que quelqu'un ne porte plainte. Voilà donc la question que je vous pose. C'était quand la dernière fois que vous avez appelé Santé Canada pour lui dire : « Vous rendez-vous compte que telle publicité constitue une infraction à la loi? »
M. José Sousa: Mais combien de citoyens ordinaires savent qu'ils ont ce droit? C'est quoi le numéro de téléphone et à qui s'adressent-ils?
La présidente: Pour être juste envers tout le monde, je me permets de préciser que la plupart d'entre nous avons découvert que le public était censé porter plainte et que Santé Canada réagit en fonction des plaintes qu'il y a deux ou trois semaines, lors d'une réunion du comité. Donc, ne vous sentez pas mal si vous n'étiez pas au courant; nous ne le savions pas non plus, et il en va de même pour M. Merrifield.
M. Rob Merrifield: C'est justement ça le dilemme. Quand je vous entends dénoncer cette publicité, je me dis que vous avez raison, en ce sens qu'il est normal que la loi impose des restrictions, car la publicité directe aux consommateurs comporte de graves dangers. Il faudrait donc en effet modifier la loi, et il me semble que vous devriez préconiser des modifications, au lieu de nous dire que la publicité directe aux consommateurs est toujours nuisible et qu'il faut tout simplement l'interdire.
Par contre, nous savons que l'industrie pharmaceutique est particulièrement efficace pour ce qui est de faire la promotion des produits pharmaceutiques directement auprès des médecins. Bon nombre de médecins nous ont dit qu'ils n'étaient pas au courant des effets secondaires de certains produits; ils ne se rendaient pas compte que ces produits-là pourraient nuire à la santé de leurs patients. Et si les médecins ne sont pas au courant, il est certain que les consommateurs ne le sont pas davantage.
Donc, nous nous trouvons confrontés à un problème grave. Peut-être conviendrait-il que nous communiquions l'information sur les effets secondaires négatifs de certains de ces produits directement aux consommateurs. Peut-être qu'on pourrait faire des progrès de cette façon. Je ne sais pas si vous voulez réagir ou non.
Mme Martha Paynter: Pour ma part, je suis convaincue que c'est à Santé Canada qu'incombe la responsabilité de renseigner le public sur les questions de santé. Il ne faut pas avoir recours à la compagnie Pfizer pour nous dire ce qui peut nous rendre malade.
M. Rob Merrifield: À l'heure actuelle, c'est aux médecins...
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Merci.
Je veux adresser mes questions à mes amis du Comité des personnes atteintes du VIH et dire un bonjour particulier à M. Lapierre, qui est résident d'Hochelaga--Maisonneuve.
Une voix: Et qui vote pour toi?
¿ (0935)
M. Réal Ménard: Espérons-le. Il habite près de chez moi.
M. Marc Lapierre (président, Comité des personnes atteintes du VIH du Québec): Depuis un mois seulement.
M. Réal Ménard: On ne connaît pas l'avenir.
Messieurs Lapierre et Gagnon, en 1995, un sous-comité du Comité de la santé a étudié la question de l'homologation des médicaments. Beaucoup de pressions étaient exercées du fait que les médicaments n'étaient pas homologués assez rapidement. Vous savez que le système canadien est assez bâtard: 40 millions de dollars qui servent à homologuer les médicaments viennent de l'industrie pharmaceutique.
Nous nous sommes intéressés à l'idée d'une homologation conjointe--si j'ai bien compris, c'est un peu ce que vous proposez--pour finalement l'écarter. Nous nous sommes dit que le Canada, où le gouvernement fédéral, en vertu de la Constitution, a la responsabilité d'émettre les avis de conformité, devait avoir un système qui lui soit propre, un système canadien.
Or, si l'homologation se faisait conjointement, les compagnies pharmaceutiques ne seraient plus obligées de déposer des monographies cliniques et on devrait alors s'en remettre aux données disponibles aux États-Unis. C'est peut-être une possibilité qu'il faudrait évaluer, mais ne pensez-vous pas que le fait de s'en remettre complètement au système américain comporterait des risques?
M. José Sousa: Non, parce que les Américains peuvent transmettre les monographies au Canada. Il ne s'agit que de confirmer que le médicament est sécuritaire. Pour notre part, nous n'avons jamais refusé un médicament ayant fait l'objet d'une révision qui avait duré deux ans de plus que celle de la FDA. Au contraire, quand j'étais membre du Expert Advisory Committee on HIV Therapies et qu'il y avait des problèmes comme les nouvelles annonces ou les black boxes qui viennent avec les nouveaux médicaments, la situation était qu'ayant vu ce qui se passait aux États-Unis, ils faisaient la même chose un ou deux mois plus tard. On ne peut pas obtenir assez de fonds pour faire une révision de médicaments aussi poussée qu'aux États-Unis. On révise exactement le même nombre de médicaments, mais leur budget est tellement plus important: il n'a rien à voir avec le nôtre. On n'est pas en mesure de faire du bon travail.
Le problème est que pendant ces deux années où on attend, beaucoup de gens meurent. Des thérapies qui, en 1995, étaient disponibles aux États-Unis ont commencé à être appliquées ici en 1996. Pour ce qui est des formulaires, c'était plus tôt encore. Pendant cette période, plusieurs de mes amis, sans compter un grand nombre d'autres personnes, sont morts. Un retard de six mois ou deux ans tue des gens. La FDA est l'un des meilleurs organismes; il y a aussi l'Union européenne. À mon avis, la FDA est plus rapide et plus près de nous. Quand il y a des effets secondaires, nous pouvons nous mettre en contact avec elle.
Pourquoi est-ce qu'on ne le ferait pas? Cela nous coûterait moins cher et nous pourrions alors investir dans un système de surveillance post-approbation qui nous permettrait d'observer les effets secondaires à long terme.
M. Réal Ménard: Je comprends votre idée d'un échange de données. Je me rappelle l'avoir fait avec votre organisme et le Dr Gervais Fréchette. Celui-ci, d'ailleurs, est maintenant à New York pour le Saquinavir, qui tardait à être disponible ici.
Vous avez un argument qu'il faudra sûrement considérer.
On nous a fait valoir un argument relié au fait que le Canada veut être capable de rappeler des médicaments. En effet, cela est maintenant possible. Même s'il y a eu un avis de conformité, Santé Canada peut rappeler des médicaments. Il l'a fait l'année passée, je pense. Vous avez un argument qu'il faudra certainement considérer.
J'aimerais poser une deuxième question, si vous me le permettez.
On dit que les nouveaux médicaments coûtent plus cher et ne sont pas nécessairement plus efficaces. Cela est plus ou moins vrai dans le cas du sida. Il existe des générations de médicaments qui peuvent avoir un effet réel pour les gens, mais qui coûtent tout aussi cher.
Pouvez-vous nous indiquer ce qu'il en coûte approximativement à un individu qui doit prendre des médicaments? Quel est le coût moyen d'une thérapie en 2003 pour une personne qui est atteinte du sida?
M. José Sousa: Les gens prennent un minimum de trois médicaments et certains en prennent jusqu'à neuf. Le coût peut varier beaucoup. Il y a un nouveau médicament, dont on attend l'approbation, qui coûte 20 000 $ par année.
M. Réal Ménard: Quel est ce médicament?
M. José Sousa: Le Fuzeon, T-20 ou Pentafuside. Il est administré par injection. Il y aura des restrictions et nous sommes d'accord sur cela. C'est un médicament pour ce qu'on appelle la salvage therapy, quand des personnes n'ont pas d'autre choix parce que le virus résiste à tous les autres médicaments. En ce sens, le milieu du VIH est différent des autres milieux. On change de médicaments pour prolonger la vie. Chaque médicament est utile pour certaines personnes, à cause des mutations ou de la tolérance. C'est très important.
Présentement, certaines compagnies ne veulent même plus essayer d'obtenir l'approbation du Canada parce qu'elles ont eu trop de problèmes lors de l'approbation de leur premier médicament.
¿ (0940)
M. Réal Ménard: Pouvez-vous nous rappeler qui va commercialiser le médicament de 20 000 $ dont vous parlez?
M. José Sousa: Il s'agit de Trimeris et Roche. Trimeris est une petite compagnie et Roche s'occupe de la vente.
M. Réal Ménard: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Ménard.
Madame Scherrer.
[Français]
Mme Hélène Scherrer: Merci beaucoup.
J'aimerais revenir à l'Union des consommateurs.
Selon moi, en ce qui concerne les médicaments, celui qui écrit la prescription est celui qui détient le levier le plus important en bout de ligne. Je suppose que la grande majorité des médecins sont de bonne foi, qu'ils veulent que leurs patients recouvrent la santé et qu'ils ont tous une épée de Damoclès au-dessus de la tête, qui s'abattrait sur eux s'ils manquaient à leur devoir.
J'essaie de comprendre. On dit que le coût des médicaments est associé au fait que les médecins utilisent plus souvent les nouveaux médicaments que les anciens médicaments qui ont des effets reconnus.
Pourquoi un médecin adopterait-il un nouveau médicament dont il ne connaît ni les effets secondaires ni le potentiel à long terme, alors qu'il connaît l'efficacité d'un autre médicament qu'il a utilisé, qui fonctionne bien, dont il connaît les effets secondaires après plusieurs années de pratique et dont il sait qu'il est sécuritaire?
Qu'est-ce qui explique cette utilisation à outrance des nouveaux médicaments? Est-ce vraiment le lobby des compagnies pharmaceutiques?
Mme Thérèse Richer (présidente, Union des consommateurs): Il faudrait le demander aux médecins.
M. Charles Tanguay: Prenons le cas du Celebrex, qui est apparu en l'an 2000. En l'espace d'un an, il s'est hissé au palmarès des médicaments anti-inflammatoires pour l'arthrite sur la foi d'études tronquées ou de demi-vérités. Les effets secondaires à long terme n'étaient pas encore connus. Au contraire, on prétendait que le Celebrex avait beaucoup moins d'effets secondaires que la plupart des médicaments concurrents. Or, il coûtait 10 à 20 fois plus cher que les autres anti-inflammatoires.
Il est sûr que le médecin, en principe, devrait agir comme vous le dites, mais en réalité, cela ne se passe pas comme cela. Les médecins sont pressés, sont perméables aux attentes des patients, aux pressions des groupes de malades, comme la Société d'arthrite dans ce cas-ci. Il est sûr que les médecins suivent aussi la mode, la publicité et peuvent être influencés dans le choix de leurs médicaments.
Dans ce cas-ci, des études scientifiques leur laissaient croire que Celebrex avait effectivement moins d'effets secondaires que les médicaments concurrents. Toutefois, ils ne sont pas influencés uniquement par les études scientifiques, sinon ils passeraient leur temps plongés dans des livres.
Mme Hélène Scherrer: Alors, le médecin se fie au représentant pharmaceutique qui vient lui présenter le nouveau produit et qui lui dit que la posologie est différente, qu'au lieu de le prendre trois fois par jour, on ne le prend qu'une fois par jour, et qu'il y a moins d'effets secondaires. Il faut bien que les médecins se fient à quelque chose. On ne peut pas leur dire qu'on ne connaît pas trop bien le potentiel et les effets secondaires du médicament, mais que la boîte est belle et que c'est intéressant.
Les médecins ont cinq, six, sept ou dix ans de formation, et il y a quelqu'un, quelque part dans le système, qui les informe et leur dit que tel produit est meilleur que le précédent. Souvent, on a tendance à crucifier le médecin en disant que c'est lui qui prescrit et que c'est sa faute, en fin de compte. Mais il prescrit avec ce qu'il a, avec ce qu'on lui propose.
Avez-vous l'impression que le problème existe au niveau de l'homologation du produit, parce qu'on n'a pas fait les recherches suffisantes, ou est-ce qu'il est dû au fait que le représentant vient frapper à la porte du médecin et lui promet un repas et une croisière, ce qui fait en sorte que la boîte devient soudain beaucoup plus intéressante?
M. Charles Tanguay: Il y a un peu de tout cela, je présume. J'imagine que le médecin s'abreuve à plusieurs sources d'information, sauf que si les compagnies pharmaceutiques investissent davantage en marketing qu'en recherche, il faut bien supposer que c'est parce que c'est efficace et que cela donne des résultats.
Mme Hélène Scherrer: J'ai une dernière question rapide. Si l'Union des consommateurs a vraiment l'impression que le lobbying que les compagnies pharmaceutiques font auprès des médecins en leur offrant des cadeaux, etc., est si puissant, pensez-vous que, sans cela, il y aurait une grande différence en matière de vente des médicaments ou de choix du médecin?
¿ (0945)
M. Charles Tanguay: Oui, il y aurait probablement plus de rationalité dans le choix des médicaments.
M. José Sousa: Est-ce que je peux faire un commentaire là-dessus?
Les anciens médicaments, avant Celebrex, ont été prescrits par les médecins pendant cinq ou six ans, et il y avait des effets secondaires, surtout à long terme, qu'on ne connaissait pas. Pour qu'un nouveau médicament comme Celebrex soit approuvé, il y a une étude de 48 semaines. Ces études sont effectuées sur des gens qui sont généralement en santé, ou le plus en santé possible, parce qu'on ne choisit pas quelqu'un qui a des chances de rejeter le médicament. Au bout d'une année, on voit les effets secondaires sur cet échantillon de la population. Cela semble bon sur papier, et on nous montre les résultats. Mais chez les gens qui ont d'autres problèmes, des problèmes de reins ou de foie, par exemple, la différence au niveau des effets secondaires est très claire. Cependant, c'est toujours plus attirant pour un médecin quand il voit que les effets secondaires sont moindres que ceux de l'ancien médicament sur ses autres patients.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Tanguay.
[Français]
M. Charles Tanguay: Il faut effectivement un système de monitoring des effets secondaires beaucoup plus rigoureux que celui qu'on a actuellement. Naturellement, les médecins ne veulent pas admettre s'être trompés de médicament. Au contraire, ils vont plutôt chercher d'autres explications aux effets secondaires.
Souvent, les médecins ne vont pas prendre le temps d'écouter leurs patients parler des effets secondaires. Dans le cas de Celebrex, on a eu beaucoup de témoignages de personnes qui nous ont dit avoir expliqué à leur médecin qu'elles avaient toutes sortes de douleurs gastriques, etc. Leur médecin leur répondait que c'était impossible, parce que ce médicament-là n'avait pas d'effets secondaires. Ils peuvent aussi se convaincre eux-mêmes qu'ils ont raison.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Scherrer.
Monsieur Robinson.
[Français]
M. Svend Robinson: Merci, madame la présidente, et merci aux témoins.
Comme je l'ai dit à l'autre groupe qui vient de comparaître devant notre comité, on parle toujours des cadeaux que l'industrie pharmaceutique donne aux médecins, mais on ne parle pas beaucoup des cadeaux généreux que ces mêmes compagnies pharmaceutiques donnent aux partis politiques, à plusieurs partis politiques qui sont représentés ici, autour de cette table. Ce sont des cadeaux très, très généreux. En tout cas, M. Chrétien va tout éliminer, et c'est bien.
D'abord, je remercie l'Union des consommateurs. J'aimerais obtenir plus de détails sur votre poursuite judiciaire contre Pfizer Canada. C'est à propos de Celebrex, n'est-ce pas? Si vous envoyez ces documents à notre greffier, il les fera parvenir aux membres du comité. Ce serait très intéressant.
[Traduction]
Madame Paynter, merci pour vos éloquents témoignages de ce matin sur la question de la publicité directe aux consommateurs. À mon avis, vous avez parfaitement raison de dire que Santé Canada a fait preuve de négligence manifeste pour ce qui est de l'application de la loi actuelle. Il est vrai que cette dernière comporte beaucoup trop d'échappatoires pour le moment, et on devrait donc à tout le moins y prévoir des dispositions plus rigoureuses.
Il y a plusieurs mois, j'ai attiré l'attention de responsables de Santé Canada sur une infraction manifeste de cette même loi. Jusqu'à présent, rien n'a encore été fait. Donc, la loi n'est pas appliquée. En tout cas, je n'ai entendu jusqu'ici d'aucune mesure qui aurait été prise.
[Français]
Je m'adresse maintenant aux représentants du Comité des personnes atteintes du VIH du Québec.
J'ai lu vos recommandations avec beaucoup d'intérêt et j'aimerais d'abord vous poser une question. Êtes-vous subventionnés par l'industrie pharmaceutique? Recevez-vous des fonds d'elle?
M. Luc Gagnon: Oui.
M. Svend Robinson: Combien recevez-vous par année?
M. Luc Gagnon: Je ne pourrais pas vous dire ce que cela représente en termes de pourcentage exact de notre budget. Elle finance, entre autres, le volet de l'information sur les traitements qui alimente notre service d'information sur les traitements aux personnes atteintes du VIH du Québec.
M. Svend Robinson: Quel en est le pourcentage approximatif?
M. Marc Lapierre: Il est actuellement de 30 p. 100. Les subventions que nous recevions de Santé Canada ont été réduites et on a dû demander davantage aux compagnies pharmaceutiques pour pouvoir survivre.
M. Svend Robinson: Quand, par exemple, je participe à des marches pour le sida, cela me dérange franchement de voir autant d'affiches de Pfizer, Glaxo, etc., et je trouve décevant le fait qu'un groupe qui représente les personnes atteintes du VIH, du sida, dépende de compagnies pharmaceutiques.
M. Marc Lapierre: C'est décevant, mais cet organisme doit survivre, doit vivre et doit répondre aux besoins des personnes vivant avec le VIH. Quand il n'y a pas de financement public, que doit-on faire?
M. Svend Robinson: Je le comprends et c'est triste.
Je lis certaines de vos recommandations. On peut lire à la troisième recommandation:
La formation médicale continue des prescripteurs et des préparateurs en lien avec les médicaments devrait être financée par les compagnies pharmaceutiques... |
On peut lire à la quatrième recommandation, relativement à la publicité:
Ces activités d'éducation devraient être financées par l'industrie pharmaceutique... |
M. Luc Gagnon: Si vous lisez la phrase au complet vous verrez qu'il y est écrit « financée par les compagnies pharmaceutiques », mais aussi « réalisée par une entité indépendante », justement pour assurer nos activités.
M. Svend Robinson: Je crois que ces activités devraient être financées indépendamment de l'industrie pharmaceutique. Je suis un peu surpris de lire que vous recommandez que les activités très importantes d'éducation et de formation soient financées par une industrie qui a pour seul objectif de maximiser ses profits.
¿ (0950)
M. José Sousa: Il n'est pas question d'une seule compagnie pharmaceutique. Nous recevons de l'argent de plusieurs compagnies et nous transmettons de l'information aux personnes atteintes. Il n'y a pas qu'une seule compagnie; il y en a plusieurs et ce n'est pas une compagnie qui décide qui va parler.
M. Svend Robinson: Quel est l'objectif d'une société pharmaceutique?
M. José Sousa: C'est de vendre ses médicaments. Mais on ne demande pas à l'une d'elle de nous dire ce qui se passe dans le cas de ses médicaments. On engage un enquêteur, qui travaille ou non avec plusieurs compagnies pharmaceutiques.
M. Svend Robinson: Je trouve que votre travail est très important, mais franchement, je crois que la formation, l'éducation et l'appui à un groupe comme le vôtre devraient être publics.
M. Luc Gagnon: Cela serait merveilleux, mais la réalité est autre. Il faut aussi ajouter que nos activités ne sont pas contrôlées par les compagnies pharmaceutiques. Nous constituons un chien de garde au niveau des besoins et des personnes vivant avec le VIH. Nous jouons ce rôle de chien de garde et il n'y a pas d'ingérence. Si nous organisons une conférence sur la lipodystrophie, l'hépatite C ou sur quoi que ce soit d'autre, les compagnies pharmaceutiques ne vont pas nous dicter ce qu'on doit dire et ce qu'on doit débattre.
M. Svend Robinson: Il n'empêche qu'elles dépensent leur argent dans un but très précis.
M. Luc Gagnon: Absolument. Elles obtiennent de la visibilité.
M. Svend Robinson: Je vous remercie de votre travail.
La présidente: Merci.
Monsieur Barrette, vous avez la parole.
M. Gilbert Barrette: Merci.
Monsieur Tanguay, vous avez affirmé et vous avez même répété par la suite qu'il y avait eu des informations biaisées et tronquées. Êtes-vous sérieux quand vous dites cela?
M. Charles Tanguay: Comme je le disais, c'est ce qu'on va tenter de démontrer devant le tribunal.
M. Gilbert Barrette: C'est à venir. C'est un recours collectif.
M. Charles Tanguay: Oui, il aura certains éléments qu'on pourra rendre disponibles au comité. Évidemment, on n'a pas lancé à la légère un recours collectif comme celui-là, qui représente probablement plusieurs millions de dollars. C'est sur la foi d'enquêtes internationales, de dénonciations de la FDA, de plusieurs éléments qui nous laissent croire que Pfizer a délibérément voulu tromper la population et le corps médical en négligeant certains aspects de ses études et en insistant sur d'autres aspects d'autres études.
M. Gilbert Barrette: Je présume que pour démontrer cela, vous vous êtes associés à des gens qui s'y connaissent.
M. Charles Tanguay: Oui, mais nous en sommes encore aux étapes préliminaires du recours collectif. En temps voulu, nous nous associerons à de grands experts. Pour l'instant, une simple lecture de l'actualité médicale, des recherches de la FDA et de Santé Canada nous porte à croire que nos prétentions sont fondées. Ce sera au tribunal de trancher éventuellement.
M. Gilbert Barrette: Madame Paynter, vous avez parlé de bannir la publicité. On peut toujours le dire, mais si on est un peu réaliste, on sait qu'il va toujours y avoir de la publicité.
[Traduction]
Mme Martha Paynter: Pour moi, c'est une solution réaliste.
[Français]
M. Gilbert Barrette: En tout cas, j'aimerais être plus réaliste. Dans un contexte où il en existerait, comment cette publicité devrait-elle atteindre la population?
[Traduction]
Mme Martha Paynter: Elle nous atteint déjà par le biais des médias américains, et il nous est impossible d'interdire cette publicité-là. Donc, à mon sens, ce qui nous atteint de cette façon est déjà extrêmement négatif.
Je n'ai rien à vous dire concernant la façon de concevoir un cadre législatif pour autoriser ce genre de publicité. En ce qui me concerne, cette publicité est extrêmement négative, et j'estime que nous en recevons déjà bien assez.
Point final, non?
¿ (0955)
[Français]
M. Gilbert Barrette: Comme on dit, nous sommes condamnés à recevoir de la publicité. Comment pourrions-nous faire en sorte que cette condamnation soit le moins douloureuse possible?
[Traduction]
Mme Martha Paynter: Il faut absolument l'interdire. Pour moi, la seule façon de renseigner le public afin de lui faire comprendre les effets secondaires de certains médicaments consisterait à forcer Santé Canada à assumer ses responsabilités. Vous pourriez faire votre propre publicité pour présenter les faits réels, tout comme nous avons des spots publicitaires à la télévision pour ParticipACTION. Faites en sorte que cette information soit accessible.
Si vous voulez que les compagnies pharmaceutiques paient cette activité-là, il suffit de leur imposer des impôts dans ce but précis. Voilà donc une possibilité.
[Français]
Mme Thérèse Richer: Il n'y a que deux pays au monde où la publicité directe aux consommateurs est autorisée. Je pense qu'il faut vraiment le maintenir, mais cela n'exclut pas que l'on doive éduquer et informer les consommateurs. Je pense que l'un ne va pas sans l'autre. Je ne pense pas qu'on pourrait bannir la télévision américaine et Internet demain matin.
[Traduction]
Mme Martha Paynter: Oui, elle est autorisée en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis, mais dans bien des pays, il n'y a pas de loi du tout, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'est pas autorisée. C'est tout de même une distinction importante, à mon avis.
La présidente: Au nom du comité, je voudrais vous remercier d'avoir fait l'effort de venir nous rencontrer ce matin pour nous présenter vos vues sur la question. Vous nous prouvez, une fois de plus, que les grandes compagnies pharmaceutiques ont effectivement le bras long, et qu'il est grand temps que le gouvernement du Canada soit un peu plus interventionniste dans ce domaine. Merci donc infiniment pour toutes vos observations.
Nous allons maintenant faire une pause de 10 minutes. Merci encore une fois de votre présence, de votre enthousiasme, et de vos excellentes recherches.
À (1010)
La présidente: Nous reprenons nos travaux. Nous accueillons une autre série de témoins. Le premier témoin à prendre la parole sera M. Joseph Kerba, président de Kerbapharm Inc., et on peut supposer qu'il en est le fondateur, puisque la compagnie en question porte son nom.
Monsieur Kerba, vous avez la parole.
M. Joseph Kerba (Président, Kerbapharm Inc.): Merci beaucoup.
Madame la présidente, mesdames et messieurs, merci infiniment de m'avoir permis de comparaître devant le comité.
À (1015)
[Français]
J'aimerais faire ma présentation en français, mais je répondrai aux questions avec grand plaisir dans les deux langues officielles.
Je vais être vraiment terre à terre. Je vais vous présenter les six raisons principales de l'augmentation faramineuse des prix des médicaments brevetés et vous présenter en même temps, parce que c'est toujours utile quand on présente des causes, des solutions concrètes afin qu'on ne se trouve pas dans cette situation douloureuse.
Voici la première cause. Si vous avez eu l'occasion de lire L'actualité du 15 octobre, vous savez que le Dr Philippe Couillard, ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, a dit que seulement 6 p. 100 des 100 nouvelles molécules qui arrivaient sur le marché étaient utiles. Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés et le vérificateur général du Canada sont arrivés exactement à la même constatation.
Roy Romanow a trouvé la solution à ce problème. Il a dit qu'il fallait:
Communiquer de l'information fondée sur des données probantes aux professionnels de la santé et aux patients, au moyen de divers média, dont l'Internet, plutôt que de laisser ce soin aux entreprises pharmaceutiques. |
C'est une solution très simple. Au lieu de laisser aux compagnies pharmaceutiques le soin de donner l'information--elles sont les seules sources d'information des médecins--, l'État doit le faire.
Le post-scriptum que j'ai mis en bas de page est très important. L'Organisation mondiale de la santé a affirmé qu'il y avait 326 médicaments essentiels dans le monde. Or, Santé Canada autorise la mise en marché de 22 000 médicaments, dont 5 200 médicaments d'ordonnance pour usage humain, sans compter les produits biologiques, etc.
Donc, 326 médicaments sont considérés essentiels par l'OMS et 22 000 médicaments sont permis au Canada. Vous comprendrez que c'est un vrai casse-tête pour les médecins que de connaître ces milliers de médicaments qui sont sur le marché.
La deuxième raison de l'augmentation importante des prix des médicaments brevetés se trouve à la page suivante.
Sylvie Perreault, Ph. D., pharmacienne, professeure associée et chercheuse en pharmaco-économie, etc., a dit très clairement en parlant des études que demande Santé Canada:
Les études cliniques sont randomisées et contrôlées par placebo. |
Donc, on compare les nouveaux produits avec des placebos. J'espère qu'ils seront meilleurs que les placebos. C'est ce qu'il faut pour accepter un nouveau médicament.
Je continue la citation:
Il est donc très difficile d'établir les performances d'un nouveau produit par rapport aux thérapies existantes. |
La solution à cela, c'est Sylvie Perreault elle-même qui la donne:
...exiger des études cliniques avec des comparaisons en tête à tête... |
C'est comme cela qu'on va voir si le nouveau médicament est meilleur que les produits existants. Donc, Santé Canada doit exiger des études cliniques avec des comparaisons en tête à tête et des devis d'études qui ne sont pas variables. Quand cela varie chaque fois, on ne peut plus comparer des pommes avec des pommes.
La troisième raison de l'augmentation importante des prix des médicaments se trouve dans une citation de la RAMQ. On dit:
Il y a eu 42,4 p. 100 d'augmentation du nombre d'ordonnances au Québec en cinq ans [...] 70 p. 100 de la hausse des coûts du régime d'assurance-médicaments provient de l'augmentation de la consommation. |
C'est très important, parce que chaque fois qu'on parle de l'augmentation du nombre des médicaments, on invoque le vieillissement de la population. On ne vieillit pas de 10 p. 100 par année. Or, il y a une augmentation qui va certainement au-delà du vieillissement de la population.
Roy Romanow a donné une solution. Il dit:
On introduirait des incitations financières afin d'assurer l'accès aux médicaments d'ordonnance essentiels et la sélection des produits rentables. |
C'est important. Il faut responsabiliser le corps médical. Si on ne le responsabilise pas et si c'est le gouvernement qui paye, il ne va rien faire.
Pour ma part, je suggère, comme on va le voir un peu plus loin, que le coût des médicaments et les prestations aux médecins soient d'une certaine manière liés pour que les médecins puissent s'intéresser au coût des médicaments. Je vous dis cela parce qu'on a parlé beaucoup de Celebrex aujourd'hui. J'ai donné à M. le greffier un document à ce sujet, qu'il va vous distribuer.
J'aimerais vous dire qu'il y a eu un communiqué officiel de Santé Canada adressé à tous les professionnels et à tous les administrateurs de la santé des gouvernements provinciaux du Canada. Je cite:
Dans le cadre d'un vaste essai clinique [...] aucune différence n'a été constatée entre les groupes de traitement quant au risque de complications ulcéreuses (hémorragie, perforation ou obstruction gastro-intestinale) uniquement. |
Ce sont des faits. M. le greffier va vous donner le document qu'a envoyé Santé Canada. Donc, Santé Canada a informé tous les médecins individuellement. Mais qu'est-ce qui arrive? Depuis le 23 mai 2002, on continue à prescrire le Celebrex d'une façon extrêmement importante et on continue à voir le Celebrex sur nos formulaires provinciaux, dans toutes les provinces du Canada.
Il faut informer les médecins, oui, mais il faut aussi trouver une façon de les responsabiliser.
Je continue avec Mme Marcia Angell, qui est éditrice du New England Journal of Medicine. Elle a dit, et je cite:
Malheureusement, de nombreux médecins se fient effectivement aux représentants et aux publications de l'industrie pharmaceutique [...] C'est comme se fier aux brasseurs de bière pour s'informer sur l'alcoolisme. |
C'est ce qu'elle a dit, et elle a tout à fait raison.
Sylvie Perreault, qui est une experte au niveau du Conseil du médicament du Québec, est préoccupée par les subventions que les compagnies pharmaceutiques octroient pour l'élaboration des guides de pratique. On parlait tout à l'heure d'une subvention dans ce sens-là.
Si vous voulez, on va passer à la page suivante, qui présente une autre cause extrêmement importante, dont on a parlé tout à l'heure. Il s'agit des échantillons.
On pense que c'est gratuit, mais ça ne l'est pas. On paie ces échantillons. Je vous cite une étude à laquelle le Dr Saba a fait allusion, celle de Lisa D. Chew, médecin, publiée dans le Journal of General Internal Medicine, journal très réputé, en juillet 2000. Elle dit que « 90 p. 100 des médecins ont avoué--pour qu'un médecin avoue, il en faut beaucoup--avoir donné des échantillons de médicaments--qui traînent un peu partout, sur leur bureau et dans leurs armoires--au détriment de leur premier choix de prescription. » Ils auraient prescrit autre chose, mais comme l'échantillon est là, ils le donnent gratuitement.
Quelle solution adopter? En effet, chaque fois que je donne un problème, je donne une solution. Il faudrait interdire les échantillons pharmaceutiques et les remplacer par un mécanisme de prescription exploratoire. Si on dit aux médecins qu'ils ne peuvent plus donner d'échantillon, mais qu'ils doivent écrire une prescription, il n'y aura pas cette situation où 90 p. 100 des médecins ont avoué avoir donné des échantillons plutôt que leur premier choix de médicament.
À (1020)
Roy Romanow a aussi écrit:
On élaborerait des protocoles de prise en charge des maladies qui orienteraient les décisions sur les ordonnances remises aux patients. |
C'est clair. Il y a 5 200 médicaments. Les médecins ne peuvent pas retenir tout cela. Il faut qu'il y ait un plan bien identifié qui établisse que pour telle maladie, on recommande tel ou tel protocole médical. C'est important.
Passons au numéro 5, qui traite de pharmaco-économie. Combien de pharmaco-économie fait-on? On en fait très peu. Pourquoi est-ce ainsi? Parce qu'au départ, les études cliniques sont aléatoires. En fait, on peut en mener dans des conditions totalement différentes, ce qui a pour effet de brouiller le tableau et ne permet pas aux gens de comparer des pommes avec des pommes. D'autre part, on compare les nouveaux produits avec des placebos. Pensez donc, un comprimé de sucre!
La pharmaco-économie est déficiente; les analyses coûts-bénéfices, avant et après l'inclusion des nouveaux médicaments aux formulaires provinciaux, manquent éperdument. Cela est très important. Cela ne doit pas se faire seulement avant le lancement du médicament
Michel Clair l'a écrit:
Il faudra mener de sérieuses analyses coûts-bénéfices avant d'inclure de nouveaux produits au formulaire des médicaments assurés [...] Des programmes de revue d'utilisation des médicaments et d'évaluation des résultats thérapeutiques[...] Révision constante du panier de médicaments assurés. |
Le Celebrex devait être une super aspirine, mais Santé Canada a décrété qu'il causait les mêmes problèmes que les autres médicaments. On ne l'a pas exclu du formulaire. Le formulaire constitue une porte d'entrée, mais pas une porte de sortie. Les formulaires doivent aussi être des portes de sortie.
Roy Romanow l'a écrit clairement:
Il faudrait soumettre les médicaments à un examen continu, en surveiller la consommation [...] Il existe un générateur de coûts dont on parle rarement, et c'est le coût non quantifiable de la consommation de médicaments à mauvais escient [...] Nous savons combien d'argent nous dépensons, mais nous ne savons pas combien nous en gaspillons... |
C'est là le coeur du problème
M. Réal Ménard: Il faut que vous en gardiez pour les autres.
M. Joseph Kerba: Le dernier problème dont je vais parler est celui de la reconduction perpétuelle du cycle de vie des brevets. On a parlé de perpétuation, d'evergreening associé au fameux règlement sur les médicaments brevetés, de l'avis de conformité.
Nous sommes, depuis le 18 août dernier, le seul pays au monde où on trouve cette combinaison affreuse.
Roy Romanow l'a écrit très clairement. La Cour suprême du Canada, qui n'utilise normalement pas de grands mots, a dit qu'il s'agissait d'un régime draconien. La Cour suprême n'utilise pas de gros mots comme cela d'habitude.
En terminant, je me joins aux autres pour vous supplier de ne pas permettre la publicité directe aux consommateurs. De grâce, ne permettez pas cela.
On a beaucoup parlé du mythe des médicaments génériques plus chers au Canada que dans le reste du monde. J'ai remis un document dans les deux langues officielles à M. le greffier. Ce document établit clairement que ce n'est pas vrai. Je vous demande de consulter la source de l'étude, soit le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Ils pourront vous confirmer qu'il y a eu de grosses erreurs d'interprétation. Vous trouverez tout le raisonnement à l'intérieur de ce document.
Je vous remercie de votre patience.
À (1025)
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Kerba.
Nous accueillons maintenant le représentant du Groupe Jean Coutu, soit M. Mayrand, vice-président des activités professionnelles. Vous avez la parole.
[Français]
M. Richard Mayrand (vice-président, Activités professionnelles, Le Groupe Jean Coutu (PJC) Inc.): Merci, madame la présidente. Mesdames et messieurs, membres du comité, bonjour.
Au nom du Groupe Jean Coutu, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités à vous entretenir des médicaments d'ordonnance au Canada. Je m'appelle Richard Mayrand et je suis pharmacien et vice-président responsable des activités professionnelles pour le Groupe Jean Coutu.
Jean Coutu et ses franchisés gèrent 330 pharmacies au Canada. Nous remplissons environ 45 millions d'ordonnances. Au total, nous employons dans nos pharmacies 1 000 pharmaciens et 2 000 techniciens de laboratoire.
Ce matin, étant donné le temps qui nous est accordé, nous avons choisi de vous entretenir de quatre thèmes qui sont trop peu souvent abordés. Cependant, nous avons également répondu dans notre document aux questions que vous avez soulevées dans votre invitation.
J'aimerais d'abord mentionner que les Canadiens sont inquiets quand ils entendent dire que le coût des médicaments augmente. Plusieurs en déduisent que c'est un problème. Nous souhaiterions à cet égard préciser que ce n'est pas un problème de la façon dont on l'entend normalement. Les médicaments sont une technologie de pointe extrêmement efficace; elle est probablement celle qui a le meilleur rapport coût-efficacité pour ce qui est d'améliorer la santé des Canadiens. Par exemple, les médicaments pour traiter les ulcères d'estomac ont permis de diminuer sensiblement le nombre de chirurgies. Maintenant, le traitement des ulcères, plutôt que d'être une chirurgie, est une trithérapie médicamenteuse qui dure une semaine seulement et qui règle la plupart des cas. On peut constater que ces médicaments, relativement coûteux, ont eu des impacts très bénéfiques sur la santé de la population de même que sur l'efficacité du système.
Nous aimerions aussi faire valoir le fait que le contrôle de l'augmentation des coûts des médicaments ne peut s'effectuer que dans le cadre d'une politique globale du médicament. Cette dernière devrait inclure des objectifs pour les programmes de médicaments, des mécanismes de promotion de la saine utilisation des médicaments ainsi que des mécanismes de contrôle. Elle devrait en outre avoir deux objectifs: d'abord, encourager le développement de nouveaux traitements. Ce développement ne pourra néanmoins se faire que si on réussit à rendre le retour sur investissement des actionnaires des compagnies pharmaceutiques satisfaisant. Ensuite, il faudrait que cette politique tienne compte de la capacité de payer des employeurs, de l'État, des assureurs et des contribuables, d'autant plus qu'en bout de ligne, ce sont toujours les contribuables qui paient.
À ce point-ci, nous pourrions avancer une proposition, mais nous pensons qu'une partie de la solution réside dans la réconciliation de ces deux objectifs, qui sont à première vue opposés. Il s'agit de trouver une façon de moduler le remboursement des médicaments au moment de l'achat, tout en respectant les consensus médicaux. On pourrait revenir à cette question un peu plus tard.
À (1030)
Troisièmement, nous pensons qu'une utilisation optimale des médicaments passe obligatoirement par une utilisation optimale des connaissances et des compétences des pharmaciens. Nous voulons souligner deux développements récents qui sont arrivés au Québec et qui illustrent bien comment on peut utiliser davantage les talents des pharmaciens.
D'une part, depuis tout près de deux ans, les pharmaciens du Québec ont le droit de prescrire les médicaments destinés à la contraception orale d'urgence. À partir du 17 décembre prochain, les pharmaciens du Québec vont être remboursés pour prescrire. On va obtenir un honoraire de consultation lorsqu'on va rencontrer les patientes qui ont besoin de contraception orale d'urgence. Cet honoraire s'ajoute à l'honoraire que les pharmaciens obtiennent d'habitude pour distribuer le produit.
Un deuxième exemple, c'est que le gouvernement du Québec a adopté, il y a environ un an et demi, la loi 90. Cette loi, qui est entrée en vigueur il y a un an mais dont on n'a pas encore vu les applications concrètes, réorganise les champs de compétence des différents corps professionnels du Québec et s'assure que chacun des professionnels de la santé soit utilisé dans le domaine où il a le plus à contribuer. Par exemple, dans le cas des pharmaciens, sous délégation d'autorité de prescrire, les pharmaciens vont pouvoir initier des traitements au moyen de médicaments, les modifier et les interrompre. À ce moment-là, les patients auront moins souvent besoin d'aller chez le médecin, sauf à des moments où c'est vraiment important stratégiquement. Mais entre-temps, le pharmacien va contribuer davantage à la bonne gestion de la thérapie.
Nous sommes convaincus que ces deux façons de faire, qui sont issues de réformes législatives--c'est important de le comprendre--vont contribuer à générer des économies, mais surtout à améliorer la qualité des soins. Évidemment, pour utiliser davantage le pharmacien, il va falloir régler le problème de la pénurie de pharmaciens. Au Québec, en ce moment, il manque plus de 700 pharmaciens, et la proportion pour le Canada est la même. C'est un problème caché, parce que les pharmaciens travaillent plus d'heures. Comme ce sont nos propres entreprises, nous ne nous plaignons pas; nous nous crachons dans les mains et nous continuons, mais ce problème va finir par nous rattraper.
Le dernier élément que nous souhaiterions porter à votre attention est que nous pensons que le succès d'une éventuelle politique globale du médicament dépend d'abord et avant tout de sa cohérence avec les politiques générales du système de santé canadien. Je sais que le gouvernement canadien a travaillé à cela au cours des dernières années. Cependant, pour le commun des mortels, les effets ne sont pas encore évidents. Je dois même avouer que la vision qu'on essaie de mettre sur pied ne s'est pas encore rendue jusqu'à nous, les professionnels. Nous pensons que, si on pouvait adopter un modèle simple et partagé par tous, on pourrait obtenir des collaborations accrues qui donneraient des résultats vraiment intéressants pour le système. Une telle réforme permettrait à chaque secteur de fonctionner à un niveau d'efficacité longtemps souhaité, mais jamais encore atteint.
En conclusion, d'après nous, les médicaments les plus chers ne sont pas les plus coûteux; ce sont ceux qui sont mal utilisés. Le professionnel qui est le mieux placé pour aider à la saine utilisation des médicaments est le professionnel qui est le plus sous-utilisé, et c'est le pharmacien.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Mayrand.
Je donne maintenant la parole à Michel Leblanc, vice-président aux sciences de la vie chez Montréal International.
[Français]
M. Michel Leblanc (vice-président aux Sciences de la vie, Montréal International): Bonjour à tous. Tout d'abord, je voudrais remercier le comité d'avoir accepté de nous entendre présenter la position de Montréal International et celle de la grappe des sciences de la vie du Montréal métropolitain sur l'accès aux médicaments d'ordonnance au Canada.
J'aimerais commencer par présenter brièvement Montréal International, pour ceux qui ne le connaîtraient pas. Il s'agit d'un organisme privé à but non lucratif, créé en 1996, dont le mandat est de contribuer au développement économique de la région métropolitaine, notamment en attirant les investissements étrangers, les organisations internationales étrangères, et en travaillant à la croissance organique des entreprises et de toutes les institutions dans le réseau métropolitain. En conformité avec ce mandat stratégique, nous veillons donc à ce que la communauté et les entreprises demeurent compétitives à l'échelle internationale et, dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, spécialement dans le domaine des sciences de la vie. Dans cette optique, nous avons commencé en 2001 la définition d'un plan d'action pour la grappe des sciences de la vie du Montréal métropolitain, dans lequel on retrouve l'exposé de notre vision ainsi que 25 recommandations d'action.
Notre objectif est de positionner le Montréal métropolitain parmi les chefs de file mondiaux grâce au dynamisme de la grappe des sciences de la vie et à la création de 16 000 emplois additionnels d'ici 2010. Cela représente 2 000 emplois par année, soit le double de la création d'emplois naturelle qui se faisait depuis 15 ans dans la grappe des sciences de la vie à Montréal. Il s'agit donc d'une accélération du rythme de création d'emplois et d'investissements.
Pour ma part, je suis économiste de formation. J'ai commencé ma carrière il y a 15 ans au ministère des Finances à Ottawa. Par la suite, j'ai travaillé à l'Institut de recherche en politiques publiques pendant six ans. Ensuite j'ai travaillé chez la firme SECOR comme consultant et, depuis maintenant un an, je travaille à tenter d'accélérer le développement de la grappe des sciences de la vie à Montréal. Mon travail comporte deux volets: travailler avec les entreprises, avec les gens du secteur et travailler aussi avec les directeurs de centres de recherche et les recteurs d'universités. Il y a deux sous-ministres dans un comité avec lequel je travaille, celui de Développement économique Canada et celui du ministère du Développement économique régional du Québec. Ce comité de 25 personnes, dont vous avez la liste à la fin de la présentation qui vous a été distribuée, je le nomme parfois le conseil d'administration de la grappe.
Le second document qui vous a été remis représente le bilan de notre stratégie après un an, donc l'état de la situation à Montréal. Il est intitulé très humblement « Profil d'un succès ». On travaille d'arrache-pied à créer des emplois. Dans la dernière année, il s'en est créé 2 145, ce qui correspond à l'objectif qu'on s'était fixé.
Je voudrais terminer cette introduction un peu trop longue en disant que c'est avec l'appui du comité des sciences de la vie et à sa demande que je me présente aujourd'hui et que nos documents vous sont remis. Cela représente la position de plusieurs intervenants majeurs de la région de Montréal sur l'importance de ce que vous avez entrepris et sur sa signification pour le futur de notre grappe des sciences de la vie.
À (1035)
La logique de cette argumentation vous est présentée en trois points. D'abord, la santé des Canadiens dépend de plusieurs facteurs, dont l'accès aux médicaments d'ordonnance, qui est important. Cela dit, il ne fait aucun doute que le facteur fondamental demeure la prospérité économique. Seule une société riche pourra accéder aux plus récentes thérapies et aux nouveaux médicaments, tout en adoptant des mesures pour en permettre l'accès--de la façon la plus large possible--à l'ensemble de sa population, incluant les plus démunis et les malades chroniques.
Ensuite, pour que le Canada continue d'être une société riche, il lui faut adopter des politiques qui favorisent une hausse de la productivité de son économie par rapport aux pays concurrents. Le gouvernement fédéral et les provinces ont, à juste titre, réalisé des efforts importants au cours des dernières années pour améliorer la performance du Canada au chapitre de l'innovation. Ce thème central justifie ma présence ici.
Des investissements massifs en recherche fondamentale et dans les milieux universitaires ont été consentis, entre autres, par le gouvernement canadien, et en particulier dans le domaine des sciences de la vie. Ces efforts se traduisent présentement par une forte effervescence scientifique et entrepreneuriale. La région métropolitaine de Montréal en est un exemple. La réflexion en cours sur la politique canadienne en matière d'accès aux médicaments d'ordonnance doit prendre en considération l'impact qu'aura cette politique du médicament sur l'avenir de la recherche en sciences de la vie et sur notre capacité de capitaliser sur les efforts qui ont été consentis jusqu'à maintenant. Une politique mal calibrée pourrait avoir des effets désastreux.
Le document qui vous est remis comporte des exemples de ce qui se passe en Europe présentement, qui illustrent ce que nous croyons être une politique du médicament très mal calibrée. De grands centres de recherche déménagent et des mandats de recherche sont perdus. Cela ne crée pas de tollé dans les médias, mais il reste qu'il s'agit ici d'un exode d'emplois, d'intelligence et de compétences vers le continent nord-américain, essentiellement vers les États-Unis. Inversement, une politique appropriée pourrait stimuler grandement cette effervescence scientifique et entrepreneuriale et se traduire par un accroissement considérable de la recherche canadienne.
Le document que vous avez en main exprime de façon plutôt claire, je pense, le lien qui existe entre prospérité et innovation, puis entre innovation et politique du médicament. Nous avons mentionné tout à l'heure qu'il devrait y avoir davantage de cohérence entre la politique du médicament et le reste de la politique en matière de santé au Canada. Or, cet argumentaire nous amène à penser que ce besoin de cohérence se situe plutôt entre la politique du médicament et la politique d'innovation du Canada.
La santé et la qualité de vie des Canadiens seront bien mieux servies par une politique d'accès aux médicaments d'ordonnance qui intègre l'ensemble de la valeur économique du nouveau médicament ou du médicament innovateur. On a donné l'exemple du traitement des ulcères. C'est le type d'approche qu'il faut adopter. Plutôt que de ne considérer que le prix du médicament, il faut aussi prendre en compte les économies qu'il fait réaliser. Si des coûts sont évités à l'ensemble du système, ils doivent être pris en considération. Une interprétation simpliste du coût du médicament nous priverait d'avancées importantes. Cela inclut les bienfaits du nouveau médicament sur la santé humaine, les coûts évités ailleurs dans le système de santé et les impacts économiques de la recherche biopharmaceutique réalisée au Canada.
Si nous n'étions que des consommateurs de médicaments importés, le médicament novateur nous coûterait beaucoup plus cher. Or, nous créons, produisons et vendons ici ce type de médicaments. Les impacts économiques qui en découlent sont très importants et font en sorte que tout le domaine du médicament d'ordonnance et du médicament novateur est, au plan économique, très bénéfique pour le Canada.
À cet égard, nous encourageons le Comité de la santé à considérer les éléments de solution suivants. Le régime dont relève la propriété intellectuelle devrait être clarifié, stabilisé et aligné sur celui de nos principaux concurrents, les États-Unis et l'Union européenne. En outre, il est complètement illusoire de penser que les grandes sociétés pharmaceutiques feront de la recherche scientifique fondamentale et appliquée au Canada si le message qu'elles reçoivent est que nous ne respectons pas la propriété intellectuelle de ce qu'elles développent ici, cela sous prétexte de réaliser des économies à court terme.
Le processus d'approbation des médicaments devrait être harmonisé avec celui de ces deux concurrents, et toutes les avenues de collaboration devraient être exploitées afin de ramener les délais d'approbation aux normes établies par ces concurrents. À cet égard, il est important de noter que notre population représente environ 10 p. 100 de celle des États-Unis et que notre ratio de richesse est plus bas encore.
En tentant d'examiner et d'approuver les mêmes médicaments qu'eux, à l'intérieur des mêmes délais, nous répéterons le même travail et ce travail nous prendra nécessairement plus de temps.
C'est une illusion de penser qu'on peut faire le même travail avec 10 p. 100 du budget. Nous ne disons pas ici qu'il faut accepter ce que les Américains approuvent. Nous disons qu'il faut collaborer.
Troisièmement, le prix des médicaments novateurs doit être compétitif et refléter une juste contribution des consommateurs canadiens au coût de développement des nouveaux médicaments. Une fois adopté, le prix du médicament inscrit sur les formulaires devrait être ajusté pour refléter le taux d'inflation annuel. Il serait absurde que le prix des médicaments ne reflète pas le taux d'inflation annuel, alors que tout le reste de la société l'admet.
Enfin, le gouvernement devrait utiliser tous les moyens dont il dispose pour freiner le marché gris du médicament canadien vendu aux Américains, dont vous avez entendu parler dans les médias. Les Américains ne seront pas dupes longtemps. Ils vont nous imposer des hausses de prix si nécessaire ou une rareté sur nos marchés pour contrecarrer ce marché gris qui menace le système de prix aux États-Unis.
En contrepartie de cette politique d'accès aux médicaments, le gouvernement canadien devrait exiger certains engagements des grandes sociétés pharmaceutiques. D'une part, il devrait exiger un engagement collectif des compagnies pharmaceutiques en matière de recherche, pour que chacune d'entre elles augmente ses investissements en R&D au Canada, de manière à se rapprocher d'un ratio d'intensité en investissement R&D de 20 p. 100 des revenus réalisés au Canada. Présentement, ce ratio est d'environ 10 p. 100 et il est de 19 p. 100 au Québec. La moyenne mondiale est de 20 p. 100. Il n'y a aucune raison pour que le gouvernement du Canada, s'il collabore avec l'industrie, ne se sente pas en mesure d'exiger de l'industrie qu'elle fasse un effort supplémentaire. Notre objectif national doit être d'obtenir notre juste part des 30 milliards de dollars américains dépensés annuellement en R&D.
D'autre part, le gouvernement doit obtenir des compagnies pharmaceutiques un engagement collectif et individuel à financer et à collaborer à la réalisation d'études indépendantes sur l'utilisation du médicament au Canada. Je pense que cela rejoint en partie les propos que tenait Joseph Kerba plus tôt sur l'importance de l'analyse, en pharmaco-économie, de l'utilisation des médicaments.
Enfin, il devrait obtenir un engagement de la part des sociétés pharmaceutiques à examiner plus attentivement les possibilités de collaboration et d'alliance avec les entreprises locales de biotechnologie. Les entreprises de biotechnologie sont un de nos fleurons scientifiques et sont à la pointe des découvertes scientifiques. Je pense que la future grande société pharmaceutique canadienne, si jamais elle arrive à voir le jour, proviendra d'une de ces sociétés biotechnologiques.
Voilà qui termine mon exposé. Je vous remercie beaucoup de m'avoir accordé du temps.
À (1045)
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Leblanc.
Ensuite, de l'Université du Québec à Montréal, nous accueillons M. Marc Hasbani, chercheur, Chaire d'études socioéconomiques.
Monsieur Hasbani, vous avez la parole.
[Français]
M. Marc Hasbani (chercheur, Chaire d'études socio-économiques, Université du Québec à Montréal): Bonjour et merci de m'accueillir. Est-ce que les copies de mon mémoire ont été distribuées. Est-il possible de les distribuer? C'est qu'il y a beaucoup de chiffres. C'est un petit résumé, mais c'est très difficile à suivre. Je vais citer beaucoup de chiffres, et il serait bon que vous puissiez les voir sur papier.
J'en ai apporté une dizaine de copies. C'est important parce qu'autrement, les gens ne comprendront pas.
[Traduction]
La présidente: Nous en avons une ici.
M. Marc Hasbani: Il y en a huit ou dix.
[Français]
M. Réal Ménard: Je pense que vous pouvez commencer votre présentation. Nous allons nous ajuster quand nous aurons le document. Êtes-vous d'accord?
M. Marc Hasbani: Oui, si vous le voulez.
Je vais vous présenter les résultats d'une étude qu'on a publiée il y a environ un an et demi sur l'industrie des médicaments brevetés. On a pris neuf des 15 plus grandes compagnies pharmaceutiques au monde, des compagnies qui font des médicaments brevetés, et on les a analysées. L'étude portait sur une période de 10 ans. À la fin de cette période, il ne restait que sept compagnies, parce qu'il y a beaucoup de fusions dans ce domaine. C'est un domaine où il y a des entreprises qui se regroupent pour former des monstres économiques.
Le premier point qu'on a examiné, qui est très important, est le taux de rendement sur capital investi. À la page 4, on voit qu'au cours des 10 dernières années, le taux de rendement a été de 40 p. 100. Je vous explique le terme « taux de rendement sur le capital investi ». C'est tout simplement qu'on fait un investissement et qu'au bout d'une année, cela rapporte un certain montant. Je vous donne un exemple simple comme celui d'un investissement à la banque. On place 1 000 $ à la banque et cela nous rapporte 10 p. 100; là-dessus on paie d'impôt et il nous reste peut-être 5 p. 100. Donc, on a fait 5 p. 100 sur le capital investi.
Au cours des 10 dernières années, les compagnies de médicaments brevetés ont obtenu un rendement de 40 p. 100 année après année. En d'autres termes, tous les deux ans, elles ont doublé le capital investi, après les impôts.
M. Joseph Kerba: Après les impôts.
[Traduction]
La présidente: C'est 45 p. 100, mais si tel est votre chiffre...
M. Joseph Kerba: Au cours des cinq dernières années...
La présidente: Oui. C'est ce que dit la revue Fortune.
M. Marc Hasbani: ... il a été de 45 p. 100.
[Français]
Donc, année après année, elles ont eu un rendement de 40 p. 100. Si la compagnie vaut 5 milliards de dollars, deux ans plus tard, elle vaut 10 milliards de dollars. En général, elle réalise ces profits en vendant des médicaments, qui sont essentiels pour la vie. C'est quand même assez fort. Toujours selon Fortune, qui a fait une moyenne de toutes les industries, le taux de rendement moyen de tous les secteurs industriels est de 15 p. 100. Les compagnies pharmaceutiques, elles, ont eu un rendement de 45 p. 100. C'est énorme. Les banques ont un rendement de 16 p. 100; les produits chimiques, 15 p. 100; l'automobile, 15 p. 100. La normale étant d'environ 15 p. 100, les compagnies pharmaceutiques ont un rendement trois fois plus élevé que la moyenne.
Ensuite, ces neuf entreprises pharmaceutiques qui fabriquent des médicaments brevetés ont fait des profits de 15 milliards de dollars en 1995. En 2000, cinq ans plus tard, elles ont fait des profits de 31 milliards de dollars. En l'espace d'à peine cinq ans, elles ont doublé leurs profits, ce qui est déjà énorme. Je parle souvent de milliards et je ne sais même pas ce qu'est un milliard; c'est quand même mille millions de dollars. Donc, leurs profits ont doublé. C'est incroyable. C'est l'industrie la plus rentable au monde. Il n'y a rien de plus payant. C'est incroyable quand on pense qu'il s'agit de biens essentiels à la vie.
Dans notre étude, nous avons émis une hypothèse. Si le taux de rendement de l'industrie des médicaments brevetés était similaire à celui d'autres secteurs d'activité, on aurait une baisse du prix des médicaments de l'ordre d'environ 17 p. 100, ce qui serait énorme. Dix-sept pour cent de 31 milliards de dollars de profits ou d'un chiffre de ventes de 100 milliards de dollars, c'est énorme.
Maintenant, que font les compagnies avec ces énormes profits?
Je vais prendre l'exemple de Merck. Au cours de chacune des dernières années, la totalité des bénéfices de Merck a été versée en dividendes et rachat d'actions. Donc, il n'y a aucun réinvestissement dans la compagnie. Tous les profits sont allés aux actionnaires. Il n'y a donc rien de réinvesti au chapitre de la recherche et développement ou des immobilisations. Ils ont tellement d'argent et génèrent tellement de profits qu'ils n'ont pas besoin de faire cela. En fait, c'est une vache à lait: on vend cher, on fait beaucoup d'argent et on le distribue.
En dernier lieu, je voudrais vous faire part d'une comparaison entre les frais de recherche et développement et ceux de marketing et administration. La majorité des gens pensent que les médicaments coûtent cher parce qu'on fait beaucoup de recherche et développement. C'est vrai que les compagnies font de la recherche et développement, mais comparativement à l'argent qui est investi en marketing et administration, c'est ridicule. Année après année, trois fois plus d'argent est consacré au marketing et à l'administration qu'à la recherche et au développement. Dans le coût de chacune des pilules qu'on achète, trois fois plus d'argent va au marketing et à l'administration qu'à la recherche et au développement. Et une autre grosse partie de cela va aux profits. J'ai ici un petit tableau. J'ai fait une espèce de total de l'année 2000 pour chacune des compagnies.
À (1050)
Le total des ventes est de 150 milliards de dollars. Au chapitre des dépenses, on constate que le coût des marchandises vendues est de 48 milliards de dollars, que les frais de marketing et d'administration sont de 43 milliards de dollars et que les frais de recherche et de développement sont de 17 milliards de dollars, ce qui laisse 31 milliards de dollars de profit. Cela veut dire que les profits, les dépenses de marketing et les dépenses administratives représentent, au total, plus de quatre fois les dépenses en recherche et développement.
J'aimerais conclure en attirant votre attention sur les liquidités que les compagnies possèdent. Chacune de ces entreprises--ce qui est assez incroyable--possède assez d'argent pour avoir une dette à long terme pratiquement nulle. Elles sont capables, simplement avec l'encaisse qu'elles possèdent, de générer des revenus d'intérêt plus élevés que leurs dépenses d'intérêt. C'est de la folie. C'est plus qu'une banque. C'est vraiment incroyable.
Je citerai l'exemple de l'entreprise Merck Frosst. En l'an 2000, elle avait une encaisse, c'est-à-dire des liquidités dans son compte en banque, de 5 milliards de dollars. On parle de 5 000 millions de dollars en comptant. Il s'agit de son compte courant, son compte de dépenses. Elle n'a pas besoin d'émettre des obligations ou de faire quelque autre transaction que ce soit. Elle a plein d'argent dans son compte.
En conclusion, l'industrie pharmaceutique fait des médicaments, et c'est bien, car cela aide les gens, etc. Cependant, a-t-elle le droit de les vendre à n'importe quel prix et d'empocher des profits déraisonnables à ce point?
[Traduction]
La présidente: Monsieur Hasbani, ayant entendu vos propos, je viens de comprendre la raison pour laquelle M. Kerba sourit depuis qu'il est arrivé dans cette salle il y a trois heures. Vous venez de nous fournir l'explication parfaite.
Nous allons maintenant ouvrir la période des questions. Le premier intervenant sera M. Merrifield.
M. Rob Merrifield: Merci. Vos remarques concernant les marges bénéficiaires de ces compagnies sont bien intéressantes. Je me demandais si vous auriez effectué la même analyse pour les fabricants de médicaments génériques.
M. Marc Hasbani: Non, mais ces derniers enregistrent beaucoup de profits également. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais je sais que leurs profits ne sont pas aussi importants que ça.
À (1055)
M. Rob Merrifield: Mais vous ne savez pas de combien il s'agit au juste.
C'est vraiment intéressant ce que vous dites, parce que j'ai siégé au Comité de l'industrie ce printemps au moment où nous examinions la Loi sur les brevets. Comme les responsables des fabricants de produits d'origine et de produits génériques nous dont dit que leurs compagnies n'ont pas d'argent, j'avoue que j'ai du mal à accepter certains de ces chiffres.
Je me demande si vous avez fait une comparaison des marges bénéficiaires des compagnies canadiennes qui fabriquent des médicaments d'origine par rapport à celles des entreprises américaines et européennes. Comment les marges bénéficiaires se comparent-elles entre les différents pays?
M. Marc Hasbani: Je n'ai pas établi de telles comparaisons.
M. Rob Merrifield: Donc, nous n'avons pas accès à cette information. Elle est critique pourtant, parce qu'il nous faut savoir où se trouve le seuil de rentabilité. Ces compagnies menacent toujours de ne plus investir au Canada et de déplacer leurs activités de recherche vers les États-Unis ou un autre pays. Il est clair qu'elles ne le feront pas si leurs marges bénéficiaires sont aussi élevées que ça, mais il nous faudrait avoir ces chiffres pour nous faire une idée.
Quelqu'un a suggéré qu'on insiste pour que la proportion du budget consacrée à la R et D passe de 10 p. 100 à 20 p. 100. Je ne me rappelle plus quel témoin a fait cette déclaration. Ou peut-être était-ce un témoin du dernier groupe? Est-ce ça que vous préconisez pour favoriser le secteur des sciences de la vie?
M. Michel Leblanc: Oui, c'est tout à fait ça que nous préconisons.
Je ne voudrais pas lancer tout un débat entre économistes, mais si ce que vous dites est vrai, comment se fait-il que la valeur des actions ne soit pas plus élevée? Comment se fait-il que les gens n'investissent pas dans cette mine d'or cachée, inconnue et peu exploitée, par rapport à son potentiel? Nous venons de découvrir que le reste du monde ignore que l'industrie pharmaceutique est profitable, mais ce n'est pas vraiment un secret. Nous avons une population vieillissante. La demande des médicaments de toutes sortes est à la hausse, et par conséquent, on peut supposer que les bénéfices seront importants. Ce n'est pas du tout surprenant.
En même temps, c'est une activité risquée. Peu de nouveaux médicaments sont en voie d'élaboration. Les actions de Merck étaient en baisse cette semaine, et ils procèdent à des mises à pied parce qu'ils n'ont pas de nouveaux produits à fabriquer. Malgré ce discours sur le fait que ce sont les grands méchants dans tout cela, le fait est que les compagnies pharmaceutiques rencontrent certaines difficultés en ce moment, et ce n'est pas un cas isolé.
M. Rob Merrifield: Donc, vous nous dites que ces chiffres ne sont pas exacts?
M. Michel Leblanc: Je vous dis simplement que je suis contre cette attitude qui consiste à toujours s'attaquer aux « grands méchants ». Il faut leur courir après, les mettre à leur place, et montrer au reste du monde que le Canada ne se laisse pas faire—même si nous perdons les activités de R et D qui s'effectuent ici. Voilà ce contre quoi je m'insurge.
M. Rob Merrifield: Monsieur Kerba, pouvez-vous réagir?
M. Joseph Kerba: Il ne s'agit certainement pas de chasser ces compagnies, mais c'est une question de relativité au fond. Si ces compagnies enregistrent des profits de 45 p. 100 depuis cinq ans, comme vient de nous l'expliquer M. Hasbani, et que ces bénéfices tombent à 40 p. 100—et c'est justement ça qu'elles enregistrent comme bénéfices depuis une dizaine d'années—pour elles, ce sera catastrophique. Même si leur marge bénéficiaire ne baisse que de 1 p. 100, par rapport au seuil de 45 p. 100... parce qu'au cours des 10 dernières années, c'était 40 p. 100, alors qu'au cours des cinq dernières années, c'était 45 p. 100. Il faut absolument que les bénéfices continuent à augmenter; il suffit de poser la question à n'importe quel vendeur. Il ne s'agit pas comparer ces résultats à ceux qu'on a obtenus l'année dernière. Faire ce qu'on a fait l'année dernière ne suffit pas. Par conséquent, si ces compagnies enregistrent des bénéfices inférieurs à 45 p. 100, ce sera contraire à leurs attentes, et ce sera considéré comme étant catastrophique.
Donc, il ne s'agit pas d'attaquer ces compagnies; c'est nous-mêmes que nous devons attaquer. C'est à nous de décider quels médicaments nous intéressent, et si 93 p. 100 d'entre eux sont des produits d'imitation—tout comme notre ministre de la Santé du Québec l'a indiqué, de même que le CEPMB—faisons en sorte que ces produits d'imitation ne soient pas prescrits; il faut décider de ne prescrire que les produits dont le ratio coûts-avantages est plus intéressant. Voilà ce que j'essaie de vous dire.
Merci.
[Français]
M. Marc Hasbani: Je ne veux pas non plus entreprendre un débat avec monsieur, mais quand on dit que l'industrie pharmaceutique est risquée, je m'excuse! On parle de profits, année après année, de 40 p. 100. Les profits augmentent de 20 p. 100 par année. Il s'agit d'un taux de rendement, année après année, de 40 p. 100 sur le capital investi.
Chaque année, l'entreprise double. La valeur des actions de ces entreprises a augmenté 10 fois. Ce n'est pas un domaine risqué. Si c'est cela, du risque, je me demande ce qu'est le domaine des mines.
Á (1100)
[Traduction]
M. Rob Merrifield: Abordons donc l'autre question dont parlent en ce moment les fabricants de produits d'origine, à savoir les pharmacies qui vendent les médicaments sur Internet, un secteur dont la valeur est passée de 400 millions de dollars il y a deux ans à 1,2 milliard de dollars l'année dernière, et sa valeur connaîtra certainement une hausse cette année encore.
Voilà quelque chose qui suscite beaucoup de préoccupations aux États-Unis. Si vous comparez notre Loi sur les brevets à celle qui s'applique aux États-Unis—notre voisin le plus proche—vous verrez que la leur est beaucoup plus favorable à la R et D que la nôtre. Dans ce contexte, on doit se demander quelles sont leurs marges bénéficiaires aux États-Unis, et dans quelle mesure elles pourront affronter la concurrence et éventuellement mettre un terme à la vente des médicaments sur Internet.
L'autre question importante est celle des médicaments génériques. Les États-Unis n'ont pas de loi qui prévoit que nous ne pourrons pas vendre nos médicaments là-bas, mais par contre, nous avons bel et bien une loi qui les empêche de vendre leurs produits génériques ici au Canada. À votre avis, ne serait-il pas plus juste d'ouvrir notre marché à leurs produits?
M. Joseph Kerba: D'abord, sur la question du coût des médicaments génériques au Canada par rapport aux États-Unis, vous avez, sur la table là-bas, la preuve que les résultats de l'étude menée par le CEPMB étaient incorrects. C'est un mythe. Le fait est que les médicaments génériques coûtent 28 p. 100 de moins au Canada qu'aux États-Unis.
M. Rob Merrifield: Donc, vous estimez que notre Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés ne comprend pas la différence entre les deux?
M. Joseph Kerba: Non. Ce que je vous dis, c'est qu'ils ont comparé des choses que ne sont pas comparables. Vous avez tout le document là-bas, en anglais et en français.
M. Rob Merrifield: Oui, j'ai vu le document en question.
M. Joseph Kerba: Vous verrez qu'il y a beaucoup d'erreurs et d'omissions dans cette étude.
M. Rob Merrifield: Quelle est la différence de prix, dans ce cas?
M. Joseph Kerba: Ils coûtent 28 p. 100 de moins au Canada qu'aux États-Unis.
M. Rob Merrifield: Les médicaments génériques.
M. Joseph Kerba: Oui, c'est ça.
Je ne suis pas en train de vous dire que je suis en faveur des pharmacies électroniques; je suis contre. À mon avis, le médecin devrait voir le malade. Je trouve tout à fait inadmissible qu'on se contente d'expédier des médicaments de cette façon, comme s'il s'agissait de n'importe quel autre produit. Donc, c'est inadmissible, en ce qui me concerne.
Votre troisième point, monsieur Merrifield, concernait le fait que la loi américaine sur les brevets est plus intéressante pour les compagnies pharmaceutiques que la loi canadienne. Je regrette d'avoir à vous indiquer que l'un des éléments que je mentionne dans ce document est le fait qu'aux États-Unis, le président Bush—un président très républicain—a dit le 18 août de cette année qu'il y a déjà eu suffisamment d'abus, et qu'il entend mettre un terme à la reconduction perpétuelle des brevets que prévoit le règlement actuel, et qu'il suffit qu'il y ait une allégation pour qu'on impose une injonction automatique de 24 mois. Donc, depuis le 18 août, nous sommes le seul pays au monde à autoriser la reconduction perpétuelle des brevets.
M. Rob Merrifield: Si nous cessions d'autoriser ce genre de choses et ajoutions le délai requis pour l'attribution des licences, comme c'est le cas aux États-Unis, pensez-vous que ce serait une façon juste de régler le problème?
M. Joseph Kerba: À mon avis, les fabricants de médicaments d'origine essaient d'obtenir des avantages là-bas, qu'ils peuvent ensuite obtenir ici. Une fois qu'ils auront obtenu un avantage ici, ils iront ailleurs en demandant pour quelles raisons ils n'ont pas les mêmes avantages là-bas, et ainsi de suite.
M. Rob Merrifield: Mais par rapport à ces deux lois, si nous décidions au Canada de mettre un terme à cette pratique consistant à reconduire en permanence les brevets et nous ajoutions le délai requis pour l'attribution des licences, à votre avis, cette solution serait-elle acceptable? Et Stephen Harper, lorsqu'il accédera au poste de premier ministre au printemps prochain, puisque nous avons notre boule de cristal...
M. Joseph Kerba: Ajouter le délai requis pour l'attribution des licences serait l'une des mesures les plus inacceptables qu'on puisse trouver, à mon avis. Si nous faisons cela, c'est uniquement à cause de cette grosse bureaucratie qui a été créée pour homologuer les produits.
Au lieu de décider que ce sera 20 ans plus trois ans, simplement parce qu'il a fallu trois ans de plus à la bureaucratie pour faire le travail nécessaire, améliorons notre méthode d'homologation des médicaments. Réunissons-nous avec d'autres pays du monde pour éviter de réinventer la roue à chaque fois—en Europe, ils font quelque chose, aux États-Unis, ils refont la même chose, et au Canada, on recommence le même travail, nous aussi. Tout cela coûte terriblement cher. Essayons de collaborer avec les autres, tout en évitant d'être les esclaves des États-Unis et de l'Europe. Il nous faut collaborer sur un pied d'égalité avec tous les autres pays. À ce moment-là, il ne sera pas nécessaire d'ajouter deux ou trois ans au délai, parce qu'il a fallu plus de temps pour atteindre l'objectif.
Merci.
La présidente: Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Je pense qu'il faut se méfier de deux réflexes qui seraient un peu simplistes: premièrement, celui de réviser la Loi sur les brevets de manière à ne reconnaître aucune propriété intellectuelle; deuxièmement, celui de ne pas reconnaître que des coûts sont associés à la recherche.
Le chiffre qui a été avancé--je ne sais pas si certains d'entre vous pourront en confirmer l'exactitude--pour ce qui est de la réalisation de la recherche est 850 millions de dollars. Cela couvre la période entre le moment où on isole une molécule et celui où le comprimé est disponible, que ce soit en vente libre ou sur ordonnance. Je ne sais pas si c'est exact, mais il faut convenir du fait que des coûts sont associés à la recherche et qu'un certain environnement favorise cela. C'est une réalité avec laquelle il faut composer et qui doit se refléter dans notre rapport.
Bien sûr, les chiffres que M. Hasbani a révélés et ceux que M. Léo-Paul Lauzon a abondamment fait circuler nous portent à nous interroger. Or, le statu quo n'est pas davantage une solution acceptable.
Monsieur Leblanc, je suis un Montréalais qui aime Montréal; j'y ai grandi et j'y ai passé toute ma vie. Je crois à la recherche, et celle qui se fait au Québec est partie intégrante de la société distincte. Or, en matière de médicaments, ne doit-on pas utiliser un cran de sûreté? Pour ma part, je ne serais pas d'accord, par exemple, pour qu'on accepte comme normal le fait que le coût des médicaments augmente au même rythme que l'inflation.
Pour le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, ce serait de toute façon illégal. Ne doit-on pas favoriser la recherche et tenir pour acquis que le médicament est un bien de première nécessité? Notre travail de législateurs est de nous assurer qu'il soit accessible au moindre coût possible.
Or, comment concilie-t-on la volonté d'avoir une industrie de recherche innovatrice et dynamique et celle de rendre les produits accessibles aux consommateurs? Pendant le mandat du précédent gouvernement, l'un des meilleurs à avoir jamais occupé les banquettes ministérielles--je peux, moi aussi, être partisan--, M. Montmarquette, qui, comme vous, est économiste, avait constaté qu'une année après la mise en oeuvre du régime d'assurance-médicaments, ce dernier était grevé.
Selon vous, comment concilie-t-on ces deux objectifs essentiels?
Á (1105)
M. Michel Leblanc: À mon avis, il faut être bien conscient du fait que la recherche coûte cher et que pour qu'elle ait lieu, il faut qu'à terme, il y ait un rendement. Faire cavalier seul et tenter d'intervenir au chapitre des prix et de l'accessibilité des médicaments en faisant abstraction de ce qui se passe aux États-Unis est une entreprise totalement illusoire.
D'abord, le Canada et le Québec devraient comprendre qu'ils ne sont pas suffisamment distincts pour se permettre d'avoir une politique aussi distincte en matière de médicaments. Nous sommes sur le continent nord-américain, où il y a une intégration économique et où les talents se déplacent. Mon travail, au quotidien, consiste à faire affaire avec des personnes qui attirent des talents. Ce sont des chercheurs et des gestionnaires, entre autres.
J'aimerais revenir à la question du prix des médicaments. Pour moi, la question est de savoir comment, dans le monde entier, on peut inciter l'industrie pharmaceutique à fournir des efforts en matière de recherche qui soient plus efficaces, plus productifs et plus efficients.
M. Réal Ménard: Voilà qui m'amène à poser une deuxième question, qui établira un lien avec la première.
Quand on discute isolément avec les acteurs du système, les pharmaciens disent que ce ne sont pas eux qui s'enrichissent avec les médicaments, les médecins disent la même chose et les entreprises pharmaceutiques se définissent pratiquement comme des mécènes. Ainsi, on pourrait croire que personne ne s'enrichit. Cependant, le consommateur doit payer un prix qui augmente de 15 ou 20 p. 100 chaque année.
Je vais poser la question suivante à chacun d'entre vous, et je vais faire appel à ce sens de la synthèse qui caractérise M. Kerba et qui le rend si attachant.
Selon vous, quels efforts peut-on demander aux différents intervenants--les entreprises pharmaceutiques, les pouvoirs publics et les pharmaciens--pour contrôler le coût des médicaments? Comment peut-on s'y prendre, sachant dès le départ que le statu quo n'est pas acceptable?
Je commence par M. Mayrand, qui est né dans Hochelaga--Maisonneuve.
Á (1110)
M. Richard Mayrand: Merci, monsieur Ménard.
Je suis pharmacien, mais je ne suis pas un spécialiste de l'industrie pharmaceutique. Mon point de vue est celui de quelqu'un qui est à l'autre bout de la chaîne. J'ai une maîtrise en administration des affaires et je suis administrateur agréé, et je dois dire qu'autant le principe de l'étude de M. Hasbani est intéressant, autant il faut faire attention à certains des commentaires de M. Hasbani, qui sont probablement des commentaires personnels.
Il faut dire que l'industrie pharmaceutique est une industrie de haute technologie et une industrie risquée. On ne peut pas sortir de cela. Pensons, par exemple, aux Laboratoires Æterna, une industrie pharmaceutique québécoise dont l'une des études vient de « flopper », comme on dirait en bon québécois. Les investisseurs de cette compagnie ont perdu une bonne partie de leur mise. Il faut regarder, non pas le rendement de ceux qui ont eu le succès, mais le rendement global de l'industrie, parce que, pour un succès, il y a beaucoup d'échecs. Je n'ai pas la compétence nécessaire pour vous dire quel devrait être le rendement actuel, mais je tenais à préciser qu'il fallait regarder les choses dans leur ensemble.
Deuxièmement, dans le fond, l'objectif de l'industrie pharmaceutique est de reculer les frontières que la nature impose à notre condition humaine. On essaie, année après année...
M. Réal Ménard: C'est votre côté André Malraux qui ressort.
M. Richard Mayrand: Mais c'est quand même cela. Quelqu'un pourra préciser le chiffre, mais il semble qu'une personne consomme près de 80 p. 100 de tous les médicaments qu'elle consomme au cours de sa vie pendant les deux dernières années ou les six derniers mois de sa vie. Certains ont peut-être déjà entendu cette statistique et peuvent la préciser. Donc, c'est le fait de prolonger la vie qui est très coûteux. Évidemment, un jour, si on est chanceux, avec des découvertes, on va faire des bonds en avant. Ce sont des choses qui arrivent. Un peu comme l'évolution, cela se fait par bonds. Une fois qu'on a compris cela, on se pose une question. Devrions-nous essayer de contrôler le coût des médicaments, ou plutôt laisser l'industrie faire sa recherche et établir le prix de vente de ses médicaments, et nous demander quelle est notre capacité de payer?
M. Réal Ménard: Comme pouvoir public.
M. Richard Mayrand: Comme pouvoir public et comme contribuable. À ce moment-là, nous pouvons nous dire que tel fabricant veut mettre tel médicament sur le marché à tel prix, mais que pour nous, ce médicament ne vaut pas cela. Parfait, nous allons travailler avec ce que nous avons. Je pense que si on essaie de trop contrôler les compagnies pharmaceutiques, on finira par tuer leur désir d'innovation et on va le regretter tôt ou tard parce qu'on va ralentir le rythme de l'innovation.
M. Réal Ménard: Là, vous passez de Malraux à Adam Smith.
J'aurais voulu entendre M. Leblanc. A short one for Mr. Leblanc?
[Traduction]
La présidente: Non. Vous avez largement dépassé votre temps de parole.
Puisque personne n'a levé la main de ce côté-ci, je vais donner la parole à M. Robinson.
[Français]
M. Svend Robinson: Merci à tous les témoins et surtout à M. Hasbani, parce que je crois que les résultats de sa recherche et de celle de M. Lauzon sont vraiment frappants. J'espère que vos conclusions seront reflétées dans les recommandations du comité.
Monsieur Leblanc, y a-t-il des femmes qui travaillent dans l'industrie de la vie au Québec? S'il y a des femmes qui travaillent dans l'industrie de la vie, je trouve incroyable, inacceptable et choquant le fait que vous vous présentiez ici comme représentant d'un comité de quelque 28 personnes qui ne comprend pas une seule femme. Pourquoi?
M. Michel Leblanc: Je ne connais pas de femmes chefs de la direction et je ne connais pas de femmes qui sont rectrices ou vice-rectrices à la recherche d'une université. Les deux sous-ministres qui sont là ont été nommés par des institutions, dont l'une est le gouvernement fédéral. Les directeurs de centres de recherche sont aussi tous des hommes. Dans votre question, je vois un blâme à la société davantage qu'un blâme à ma personne.
M. Svend Robinson: Ce n'est pas une question de société. Est-ce que Montréal International ne peut pas trouver une seule femme, pas nécessairement une chef de la direction ou une sous-ministre, qui travaille dans ce domaine?
M. Michel Leblanc: On est en 2003. Ma perception personnelle est que toute femme qui serait nommée sous prétexte qu'elle est femme devrait être gênée. Je recherche présentement de la compétence et de la capacité d'action. C'est exactement là-dessus que je me suis concentré. S'il y a une femme qui répond à ce critère...
Monsieur, je pense qu'il y a une insulte. On m'a nommé personnellement, on m'a attaqué...
M. Svend Robinson: Cela veut dire que...
Á (1115)
M. Michel Leblanc: Personne n'a à m'insulter pour mes choix.
M. Svend Robinson: J'aimerais avoir une précision. Dites-vous qu'aucune femme montréalaise n'est capable de siéger à un tel comité?
M. Michel Leblanc: Il y en a probablement. Je ne les connais pas.
M. Svend Robinson: Est-ce que vous allez essayer de trouver quelques femmes compétentes?
M. Michel Leblanc: Je suivrai l'ordre de priorité des choses que j'ai à accomplir. Quand j'y arriverai, je le ferai.
M. Svend Robinson: Merci. Cela nous en dit long sur vos priorités.
Je n'ai qu'une autre question et elle s'adresse à M. Hasbani. Avez-vous des recommandations concrètes à faire concernant la possibilité de financer la recherche dans le domaine pharmaceutique, non pas par les brevets mais publiquement?
Plusieurs études publiées dans des journaux réputés comme Lancet et autres disent que si on appuyait publiquement la recherche dans le domaine pharmaceutique, on épargnerait beaucoup plus d'argent et les priorités publiques, par exemple la santé publique, seraient plus importantes que les profits des grandes sociétés, des profits franchement obscènes. Ces compagnies qui, par exemple, devraient être forcées de rendre accessibles les médicaments aux pauvres d'Afrique--cela, c'est l'industrie que représente M. Leblanc, l'industrie des hommes--n'ont absolument rien fait jusqu'à maintenant. C'est honteux!
Je vous pose la question, monsieur Leblanc. Pourquoi cette industrie que vous représentez n'a-t-elle absolument rien fait jusqu'à maintenant pour rendre accessibles les médicaments aux plus pauvres d'Afrique?
M. Michel Leblanc: Je ne peux pas répondre à leur place.
M. Svend Robinson: Pas de réponse alors?
M. Michel Leblanc: À mon avis, ils vendent des médicaments au prix qu'ils estiment conforme à la valeur de ces médicaments. S'il y a une redistribution à faire au niveau planétaire, c'est peut-être le rôle des gouvernements que de financer un fonds de redistribution qui pourrait acheter les médicaments au prix du marché et les donner, ce qui ferait en sorte que l'ensemble de la population serait impliquée dans cet effort de redistribution. Si mes taxes doivent servir à cela, elles y serviront, mais je ne crois pas qu'on devrait imposer à l'industrie pharmaceutique ou à quiconque dans cette société l'obligation de donner le produit ou de le vendre avec un rabais extrême.
M. Svend Robinson: Seuls les profits comptent.
M. Michel Leblanc: Les quoi?
M. Svend Robinson: Les profits: c'est tout ce qui compte.
M. Michel Leblanc: Non. Les compagnies font de la recherche, produisent un bien de consommation essentiel à la vie humaine et le vendent. Elles sont en négociation avec le reste de la société quant au prix qu'elles demandent.
M. Svend Robinson: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Robinson.
Au nom du comité, j'aimerais vous remercier d'avoir fait l'effort de venir nous rencontrer, et vous dire à quel point nous apprécions le travail que vous faites tous les jours, travail qui vous permet de nous communiquer toutes sortes d'informations intéressantes. Je sais que vous voudrez suivre le travail qu'effectuera le comité dans le cadre de cette étude.
Merci d'avoir assisté à notre réunion à Québec.
La séance est levée.