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SRID Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 10 juin 2003




¹ 1540
V         Le président (M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.))
V         Mme Kathy Vandergrift (analyste principale de politique, Vision mondiale Canada)

¹ 1545
V         Le président
V         M. Ernie Regehr (directeur général, Project Ploughshares)

¹ 1550

¹ 1555

º 1600

º 1605
V         Le président
V         M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne)

º 1610
V         Mme Kathy Vandergrift

º 1615
V         M. Ernie Regehr
V         M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ)

º 1620
V         M. Ernie Regehr

º 1625
V         Mme Kathy Vandergrift
V         Le président
V         Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga)

º 1630
V         Mme Kathy Vandergrift
V         Mme Colleen Beaumier
V         Mme Kathy Vandergrift
V         Mme Colleen Beaumier
V         Mme Kathy Vandergrift
V         M. Ernie Regehr

º 1635
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. Ernie Regehr
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         Mme Kathy Vandergrift

º 1640
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Kathy Vandergrift
V         M. Ernie Regehr
V         Le président
V         Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.)

º 1645
V         M. Ernie Regehr

º 1650
V         Mme Kathy Vandergrift
V         Mme Karen Kraft Sloan
V         Mme Kathy Vandergrift

º 1655
V         Mme Karen Kraft Sloan
V         M. Ernie Regehr
V         Mme Karen Kraft Sloan
V         Le président

» 1700
V         M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca)

» 1705
V         M. Ernie Regehr
V         M. Keith Martin
V         Mme Kathy Vandergrift
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

» 1710
V         Mme Kathy Vandergrift
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Kathy Vandergrift
V         M. Keith Martin
V         Mme Kathy Vandergrift
V         M. Keith Martin
V         Mme Kathy Vandergrift
V         M. Keith Martin
V         Le président
V         M. Ernie Regehr
V         Le président










CANADA

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 010 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 10 juin 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1540)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons l'étude des droits de la personne et du développement au Soudan.

    Nos témoins, aujourd'hui, sont Ernie Regehr, directeur exécutif de Project Ploughshares, qui témoigne pour la deuxième fois devant un comité de la Chambre, puisqu'il a comparu devant le Comité des affaires étrangères plus tôt aujourd'hui, au sujet de la défense antimissile; et de Vision mondiale Canada, nous accueillons Kathy Vandergrift, analyste principale de la politique. Nous vous souhaitons à tous les deux la bienvenue.

    Je tiens aussi à souhaiter la bienvenue, puisque nous ne sommes pas habitués à la présence d'une délégation parlementaire aussi distinguée d'autres pays, à une quinzaine de membres d'une délégation de quatre pays du centre et de l'est de l'Europe, accompagnés par des hauts fonctionnaires. Ils sont à Ottawa pour deux jours et assistent à notre audience. Nous espérons leur donner une bonne idée du déroulement des audiences parlementaires au Canada. Nous vous souhaitons la bienvenue.

    Kathy Vandergrift sera notre premier témoin. Bienvenue, Kathy.

+-

    Mme Kathy Vandergrift (analyste principale de politique, Vision mondiale Canada): Je vous remercie.

    J'apprécie beaucoup l'intérêt que porte le comité à son étude du Soudan. J'ai déjà témoigné ici une fois, et je suis heureuse de venir faire le point sur la situation actuelle au Soudan.

    Comme je l'ai dit dans mon document, j'aimerais concentrer mon exposé sur quatre points. Les grands espoirs de paix au Soudan exigent, je pense, un appui au fragile processus de paix et pour parvenir à quelque chose qui puisse favoriser une paix durable.

    Je crois que vous avez entendu les points de vue optimistes sur le processus de paix, la semaine dernière. Je dirais que dans la communauté des ONG, c'est un optimisme très prudent qui est manifesté à l'égard du processus en cours, et comme il pourrait être très fragile, nous cherchons des moyens de l'appuyer. C'est ce dont j'aimerais parler aujourd'hui.

    Tout d'abord, il est essentiel d'avoir une surveillance efficace de la protection civile. Ce système a été créé lorsque le sénateur Danforth, des États-Unis, participait à des discussions sur la paix au Soudan. Il prévoyait la création d'une équipe de surveillance de la protection civile qui ferait enquête sur les rapports d'agressions de civils et s'efforcerait de faire toutes les parties respecter les ententes qu'elles ont conclu.

    Les travaux de cette équipe ont été largement sapés, dernièrement, par le manque d'accès, les ressources limitées et les doutes émis sur son indépendance. Je pense que je pourrais parler, en particulier de ce dernier élément, des questions de plus en plus insistantes sur son indépendance.

    La surveillance efficace est un élément dissuasif, et elle est importante pour préserver la confiance du public dans le processus de paix. Nous entendons continuellement des récits d'agressions à l'encontre des civils, de mouvements de troupes et d'accumulation d'armes qui font très peur à la population. C'est pourquoi cette surveillance du respect de l'accord est extrêmement importante actuellement.

    En deux ou trois semaines seulement, il y a eu deux rapports d'agressions graves sur des personnes dans la région orientale supérieure du Nil. L'une a eu lieu la nuit. Apparemment, 59 villageois ont été tués, 10 enfants et six femmes ont été enlevés, et un prêtre de l'Église presbytérienne et sa famille ont été brûlés vifs dans leur hutte. C'est le genre de rapport sur lesquels il faut faire enquête—il faut enquêter rapidement—pour vérifier les faits. Ce n'est pas fait. Nous avons plusieurs de ces rapports maintenant, qui n'ont pas encore fait l'objet d'enquête.

    Je pense qu'il convient que j'attire votre attention sur l'importance de ce que le Canada peut faire pour s'assurer que la surveillance de la protection des civils se fasse efficacement et qu'elle soit faite avec assez d'objectivité et d'indépendance pour raviver la confiance de la population dans le processus.

    Je tiens à dire que le Canada a fait de la protection civile une haute priorité dans ses activités diplomatiques internationales. Nous avons vivement appuyé un rapport intitulé  «La responsabilité de protéger». Je vous dirai, au risque de me répéter, que le Soudan est un lieu propice pour mettre ce rapport en pratique.

    La deuxième chose dont j'aimerais parler rapidement, ce sont les droits de la personne dans le cadre du processus de paix. Je pense que nous entendons continuellement dire «Établissons la paix, et nous nous occuperons ensuite des droits de la personne». Je tiens à souligner encore une fois qu'il y a bien des problèmes liés aux droits de la personne qui font également partie des causes de ce conflit et qui doivent être réglées au début du processus de paix, plutôt que d'attendre la signature d'un accord de paix en bonne et due forme.

    Les groupes de la société civile ont soulevé ces enjeux pour les intégrer au processus de paix, et comme vous l'avez entendu la semaine dernière de la bouche du sénateur Jaffer, actuellement, aucune place n'a été faite, jusqu'ici, pour qu'on puisse traiter de ces préoccupations de la société civile. Lorsque certains d'entre nous avons rencontré le ministre des Affaires étrangères du Soudan, il nous a dit que l'entente Machakos comporte effectivement des déclarations sur le respect des droits de la personne, et c'est vrai. Mais en même temps, des journaux ferment leurs portes, des demandes d'un examen indépendant des violations graves aux droits de la personne dans la région de Darfour sont rejetées, et les femmes continuent de faire état de violations flagrantes des droits les plus fondamentaux en vertu de la loi de la Sharia.

    Par exemple, récemment, il y a eu le cas d'une jeune fille de 14 ans très enceinte, à près de neuf mois, condamnée à 100 coups de fouet pour adultère. Le Soudan est signataire de la Convention relative aux droits de l'enfant, et pourtant, nous entendons parler de ces violations et nous, nous disons qu'il faut faire quelque chose pour les régler dans le cadre du processus de paix, sinon cette paix ne saurait être durable.

    Encore une fois, nous voyons cela comme un rôle possible que le Canada pourrait tenir, et nous apprécions les efforts de l'envoyé spécial en ce sens.

¹  +-(1545)  

    La troisième chose est une démarche précoce en vue de renforcer la capacité dans les régions déchirées par la guerre. Cette guerre a été longue et a pesé lourdement sur les structures sociales dans les régions touchées.

    Pendant longtemps, les ONG ont plaidé pour qu'on offre plus que de l'aide au redressement et qu'on entreprenne de renforcer un peu la capacité dans ces collectivités pour qu'elles puissent elles-mêmes administrer leurs affaires. L'éducation, par exemple, est essentielle. Elle peut être fournie par des moyens non formels—même alors qu'il n'est pas sécuritaire de construire des écoles. Donc, cette transition de l'aide au redressement vers le développement revêt beaucoup d'importance pour donner des chances à ces collectivités dans la période de transition de six ans.

    Nous apprécions les efforts que font les donateurs pour constituer quelque chose en vue du moment où l'accord de paix sera signé, et nous apprécions qu'on se préoccupe d'une incidence rapide. On craint, au sein des ONG, que cela puisse signifier beaucoup de projets de très grande visibilité, alors nous aimerions qu'un accent tout aussi vif soit mis sur la structure sociale moins visible ou les projets de cohésion sociale qui sont essentiels au maintien de la paix au Soudan.

    Tandis que nous examinons les mesures qui seront prises lorsque l'accord de paix aura été signé, nous voudrions voir le Canada user de son influence sur la communauté des donateurs pour s'assurer que l'attention porte aussi sur ces enjeux-là.

    La quatrième chose dont j'aimerais parler, c'est de la démobilisation précoce des jeunes qui ont participé au conflit. La Watchlist on Children in Armed Conflict a diffusé un rapport récemment sur le Soudan. C'est un long document qui n'existe pas en français, mais j'en ai un exemplaire qui peut être remis au comité. Il fait une analyse exhaustive de ce qui arrive aux enfants du Soudan. Il a été remis au Conseil de sécurité et aux groupes de donateurs.

    Nous recommandons que les jeunes soient mis en haute priorité dans le processus de paix, et que soit entreprise, aussi, la démobilisation précoce des enfants soldats des deux parties. Selon l'expérience que nous avons eue ailleurs, une attention portée tôt à la démobilisation des enfants soldats peut favoriser l'établissement de la paix. La question a été soulevée auprès du ministre des Affaires étrangères du Soudan, lorsqu'il était ici, qui s'est montré assez disposé à examiner ce type de proposition.

    Pour terminer, je voudrais conclure en disant qu'il y a un rôle très important à jouer dans le soutien du processus fragile de paix au Soudan, dans l'espoir de l'établissement d'une paix durable là-bas.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci, Kathy.

    Nous allons maintenant laisser la parole à Ernie Regehr.

+-

    M. Ernie Regehr (directeur général, Project Ploughshares): Merci beaucoup. Je suis, moi aussi, très heureux d'être ici.

    J'ai rédigé un document, dont je remettrai une copie au greffier. Je m'excuse de ne avoir pas pu vous le remettre avant, mais j'apprécierais vraiment qu'il puisse être distribué au comité.

    Je suis aussi très heureux que le comité s'intéresse à la question du Soudan. Je pense que l'une des expériences les plus émouvantes que j'ai pu vivre a été quand j'ai visité des villages du sud du Soudan, les camps de PDIP et qu'on m'a demandé pourquoi le monde avait abandonné le Soudan. Ils se sentent réellement abandonnés par le reste du monde. Même s'ils sont dans des camps de PDIP dans des régions isolées du Sud, ils entendent les nouvelles sur l'Irak et le Kosovo, et sur tous ces endroits auxquels la communauté internationale a porté une attention extraordinaire, et ils se demandent «pourquoi pas nous?». C'est pourquoi l'attention de ce comité, et les opportunités que créera le dialogue de Machakos nous donnent l'espoir de pouvoir leur porter une attention accrue et de mettre un terme au laisser-faire dont nous avons fait preuve jusqu'à maintenant.

    Depuis un an, nous réalisons un petit projet, financé par l'ACDI, au Soudan, dans le cadre duquel nous avons consulté plusieurs catégories de la société civile, ou groupe de personnes. Il n'est pas encore tout à fait terminé. Nous avons encore une consultation à faire, mais j'ai pensé que je pourrais centrer mes observations un peu sur les constatations qui sont ressorties de ces consultations, sur les éléments du processus de paix qui suscitent des préoccupation dans la société civile au Soudan, et sur les opportunités qu'ouvre le protocole de Machakos.

    Si un accord était signé avant la fin de l'été, comme nous l'espérons, je pense qu'il nous faudrait être très conscients du fait que ce serait le début du processus de paix. Les problèmes, dans les conflits incessants, qui ont troublé et tourmenté le Soudan depuis 50 ans, dont 10 ans sans combats actifs, ne seront pas réglés par cet accord. Au mieux, celui-ci déterminera une échéance et un espace physique où il sera possible d'entreprendre les travaux relativement à ces conflits. Nous ne devons pas oublier que la résolution de conflits de cette durée exige une très longue présence là-bas—beaucoup de temps. Quasiment toutes les solutions auxquelles nous pouvons penser coûteraient de l'argent. Il faudra donc beaucoup de temps ou de présence auprès des gens du Soudan et la volonté de dépenser plus d'argent pour eux.

    Il y a un ou deux ans, Francis Deng, que vous connaissez probablement tous comme un leader étranger au Soudan-même, et qui est maintenant le représentant spécial des PDIP du Soudan, a rédigé un article où il parle des visions contradictoires du Soudan. Il connaît très bien la complexité de la situation du Soudan, ou tous ses problèmes économiques et manques de ressources, etc.. Il les résumait et disait qu'en vérité, trois types de visions contradictoires étaient au coeur de la difficulté à atteindre un compromis avec le reste. Ce sont la vision du Nord qui, depuis toujours, voit le Soudan comme une nation musulmane arabisée; la vision du Sud, qui voit l'avenir comme étant indépendant de l'influence du capital, et qui flirte parfois avec la séparation et parfois avec un certain degré d'indépendance; et un troisième élément, lequel Francis Deng appelait «les groupes africains en éveil» du Nord, le plus souvent appelé les collectivités marginalisées du Nord. Le défi, dit-il, est de trouver un juste milieu entre ces visions contradictoires, de trouver un compromis, un dialogue, pour coopérer et favoriser la collaboration entre eux, et pour tenter une médiation et trouver une solution qui convienne à tous.

¹  +-(1550)  

    Nous avons été ébahis, dans nos consultations auprès de la société civile, par la mesure dans laquelle les groupes du Sud tenaient à ce que inclure tous ces éléments participent au processus de paix. Ils ne pensaient rien du genre «tirons-nous de là et créons notre propre paix, et tout ira bien», parce qu'ils reconnaissaient que sans un règlement des autres conflits, la paix dans le Sud ne saurait être durable.

    Les risques de déstabilisation de n'importe quel type de règlement sont nombreux. Il y a de nombreuses collectivités qui ont depuis longtemps de graves conflits. La disponibilité de petites armes est extraordinaire, ce qui fait que quiconque a un grief et a accès à des armes peut faire obstacle à n'importe quelle entente qui est conclue. C'était donc les gens du Sud, mais aussi ceux du Nord, mais nous avons été étonnés par ceux du Sud en particulier, qui tenaient à ce que le processus de paix soit inclusif et qu'il englobe les régions marginalisées du Nord.

    Maintenant, il y a trois régions marginalisées du Nord. Le Nuba, la région Abyei, et le Nil bleu du Sud se sont fait entraîner dans une série de négociations, auxquelles participe aussi le Kenya. Nous avons quelqu'espoir qu'ils seront englobés dans le processus. Plusieurs autres groupes du Nord ont été tout à fait exclus de ce processus.

    Kathy a mentionné les violations des droits de la personne à Darfour. Les gens de Darfour sont généralement vus comme des musulmans arabisés du Nord, mais la rébellion prend de l'ampleur dans le Centre. Alors un règlement entre le Khartoum et la SPLA qui ne tient pas compte de ces régions ne pourrait être un règlement durable.

    L'une des autres préoccupations qu'ils ont soulevée à maintes reprises était la crainte qu'un règlement entre les élites de Khartoum et ceux du Sud ne puisse, lui non plus, être durable. La grande crainte est que l'entente entre ces deux centres ne serait que cela, une entente entre deux centres qui n'ont aucune influence ni efficience sur le reste de ces collectivités. Les États centralisés et gouvernés centralement, comme la Somalie l'a très bien démontré dans cette région, ne sont pas un moyen efficace ou efficient de régler les difficultés et de satisfaire les besoins et les intérêts de ces populations. Dans le Nord, il y a des intérêts contradictoires, des visions et des loyautés contradictoires parmi les gens, et il en est de même dans le Sud.

    Il y a autre chose dont je n'ai pas parlé dans le document, mais qui est extraordinairement important dans cette région, et c'est que le Soudan est une région de collectivités surtout pastorales. Eh bien, le mode de vie pastoral est en déclin. Avec de rares sources d'eau et pâturages, un fonds de retraite ne peut être constitué de 1 000 têtes de bétail qui mangent de l'herbe et qu'on ne pourra jamais consommer. On ne peut créer de la richesse par ce moyen traditionnel. Autrement dit, les pasteurs devront devenir fermiers et vivre autrement. Nous entrons dans une ère où la terre sera l'objet de titres fonciers et de revendications territoriales, et tout le reste. Même sans guerre ni conflit, le Soudan vit une époque extraordinairement compliquée au plan social. Ces collectivités ne sont pas viables avec leurs modes de vie traditionnels et le changement surviendra, bon gré mal gré.

    Les membres de la société civile nous ont dit que ce qu'il nous faut, c'est une solution qui décentralise radicalement le pouvoir, qui le mette aux mains de communautés réelles, vraiment cohérentes et qui vivent pacifiquement avec les collectivités voisines lorsqu'il n'y a pas d'interférence des pouvoirs du centre.

¹  +-(1555)  

    Je voudrais faire un bref commentaire au sujet des arrangements en matière de sécurité. Il y a environ deux ans, j'assistais à une consultation, dans un secteur contrôlé par la SPLA dans le Sud, entre la SPLA et la société civile de la région. L'ensemble de la société civile—des églises étaient représentées, et d'autres—était loyale à la SPLA. Toutes accueillaient avec plaisir la libération de leur région par la SPLA de Khartoum, etc. Mais ce qu'ils ont dit aux représentants de la SPLA qui était là, qui étaient considérés comme leurs libérateurs et dont ils étaient très contents, c'est qu'il n'y avait pas moins de violence dans leurs collectivités depuis l'époque de la guerre. De fait, dans certains cas, c'était même pire, et leurs libérateurs étaient devenus les auteurs de leurs tourments. C'est le phénomène de la disponibilité facile des petites armes, des jeunes hommes qui sont là et du manque de moyens de subsistance. Donc, l'un des besoins les plus urgents et les plus fondamentaux, pendant la période de transition, c'est de régler le problème des petites armes.

    Le désarmement, la collecte de ces armes, prend beaucoup d'argent, non pas seulement pour trouver et recueillir les petites armes, mais c'est qu'il faut mettre en oeuvre des projets de développement crédibles visant d'autres sources de protection et de revenus pour ces gens-là et leurs familles.

    Un autre problème, en ce qui concerne la sécurité, qui sera très important, c'est qu'il faut composer avec un grand nombre de groupes de la milice qui ont été actifs dans le Sud. Il y a environ 25 groupes distincts de la milice, financés par le gouvernement ou indépendants. Ils ont des milliers de soldats sous leur commandement. Ils ne sont pas alliés à la SPLA. Leur loyauté au gouvernement n'es motivée que par des questions pratique; parfois, ils sont avec lui, et d'autres fois contre lui.

    Ce ne sont pas que des mercenaires. Ce sont des gens qui ont leurs racines dans les collectivités. Ce sont des opportunistes. Ils se rendent coupables de crimes haineux, c'est certain, mais ils ont aussi des partisans et des collectivités qui se fient à eux. Ils sont dirigés—et j'ai rencontré certains de leurs chefs—par des gens articulés et charismatiques. Il serait extraordinairement important de faire participer ces gens-là, d'une façon ou d'une autre, au processus de paix. La SPLA aura bien du mal à les y faire participer, mais c'est l'intégration de ces troupes dans une espèce d'armée fusionnée et leur démobilisation qui posera un très grand défi et exigera une vaste présence à long terme.

    Comme je l'ai dit, bon nombre de ces armées, et l'armée du gouvernement aussi, ont commis des crimes extraordinaires contre le peuple. J'ai participé aux travaux de la mission Harker, qui faisait enquête sur l'impact du pétrole dans cette région, et la dévastation de villages qui avaient été la cible d'attaques d'hélicoptères de combat, lesquels leur avaient lancé des flammes et les avaient brûlés. Les gens avaient fui leurs villages et avaient dû marcher pendant des jours dans des marécages pour trouver des terres plus élevées où s'établir. Ils n'ont absolument pas été indemnisés pour leur déplacement.

    Il y a énormément à faire pour indemniser, mais aussi réconcilier, cicatriser, et tout le reste, et c'est un lent et difficile processus qui prendra beaucoup de temps et d'énergie.

    Dans la période de transition, l'une des consultations se faisait auprès de femmes qui ont aussi exprimé une immense frustration de leur absence du processus formel de paix, bien qu'elles soient parmi les plus actives dans la société civile et les activités de paix.

    Le sénateur Jaffer, la semaine dernière, parlait d'un groupe de femmes qui avaient été mobilisées par les Pays-Bas, etc. Les consultations que nous avons eues avec ces femmes...nous avions invité les femmes de cette initiative aussi,du Nord et du Sud. La veille de la consultation, celles du Nord s'étaient rendues à l'aéroport de Khartoum. Aucune d'elles n'a pu monter à bord de l'avion, alors elles n'ont pas pu assister à la consultation. C'étaient des personnes qui avaient rencontré des gens du Sud à maintes reprises, qui étaient très actives et qui ont été tenues à l'écart du processus.

º  +-(1600)  

    Peut-être n'est-il pas nécessaire d'en dire beaucoup sur la religion, parce que d'une certaine façon, trop de choses ont été dites sur la religion et le conflit au Soudan. Mais c'est un enjeu très concret. Quant à savoir s'il leur faut des activités de conciliation ou de vérité et de réconciliation, c'est le genre de choses dont devront décider les Soudanais.

    Il y a autre chose qu'ils nous ont dit, et c'est qu'ils ont besoin de la présence de la communauté internationale, que des pressions politiques doivent être exercées. À la fois la SPLA et le régime de Karthoum, ont des raisons bien à eux de ne pas respecter les accords qu'ils ont signé. Ils mènent tous eux à des situations ou à des résultats potentiels auxquels ils ne tiennent pas. Donc, la tentation est forte de trahir les engagements qu'ils ont pris. Ils considèrent absolument essentiel qu'il y ait des répondants de la communauté internationale. C'est un rôle américain, mais il faudrait que ce rôle soit beaucoup plus largement multilatéral.

    L'un des plaidoyers des plus convaincants qui ait été présenté demandait une présence à long terme, et c'est logique. Selon les ouvrages sur la résolution de conflits, pour que ce soit efficace, si on mesure la période entre le moment où règne une paix et une stabilité relatives et celui où la violence culmine, on devrait vraiment s'attendre à ce qu'il faille autant de temps pour revenir à une paix et à une stabilité relatives. Autrement dit, c'est une pyramide égale. Au Soudan, la paix remonte à 1956, alors c'est une perspective à très long terme.

    Là où je veux en venir, c'est que la communauté internationale doit être là, sur place. Le Canada doit y être, et il nous faut être prêts à dépenser beaucoup d'argent. Je suis très heureux des compétences que possèdent le Canada et de la question du fédéralisme qui a été soulevée plus tôt, sur le partage des ressources relativement à la question du pétrole. Ce sont là des compétences techniques qui nous seront très utiles là-bas. Je pense que le regroupement de tous ces intérêts et communautés est un long processus de transformation qui exige une présence à long terme et la promesse de ne pas les abandonner.

    Je vous remercie.

º  +-(1605)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Regehr.

    Je précise pour nos invités parlementaires de l'Europe que, selon notre procédure, les membres du comité peuvent maintenant poser des questions, mais nous commençons avec les membres des partis de l'opposition. Les premières questions seront posées par les deux membres de l'opposition. Ensuite, c'est au tour du parti au pouvoir, et ensuite ce sera à tour de rôle.

    Deepak, vous avez la parole.

+-

    M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci aussi aux témoins.

    Le Soudan est l'un de ces pays où a eu lieu un choc des cultures, comme vous l'avez dit, Ernie, entre les Arabes et les Noirs. C'est l'une de ces régions qui occupe une partie du sud du Sahara, mais aussi la zone arabe. C'est le noyau du problème, depuis toujours, dans ce pays.

    J'ai une vaste collectivité soudanaise dans ma circonscription, qui s'est établit là et qui vient du Sud. Ces gens-là viennent me voir à mon bureau, et nous en parlons beaucoup. J'ai aussi constaté une division, une scission réelle. Les autres pays ont le désert du Sahara pour séparer le Nord du Sud, mais ici, il n'y a aucune ligne de division. Ils vivent ensemble et, par conséquent, il y a un division artificielle entre eux, mais elle semble créer une division dans la nation, entre le Nord et le Sud, et il y en a d'autres, comme vous l'avez dit, dans d'autres collectivités noires qui sont musulmanes, mais ce n'est rien de semblable. Néanmoins, c'est l'un de ces pays qui ont ce problème en Afrique.

    Permettez-moi de vous poser une question, et une autre à propos de ce dont vous avez parlé, le rapport Harker, au sujet du Talisman. En toute franchise, est-ce qu'il y aura, selon vous, dans cette tentative de créer cette division, une paix réelle dans le pays, ou est-ce qu'on en arrivera au point où un autre État avorton sera créé, comme le Soudan ou la Somalie? Il y a eu un temps où nous ne pensions jamais que cela puisse arriver. Est-ce que c'est une possibilité, à long terme? Est-ce qu'il pourrait être possible que cette nation se scinde en deux?

    D'après mois, il pourrait y avoir une autre solution, celle de la fédération, mais je ne sais pas si c'est acceptable. Je ne fais que poser la question.

    La deuxième question est la suivante : lorsque le Talisman était au sud du Soudan, de vives pressions morales ont été exercées sur le Soudan pour qu'il fournisse des services de base pour bien faire, et très franchement, le Talisman l'a fait. Il est venu et l'a fait. Néanmoins, le débat reste toujours à savoir si le gouvernement du Soudan utilisait l'argent de l'aide humanitaire pour acheter des armes et des munitions.

    Cette partie a été vendue à l'Inde. Maintenant il y a l'Inde, la Chine et la Malaisie qui y participent. En fait, les pressions qui étaient exercées ne sont plus. On peut difficilement faire pression sur ces pays. Est-ce que vous ne diriez pas que pour une raison qui nous échappe, nous avons peut-être perdu cela, étant donné ce qu'a dit le rapport Harker à ce sujet?

    Je vous laisse tous les deux répondre à ces questions, selon votre expérience dans le domaine.

º  +-(1610)  

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Je commencerai, puis je céderai la parole ensuite à Ernie .

    Oui, en fait de frontières, les divisions du Soudan sont artificielles et il s'y trouve différents groupes culturels. Mais quand on discute avec eux, ils parlent toujours d'une période de dix ans où régnait une démocratie fonctionnelle et où les gens s'entendaient.

    Je suppose que je pourrais parler des travaux qui ont été faits dans le Sud entre différents groupes, pour trouver des moyens d'établir la paix et de vivre en harmonie entre les divisions tribales du Sud. Je ne crois pas que le peuple soudanais pense qu'il lui est impossible de vivre ensemble, dans la paix.

    Au sujet de la division, eh bien, c'est pourquoi il y a un référendum sur l'accord de paix, après six ans. Je crois que le principe, c'est que les gens du Sud aient la possibilité de prendre cette décision d'eux-mêmes après six ans. Je ne voudrais pas préjuger de son résultat. Vous constaterez que les avis sont différents dans le Sud, sur la question, entre l'État unitaire ou divisé.

    En ce qui concerne votre deuxième question, pour revenir sur le sujet du Talisman, nous avons tous les deux assisté aux travaux des groupes qui ont eu les premiers contacts directs avec le Talisman. Je voudrais le répéter parce que je pense qu'il est important que ce soit compris. C'était une tentative, tout d'abord, de dialoguer engager avec eux pour trouver des moyens pour qu'ils puissent travailler là sans que cela contribue à la guerre.

    Les avis divergent sur l'ampleur des pressions morales qu'ils ont effectivement exercées sur le gouvernement. Je pense que beaucoup de gens diraient que le mal qu'a fait le gouvernement avec les ressources qu'il a fournies et ses efforts pour protéger ces champs de pétrole a été beaucoup plus vaste que le peu d'aide humanitaire qu'il a fournie. C'est un jugement, mais il y en a d'autres sur le sujet.

    En ce qui concerne les pressions qui s'atténuent, lorsque le Talisman est parti, le gouvernement du Soudan en était très fâché. La situation, relativement à ces questions, n'est certainement pas pire maintenant qu'elle l'était lorsque le Talisman était sur place.

    La question du Talisman, je crois, doit aussi être vue dans le cadre d'un programme plus vaste. Je pense que c'est elle, surtout, qui a amené la question de savoir comment on peut faire du commerce dans les zones de conflit. Il est certain que la communauté des ONG du Canada continue de travailler avec notre ministère des Affaires étrangères sur le fait que les lois du Canada ne permettent pas de régler cette question.

    Je vous inviterais à lire le jugement du tribunal, aux États-Unis, découlant de la poursuite des Soudanais contre le Talisman. La première chose que le Talisman a essayé, c'est de faire déplacer le procès au Canada. Le juge a étudié minutieusement la loi canadienne et la loi soudanaise pour voir s'il fallait déplacer le procès au Canada ou au Soudan, et il a conclu que la loi du Canada ne convenait pas pour que le procès puisse se dérouler au Canada.

    Pour moi, en tant que Canadienne, c'est humiliant. Nos lois sur la question de la protection des droits de la personne par le commerce dans un conflit ne sont pas appropriée pour que le procès puisse se dérouler au Canada. Je pense que le pays devrait régler cela.

    Je soulignerais, au sujet de la question plus vaste, qu'il existe maintenant un rapport d'évaluation de la Banque mondiale, qui signale aussi que son rôle, auprès des industries extractives dans les pays en développement, doit changer de façon radicale. Il suggère que la Banque mondiale ne finance plus ces projets mais se penche sur les questions de gouvernance. C'est exactement ces questions que nous avons soulevées avec le Talisman.

    Je ne pense pas que les problèmes soient réglés, mais cela a tiré largement l'attention sur un domaine dans lequel nous devons faire beaucoup plus, au Canada, et à l'échelle internationale. Moi, à tout le moins, j'appuie l'initiative du G-8 visant une augmentation de la transparence des industries extractives qui travaillent dans les pays en développement. C'est un début. Mais c'est un sujet sur lequel nous pourrions avoir un tout autre débat.

º  +-(1615)  

+-

    M. Ernie Regehr: Si vous permettez, j'aurais une très brève réponse à donner. La paix au Soudan est-elle vraiment possible? Le Soudan est un État avorton. Il y a de grandes parties du pays sans aucune présence du gouvernement. C'est cela, la situation en ce moment.

    Je pense qu'il n'y aura jamais de paix au Soudan au sens d'un gouvernement à Khartoum qui prend toutes les décisions et qui mène la barque et dirige le pays. Ce n'est pas possible. S'il y a la paix au Sud, que ce soit en tant que région autonome, à titre de partie intégrante du gouvernement ou en tant qu'État indépendant, il n'y aura pas non plus de gouvernement à Juba, qui prend toutes les décisions pour la région nord-ouest du Nil, et Gharb Bahr al Ghazal, et partout au pays.

    Je pense que la Somalie est en voie, et on espère bien qu'ils y parviendront, de réinventer le genre de gouvernement qu'il faut pour ce genre d'État. C'est une forme radicalement décentralisée de gouvernement. Il fonctionne beaucoup plus sous contrôle de district local, et se prend graduellement de la force. C'est le genre de solution que nous recherchons pour le Soudan.

    Vous pouvez prendre cette décision, mais pour qu'elle fonctionne, il faut beaucoup de temps, de ressources et d'efforts. Il faut beaucoup de formation des conseillers et fonctionnaires locaux, et la création, à l'échelle locale, de processus de prise de décision. Il faut fournir une grande partie de ces ressources pour que ce soit efficace.

    Aussi, au sujet du Talisman, je n'ai jamais été de ceux qui pensaient qu'en évinçant le Talisman du Soudan, le problème du pétrole serait, d'une façon ou d'une autre, résolu. Cela deviendrait tout simplement le problème de quelqu'un d'autre. Aussi, d'après notre expérience, dans nos dialogues et nos rencontres avec le Talisman il y a quelque temps, ils ont exercé des pressions très efficacement. Ils nous ont dit «Lorsque nous parlons au gouvernement, nous l'engageons dans le processus de paix et parlons des droits de la personne». Nous leur avons fait une demande très simple. Nous avons dit «Pour que ce soit crédible, la prochaine fois que vous parlez au gouvernement des droits de la personne, faites un expert des droits de la personne accompagner votre délégation pour lui donner un peu de crédibilité, et cet expert pourra fournir une rétroaction. Vous, votre spécialité, c'est l'extraction du pétrole; vous n'êtes pas des experts des droits de la personne. Mais si vous voulez leur parler des droits de la personne, assignez un expert des droits de la personne à votre délégation ou du moins quelqu'un qui connaît le processus de paix».

    Ils n'étaient pas prêts à le faire. Personnellement, j'étais quelque peu mal à l'aise et je me demandais ce que nous allions faire s'ils acquiesçaient à notre demande. C'était presque un peu trop facile pour eux, mais c'était une demande très simple et minimaliste qui leur a été faite, à laquelle ils n'ont pas acquiescé. Pour ce qui est de leur influence sur le gouvernement, je n'en ai pas vu de preuve.

    Le président: Monsieur Rocheleau.

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): J'aimerais remercier les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui pour mieux enrichir notre réflexion. J'ai trois questions à poser.

    La première porte sur un point sur lequel vous avez passablement insisté, soit celui de la circulation des armes. Vous parlez des rapports sur des agressions incessantes à l'endroit des civils, des mouvements de troupes et de l'accumulation d'armes. J'aimerais savoir d'où proviennent les armes.

    Est-ce qu'il y a des groupes privés ou des gouvernements voisins ou éloignés qui alimentent le débat et qui font en sorte que des gens puissent être équipés pour continuer à causer des dommages, notamment sur le plan civil? Est-ce que ces armes circulent seulement parmi les militaires, ou si elles sont entre les mains de civils?

    Deuxièmement, au point IV, vous parlez de la démobilisation précoce des jeunes ayant participé aux conflits. Vous dites que cette expérience de démobilisation précoce montre aussi l'effet négatif qu'il y a si les enfants ne font que quitter les forces armées pour retourner à la maison ou se retrouver dans la rue quelque part. Il est beaucoup plus probable qu'ils rejoignent d'autres groupes de rebelles et contribuent à relancer le conflit.

    J'aimerais savoir quelle est la situation de l'organisation sociale dans ce pays. Est-ce que cela sous-entend qu'il n'y a pas d'écoles? Normalement, les enfants vont à l'école. Est-ce que cela veut dire que la situation est tellement détériorée qu'il n'y a même pas cette organisation minimale qui fait que les enfants puissent être à la bonne place?

    Troisièmement, en ce qui concerne une question qui a été abordée au sujet du référendum qui sera tenu dans six ans sur la sécession du Sud, est-ce que ce référendum sera tenu par le Sud, par le Nord, ou par les deux conjointement? Est-ce qu'il y a une maturité politique à cet égard. On sait très bien au Québec que cela prend beaucoup de maturité pour tenir des référendums sérieux? Est-ce qu'on a dans ce pays la maturité démocratique pour faire en sorte qu'on puisse tenir un référendum équitable où les deux parties, soit celles défendant le oui et le non, aient des forces en présence qui puissent s'opposer de façon égale et équitable?

º  +-(1620)  

[Traduction]

+-

    M. Ernie Regehr: Je laisserai Kathy répondre aux questions au sujet des enfants.

    Pour ce qui est des armes, il m'est arrivé, une fois, de voir un AK-47 aux mains d'un soldat de la SPLA qui montrait à un groupe d'entre nous que l'arme portait l'inscription FRELIMO. Il y avait une inscription sur cette arme qui provenait de la Namibie. Quel était le nom du groupe de libération? Quoi qu'il en soit, elle venait de la guerre civile de la Namibie. Autrement dit, cet AK-47 avait servi dans les années 60 pendant la guerre du Mozambique et dans les années 70 pendant la guerre de la Namibie et dans les années 80, et encore dans les années 90 dans la guerre de la SPLA.

    C'est une explication de l'origine des armes. Il y a d'énormes quantités d'armes sur le continent, et elles circulent. Il y a des entreprises en plein épanouissement, de gens qui font circuler ces armes. Le plus difficile, c'est l'approvisionnement régulier de munitions, mais les armes circulent librement. Je pense que c'est la source primaire d'armes.

    John Garang, de la SPLA, a dit un jour qu'il était toujours heureux lorsque quelqu'un vendait au gouvernement du Soudan un nouveau gros lot d'armes, parce que cela reconstituait sa réserve. C'est encore une autre source de la plus grande partie, ou du moins d'une grande partie de leurs réserves. C'est typique de ce genre de guerres de les prendre du gouvernement sur le champ de bataille et dans ses armureries, etc. D'après les gens du Sud, je pense que c'est là d'où viennent la plus grande partie des armes.

    Je pense que vous aviez posé cette question-là la semaine dernière. IL me semble que Laird Hindle a répondu qu'il y avait des sources d'armes de l'Europe de l'Est. L'Iran, c'est certain, a financé certains achats d'armes. La Chine aussi. Je ne crois pas que le Soudan ait de fournisseurs particuliers, ni qu'il y en ait eu depuis longtemps, de source occidentale. Peut-être y en a-t-il, de sources clandestines.

    J'ai un bref commentaire à faire au sujet du référendum. Ce que vous dites est très important, mais pas dans le sens de savoir si oui ou non les Soudanais ont la maturité qu'il faut pour faire des choix. Il est clair qu'il sont capables de faire des choix pour leur propre avenir. Je pense que le processus qui consiste à poser la bonne question—et nous comprenons tous les défis que cela pose—et d'identifier les électeurs, le recensement, tout cela, nécessite une quantité phénoménale d'organisation.

    En passant, l'une des façons de garantir un résultat négatif à un référendum sur l'unité et un résultat favorable à la séparation est de continuer d'abandonner le Sud pendant la période de transition. Si le projet échoue entièrement, cela sera simplement la confirmation que rien ne fonctionne, et ce sera la fin de tout.

    Je me satisferais de cette solution si c'en était une, mais ce n'en sera pas parce qu'une région du sud sous-développée laissée à elle-même comporte autant de failles et de divisions que le nord et le sud du Soudan sous-développés tels qu'ils sont actuellement. Ce ne serait que la répétition des mêmes problèmes.

º  +-(1625)  

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Au sujet des armes, je voudrais seulement ajouter que depuis quelques années, les plus grosses armes envoyés aux GOS là-bas venaient de la Russie.

    Pour ce qui est de votre question sur les jeunes, vous avez raison, il nous faut une stratégie qui prévoit d'autres modes de subsistance, et c'est pourquoi je disais qu'il faut que l'éducation fasse partie des mesures d'aide. Cela ne signifie pas nécessairement construire des écoles, qui peuvent être des endroits assez peu sécuritaires. On peut donner de l'éducation de façon non formelle. Le travail avec les jeunes pour les faire sortir de l'armée et leur offrir d'autres moyens de gagner leur vie est un secteur de travail qui prend de l'ampleur dans les organismes d'aide humanitaire.

    La raison pour laquelle je voulais parler maintenant de la démobilisation précoce, c'est que nous tirons des leçons d'autres conflits. Vous entendrez des histoires du Congo, par exemple, où de nombreux jeunes gens ont simplement quitté l'armée. Il n'y avait pas de programme. Ils n'étaient pas visés par des mesures de soutien, et n'en recevaient pas. Il apparaît très clairement maintenant qu'après très peu de temps, ils joignaient à nouveau les forces rebelles.

    Donc, l'importance de porter une attention particulière aux jeunes gens, de ne pas les traiter exactement comme les adultes, et d'agir de façon ordonnée et précoce, vient du fait que cela peut être un bon investissement dans la paix, au bout du compte. C'est pourquoi nous mettons la priorité sur ce programme particulier, mais c'est une approche exhaustive, qui vise à travailler avec la collectivité, avec les jeunes gens, et leur donner des moyens de vivre autant que possible.

    Par exemple, il est arrivé qu'ils participent au déminage. Une entente a été conclue entre les parties, maintenant, pour entreprendre le programme de déminage. Il serait excellent d'y faire participer un grand nombre de ces anciens enfants soldats. Cela s'est fait au Cambodge, et ailleurs, avec beaucoup de succès, mais nous voulons commencer ce processus de façon précoce pour essayer de les empêcher de réintégrer d'autres groupes rebelles.

+-

    Le président: Colleen.

+-

    Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga): Merci.

    Je crains de paraître un peu agressive, dans tout cela. Lorsque nous étions au Soudan, nous avons rencontré sept ou huit ONG. J'apprécie votre réponse. Au moins n'avez-vous pas été aussi hypocrite au sujet de la situation du Talisman que bien d'autres personnes l'ont été. Nous avons posé deux questions. Nous avons demandé aux représentants d'au moins sept ONG, si le Talisman se retirait, est-ce que le Soudan serait en meilleure ou pire situation? La deuxième question que nous avons posée, c'est est-ce que le Talisman a amélioré la situation du gouvernement au Soudan?

    Les représentants des ONG ont répondu qu'il y a cinq ans, le Soudan avait un mauvais gouvernement alors que le gouvernement d'aujourd'hui est composé de gens mauvais. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais cela me paraît être un progrès. Il trouvait que le Talisman servait un but utile là-bas, qu'il aurait peut-être pu faire plus, qu'il aurait dû faire plus, mais qu'au moins c'était un début.

    Toutefois, la veille au soir, nous avions rencontré un autre groupe d'ONG. Ils ont décidé de nous rencontrer de prendre un verre avec nous, mais si nous les identifiions ou répétions le moindre de leurs propos, ils les nieraient purement et simplement. Lorsque nous sommes rentrés chez nous, nous avons donné les réponses que nous avons reçues des représentants d'ONG, et ils les ont entièrement niées. Ils ont tout nié, peut-être pour les mêmes raisons que le groupe antérieur nous avait donné :« Si nous sommes cités, nous perdrons nos emplois ».

    Nous avons parlé de la terreur qu'inspire le gouvernement du Soudan, et nous savons qu'il est défini vaguement comme une démocratie alors qu'on sait pertinemment que c'est une dictature. Nous condamnons la dictature pour cela, et pourtant, nous avons nos propres ONG qui épousent le même genre de philosophie et renvoient des employés à moins qu'ils servent leurs objectifs. Je pense que tout cela est très effrayant.

    Maintenant, le Talisman s'est retiré et parle de faire un procès aux États-Unis parce qu'ils ont des lois plus strictes. Cela me fait rire un peu, quand je pense aux événements récents, mais les ONG ont la bouche cousue, maintenant que le Talisman est parti. Je trouve que c'est très difficile a concilier, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

    N'avez-vous pas l'impression que de travailler avec le régime actuel ou un gouvernement au pouvoir et de mesurer les progrès serait plus efficace que d'essayer de complètement renverser un régime?

º  +-(1630)  

+-

    Mme Kathy Vandergrift: J'essaierai de donner des réponses. Je suppose que certaines de ces questions me sont adressées.

    Pour ce qui est de savoir si des ONG ont dit cela, je pense qu'il y a eu un échange et, oui, il y a eu des lettres échangées au sujet du congédiement, je suppose. Je n'en sais pas grand chose. Ce que je voudrais dire, c'est que le rapporteur des droits de la personne des Nations Unies, qui n'est pas une ONG, a aussi fait des déclarations très vigoureuses dans plusieurs de ses rapports au sujet des violations des droits de la personne liées à l'exploitation pétrolière. Il ne représente pas une ONG et n'a pas reçu cette information d'ONG.

    Alors, je pense que si vous regardez tous les rapports sur les droits de la personne qui émanent d'organisations de défense des droits de la personne qui ne sont pas sur le terrain, qui ont envoyé des experts des droits de la personne observer la situation, ce ne sont pas les ONG locales, et si vous regardez les rapports émis par des églises et les rapports qui émanent d'une vaste gamme d'organismes, des enjeux ont été recensés.

    Encore une fois, je voudrais seulement répéter ce qu'a dit Ernie : « Aucun de nous n'a embrassé cette espèce de mentalité anti-Talisman. Nous avons traité avec le Talisman. Je pense que s'ils avaient coopéré avec nous sur certaines de ces questions, nous aurions pu empêcher en partie ce qui est arrivé.

    Pour ce qui est des ONG qui sont bouche cousue depuis que le Talisman est parti, j'aimerais vous faire remarquer que la question du commerce au Soudan n'a toujours été que l'un de nos problèmes. Nous nous sommes intéressés aux questions humanitaires, aux questions des droits de la personne, nous avons défendu la paix, plaidé en faveur du processus de paix de l'EGAD, et nous avons continué de le faire. Nous ne sommes pas bouche cousue depuis le départ du Talisman. Les médias ne s'intéressent peut-être pas autant à la situation, mais c'est une autre question. Nous, des ONG, avons toujours—et si vous posez la question au ministère des Affaires étrangères, on vous le dira—participé au dialogue avec eux, favorisé le processus de paix et soutenu l'observation des droits de la personne au Soudan.

    Je ne pense pas que les ONG aient tellement changé de point de vue. Nous participons au programme. Nous continuons aussi d'étudier comment participer au commerce dans les pays en conflit d'une façon qui respecte les droits fondamentaux de la personne.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Est-ce que vous reconnaîtriez qu'il y a eu une amélioration, tout de même, puisque le gouvernement du Soudan veut...? Je ne veux pas dire «reconnaître», mais est-ce que vous seriez d'accord avec le rapport, avec ce qu'on nous a dit, c'est-à-dire que le gouvernement du Soudan fait un effort d'amélioration?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Je dirais—et Ernie peut en parler—qu'il y a eu des améliorations dans certains domaines. L'accès à l'aide humanitaire s'est accru dernièrement, mais qu'il y ait encore des problèmes dans certaines régions. Encore une fois, je vous inviterais à consulter les rapports sur les droits de la personne des Nations Unies à ce sujet-là aussi.

+-

    Mme Colleen Beaumier: J'en suis au courant.

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Alors, en fait de niveau d'amélioration, et certainement de notre engagement, je veux dire, nous avons rencontré M. Ishamael lorsqu'il était ici, et nous avons parlé avec lui de moyens d'accroître le respect des droits de la personne, et aussi la transparence de la situation au Soudan. J'ai fait ressortir, aujourd'hui, certains aspects qui, j'espère, seront améliorés, parce qu'il est essentiel pour le processus de paix qu'il y ait amélioration.

+-

    M. Ernie Regehr: Si vous permettez, je ne pense pas avoir beaucoup à ajouter à ce que disait Kathy, mais la question fondamentale, toujours, n'est pas «Est-ce bon que le Talisman soit là, ou n'est-ce pas bon pour le Talisman?» C'est une question secondaire. La question fondamentale, c'est est-ce que c'était avantageux pour les habitants du Soudan, et est-ce que ceux-ci bénéficient de l'exploitation du pétrole et de son exportation?

º  +-(1635)  

+-

    Mme Colleen Beaumier: C'est la question que je voulais poser. Je ne m'inquiète pas de savoir si c'est bon ou non pour le Talisman d'être là. Les bénéfices pour les habitants du Soudan, c'est cela dont je parle.

+-

    M. Ernie Regehr: D'accord, alors, je suis d'accord. C'est la question de fond. Est-ce que l'exploitation du pétrole, dans le contexte de ce conflit, présente des avantages pour la population? Je pense que la réponse, sans la moindre ambigüité, est non. Elle présente des avantages pour le régime. Elle augmente la capacité d'importer des systèmes d'armement. Le peuple Nuer, sur le territoire de qui se trouve le pétrole, a été expulsé de chez lui en grand nombre, sans aucune indemnisation pour la perte de leur territoire, de leur domicile et de leur communauté. Je pense que c'est une conclusion indiscutable.

+-

    Le président: Alexa.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.

    Je participe aux travaux du comité depuis relativement peu de temps, alors il me manque un peu le contexte de l'examen de la situation au Soudan, y compris la visite du ministre des Affaires étrangères. Je suppose que ce que je voudrais, c'est que vous donniez plus de détails que ce qu'il y a dans votre déclaration préliminaire. Plus précisément, je remarque votre expression de préoccupation au sujet de l'activité de surveillance civile qui serait minée par l'insuffisance des ressources, le manque d'accès et les questions d'indépendance.

    Je me demande si vous pourriez être un peu étoffer cela, et aussi mieux expliquer tout rôle actuel du Canada dans ses activités qui pourraient et devraient être améliorées, et comment. Plus précisément, j'ai été frappée par le vif intérêt et la discussion que suscite la nécessité d'une collaboration plus étroite. Je ne sais pas si la notion de partenariat complet est ce qu'il faut, ou s'il faut une meilleure collaboration et peut-être plus de complémentarité entre la surveillance civile et les mesures de protection et les activités militaires de maintien de la paix. Il me semble que celle-ci nécessiterait de meilleures communications, mais aussi, peut-être, une meilleure formation, de chacun dans les activités des autres, ce qui serait favorable à un partenariat plus clair et à une activité plus efficace. Peut-être pourriez-vous commenter cela.

    Ensuite, ma dernière question concerne cette exclusion quasi-systématique des femmes d'un côté, mais de l'autre côté, on reconnaît que ce sont les femmes qui souffrent le plus souvent de la violence, du conflit et, fait plus étonnant, qui sont le plus motivées pour s'engager plus loin dans le processus. Je me demande si vous pourriez parler plus concrètement de certaines des mesures que pourrait prendre le Canada. Est-ce qu'il faut plus de ce que nous faisons déjà, mais tout simplement plus, ou y a-t-il d'autres mesures plus efficaces que nous pourrions prendre que celles que nous appliquons déjà?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Au sujet du système de surveillance civile, comme je l'ai dit, il a été établi dans le cadre de certaines initiatives précoces d'établissement de la paix, par Danforth. Il est certain qu'il était appuyé par de nombreux groupes de la société civile, parce qu'auparavant, des accords avaient été conclus, comme vous le savez, pour un cessez-le-feu et la fin des agressions de civils, et ces accords étaient tout simplement violés en toute impunité. La question est donc devenue «Pouvons-nous créer un système de surveillance?». C'était un peu une espèce d'étalon pour mesurer le sérieux des intentions de parvenir à la paix. Je pense que, dans ce sens, cela a eu un effet positif.

    Au départ, il y a eu des difficultés à démarrer. C'était largement l'oeuvre des États-Unis. Plusieurs autres pays ont fourni quelques ressources, mais c'était dans le cadre de cette époque-là. Ensuite, nous sommes passés au processus de paix d'EGAD. Il y a eu tout de suite certaines critiques. Mais alors, de très bons rapports détaillés ont été émis sur ce qui se passait dans certaines régions pétrolières du Soudan, avec des comptes rendus très détaillés de ces attaques. Après cela, le groupe s'est fait refuser l'accès. Donc, après un rapport qui contenait beaucoup de détails, il semble qu'il y a eu quelque interférence, de fait, dans leurs opérations puisqu'après, on leur a refusé l'accès.

º  +-(1640)  

+-

    Mme Alexa McDonough: Y a-t-il eu participation du Canada?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Il y a un Canadien dans l'équipe, mais il n'est pas là pour représenter le Canada. Le gouvernement, ici, s'inquiète du mandat de ce groupe et se demande s'il a les compétences nécessaires, etc.

    Ensuite, il s'est divisé, et une partie travaille à Rumbek, dans le Sud, et l'autre à Khartoum. On a de plus en plus l'impression qu'il y a des délais et qu'on recoure à des espèces de procédures bureaucratiques pour saper son efficacité. Les États-Unis ont en quelque sorte modifié leur perception de la situation du Soudan, et de leur rôle là-bas, et les gens s'en inquiètent maintenant.

    Je crois, en ce qui concerne une orientation future, qu'il est question de relever du processus de paix. Est-ce que l'équipe pourrait relever des négociateurs en chef du processus de paix? Pourrait-elle être tout à fait indépendante? Pourrait-elle avoir les compétences qu'il lui faut?

    Ce n'est que pour faire enquête sur ces rapports, mais cela ferait beaucoup (a) pour mettre fin à ces attaques. Je veux dire que je pense pas que ce soit une coïncidence que nous voyions ces rapports d'attaques maintenant que la mission de surveillance est bloquée. Et (b) cela pourrait accroître la confiance du public—et c'est des deux côtés, en passant. Il est très important d'avoir quelqu'un qui peut faire enquête sur ces rapports d'attaques arbitraires sur des civils au Soudan. C'est la mission dont était chargé ce groupe. Alors, nous pensons que c'est un rôle important actuellement. Peut-être Ernie veut-il ajouter quelque chose à cela.

    Pour ce qui est de votre deuxième question, sur le maintien de la paix par les militaires et la surveillance civile...il n'y a pas de rôle de maintien de la paix pour les militaires actuellement au Soudan. Peut-être dans le futur, s'il y a une présence. Pour l'instant, ce n'est qu'une force de surveillance civile.

    En ce qui concerne l'exclusion des femmes, je pense que nous appuyons vraiment les efforts que fait le gouvernement canadien et que le gouvernement des Pays-Bas fait aussi pour essayer d'aider les femmes du Nord et du Sud à cerner leurs problèmes. Mais alors, la question devient comment les amener à la table et comment régler ces problèmes? J'appuie certainement les efforts que fait le sénateur Mobina Jaffer pour aider le pays à en être l'agent. Je crois que ce pourrait être une contribution importante.

+-

    M. Ernie Regehr: Très brièvement, sur la surveillance et le maintien de la paix. Je pense que si un accord est signé et qu'il est suivi par un cessez-le-feu réel, la situation, au plan de la sécurité, changera du tout au tout, et le pays pourra plus se concentrer sur les problèmes de sécurité locale et de comportement criminel. La prolifération des petites armes pose des problèmes.

    Je pense qu'il y a eu des discussions, certaines personnes ont proposé qu'une force plus traditionnelle de maintien de la paix entre dans le pays. Je n'ai pas suivi cette question d'assez près pour savoir si le Conseil de sécurité serait d'accord, et si cette suggestion ira quelque part.

    À bien des égards, ce genre de force traditionnelle de maintien de la paix, particulièrement lorsqu'elle a ses quartiers généraux en un lieu central, tandis que les problèmes de sécurité sont très répandus et dispersés, n'assume vraiment qu'une fonction policière. Je pense qu'elle participerait plus à des programmes de formation d'anciens combattants dans les services de policiers locaux et leur organisation. Quant à savoir quel sera la nature du rôle de surveillance dans cette situation, je ne le sais pas vraiment.

+-

    Le président: Karen, vous avez des questions?

+-

    Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Tout cela est tout à fait nouveau pour moi, je dois vous le dire, et je me sens un peu dépassée.

    Monsieur le président, je crois vraiment avoir besoin d'information, parce que je trouve que nous avons des témoins qui viennent devant le comité, qui vient seulement d'être créé, qui nous proposent des solutions à un problème dont je ne sais pas vraiment grand-chose. Il est certain que, en proposant des solutions, vous parlez aussi du problème. Mais je suis pour ainsi dire au niveau 101 ici. Mon nom n'était pas sur la liste. Tout un changement, n'est-ce pas?

    À moins que vous en ayez déjà parlé, j'aimerais vraiment comprendre un peu mieux ce qu'est la responsabilité de protéger. Ce rapport vient de l'International Commission on sovereignty and Humanitarian Intervention. Quel est le rôle qu'a joué le Canada là-dedans, et de quelle façon pensez-vous que cela puisse constituer un cadre pour encourager ce genre de chose, ou même ce qui est proposé?

    Alors, peut-être pouvons-nous avoir ce cours 101 sur ce document particulier en soi, parce que suis une fervente partisane de la surveillance. Je fais beaucoup de travail pour l'environnement, et je sais que rien n'arrive à moins qu'on mesure ce genre de chose. On a le point de départ, on voit l'évolution, et cela fixe aussi le feu des projecteurs sur le problème, qui est, lui aussi, d'une importance vitale.

    J'aimerais que vous puissiez répondre à cela.

º  +-(1645)  

+-

    M. Ernie Regehr: Eh bien, je peux parler un peu de la responsabilité de protéger. Je crois que Kathy en a traité dans son document, et peut-être pourrait-elle y ajouter quelque chose.

    La communauté internationale en est, elle aussi, au niveau 101 en matière de responsabilité de protéger. L'idée c'est que, lorsqu'une population court un grave danger et, soit qu'elle n'est pas protégés par son propre gouvernement ou est victime des abus de son gouvernement, la communauté internationale a la responsabilité d'intervenir pour l'aider et la protéger. C'est le genre d'obligation morale et normative fondamentale que nous avons tous, de nous porter au secours de ces gens.

    Dans mes observations préliminaires, j'ai dit que l'un des moments les plus émouvants que j'ai vécu a été alors que je visitais l'un de ces camps, dont les occupants m'ont demandé pourquoi le monde les avait abandonnés alors que nous montrions tant de zèle au Kosovo, où des vies avaient été perdues mais certainement pas les 2 millions qui ont été perdues au Soudan depuis 1983. Dans un cas particulier, ils m'ont dit «Ce sont des gens du Sud qui sont chrétiens»; ils ont dit «Nous sommes chrétiens. Ne l'êtes-vous pas? Pourquoi est-ce que l'Ouest chrétien ne s'intéresse pas à nous?» Ils ont l'impression d'être extraordinairement abandonnés. On pourrait en dire long là-dessus.

    Mais je pense que le rapport sur la responsabilité de protéger vise à provoquer une nouvelle prise de conscience de cette responsabilité de la communauté internationale à l'égard de ceux qui sont abandonnés et en péril.

    Je vais laisser Kathy expliquer le contexte dans lequel elle a appliqué cela dans la situation du Soudan. Mais si je peux ajouter une chose en particulier, certaines ONG ont demandé, dans le passé, que le sud du Soudan soit désigné zone d'exclusion aérienne. La raison de cette requête est qu'il y a beaucoup de traumatisme, beaucoup de gens sont déplacés dans le sud du Soudan en conséquence des bombardements par le gouvernement de Khartoum avec des moyens très peu sophistiqués, des avions à turbopropulseurs, qui ne font parfois que laisser tomber sur des civils des barils d'essence auxquels est attachée une mèche. Il n'y a absolument pas de cible militaire quand ils font cela. L'objectif unique, c'est de déplacer les populations, pour créer des personnes déplacées et déstabiliser la population pour qu'elle soit toujours en mouvement.

    Eh bien, il aurait très simple pour la communauté internationale d'intervenir ainsi pour arrêter cela. Avec un avion de combat CF-18, vous pourriez patrouiller le sud du Soudan et empêcher ces avions Antonov qui sont lents de survoler la région et d'y laisser tomber leurs bombes. Ce genre d'intervention très limitée aurait eu des avantages humanitaires absolument extraordinaires, mais bien sûr, il n'y a pas eu de volonté politique pour cela, parce que nous n'acceptons pas la responsabilité de protéger les vulnérables.

    Ce rapport qui a été diffusé, je pense, s'intègre dans une démarche visant à nous faire prendre conscience, ainsi qu'à tous les pays, de cette responsabilité.

º  +-(1650)  

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Je faisais un lien avec le Soudan, encore une fois, pour ce qui est d'accorder la priorité, relativement à cette question, à la protection des civils. Qui est à la table de négociation de la paix? Nous avons deux dictateurs militaires. Vous pouvez avoir un accord entre ces deux personnes-là. C'est ce que les Soudanais nous disent être leur plus grande crainte, qu'il puisse y avoir un accord entre ces deux-là, qui ne soit pas nécessairement, même, dans l'intérêt de la population.

    Je pense parfois que la communauté internationale veut tellement cet accord que nous pourrions avaliser quelque chose sans avoir exercé les pressions nécessaires pour aussi régler les problèmes que les civils nous exposent. C'est pour insister là-dessus.

    Le Canada a pris fermement position pour que la priorité soi là. J'espère qu'ils adhéreront à cette démarche pour vraiment faire en sorte qu'il y ait une protection pur les civils tandis que nous passons à l'étape suivante—et l'investissement dans la surveillance des droits de la personne en est un élément important, que l'attention soit donnée à ces questions des droits fondamentaux de la personne au Soudan.

    Ceux qui suivent la question de près savent que lorsque des rapports sont faits sur le Soudan, la situation s'améliore quelque peu. Ensuite, on ne peut plus avoir de rapport... Mais ces comptes rendus de la situation ont leur importance. J'espère que nous appuyons vraiment cela au Canada.

+-

    Mme Karen Kraft Sloan: Pourquoi le reste du monde a-t-il fait mine d'ignorer le Soudan? Cette question exige une réponse.

    Si vous permettez, monsieur le président, je siège à ce comité depuis deux mois, je dirais, et je siège aussi au comité des affaires étrangères, grâce à l'indulgence du président, mais j'ai trouvé certains points communs très intéressants.

    Parfois, ce que les gens comprennent des violations des droits de la personne a beaucoup à voir avec l'intérêt de leur propre pays. Je le répète, je n'offre qu'une théorie. Quels autres intérêts les autres pays ont-ils au Soudan, ou n'en ont-ils pas assez? Je pense qu'on peut ramener les choses à nous et saisir nos propres sphères de responsabilité, ce qui nous concerne.

    Vous parlez du problème des petites armes. Eh bien, où ces petites armes sont-elles fabriquées, et comment se retrouvent-elles dans ces régions? Il y a tout un domaine d'analyse. Qui a le plus d'intérêt à ce que ce conflit se poursuive au Soudan? À qui cela importe-t-il vraiment qu'il soit réglée?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Je ne peux résister à l'envie de répondre. C'est pourquoi certains d'entre nous se préoccupent tellement du rôle qu'a joué Talisman Energy et quelle part sa complicité a eu dans le déplacement de la population. Le point fondamental est qu'on change la dynamique. Ils peuvent continuer d'extraire cette ressource dans un climat de conflit, peut-être avec moins de contraintes qu'en temps de paix. C'est la dynamique du commerce dans un climat de conflit dont nous devons prendre le contrôle parce que les motivations traditionnelles en faveur de la paix ne sont pas nécessairement là. C'est un grand facteur en Angola. C'est la même chose au Congo. C'est plus avantageux, parfois, de poursuivre le conflit que de vivre en paix. C'est la dynamique à laquelle nous nous intéressons.

    Il y a certainement eu des violations des droits de la personne associées à cette situation, dont nous devons assumer une part de la responsabilité dans un contexte d'État avorton. Par exemple, si on veut des faits concrets, l'Organisation internationale de perspective mondiale nourrissait 15 000 personnes qui avaient été déplacées par cette compagnie pétrolière. Pourquoi les donateurs canadiens devraient-ils payer pour ça alors que c'était à un coût direct? C'est pourquoi nous établissions ce lien. C'est pourquoi nous les avons engagés dans le dialogue au départ, et ils ont abandonné ce dialogue.

    Je ne peux pas dire exactement pourquoi le Soudan a été ignoré. Certains facteurs géopolitiques plus vastes y sont certainement pour une part lorsque nous avons essayé d'intégrer le Soudan au Conseil de sécurité, et qu'une certaine résistance a été opposée à cette proposition. Vous avez de ces pays qui font l'équilibre des alliances. Je pense que cela a été un facteur. La question n'a jamais été examinée sérieusement. C'est vu comme un conflit civil à certains égards. Même après que le Conseil de sécurité ait déclaré que les problèmes d'agression de civils étaient une affaire de paix et de sécurité internationales, il a encore été difficile de faire inscrire le Soudan à l'ordre du jour.

    Je vous comprends bien, quand vous demandez si certaines violations des droits de la personne sont mises en valeur pour faire avancer les questions qui nous intéressent. Je suppose que vous voulions examiner tous les problèmes liés aux droits de la personne au Soudan. L'éventail serait plus large.

    Je suis sûr qu'une question qui vous intéresserait certainement est celle de l'esclavage. Un rapport émis récemment s'efforçait de documenter avec beaucoup de sérieux plus de 11 000 cas d'enlèvement pouvant correspondre à la définition de la Convention sur l'esclavage. Voilà un autre sujet qui n'est pas souvent à l'ordre du jour du Soudan.

    Peut-être insistons-nous sur les problèmes des femmes parce que le Canada a toujours été très actif relativement à la situation des femmes.

º  +-(1655)  

+-

    Mme Karen Kraft Sloan: Lorsque je dis droits de la personne, ce n'est pas tant au plan sectoriel qu'à celui des violations perpétrées par les États nations. Il est certain qu'il y a des types de violations des droits de la personne dont on devrait vraiment se préoccuper, mais il ne s'agit pas ici de celles-là. Et puis il y a ce modèle de réaction où on dit, dans quelle partie du monde est-ce que cela arrive? Et vous savez quoi? Peut-être allons-nous fermer les yeux. Par exemple, une journée de cette guerre illégale en Irak pourrait financer deux ans d'intervention au Congo. Mais où mettons-nous nos ressources?

    Monsieur Regehr, avez-vous des commentaires à faire là-dessus?

+-

    M. Ernie Regehr: Je voudrais seulement dire que je suis d'accord avec vous. J'ai insisté, au début, sur le fait que chacune des solutions que nous pouvons offrir, que ce soit la collecte des petites armes, la mise en oeuvre de mesures de sécurité locale, la constitution d'un organe policier, ou l'entreprise d'activités de genre réconciliation et conciliation—chacune de celles-ci coûte de l'argent et des ressources, et il nous faut les investir. Cependant, lorsque vous comparez ces coûts-là avec ceux dont nous parlions ce matin, la défense antimissile, ce n'est même pas de la petite monnaie tellement c'est peu.

    La perversion des priorités, dans notre partie du monde, est quelque chose d'extraordinaire, et je dois le dire, d'absolument inexplicable. Lorsqu'on s'assoie avec quelqu'un en tukul à Yei, dans l'ouest équatorial du Soudan, pour essayer d'expliquer pourquoi il est si important d'investir 10 milliards de dollars par année rien qu'à la recherche—des milliards, pas des millions—sur la défense antimissile mais qu'on ne peut offrir des mesures minimales d'aide aux gens du Sud, c'est impossible à expliquer.

+-

    Mme Karen Kraft Sloan: Ce n'est pas rationnel.

+-

    Le président: En ce qui concerne votre question, je pense qu'il y a eu une tendance à l'indifférence internationale et à ce qu'on qu'on pourrait appeler des crimes d'indifférence et des conspirations du silence depuis quelque temps maintenant autour du monde.

    Le Soudan est l'exemple dramatique du conflit le plus long qu'ait connu l'Afrique, avec deux millions de victimes et des millions, on n'en connaît pas exactement les chiffres, de personnes déplacées. Nous avons utilisé le mot qui commence avec un «g» auparavant, en ce qui concerne le Soudan—génocide, ou génocide par attrition, et si cela n'a pas suffit pour réveiller le monde, on se demande qu'est-ce qui pourra le faire.

    Sharon, vous avez vous-même dit il y a un moment que le sujet est nouveau pour vous. Ce sujet est d'actualité, où aurait dû l'être, depuis des années. Nous avons une situation, en ce qui concerne le Congo: 3,5 millions de personnes tuées depuis quatre ans. Ce n'est toujours pas un sujet d'actualité. Le Rwanda—nous savons ce qui est arrivé là-bas. Ce n'était pas seulement un génocide indicible, mais il est aussi indicible parce qu'il aurait pu être prévenu. Nous savions ce qu'il allait arriver, et nous l'avons laissé faire. Les massacres ont repris de plus belle au Burundi, et encore ailleurs—et encore, c'est le silence.

    Vous avez mentionné l'Irak. L'Irak a vécu deux situations de génocide et de nettoyage ethnique dans la campagne d'Anfal, contre le Kurdes du Nord en 1988, à la fin de la première Guerre du Golfe, contre les Musulmans shi'tes et arabes dans le Sud, et encore, nous ne sommes pas intervenus. On pourrait en dire encore long sur le sujet. Je pense qu'il se distingue par un horrible sens d'indifférence internationale, si ce n'est même, parfois, de complicité.

    Je pense que l'une des raisons pour lesquelles l'accent a été mis sur le Talisman c'est qu'on avait l'impression, ici, que ce n'était pas de l'indifférence à l'égard du Soudan, mais qu'il y avait une société représentant le gouvernement du Canada qui pourrait, de fait, être complice. C'est là que des questions ont été soulevées sur le Talisman. Ç'aurait pu être un moyen d'amener toute la question autour de laquelle on peut mettre en valeur la situation du Soudan.

    Je pense que la tendance, dans la communauté internationale, en a été une d'aberrante indifférence et de silence. Si ce comité peut, en quelque sorte, sonner le clairon de l'éveil pour le Soudan et d'autres endroits du monde, nous aurons fait quelque chose.

    Je m'excuse d'intervenir ainsi, mais il me fallait dire combien ces choses me mettent en colère. Il y a deux choses, nous l'espérons qui sont ressorties de ces massacres. La première, c'est le Tribunal criminel international, qui a averti les auteurs de ces crimes qu'ils peuvent maintenant être l'objet d'accusations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, depuis le 1er juillet 2002. Nous devons prendre cela au sérieux. Nous avons un tribunal qui sera bientôt sur pied, et nous devons avertir ces éventuels criminels qu'ils devront répondre de leurs actes.

    La deuxième chose, c'est ce rapport de l'International Commission on Intervention and State Sovereignty, qui présente trois thèmes, dont nous devons nous rappeler: l'un est la responsabilité de prévenir, dont on ne parle pas assez; la deuxième est la responsabilité d'intervenir si la prévention n'a pas été efficace, troisièmement, c'est la responsabilité de reconstruire. Ces trois responsabilités se chevauchent parfois, mais ce sont les impératifs que la communauté internationale doit toujours avoir à l'esprit.

    Keith, aviez-vous un commentaire?

»  +-(1700)  

+-

    M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca): Merci beaucoup, Kathy et Ernie, d'être revenus nous voir.

    Je suis tout à fait d'accord, Ernie, lorsque vous dites que les GOS, la SPLA et les autres groupes du Sud ont très peu de motifs d'encouragement à aller jusqu'au bout.

    Ma première question est la suivante : particulièrement en ce qui concerne le partage de la richesse et du pouvoir—les deux principales pierres d'achoppement des pourparlers actuels pour la paix—quelles pressions, selon vous, peuvent être exercées, tout d'abord par la communauté internationale et, deuxièmement, selon la perspective du Canada, pour amener les deux parties à la table de négociation en vue de la mise en oeuvre d'un processus efficace d'établissement de la paix?

    Dans les rapports que j'ai, très franchement, avec les deux parties—et j'ai traité avec les deux—je ne leur fais pas confiance autant que j'aimerais le pouvoir. Leur comportement a été répréhensible à l'extrême, à l'un comme à l'autre. Des pressions peuvent-elles être appliquées pour forcer ces deux groupes à venir négocier? Je pense qu'ils profitent tous les deux immensément de cette situation.

    Deuxièmement, est-ce qu'il faudrait soustraire la notion d'indépendance aux négociations d'établissement de la paix? Il me semble que les GOS le craignent certainement. L'Égypte ne tolérera pas de Sud indépendant, et le pays a vécu 500 ans, histoire sous les rois Funj, pendant lesquels le Sud était souverain dans un Soudan plus vaste. Les frontières du pays étaient intactes, mais il était plus autonome. Est-ce le modèle que vous recommandez?

    Vous pourriez nous écrire si le temps manque pour répondre à ces questions. Si vous savez quelque chose au sujet de l'appui des GOS à la LRA, qui a été créée, puis dissoute, si vous pouviez faire le point pour nous sur cet aspect, et aussi au sujet de l'appui de Museveni à la SPLA dans le nord de l'Ouganda, ce serait apprécié.

    J'ai eu beaucoup de difficultés à obtenir de bons renseignements sur place. Peut-être vos groupes savent-ils ce qui se passe là bas, et comment composer avec cette horrible situation.

    De plus, si vous pouvez répondre plus tard, l'argent qui va du pétrole...y a-t-il engagement de votre part, y a-t-il le moindre moyen que nous puissions pousser les GOS à consacrer une part des revenus du pétrole à des pratiques de reconstruction après conflit dans le Sud?

    J'ai seulement une observation à faire. Lorsque Colin, Roger et moi-même étions au Soudan, l'une des choses que j'ai remarquée, c'est la présence énorme des Chinois. Deuxièmement, il y avait beaucoup de petites armes toutes neuves d'origine chinoise dans les mains des troupes GOS. Je dis cela seulement qu'à titre d'information. J'ai vu les Chinois faire cela dans le sud du Sahara et en Afrique, à grande échelle. Ils glissent discrètement leurs armes dans les énormes ressources du continent. En contrepartie de que cet argent et de ces armes, les Chinois ont accès aux ressources du Sud.

    Si vous voulez nous écrire à ce sujet, ce serait apprécié, si vous avez des connaissances acquises sur le terrain là-dessus.

    C'est ma première question, mais j'apprécierais vraiment de savoir quelles pressions peuvent être appliquées sur ces deux groupes pour les amener à la table de négociation, en vue de la mise en oeuvre de ce dont ils parlent.

»  +-(1705)  

+-

    M. Ernie Regehr: Je n'ai pas une idée très juste des pressions qu'on peut exercer. Ils sont à la table de négociation et ils négocient. Ils ont convenu de certains principes de base. Ils subissent des pressions de leur propre population, particulièrement dans le Sud, pour parvenir à une entente visant la fin des combats. Les Soudanais que nous avons consultés ont vraiment insisté sur une présence internationale continue, et que ce soit à l'ordre du jour de la communauté internationale.

    Je n'ai rien à proposer qui puisse servir d'espèce de bâton ou de carotte plus spécifique pour l'instant. Peut-être Kathy a-t-elle autre chose.

    Pour ce qui est d'éliminer la question d'indépendance, je ne pense pas que ce soit possible de supprimer ce thème des négociations, pas plus qu'il n'est possible d'en éliminer l'éventualité de décider d'eux-mêmes de l'indépendance. Ces thèmes sont absolument incontournables. Je pense que c'est ce qui arrivera pendant la période de transition qui sera révélateur.

    Cela traduit l'avis de bien des Soudanais du Sud, qui est l'écho de ce que vous avez dit au sujet de 500 ans d'histoire, soit que «Nous, en tant que nation, avons une combinaison extraordinairement complexe et sophistiquée de traditions, alors pourquoi devrions-nous les abandonner pour devenir sectaires dans le Sud?». Beaucoup de Soudanais du Sud pensent ceci, mais il y en a aussi beaucoup qui ont perdu toute confiance dans le Nord et pour qui la séparation est l'unique porte de sortie. Cependant, c'est dans la transition que cette question sera réglée, et la façon dont elle sera réglée déterminera la manière dont ils pourront décider.

    Je pense que si vous éliminez ça des négociations, la lutte reprend. Je ne pense que pas ce puisse être...

+-

    M. Keith Martin: Je vois seulement ces deux groupes tirer tellement des profits du bois d'oeuvre, de l'eau, du pétrole et de l'or.

+-

    Mme Kathy Vandergrift: J'ai quelques commentaires à faire, qui pourraient être un peu plus spécifiques. Je pense que l'une des raisons pour lesquelles nous sommes tous tellement en faveur d'un renforcement des groupes de la société civile, c'est qu'ils exerceront certaines pressions.

    De plus, le Soudan veut des investissements. Le Soudan n'était pas heureux que le Talisman s'en aille. Le Soudan veut des compagnies européennes. Certaines s'y installent.

    Si vous pensez au groupe d'ONG européennes comme à une espèce de contrepartie de ce que nous avons ici, il a créé une espèce de points de référence pour le réinvestissement de l'Europe. L'Europe a en quelque sorte tenu à bout de bras cette carotte en disant si vous vous mettez d'accord à la table de négociations de la paix, nous réinvestirons au Soudan. Les ONG ont indiqués les points de référence qu'ils veulent voir en place avant de réinvestir. Je pense que ce pourrait être une carotte assez efficace.

    Autre chose, c'est que le Soudan a désespérément de besoin de soulagement de la dette. Le Canada détient actuellement une partie de la dette du Soudan. Le Canada a un siège au Paris Club, dont il est l'un des éléments récalcitrants au sujet de la dette du Soudan. Le Soudan souhaite une restructuration par le FMI.

    Je dirais établissons des points de référence pour évaluer le progrès avant de faire cela, mais c'est certainement un moyen d'influence. Comme vous, je pense que nous sommes nombreux à avoir réfléchi à des moyens de pression positifs et négatifs, et je pense que certains d'entre eux permettront d'établir ces points de référence. Ce ne pourrait pas être seulement un accord sur la paix. Ce devrait être au sujet des droits de la personne. Ce devrait être au sujet de l'investissement des revenus du pétrole pour aider la population, et à ce moment-là, peut-être le Canada pourrait-il être favorable à l'élimination des dettes du Soudan.

+-

    Le président: Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Je sais qu'il est très tard, et loin de vouloir excuser le président pour la vivacité de ses commentaires sur les crimes d'indifférence, de complaisance et même de complicité, ces commentaires traduisent bien notre pensée, du moins, je voudrais exprimer ce point de vue personnellement et ne pas prendre plus de temps pour réitérer le même genre de propos.

    J'avais cependant une question bien spécifique à poser. Vous avez parlé, madame Vandergrift, d'une étude récente qui documentait 11 000 cas d'esclaves potentiels. J'aimerais que vous nous indiquiez ce rapport pour que nous puissions en faire un suivi.

»  -(1710)  

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Bien entendu.

    Dans le cadre du mandat du sénateur Danforth, une commission internationale a fait des travaux sur la question de l'esclavage et des enlèvements. C'est un problème depuis longtemps, que posent les plus souvent des troupes associées au gouvernement du Nord, dans le Sud. Donc, il y a un rapport avec le conflit. Cette commission a diffusé un rapport stellaire. Une avocate canadienne, Georgette Gagnon, en faisait partie.

    Par la suite, le gouvernement du Soudan, techniquement parlant, aurait dû répondre à ce rapport de la commission sur l'esclavage, mais il ne le fait pas. Donc, un groupe appelé Rift Valley Institute, dont John Ryle est membre, un Africain d'origine britannique qui connaît très bien le Soudan, et un professeur soudanais, a commencé à constituer une base de données et à documenter certains de ces cas. Ils ont en récemment communiqué le premier volet. Je pense que nous avons été nombreux à être choqués d'y trouver plus de 11 000 entrées, mais ils essaient de documenter les cas qui, en fait, sont visés par la convention sur l'esclavage.

    L'un des aspects intéressants, parce qu'il nous concerne, c'est qu'en vertu de la convention sur l'esclavage, si le premier gouvernement ne réagit pas, la communauté internationale est, en fait, obligée de le faire.

    Donc, où cela mènera-t-il lorsque l'on se penchera là-dessus, à la lumière du processus de paix, c'est une question...mais je ne pense que nous devrions fermer les yeux là-dessus. Le travail de John Ryle est certainement de nature stellaire par rapport à d'autres rapports sur le droits de la personne. Je pense qu'il faudrait l'examiner.

+-

    Mme Alexa McDonough: Est-ce que nous pourrions obtenir un exemplaire de ce rapport pour les membres du comité?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Oui, et j'ai aussi le rapport Watchlist on Children.

+-

    M. Keith Martin: De quelle étude de la Banque mondiale parliez-vous?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Je vais devoir vous envoyer celui-là.

+-

    M. Keith Martin: Le pouvez-vous? Ce serait vraiment bien.

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Une évaluation de leur programme d'industries extractives.

+-

    M. Keith Martin: Si vous pouvez seulement nous dire où nous pouvons le trouver, nous le trouverons.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: J'aimerais pouvoir terminer en posant une question à l'un ou l'autre d'entre vous, sinon les deux, au sujet du rôle du Canada dans le processus de paix lui-même et dans le processus de paix d'EGAD. Pensez-vous que notre rôle a été marginalisé? Pensez-vous que nous pourrions y jouer un rôle plus grand?

    Ernie, je sais que vous avez vos idées là-dessus et peut-être avez-vous des commentaires?

+-

    M. Ernie Regehr: J'ai vraiment l'impression que nous avons été radicalement marginalisés, que nous ne jouons pas un très grand rôle. Il y a eu une époque où nous étions plus engagés, plus activement engagés au plan diplomatique, dans le processus des amis d'EGAD. Nous ne sommes plus l'un des principaux pays-ressource.

    Quand on voyage dans la région, on rencontre les Norvégiens. Ils sont très actifs, et ils ont beaucoup d'influence. Ils ont l'appui actif de leur ministre de la Coopération, qui est quelqu'un de très dynamique et efficace sur cette scène, dont la contribution est énorme.

    J'ai souvent pensé qu'on ressent une espèce de gêne, lorsque des gardiens de la paix sont envoyés quelque part sans des gardiens de la paix du Canada. Pourquoi ne sommes-nous pas gênés lorsque nous devenons marginalisés au niveau diplomatique dans un processus de paix d'importance vitale? C'est vital pour le peuple du Soudan, et pour la région. Il faut y accorder un bien plus grande priorité, il faut un engagement beaucoup plus grand. Je ne pense pas qu'il soit trop tard pour cela.

    Comme je le disais tout à l'heure, à bien des égards, c'est quand les accords de Machakos seront signés et la période de transition sera entamée que le véritable processus de paix commencera. Ce sera le moment propice, pour nous, pour nous réengager fermement dans le processus.

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    Le président: Je tiens à vous remercier tous les deux d'être venus ici aujourd'hui. Votre témoignage a été très utile. Votre expérience au Soudan, sur le terrain ainsi que l'expertise que vous avez acquise ont été très utiles à notre étude. Merci beaucoup.

    La séance est levée.