ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent de l'environnement et du développement durable
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 12 mai 2004
¹ | 1530 |
Le président (L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)) |
M. William Kennedy (directeur exécutif, Commission de coopération environnementale) |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
Le président |
¹ | 1550 |
M. Bob Mills (Red Deer, PCC) |
M. William Kennedy |
M. Bob Mills |
M. William Kennedy |
¹ | 1555 |
M. Bob Mills |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD) |
º | 1600 |
M. William Kennedy |
º | 1605 |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
M. William Kennedy |
M. Charles Hubbard |
M. William Kennedy |
M. Charles Hubbard |
º | 1610 |
M. William Kennedy |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. William Kennedy |
M. Charles Hubbard |
M. William Kennedy |
M. Victor Shantora (chef, Division des polluants et de la santé, Commission de coopération environnementale) |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
M. William Kennedy |
º | 1615 |
M. Paul Szabo |
M. William Kennedy |
M. Victor Shantora |
M. Paul Szabo |
Le président |
M. William Kennedy |
º | 1620 |
M. Paul Szabo |
M. William Kennedy |
Le président |
M. Julian Reed (Halton, Lib.) |
M. William Kennedy |
M. Julian Reed |
º | 1625 |
M. William Kennedy |
M. Julian Reed |
Le président |
M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ) |
M. William Kennedy |
M. Bernard Bigras |
M. William Kennedy |
M. Bernard Bigras |
º | 1630 |
M. William Kennedy |
M. Bernard Bigras |
M. William Kennedy |
M. Victor Shantora |
M. Bernard Bigras |
M. William Kennedy |
Le président |
M. William Kennedy |
º | 1635 |
Le président |
M. William Kennedy |
Le président |
M. William Kennedy |
Le président |
M. Victor Shantora |
Le président |
M. William Kennedy |
º | 1640 |
Le président |
M. William Kennedy |
Le président |
M. Bob Mills |
M. William Kennedy |
M. Bob Mills |
º | 1645 |
M. William Kennedy |
M. Bob Mills |
M. William Kennedy |
M. Bob Mills |
M. William Kennedy |
M. Bob Mills |
M. William Kennedy |
Le président |
L'hon. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.) |
º | 1650 |
Le président |
M. Bernard Bigras |
M. William Kennedy |
º | 1655 |
M. Bernard Bigras |
M. William Kennedy |
Le président |
M. Joe Comartin |
M. William Kennedy |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Paul Szabo |
» | 1700 |
M. William Kennedy |
M. Paul Szabo |
M. William Kennedy |
M. Paul Szabo |
Le président |
» | 1705 |
M. William Kennedy |
Le président |
M. William Kennedy |
Le président |
M. William Kennedy |
Le président |
M. William Kennedy |
Le président |
M. William Kennedy |
Le président |
M. William Kennedy |
Le président |
M. William Kennedy |
» | 1710 |
Le président |
L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.) |
M. William Kennedy |
L'hon. Diane Marleau |
M. William Kennedy |
L'hon. Diane Marleau |
M. William Kennedy |
L'hon. Diane Marleau |
M. William Kennedy |
L'hon. Diane Marleau |
Le président |
M. William Kennedy |
Le président |
» | 1715 |
M. William Kennedy |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'environnement et du développement durable |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 12 mai 2004
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Nous allons aujourd'hui avoir de bons échanges avec des représentants de la Commission de coopération environnementale. Vous vous rappelez peut-être qu'elle a été instituée au moment de l'accord ALENA sous forme d'initiative parallèle dans le but de traiter des questions environnementales en Amérique du Nord. Nous avons la chance de recevoir deux distingués fonctionnaires, M. Kennedy, directeur exécutif, et M. Shantora, chef de la Division des polluants et de la santé et auparavant scientifique éminent d'Environnement Canada, si je me souviens bien.
Bienvenue, messieurs. Vous avez la parole et, bien sûr, après vos exposés, nous aurons une intéressante période de questions. C'est à vous.
M. William Kennedy (directeur exécutif, Commission de coopération environnementale): Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Il me fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui pour la première fois en tant que nouveau directeur exécutif de la Commission de coopération environnementale. Je sais que vous portez un intérêt particulier aux travaux de la commission et je suis heureux de vous présenter les activités récentes de cette organisation et de vous donner un aperçu de ses orientations futures.
[Traduction]
Avant de commencer mon exposé, je devrais peut-être dire quelques mots pour me présenter. J'occupe le poste de directeur exécutif depuis maintenant six mois.
Comme vous le savez, le poste de directeur exécutif de la CCE est occupé en alternance. Le premier directeur exécutif était un ressortissant mexicain, M. Victor Lichtinger, qui par la suite est devenu ministre de l'Environnement du Mexique. Le deuxième, mon prédécesseur immédiat, était une Canadienne, Mme Janine Ferretti. Bien sûr, dans l'intervalle, entre son départ et mon arrivée, mon collègue Victor Shantora a été directeur intérimaire, avant de retrouver son poste actuel de chef de la Division des polluants et de la santé.
Je suis le troisième directeur exécutif et je suis ressortissant américain. Je suis né au Colorado où je suis allé à l'école et où j'ai grandi, mais je devrais dire que dans une certaine mesure, je ne suis pas un Américain typique, puisque j'ai passé la plupart de ma vie en Europe. En fait, ces quelque 20 dernières années, avant de rentrer en Amérique du Nord, j'étais en Europe, à titre de directeur de la politique environnementale à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD, à Londres et ce, pendant 11 ans. Contrairement aux antécédents de mes prédécesseurs, je n'ai pas travaillé dans le secteur gouvernemental ou environnemental, mais dans le secteur privé, dans le domaine des finances et des affaires.
Je suis toutefois très heureux d'occuper ce poste et d'être au Canada. Peut-être pourrais-je dire au comité que pendant mes années à Londres, mes collègues britanniques m'ont souvent dit que je parlais bien l'anglais et que je pourrais passer pour un Canadien. Depuis que je suis à Montréal, je n'ai pas entendu pareil commentaire, mais je considère m'être très bien adapté à votre pays où j'aime vivre et travailler.
J'aimerais commencer par vous brosser un tableau rapide de la CCE même si je n'apprendrai sans doute rien de nouveau à la plupart des membres du comité, puisque vous avez bien sûr déjà entendu parler de la CCE. Permettez-moi toutefois de dire rapidement quelques mots au sujet de la CCE pour ceux qui ne la connaissent pas.
Tout d'abord, comme vous le savez, le continent nord-américain compte 400 millions d'habitants, dispose d'un écosystème commun et même si nous avons des frontières politiques, l'air, l'eau et les espèces ne les respectent pas nécessairement, mais les traversent très aisément. Le travail de la CCE consiste essentiellement à régler les questions relatives à cet écosystème commun.
Comme vous le savez, l'ALENA qui a été promulgué il y a 10 ans a doublé les échanges entre nos trois pays, qui s'élèvent actuellement à près de 11 billions de dollars de biens et services, faisant de l'ALENA le plus grand bloc commercial du monde.
Pour ce qui est de la CCE elle-même, je remarque qu'elle a été instituée en 1994. Comme vous le savez peut-être, l'ALENA était négocié et prêt à être signé lorsqu'il y a eu un changement de gouvernement aux États-Unis. Plusieurs organisations environnementales étaient préoccupées par les éventuels effets environnementaux de l'ALENA ainsi que par des questions de main-d'oeuvre; elles craignaient que, sous la forme négociée de l'accord en 1994, les questions environnementales n'avaient pas été examinées comme il le fallait. Plutôt que de renégocier l'accord ALENA, les trois parties ont convenu d'un accord additionnel, d'un accord parallèle à l'ALENA, l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement, qui est à l'origine de la CCE.
La structure de la CCE est unique en son genre. Il n'y a pas d'autres organisations environnementales internationales ou de secrétariats associés à un accord commercial ou à n'importe quel autre accord qui ressemblent à la CCE.
La CCE compte essentiellement trois organismes principaux, le premier étant le Conseil. Le Conseil de la CCE se compose des trois ministres de l'Environnement—ou, plus précisément, devrais-je dire, les ministres de l'Environnement du Canada et du Mexique, ainsi que l'administrateur de l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis. Le Conseil se réunit une fois par an, en juin. La prochaine réunion du Conseil doit avoir lieu le mois prochain à Puebla, au Mexique, mais entre ces rencontres annuelles, le Conseil est représenté par ce que nous appelons les représentants adjoints qui sont, essentiellement, les chefs des bureaux internationaux des trois ministères. Les représentants adjoints se rencontrent trois ou quatre fois entre les séances du Conseil et ce dernier approuve le programme de travail du secrétariat.
¹ (1535)
Le secrétariat, que j'ai maintenant le privilège de diriger, est situé, comme vous le savez, à Montréal. Notre personnel se compose de près de 60 professionnels et personnel d'appui, également répartis entre ressortissants canadiens, mexicains et américains. Nous avons également un petit bureau technique à Mexico.
Le troisième élément, unique à la CCE, le CCPM, soit le Comité consultatif public mixte, se compose de 15 ressortissants, cinq de chacun des trois pays. Fait intéressant, les cinq membres du Canada et du Mexique sont nommés par les ministres de l'Environnement, tandis que les cinq membres américains sont nommés par le président des États-Unis.
La mission de la CCE est vaste. Elle vise essentiellement à faciliter la coopération et la participation du public pour promouvoir la conservation, la protection et la mise en valeur de l'environnement dans le contexte de la multiplication des liens économiques et commerciaux.
Lorsque j'ai appris à connaître la CCE, j'ai été très surpris, car j'avais compris, compte tenu de son origine en tant qu'accord parallèle à l'ALENA, que la CCE s'occupait uniquement de questions environnementales et commerciales. Comme vous le savez bien sûr, son mandat est beaucoup plus vaste. Outre les activités qui se rapportent strictement à l'environnement, à l'économie et au commerce, elle parraine un programme coopératif beaucoup plus vaste dans le domaine de l'environnement entre les trois pays.
Nous avons essentiellement quatre buts, que je ne vais pas vous lire; vous pouvez les voir à l'écran. Ils soulignent les divers rôles que nous jouons pour favoriser la compréhension de l'état de notre environnement. Nous publions un rapport sur l'état de l'environnement ainsi que des rapports annuels. Nous faisons office de catalyseur de l'amélioration des lois et politiques environnementales par l'application des articles 14 et 15 de notre processus, soit le mécanisme des communications des citoyens que vous connaissez. Nous mobilisons la coopération en vue de résoudre des problèmes cruciaux par l'entremise de recherches indépendantes et constituons une tribune permettant le dialogue avec le public et la participation des citoyens par l'entremise du CCPM et par d'autres moyens.
Au chapitre de nos réalisations au cours des dix dernières années, vous pouvez voir que nous avons quatre secteurs de programmes : la biodiversité, l'environnement et le commerce, le droit et les politiques et enfin les polluants et la santé. Comme je l'ai déjà dit, ce sont les principaux secteurs de coopération entre les trois pays.
Nous effectuons également des analyses ciblées distinctes—ou du moins pourraient-elles l'être—en plus de ces secteurs, en vertu de l'article 13 de l'accord parallèle. Il s'agit de mon article préféré, puisqu'il permet au directeur exécutif de décider d'entreprendre une étude sur n'importe quelle question relative à l'environnement en Amérique du Nord touchant les trois pays et de commander ce travail. Nous avons publié plusieurs rapports sur l'article 13—cinq, pour être exact. Le plus récent, qui va être publié sous peu, nous l'espérons, d'ici les quelques prochaines semaines, porte sur le maïs transgénique et ses effets au Mexique.
Comme vous le savez, nous avons également le mécanisme des communications des citoyens sur les articles 14 et 15, et je vais en parler un peu plus en détail à la prochaine diapositive.
Je vais maintenant dire quelques mots au sujet des activités récentes auxquelles j'ai également participé depuis que je me suis joint à la CCE. Il faut parler d'abord de la participation des provinces. À mon arrivée à la CCE, j'ai appris que dans le cas du Canada, non seulement le gouvernement fédéral, mais aussi trois provinces canadiennes, avaient signé l'accord parallèle : le Québec, le Manitoba et l'Alberta. Je n'ai pas encore eu l'occasion de me rendre au Manitoba, mais j'ai eu des conversations en Alberta et au Québec afin de savoir pourquoi ces deux provinces avaient signé cet accord et ce qu'elles obtenaient de la CCE. En fait, cette question m'a été posée en retour, puisque même si ces provinces ont signé l'accord, il n'y a pas eu beaucoup de coopération entre le secrétariat et les provinces.
Nous prenons des mesures pour régler ce problème et je viens juste d'apprendre qu'à notre prochaine réunion du Conseil, au Mexique, en juin, non seulement les ministres de l'Environnement des trois pays seront présents, mais aussi le ministre Mulcair, ministre de l'Environnement du Québec. L'Alberta a également indiqué qu'elle souhaitait travailler plus étroitement avec nous dans le domaine de la création de capacités environnementales avec les États-Unis et le Mexique.
¹ (1540)
La participation du secteur privé est un autre domaine au sujet duquel je veux personnellement favoriser une plus grande coopération, puisque je viens d'une banque privée. Il me semble que dans le passé, la CCE, alors qu'elle a très bien coopéré avec les gouvernements et les organisations environnementales, ne l'a pas autant fait avec le secteur privé. À mon avis, nous devons renforcer les partenariats et nous allons probablement recommander de le faire d'ici le rapport de l'examen décennal, dont vous avez entendu parler et dont je vais vous entretenir dans un instant.
Récemment, nous avons fait une étude de la qualité de l'air et de la santé des enfants et il y a quelques mois, nous avons publié un rapport sur la qualité de l'air dans la ville frontalière de Ciudad Juaréz, montrant le lien qui existe entre la qualité de l'air résultant d'une augmentation du trafic des camions à la frontière et les effets sur la santé des enfants, voire même la mortalité infantile.
Nous avons également récemment examiné les espèces exotiques envahissantes. Nous avons entamé un programme de travail, dans le cadre de notre travail sur la biodiversité, pour examiner les effets des espèces exotiques qui arrivent en Amérique du Nord et dans les eaux territoriales de chacun des pays par suite de l'augmentation des échanges; nous voulons aussi déterminer les effets que cela pourrait avoir sur nos écosystèmes environnementaux et sur la santé.
Comme je l'ai dit plus tôt, nous terminons également un travail sur un rapport sur le maïs en vertu de l'article 13. Nous avons dressé la liste des objectifs de ce rapport.
Vous savez sans doute que depuis l'ALENA, le volume des importations de maïs au Mexique a triplé et qu'il s'agit surtout de maïs transgénique. Incités par des organisations environnementales, nous avons entrepris ce rapport pour examiner les effets probables des utilisations actuelles et futures du maïs transgénique au Mexique. Une version provisoire du rapport a été présentée lors d'une réunion spéciale tenue à Oaxaca, au Mexique, il y a plusieurs mois, et nous prévoyons que le rapport final sera présenté d'ici deux ou trois semaines.
J'en arrive maintenant rapidement au processus institué en vertu des articles 14 et 15; comme vous le savez sans doute, ces articles définissent le mécanisme qui permet à n'importe quel citoyen des trois pays qui considère que l'un des trois pays omet d'assurer l'application efficace de sa législation environnementale—et je devrais souligner que cela ne se rapporte pas uniquement aux questions commerciales, mais à n'importe quelle loi environnementale touchant des activités internes—de demander officiellement à la CCE de mener une enquête et de préparer ce que l'on appelle un dossier factuel.
Depuis la création de la CCE, 43 communications ont été présentées, dont 14 visent le Canada, et neuf dossiers factuels ont été constitués jusqu'ici. Par conséquent, plusieurs de ces communications n'ont pas eu de suite, pour une raison ou une autre.
Deux dossiers factuels visant le Canada sont en train d'être constitués à l'heure actuelle. Le premier vise l'industrie des pâtes et papiers, notamment l'omission présumée d'appliquer la Loi sur les pêches et le Règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers à l'encontre d'usines particulières en Ontario, au Québec et dans les Maritimes; le deuxième dossier factuel en train d'être constitué vise l'exploitation forestière en Ontario et l'omission présumée d'appliquer le Règlement sur les oiseaux migrateurs en rapport avec l'industrie forestière en Ontario.
Permettez-moi de conclure par deux diapositives, l'une portant sur les orientations futures de la CCE, et la dernière, sur les priorités futures envisagées. Comme je l'ai indiqué au début, les parties, parallèlement au 10e anniversaire de l'ALENA et de la CCE, ont commandé un examen décennal de la CCE. Cet examen est effectué par une équipe d'experts indépendants, deux de chaque pays. Les deux membres canadiens sont Pierre-Marc Johnson et M. Bob Page. En fait, M. Johnson a été élu président de ce comité composé de six membres qui a commencé ses travaux l'automne dernier et qui vient juste de présenter une ébauche de rapport aux gouvernements et au secrétariat. Le rapport final, qui renfermera leurs recommandations, sera présenté aux ministres lors de leur rencontre à Puebla, au Mexique, à la fin juin.
¹ (1545)
Compte tenu du travail du comité chargé de l'examen décennal jusqu'ici et de l'ébauche de son rapport, je peux énumérer les futures priorités de la CCE qui semblent en découler.
La première qui, à mon avis, semble très claire, c'est que la CCE doit se concentrer plus précisément sur un nombre restreint de projets et d'activités. Le programme de travail de la CCE s'est considérablement élargi ces dix dernières années et il faudra sans aucun doute établir des priorités.
La deuxième consistera probablement à faire davantage office de catalyseur de l'action et à donner des conseils politiques, plutôt que de se concentrer sur des projets et leur mise en oeuvre sur le terrain.
La troisième visera très probablement à mettre l'accent sur l'intensification du renforcement des capacités dans la gestion environnementale en général, et au Mexique en particulier.
Enfin, il faut multiplier le nombre de partenariats. Comme je l'ai indiqué, j'ai vraiment l'impression que le comité recommandera au gouvernement de travailler plus étroitement avec le secteur privé et probablement avec les Autochtones également.
Autant que je sache, les gouvernements réagiront aux recommandations du rapport décennal sous forme de déclaration—qui sera probablement appelée la « Déclaration de Puebla », vu que le Conseil se réunira à Puebla—indiquant ainsi leur réaction initiale aux recommandations et traçant la voie de l'avenir pour les 10 prochaines années de la CCE...
C'est ainsi que je conclus mon exposé, monsieur le président, et merci beaucoup de m'avoir donné la possibilité de prendre la parole devant vous.
Le président: Merci de nous avoir brossé un tableau très complet, monsieur Kennedy.
Je suis sûr que mes collègues vont vouloir commencer la période de questions. Nous débutons par M. Mills, qui dispose des cinq minutes habituelles, suivi par M. Gagnon, M. Comartin, M. Hubbard et M. Szabo, jusqu'à maintenant.
Monsieur Mills.
¹ (1550)
M. Bob Mills (Red Deer, PCC): Merci, monsieur le président.
Bienvenue à nos invités. Dites bonjour de ma part à Bob Page que je connais depuis de nombreuses années.
Ma question porte véritablement sur la façon dont votre agence fonctionne quand elle est saisie d'un problème particulier, et beaucoup de gens ici vont sans doute se lasser d'entendre parler de Sumas Energy 2. Il s'agit d'une usine électrique, l'une des 13 prévues dans l'État de Washington, directement à la frontière; elle utilise l'eau d'un aquifère qui se trouve au Canada, va essentiellement déverser des polluants dans le bassin atmosphérique de la vallée du fleuve Fraser et installer des lignes électriques aériennes au-dessus de la ville d'Abbotsford, puisqu'elles ne sont pas autorisées dans l'État de Washington...
J'ai rencontré le gouverneur, j'ai rencontré le ministre de l'Environnement au Canada et j'ai rencontré plusieurs membres du Congrès. Treize usines de ce genre étaient proposées, ce qui a fait l'objet d'un débat public; j'ai pu intervenir aux États-Unis au nom des Canadiens et j'ai alors eu la possibilité de présenter le problème environnemental. Le problème c'est que j'ai eu beaucoup de mal à intervenir au Canada parce que, tout d'abord, on m'a dit que je ne vivais pas là. Puis, on m'a dit que les avocats de la société américaine refusaient de me voir comparaître. Je n'ai pas bien compris.
Toujours est-il, ce que j'ai dit essentiellement, c'est qu'il existe des accords internationaux stipulant que pour tout ce qui traverse la frontière—et nous parlons de l'air, de l'eau et, dans ce cas, d'électricité, —en fait, ces agences devraient participer. J'ai demandé au CCPM pourquoi il ne participait pas et on m'a répondu qu'il ne pouvait intervenir que sur la demande des deux gouvernements fédéraux, demande qu'il n'a pas reçue. J'ai posé des questions au sujet de la Clean Air Act et de la Clean Water Act et on m'a répondu que ces lois ne s'appliquaient qu'à l'Ontario et au Québec et non dans l'Ouest canadien. J'ai envoyé une lettre à la CCE il y a quelques années sans obtenir de réponse.
J'ai présenté donc mon argument en vertu de ces accords internationaux. Nous avons remporté la première manche, puisque l'ONE a rejeté la proposition aux États-Unis, en ce qui a trait au Canada. La société en a interjeté appel, dont sont saisis actuellement les tribunaux. Ce que je veux savoir, c'est comment cela a-t-il pu se produire.
Jusqu'à 8 000 personnes ont participé aux manifestations organisées, sans compter les réunions des conseils municipaux et du gouvernement provincial. Beaucoup de gens aux États-Unis, dans toute la région de Sumas, étaient irrités. Whatcom County, aux États-Unis, a fait circuler des pétitions. Et pourtant personne, du point de vue international, ne s'est penché sur la question ou est intervenu.
Douze autres usines sont prévues, et il ne faut pas oublier l'appel. Comment mettre en branle votre groupe pour régler un problème particulier comme celui-ci, indépendamment de l'endroit où il se produit à la frontière?
M. William Kennedy: Tout d'abord, permettez-moi de dire que je ne connais pas personnellement la problématique relative à Sumas Energy 2. Je suis désolé de la réponse du CCPM qui n'est pas satisfaisante, mais certainement, à l'instar de ce comité, je ne crois pas que nos trois gouvernements nous aient demandé de nous pencher sur cette question—de toute évidence, le Mexique ne l'aurait pas fait, contrairement aux États-Unis ou au Canada.
M. Bob Mills: Désolé, puis-je brièvement vous interrompre?
Nous avons à San Diego le même genre de situation. Les gouvernements mexicain et américain, si je ne me trompe, ont présenté une demande, ont fait faire une étude. Il semble que nous ne puissions pas faire de même au Canada.
Je le répète, comment procéder? Quelles mesures, qui n'ont pas été prises, faudrait-il prendre?
M. William Kennedy: Eh bien, il me semble qu'il existe un élément déclencheur; si vous demandez quelle loi ou quel accord permettrait de régler votre situation, ce serait essentiellement la loi relative à l'évaluation des impacts environnementaux.
Lorsque je suis arrivé à la CCE, j'ai appris—et vous le savez sans doute—qu'une partie de l'accord instituant la CCE enjoignait les trois parties—si je ne me trompe en l'espace de trois ou quatre ans—de présenter un accord tripartite sur l'évaluation des impacts environnementaux. En d'autres termes, dans des situations comme celles-ci où un projet proposé dans une compétence touche les deux autres, les pays avoisinants pourraient participer aux décisions et les impacts environnementaux des effets transfrontaliers seraient également envisagés.
J'ai appris que même si l'accord parallèle renferme cette disposition, les négociations au sujet de cet accord trilatéral sur l'évaluation des impacts environnementaux ont été rompues il y a quelques années. Nous sommes donc essentiellement arrivés à une impasse. Si je comprends bien, comme les questions d'impacts environnementaux transfrontaliers sont essentiellement de nature bilatérale, même si la CCE parvenait à un genre d'accord trilatéral sur l'évaluation des impacts environnementaux, ce qu'elle pourrait faire serait limité, puisqu'elle devrait examiner les effets sur les trois pays. Autant que je sache, l'examen de ces questions se poursuit maintenant dans un contexte bilatéral—entre le Canada et les États-Unis, ou entre les États-Unis et le Mexique—dans le but de parvenir à des ententes relatives à l'évaluation de ces effets transfrontaliers touchant les parties visées des deux côtés de la frontière.
Si vous voulez que la CCE se penche sur ce problème, il faudrait, je suppose, que cette disposition de l'accord parallèle visant l'élaboration d'un accord d'évaluation environnementale soit ressuscitée et que nous soyons tenus d'y donner suite. C'est une façon de faire.
Une autre façon consiste à invoquer le mécanisme institué en vertu des articles 14 et 15; vous avez d'ailleurs parlé du Mexique et des États-Unis. Il y a plusieurs années, une communication a été faite en vertu des articles 14 et 15 à propos d'une installation située à Tijuana, le projet Metales y Derivados, parce que le Mexique avait omis d'assurer l'application de ses lois environnementales et que des problèmes se posaient en matière de substances toxiques, contamination du sol, etc. Par suite du dossier factuel que nous avons établi, les gouvernements américain et mexicain prennent maintenant des mesures d'assainissement. L'agence de protection de l'environnement des États-Unis a récemment annoncé le versement d'une subvention pour procéder à cet assainissement. C'est donc grâce au mécanisme des communications des citoyens que ce genre de chose peut se régler.
Pour ce qui est de la CCE, je crois essentiellement qu'elle peut envisager la question de deux façons.
¹ (1555)
M. Bob Mills: Lorsque nous avons examiné cette affaire américaine, il semblait qu'elle touchait les citoyens américains; par conséquent, des mesures ont été prises, puis le gouvernement mexicain a été forcé d'agir. Toutefois, il s'agit ici de citoyens canadiens qui sont visés et nous nous sommes sentis complètement écartés de toute aide de tout gouvernement, où que ce soit.
La vallée du Fraser est le deuxième bassin atmosphérique le plus fortement pollué au Canada—c'est une vallée entourée de montagnes. Nous allons maintenant déverser cinq millions de tonnes de polluants dans l'atmosphère chaque jour. Si 13 de ces usines ouvrent, vous pouvez imaginer les effets sur les résidents de cette région ainsi que les risques possibles sur la santé, etc.
Nous n'avons tout simplement pas pu faire intervenir les deux gouvernements, même si comme je le dis, je me suis senti très à l'aise lorsque j'ai témoigné aux États-Unis. On était prêt à m'écouter aussi longtemps que je le voulais—et cela peut durer longtemps, Joe. Mais au Canada, ce n'était pas... Ce sont les avocats de la société qui craignaient le plus les témoignages, ils ne voulaient absolument pas parler de cette affaire internationale.
De toute évidence, il faudrait agir et je vous remercie de vos observations.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Mills.
[Français]
Monsieur Gagnon, avez-vous des questions? Non? Merci.
[Traduction]
Monsieur Comartin, vous avez la parole.
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Monsieur le président, après avoir lu l'ordre du jour, j'avais en fait sérieusement envisagé de ne pas venir aujourd'hui, mais je me suis dit qu'il serait bon de faire quelques observations. Peut-être M. Kennedy sera-t-il prêt à réagir.
Monsieur Kennedy, je viens de la région de Windsor, en face de Detroit. L'atmosphère que l'on y retrouve est la plus polluée au pays, pour ce qui est d'une ville de notre importance à tout le moins. Le trafic des camions qui s'est multiplié par suite des accords commerciaux y a fortement contribué.
Je me suis battu—très franchement—contre les ententes commerciales au fil des ans en raison des questions environnementales qui en ont découlé, sans compter que la CCE nous apparaît comme un tigre de papier qui laisse croire aux collectivités des trois pays qu'elle est là pour les servir. En fait, ces dix dernières années, c'est tout le contraire qui s'est passé. Qu'il s'agisse d'ingérence politique... Lorsque votre propre personnel vous a recommandé de mener des études auxquelles aucune suite n'a été donnée. Je crois que six ou huit ont été recommandées et deux seulement ont été faites même si certains de vos cadres supérieurs et intermédiaires ont démissionné à cette occasion.
Lorsque j'examine l'étude que vous avez faite à Juaréz où le trafic des camions est semblable à celui que nous avons dans le couloir Windsor-Detroit, je vois que nos enfants sont littéralement examinés et utilisés en fait comme cobayes. Aucune recommandation n'a été faite par la Commission au fil des années. Je n'ai jamais vu cette commission faire quoi que ce soit d'important pour améliorer l'environnement et pour traiter précisément des retombées très négatives de l'accroissement des échanges entre les trois pays.
Ceci étant dit, que pouvez-vous me dire qui me permettrait de croire que les dix prochaines années vont être meilleures que les dix précédentes?
º (1600)
M. William Kennedy: Tout d'abord, je suis personnellement très optimiste à propos de ce rapport d'examen décennal.
Peut-être devrais-je commencer par dire que vous savez sans doute qu'un examen a été fait au bout de quatre ans et que des recommandations ont été présentées; de mon point de vue, il semble qu'elles n'aient pas eu beaucoup d'effet. Le groupe actuel en a conscience et je suis plein d'optimisme et également encouragé par la profondeur de l'analyse qui a été faite ainsi que par le nombre de personnes variées qui y ont participé. Le groupe va présenter un rapport qui va frapper dur et qui va essentiellement dire aux gouvernements et aux ministres qu'il est temps de prendre ce mandat au sérieux, ou bien alors de l'oublier. Je suis donc très encouragé par ce qui se passe.
Je suis ici, je suis nouveau, ma perspective est différente. Comme je l'ai indiqué, dans le secteur privé surtout, travailler plus étroitement avec un partenaire très important m'intéresse beaucoup plus. Ce sont l'industrie et le secteur privé qui sont le moteur du commerce, non pas les gouvernements et les ONG environnementales. Je crois qu'il faut travailler plus étroitement avec eux.
On parle de « tigre de papier ». Je crois que le problème essentiel de la CCE dans le passé—et espérons-le, nous pourrons le corriger—c'est qu'il s'agit d'une organisation bizarre. Je n'ai jamais rien vu de tel. Dans un certain sens, le Secrétariat est comme n'importe quel secrétariat international créé par des gouvernements pour mettre en place un programme de travail particulier. Je ne pense pas que quiconque qualifierait la direction générale de l'Environnement de l'OCDE ou le Secrétariat du PNUE de tigre de papier, car ils ne sont pas censés être des tigres. Ils ont le mandat de mettre en oeuvre un plan de travail fixé par le gouvernement. Ce qui est bizarre au sujet du Secrétariat de la CCE, c'est que nous avons cette fonction, mais en même temps, en vertu des articles 13, 14 et 15, le Secrétariat joue un rôle indépendant—un genre de fonction quasi juridictionnelle qui ne revient pas habituellement à un secrétariat. Je ne pense pas que dans le passé, le Secrétariat ou le Conseil aient jamais compris véritablement ces deux fonctions ni non plus la nécessité de les garder distinctes l'une de l'autre. Il y a un peu de flou.
Le deuxième problème, je crois, c'est que, même si, comme vous le savez, la CCE a été créée par un accord parallèle à l'ALENA, bien évidemment l'environnement et le commerce devraient être essentiels et c'est la raison pour laquelle le paragraphe 10(6) de l'accord parallèle enjoint les ministres de l'Environnement et les ministres du Commerce de se rencontrer fréquemment pour débattre de questions liées à l'environnement et au commerce; or, ils ne se sont jamais rencontrés en l'espace de 10 ans. Il y a eu des réunions au niveau du groupe de travail, mais les ministres ne se sont jamais rencontrés.
Ce genre de situation donne raison aux cyniques qui peuvent ainsi dire que l'accord parallèle et la création de la CCE n'ont été acceptés que pour assurer l'adoption de l'ALENA il y a 10 ans, parce que si cet accord n'avait pas été négocié et si la Commission n'avait pas été créée, l'ALENA n'aurait pas été adopté par le Congrès américain. Puisqu'il a été adopté, nous avons la CCE. Ceux qui acceptent un tel argument feront remarquer que les ministres de l'Environnement et du Commerce ne se sont pas rencontrés depuis, malgré la disposition à cet effet. Je crois toutefois que nous pouvons défendre le bien-fondé de mesures sur le terrain qui sont positives. Par exemple, la CCE a contribué à l'éradication du DDT au Mexique. Peu importe votre point de vue, cela n'aurait pas été possible aujourd'hui sans la CCE.
À mon avis, « tigre de papier » n'est pas le surnom qui nous convient, pas plus peut-être que le mot « tigre ». Nous sommes une organisation unique en son genre puisqu'elle met à la fois en oeuvre les politiques environnementales des trois pays tout en servant de catalyseur à cet égard et en jouant ce rôle indépendant de surveillance. J'espère que tout cela sera précisé dans l'examen décennal et dans la réaction des gouvernements pour que nous puissions faire preuve de plus de dynamisme à l'avenir.
º (1605)
Le président: Merci, monsieur Comartin. Vous aurez l'occasion d'intervenir de nouveau lors de la deuxième série de questions.
Je cède la parole à M. Hubbard, suivi de M. Szabo, de M. Reed et du président. Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président.
Beaucoup d'entre nous sont probablement au courant de la création de votre organisation aux fins de l'ALENA, mais nous ne nous sommes peut-être pas penchés sur les projets que vous avez examinés avec toute l'attention que nous aurions dû leur accorder.
M. Mills a évoqué le problème particulier qu'éprouvent certains de ses collaborateurs et lui. D'où émanent les projets sur lesquels vous enquêtez et rédigez des rapports? Un Canadien de Red Deer en Alberta peut-il vous formuler une plainte ou devrait-il la soumettre au gouvernement canadien et à ses représentants au sein de votre organisation pour qu'une évaluation soit exécutée et qu'un rapport soit rédigé?
Monsieur Kennedy, j'ai plusieurs petites questions. Vous pourriez peut-être décrire les mesures dont pourrait faire l'objet une plainte éventuelle. Pour qu'il y ait une enquête et un rapport de votre part, la plainte doit-elle être soumise par l'intermédiaire de l'un des trois gouvernements?
M. William Kennedy: Il existe un processus précis qui met à contribution les trois gouvernements, le conseil... mais le tout n'est pas soumis par leur intermédiaire. Si vous me le permettez, je vous brosserai un tableau très sommaire de la situation : tout citoyen d'un des pays peut nous transmettre une communication que nous examinons pour décider s'il faut en saisir le Conseil en lui soulignant qu'il s'agit d'une plainte fondée et en lui demandant de nous recommander de poursuivre ou non le processus.
Si les deux tiers du Conseil, c'est-à-dire deux des trois membres, indiquent qu'il ne faut pas poursuivre le processus, nous nous en abstenons. Une telle situation ne s'est jamais produite à ce niveau. Par conséquent, chaque fois que le Secrétariat a jugé opportun que nous exécutions une enquête à la suite d'une communication, nous l'avons fait.
Après l'enquête, nous constituons ce que nous appelons un dossier factuel, soit notre rapport d'enquête. Avant de rendre le dossier public, nous le soumettons de nouveau au Conseil en lui demandant la permission de le publier. Encore une fois, si les deux tiers du Conseil, c'est-à-dire deux des trois pays, y sont opposés, le dossier n'est donc pas publié, ce qui est arrivé une fois.
M. Charles Hubbard: De plus, dans votre exposé initial, vous avez indiqué que le Québec et l'Alberta commençaient à s'engager. Je ne suis pas tout à fait satisfait parce qu'il pourrait s'agir du Colorado ou de n'importe quel des 50 États. Il pourrait s'agir de l'une de nos dix provinces ou de l'un des nombreux États du Mexique. Quel est votre avis au sujet des provinces?
Nous parlons du Protocole de Kyoto, que nous mettons en oeuvre au Canada. Les Américains ne le font pas dans la même mesure que nous. Comment pouvons-nous obtenir la collaboration des provinces et quelle forme cette collaboration prendra-t-elle? Comment les provinces peuvent-elles avoir la capacité ou le droit de faire partie tout à coup de votre organisation? J'ai peut-être mal compris, mais je pensais que vous aviez dit que le Québec et, peut-être, l'Alberta étaient des participants. Est-ce le cas?
M. William Kennedy: Oui. Si j'ai bien compris, lorsque l'accord additionnel a été négocié et adopté, les gouvernements mexicain, américain et canadien l'ont ratifié. Au Canada—et il faudrait que j'examine le tout en détail—, on a offert aux gouvernements provinciaux de signer l'accord, et trois provinces ont accepté l'offre.
Les signataires de l'accord sont donc le Mexique, le Canada, les États-Unis ainsi que le Québec, le Manitoba et l'Alberta. Aucun État américain ou mexicain n'a apposé sa signature.
M. Charles Hubbard: Ce sont des renseignements intéressants.
Vos travaux et vos rapports opportuns sur toutes ces questions différentes—et je suppose que c'est par date—m'ont passablement impressionné, et il est certes bon de savoir qu'on s'occupe exhaustivement de toutes ces questions.
Recevez-vous beaucoup de plaintes au chapitre de la sécurité des travailleurs et de leur environnement? Ces plaintes ont-elles été traitées? Nous avons entendu certains membres de notre... la sécurité des travailleurs n'a pas été prise en considération dans la façon dont leur environnement—les conditions de travail et les produits utilisés—influe sur leur santé et sur celle des populations avoisinantes au sein de leurs collectivités. Recevez-vous beaucoup de plaintes à cet égard?
º (1610)
M. William Kennedy: Non, nous n'en avons pas reçu, et je pense que c'est probablement entre autres parce que, si je comprends bien, deux plaintes avaient été déposées avant que les trois gouvernements n'adoptent l'ALENA. l'une portait sur une question environnementale et l'autre sur les normes du travail en général. L'accord additionnel et la création du CCE ont permis de s'attaquer à la question environnementale. Une entente distincte a été négociée au sujet des normes de travail, qui portait sur les droits des travailleurs, la syndicalisation et ce genre de choses.
M. Charles Hubbard: Cependant, ai-je bien compris que vos études des dix dernières années n'ont jamais abordé la question des conditions environnementales malsaines pour les travailleurs?
Monsieur le président, j'aimerais aborder un autre dernier point...
Le président: Monsieur Hubbard, il se peut qu'une plainte de cette nature soit transmise à la commission du travail à Washington, n'est-ce pas? Auriez-vous l'obligeance de me le confirmer?
M. William Kennedy: Je crois que c'est bel et bien le cas. Nous pouvons le vérifier et vous donner une réponse ultérieurement.
M. Charles Hubbard: Ma dernière petite question est la suivante : les pays circumpolaires ont des plaintes légitimes au sujet des polluants—et je constate que vous vous êtes penchés sur la couche d'ozone—, ces polluants, dis-je, qui montent dans la haute atmosphère pour atteindre les pays de l'hémisphère nord au-dessus du 60e parallèle, et qui finissent réellement par nuire à la santé des plantes et même à celle des animaux et des êtres humains qui y vivent. A-t-on déjà tenu compte de ce facteur? Je ne pense pas que le Mexique favorise beaucoup la mise à nu des terres, mais certains pays de l'Amérique du Sud le font, et la conférence circumpolaire est saisie de plaintes lorsqu'elle se réunit et ses membres disent qu'ils reçoivent les contaminants de ce qu'ils appellent leurs voisins du Sud. A-t-on déjà...? Je vois que M. Shantora répond par l'affirmative.
M. William Kennedy: Effectivement, je pense que Vic peut répondre à cette question.
M. Victor Shantora (chef, Division des polluants et de la santé, Commission de coopération environnementale): Merci.
L'un de nos programmes s'intitule la Gestion rationnelle des produits chimiques. C'est l'un des premiers mis en oeuvre par la Commission. Il vise précisément les substances toxiques persistantes ou les polluants organiques persistants aux termes de la Convention de Stockholm.
En ce qui concerne ces substances et celles qui montent en direction de l'Arctique, nous avons établi des plans d'action régionaux pour nous attaquer au DDT et aux BPC. Des mesures sont prises à l'égard du mercure. Le chlordane est un autre pesticide. Nous envisageons d'élaborer un plan d'action régional sur le lindane, autre pesticide qui pose un problème dans l'Arctique.
Les trois pays collaborent en vue d'adopter une solution commune afin de restreindre ou d'interdire l'utilisation de ces substances. Le DDT en est un exemple.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Naturellement, deux des pays membres de la CCE font également partie de cette commission. Il s'agit du Canada et des États-Unis.
Le président: Monsieur Szabo, suivi de M. Reed, de M. Bigras et du président.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur Kennedy, quel est le budget annuel de la CCE?
M. William Kennedy: Je suis heureux que vous posiez cette question. En fait, le budget n'a pas changé en dix ans. Chacun des trois pays verse l'équivalent de 3 millions de dollars américains, soit en dollars américains soit dans sa devise. C'est le montant de notre budget. Il n'a pas changé au cours des dix dernières années. Même si les gouvernements ont accru nos tâches et notre mandat, le budget est resté le même.
Je comprends que, dans un sens, cela n'a pas tellement poser un problème jusqu'à tout récemment, parce que nos revenus, si je peux m'exprimer ainsi, sont essentiellement en dollars américains, alors que la plupart de nos dépenses sont en dollars canadiens, particulièrement en ce qui concerne le Secrétariat, qui se trouve à Montréal. La donne a changé considérablement l'an passé.
En fait, l'une de mes premières tâches à titre de nouveau directeur exécutif, et ce qu'aucun de mes prédécesseurs n'avait dû faire auparavant, a consisté à retrancher environ 3,5 millions de dollars canadiens à notre budget de cette année, en raison de la force du dollar canadien par rapport à la devise américaine.
º (1615)
M. Paul Szabo: Merci.
Les représentants de la Commission mixte internationale ont comparu devant nous plusieurs fois, et nous avons abordé certaines questions liées au double emploi, semble-t-il. Selon vous, les activités de la CCE font-elles double emploi avec celles de la CMI?
M. William Kennedy: Vous me permettrez de demander à Vic de commencer à répondre à votre question, étant donné qu'il a collaboré avec la CMI beaucoup plus étroitement que moi. Par la suite, je pourrai vous faire part de mon opinion qui est plus récente.
M. Victor Shantora: Cette question ressurgit de temps à autre. En fait, il y a environ un an ou un an et demi, nous avons négocié ce que nous appelons une lettre d'intention avec la Commission mixte internationale pour définir certaines des questions qu'elle aborde, certaines des questions que nous examinons et celles que nous abordons en commun. Nous avons convenu de collaborer notamment sur la qualité de l'air, les substances toxiques, les espèces envahissantes... et sur une autre question que j'ai oubliée. Nous avons établi les modalités de la collaboration du personnel professionnel des deux commissions pour éviter tout double emploi.
En ce qui concerne la santé infantile, nous possédons un excellent cadre de travail qui nous permet de collaborer non seulement avec la Commission mixte internationale mais également avec l'Organisation panaméricaine de la santé et l'Organisation mondiale de la Santé en vue d'élaborer des indicateurs de santé infantile.
Encore une fois, notre objectif consiste à éviter une partie du double emploi dont certains nous accusent et à collaborer pour que le travail soit accompli.
M. Paul Szabo: Il y a environ un an, les représentants de la CMI ont comparu devant nous pour aborder, du moins dans une certaine mesure, la question des espèces exotiques envahissantes. Nous avons appris des renseignements très étonnants au sujet des répercussions économiques sur les Grands Lacs. Il est même estimé que le coût des espèces exotiques envahissantes au Canada est analogue à celui de l'épidémie du SRAS. Il en découle donc des conséquences. Une année, nous pouvons réussir à éliminer une espèce, mais une autre nous aura envahis.
Nous sommes au courant de certaines façons dont les espèces exotiques nous envahissent. Certaines sont transportées par des gens alors que d'autres nous arrivent par les eaux de ballast, etc. Cependant, la CMI signale que, sur les eaux de ballast, nous sommes dotés de lignes de conduite facultatives et non pas obligatoires. On dit que la CMI est un tigre sans dents parce qu'elle n'a aucun pouvoir ni aucun mécanisme ou outil pour prendre les mesures qui s'imposent à cet égard. Elle ne peut que communiquer généralement. Je pense que vous pourriez vous retrouver dans la même situation—trois gouvernements au sein de la CCE—et éprouver de la difficulté à prendre des mesures susceptibles de déplaire aux gouvernements qui collaborent.
Quelles mesures prenez-vous pour vous attaquer à ce problème et de quels outils disposez-vous? Je vous poserai une question encore plus directe : possédez-vous les outils et les ressources nécessaires pour vous acquitter de votre mandat? Je crois que, dans le cadre de votre mandat, vous disposiez de trois ans pour élaborer un mécanisme d'évaluation des effets environnementaux transfrontaliers. Cela faisait partie de votre acte constitutif. Vous ne l'avez pas fait. Nous sommes maintenant dix ans plus tard, et je pense que vous étiez censés l'avoir fait avant la fin de la quatrième année. Je crains que vous ne possédiez pas les outils pour vous acquitter de votre mandat.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Pourriez-vous abréger votre réponse?
M. William Kennedy: Vous avez fait allusion aux évaluations. J'ai déjà souligné le projet Sumas au député. Il faut amener les trois pays à s'entendre sur l'évaluation environnementale. Il ne s'agit pas d'évaluer une question particulière, notamment les espèces envahissantes. En fait, cette entente n'a pas été négociée et constitue un échec, selon moi.
Vous avez posé une question sur les ressources et la structure concernant les espèces envahissantes. Une partie du problème vient du fait que notre programme de travail est si flou et si peu circonscrit que nous n'avons pas pu être aussi efficaces que nous l'aurions dû. Nous espérons que, dans leurs réponses à l'examen décennal, les trois gouvernements élaboreront une nouvelle vision et préciseront très clairement les priorités.
º (1620)
M. Paul Szabo: Enfin, vous avez parlé du montant annuel de 3 millions de dollars américains que chaque pays doit verser, montant qui n'a pas changé depuis la création de l'organisme il y a 10 ans. Disposez-vous d'un recours ou d'un mécanisme vous permettant de faire valoir que ce montant doit être réévalué afin que vous puissiez vous acquitter de vos responsabilités énoncées dans l'acte constitutif de la CCE?
M. William Kennedy: Je n'en connais aucun, si ce n'est témoigner devant les organismes comme le vôtre pour les mettre au courant de notre situation.
Je souhaiterais particulièrement m'adresser aux gouvernements provinciaux canadiens pour savoir si, en leur qualité de signataires, ils peuvent nous fournir des ressources financières ou humaines supplémentaires. Il semblerait que le Québec et l'Alberta pourraient détacher, auprès du Secrétariat, des experts pour nous aider à mener à bien notre travail.
Le président: Merci.
Monsieur Reed.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Naturellement, vous rendez des comptes au gouvernement fédéral et, sans doute, aux provinces signataires, c'est-à-dire le Québec et l'Alberta. D'autres provinces n'ont pas signé l'entente. Je me demande si vous êtes en mesure d'exercer une influence sur elles.
Prenons l'exemple de l'énergie électrique. Vous avez participé à l'élaboration de stratégies environnementales visant le marché de l'électricité nord-américain. Au Canada, la production de l'électricité relève strictement des provinces, et non pas du gouvernement fédéral. Je me demande si vous êtes en mesure d'exercer une influence sur les provinces non signataires. Comment pouvez-vous parvenir à les influencer?
M. William Kennedy: Je serais très heureux que toutes les autres provinces signent l'entente et collaborent avec nous. Je le répète, il n'y a pas eu vraiment beaucoup de collaboration avec les trois signataires. Je sais que, dans son examen de notre programme de travail et dans les instructions qu'il donne au Secrétariat, Environnement Canada consulte les autres grâce à un mécanisme intergouvernemental et met à contribution les gouvernements provinciaux signataires.
Je crois comprendre que la composition de la délégation canadienne au CCPM illustre le fait qu'il y a trois provinces signataires. Indépendamment de cela, il n'y a pas eu beaucoup de collaboration en ce qui concerne les projets ou les activités quotidiennes. Je m'efforce d'encourager et de promouvoir une telle collaboration.
Quant au rapport dont vous avez parlé au sujet de la production d'énergie électrique, il semble englober l'ensemble du continent, à une plus vaste échelle. Il y a des questions comme l'impact environnemental de l'énergie renouvelable par rapport à celui des combustibles fossiles. Cela ne traite pas des détails sur la gouvernance dans les provinces.
M. Julian Reed: Je comprends, mais c'est la mise en oeuvre de ces recommandations qui me préoccupe. Votre rapport signalera sans aucun doute des mesures valables, mais cela ne signifie pas que les provinces les adopteront nécessairement ou y prêteront même attention, si elles ne sont pas signataires.
º (1625)
M. William Kennedy: J'en prends bonne note.
M. Julian Reed: Merci.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Reed.
Monsieur Bigras.
[Français]
M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais aborder la question du Technoparc de Montréal. Comme vous le savez, ce site a été un dépotoir, puis un stationnement, et est devenu un parc industriel. Si je ne me trompe pas, vous aviez recommandé le 27 avril dernier qu'une étude ou une enquête puisse suivre son cours. C'est votre recommandation. Comme vous l'avez expliqué, il faut que deux ministres de l'Environnement sur trois approuvent l'enquête pour que celle-ci suive son cours.
Avez-vous reçu, depuis le 28 avril, une réponse du ministre fédéral de l'Environnement approuvant la tenue d'une telle enquête? Sinon, quels rapports avez-vous depuis le 27 avril quant à la tenue de cette enquête?
[Traduction]
M. William Kennedy: Nous n'avons pas encore reçu de réponse. Comme vous l'avez indiqué à juste titre, nous avons recommandé officiellement au Conseil que nous constituions un dossier factuel sur Technoparc. Nous avons précisé dans notre document les raisons pour lesquelles nous étions d'avis qu'un dossier factuel s'imposait. Les trois pays et le Conseil examineront notre recommandation. Ils nous répondront qu'ils approuvent notre recommandation ou, si les deux tiers le décident, qu'ils la rejettent.
[Français]
M. Bernard Bigras: Qu'est-ce qui vous a menés à recommander une enquête dans ce dossier? On sait que le gouvernement fédéral a été propriétaire de ce site jusqu'en 1989. Il y a au moins deux enquêtes qui ont suivi leur cours, dont une d'Environnement Canada qui a mené à un cul-de-sac, c'est-à-dire nulle part.
Est-ce que le fait que le propriétaire foncier, pendant une partie du temps, a été le gouvernement fédéral a pu exercer une influence sur les méthodes d'enquête? Au fond, et vous me direz si je me trompe, vous avez l'intention d'analyser les méthodes d'enquête d'Environnement Canada jusqu'à maintenant dans ce dossier. Donc, croyez-vous que le fait qu'Environnement Canada soit juge et partie, vu que le gouvernement fédéral a été propriétaire et qu'il est le responsable de l'enquête, puisse avoir eu un impact sur la décision qu'Environnement Canada a prise? Est-ce pour cette raison que vous devez agir et faire une recommandation?
[Traduction]
M. William Kennedy: Je ne peux pas commenter les détails de cette affaire. Je n'en ai qu'une connaissance générale. Pour peut-être établir un lien avec la constitution d'un dossier factuel, je vous dirai que nous recevons d'abord une communication de la part de citoyens qui précisent pourquoi, selon eux, Environnement Canada n'a pas fait appliquer une loi environnementale précise—notamment en ce qui concerne Technoparc. Les citoyens font valoir pourquoi nous devrions constituer un dossier factuel. Si nous pensons que leur plainte est légitime, nous la transmettons au gouvernement canadien pour qu'il donne une réponse. Celui-ci fait l'historique de l'affaire en signalant les mesures prises, l'évolution de la situation au fil des ans et les études effectuées.
Par la suite, soit que le processus prend fin, soit que la Commission est d'avis que la réponse n'est pas satisfaisante et qu'il faut encore procéder à un examen indépendant et constituer un dossier factuel. C'est ce que nous avons fait dans le présent cas. Je ne peux prédire quelles seront les conclusions de cette enquête.
[Français]
M. Bernard Bigras: Selon ce que je comprends, il y a une plainte d'un citoyen ou d'un groupe et vous vous adressez au gouvernement concerné pour avoir de l'information. Si l'information vous semble correcte et qu'il n'y a pas eu d'infraction, vous ne recommandez pas d'enquête. Si vous avez recommandé une enquête, c'est parce que vous aviez des doutes. Vous croyez que le processus et la méthode utilisés par Environnement Canada pourraient--j'insiste sur le mot « pourraient »--manquer de transparence ou ne pas être en conformité avec les lois.
Donc, est-ce que votre recommandation du 27 avril est basée sur le fait que vous avez des doutes quant aux méthodes d'enquête d'Environnement Canada jusqu'à maintenant dans le dossier du Technoparc de Montréal?
º (1630)
[Traduction]
M. William Kennedy: Effectivement, nous étions d'avis que cette plainte était légitime, que les auteurs disposaient d'arguments solides et qu'une enquête supplémentaire était nécessaire. Nous devrions examiner plus attentivement les mesures prises par Environnement Canada.
À moins que le Canada ou que le Mexique et les États-Unis de concert avec le Canada nous enjoignent de ne pas établir le dossier factuel, nous le ferons.
[Français]
M. Bernard Bigras: Combien de temps donnez-vous au ministre fédéral de l'Environnement pour répondre à votre recommandation?
[Traduction]
M. William Kennedy: Je ne crois pas qu'une échéance a été fixée. Habituellement, nous recevons la réponse trois ou quatre mois plus tard. C'est parfois plus long.
M. Victor Shantora: Je ne connais pas très bien les détails de cette communication, mais si nous l'avons présentée le 27 avril, je pense qu'il est encore un peu trop tôt pour avoir une réponse.
[Français]
M. Bernard Bigras: Il n'y a donc pas de délai; vous ne fixez pas d'échéance. Cela peut prendre trois ans, quatre ans, dix ans. La demande est faite, et c'est tout.
[Traduction]
M. William Kennedy: Il n'y a pas d'échéance. Il faudrait que je vérifie l'historique de nos affaires pour déterminer quel était le délai moyen, mais cela n'a pas posé un problème. Je ne crois pas que nous ayons attendu plus de...
Si vous me le permettez, je pense franchement que la procédure n'est pas visée par la situation et les critiques, si vous me passez l'expression, des commentateurs et des observateurs au sujet du processus mis en oeuvre par la CCE pour les communications des citoyens. On vise plutôt le fait que, selon notre entente, nous établissons un dossier factuel qui énumère simplement les faits. La conclusion n'est pas notamment qu'Environnement Canada a manqué à son devoir ou ne s'est pas comporté correctement.
La CCE ne peut donc pas participer à la recherche de solutions pour rétablir une situation. Elle peut simplement énumérer les faits. En outre, certains disent que l'expression « tigre sans dents » pourrait alors s'appliquer et que le résultat est simplement une énumération des faits après un très long processus. Par contre, d'autres font remarquer que ces dossiers factuels ont, malgré tout, amené les gouvernements à prendre des mesures correctives et à réagir positivement à plusieurs égards.
Le président: Merci, monsieur Bigras.
Ma question s'inscrit dans la foulée de celles posées par M. Bigras. Monsieur Kennedy, vous souvenez-vous de cas où une soumission de la part d'un citoyen a fait modifier une décision prise initialement par le gouvernement?
Je fais allusion au fait que le CCPM, le Comité consultatif public mixte, a recommandé fortement au Conseil—et je cite— « de s'abstenir, à l'avenir, de restreindre la portée des dossiers que le Secrétariat recommande de constituer ».
M. William Kennedy: Oui, et je crois que le Conseil n'a pas encore répondu à la lettre du CCPM. Cependant, vous me permettrez d'ajouter que, selon moi, tout porte à croire que le processus entraîne des résultats positifs, même si ceux-ci ne sont pas toujours liés immédiatement ou directement à l'affaire en question.
L'une des premières communications transmises au Mexique constitue peut-être un exemple de ce que j'avance. Un groupe de citoyens s'était plaint que le gouvernement mexicain avait accordé un permis autorisant la construction d'un quai sur l'île de Cozumel pour permettre à un navire de croisière d'y accoster. Selon les auteurs de la plainte, la loi mexicaine exigeait la tenue préalable d'une étude d'impact. Selon eux, le permis a été accordé sans qu'aucune étude d'impact n'ait été effectuée, et c'est pourquoi ils déposaient une plainte.
La CCE a convenu que la plainte était fondée, et nous avons établi un dossier factuel qui a montré que tout était correct. Lorsque le dossier factuel a été transmis, le quai avait déjà été construit et était exploité. Par conséquent, même si le projet avait entraîné des répercussions néfastes, il aurait été trop tard pour intervenir.
Dans ce cas précis, le processus n'était pas efficace. Cependant, en raison du dossier factuel et de la publicité qui en a découlé, des mesures ont été prises au Mexique pour améliorer l'évaluation environnementale. Selon les indications, les décisions ultérieures ont été plus efficaces à cause de la CCE.
º (1635)
Le président: Quelle était leur efficacité?
M. William Kennedy: Elles étaient efficaces en ce qui concerne l'application des procédures d'évaluation environnementale du Mexique.
Le président: Concernant les autres projets?
M. William Kennedy: Oui.
Le président: Eh bien, je suppose que c'est une grande consolation.
Vous avez parlé du rôle de catalyseur de la Commission et vous avez donné l'exemple du DDT. Pourriez-vous nous donner d'autres exemples?
M. Victor Shantora: Certainement.
Comme vous le savez, le Canada possède un inventaire national des rejets de polluants. Ce répertoire publie annuellement les rejets de polluants industriels. Les États-Unis ont un inventaire analogue.
En outre, nous publions annuellement ce que nous appelons « bilan », pour faire le point sur la situation au Canada et aux États-Unis. Nous faisons non seulement le point, mais nous indiquons également certaines tendances et certains signes montrant que les choses s'améliorent ou empirent. Dans le cadre de cet exercice... et je pense que c'est une nouvelle tâche que la CCE a pu assumer et dont elle n'aurait pas pu s'acquitter autrement.
Nous collaborons également avec le Mexique pour favoriser le renforcement des capacités, alors que ce pays élabore son propre registre obligatoire de rejets et de transferts de polluants. La collaboration en matière d'application est également un autre exemple en ce qui concerne les CFC et la contrebande.
Comme Bill l'a déjà indiqué, le DDT est peut-être un autre exemple, tout comme l'initiative sur la santé infantile, qui permet d'élaborer des indicateurs nord-américains de la santé infantile.
Nous pourrions donc citer probablement plusieurs exemples.
Le président: Très bien.
Selon certaines critiques formulées, le Conseil fragilise l'indépendance du Secrétariat et menace même la crédibilité des communications de citoyens, en limitant la portée de ces dernières.
Que répondriez-vous à de telles critiques?
M. William Kennedy: Je le répète, je pense qu'il y a un problème auquel je suis confronté depuis mon arrivée à la CCE. Il s'agit des liens entre le Secrétariat et le Conseil. Ce problème repose moins sur la portée des dossiers factuels établis en vertu des articles 14 et 15 que sur le rôle flou du Secrétariat aux termes des différents articles par rapport à celui du Conseil.
En ce qui me concerne, il est bien évident que, en vertu de l'article 13 sur les rapports indépendants, ainsi qu'en vertu des articles 14 et 15 sur les communications de citoyens, le Secrétariat joue un rôle indépendant, ce qui n'est pas le cas à d'autres égards. Parce que ni le Conseil ni le Secrétariat n'ont accepté cette distinction, nous sommes aux prises maintenant avec des malentendus et des problèmes qui ne devraient pas exister.
º (1640)
Le président: J'apprécie votre franchise, mais l'impression que certains d'entre nous avons, après avoir suivi les travaux de la Commission au fil des ans, c'est que, même si le mot environnement apparaît dans le titre et qu'il y a trois ministres de l'Environnement qui siègent au Conseil, ces trois ministres agissent non pas à titre de ministres de l'Environnement, mais à titre d'agents de leurs gouvernements respectifs—et aussi, bien entendu, des ministères du Commerce et des Finances, entre autres. Le Conseil agit au nom des gouvernements, dont les objectifs sont plus vastes, plus complexes et parfois plus nébuleux que ceux des ministres de l'Environnement, pris individuellement.
Ai-je raison ou tort de dire une chose pareille?
M. William Kennedy: Franchement, j'occupe le poste depuis six mois, et ce n'est pas du tout l'impression que j'ai. Je serais tenté de dire que c'est même l'inverse.
Encore une fois, je m'attendais, et j'espérais, que les représentants commerciaux manifestent un intérêt plus marqué pour le travail de la Commission, son programme, ses réalisations. Mais ce n'est pas le cas.
Comme je l'ai indiqué, les ministres de l'Environnement, les représentants commerciaux, sont tenus de se rencontrer. Ils ne le font pas.
Donc, à mon avis, ce n'est pas tant l'ingérence d'autres organismes de l'un ou l'autre des trois gouvernements qui pose problème. Ce sont plutôt les ministères de l'Environnement eux-mêmes qui... Bien entendu, même s'ils ont des processus d'examen et qu'ils collaborent avec d'autres secteurs gouvernementaux, ces ministères ont des objectifs bien précis.
Le président: Et ils agissent sous la direction des ministères des Affaires étrangères et du Commerce international, entre autres. Quoi qu'il en soit, tout cela n'est qu'hypothèse. Merci de la réponse.
Nous passons maintenant au second tour. Monsieur Mills.
M. Bob Mills: Merci, monsieur le président.
Il n'y a que deux points, en fait, que je souhaite aborder.
D'abord, vous avez indiqué que, d'un point de vue politique, des clarifications doivent être apportées à l'accord. Les ministres, tout comme leurs ministères, doivent se réunir en vue de clarifier certaines dispositions, comme celles régissant les communications de citoyens, par exemple, et de fournir des consignes plus claires. Autrement dit, ils ont signé l'entente, sauf qu'ils n'ont peut-être pas fait le suivi nécessaire.
Existe-t-il, à votre avis, une volonté d'apporter des changements? Avez-vous l'impression qu'il y a peut-être un espoir de ce côté-là?
M. William Kennedy: Absolument. La semaine dernière, les représentants suppléants se sont rencontrés au Mexique. Il ne s'agissait pas d'une réunion formelle du Conseil, mais plutôt d'une réunion informelle à laquelle j'ai assisté, de concert avec plusieurs membres de mon personnel. Nous avons rencontré les représentants suppléants des trois pays, de même que leur personnel, et nous avons discuté ouvertement du projet de rapport sur le CEDAA—les conséquences, les mesures requises, une nouvelle vision pour la CCE. J'ai été fort impressionné par les échanges. Les participants étaient prêts à réexaminer le rôle de la CCE, à le renforcer, à définir les priorités et les objectifs, à dynamiser le programme d'action en matière de commerce et d'environnement.
Je pense qu'on a eu raison d'entreprendre cet examen décennal, car il a permis de considérer l'accord objectivement. Il devrait faire l'objet d'un renouveau d'intérêt.
M. Bob Mills: Eh bien, je vous souhaite bonne chance, parce que, manifestement, l'impression qui se dégage des questions et des commentaires recueillis sur le terrain, c'est que la Commission n'a pas été aussi accessible et attentive qu'elle aurait dû l'être. Le président a très bien résumé la situation, à savoir que les autres intervenants ont probablement exercé une influence sur les orientations en matière d'environnement.
Ma deuxième question porte sur le dragage de la Voie maritime du Saint-Laurent. Mon bureau reçoit de plus en plus d'appels au sujet des conséquences environnementales de ce projet, de sa portée, du processus de consultation publique. Il me semble que votre organisme, encore une fois, devrait jouer un rôle clé à ce chapitre, parce qu'il y a deux pays qui sont visés. La Voie se trouve à la frontière, et le projet touche deux pays. Il me semble que vous devriez jouer un rôle actif à ce chapitre.
Le faites-vous? Est-ce que l'un des deux gouvernements vous a demandé d'intervenir dans le dossier? Où en sont les travaux? Est-ce que les citoyens ont fait appel à vos services? Devrions-nous les encourager à le faire?
º (1645)
M. William Kennedy: Eh bien, encore une fois, à ma connaissance, nos services n'ont pas été sollicités. Je me demande si ce n'est pas à cause du fait qu'il existe une distinction entre les questions environnementales à caractère bilatéral et trilatéral.
M. Bob Mills: Il s'agit bien d'une question à caractère bilatéral.
M. William Kennedy: Donc, j'imagine que, d'après les gouvernements ou même les citoyens, ce dossier relève de la responsabilité de la CMI et non de la CCE, vu son caractère bilatéral.
M. Bob Mills: Encore une fois, aux yeux des citoyens, on tient un double langage. Que devons-nous faire pour obtenir des résultats?
Tout le monde a sa petite idée de ce qu'il doit faire. Ce n'est pas vraiment cela qui intéresse les gens. Ce qui les intéresse, c'est l'évaluation environnementale. Les ingénieurs de l'armée américaine vont se lancer dans le projet. A-t-on fait un relevé des contaminants, des problèmes potentiels en matière de pollution, des conséquences environnementales?
Il me semble que c'est à cela que sert l'ALENA. Nous sommes deux grands partenaires commerciaux. Pourquoi le Mexique devrait-il faire appel à vos services? Pourquoi devrait-il s'intéresser à ce que nous faisons dans la Voie maritime du Saint-Laurent?
Je ne trouve pas votre réponse satisfaisante. En tout cas, je n'oserais pas, si je m'adressais à un auditoire, donner une réponse comme celle-là, car je me ferais huer. Les citoyens ont droit à une réponse. C'est peut-être là-dessus que doivent porter les négociations : comment pouvons-nous faire bouger les choses?
M. William Kennedy: Je tiens à préciser qu'il existe—et j'en ai parlé—un processus de communications des citoyens. Les citoyens qui ont des inquiétudes peuvent communiquer avec nous—il n'est pas nécessaire de passer par les gouvernements—et nous pouvons prendre les mesures qui s'imposent.
Autrement, pour ce qui est de notre programme de travail, nous constituons une sorte d'organe des trois gouvernements. Nos consignes viennent des ministres de l'Environnement. Ce sont eux qui établissent notre plan de travail, notre budget. Ils ne jugent pas que ce dossier devrait faire l'objet d'un examen par la Commission.
M. Bob Mills: Si le Canada et les États-Unis disaient oui, et le Mexique, non, est-ce que le mécanisme serait enclenché?
M. William Kennedy: Oui.
Le président: Merci, monsieur Mills.
Nous allons entendre M. Marcil, M. Bigras, M. Comartin, M. Szabo et ensuite la présidence.
[Français]
L'hon. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Monsieur le président, dans la foulée de la question de M. Mills, je dirai qu'il existe actuellement une étude Canada--États-Unis concernant la modernisation de la Voie maritime. Cette étude parle de revoir toute l'infrastructure actuelle dans le but de la moderniser, de reconstruire les écluses, de les informatiser et ainsi de suite, mais elle n'a aucun rapport avec le dragage du fleuve Saint-Laurent ou de la Voie maritime
L'autre étude est strictement américaine et ne touche donc pas le gouvernement canadien. Les ingénieurs de l'armée américaine étudient peut-être actuellement la possibilité d'un élargissement de la Voie maritime, mais le Canada n'est pas mêlé à cette étude, d'une part. La Voie maritime du Saint-Laurent comprend les Grands Lacs, mais elle passe dans le fleuve Saint-Laurent à un moment donné, dans une zone exclusivement canadienne. Voilà qui soulève la question de la souveraineté canadienne. Les Américains seraient assujettis à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Ils ne pourraient pas passer à côté de cette loi.
D'autre part, le Canada va s'opposer à l'élargissement de la Voie maritime. Je ne vois pas ce que leur commission peut faire dans cela. Au moment où les Américains seraient en territoire canadien, cela deviendrait un problème strictement canadien et ils seraient donc assujettis à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Ce serait tout à fait inimaginable de croire que... Cela leur prendrait des années et des années, car la population, les provinces, tout le monde s'y opposerait. Quand il s'agit de concevoir un projet, il ne faut pas retenir uniquement une raison économique, celle de favoriser le commerce américain.
On a souvent tendance à créer de la confusion dans l'esprit des gens en disant que le gouvernement canadien participe actuellement à une étude avec les Américains sur un possible élargissement de la Voie maritime. C'est totalement faux. Il faut absolument que les choses soient plus claires, parce que ce sont deux projets tout à fait différents. Dans l'un d'eux, le gouvernement canadien et le gouvernement américain travaillent ensemble dans le but de moderniser les écluses, les infrastructures qui sont désuètes et ce genre de choses. L'autre projet est strictement américain, et le gouvernement canadien n'a rien à voir avec cela. Même si les Américains décidaient un jour d'élargir la Voie maritime, il faudrait le consentement du gouvernement canadien. Je ne pense pas qu'ils l'obtiendraient.
º (1650)
Le président: Merci, monsieur Marcil.
Monsieur Bigras.
M. Bernard Bigras: Merci, monsieur le président.
M. Marcil semble être un éternel optimiste. Tant mieux pour lui, mais pour ma part, je crois d'abord aux principes de prudence et de précaution. Si le gouvernement est vraiment sérieux, qu'il prenne la peine d'écrire au gouvernement américain pour lui dire clairement qu'il n'est pas question pour nous d'élargir la Voie maritime du Saint-Laurent. J'invite quand même la commission à être prudente à cet égard et à suivre ce dossier, qui est d'une importance capitale pour les gens du Québec. Les gens du Québec sont attachés à leur fleuve et ne souhaitent pas que de simples principes mercantiles et économiques guident les décisions du gouvernement.
Sur la question de la biodiversité, je vois que vous avez attaché une importance assez particulière à la question du maïs transgénique dans les dernières années. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a quelques mois, le Protocole de Cartagena sur la biosécurité est entré en vigueur. Vous savez aussi que le Canada, comme bien d'autres pays, fait partie du groupe de Miami, qui refuse naturellement de ratifier cet accord.
Quelles recommandations avez-vous faites? Comme vous le dites, votre mandat est d'appuyer la conservation de notre environnement dans le contexte d'une intensification du libre-échange entre les trois pays.
Croyez-vous que les produits transgéniques doivent être soumis à des règles différentes de celles qui régissent les produits non transgéniques? Au fond, on peut bien vouloir protéger la biodiversité, mais si on n'en vient pas à cette conclusion, on est très loin du principe de prudence qui est inscrit dans le Protocole de Cartagena.
Quelles recommandations la Commission de coopération environnementale a-t-elle faites quant au Protocole de Cartagena et quant au traitement différent à réserver, tant dans le processus que dans les règles de manutention, de transport et d'utilisation, aux produits contenant des OGM? Recommandez-vous la ratification du Protocole de Cartagena?
[Traduction]
M. William Kennedy: Le rapport établi en vertu de l'article 13 de l'accord constitue un très bon exemple du travail que peut accomplir la CCE. C'est ce qui distingue la Commission. Les gouvernements ne nous ont pas demandé de mener une étude sur le maïs ou d'autres produits transgéniques. Cela ne fait pas partie du programme de travail officiellement approuvé par les gouvernements. En vertu de l'article 13, le directeur exécutif—et des ressources budgétaires sont prévues pour cela—peut mener une étude indépendante sur une question environnementale précise qui intéresse et touche l'Amérique du Nord. Mon prédécesseur, il y a environ un an et demi de cela, après avoir été pressenti par un certain nombre de groupes environnementaux et de collectivités agricoles au Mexique, a dit que cette question pouvait faire l'objet d'un rapport en vertu de l'article 13. Franchement, je ne sais pas si j'aurais dit la même chose si j'avais été directeur exécutif à l'époque, parce qu'il me semble que la question des produits transgéniques ou des OGM ne se limite pas, bien sûr, uniquement au maïs. Comme vous le savez, le blé transgénique a fait l'objet de discussions au Canada. À mon avis, le rapport de la CCE aurait dû porter sur l'ensemble des organismes génétiquement modifiés, leur production en vertu de l'ALENA et la place qu'ils occupent sur le plan commercial en Amérique du Nord.
Quoi qu'il en soit, mon prédécesseur a jugé que la question était pertinente et qu'elle pouvait faire l'objet d'un rapport en vertu de l'article 13, et c'est ce qui a été fait. Ils ont procédé comme le ferait un organisme indépendant du genre de la CCE, un chien de garde de l'environnement, ainsi de suite. Les collectivités locales, les industries, les scientifiques et de nombreux comités consultatifs de l'environnement ont été invités à participer au processus. Des consultations publiques ont eu lieu. On est en train de mettre la dernière main au rapport final qui sera envoyé aux trois gouvernements, demain, pour qu'ils puissent l'approuver avant qu'il ne soit rendu public. Une fois cette étape franchie, vous pourrez en prendre connaissance. Je ne crois pas qu'il contienne des recommandations au sujet du Protocole de Carthagène, parce que l'étude ne portait pas là-dessus.
º (1655)
[Français]
M. Bernard Bigras: Je veux qu'on se comprenne.
Puisque le protocole est en vigueur, il y a un consensus international sur le fait que les produits transgéniques doivent être soumis à des règles différentes de celles qui s'appliquent à des produits non transgéniques, autant sur le plan de la manipulation que sur celui de l'utilisation. Par conséquent, toutes les règles de commerce doivent être différentes. Cela se traduit par le principe de précaution, qui est inclus dans le Protocole de Cartagena. Votre mandat est de voir à la protection de l'environnement.
Dois-je comprendre que vous ne recommandez pas au gouvernement que ces produits soient soumis à une règle différente? Dois-je comprendre cela? Vous devez être garant de la protection de notre environnement et de notre biodiversité et il y a un consensus international sur cette question, mais vous ne faites aucune recommandation au plan des échanges commerciaux liés aux produits transgéniques.
[Traduction]
M. William Kennedy: Ce rapport avait pour objectif d'analyser les effets possibles des utilisations actuelles et futures du maïs transgénique par rapport à ceux de la production de maïs non transgénique, au Mexique, sur la biodiversité, les valeurs sociales, la culture locale et l'économie. C'est ce qui a servi de cadre de référence à l'étude. Nous nous en sommes tenus à cela. La portée de l'étude était limitée. Elle ne visait pas à évaluer la pertinence, ou la non-pertinence, du Protocole de Carthagène.
Le président: Merci, monsieur Bigras.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: J'allais laisser passer mon tour, mais M. Kennedy a fait un commentaire auquel je voudrais revenir. J'avais fait allusion au cynisme qui entoure la question. Je pense que nous avons une conception très réaliste du rôle de la Commission. Je ne pense pas, même après avoir entendu ce qui a été dit aujourd'hui, que les 10 années à venir vont être meilleures que les 10 qui viennent de s'écouler. J'espère que certains d'entre nous seront encore ici, dans 10 ans, pour l'attester.
Est-ce que l'on envisage de délaisser cet accord parallèle, d'intégrer davantage la Commission à l'ALENA, de lui donner le pouvoir de formuler des recommandations et d'y donner suite, recommandations qui auraient pour effet de mettre en valeur et de protéger notre environnement?
M. William Kennedy: Personnellement, je ne suis au courant de rien. Il faudrait peut-être poser la question au ministre Anderson et au ministre du Commerce. Je n'en ai pas entendu parler.
M. Joe Comartin: C'est tout, monsieur le président.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Je voudrais revenir à ce que vous avez dit plus tôt, à savoir que si le dossier de la Voie maritime du Saint-Laurent était effectivement une question à caractère bilatéral, la CMI ou quelqu'un d'autre interviendrait. Cela me donne à penser que nous n'avons pas encore déterminé quelles sont les valeurs que partagent les trois pays, de sorte que nous ne pouvons justifier le bien-fondé de certaines décisions si nous avons le même système de valeurs.
Prenons l'exemple de l'accord de Kyoto, un sujet très épineux pour bon nombre de pays. Au Canada, l'accord a fait l'objet d'un grand débat, mais nous l'avons signé. Il a bénéficié d'un appui important en raison de ses liens très clairs avec les questions de santé. Dans un certain sens, il est tout à fait approprié de parler des conséquences sur la santé, des agents polluants, et non seulement des émissions de gaz à effet de serre, parce que les processus sont liés.
Félicitations pour votre nomination à la présidence de la CCE. En tant que citoyen américain, vous avez probablement une très bonne idée de la position des États-Unis sur Kyoto, et aussi des problèmes majeurs auxquels nous sommes confrontés au Canada en raison de l'importation d'agents polluants, de la pollution transfrontalière qui nous vient de la vallée de l'Ohio. En effet, l'électricité fournie par les centrales au charbon constitue la principale source de pollution. Celle-ci a un impact très important sur le Canada. Elle influe sur notre système de valeurs, et aussi, je présume, sur le vôtre.
Compte tenu du fait que le Canada et les États-Unis ne partagent pas du tout la même position sur Kyoto, comment pouvez-vous assumer la responsabilité de produire des rapports sur les priorités et formuler des recommandations sur les mesures à prendre dans certains domaines? Il me semble que lorsqu'un pays adopte une stratégie à long terme qui préconise la production d'électricité par des centrales au charbon sale, charbon qui existe en abondance en Pennsylvanie et qui peut être acheté à bas prix, on ne peut s'attendre qu'il contribue aux efforts de réduction de la pollution transfrontalière.
» (1700)
M. William Kennedy: Encore une fois, il faudrait surtout adresser ces questions aux gouvernements, qui nous dictent les réponses à donner.
Il est clair que notre programme de travail, aujourd'hui comme dans le passé, met l'accent sur les défis liés aux changements climatiques. Les rapports que nous avons préparés sur le secteur de l'électricité traitent des énergies renouvelables et des mesures éconergétiques qui sont directement liées aux changements climatiques. Les trois parties se sont d'ailleurs engagées à se pencher là-dessus.
C'est lorsque nous nous penchons sur des aspects précis de Kyoto que nous n'arrivons pas à nous entendre. Dans n'importe quelle autre circonstance, la CCE pourrait être en mesure de faciliter la réalisation de projets comme la récupération du méthane des gisements houillers, entre le États-Unis, le Canada et le Mexique, sauf qu'on ne nous a pas demandé d'examiner la question.
En ce qui me concerne, j'espère que la CCE pourra jouer un rôle dans le domaine des échanges des droits d'émission non seulement de gaz à effet de serre, mais aussi de dioxyde de souffre et de CO2, entre autres, secteurs où, compte tenu de notre statut, nous pouvons apporter une contribution.
M. Paul Szabo: Enfin, malgré le caractère à la fois sérieux et intéressant de certaines questions, j'espère que vous allez considérer le Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes comme un allié et un contact. Il est important, lorsque des témoins ou des invités viennent faire le point sur certains sujets, qu'ils nous disent comment nous pouvons les aider à faire un meilleur travail.
M. William Kennedy: Merci. J'espère que vous allez, vous aussi, nous considérer comme un allié. J'accepterai volontiers de revenir vous voir afin de vous dire comment vous pouvez nous aider.
M. Paul Szabo: Très bien.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Monsieur Kennedy, j'aimerais revenir à ce qu'a dit M. Mills plus tôt et, dans le même ordre d'idées, vous poser une question au sujet du comité consultatif national qui a été mis sur pied par le Canada. Il y a quelques années, le comité a déclaré que la Commission devait démontrer qu'elle est prête à mettre en évidence les problèmes environnementaux importants et à y remédier, même si ces mesures ne plaisent pas à un ou plusieurs gouvernements membres.
Pouvez-vous nous donner des exemples des mesures qui ont été prises par la Commission?
» (1705)
M. William Kennedy: Eh bien, les rapports que nous avons établis en vertu de l'article 13 constituent l'exemple le plus probant. Comme je l'ai déjà mentionné, ces rapports ont été préparés à la demande non pas des gouvernements, mais du Secrétariat.
Pour ce qui est du rapport le plus récent sur le maïs au Mexique, je n'ai pas participé aux discussions internes du Conseil, mais...
Le président: N'avez-vous pas parlé d'un autre rapport sur l'électricité?
M. William Kennedy: Oui.
Le président: Et ensuite?
M. William Kennedy: Il y en a eu un sur les oiseaux migrateurs.
Le président: C'est le Sierra Legal Defence Fund qui a demandé ce rapport, n'est-ce pas? Donc, on vous en a fait la demande. La Commission n'a pas agi de sa propre initiative. C'est le Sierra Legal Defence Fund qui vous a demandé un rapport.
M. William Kennedy: Oui. Je crois comprendre que mes prédécesseurs, avant de décider s'il y avait lieu ou non de préparer un rapport en vertu de l'article 13, ont parlé à diverses parties intéressées : des ONG, le secteur privé, ainsi de suite. Certains rapports ont peut-être été demandés par le Sierra Club ou d'autres groupes. Ce que j'essaie de dire, c'est qu'au sein de la CCE, la décision officielle d'étabir un rapport en vertu de l'article 13 n'est pas prise par le Conseil, c'est-à-dire, les trois gouvernements, mais par le Secrétariat.
Le président: M. Comartin a donc fait une suggestion intéressante lorsqu'il a proposé, et demandé, que la Commission mette l'accent non pas sur la coopération, mais sur la protection. Bien entendu, vous seriez obligés de modifier votre mandat en profondeur, puisque celui-ci est présentement axé sur la coopération. Vous pouvez uniquement coopérer si vos trois maîtres sont disposés à le faire. Or, ce sont les trois ministres de l'Environnement qu'il faudrait convoquer devant le comité pour aller au fond des choses.
Qu'en dites-vous?
M. William Kennedy: Vous avez raison.
Le président: Donc, le Conseil, jusqu'ici, n'a pas joué un rôle exemplaire. Il pourrait afficher un meilleur bilan. Mais je suppose que vous ne pouvez pas faire de commentaires là-dessus.
M. William Kennedy: Si vous jetez un coup d'oeil au rapport décennal, vous allez constater que la Commission, qui est indépendante, a reproché, dans une certaine mesure, au Conseil de ne pas accorder à la CCE l'attention qu'elle mérite.
Le président: Croyez-vous qu'il est possible de modifier le mandat de la Commission pour qu'il mette l'accent non pas sur la coopération, mais sur la protection?
M. William Kennedy: Il faudrait en discuter avec le ministre de l'Environnement. La question est très complexe.
Comme je l'ai mentionné, j'ai travaillé, ces dix dernières années, non pas en Amérique du Nord, mais en Europe. J'ai pu, durant mon mandat à la Banque européenne, me familiariser avec les normes environnementales européennes, parce que notre politique environnementale exigeait que tout pays bénéficiaire d'un prêt respecte les normes environnementales de l'Union européenne, même s'il n'en faisait pas partie, mais qu'il envisageait de s'y joindre. Je n'ai pas suivi les dossiers relatifs à l'ALENA et à la CCE, mais je pensais qu'on se dirigeait vers une harmonisation des normes environnementales en Amérique du Nord, via ces deux mécanismes. Je croyais que la CCE avait un rôle à jouer dans cet effort d'harmonisation, rôle qui n'est pas celui d'une banque. Néanmoins...
Mais je vois que ce n'est pas le cas. Nous désirons vivement coopérer sur le plan environnemental, et le travail que nous effectuons dans le dossier du RRTP en est un exemple. Mais l'ALENA n'est pas l'Union européenne.
Je pense que la réponse à votre question est très simple : dans quelle mesure les trois pays membres de l'ALENA souhaitent-ils, à l'instar des Européens, former une union plus solide? Rien n'indique que c'est ce qu'ils recherchent. Donc, comme cet intérêt n'existe pas, toute initiative visant à mettre l'accent sur un objectif plus précis que la coopération risque sans doute de se faire attendre.
» (1710)
Le président: Merci.
Madame Marleau.
L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Je voudrais revenir au rapport sur le maïs. Ai-je bien compris? Vous avez eu recours à l'article 13 pour effectuer une étude sur le maïs. Un document résumant certaines constatations a été publié, mais vous attendez de soumettre le rapport au Conseil avant de le rendre public?
Vous êtes en mesure de publier une brochure pour expliquer ce que vous avez fait. Quelle différence y a-t-il entre le rapport que vous devez soumettre à l'approbation du Conseil avant qu'il ne soit rendu public, et ce document-ci? J'ai un peu de difficulté à m'y retrouver, parce que le rapport que vous avez préparé semble assez factuel.
M. William Kennedy: Le fait est que nous avons effectué une étude plus vaste dans le cadre de l'article 13. Nous avons préparé un rapport de huit ou neuf chapitres qui traite des divers aspects ou effets du maïs transgénique.
Le rapport final représente essentiellement un document de 20 pages, qui résume les constatations et recommandations découlant de cette étude plus vaste. Le gros de notre travail a été publié dans le numéro de Trio, notre bulletin de nouvelles, et tous ces chapitres figurent sur notre site Web. Pour ce qui est du document qui doit être rendu public, il s'agit du rapport final de 20 pages qui regroupe nos constatations et recommandations. Il a été difficile de le préparer, compte tenu des divers groupes d'intérêt qui sont représentés au sein du comité consultatif. On est en train, aujourd'hui même, de mettre la dernière main au rapport. Il va être envoyé aux parties concernées, et elles devront décider si ce rapport de 20 pages sera, ou non, rendu public.
L'hon. Diane Marleau: De même que les recommandations, parce que, dans ce cas-là, vous en avez formulé.
M. William Kennedy: Oui.
L'hon. Diane Marleau: Donc, ce document n'est pas comme ceux où vous donnez uniquement un compte rendu de la situation.
M. William Kennedy: C'est exact.
L'hon. Diane Marleau: J'ai une autre petite question à vous poser. Vous êtes nouveau, bien entendu, mais pourquoi les trois ministres ne se sont-ils pas rencontrés? Ce que je trouve étrange, c'est que la CCE a été mise en place pour que les ministres puissent se rencontrer plus souvent. Or, vous me dites qu'ils ne l'ont pas fait.
M. William Kennedy: Mais les trois ministres de l'Environnement se sont recontrés. Ils se réunissent une fois l'an. Ils représentent le Conseil.
La réunion qui n'a pas eu lieu est celle où, conformément à l'accord, les trois ministres de l'Environnement doivent rencontrer les ministres du Commerce, leurs homologues commerciaux, pour discuter des liens qui existent entre l'environnement et le commerce. C'est cette réunion-là qui n'a pas eu lieu.
Pour ce qui est des trois ministres de l'Environnement, ils se rencontrent, bien entendu.
L'hon. Diane Marleau: Merci.
Le président: Merci, madame Marleau.
Monsieur Kennedy et monsieur Shantora, nous tenons à vous remercier d'être venus jusqu'à Ottawa pour nous rencontrer. Vous avez fourni des réponses fort intéressantes aux questions posées par les membres du comité. Nous attendons avec impatience le rapport décennal qui sera vraisemblablement rendu public dans un mois ou deux.
M. William Kennedy: C'est exact.
Le président: Nous allons l'examiner de très près.
Je pense que la question que vient de poser Mme Marleau met en évidence le fait qu'on avait déjà pris la décision de créer cette commission à la veille de la signature de l'ALENA. On s'était dit que, pour obtenir la signature de l'ALENA, il fallait contenter les milieux ouvrier et environnemental et créer en fait deux commissions dans le but de faire disparaître les dernières craintes ou les derniers doutes, et donner un élan à cet accord, qui a été signé en 1993, si je ne m'abuse.
Le temps a... eh bien, il est peut-être encore trop tôt pour porter un jugement, mais il est évident qu'il faut renforcer la Commission. Pour ce qui est de la commission du travail basée à Washington, je ne connais pas grand-chose à son sujet.
Cette commission-ci pourrait certainement faire plus, mais la réponse que vous avez donnée plus tôt à la question de M. Comartin nous laisse peu d'espoir. La commission de l'environnement n'est pas à l'abri des forces commerciales qui sont au coeur de l'ALENA.
Il faudra trouver un moyen de faire de la commission de l'environnement un partenaire solide, un participant actif au débat mettant en cause l'environnement et le commerce. Bien entendu, il faudra pour cela une volonté politique, et aussi des principes qui serviront de guide.
Au nom de mes collègues, je vous remercie d'être venus. Nous espérons vous revoir bientôt.
» (1715)
M. William Kennedy: Merci beaucoup.
Le président: La séance est levée.