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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION

Comité permanent des pêches et des océans


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 11 mai 2004




Á 1105
V         Le président (M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.))

Á 1110
V         M. Eric Wickham (directeur général, Canadian Sablefish Association)

Á 1115

Á 1120
V         Le président
V         M. John Cummins (Delta—South Richmond, PCC)
V         M. Eric Wickham
V         M. John Cummins
V         M. Eric Wickham
V         M. John Cummins
V         M. Eric Wickham
V         M. John Cummins
V         M. Eric Wickham
V         M. John Cummins
V         M. Eric Wickham

Á 1125
V         M. John Cummins
V         M. Eric Wickham
V         M. John Cummins
V         M. Eric Wickham
V         M. John Cummins
V         M. Eric Wickham
V         M. John Cummins
V         M. Eric Wickham
V         M. John Cummins
V         M. Eric Wickham
V         M. John Cummins

Á 1130
V         M. Eric Wickham
V         Le président
V         M. Jean-Yves Roy (Matapédia—Matane, BQ)
V         M. Eric Wickham

Á 1135
V         M. Jean-Yves Roy
V         M. Eric Wickham
V         M. Jean-Yves Roy
V         M. Eric Wickham
V         M. Jean-Yves Roy
V         M. Eric Wickham
V         M. Jean-Yves Roy
V         M. Eric Wickham
V         M. Jean-Yves Roy
V         Le président
V         M. Eric Wickham
V         Le président
V         M. Eric Wickham
V         Le président
V         M. Eric Wickham
V         Le président
V         M. Eric Wickham
V         Le président
V         M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.)
V         M. Bob Wood (Nipissing, Lib.)
V         M. Eric Wickham
V         M. Bob Wood

Á 1140
V         M. Eric Wickham
V         M. Bob Wood
V         M. Eric Wickham
V         M. Bob Wood
V         M. Eric Wickham
V         M. Bob Wood
V         M. Eric Wickham
V         M. Bob Wood
V         M. Eric Wickham
V         M. Bob Wood
V         Le président
V         M. Paul Steckle

Á 1145
V         M. Eric Wickham
V         Le président
V         M. Eric Wickham
V         Le président
V         M. Eric Wickham
V         M. John Cummins
V         Le président
V         Mr. John Cummins
V         Le président
V         M. Eric Wickham
V         Le président
V         M. Eric Wickham
V         Le président
V         M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PCC)

Á 1150
V         M. Eric Wickham
V         Le président
V         M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD)
V         M. Eric Wickham
V         M. Peter Stoffer
V         M. Eric Wickham
V         M. Peter Stoffer
V         M. Eric Wickham
V         M. Peter Stoffer
V         M. Eric Wickham
V         M. Peter Stoffer
V         M. Peter Stoffer
V         M. Eric Wickham
V         M. Peter Stoffer
V         M. Eric Wickham

Á 1155
V         M. Peter Stoffer
V         M. Eric Wickham
V         M. Peter Stoffer
V         Le président
V         M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.)
V         M. Eric Wickham
V         M. Carmen Provenzano
V         M. Eric Wickham

 1200
V         M. Carmen Provenzano
V         M. Eric Wickham
V         M. Carmen Provenzano
V         M. Eric Wickham
V         M. Carmen Provenzano
V         Le président
V         M. Loyola Hearn
V         M. Eric Wickham
V         M. Loyola Hearn
V         M. Eric Wickham

 1205
V         M. Loyola Hearn
V         Le président
V         M. Peter Stoffer
V         M. Eric Wickham
V         M. Peter Stoffer
V         Le président
V         M. John Cummins
V         M. Eric Wickham
V         M. John Cummins
V         M. Eric Wickham

 1210
V         M. John Cummins
V         M. Eric Wickham
V         M. John Cummins
V         Le président
V         M. Paul Steckle
V         M. Eric Wickham
V         Le président
V         M. Eric Wickham
V         Le président










CANADA

Comité permanent des pêches et des océans


NUMÉRO 015 
l
3e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 11 mai 2004

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.)): La séance est ouverte.

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous tenons aujourd'hui une séance d'information avec un représentant de la Canadian Sablefish Association. Il s'agit du directeur général, M. Eric Wickham.

    Bienvenue, monsieur Wickham. Nous allons d'abord vous permettre de faire une déclaration préliminaire d'environ 10 minutes puis, si cela vous convient, nous passerons aux questions.

    Je demanderais aux membres du comité de rester sur place après la séance pour que nous puissions discuter, brièvement, je l'espère, de nos travaux futurs.

    Vous pouvez commencer, monsieur Wickham.

Á  +-(1110)  

+-

    M. Eric Wickham (directeur général, Canadian Sablefish Association): Merci. Je pourrais vous dire que j'ai de bonnes et de mauvaises nouvelles.

    Je vais commencer par les bonnes. Le ministre était ici même il y a quelques semaines et a cité notre secteur en exemple comme un modèle pour les pêches. Il a tout à fait raison. Nous sommes devenus un synonyme d'excellence dans le secteur des pêches. L'évaluation des populations indique actuellement des niveaux de stocks comparables à ce qu'ils étaient avant que ne débute l'exploitation. Après 40 ans de pêche, les stocks sont encore très viables, le marché d'exportation est vigoureux et nous utilisons des méthodes de capture qui minimisent les effets néfastes. Nous n'avons que très peu de prises accessoires et on ne peut certes pas dire que nous labourons le fond de l'océan. Voilà donc les bonnes nouvelles. Tous se réjouissent vraiment de la qualité de nos activités de pêche, lesquelles sont principalement dirigées par de petits entrepreneurs. Un seul permis est détenu à une grande entreprise; tous les autres ont été octroyés aux pêcheurs qui ont débuté l'exploitation.

    En vertu d'une entente de cogestion conclue avec le ministère des Pêches et des Océans (MPO), je perçois chaque année, en ma qualité de directeur général, plus de 2 millions de dollars auprès de nos 48 membres aux fins de la gestion, de la recherche scientifique et de la surveillance. Nous entretenons de très bonnes relations avec les responsables locaux du MPO à ce chapitre. Je communique quotidiennement avec les gestionnaires et les scientifiques. Nous avons en outre fait appel à deux experts de renommée mondiale de l'État de Washington qui collaborent avec nous et avec leurs homologues du MPO. Cette collaboration donne de très bons résultats.

    Une seule chose pourrait empêcher que l'on poursuive dans la même veine pendant des centaines d'années. Les stocks sont suffisants et nous ne capturons que des quantités raisonnables. Ainsi, les prises devraient atteindre 4 500 tonnes l'an prochain alors que nous estimons que les stocks se situent entre 60 000 et 80 000 tonnes. C'est une biomasse tout à fait exploitable. Il n'est pas question ici de prises non permises ou de secteurs où nous ne pêchons pas. Alors, tout semble bien aller.

    Si je me présente ici aujourd'hui, c'est parce que l'industrie de l'aquaculture entend prendre de l'expansion de notre côté parce que nous avons développé un marché très lucratif au Japon—un des plus lucratifs pour les pêches de la Colombie-Britannique. Ils examinent nos marchés et constatent que nous obtenons trois à quatre fois le prix qu'ils touchent pour le saumon. Il serait très facile de transformer leurs infrastructures, les enclos à saumon et le matériel connexe, pour faire l'élevage de la morue charbonnière.

    Le ministère a dépensé des centaines de milliers de dollars—je ne suis pas certain du montant exact—pour des recherches sur les méthodes d'éclosion et d'élevage de la morue charbonnière. Il a également aidé l'industrie à se doter de la technologie nécessaire à cette fin. On est maintenant prêt à se livrer à une production industrielle, mais on n'a pas dépensé le moindre dollar ni consacré ne serait-ce qu'une minute pour examiner les interactions entre les pêches sauvages et l'aquaculture.

    La morue charbonnière vit en eau profonde. Nous la pêchons à une profondeur de 500 à 1 000 mètres. C'est dans ces eaux que vivent les adultes, sur le rebord de la plate-forme continentale. Mais la morue juvénile passe les deux à cinq premières années de sa vie dans les fjords, dans les bras de mer, là même où sont situées toutes les piscicultures de saumon. Ces piscicultures appelées à être transformées favorisent l'introduction d'espèces exotiques. Elles permettront à des morues charbonnières adultes de s'infiltrer dans les aires de croissance des poissons juvéniles. Elles introduiront donc une espèce différente et aucune étude n'a été réalisée pour en évaluer les impacts. Y aura-t-il transfert de maladies? Y aura-t-il transfert de parasites? On n'a pas dépensé le moindre sous pour tirer ces questions au clair.

    La position du gouvernement provincial est très simple : allons de l'avant et nous verrons ce qu'il adviendra. Nous ne croyons pas qu'une telle approche soit recommandable. En procédant ainsi, on met en péril la ressource sauvage. Prenons le temps d'effectuer les recherches nécessaires. Procédons à une évaluation adéquate de l'environnement en consacrant le temps nécessaire pour bien cerner la situation des morues juvéniles.

    Nous sommes les seuls à avoir réalisé des recherches sur cette question. Les gens de l'industrie aquacole n'ont pas la moindre idée des emplacements où se trouvent les morues juvéniles. Nous disposons de certaines informations à ce sujet. Le ministère pourrait vous dire qu'on en retrouve dans à peu près tous les bras de mer où les piscicultures sont installées. Il faut donc d'abord et avant tout localiser les poissons juvéniles. Il faut ensuite mener les recherches nécessaires pour déterminer si les maladies ou les parasites des adultes peuvent être transférés aux juvéniles. Allons-nous introduire des maladies auxquelles les morues juvéniles n'ont jamais été exposées, comme ce fut le cas avec le pou du saumon? Est-ce possible? Daniel Pauly de l'Université de la Colombie-Britannique a déjà qualifié les piscicultures de saumon de réservoirs de maladies et de parasites; allons-nous en arriver au même point? Il est essentiel d'effectuer d'abord des recherches.

    Les responsables du ministère réalisent des évaluations environnementales et ont indiqué qu'ils travaillaient à l'élaboration des critères à suivre pour la morue charbonnière. On ne veut pas nous dire quels sont ces critères. On ne veut pas que nous participions au processus; on nous a simplement dit que les critères nous seraient communiqués d'ici quelques semaines.

    Les critères sont établis par la division locale de l'aquaculture du ministère des Pêches et des Océans, ce qui est tout à fait inconcevable. Ce travail aurait dû être confié aux scientifiques du ministère avec lesquels nous collaborons ainsi qu'à nos propres spécialistes. Nous avons la chance d'avoir deux experts de renommée mondiale de l'État de Washington qui travaillent avec nous depuis une dizaine d'années pour la gestion de ces stocks. Ils ne participent pourtant pas à l'élaboration des critères; pas plus que nous d'ailleurs. On nous a dit que les critères seraient prêts dans quelques semaines et qu'on nous en informerait à ce moment-là. Il est question de débuter l'aquaculture de la morue charbonnière dès cet été, mais il faudrait trois ou quatre années de recherche avant de pouvoir amorcer un tel élevage sans mettre en péril la ressource sauvage.

Á  +-(1115)  

    Nous avons une industrie des pêches très florissante qui ne coûte pas un sou aux contribuables canadiens. Nous sommes probablement le seul secteur des pêches en Amérique du Nord qui soit rentable pour les contribuables. Nous versons un million de dollars en droits de permis—pour l'ensemble des 48 pêcheurs—et nous recueillons plus de deux millions de dollars pour la science et la recherche. Nous versons au ministère 100 000 $ par année pour les activités de surveillance. Nous payons 250 000 $ pour les services d'une agence de surveillance privée. Nous défrayons les coûts associés à un poste et demi de scientifique au sein du ministère, en plus d'embaucher deux experts de l'extérieur. Nous faisons tout cela pour garder un certain contrôle sur l'industrie et nous assurer que tout se passe bien. J'ai été témoin dans cette industrie de choses que je n'avais jamais vues ailleurs : lors d'une téléconférence réunissant tous les directeurs il y a trois ou quatre ans, il a été question de s'adresser au MPO pour lui demander d'interrompre les activités de pêche parce que nous nous inquiétions du niveau des stocks. L'évaluation des populations avait été mauvaise cette année-là et c'est nous-mêmes, pêcheurs, qui parlions de cesser l'exploitation. Nous nous sommes effectivement présentés devant le MPO pour dire que nous étions prêts à renoncer à 30 p. 100 de notre quota pour l'année en cours et demander au ministère de réduire les prises de 50 p. 100 l'année suivante. Tout ça parce que les pêcheurs considèrent cette industrie comme la leur et qu'ils veulent la gérer de manière à ce qu'elle puisse durer longtemps.

    Pour ce faire, il nous faut absolument nous assurer que nous ne commençons pas à permettre la construction de réservoirs de maladies dans les aires de croissance des morues juvéniles. Les saumons passent très rapidement près de ces enclos de pisciculture et ils attrapent tout de même des maladies et des parasites. Nos morues juvéniles vivent dans le secteur pendant deux à cinq ans. C'est une très longue période. Il faut aussi considérer qu'il semble s'agir d'un stock unique pour tout l'Alaska et la Colombie-Britannique. C'est un secteur de pêche important en Alaska, environ cinq fois plus que le nôtre. Notre étiquetage des morues juvéniles dans les bras de mer nous a permis de constater que 40 p. 100 des étiquettes que nous récupérons proviennent d'adultes de l'Alaska. Ainsi, si nous introduisions une maladie exotique chez les morues juvéniles, le stock de l'Alaska serait également touché. Comme les Américains ont interdit l'utilisation de parcs en filet en Alaska, ils ne se réjouissent pas d'une telle nouvelle. L'exposition à ce genre de risques ne s'inscrit pas dans des pratiques de bon voisinage.

    J'en resterai là pour l'instant. Je vous remercie de votre attention.

Á  +-(1120)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Wickham.

    Je suis persuadé que les membres du comité ont des questions pour vous.

    Monsieur Cummins.

+-

    M. John Cummins (Delta—South Richmond, PCC): Merci, monsieur le président.

    En septembre 2003, j'ai inscrit quelques questions au Feuilleton concernant la pêche de la morue charbonnière et je n'ai toujours pas obtenu de réponse. Je me suis plaint de cette situation auprès du Président de la Chambre. Des réponses ont été rédigées et j'ai pu les obtenir en vertu de Loi sur l'accès à l'information. Je crois qu'elles peuvent être dignes d'intérêt dans le contexte des propos tenus par M. Wickham. Alors, si vous n'y voyez pas d'objection, monsieur Wickham, je vais lire rapidement les questions et les réponses du gouvernement et vous pourrez commenter ces réponses si vous le désirez.

    J'ai notamment demandé si une analyse détaillée des impacts environnementaux de l'aquaculture du flétan et de la morue charbonnière avait été réalisée en vertu de la Loi sur les évaluations environnementales, de la Loi sur les pêches, de la Loi sur la protection des eaux navigables, ou de toute autre loi, et le gouvernement a répondu que non. Est-il vrai qu'aucune évaluation n'a été effectuée?

+-

    M. Eric Wickham: C'est exact.

+-

    M. John Cummins: J'ai aussi demandé si on avait réalisé une analyse détaillée des répercussions économiques et de la rentabilité de l'aquaculture du flétan et de la morue charbonnière. Le ministère a indiqué qu'aucune analyse détaillée n'avait été menée. Est-ce bien le cas?

+-

    M. Eric Wickham: Tout à fait, oui.

+-

    M. John Cummins: Est-ce que des lignes directrices ont été élaborées quant au choix des emplacements destinés à l'aquaculture du flétan et de la morue charbonnière de manière à interdire l'implantation de parcs à filet pour ces espèces dans les aires d'élevage et de croissance situées dans les bras de mer côtiers, les baies et les fjords? On a répondu qu'aucune directive officielle n'existait à cet égard. Encore là, c'est ce qu'indique votre témoignage.

+-

    M. Eric Wickham: Oui.

+-

    M. John Cummins: Est-ce que des autorisations ou des approbations ont été accordées pour l'établissement d'installations d'aquaculture avec parcs à filet pour le flétan et la morue charbonnière sur la côte de la Colombie-Britannique et, le cas échéant, quels sont les emplacements retenus? La réponse indique qu'aucune évaluation environnementale n'a été menée pour l'aquaculture du flétan et de la morue charbonnière dans des filets à parc en Colombie-Britannique, mais qu'on va tout de même de l'avant. Est-ce exact?

+-

    M. Eric Wickham: Oui, il semble que ce soit le cas. Il y a une entreprise industrielle qui compte faire éclore—je ne suis pas certain de la quantité—des centaines de milliers d'alevins cet été. La province a accordé des permis à 50 sites différents pour la morue charbonnière.

+-

    M. John Cummins: Vous parlez de la province. On nous a dit de nous adresser aux autorités provinciales pour savoir quelles installations pour l'aquaculture du flétan ou de la morue charbonnière n'avaient pas subi d'évaluations en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. N'est-il pas étrange de devoir s'adresser à une province pour obtenir des éclaircissements sur l'application d'une loi fédérale? C'est ce que suggère la réponse qui a été préparée pour ma question. On y indique que c'est la province de la Colombie-Britannique qui est responsable de l'octroi des permis pour les installations d'écloserie et d'aquaculture de poissons en eau douce et dans les environnements marins et que c'est avec les autorités provinciales qu'il convient de communiquer directement pour obtenir des renseignements détaillés sur l'emplacement des écloseries.

    Est-ce habituel de devoir s'adresser à la province pour obtenir une réponse à ce sujet?

+-

    M. Eric Wickham: C'est très difficile d'obtenir des renseignements de la province—c'est encore plus compliqué qu'auprès du MPO. Ce sont d'ailleurs les responsables de la surveillance au ministère qui nous ont indiqué les emplacements et même appris que la province avait octroyé 50 permis. Les agents de surveillance avec lesquels nous collaborons pour contrecarrer les plans de nos membres qui pourraient vouloir tromper le système détiennent une liste de toutes les installations d'aquaculture de saumon qui ont été approuvées par la province pour la morue charbonnière et nous ont transmis cette liste. La province ne nous l'a jamais fournie, bien que nous l'ayons demandée et redemandée.

Á  +-(1125)  

+-

    M. John Cummins: Nous avons cherché à savoir quelles recherches ou études avaient été réalisées ou financées relativement aux maladies et aux parasites associés à l'aquaculture du flétan et de la morue charbonnière et à leur transfert possible aux espèces sauvages, et qu'est-ce que ces études nous ont appris. On nous a répondu qu'aucune étude ou recherche n'avait été réalisée sur cette question particulière. Si aucune étude n'a été faite, ne vous apparaît-il pas particulièrement étrange que le gouvernement envisage la possibilité d'établir de tels sites sans disposer de l'information suffisante?

+-

    M. Eric Wickham: J'estime que cela est tout à fait irresponsable. Ils ont effectué une quantité considérable de recherches sur les modes d'éclosion et de ponte de la morue charbonnière. Un de ces documents révèle que le MPO a découvert qu'une morue charbonnière adulte avait environ une vingtaine de parasites possibles et qu'une vingtaine de maladies différentes y étaient associées. Voilà donc ce que nous introduisons dans le système. Personne n'a fait de recherches pour savoir si les morues juvéniles pouvaient résister à ces maladies, si elles en étaient atteintes, ou quoi que ce soit. On n'a pas dépensé un traitre sous à ce chapitre. C'est là-dessus que les recherches devraient porter : qu'advient-il lorsqu'un groupe de morues charbonnières est introduit dans une aire de croissance juvénile et qu'elles contractent des maladies? Celles-ci sont-elles transmises aux morues juvéniles?

+-

    M. John Cummins: Le gouvernement a bien sûr également indiqué qu'aucune étude ni aucune recherche n'avait été entreprise quant aux effets probables de la gale dans ce contexte. Sur cette question non plus, il n'y a pas eu de recherche selon le gouvernement.

+-

    M. Eric Wickham: Pas de recherche, non.

+-

    M. John Cummins: Nous avons posé une question au sujet des arrangements de financement à coûts partagés pour les travaux de recherche et développement entrepris par Pêches et Océans et on nous a répondu que le projet de constitution d'un stock de géniteurs de morue charbonnière est financé à hauteur de 305 600 $ par le MPO, alors que les partenaires de l'industrie versent 29 500 $ en plus de contributions non financières. Ce projet de constitution d'un stock de géniteurs est réalisé à Salt Spring Island, n'est-ce pas?

+-

    M. Eric Wickham: Tout à fait.

+-

    M. John Cummins: Les responsables gouvernementaux nous ont dit qu'ils avaient versé une contribution financière correspondant à dix fois la part de l'entreprise privée. Pourriez-vous le confirmer?

+-

    M. Eric Wickham: C'est exact.

+-

    M. John Cummins: Mais qui donc est à l'origine de cette initiative pour la morue charbonnière à Salt Spring Island? Le ministère ou l'entreprise privée?

+-

    M. Eric Wickham: Le projet semble être réalisé à l'initiative du ministère. Voilà une dizaine d'années que le ministère effectue des recherches sur la façon d'élever la morue charbonnière. Je suppose que l'industrie de pisciculture du saumon exerce des pressions en ce sens, parce que cela n'exige qu'une transformation rapide vers l'aquaculture d'une espèce qui a une valeur beaucoup plus grande sur le marché. Les gens de cette industrie ne se préoccupent pas des interactions avec la ressource sauvage. En toute honnêteté, la disparition de la ressource sauvage leur permettrait de se débarrasser de leur plus gros concurrent. Le ministère, qui devrait être préoccupé par cette question, ne semble pas s'en faire à ce moment-ci.

+-

    M. John Cummins: Il faut s'inquiéter des interactions entre l'espèce sauvage et les morues juvéniles qui vivent sur ces hauts-fonds côtiers ou près de la côte et des secteurs où sont situées ces installation aquacoles. Dans le document que vous avez produit, vous parlez d'une différence considérable entre la morue charbonnière et le saumon en signalant que les enclos à filet sont plus souvent qu'autrement situés dans des régions où le contact est bref, car le saumon interagit à peine avec son congénère en captivité avant de poursuivre son itinéraire de migration. Avec la morue charbonnière, le problème semble plus grave parce que les enclos sont situés dans les aires de croissance des alevins et des juvéniles. Vous connaissez aussi bien le secteur de la pêche au saumon que celui de la morue charbonnière. Croyez-vous que l'aquaculture de la morue charbonnière pose un problème plus considérable que celle du saumon dans des parcs à filet?

Á  +-(1130)  

+-

    M. Eric Wickham: Très nettement. On ne devrait pas décider du jour au lendemain de procéder à l'élevage dans une aire de croissance des morues juvéniles sans avoir réalisé toutes les recherches nécessaires pour s'assurer qu'il n'existe aucun risque de transmission de maladies ou de parasites. Comme vous l'avez indiqué, le saumon passe très rapidement dans ces secteurs, mais cela a tout de même créé d'importants problèmes. Nous avons tous entendu parler de l'archipel de Broughton où un groupement de plus de trois millions de saumons roses a été dévasté—on en compte maintenant à peine plus de 100 000—dans sept rivières en raison de la transmission du pou du saumon à partir des installations aquacoles vers les saumoneaux qui passaient par là, introduisant chez ceux-ci un parasite qu'ils ne connaissaient pas.

    Voilà le genre de questions qui nous préoccupent. Les recherches ont révélé, je le répète, que les morues charbonnières adultes peuvent avoir une vingtaine de maladies différentes et autant de parasites. Personne ne cherche à savoir si les morues juvéniles en sont atteintes ou si elles y sont résistantes. Selon moi, c'est toute l'industrie qui est ainsi mise en péril. Quand je dis toute l'industrie, je parle d'environ 30 millions de dollars par année qui entrent en Colombie-Britannique et de quelque 120 millions de dollars qui vont en Alaska. L'ordre de grandeur est le même que pour l'industrie du saumon en Alaska. C'est une industrie d'importance pour les deux pays. Et on voudrait mettre tout cela en péril en n'effectuant aucune recherche, surtout parce que certains souhaiteraient aller de l'avant le plus rapidement possible.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Roy, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Jean-Yves Roy (Matapédia—Matane, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je lisais le résumé du document intitulé « Effets secondaires de l'offre sur la valeur marchande de la morue charbonnière ». Quel intérêt les aquaculteurs ont-ils à se lancer dans l'élevage de la morue charbonnière si vos prévisions sont justes?

    Après un certain temps, les prix du marché tomberont à un point tel que, finalement, on produira uniquement pour couvrir les coûts de production. Quel intérêt a-t-on à se lancer dans l'élevage de la morue charbonnière s'il est prévu que, dans quatre ou cinq ans, les prix auront tellement décliné qu'il ne vaudra plus la peine d'en faire l'élevage? C'est ce que vous nous dites dans votre étude.

[Traduction]

+-

    M. Eric Wickham: Oui, c'est exact. C'est une bonne question. J'aimerais bien la poser aux gens de l'industrie aquacole. Ils ne retournent pas nos appels, alors nous n'avons pas de dialogue avec eux, mais je suppose que la situation peut être assimilée à celle de la ruée vers les pêches. Nous nous sommes lancés dans la pêche en sachant très bien que certains ne pourraient pas en tirer un profit, mais les premiers arrivés ont tenté leur chance. Je crois que l'histoire se répète. Le propriétaire de cette écloserie ne s'inquiète pas des risques d'inonder le marché; il pense seulement au profit qu'il pourrait réaliser en vendant ses alevins d'un an. Il pourrait tirer un très bon prix des premiers milliers de tonnes qui arriveront sur le marché, après quoi celui-ci va s'effondrer.

    Je crois que vous avez en main le résumé d'une étude menée par les pêcheurs américains par l'entremise de l'Université de Washington. Cette étude sera rendue publique la semaine prochaine. Il leur en a coûté environ 50 000 $ pour réaliser cette analyse économique de la mise en marché de la morue charbonnière et c'est exactement ce que l'on constate : il y aura effondrement. Le marché pour la morue charbonnière est plus petit, correspondant à environ 1 p. 100 du marché du saumon, ce qui fait que la valeur marchande chutera plus rapidement, jusqu'au point où elle ne couvrira que les coûts de production, tant pour les pêcheurs que pour les aquaculteurs, et la technologie sera alors exportée vers un endroit où sa mise en oeuvre sera moins coûteuse, comme le Chili.

    Ainsi, on peut dire que le Canada investit beaucoup d'argent et d'efforts pour concevoir une technologie qui permettra aux premiers entrepreneurs en place de réaliser des profits. Puis, éventuellement, les prix chuteront à un point tel que plus personne ne fera de l'argent, et la technologie sera transférée au Chili ou dans un autre pays où son exploitation est moins coûteuse. Cela revient essentiellement à exporter une industrie.

Á  +-(1135)  

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy: Donc, vous craignez que certains pays, notamment le Chili, s'emparent de la technologie d'élevage qui a été développée ici, fassent l'élevage de la morue charbonnière, tuent la pêche à la morue charbonnière que nous faisons ici, et même éliminent l'aquaculture de ce type de production si elle s'implante ici.

[Traduction]

+-

    M. Eric Wickham: Oui, c'est tout à fait exact.

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy: Vous avez aussi parlé d'une étude qui est réalisée aux États-Unis et qui devrait être publiée prochainement. Vous serait-il possible de nous donner une copie de cette étude lorsque vous y aurez accès?

[Traduction]

+-

    M. Eric Wickham: Bien sûr, dès qu'elle sera rendue publique.

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy: Est-ce que le ministère des Pêches et des Océans est conscient de l'impact que pourrait avoir le lancement d'un élevage de morue charbonnière? Quelle est la réponse du ministère des Pêches et des Océans lorsque vous lui mentionnez que vos études prouvent qu'un tel élevage aurait un impact extrêmement négatif sur la pêche qu'on fait à l'heure actuelle?

[Traduction]

+-

    M. Eric Wickham: Les responsables de la division locale de l'aquaculture du MPO en Colombie-Britannique nous répondent de ne pas nous inquiéter : ils ont la situation bien en main. Ils vont établir les critères; ils ne veulent pas de notre collaboration; ils s'occupent de tout. Nous avons rencontré les représentants du MPO à Ottawa hier, et ils ne semblaient pas être au courant de la situation. On ne nous a fait aucune promesse mais leur réponse me permet d'espérer qu'ils vont se pencher sur la question.

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy: Que veulent-ils dire lorsqu'ils disent qu'ils vont s'en occuper?

[Traduction]

+-

    M. Eric Wickham: Selon moi, c'est comme si les voleurs de banque établissaient les lois applicables à ce type d'infractions. On ne pourrait pas dire qu'ils s'occupent de la question. On ne pourrait pas s'y fier.

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Roy.

    Quel est le nom de la personne responsable de ce dossier pour le MPO en Colombie-Britannique ?

+-

    M. Eric Wickham: Il s'agit de Alison Webb. Elle est responsable de l'habitat et de l'aquaculture ce qui, à mon avis, la place en conflit d'intérêts.

+-

    Le président: Et vous nous dites bien qu'elle refuse de vous adresser la parole?

+-

    M. Eric Wickham: Nous avons eu deux rencontres d'une heure au cours de la dernière année. Il faut compter deux mois pour obtenir une rencontre et on ne nous fournit que très peu d'information.

+-

    Le président: À qui avez-vous parlé hier au MPO?

+-

    M. Eric Wickham: À M. Bouchard et à M. Bevan. D'autres personnes étaient présentes, mais je ne connais pas leurs noms.

+-

    Le président: C'est suffisant. Ces noms nous sont familiers.

    Vous avez fait montre d'un optimisme prudent, mais aucune promesse n'a été faite.

+-

    M. Eric Wickham: C'est exact.

+-

    Le président: Monsieur Wood, puis monsieur Steckle, si vous partagez votre temps.

+-

    M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Oui.

+-

    M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Monsieur Wickham, qu'est-ce qui presse tant? Pourquoi veut-on précipiter les choses?

+-

    M. Eric Wickham: La seule explication que je puisse voir, et ce n'est là qu'une hypothèse, c'est qu'on se rue vers les profits. L'industrie de l'élevage du saumon s'est effondrée; sa valeur marchande a chuté à un point tel que l'on produit à perte et ce, depuis quelques années déjà. On découvre soudainement une espèce qui pourrait remplacer le saumon avec un minimum d'investissements et qui assure un prix trois fois plus élevé. C'est la seule explication que je puisse voir à la précipitation dont fait montre l'industrie. La ressource sauvage pourrait être éliminée, mais on ne se préoccupe pas de cette répercussion. C'est simplement un concurrent dont on se débarrasse. Le MPO et le gouvernement n'ont aucune raison de vouloir précipiter les choses. Le gouvernement devrait retarder le processus de quelques années pour pouvoir réaliser les études nécessaires puis chercher à déterminer les moyens à prendre pour garder l'industrie en Colombie-Britannique, la garder au Canada, ce qui peut être réalisé.

    L'Alaska, la Colombie-Britannique et l'État de Washington sont les seuls endroits au monde où l'on trouve de la morue charbonnière. L'Alaska ne permet pas l'aquaculture en parcs à filet, pas plus que l'exportation de stocks de géniteurs. Si nous prenions des mesures semblables, nous pourrions conserver cette industrie chez-nous. Nous pourrions effectuer des recherches et déterminer la façon la plus sûre d'y parvenir, en y accordant le temps nécessaire, quatre ou cinq ans, et adopter des lois pour la protection de manière à ce que les adultes vivants ne puissent être exportés et demeurent en Colombie-Britannique. À l'heure actuelle, les adultes vivants peuvent être exportés au Chili où l'on dispose des stocks de géniteurs nécessaires, et nous leur fournissons la technologie requise.

+-

    M. Bob Wood: C'est probablement la première fois de leur vie qu'ils se précipitent pour faire quelque chose. La plupart d'entre eux sont tellement lents qu'ils doivent sortir un 25 sous pour prendre le taxi.

    Dans quelles mesures les marchés réagiront-ils si la production de morue charbonnière d'élevage augmente?

Á  +-(1140)  

+-

    M. Eric Wickham: La production est d'environ 30 000 tonnes à l'échelle mondiale. Elle est écoulée dans un petit créneau de marché au Japon. L'étude qui sera rendue publique par l'Université de Washington au cours des prochaines semaines indiquera que si l'on augmente la production de 30 000 tonnes suuplémentaires, si on la double en fait, le prix chutera jusqu'au niveau du coût de production du poisson. Le marché sera alors saturé.

    La morue charbonnière n'est pas un produit qui peut être vendu sur un très vaste marché. C'est un poisson qui a un goût très prononcé et qui, en fait, ne plaît pas tellement aux consommateurs nord-américains. Les Nord-Américains aiment la morue plus douce. Nous n'avons donc jamais été capables de la vendre très bien en Amérique du Nord ou en Europe. Les Asiatiques aiment le produit, mais son marché est plutôt limité au Japon, ce qui fait que les prix chuteront.

    Il est intéressant de noter que les gens de l'industrie aquacole ont diffusé il y a environ un mois un imposant rapport—que vous connaissez certainement—sur l'avenir de l'industrie notamment. On y mentionne que la Colombie-Britannique pourrait produire 126 000 tonnes de morue charbonnière. Eh bien, l'étude de l'Université de Washington nous apprendra que le prix en deviendrait alors nul. Il n'y a absolument pas de marché pour de telles quantités.

    À l'heure actuelle, le marché pourrait absorber un peu plus que 30 000 tonnes, alors nous avons un marché où le produit est en demande. On pourrait peut-être se rendre jusqu'à 40 000 tonnes sans problème, mais au-delà de cette quantité les prix commenceraient à chuter.

+-

    M. Bob Wood: Est-ce que des permis ont déjà été octroyés pour l'élevage de morue charbonnière en Colombie-Britannique?

+-

    M. Eric Wickham: La province a octroyé une cinquantaine de ces permis à des éleveurs de saumon. Une de ces entreprises détient un permis lui permettant d'élever 500 000 saumons atlantiques sur le même emplacement que 500 000 morues charbonnières, sans qu'aucune étude n'ait été réalisée quant aux risques de transferts réciproques.

+-

    M. Bob Wood: Ces entreprises peuvent-elles aller de l'avant dès qu'elles le jugent bon ou doivent-elles attendre qu'il y ait effectivement une ruée comme le prévoit cette étude?

+-

    M. Eric Wickham: Elles peuvent débuter au moment qui leur conviendra. La seule chose qui les arrête actuellement c'est l'obligation d'effectuer une évaluation environnementale avant de mettre les poissons à l'eau. C'est donc uniquement cette mesure de contrôle du ministère des Pêches et des Océans qui les freine. Sinon, elles pourraient simplement aller de l'avant sans autre formalité.

+-

    M. Bob Wood: Est-ce que l'aquaculture de la morue charbonnière pourrait être néfaste pour d'autres espèces sauvages, comme le sébaste par exemple?

+-

    M. Eric Wickham: C'est une bonne question. Personne n'a encore pris la peine de se pencher là-dessus. Le sébaste est une espèce menacée dans bien des secteurs et vous allez y introduire des morues charbonnières d'élevage? C'est une autre question qui n'a pas été examinée.

+-

    M. Bob Wood: Je trouve la situation plutôt étrange : votre groupe est prospère; vous dépensez beaucoup d'argent; vous payez pour des scientifiques qui travaillent pour le MPO; et vous n'obtenez rien en retour. Ces gens-là devraient probablement se réjouir de voir un groupe de pêcheurs canadiens qui réalisent des profits tout en s'occupant de la conservation de la ressource. Mais on dirait qu'ils ne semblent pas vous reconnaître ce mérite.

+-

    M. Eric Wickham: C'est le cas pour un segment du MPO. Les gens avec lesquels nous collaborons sont très heureux de ce que nous faisons. J'ai lu ce que le ministre a déclaré ici même il y a quelques semaines. Il nous a cités comme modèle à suivre pour l'industrie des pêches dans le futur.

    Il y a donc une portion du MPO qui reconnaît notre travail, mais il y a un autre pan du ministère qui estime que c'est sans importance et que l'aquaculture est la voie de l'avenir.

+-

    M. Bob Wood: C'est un peu une question d'égo, ne croyez-vous pas?

    Je suppose que vous préférez ne pas répondre à cette question? Je répondrai oui pour vous; je n'ai pas peur.

+-

    Le président: Monsieur Steckle.

+-

    M. Paul Steckle: Je n'ai pas beaucoup de questions, mais j'ai certaines observations à formuler dans le même contexte. Je vois une similarité entre votre industrie et celle qui est soumise à la gestion des approvisionnements en agriculture.

    Comme ceux d'entre vous qui connaissez cette industrie, mon expérience en agriculture me permet de constater qu'on a obtenu d'assez bons résultats avec le groupe SM5. Les produits laitiers et avicoles sont notamment soumis à la gestion des approvisionnements. Nous n'interdisons pas l'importation de certains produits jusqu'à un niveau donné, comme le garantissent nos accords nord-américains. De plus, nous n'entravons pas le bon fonctionnement des marchés étrangers, notamment aux États-Unis. Nous produisons pour le marché intérieur à un prix qui permet un profit pour le producteur et nous assurons au consommateur canadien un approvisionnement sûr de ce produit.

    Je ne sais pas pour quelle raison nous semblons incapables de comprendre—même en agriculture, nous n'avons pas compris dans aucun des autres secteurs où ça semble se passer ainsi, mais c'est bel et bien le cas—qu'en doublant la production d'un bien, le stock de poissons dans le cas qui nous intéresse, nous mettons en péril l'ensemble de l'industrie. Je ne vois pas qu'est-ce qu'il y a de si difficile à comprendre là-dedans. Il est tout simplement logique que l'on ne puisse avoir accès aux profits que d'autres réalisent. Si vous avez un million de dollars et que je n'en ai pas, vous n'allez pas me donner votre argent. Si vous voulez me le donner, pas de problème, mais je ne peux pas vous le prendre. Si j'essaie de m'en emparer, une pénalité s'appliquera. Dans ce cas-ci, la pénalité c'est que tout le monde sortira perdant.

    Que fait le ministère des Pêches et des Océans dans ce dossier? Pourquoi ne comprennent-ils pas cela? Le MPO a-t-il le pouvoir d'intervenir pour dire que si l'on veut prendre votre secteur comme modèle, il faudrait le protéger, protéger cette espèce, protéger cette industrie?

    Je me demande toujours pourquoi nous ne pouvons pas tirer des enseignements de nos erreurs passées. Nous nous devons d'intervenir. Nous avons développé le marché autant que possible, et nous travaillons à partir de ce marché, mais nous ne devrions pas le détruire pour la seule recherche du profit. Cela n'a tout simplement aucun sens.

Á  +-(1145)  

+-

    M. Eric Wickham: Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Steckle.

    Il reste encore un petit peu de temps du côté libéral, alors je vais en profiter.

    Pour être sûr de bien comprendre, il y a au Japon un créneau de marché de 30 000 tonnes pour ce produit à l'échelle mondiale.

+-

    M. Eric Wickham: En fait, c'est 90 p. 100 au Japon et environ 10 p. 100 dans des endroits comme Hong Kong, Taïwan, etc.

+-

    Le président: Est-ce que les consommateurs sur ce marché en demandent davantage?

+-

    M. Eric Wickham: Non. Je sais que le plus grand importateur du Japon a écrit une lettre au ministre lui disant que le Japon ne veut pas de morue charbonnière d'élevage, qu'il a une très bonne structure de marché présentement et qu'il ne souhaite pas augmenter sensiblement la production, comme ce fut le cas dans le secteur du saumon. Il nous demande de ne pas entreprendre l'élevage de morue charbonnière.

+-

    M. John Cummins: Pour votre information, monsieur le président, j'ai une copie de cette lettre. Je peux la lire dans un instant pour le compte rendu.

+-

    Le président: Vous pouvez peut-être nous la remettre et nous allons la distribuer.

+-

    Mr. John Cummins: Bien sûr.

+-

    Le président: D'accord.

    Puisque le marché à créneaux n'est pas intéressé à recevoir beaucoup plus de poissons, on ne peut soutenir qu'on inonderait le marché avec le poisson d'élevage et qu'on détruirait ainsi ce marché. Vous l'approvisionnez déjà avec le produit de la pêche. Au mieux, on pourrait dire que le marché pourrait être géré, par exemple, en autorisant les 48 pêcheurs à prendre seulement 20 000 tonnes et en attribuant 10 000 tonnes aux aquaculteurs. Mais permettre... Je ne dis pas que c'est bon ou mauvais; je dis seulement que cette façon de faire préserverait au moins le marché à créneaux et ne l'inonderait pas avec des stocks inutiles, ce qui le détruirait.

    Quelqu'un vous a-t-il laissé entendre, à un moment quelconque, qu'il devrait y avoir un partage entre la pêche et l'aquaculture?

+-

    M. Eric Wickham: Oui, cette idée a été avancée par la plus grande association de pêcheurs de morue charbonnière de Seattle et de l'Alaska. Une lettre a été envoyée à notre ministre et à notre premier ministre disant « Écoutez, si nous devons entreprendre l'élevage de la morue charbonnière, parlons-en et créons un office de commercialisation conjoint ou quelque chose d'autre. »

    Aucune réponse; aucune réponse du tout.

+-

    Le président: Parlant d'absence de réponse, vous dites que vous ne travaillez pas avec le secteur de l'aquaculture. Pouvez-vous nous dire quels efforts vous avez faits pour communiquer avec ce secteur et tenter d'établir un dialogue?

+-

    M. Eric Wickham: Lorsque j'ai pris ce dossier en main il y a environ un an, j'ai téléphoné aux sièges sociaux de toutes les grandes entreprises d'aquaculture de la Colombie-Britannique. Il en existe environ cinq, qui sont toutes de grandes sociétés européennes. Je les ai appelées pour amorcer un dialogue. Des secrétaires me disaient « D'accord, je vais transmettre votre message et nous vous rappellerons ». Personne n'a rappelé.

    J'ai rencontré des directeurs de certaines entreprises lors de cocktails. Nous avons parlé et ils semblaient intéressés à entreprendre des discussions à ce sujet. Personne n'a rappelé.

    J'ai assisté à des réunions avec la directrice de la Salmon Farmers' Association, qui a refusé d'en parler.

    Vous savez, j'ai l'impression qu'ils n'ont pas besoin de nous parler puisque les deux paliers de gouvernement sont de leur côté. Ils vont aller de l'avant et faire comme bon leur semble, alors pourquoi se donneraient-ils la peine de nous parler?

+-

    Le président: Monsieur Hearn.

+-

    M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je serai très bref, parce que je crois que presque tout ce qu'on peut dire à ce sujet a déjà été dit. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous affirmez, non seulement en ce qui a trait à la morue charbonnière. Je me suis toujours demandé pourquoi, lorsque je vois autant de rivières à saumon... et les nôtres sont loin d'être comme celles de la Colombie-Britannique, mais au fil des années, des rivières à saumon prolifiques ont été entièrement négligées, que ce soit au niveau de la surveillance, de l'amélioration, etc. Évidemment, les stocks ont diminué. Nous avons ensuite laissé les phoques s'introduire dans les embouchures et prendre tout ce qui y restait.

    Le gouvernement n'a rien fait puis a décidé d'effectuer des expériences avec du saumon d'élevage, à tel point qu'aujourd'hui les marchés sont inondés et qu'on ne peut plus concurrencer le Chili et d'autres pays producteurs. Plus personne ne fait d'argent et tout le monde en souffre.

    Quand allons-nous apprendre? En matière de protection et d'amélioration de nos stocks naturels, que ce soit le saumon, la morue charbonnière ou d'autres espèces sur le nez et la queue des Grands bancs, nous avons fait un travail lamentable. Il y a certainement eu négligence de la part du gouvernement—et je le dis en toute neutralité, parce que ce n'est pas une tâche facile. Il faut beaucoup de travail pour faire cela. C'est beaucoup plus facile d'adopter quelques règlements que d'aller sur place et d'examiner le saumon. Vous savez, aucun effort réel n'est déployé.

    Je suis donc tout à fait d'accord avec vous et je crois qu'il est temps de reconnaître qu'il faut développer des marchés qui permettront aux gens de gagner leur vie. C'est possible pour de plus en plus de personnes si nous protégeons nos ressources. Nous mettons des produits de première qualité sur le marché et tout ce que vous voulez pour favoriser l'économie. Nous avons ce qu'il faut pour produire de bons aliments et garantir les débouchés. Qui détruit cela? Nous-mêmes. C'est plutôt frustrant de voir ce qui se passe. Or, ce n'est qu'un exemple. Nous avons entendu parler d'autres pêches, et je peux vous donner des exemples de ma région.

    Nous sommes donc entièrement d'accord avec vous et nous soutenons vos initiatives sans réserve.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Eric Wickham: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Stoffer.

+-

    M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci.

    J'ai dû sortir et je vous prie de m'excuser si cette question a déjà été posée. Lorsque M. Bastien, l'ancien commissaire à l'aquaculture, a rédigé son rapport, avez-vous participé aux discussions?

+-

    M. Eric Wickham: Non, pas du tout.

+-

    M. Peter Stoffer: Étiez-vous au courant qu'il effectuait une étude sur l'aquaculture et qu'il devait présenter des recommandations au gouvernement?

+-

    M. Eric Wickham: Non.

+-

    M. Peter Stoffer: Encore une fois, pour le compte rendu, M. Bastien, à titre de commissaire, a mené une assez vaste étude et rédigé un rapport sur l'aquaculture à l'intention du gouvernement du Canada, et votre organisation n'a aucunement participé à ces discussions. Vous n'avez pas été invités. Vous n'étiez pas du tout au courant des discussions.

+-

    M. Eric Wickham: Non, je n'étais pas au courant jusqu'à ce que le rapport soit publié et que nous puissions le consulter. On y disait, par ailleurs, qu'il était possible d'élever 120 000 tonnes de morue charbonnière en Colombie-Britannique, ce qui est tout à fait ridicule puisqu'il n'y a aucun marché pour ce produit. La technologie n'a pas encore été mise au point et les risques n'ont pas été évalués.

    Je ne sais pas d'où vient cette information. On dirait que c'est tombé du ciel.

+-

    M. Peter Stoffer: Monsieur, avez-vous écrit à M. Bastien ou au ministre pour lui dire que vous n'étiez pas au courant du rapport, pour savoir d'où viennent ces chiffres, pour lui demander pourquoi vous n'avez pas été consulté et pour solliciter une rencontre afin de remettre les pendules à l'heure?

+-

    M. Eric Wickham: Non. J'ai demandé récemment à rencontrer le ministre, et je n'ai pas encore reçu de réponse.

+-

    M. Peter Stoffer: Pour ce qui est de l'absence de règle concernant l'aquaculture en Colombie-Britannique, dont nous sommes au courant depuis un certain temps, leur demandez-vous de vous aider à exercer des pressions sur le gouvernement du Canada ou celui de la Colombie-Britannique pour bloquer l'aquaculture de la morue charbonnière?

+-

    M. Peter Stoffer: Vous voulez dire l'Alaska?

    Oui.

+-

    M. Eric Wickham: Oui, nous travaillons en étroite collaboration avec les pêcheurs de l'Alaska et certains politiciens de cet endroit. Ils commencent à prendre conscience du problème. Pour dire la vérité, ils ne croient pas vraiment ce que nous sommes en train de faire. Ils ne peuvent le croire. Ils s'éveillent lentement au problème. Si nous endommageons leurs ressources, ils vont montrer un peu plus d'intérêt.

+-

    M. Peter Stoffer: Monsieur, votre organisation travaille-t-elle avec des groupes des Premières nations sur la côte Ouest dans ce dossier?

+-

    M. Eric Wickham: Je vous remercie de poser la question, parce que j'avais oublié de vous en parler.

    Oui. Un de nos plus gros détenteurs de permis est un Haïda, qui a obtenu son permis de l'endroit où ils étaient attribués à l'origine. Il y a environ trois ans, la nation de Sooke a acheté un permis dans notre secteur de pêche, à un coût très élevé. Deux autres groupes des Premières nations négocient actuellement des permis. Qui plus est, des permis de pêche de la morue charbonnière ont été offerts dans le cadre des traités. Le traité avec le groupe de la baie Barkley prévoit un permis de pêche de la morue charbonnière.

    Certains représentants de ces Premières nations nous disent que l'homme blanc tient encore un double langage; d'une part, il dit qu'il leur donne ce permis très précieux et, d'autre part, il va détruire l'industrie.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Peter Stoffer: Monsieur, je suis d'accord avec M. Hearn et M. Steckle pour dire que c'est frustrant de voir qu'il existe un secteur de pêche fructueux qui est cogéré et dont vous financez vous-mêmes la recherche scientifique, la surveillance, etc.... C'est ce que nous aimerions avoir partout au pays puisque ça marche. Aujourd'hui, vous vous sentez menacés par un projet de développement de l'aquaculture d'une espèce sauvage, c'est-à-dire la morue charbonnière, qui vous éliminera du marché.

    Même si je ne suis pas censé le faire, je vous demande au nom du comité ce que vous aimeriez qu'il fasse pour attirer l'attention du ministre ou du gouvernement sur ce problème.

+-

    M. Eric Wickham: Je ne comprends pas très bien les pouvoirs du comité, mais nous aimerions qu'il encourage le gouvernement à effectuer une évaluation environnementale adéquate avant qu'un poisson ne soit mis à l'eau, ne soit mis dans l'océan. Nous devons également participer à cette évaluation environnementale. Les meilleurs scientifiques du monde qui connaissent la morue charbonnière sont les gens qui travaillent au MPO et pour nous. Nous devons donc prendre part à cette évaluation.

    L'étude que j'ai ici passe en revue tous les critères et tout ce que vous devez examiner. Vous devez avoir une installation au sol et voir s'il y a transfert de maladie. Peut-être introduire des poissons malades...

    Il faut donc effectuer tous ces travaux, ce qui peut prendre deux ou trois ans, mais il faut le faire et voir ce que sont les risques. Il faut déterminer exactement où se trouvent les juvéniles dans les zones côtières. Nous ne le savons pas encore.

    C'est ce que nous aimerions que le gouvernement fasse. Le gouvernement dit maintenant qu'il va effectuer une évaluation environnementale pour le saumon, qu'il va ensuite modifier un peu pour faire quelque chose pour la morue charbonnière. Il n'a même pas encore défini les critères—il n'est qu'à l'étape de rédaction des critères—et nous en serons informés par la suite. Ce n'est vraiment pas suffisant. Nous devons prendre part aux discussions, examiner les critères et effectuer des recherches avant qu'un poisson ne soit mis à l'eau.

+-

    M. Peter Stoffer: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, monsieur Stoffer.

    Monsieur Provenzano.

+-

    M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Je n'ai qu'une seule question, monsieur le président.

    J'essaie de comprendre ce que vous dites au sujet des Chiliens. Pouvez-vous reprendre vos explications, parce que je ne suis pas certain de bien comprendre?

+-

    M. Eric Wickham: Bien sûr.

    Si vous commencez l'élevage de la morue charbonnière et que la production atteint environ 60 000 tonnes, le marché paiera 2 $ la livre. Il s'agit du seuil de rentabilité des aquaculteurs de la Colombie-Britannique; c'est leur prix coûtant.

    Ce sont des entreprises hollandaises et norvégiennes qui s'adonnent à l'aquaculture en Colombie-Britannique; elles mènent aussi des activités au Chili. Elles vont examiner la chose et diront : « Nous pouvons produire ce poisson à 1 $ la livre au Chili. Nous avons la technologie; le gouvernement l'a mise au point pour nous au Canada. Nous l'avons maintenant, nous l'utilisons au Canada et nous pouvons simplement la transporter au Chili. » La morue charbonnière mange essentiellement la même nourriture que le saumon—mais beaucoup plus d'huile, ce qui est un aspect intéressant. C'est donc la même chose; c'est un carnivore qui va consommer quatre ou cinq livres de poisson. Or, le Chili a cette nourriture, il a une main-d'oeuvre bon marché et il a des lois environnementales plus laxistes que les nôtres.

    C'est là où l'élevage se fera, là où le saumon s'en va maintenant. À mon avis, l'aquaculture du saumon de la Colombie-Britannique décline et ne se relèvera pas; l'élevage se fera au Chili et dans les pays du tiers monde. Nous ne sommes pas compétitifs.

+-

    M. Carmen Provenzano: Ce que je ne comprends pas, monsieur Wickham, c'est la façon de contrôler ce qui se passe au Chili.

+-

    M. Eric Wickham: Eh bien, c'est une bonne question.

    D'abord, le Canada est le seul pays du monde à avoir entrepris de développer la technologie nécessaire pour élever la morue charbonnière, ce qui est insensé. En deuxième lieu, nous donnons cette technologie à n'importe qui. Or, il faut un stock de géniteurs; il faut la morue charbonnière adulte, qui est très particulière. Il faut deux ou trois ans pour qu'elle s'habitue à vivre dans des étangs, etc. Il faut la morue adulte, qui se trouve seulement en Alaska, en Colombie-Britannique et près de l'État de Washington. Un point, c'est tout. Voilà ce que nous contrôlons.

    Le Chili ne pourrait rien faire sans l'exportation de morues vivantes. Il n'a pas de stock de géniteurs—et il en faut passablement. Il faut renouveler constamment le stock pour assurer la différence génétique, et il faut trouver les bons géniteurs, ce qui implique un certain nombre.

    Je connais quelqu'un qui travaille dans ce secteur et qui dit « Si vous expédiez des morues charbonnières adultes par avion, vous devrez attendre environ deux ans avant que les poissons ne se reproduisent parce qu'ils seront traumatisés. Nous avons réalisé qu'il faut deux ou trois ans avant qu'ils recommencent à frayer lorsqu'ils passent simplement d'un milieu naturel à un enclos. »

    Nous avons donc un certain contrôle. Premièrement, il ne faut pas donner cette technologie aussi librement; il ne faut pas la transmettre à n'importe qui. Deuxièmement, il faut contrôler l'exportation de morues vivantes et interdire l'exportation de stocks de géniteurs, puisque le marché ne veut pas de poissons vivants. Il n'y a jamais eu d'exportation de poissons vivants à aucun endroit.

  +-(1200)  

+-

    M. Carmen Provenzano: Merci.

    Faisons quelques hypothèses. Supposons que l'évaluation environnementale dont vous parlez est menée et que le secteur de l'aquaculture tient le coup. Supposons aussi que des pratiques sont en place pour permettre l'élevage et la production de morues charbonnières sans créer d'effets négatifs sur l'environnement; c'est une hypothèse. Supposons aussi que nous avons une pêche renouvelable de morues charbonnières.

    Dans ces conditions, seriez-vous ici pour demander au gouvernement de privilégier la pêche plutôt que l'aquaculture de la morue charbonnière?

+-

    M. Eric Wickham: Non. Je m'entretiendrais avec les éleveurs de morue charbonnière et je leur dirais : « Élaborons une stratégie de commercialisation pour faire en sorte de ne pas inonder le marché local. Faisons quelque chose qui sera profitera à tous. »

+-

    M. Carmen Provenzano: Autrement, ce que vous souhaitez, c'est que le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial—je ne sais pas qui a cette compétence—réglemente le marché pour cette espèce de poisson en particulier.

    Dans quelle mesure pouvez-vous faire cela? Dans quelle mesure le gouvernement fédéral ou provincial peut-il réglementer l'industrie de manière à ce que l'espèce ne soit pas menacée dans son milieu naturel et que ce poisson puisse être élevé dans des enclos à filet sans créer d'effets négatifs? Comment concilier ces activités?

+-

    M. Eric Wickham: Je crois que l'industrie devrait se contrôler elle-même. Si nous étions raisonnables, nous arriverions à nous entendre. Ce n'est pas la responsabilité du gouvernement. Je pense que les aquaculteurs seraient ouverts à cette possibilité, après ce qui s'est produit dans le secteur du saumon. Les éleveurs de saumon ne peuvent pas se réglementer eux-mêmes dans le monde entier; ils laissent le marché s'effondrer, et plus personne ne fait d'argent.

+-

    M. Carmen Provenzano: Merci de vos réponses.

+-

    Le président: Merci, monsieur Provenzano.

    Nous n'aurons que quelques questions rapides des membres du comité.

    Monsieur Hearn, vous vouliez poser une question.

+-

    M. Loyola Hearn: Je m'interrogeais seulement au sujet des prédateurs. La morue charbonnière est-elle visée par un ou plusieurs prédateurs en particulier, ou est-ce là un problème?

+-

    M. Eric Wickham: C'est une bonne question. Nous ne le savons pas avec certitude. Nous ignorons encore beaucoup de choses. Il s'agit d'un poisson qui vit en eau très profonde. Nous avons très peu de prises accessoires; la morue charbonnière semble donc plutôt isolée des autres espèces. Nous remarquons qu'elle remonte en eau peu profonde à la suite d'autres poissons et semble craindre d'autres espèces. J'ignore toutefois quel est son prédateur naturel, mis à part la maladie. Elle est sujette à de nombreuses maladies.

+-

    M. Loyola Hearn: En eau profonde—elle semble adaptée à des températures plus froides. Qu'arrivera-t-il dans des enclos en eau peu profonde?

+-

    M. Eric Wickham: Ce sont toutes des questions auxquelles il faudra répondre. D'après les travaux réalisés jusqu'à présent, il semble que la morue charbonnière est assez résistante dans les enclos et, chose étonnante, qu'elle s'habitue à vivre en surface. Elle est habituée à vivre dans des profondeurs de 500 à 1 000 mètres, mais elle s'accommode des eaux de surface dans les enclos.

    Ce phénomène a été observé dans le cadre d'expériences. Comme vous pouvez le voir dans le document, la plupart des poissons deviennent aveugles parce qu'ils ne sont pas habitués à la lumière. Toutefois, ils survivent, ils mangent et ils grandissent. Il n'y a pas vraiment eu de production où ils... Les morues ont été passablement dispersées et bien suivies dans le cadre de quelques expériences seulement. Il n'existe aucune installation de production comme pour les saumons, où vous mettez un grand nombre de poissons ensemble et tentez d'en accroître le nombre. On ignore encore ce qui se produira.

    Nous ne savons pas non plus quelle sera la qualité du poisson pour la consommation. La morue charbonnière a habituellement une chaire tendre et molle. En fait, elle est congelée immédiatement sur nos bateaux parce qu'elle ne peut rester trois ou quatre jours avant d'être ramenée sur la côte. Si on entreprend l'élevage et qu'on obtient une structure musculaire moindre parce que les poissons sont dans un enclos et ne peuvent nager, comme dans le cas des saumons, on obtiendra peut-être seulement une masse molle. C'est peut-être même infaisable. Je ne sais pas.

  +-(1205)  

+-

    M. Loyola Hearn: Tout cela semble un peu injuste. Vous pouvez voir ce que vous mangez, mais ils ne peuvent voir qui les mange.

+-

    Le président: Monsieur Stoffer.

+-

    M. Peter Stoffer: Monsieur, savez-vous s'il y a une aquaculture de morue charbonnière en activité présentement?

+-

    M. Eric Wickham: Je suis au courant de trois écloseries. La première a tout laissé tomber. La deuxième n'a pas eu de succès. Sa dernière couvée était de plus d'un million d'alevins l'an dernier, mais tous ont eu le tétanos et sont morts dans l'espace de quelques semaines. Je ne sais pas ce que fait la troisième écloserie. Je crois comprendre qu'elle est dirigée par un scientifique de renommée internationale. C'est le seul qui a eu du succès. On s'attend à ce que son entreprise réussisse.

    Les scientifiques du MPO qui se sont intéressés à la morue charbonnière disent que la technologie a été mise au point et que l'élevage est facile. Je ne sais pas. Nous savons que cet homme a construit la première écloserie sur l'île Salt Spring. Il dit à ses investisseurs qu'il aura d'immenses quantités de jeunes morues charbonnières à mettre dans l'océan d'ici à l'été. Aucune évaluation environnementale n'a encore été menée pour l'un ou l'autre de ces enclos océaniques.

    Voilà où en est l'industrie.

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    M. Peter Stoffer: Merci.

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    Le président: Monsieur Cummins, je crois que le comité a déjà une très bonne idée de ce que dit le témoin, mais voulez-vous poser quelques questions rapides?

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    M. John Cummins: Je crois qu'il y a certains renseignements qui sont plutôt intéressants. Comme M. Wickham l'a fait remarquer, le marché de la morue charbonnière est restreint et est comblé à l'heure actuelle par le produit de la pêche, sans que les stocks ne subissent d'effets négatifs. Il y a donc lieu de se demander pourquoi le gouvernement fait la promotion de l'aquaculture.

    J'ai soulevé cette question en septembre dernier et, grâce à la Loi sur l'accès à l'information, nous avons obtenu une fiche préparée à l'intention du ministre pour la période des questions, dans laquelle on trouve la réponse suivante à ce sujet :

Le prix de la morue charbonnière continue d'être déterminé par le Japon. Il existe également un marché établi pour la morue charbonnière aux États-Unis (en Californie). À l'heure actuelle, la pêche ne satisfait pas à la demande. La demande croissante pour le poisson à chair blanche aux États-Unis pourrait être comblée par la morue charbonnière si un approvisionnement constant était offert aux acheteurs.

    On poursuit avec ceci :

L'aquaculture pourrait compléter la pêche en faisant augmenter la demande et en permettant d'offrir un approvisionnement constant et de stabiliser les prix. Le contrôle des prix par le Japon pourrait être affaibli par une mise en marché dynamique aux États-Unis, ce qui profiterait tant aux pêcheurs qu'aux aquaculteurs.

    Ces observations sont un peu exagérées, n'est-ce pas?

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    M. Eric Wickham: Elles sont très exagérées. Nous n'avons produit que 4 500 tonnes cette année. L'Alaska produit bien plus que 20 000 tonnes et ne peut vendre cette production aux États-Unis. Il la vend au Japon. Nous avons participé à des douzaines de foires commerciales à Los Angeles pour promouvoir notre produit, et il est possible d'en vendre une petite quantité. À Bruxelles, nous avons distribué 7 000 ou 8 000 craquelins garnis de morue charbonnière. Beaucoup de gens ont aimé—mais personne n'a passé de commande. C'est une illusion de croire qu'on peut développer un marché sans y mettre beaucoup d'argent et beaucoup d'efforts de commercialisation. C'est un document fantaisiste que vous venez de lire, monsieur Cummins.

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    M. John Cummins: Aucune étude n'a été réalisée sur l'interaction entre le poisson sauvage et la morue charbonnière, mais je crois qu'il importe de souligner que cette interaction n'est pas nécessairement localisée. Votre expérience de marquage laisse croire que l'interaction entre ces poissons en cage et les juvéniles pourrait s'étendre partout dans le nord-ouest du Pacifique. Est-ce exact?

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    M. Eric Wickham: C'est exact. Comme je l'ai mentionné auparavant, 40 p. 100 des juvéniles que nous avons marqués dans nos eaux sont revenus de l'Alaska et certains sont revenus d'aussi loin que des îles Aléoutiennes. Nous avons aussi marqué des poissons de la Colombie-Britannique qui sont revenus de Los Angeles. Le poisson se déplace beaucoup. Le seul permis que la province a accordé vise 500 000 saumons de l'Atlantique sur le même site que 500 000 morues charbonnières. Si l'on met ces deux espèces ensemble et que le poisson de l'Atlantique transmet une maladie exotique ou un parasite à ces morues juvéniles, ces mêmes morues pourront vivre de nombreuses années, si elles n'en meurent pas, et répandre la maladie ou le parasite partout sur la côte ouest de l'Amérique du Nord; ce sera répandu partout. Le grand perdant sera l'Alaska, qui enregistre des prises annuelles de morue charbonnière d'une valeur d'environ 120 millions de dollars. Si le poisson est contaminé par une maladie ou un parasite à cet endroit, la perte sera énorme—correspondant au niveau de la pêche de saumon.

  -(1210)  

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    M. John Cummins: Il va sans dire qu'il y aura des répercussions.

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    M. Eric Wickham: Cela ne favorise pas le bon voisinage.

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    M. John Cummins: Il convient de souligner que M. Wickham est l'auteur d'un livre intitulé Dead Fish and Fat Cats, que je vous incite à lire si vous ne l'avez pas déjà fait. Il s'agit d'un excellent commentaire sur le MPO.

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    Le président: Monsieur Steckle.

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    M. Paul Steckle: Monsieur Wickham, vous avez dit que les gens ont montré de l'intérêt pour le poisson, mais avec des craquelins. Nous devrions peut-être commercialiser des craquelins avec le poisson; nous pourrions peut-être vendre plus de poisson ainsi.

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    M. Eric Wickham: Exactement.

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    Le président: Monsieur Wickham, vous avez dit en réponse à une question de M. Stoffer que vous n'aviez pas écrit aux divers organismes pour leur faire part de vos inquiétudes —je crois que c'est ce que vous avez dit—mais que vous aviez appelé et demandé des rencontres et d'autres choses de cette nature. Permettez-moi de vous donner un conseil. Je vous encourage à tout mettre par écrit et à envoyer des copies à autant de personnes que vous le pouvez, y compris à nous, de manière à étayer à l'avance vos inquiétudes. On ne sait jamais à quel moment un litige peut faire surface, et c'est très bien d'avoir en main des documents montrant que des avertissements avaient été donnés. Vous pouvez alors tenter de prouver qu'il y a eu négligence et qu'on a omis de surveiller les stocks. Je vous incite donc à tout mettre par écrit. Écrivez au ministre, au secteur de l'aquaculture et à toutes les personnes qui vous viennent à l'esprit—ce ne devrait pas être trop difficile puisque vous êtes écrivain—et envoyez-nous une copie.

    Dès que vous nous aurez quittés, nous aurons une discussion ici sur certains sujets que nous avons étudiés au cours des trois dernières semaines et nous déciderons des mesures que nous allons prendre. Pour votre information, une de nos principales préoccupations à l'heure actuelle est de savoir quand une élection fédérale sera déclenchée. Si elle est déclenchée bientôt, beaucoup de choses seront mises en veilleuse jusqu'à l'issue de cette élection. Vous devrez donc être patient, comme tout le monde. S'il n'y a pas d'élection fédérale, le comité poursuivra ses travaux comme d'habitude et restera en contact avec vous.

    Nous vous remercions de votre témoignage. Vos propos étaient clairs, directs, évidents et pleins de bon sens, et je suis certain que le comité en reparlera cet après-midi. Merci beaucoup, monsieur.

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    M. Eric Wickham: Merci.

    J'ai fait preuve de négligence en omettant de présenter mon document assez tôt pour qu'il soit traduit à temps, mais je l'ai ici et je le laisserai dans sa version anglaise. Je crois comprendre qu'il sera traduit et vous sera distribué dans quelques jours.

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    Le président: C'est exact. Merci beaucoup.

    Nous allons prendre une pause-café de quelques minutes avant de tenir une réunion à huis clos.