INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 29 avril 2004
Á | 1100 |
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)) |
M. Glenn O'Farrell (président et chef de la direction, Association canadienne des radiodiffuseurs; Coalition contre le vol des signaux satellite) |
Á | 1105 |
M. Harris Boyd (vice-président principal, Affaires corporatives et Bureau des petits systèmes, Association canadienne de télévision par câble, Coalition contre le vol des signaux satellite) |
Á | 1110 |
M. Shan Chandrasekar (président et chef de la direction, Asian Television Network; Coalition contre le vol des signaux satellite) |
Le président |
M. Ken Stein (premier vice-président, Affaires corporatives et réglementaires, Shaw Communications inc.) |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
Le président |
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, PCC) |
M. Ken Stein |
M. Jim Abbott |
M. Chris Frank (vice-président, Programmation et Affaires gouvernementales, Bell Express Vu, Coalition contre le vol des signaux satellite) |
M. Jim Abbott |
M. Chris Frank |
Á | 1125 |
M. Jim Abbott |
M. Chris Frank |
M. Jim Abbott |
M. Chris Frank |
M. Glenn O'Farrell |
M. Chris Bredt (associé, Borden Ladner Gervais s.r.l., représentant DIRECTV, Coalition contre le vol des signaux satellite) |
Le président |
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.) |
Á | 1130 |
M. Glenn O'Farrell |
M. Chris Bredt |
Le président |
M. Andy Savoy |
M. Ken Stein |
M. Andy Savoy |
Le président |
M. Ken Stein |
M. Chris Frank |
Á | 1135 |
Le président |
M. Andy Savoy |
Le président |
M. Andy Savoy |
M. Glenn O'Farrell |
M. Shan Chandrasekar |
Á | 1140 |
Le président |
M. Shan Chandrasekar |
Le président |
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ) |
M. Édouard Trépanier (vice-président, Affaires réglementaires, Quebecor Média, Coalition contre le vol des signaux satellite) |
Á | 1145 |
M. Luc Perreault (vice-président, Communications et Affaires réglementaires, Pelmorex, Coalition contre le vol des signaux satellite) |
M. Paul Crête |
M. Harris Boyd |
M. Glenn O'Farrell |
Á | 1150 |
Le président |
L'hon. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.) |
M. Chris Frank |
L'hon. Joe Fontana |
M. Chris Frank |
L'hon. Joe Fontana |
M. Glenn O'Farrell |
L'hon. Joe Fontana |
M. Glenn O'Farrell |
L'hon. Joe Fontana |
Á | 1155 |
M. Ken Stein |
L'hon. Joe Fontana |
M. Harris Boyd |
L'hon. Joe Fontana |
M. Harris Boyd |
L'hon. Joe Fontana |
Le président |
M. Ken Stein |
Le président |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
M. Glenn O'Farrell |
 | 1200 |
M. Brian Masse |
M. Harris Boyd |
M. Brian Masse |
M. Harris Boyd |
M. Brian Masse |
M. Harris Boyd |
M. Brian Masse |
M. Harris Boyd |
M. Brian Masse |
M. Chris Bredt |
 | 1205 |
M. Édouard Trépanier |
M. Brian Masse |
M. Édouard Trépanier |
Le président |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Ken Stein |
M. Brian Masse |
M. Ken Stein |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.) |
M. Glenn O'Farrell |
 | 1210 |
Le président |
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, PCC) |
Le président |
M. Luc Perreault |
Le président |
M. Glenn O'Farrell |
Le président |
Le président |
M. Paul Fitzgerald (vice-président et conseiller juridique, Congrès Iberoaméricain du Canada) |
 | 1220 |
 | 1225 |
Le président |
Mme Bahija Reghai (vice-présidente, Coalition des professionnels et des associations communautaires arabo-canadiens) |
 | 1230 |
 | 1235 |
Le président |
M. Andy Savoy |
M. Paul Fitzgerald |
M. Andy Savoy |
Mme Bahija Reghai |
M. Andy Savoy |
Le président |
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC) |
 | 1240 |
M. Paul Fitzgerald |
Mme Lynne Yelich |
M. Paul Fitzgerald |
Mme Lynne Yelich |
M. Paul Fitzgerald |
M. Alan Riddell (associé, Soloway Wright, Congrès Iberoaméricain) |
Mme Lynne Yelich |
M. Alan Riddell |
 | 1245 |
Le président |
Mme Lynne Yelich |
Le président |
M. Paul Crête |
M. Paul Fitzgerald |
 | 1250 |
M. Paul Crête |
M. Paul Fitzgerald |
M. Paul Crête |
M. Paul Fitzgerald |
M. Paul Crête |
M. Paul Fitzgerald |
M. Paul Crête |
M. Paul Fitzgerald |
M. Paul Crête |
M. Paul Fitzgerald |
 | 1255 |
M. Paul Crête |
M. Paul Fitzgerald |
M. Paul Crête |
M. Paul Fitzgerald |
M. Paul Crête |
M. Paul Fitzgerald |
M. Paul Crête |
Le président |
Mme Bahija Reghai |
M. Paul Crête |
· | 1300 |
Mme Bahija Reghai |
Le président |
L'hon. Joe Fontana |
M. Paul Fitzgerald |
M. Alan Riddell |
· | 1305 |
L'hon. Joe Fontana |
M. Paul Fitzgerald |
L'hon. Joe Fontana |
M. Paul Fitzgerald |
L'hon. Joe Fontana |
M. Paul Fitzgerald |
L'hon. Joe Fontana |
M. Paul Fitzgerald |
L'hon. Joe Fontana |
M. Paul Fitzgerald |
L'hon. Joe Fontana |
M. Paul Fitzgerald |
L'hon. Joe Fontana |
M. Paul Fitzgerald |
L'hon. Joe Fontana |
M. Paul Fitzgerald |
· | 1310 |
L'hon. Joe Fontana |
M. Paul Fitzgerald |
Le président |
M. Roy Bailey |
M. Paul Fitzgerald |
M. Roy Bailey |
M. Paul Fitzgerald |
M. Roy Bailey |
Le président |
Mme Bahija Reghai |
L'hon. Joe Fontana |
Mme Bahija Reghai |
L'hon. Joe Fontana |
Mme Bahija Reghai |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 29 avril 2004
[Enregistrement électronique]
Á (1100)
[Traduction]
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)): Bonjour à tous.
Bienvenue à la séance du jeudi 29 avril du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication, mieux connue sous le nom de loi visant à lutter contre le piratage des satellites dans le marché gris et noir, que d'aucuns qualifient de vol.
Nous avons divisé notre séance de ce matin en deux parties. Pendant la première heure, nous entendrons la Coalition contre le vol des signaux satellite et Shaw Communications. Je vois que beaucoup de gens sont déjà assis à la table. Même si le temps ne nous permet pas de laisser la parole à chacun d'entre vous, nous accorderons néanmoins aux représentants de nos deux témoins principaux de cinq à sept minutes, de façon à laisser suffisamment de temps pour les questions.
Je crois savoir que Glenn O'Farrell, Shan Chandrasekar et Harris Boyd se partageront le temps dévolu à la Coalition. Puisque c'est l'ordre dans lequel ils sont inscrits à notre ordre du jour, c'est ainsi que nous procéderons.
Au cours de la deuxième heure, nous accueillerons le Congrès ibéro-américain du Canada ainsi que la Coalition des professionnels et des associations communautaires canado-arabes qui sont peut-être déjà parmi l'auditoire.
Sans plus tarder, j'inviterais M. O'Farrell à prendre sa part du temps qui est consacré à son association.
Merci.
M. Glenn O'Farrell (président et chef de la direction, Association canadienne des radiodiffuseurs; Coalition contre le vol des signaux satellite): Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour. Nous représentons la Coalition contre le vol des signaux satellite. Je m'appelle Glenn O'Farrell et je suis président et chef de la direction de l'Association canadienne des radiodiffuseurs.
Je voudrais vous présenter les autres délégués aujourd'hui à mes côtés. Ce sont: Shan Chandrasekar, président et chef de la direction, Asian Television Network; Édouard Trépanier, vice-président à Quebecor Media; Chris Frank, vice-président chez Bell ExpressVu; Harris Boyd, vice-président de l'ACTC; Ken Stein, de Shaw Communications, bien sûr; Chris Bredt, associé chez Borden Ladner Gervais, qui représente DIRECTV, et enfin, Luc Perreault, vice-président chez Pelmorex.
Est également présente Lori Assheton-Smith, conseillère juridique auprès de l'ACTC.
[Français]
Monsieur le président, l'Union des artistes, qui représente environ 6 400 artistes de langue française au Canada, aurait souhaité être ici avec nous ce matin pour appuyer le projet de loi que vous avez devant vous, un projet qui est destiné à mener la lutte contre le vol de propriété intellectuelle.
Pierre Curzi, son président, nous disait:
Dans le cas des signaux de radiodiffusion, c'est l'ensemble des artisans de la télévision au pays qui en souffre. D'une part, l'UDA préconise la diversité des voix et ce, dans toutes les langues, mais d'autre part elle tient à souligner que l'importation illégale de signaux étrangers met en péril notre capacité de continuer à soutenir les politiques culturelles et multiculturelles canadiennes. |
[Traduction]
Vous trouverez une liste complète des membres de notre coalition, la CCVSS, dans la trousse de documents qui vous a été remise. Le temps me manque pour la parcourir avec vous. Comme vous pourrez vous en rendre compte, la Coalition rassemble une vaste communauté d'intérêts, phénomène sans précédent dans la mesure où la Coalition réunit non seulement des représentants de l'ensemble du système canadien de radiodiffusion, mais encore des représentants américains. Ce niveau de coopération est éloquent et témoigne du degré de gravité que nous percevons tous dans la menace que représente le vol des signaux.
Des recherches effectuées par notre industrie nous permettent d'estimer qu'on compterait jusqu'à 700 000 utilisateurs de services par satellite illicites au Canada. Et, à notre avis, les chiffres pourraient être encore plus élevés.
Une estimation modérée de l'impact de ces activités sur l'industrie nous permet de conclure que 400 à 500 millions de dollars par an nous échappent en revenus d'abonnement perdus. Monsieur le président, il s'agit d'une industrie qui emploie 150 000 Canadiens et où il y a croissance dans l'emploi; autrement dit, nous continuons d'embaucher de plus en plus de Canadiens.
Si les mesures d'application de la loi et les poursuites au civil intentées par le secteur privé ont, dans l'ensemble, jeté un froid sur le marché, le problème reste néanmoins encore très grave. De nombreux vendeurs ont fait l'objet d'enquêtes et ont été condamnés, mais même parmi ceux qui ont été condamnés, on en compte qui sont tout simplement retournés à leurs affaires, ce qui est très préoccupant. L'expérience nous a montré qu'il faut de meilleurs outils pour combattre efficacement ce problème, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
Il est important toutefois de comprendre que seules les personnes impliquées dans les activités commerciales ont été condamnées. Comprenez-nous bien : nous n'avons aucunement l'intention de poursuivre les particuliers qui utilisent ces systèmes; notre cheval de bataille, ce sont ceux qui en font un commerce, c'est-à-dire les vendeurs.
Nous aimerions parler des propositions spécifiques avancées dans le projet de loi, mais avant de commencer, il faut bien comprendre que la Loi sur la radiocommunication, sous sa forme actuelle, stipule qu'il est contraire à la loi de décoder des signaux de programmation télévisée encryptés sans le consentement du distributeur autorisé.
Au Canada, les distributeurs autorisés de programmation télévisée par satellite sont Star Choice et ExpressVu. DIRECTV, représenté aujourd'hui par notre coalition, et The DISH Network, ou EchoStar, ne sont pas autorisés à distribuer leurs services au Canada. C'est aussi simple que cela.
En avril 2002, la Cour suprême du Canada confirmait les dispositions de la Loi sur la radiocommunication et concluait que les activités du marché gris comme celles du marché noir sont illégales. On ne devrait pas distinguer entre les deux. La plupart des gens qui pensent être des utilisateurs du marché gris et qui pensent payer un service américain par satellite paient en fait un vendeur illégal. Le résultat est le même: les détenteurs de droits canadiens ne sont pas payés. Les distributeurs canadiens ne sont pas payés. Les producteurs, artistes, techniciens canadiens ne sont pas payés. Les contributions qui doivent être versées au Fonds canadien de télévision ne leur parviennent pas.
De plus, certains des appareils utilisés causent des interférences sur les fréquences radio de la police et de recherche et sauvetage, compromettant ainsi la sécurité publique. On compte déjà au Canada quelques incidents à cet égard qui auraient pu s'avérer très graves.
Les modifications proposées dans le projet de loi C-2 ne changeraient pas la loi. Ce qui est actuellement illégal restera illégal.
Je demanderais maintenant à Harris Boyd de parler de ces modifications.
Á (1105)
M. Harris Boyd (vice-président principal, Affaires corporatives et Bureau des petits systèmes, Association canadienne de télévision par câble, Coalition contre le vol des signaux satellite): Nous savons, bien sûr, qu'Industrie Canada a déjà expliqué aux membres du comité ces modifications, mais nous aimerions également en parler et aussi vous expliquer pourquoi nous pensons qu'elles sont importantes.
La Loi sur la radiocommunication comprend, dans sa version actuelle, des dispositions spécifiques d'inspection pour permettre aux inspecteurs d'entrer sur les lieux et d'examiner les dossiers et le matériel lorsqu'il est raisonnable de penser qu'on peut y trouver quelque chose qui enfreint la loi. Lorsque le local est un local privé, cependant, il faut produire un mandat, à moins de circonstances exceptionnelles. Ces dispositions restent les mêmes dans la loi, avec ou sans projet de loi C-2. Ce que ce projet de loi propose, c'est de moderniser ces dispositions, en faisant référence à des dossiers électroniques et à des fichiers de données qui sont maintenant beaucoup plus courants qu'ils ne l'étaient lorsque la loi a été initialement rédigée. Pour le reste, les pouvoirs d'inspection resteraient inchangés.
Pour ce qui est des peines encourues, la Loi sur la radiocommunication prévoit dans sa version actuelle, pour qui se rend coupable de fournir ou de modifier du matériel en vue de décoder des signaux encryptés et d'en faire commerce, une peine maximale de seulement 25 000 $. Les peines encourues sont extrêmement légères, quand on pense que, pour la plupart, ces entreprises retirent des millions de dollars par an du marché noir. De plus, ces peines maximales sont rarement appliquées après une déclaration de culpabilité. L'expérience nous montre que, au cours des deux dernières années, l'amende imposée en moyenne aux vendeurs de matériel illicite a été de seulement quelque milliers de dollars—somme qu'il est facile de comptabiliser en se disant que c'est le prix à payer pour faire des affaires.
Les modifications proposées à la Loi sur la radiocommunication augmenteraient l'amende maximale, pour une compagnie qui aurait enfreint la loi en cet endroit, et l'amende pourrait atteindre 200 000 $. Il serait évidemment toujours à la discrétion des juges de condamner à des amendes moindres les coupables, mais cette modification n'en enverrait pas moins un message très clair: la vente de matériel destiné à pirater les signaux par satellite constitue une infraction très grave, et les contrevenants seront punis en conséquence. Nous appuyons sans réserve cette augmentation des peines.
Nous sommes conscients que les amendes devront également être augmentées en proportion pour les particuliers, mais nous répétons que ce qui nous intéresse, ce sont ceux qui sont impliqués dans des activités commerciales, comme l'a dit Glenn. Ce serait une utilisation des ressources de police assez contestable que de mener des enquêtes sur l'utilisation de ces systèmes à titre personnel, ce qui serait par ailleurs assez difficile à faire.
La prochaine question abordée dans les modifications proposées est celle de l'importation du matériel utilisé pour la réception des signaux non autorisés. Ce type de matériel comprend les récepteurs et les cartes d'accès de DIRECTV et de DISH Network, ainsi que toute une gamme d'autres récepteurs conçus spécifiquement pour accéder aux signaux de ces services sans autorisation. Au Canada, ce qui constitue de loin le segment le plus important du marché des services par satellite illicites, c'est le vol des signaux américains. Par conséquent, en empêchant ce type de matériel d'entrer au Canada, on ferait déjà beaucoup pour stopper le flux d'approvisionnement qui fournit les vendeurs illicites.
Les modifications limiteraient l'importation aux seules personnes ayant obtenu un permis d'importation, et ces permis ne seraient accordés qu'à ceux qui ont des raisons légitimes d'acheter et de distribuer du matériel de réception et d'autorisation des services par satellite. Cela comprendrait, bien sûr, les trois importateurs autorisés pour Star Choice et Bell ExpressVu, en plus de ceux qui ont besoin de ce type de matériel pour des raisons qui leur sont propres et qui pourraient justifier l'obtention d'un permis d'importation. Ces modifications ne sauraient assurer que tout le matériel illicite sera retenu à la frontière, mais elles augmenteraient néanmoins la probabilité de confiscation et faciliterait la tâche des douaniers. Cette mesure est à nos yeux importante pour ralentir le flux de matériel illicite qui entre au Canada.
Enfin, la dernière série de modifications proposées concerne l'ajout d'une clause qui prévoirait des dommages et intérêts, ce qui est très intéressant pour le secteur privé. En effet, de nombreux membres de notre coalition ont intenté des poursuites au civil contre des vendeurs du marché noir. De telles procédures au civil sont généralement plus rapides que des procédures criminelles, mais il n'en demeure pas moins que le coût associé à ces poursuites est extrêmement élevé et qu'il peut être très difficile à la partie demanderesse de prouver seule les dommages encourus. Les modifications à loi laissent à un demandeur l'option de recevoir des dommages et intérêts. Il serait à la discrétion du tribunal d'évaluer et d'accorder des dommages et intérêts, mais les modifications mettraient au moins en place des facteurs dont il faudrait tenir compte, notamment la nécessité de décourager ce type de conduite.
Bien que cela ne rende pas les poursuites au civil moins onéreuses, la possibilité de récupérer une partie des dommages sans être obligé d'amener des preuves pour quantifier exactement les pertes permettrait au secteur privé de lancer des poursuites contre un bien plus grand nombre de vendeurs illicites. Étant donné l'ampleur des pertes encourues par l'industrie de la radiodiffusion du fait du piratage des signaux, soit de 400 à 500 millions de dollars par an, le montant maximal des dommages et intérêts exigibles pour quelqu'un qui s'est engagé dans des activités commerciales nous paraît relativement peu élevé.
Shan va conclure.
Á (1110)
M. Shan Chandrasekar (président et chef de la direction, Asian Television Network; Coalition contre le vol des signaux satellite): Merci, Harris, et mesdames et messieurs du comité.
Nous sommes tout à fait favorables à ces modifications à la Loi sur la radiocommunication, et nous ne saurions trop insister sur l'urgence qu'il y a à les mettre en place. Un jour de plus où ces vendeurs font affaire est un jour de plus où ils sont en mesure d'attirer des clients légitimes du Canada vers le marché noir. Une fois les clients perdus, il est à la fois très difficile et finalement très onéreux de les récupérer. Sans compter que le préjudice se fait sentir cruellement sur les écrivains, les producteurs, les distributeurs canadiens qui donnent vie à notre système national de radiodiffusion, sans oublier les néo-Canadiens dont les aspirations et le talent sont sans bornes.
Nous aimerions également souligner que notre industrie n'a pas l'intention de poursuivre des particuliers qui accèdent de façon illicite à des signaux par satellite pour leur usage personnel. Ces activités sont bien sûr illégales, mais ce sont ceux qui sont impliqués dans les activités commerciales et qui retirent des millions de dollars en profits illégaux qui font peser une véritable menace sur notre système canadien de radiodiffusion et qui justifient l'adoption de ces modifications. Ce sont ces entreprises-là qui encouragent des Canadiens, tout à fait honnêtes par ailleurs, à se rendre coupables de vol. Il faut les stopper avant que le système canadien de radiodiffusion ne subisse de préjudice irréparable.
Enfin, même si nous sommes ici aujourd'hui pour parler de modifications à la Loi sur la radiocommunication, nous sommes conscients des inquiétudes exprimées par des membres du comité relativement à la disponibilité des services étrangers au Canada. Le système canadien offre une diversité exceptionnelle en matière de programmation, mais il n'en est pas moins vrai que de nombreux services émanant de l'étranger n'ont pas été autorisés à être diffusés au Canada. Une procédure formelle est en place au CRTC qui permet de faire approuver de nouveaux services. En fait, le Conseil est en train d'examiner des demandes pour la diffusion de 15 nouveaux services dans une troisième langue. Le système fonctionne dans la mesure où les gens sont prêts à s'y conformer. Une fois qu'on commence à évoluer en dehors des limites du cadre légal, c'est là que le système commence à s'effondrer. Nous félicitons d'ailleurs le CRTC d'avoir autorisé la diffusion de plusieurs autres services multiculturels dont le lancement se fera sous peu.
Si le problème du marché noir est complexe, et si les modifications proposées ne suffiront pas à tout résoudre, elles y contribueront tout de même beaucoup. Quelles que soient les raisons invoquées pour justifier la situation, le vol ne saurait être toléré, et ceux qui encouragent ces actes, les favorisent et s'en font les complices doivent être prêts à subir les conséquences de leurs actions.
Nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Le président: Merci.
Ken Stein.
M. Ken Stein (premier vice-président, Affaires corporatives et réglementaires, Shaw Communications inc.): Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous et merci de nous accueillir. Je m'appelle Ken Stein et je suis premier vice-président, Affaires corporatives et réglementaires, chez Shaw Communications Inc. Je suis accompagné ce matin de Michael Ferras, chargé de la coordination avec la GRC pour les activités du marché noir, et de Cynthia Rathwell, vice-présidente aux Affaires réglementaires à Star Choice.
Shaw est une société canadienne de communications diversifiée et d'envergure nationale dont le siège social est situé à Calgary. Shaw est le plus important fournisseur de services de câblodistribution et d'accès à Internet dans l'Ouest canadien, incluant le nord de l'Ontario, qui dessert 2,1 millions d'abonnés du câble et 970 000 abonnés au service d'accès à Internet. Shaw est également propriétaire de Star Choice, l'un des deux services SRD nationaux autorisés au Canada. Star Choice compte à elle seule plus de 815 000 abonnés à travers le Canada.
Les modifications proposées à la Loi sur la radiocommunication sont importantes. Nous croyons qu'elles s'avèrent essentielles pour contrer l'utilisation illégale des services par satellite. Nous demandons donc au Parlement d'autoriser ces modifications dans les plus brefs délais. Nous en avons besoin si nous voulons survivre dans ce secteur concurrentiel axé sur les consommateurs.
Étant donné l'importance de ce projet de loi, nous sommes bien conscients de la politique et de l'historique d'octroi de licences en matière de services SRD au Canada, ainsi que des grandes réalisations accomplies en dépit des nombreux obstacles de taille. Il y a 10 ans à peine, les services de radiodiffusion par satellite nationaux n'existaient pas au Canada. En juillet 1995, le gouvernement émettait une ordonnance à l'endroit du CRTC, l'intimant d'octroyer des licences aux services SRD canadiens. Cette décision découlait de la conclusion tirée par le Groupe de travail sur la politique de radiodiffusion directe à domicile par satellite, portant que beaucoup de temps avait été perdu à tenter de lancer des services SRD canadiens et que l'ensemble du système de radiodiffusion risquait des séquelles irréparables advenant le défaut du gouvernement d'exercer rapidement sa compétence. Comme ces mots sont d'actualité!
Par conséquent, dès décembre 1995, le CRTC lançait un appel de demandes, concluait une audience relative à l'octroi de licences et autorisait deux services SRD canadiens d'envergure nationale. Shaw s'est attaquée fermement au marché des services SRD, et cela en dépit des énormes défis qui se posaient.
Ces défis comprenaient notamment: les défis d'ordre économique liés au financement et à l'exploitation d'entreprises satellite à risque élevé et nécessitant d'énormes injections de capital et à l'investissement dans une technologie sécuritaire qui ne soit pas vulnérable au piratage; les défis d'ordre technique découlant des contraintes de capacité liées à l'exploitation d'un système à double réception satellite et nécessitant l'utilisation d'antennes elliptiques spéciales permettant de recevoir les signaux; le défi commercial lié à la concurrence avec des entreprises de câblodistribution titulaires solides; et finalement les défis associés à la concurrence d'un marché noir bien développé.
Notre réaction est demeurée inchangée face à l'appel lancé par le gouvernement et le CRTC en vue d'apporter une solution de rechange en matière de services SRD canadiens. À ce jour, Shaw a investi plus de 1,2 milliard de dollars dans Star Choice et créé des centaines de nouveaux emplois. Après sept ans d'efforts et de périodes très difficiles, nous comptons aujourd'hui plus de 800 000 abonnés, et notre société a presque atteint le niveau de rentabilité.
Les avantages qui s'offrent au système de radiodiffusion canadien sont importants: nous avons élargi les services de radiodiffusion numérique afin de rejoindre tous les Canadiens et faire en sorte qu'un abonné à Iqaluit, par exemple, recevra la même qualité de service qu'un résident de Vancouver ou d'Halifax; nous avons augmenté la marge financière des services canadiens de télévision, des services spécialisés et des services de télévision payante, ce qui se reflète clairement dans le rendement financier de ces entreprises; nous avons offert aux Canadiens l'avantage de pouvoir choisir parmi des distributeurs canadiens ainsi qu'un choix intéressant en matière de forfaits de services; et nous avons fournis aux Canadiens une solution de rechange à la fois solide et réelle en matière des services par satellite canadiens.
Toutefois, à titre de société autorisée, nous devons aussi remplir des obligations réglementaires très importantes, notamment: une contribution annuelle de 5 p. 100 de nos produits bruts tirés de la radiodiffusion au profit des émissions canadiennes et des services canadiens—depuis notre entrée sur le marché, nous avons consacré plus de 100 millions de dollars aux fonds de production canadiens; la fourniture d'un accès garanti et de revenus supplémentaires à des douzaines de services de programmation canadiens; la protection des droits d'émission achetés par les entreprises de radiodiffusion canadiennes par l'entremise de techniques de substitution, telle notre technique du canal virtuel substitué; l'adoption de règles relatives à l'emballage, tels les forfaits jumelant aux services canadiens des services de radiodiffusion étrangers intéressants; et finalement, malgré les contraintes de capacité, la diffusion des signaux de petits radiodiffuseurs locaux dans plusieurs communautés, notamment Prince George et Lloydminster. Toutes ces réalisations ont été accomplies en dépit de la menace constante d'un service illégal qui ne cesse de croître et de prospérer.
Il y a deux ans déjà, la Cour suprême du Canada a déclaré de façon unanime le statut illégal des services par satellite non autorisés. Pour exécuter cette décision, l'industrie canadienne de la radiodiffusion doit se consacrer sans plus tarder à éduquer le public et à appliquer les mesures nécessaires au sein de ce secteur. De nombreuses réunions et consultations ont été tenues auprès du gouvernement, de la GRC, du CRTC et d'autres agents afin d'organiser un plan d'action coordonné pour résoudre la question.
Cependant, après deux ans d'efforts, l'application du jugement de la Cour n'a toujours pas été suffisante pour régler ce problème. Pour mettre un terme au marché noir, il importe d'obtenir de meilleurs outils législatifs, une application plus sévère et davantage de leadership au niveau gouvernemental, de façon que les investissements consacrés aux services SRD canadiens ne soient pas perdus et que notre contribution aux objectifs de politiques industrielle et culturelle n'ait pas été faite en vain. Faute d'outils législatifs plus efficace, le marché noir prend de plus en plus d'envergure et il devient de plus en plus facile de voler des signaux satellite à l'aide d'instruments toujours plus perfectionnés. L'avènement récent du dispositif de décodage Blackbird illustre bien ce phénomène.
Á (1115)
Les modifications proposées au projet de loi permettront au gouvernement et à l'industrie d'agir de façon plus efficace pour protéger le système de radiodiffusion canadien et, éventuellement, tous les services offerts par les distributeurs légitimes. Il s'avère impossible, à long terme, de faire concurrence à un marché noir illégal de services par satellite qui ne paient pas d'impôt, qui ne versent pas de frais de licence, qui ne paient rien pour les produits qu'ils vendent, qui ne contribuent rien dans l'infrastructure et qui n'ont pas grand-chose à craindre de la loi. À défaut de mettre en place des outils législatifs adéquats ou d'obtenir du gouvernement la volonté de passer sans délai à l'action, nous aurons raison de nous demander pourquoi nous devrions continuer à appuyer un système de radiodiffusion qui n'obtient aucun soutien de la part de ses législateurs.
En guise de conclusion, nous croyons fermement que les modifications proposées à la Loi sur la radiocommunication sont essentielles si nous voulons fournir au gouvernement et à l'industrie des outils nécessaires pour résoudre le problème du marché noir des services par satellite.
Merci beaucoup.
Á (1120)
Le président: Nous passons maintenant à la période de questions, et commençons par M. Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, PCC): Je vais essayer d'être bref, et j'espère que vous ferez de même dans vos réponses, pour que le dialogue puisse être fructueux.
D'abord, il faut que vous nous compreniez bien: le Parti conservateur du Canada—et sans doute aussi les autres partis— considèrent le marché noir comme du vol pur et simple qui doit être traité comme tel. J'espère que vous m'avez bien compris là-dessus.
J'ai une question à l'intention de M. Stein et peut-être aussi à l'intention de M. Frank, d'ExpressVu. Puisqu'on demande au Parlement de modifier la loi pour mieux protéger les titulaires légitimes, j'aimerais savoir ce que vos entreprises font déjà pour empêcher le vol des signaux. Si j'ai bien compris, il y a une semaine ou 10 jours, DIRECTV a installé un système quelconque de codage supplémentaire qui a fait disparaître l'image sur énormément d'écrans chez des personnes qui se trouvaient dans ce marché gris et noir. Donc, il y a effectivement des moyens qui peuvent être utilisés. Vous, que faites-vous?
M. Ken Stein: Sachez, en premier lieu, que la technologie qu'a adoptée Star Choice est très sûre. Personne n'a jamais encore réussi à la pirater. Bien sûr, cela exige un investissement considérable, et nous travaillons également en étroite collaboration avec nos fournisseurs de la technologie en question pour faire en sorte que chaque fois que nous améliorons soit le récepteur, soit le dispositif ou la transmission, l'amélioration est faite de façon que notre système de chiffrement ne puisse être piraté. Jusqu'à maintenant, cela ne semble pas avoir été possible pour les pirates. Voilà du côté de la technologie.
En second lieu, nous avons encouragé le Bureau de la sécurité du film et de la vidéo ainsi que la GRC—surtout dans l'ouest du Canada—à déposer des accusations et nous leur avons expliqué comment porter celles-ci et intenter des poursuites. Nous avons été très actifs sur ce front-là. Nous avons donc pris les choses en main et écrit directement à la GRC pour l'encourager à consacrer plus de ressources à ce crime et à lui donner une plus grande priorité en Alberta. La réponse de la GRC a été très encourageante.
À notre avis, la mise en oeuvre sur le terrain est la façon la plus directe de lutter contre le piratage. Travailler en collaboration avec la GRC en plus d'adopter les modifications proposées dans le projet de loi nous aidera à faire du bien meilleur travail dans la lutte contre le piratage.
M. Jim Abbott: C'est la première partie de votre réponse qui m'intéresse vraiment. Autrement dit, vous avez voulu adopter le système le plus sécuritaire qui soit et, à votre connaissance, il n'a pas encore été attaqué.
Je me demande si ExpressVu pourrait nous répondre brièvement à ce sujet-là aussi.
M. Chris Frank (vice-président, Programmation et Affaires gouvernementales, Bell Express Vu, Coalition contre le vol des signaux satellite): Vous voulez dire uniquement du point de vue technologique ou sur toute la gamme...
M. Jim Abbott: Je vais répéter ma question : vous demandez aux législateurs de modifier la loi pour vous protéger, mais j'aimerais savoir ce que vous faites pour vous protéger vous-mêmes?
M. Chris Frank: Nous sommes très actifs sur le front technologique. Tout comme DIRECTV, nous avons pris nous-mêmes des contre-mesures électroniques pour dérégler et désactiver les décodeurs rattachés à notre système et piratant nos services. Nous avons donc instauré un programme de contre-mesures électroniques très musclé et de plus en plus efficace pour décourager le piratage.
Nous avons également opté pour des mesures beaucoup plus strictes de contrôle de l'inventaire et du détail. En effet, nous envoyons un message très clair aux installateurs et aux détaillants pour leur faire comprendre que notre politique est celle de la tolérance zéro à l'égard des pirates. Quiconque est impliqué dans une de ces activités d'une façon ou d'une autre se voit débrancher immédiatement.
Á (1125)
M. Jim Abbott: Si j'ai bien compris ce qu'a dit M. Stein, leurs activités commerciales courantes n'ont fait l'objet d'aucun vol ni d'interférence, à ce qu'il sache. C'est peut-être le cas, en effet. Mais quelle a été l'expérience chez Bell?
M. Chris Frank: Nous avons connu pour notre part des vols de signaux, tout comme beaucoup d'autres distributeurs du Canada. Mais nous faisons tout notre possible, dans les limites du raisonnable, pour y mettre un terme.
M. Jim Abbott: Mais le point de départ de ce problème, n'est-ce pas le fait que les Canadiens veulent avoir le choix? Ne diriez-vous pas que l'origine de ce problème, qui se traduit en bout de piste par un comportement illégal, remonte à l'adoption de règles de contenu canadien et des critères que doit respecter le CRTC, sans parler du fait que les Canadiens veulent écouter Fox News, HBO, ESPN?
M. Chris Frank: Si je peux me permettre de vous répondre, monsieur Abbott, je dirais que la véritable source du problème, c'est que les gens veulent tout cela gratuitement. Il est très difficile pour l'industrie canadienne de concurrencer l'offre de services gratuits. Depuis 1995, comme l'a indiqué M. Stein, le CRTC et le gouvernement fédéral encouragent la concurrence dans la distribution de services de radiodiffusion et ce secteur est beaucoup plus concurrentiel qu'il y a 10 ans. Avec l'avènement de la technologie numérique, les Canadiens n'ont jamais eu autant de choix.
M. Glenn O'Farrell: Avec votre permission, monsieur Abbott, j'aimerais ajouter une chose très rapidement. Si ce n'était qu'une question de choix, on pourrait se demander pourquoi il y a piratage aux États-Unis, là où les consommateurs ont légalement accès à ces signaux. Il y a du piratage chez nos voisins du Sud aussi. J'abonde dans le même sens que Chris; dans une société technohabilitée, les gens croient que, si la technologie existe, ils devraient pouvoir en profiter, peu importe que, pour ce faire, il faille contourner le système.
Vous savez sans doute que, avec notre coalition, nous avons déployé de grands efforts pour sensibiliser les Canadiens au fait que le piratage des signaux, c'est du vol. Vous avez certainement vu à la télévision ou entendu à la radio les publicités qui encouragent les Canadiens, sans condescendance, à reconnaître que cette activité est malheureusement illégale. Il est regrettable que certains—et il y en aura toujours—cèdent à la tentation de s'approprier cette technologie sans la payer, c'est-à-dire illégalement.
M. Chris Bredt (associé, Borden Ladner Gervais s.r.l., représentant DIRECTV, Coalition contre le vol des signaux satellite): Monsieur Abbott, j'aimerais ajouter une chose. En décembre dernier, j'ai représenté la Coalition à une réunion de l'Association européenne pour la protection des oeuvres et services cryptés qui s'est tenue à Bruxelles. En Europe aussi, le piratage est un fléau et on estime que les pertes que le piratage entraîne pour les radiodiffuseurs européens totalisent environ 1,3 milliard d'euros. Ce problème n'est donc pas unique au Canada; il existe à l'échelle mondiale.
Quand une technologie existe, des gens trouveront une façon de la voler. Ce n'est donc pas une question de choix. Comme l'a dit Glen, il s'agit plutôt d'avoir accès à ces signaux et à cette programmation gratuitement.
Le président: Nous reviendrons à vous un peu plus tard, Roy.
Andy Savoy, vous avez la parole.
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Mettons les choses au clair : quand vous parlez de vol et d'accès gratuit, vous parlez du marché noir. Nous, nous parlons du marché gris. Nous sommes tous d'accord avec vous pour tenter de faire disparaître le marché noir, là n'est pas la question. Ce qui nous intéresse, c'est le marché gris et je crois que c'est de cela que parlait M. Abbott.
Sur le marché gris, rien n'est gratuit, rien n'est volé. On paie pour obtenir un service, et c'est essentiellement ainsi qu'on peut avoir accès au marché gris. Sur le marché gris, il n'y a pas de vol de signaux.
Cela soulève une question de contenu, en effet, d'interfinancement du contenu canadien, j'en conviens. Mais ne parlons pas de services gratuits et de vol de signaux sur le marché gris, parce que ce n'est pas ce qui se passe, de mon point de vue, du moins—à moins que vous ne puissiez me prouver le contraire.
Á (1130)
M. Glenn O'Farrell: Il est vrai que les gens croient maintenant que le marché gris est un phénomène légitime, comme vous venez de le dire. Mais ce n'est pas ce que nous montre notre expérience. Ce n'est pas ce que nous prouvent les faits. Chris Bredt, de DIRECTV, pourra vous en dire plus long à ce sujet, car il a pu constater ce phénomène sur le terrain, mais nous savons que des gens paient des distributeurs qui, eux, ne paient jamais les fournisseurs de services qui sont les propriétaires légitimes de la programmation. Ceux-ci sont de moins en moins nombreux, car les gens acquittent des factures croyant obtenir un service légalement, mais le fournisseur de services n'est jamais payé. Les détaillants qui vendent les antennes satellite perçoivent l'argent mais ne la versent pas ensuite aux détenteurs des droits de programmation qui, eux, sont de moins en moins nombreux.
Peut-être que Chris pourrait vous en dire plus long.
De plus, très peu de ceux qui croient payer pour un service sur le marché gris produisent des factures montrant qu'ils ont payé DIRECTV pour la programmation. Ils font tout simplement des factures montrant qu'ils ont payé tel ou tel détaillant.
M. Chris Bredt: Je représente DIRECTV et certains autres fournisseurs dans diverses initiatives d'application de la loi et je peux vous dire que le marché gris est disparu. Le problème, c'est le marché noir.
Mais parlons un peu du marché gris. Sur le marché noir, il y a vol; sur le marché gris, il y a fraude. DIRECTV ne fournit pas de plein gré ses services aux Canadiens. Pour obtenir les services de DIRECTV au Canada, vous devez mentir et frauder l'entreprise au moins deux fois, car quand vous téléphonez, on vous demande d'abord et avant tout où vous habitez. Si vous répondez que vous vivez au Canada, on vous répondra que vous n'avez pas accès aux services de DIRECTV. Les ententes que signe DIRECTV avec les fournisseurs de contenu stipulent que le service ne sera fourni que dans les régions pour lesquelles on a acheté les droits de diffusion.
Alors, quand vous parlez du marché gris, les gens paient... Ils nous fraudent. Ils nous mentent; ils nous donnent de faux renseignements pour obtenir le service.
Le président: Allez-y, Andy.
M. Andy Savoy: Merci beaucoup. Je comprends votre point de vue, mais il faut préciser une chose. Le problème, ce n'est pas que les gens ne veulent pas payer. C'est ce qu'on a affirmé, on a dit que les gens s'intéressent à ces marchés car ils ne veulent pas payer. Ce n'est pas vrai; ce que veulent les gens, ce sont des choix. Selon moi, le problème, c'est que nous devons interfinancer le contenu canadien qui est contrôlé par le CRTC. Il y a aussi au Canada une population multi-ethnique aux intérêts culturels et spirituels diversifiés qui veut avoir accès à ces services au Canada. Il faut donc élargir le marché. Il faut leur donner accès à la programmation qui les intéresse pour qu'ils puissent être informés par ces chaînes aux caractéristiques linguistiques, culturelles et spirituelles variées qu'ils ne peuvent actuellement pas capter.
Le dilemme, c'est qu'en voulant favoriser la multiplicité des choix au sein de ce marché, et sachant que le marché noir... Vous avez tout à fait raison au sujet du marché noir. Mais le marché gris semble permettre cet accès. Il faut trouver le juste équilibre entre cela et l'interfinancement du contenu, car c'est cela, selon moi, qui est au coeur du problème.
Pourrions-nous, comme certains l'ont suggéré, imposer des frais quelconques aux fournisseurs du marché gris afin de subventionner le Fonds canadien de télévision et ainsi obtenir l'argent qui nous est dû pour l'interfinancement du contenu canadien? Avez-vous discuté de cette proposition et qu'en pensez-vous?
M. Ken Stein: J'aimerais répondre à cette question, et je suis certain que mes collègues voudront en faire autant.
D'abord, je tiens à dire que le marché gris est illégal. La Cour suprême du Canada l'a dit. Je suis donc étonné que l'on débatte encore de cette question. Le débat a fait rage et la Cour suprême a jugé que le marché gris est illégal, qu'on soit d'accord avec la loi ou pas, cela reste la loi.
M. Andy Savoy: Il y a 700 000 personnes qui ne sont pas d'accord avec la Cour suprême et nous, nous représentons la population.
Le président: Laissez M. Stein terminer.
Allez-y, monsieur Stein.
M. Ken Stein: Merci.
À mon avis, ce n'est pas une question de philosophie, mais une question de droit. Nous avons investi 1,2 milliard de dollars. Il ne s'agit pas seulement de contribuer au Fonds canadien de télévision; il s'agit de créer une industrie qui doit rivaliser avec des gens qui volent et fraudent. C'est une situation injuste.
M. Chris Frank: J'ajouterais qu'il s'agit aussi de fournir la gamme complète des signaux canadiens de radiodiffusion en anglais, en français et dans une troisième langue dans toutes les régions du pays. Avant l'arrivée de Bell ExpressVu et de Star Choice, les francophones de l'ouest du Canada et les anglophones des régions isolées du Québec n'avaient pas accès à toute la gamme des services de télévision générale, spécialisée et payante dans la langue de leur choix. Maintenant, ils peuvent choisir entre au moins deux fournisseurs de services et, comme l'a dit Ken, des milliards de dollars ont été investis dans le secteur canadien de la diffusion directe pour augmenter les choix, qui augmentent d'ailleurs chaque mois et chaque année au fur et à mesure que de nouveaux services arrivent sur le marché. Au cours des deux dernières années, Bell ExpressVu, Star Choice et les câblodistributeurs canadiens ont ajouté plus de 60 nouveaux services de télédiffusion provenant du Canada et d'un peu partout dans le monde pour offrir encore plus de choix aux Canadiens.
Par conséquent, le marché noir—ou gris, si vous voulez, mais qui reste illégal—s'attaque au coeur même de ce que nous tentons de créer.
Á (1135)
Le président: Une dernière intervention, Andy, avant de céder la parole à Paul.
M. Andy Savoy: D'accord.
Quelle serait la solution qui nous permettrait d'aider ces communautés linguistiques, culturelles et spirituelles à grandir? Nous devons favoriser leur croissance au Canada. Comment pourrions-nous faire?
Je sais que l'offre est axée sur le marché, même si elle est balisée par le CRTC, et qu'aucune entreprise ne demandera de licence pour une petite communauté ethnique, spirituelle ou linguistique de 5 000, 10 000, 15 000 et 20 000 personnes parce que l'effectif- téléspectateurs ne sera tout simplement pas suffisant. Je comprends cela. L'accès aux différentes chaînes dépend de la demande. Il est plus facile pour des groupes ethniques, linguistiques ou culturels de grande taille d'avoir accès à ces chaînes ethniques, linguistiques et culturelles.
Ça, c'est problématique. Nous devrions tenter d'offrir à tous ces groupes un accès égal en fonction de la demande ou des besoins respectifs.
Le président: Merci, Andy.
Y a-t-il des commentaires?
M. Andy Savoy: Comment pourrions-nous faciliter cela?
M. Glenn O'Farrell: J'aimerais céder la parole à mon ami Shan Chandrasekar dans un moment; vous aurez le témoignage d'une personne ayant respecté les règles canadiennes. Il a créé une entreprise qui emploie des Canadiens, qui continue de croître et qui offre un service formidable.
Mais avant de lui céder la parole, permettez-moi de vous dire que je sais que 17 000 personnes, ou quel que soit leur nombre, n'étaient pas d'accord avec la Cour suprême quand elle a jugé que cette pratique était illégale. Ces personnes sont bien plus nombreuses; en fait, nous estimons à 700 000 le nombre d'antennes satellite illégales, la plupart sur le marché noir.
Essentiellement, notre régime de radiodiffusion se fonde sur l'équilibre, un équilibre qui a été établi en fonction de la politique publique. Cette politique veut que nous fassions ce que nous pouvons pour les Canadiens dans un marché comme celui du Canada—lequel, avec 11 millions de foyers environ, est plus petit que celui de la Californie—à savoir favoriser la croissance d'un système qui, aujourd'hui, est très enviable quand on pense à tous les choix que les fournisseurs de services canadiens et étrangers offrent aux Canadiens. Le système n'est peut-être pas parfait, mais il est équilibré.
Shan, voudriez-vous ajouter quelque chose?
M. Shan Chandrasekar: J'aimerais d'abord dire que je suis vraiment ravi d'être ici aujourd'hui. Quand j'ai immigré au Canada il y a 37 ans, je n'aurais jamais pu imaginer que je témoignerais un jour devant un comité parlementaire. C'est aussi la première fois que je viens sur la colline du Parlement à Ottawa.
Le Canada est l'un des plus grands pays du monde. Nous donnons des occasions incroyables aux immigrants qui arrivent des différentes régions du monde. J'ai voyagé dans près de 50 pays. Quand j'arrive au Canada, je suis toujours fier de rentrer chez moi.
Mais il semble parfois que notre bonté soit prise pour de la faiblesse. Nous passons de l'euphorie à la dépression. Ce n'était pas du tout le cas il y a 20 ou 30 ans. De nos jours, nous craignons trop d'offusquer les autres. L'idéal n'est jamais pratique. On ne peut faire plaisir à tout le monde tout le temps. Même les réalisateurs de télévision tentent de viser un groupe de téléspectateurs, mais ils savent que tous ne sont pas pareils. On ne peut pas toujours plaire à tous.
Ce qui compte, le moteur, c'est la programmation. Il est vrai qu'au Canada, la politique d'accès pour les entreprises de télévision par satellite et de câblodistribution ne sont pas parfaites. La façon de penser traditionnelle d'il y a 25 ou 30 ans change, mais il faut que le changement soit plus radical. C'est là l'aspect commercial.
En ce qui concerne la Loi sur la radiocommunication, si l'on continue à encourager le vol au pays, il sera très difficile pour les entrepreneurs d'accroître l'accès pour les petites collectivités, en raison des règles, notamment celles sur le contenu canadien. Radio-Canada a peut-être besoin de 500 000 $ pour produire une émission spéciale d'une heure, mais une communauté ethnique pourrait probablement en faire autant avec un budget restreint de 5 000 $, et l'émission satisferait très bien les besoins de cette communauté.
On peut encourager ce genre d'initiatives parce que les collectivités qui, il y a 20 ans, n'auraient même pas rêvé d'avoir leur propre service de télévision en ont aujourd'hui plusieurs. J'en veux pour preuve les communautés chinoise, italienne, espagnole, portugaise, grecque et sud-asiatique, ainsi que les groupes minoritaires qui en font partie. Elles prennent de plus en plus d'importance et cette tendance ne fera que s'accentuer, ce qui est pour le mieux.
À mesure que les techniques de fibre optique et de compression numérique progresseront, la technologie offrira de plus en plus de possibilités pour ces services. Un jour, ce sera une décision commerciale, car si vous n'êtes pas de la partie, on n'achètera plus votre produit. Manifestement, les entreprises de distribution de radiodiffusion du pays seront motivées par les décisions commerciales requises. Nous nous dirigeons vers cela.
Entre-temps, rien ne peut se faire si les droits sont acquis au Canada par un détenteur de licence canadien légitime et que le détenteur américain distribue ses services au Canada. Les vendeurs du marché gris et du marché noir rendent la vie des entreprises légitimes très difficile. On a du mal même à démarrer une entreprise.
Pour les communautés multiculturelles, cette loi est extrêmement importante, mais votre point est pertinent. Nous sommes ravis que vous soyez sensibles au fait qu'il faut un meilleur accès, mais il faudrait tenir à ce sujet une autre séance pour ouvrir lentement la porte, du moins, je l'espère.
Merci.
Á (1140)
Le président: Merci.
Comme nos propos sont interprétés, je vous demanderais de parler un peu moins vite.
Monsieur Crête, vous avez la parole.
M. Shan Chandrasekar: Excusez-moi. Je viens d'un pays où on compte 17 langues et 564 dialectes et pour plaire à tout le monde, deux heures par jour pendant 28 ans, j'ai dû apprendre à parler très vite.
Le président: Et vous le faites très bien.
Paul, vous avez la parole.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président. Heureusement, nous avons d'excellents interprètes ici.
Le Bloc québécois est d'accord sur le projet de loi et considère qu'on doit s'attaquer rapidement et solidement au problème du piratage. Nos seules remarques ne portent pas nécessairement sur ce que vous ciblez, mais j'ai été très heureux d'entendre dire que c'est le réseau, le système qu'on vise. J'aimerais cependant avoir quelques exemples concrets.
Monsieur Trépanier, pouvez-vous me dire quel est actuellement l'impact du piratage sur votre entreprise, Quebecor Média? On a entendu des chiffres venant de l'industrie, mais j'aimerais savoir quel est l'impact actuel, financier ou autre, et quel sera l'impact si le projet de loi meurt au Feuilleton et qu'on est obligé d'attendre six mois ou un an avant de l'adopter.
M. Édouard Trépanier (vice-président, Affaires réglementaires, Quebecor Média, Coalition contre le vol des signaux satellite): La réponse en un mot ou deux est que l'impact, chez Quebecor Média, est d'environ 50 millions de dollars par année. Maintenant, si vous me le permettez, je vais vous expliquer comment on en arrive là. Ce ne sera pas tellement long.
On pense qu'au Québec, il y a près de 300 000 foyers qui volent des signaux. Ce n'est généralement pas une question de choix, puisque ces gens sont des francophones et veulent généralement des signaux en français.
Vidéotron dessert environ 80 p. 100 du territoire câblé du Québec, et la pénétration du câble est d'environ 70 p. 100. Quand on fait la multiplication, on arrive à environ 170 000 foyers qui pirateraient au Québec. Un abonné du câble apporte à l'entreprise de câble environ 500 $ par année, dont 200 $ vont aux services de programmation, et l'entreprise de câble, pour ses infrastructures et sa contribution à la programmation canadienne, conserve environ 300 $ par abonné. Quand on multiplie 300 $ par 170 000 foyers, si je ne calcule pas trop mal, on arrive à 50 millions de dollars. C'est énorme.
Maintenant, qu'en serait-il si la loi n'était pas modifiée et qu'on devait tenter d'évaluer l'impact de cela sur notre entreprise? Il n'est pas facile d'obtenir des chiffres, mais je peux vous dire que ça coûterait énormément plus cher pour tenter de faire arrêter les détaillants de produits pirates. On les amène devant les tribunaux, qui leur imposent une amende de 2 000 $ ou 3 000 $ d'amende, et ils vont continuer à vendre de l'équipement pirate. Souvent, il faut les ramener une deuxième fois et une troisième fois avant qu'ils soient trouvés coupables d'outrage au tribunal. Jusque-là, cela nous a coûté 50 000 $, 70 000 $ ou 75 000 $ de frais, et il risque d'arriver qu'ils changent de nom et continuent à opérer de toute façon. Avant que la pénalité soit suffisante pour que ces gens soient sortis du monde des affaires illicites, on aura peut-être dépensé 100 000 $ et, surtout, ça nous aura pris trois ou quatre ans. Qu'est-ce qui se passe en l'espace de trois ou quatre ans? Si tous nos voisins ne paient pas, à un moment donné, étant humains, nous nous demandons pourquoi nous devrions continuer à payer un produit qui est obtenu gratuitement par nos voisins.
Au bout de trois ou quatre ans, on se retrouvera dans une spirale. Au lieu d'avoir 15 p. 100 de piratage comme à l'heure actuelle, au Canada, on en aura peut-être 30 p. 100. Par exemple, en Italie, c'est monté jusqu'à 50 p. 100.
Est-ce qu'on aura encore un système de radiodiffusion dans trois, quatre ou cinq ans s'il n'y a pas de changements par rapport à la lutte au piratage? Vous me demandez ce qui va advenir de Vidéotron ou de Quebecor Média. Le pire des scénarios est que le système de radiodiffusion n'existe plus d'ici quelques années.
Á (1145)
M. Luc Perreault (vice-président, Communications et Affaires réglementaires, Pelmorex, Coalition contre le vol des signaux satellite): Monsieur Crête, je voudrais apporter un complément de réponse dans l'optique des radiodiffuseurs. M. Trépanier disait que la perte de Vidéotron était de 50 millions de dollars, mais il ne comptait évidemment pas la perte de Cogeco.
Les radiodiffuseurs réglementés par le CRTC sont tenus de verser un certain pourcentage de leurs revenus bruts au Fonds canadien de télévision. Ces sommes d'argent servent, au Québec, à la production de téléséries qui sont des icônes culturelles pour les Québécois. La somme dont M. Trépanier parle veut dire que chaque année, deux séries comme Lance et compte, Fortier ou Urgence ne seraient pas produites au Québec. Cela touche directement à l'emploi chez les réalisateurs, les producteurs, les comédiens, les artistes et les ayants droit. Ce projet de loi est très important pour les radiodiffuseurs afin de préserver la production de contenus canadiens francophones de haute qualité au Québec.
Le marché québécois est un marché extrêmement petit à l'échelle nord-américaine. Le marché francophone est un marché très fragile. On ne peut pas tolérer de telles ponctions au niveau du Fonds canadien de télévision, qui empêchent la création de miniséries. Ce sont des événements sociaux et culturels au Québec, quand on sait que 80 ou 90 p. 100 de la population les écoute au même moment.
M. Paul Crête: Est-ce que ce sont des entrepreneurs illégaux isolés qui mettent des choses de l'avant, ou s'il s'agit d'une organisation très structurée du crime organisé qui soutire du système une quantité importante d'argent? Si le projet de loi est adopté, quelle énergie faudra-t-il déployer pour désorganiser et démanteler ces systèmes? La première partie m'intéresse particulièrement. Selon vous, fait-on face au crime organisé?
M. Harris Boyd: Actuellement, nous n'avons pas la preuve que cela implique le crime organisé. La semaine dernière, avec les actions de la GRC au Québec, on a vu qu'il y avait des drogues et des armes impliquées aux mêmes endroits. On sait aussi que les concessionnaires d'équipement illégal sont très bien organisés. Il y a souvent plusieurs magasins qui sont impliqués. Par exemple, en Ontario, le groupe HU Works avait 11 endroits différents dans différentes villes, qui étaient tous reliés et qui faisaient ensemble l'achat d'équipement des États-Unis. Ils sont très bien organisés. Il y a au moins des centaines, sinon des milliers de concessionnaires dans ce business. Nous avons fait des enquêtes sur plus de 200 d'entre eux depuis la décision de la Cour suprême.
Ils sont partout au pays et ils sont très, très bien établis parce qu'il y a beaucoup d'argent à faire là-dedans.
M. Glenn O'Farrell: Permettez-moi de faire rapidement un commentaire additionnel.
En raison du fait que la loi est telle qu'elle est présentement, le Canada est devenu un endroit favori pour ce genre d'activités. Étant donné qu'on n'a pas d'outils plus agressifs dans la loi, on encourage l'établissement de ce genre de commerce chez nous. C'est le problème que nous avons. Maintenant, ce n'est plus juste pour le Canada que le commerce se fait chez nous; c'est pour ailleurs aussi.
Á (1150)
[Traduction]
Le président: Merci.
La parole est à vous, Joe.
L'hon. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
Il ne fait aucun doute que le gouvernement appuie le projet de loi C-2; c'est pour cette raison que le projet de loi a été déposé et nous savons qu'il doit être adopté dans les meilleurs délais.
À mon avis, le problème est double : la première partie du problème dont traite le projet de loi dont nous sommes saisis est assez facile à régler. Oui, nous voulons imposer des restrictions à l'importation et des certificats d'importation. Oui, nous visons les vendeurs et ceux qui s'acharnent sur des personnes parfois innocentes, ainsi que les sociétés. Çà, c'est le facile.
L'autre problème—et je sollicite vos vues à ce sujet—c'est que la demande ne cesse de croître. Moi, je crois que 99 p. 100 des Canadiens respectent les lois. Nous comptons sur eux pour qu'ils paient leurs impôts volontairement. Je ne suis donc pas certain que tous essaient d'avoir ce service gratuitement. Bien sûr, s'il leur est offert en toute légalité, ils seront heureux de s'en prévaloir. Le second problème, donc, n'est pas ce qui intéresse notre comité aujourd'hui, mais il est quand même important, et c'est de donner aux gens ce qu'ils veulent parce que c'est manifestement ce dont ils ont besoin.
Parlons-en un peu. Vous me dites que c'est un problème de 400 millions de dollars. On vient de dire que ça représente environ 10 p. 100 du marché au Québec et que c'est un problème de 400 millions de dollars à l'échelle du pays. Dois-je conclure que ce marché vaut au total 4 milliards de dollars et que ce problème représente environ 10 p. 100 du marché?
M. Chris Frank: Ces 400 millions de dollars ne représentent que la pointe de l'iceberg. Il s'agit des pertes de revenu en abonnement pour les distributeurs canadiens. Ça ne tient pas compte des pertes de revenu de publicité et de l'effet multiplicateur.
L'hon. Joe Fontana: Cela représente donc essentiellement vos pertes. Tout le monde a dit que c'était un problème de 400 millions de dollars, et c'est pour cela que j'emploie ce chiffre. Je sais que d'autres pertes s'ajoutent à cela, mais à quoi correspond le marché au total? Vous me dites que c'est un problème de 400 millions de dollars. Vous avez dit que 170 000 personnes au Québec ne paient pas leur part, qui est de 300 $ par année. Pourrions-nous au moins nous entendre sur la proportion que représente ce problème, 10 p. 100, 15 p. 100 ou 20 p. 100?
J'essaie de déterminer l'ampleur du problème.
M. Chris Frank: Selon moi, dire que c'est un problème de 400 millions de dollars, c'est sous-estimer le problème considérablement.
L'hon. Joe Fontana: Nous avons donc tort d'employer ce chiffre.
M. Glenn O'Farrell: Si vous voulez avoir une idée de l'ampleur du problème par rapport au marché total, il faut d'abord connaître la taille du marché. Ce marché est-il celui du système de radiodiffusion qui comprend les distributeurs, les programmateurs, les réalisateurs, les artistes et les rédacteurs?
L'hon. Joe Fontana: Dans tous les documents, on parle d'un problème de 400 millions de dollars et c'est ce qui a été dit ici aujourd'hui. Si ce n'est pas un problème de 400 millions de dollars, si le problème représente plutôt un milliard de dollars ou deux milliards de dollars, vous devriez le dire. Je tente de comprendre la situation, au nom de la population canadienne qui veut une bonne politique de radiodiffusion. Voilà pourquoi notre comité tente de bien comprendre la situation. Donnez-moi une idée plus précise de ce que représente le problème quantitativement, et je pourrai vous poser des questions sur l'aspect qualitatif.
M. Glenn O'Farrell: Je vais vous répondre très brièvement.
À l'heure actuelle, nous estimons qu'environ 700 000 Canadiens reçoivent des signaux satellite. Nous estimons aussi que cela entraîne des pertes en revenu d'abonnement allant de 400 millions de dollars à 500 millions de dollars. Nous n'avons pas quantifié le marché dans son ensemble, parce que le marché n'est pas toujours défini de la même façon. Mais pour le système, monsieur Fontana, selon nos estimations très modérées, car personne n'avoue être un voleur sur son formulaire de recensement, la perte s'établit entre 400 et 500 millions de dollars chaque année.
L'hon. Joe Fontana: Arrêtons-nous un peu à cela. Tout le monde dit qu'il y a un marché noir et un marché gris et qu'il y a une différence entre les deux. Pouvez-vous nous dire quelle partie de cette perte de 400 millions relève du marché noir et quelle partie relève du marché gris? Quelqu'un a dit qu'il n'y a plus de marché gris, qu'il n'y a qu'un marché noir. Peut-être devrait-on adopter un point de vue différent puisque dans l'un des cas, il y a fraude, et c'est tout à fait vrai, et dans l'autre cas, il y a vol. Le vol se fait sur le marché noir et la fraude, sur le marché gris. Alors, selon vous, quelle part cela représente-t-il?
Á (1155)
M. Ken Stein: Nous avons constaté que la perte relève à 90 ou 95 p. 100 du marché noir. Il arrive, dans nos groupes témoins, que ceux qui étaient sur le marché gris se fassent traités de poisson par d'autres; ils passent alors au marché noir.
L'hon. Joe Fontana: La solution que vous proposez et que nous proposons, et qui est dans ce projet de loi, c'est de s'attaquer aux grandes sociétés, aux vendeurs qui profitent du système plutôt qu'aux particuliers qui utilisent le système. Nous les considérons tous comme des voleurs ou des fraudeurs, mais nous ne ciblons pas les utilisateurs, nous ciblons le gros gibier, ceux qui profitent des gens à des fins commerciales. Si c'est ce que nous faisons, si c'est là que se concentrent nos efforts d'application de la loi, réglerons-nous le problème? Moi, je ne veux pas que les Canadiens qui veulent plus de choix et rationalisent leurs pratiques deviennent tous des criminels. Croyez-vous qu'en s'attaquant aux vendeurs et à ceux qui agissent pour des raisons commerciales, plutôt qu'à chaque particulier recevant ces signaux, nous réglerons le problème?
J'aurai ensuite une autre question.
M. Harris Boyd: Nous ne pouvons prétendre que cela réglera le problème. Cela réduira certainement le problème, mais le problème est vaste et complexe. Vous vous attaqueriez là à un des aspects du problème en réduisant l'offre et en prévoyant pour ces fraudeurs des conséquences sérieuses par rapport aux avantages qu'ils en retirent. Cela nous aidera certainement. Ces fraudeurs ne sont pas tous de grandes sociétés. La plupart ne sont pas constitués en société car, puisqu'ils ne paient pas d'impôts, cela ne comporterait aucun avantage. Bon nombre sont donc des particuliers ou des petits groupes de particuliers.
L'hon. Joe Fontana: Mais vous ne voulez pas que tous les utilisateurs deviennent des criminels, n'est-ce pas?
M. Harris Boyd: Pas les utilisateurs finals, non.
L'hon. Joe Fontana: J'ai une dernière question que je dois vous poser car ce second problème est lié à la nécessité de donner aux gens ce qu'ils veulent. Peut-être qu'un autre comité devra se pencher sur cette question. Voilà peut-être pourquoi certains d'entre nous vous demandent comment régler le problème dans son ensemble et comment donner aux gens ce qu'ils veulent.
La société canadienne est très diversifiée et aimerait avoir accès à une programmation diversifiée. Je crois avoir déjà dit que ma mère aimerait bien voir de bonnes émissions italiennes qu'elle ne peut plus voir ici. Quand vous vous adressez au CRTC, plaidez-vous la cause d'un système ouvert et compétitif permettant aux consommateurs canadiens d'avoir accès légalement à toutes les émissions qu'ils veulent quand ils les veulent?
Le président: Merci, Joe.
M. Ken Stein: Nous sommes tout à fait d'accord avec vous pour ce qui est du choix, et la Loi sur la radiodiffusion le permet. Il y a 30 ans, quand nous avons commencé à offrir des services de câble à Edmonton, nous ne pouvions obtenir qu'un signal américain. Le gouvernement du Canada a alors demandé au Conseil de revoir la situation: pourquoi les gens d'Edmonton, une grande ville, après tout, ne pourraient-ils pas avoir accès à des signaux que pouvaient obtenir les gens de Toronto et du sud de l'Ontario? Toute cette question est vraiment importante et nous sommes convaincus que le Conseil peut en traiter dans le cadre de la Loi sur la radiodiffusion.
Il est dommage que certaines de nos demandes nous reviennent sans même avoir été étudiées. Nous pensons que ce n'est pas tout à fait juste, et qu'il doit y avoir une discussion là-dessus. Par ailleurs, nous estimons qu'il faut que les services de programmation canadiens soient forts et dynamiques, même si nous devrions avoir plus de choix.
Le président: Merci.
C'est au tour de Brian, puis Gérard et Roy pourront poser de très courtes questions, s'ils l'estiment vraiment nécessaire.
Brian, c'est à vous.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
J'aimerais qu'on précise certains chiffres, qui ont été cités aussi par Industrie Canada. Dans votre mémoire, vous dites que d'après des recherches effectuées par votre industrie, il y aurait 700 000 utilisateurs de services par satellite illicites. Avons-nous des copies de cette étude, pourriez-vous nous la fournir? Industrie Canada nous a parlé d'un sondage, et non d'une étude. Avez-vous une étude? Est-ce une étude indépendante? Qui l'a menée et pouvez-vous nous la fournir?
M. Glenn O'Farrell: Nous serons ravis de vous la fournir, pour votre gouverne. Nous ne l'avons pas avec nous aujourd'hui, mais nous pourrons volontiers la faire parvenir au comité.
Le chiffre de 700 000 est une estimation conservatrice, comme nous le disions, et repose essentiellement sur quatre études et sondages différents. L'une a été effectuée par Strategic Counsel, deux autres par Vidéotron et COGECO et la dernière, curieusement, par le gouvernement du Québec.
Du point de vue anecdotique, rappelons qu'une association appelée Satellite Dealers for Free Choice a affirmé publiquement qu'elle comptait plus d'un million d'utilisateurs. Mais ce n'est qu'anecdotique.
Nous vous fournirons certainement cette étude et sa méthodologie.
 (1200)
M. Brian Masse: Je vous en saurais gré. Cela pourrait nous être très utile, quand nous discuterons de ces chiffres et c'est la raison de ma demande.
Dans votre exposé, vous disiez aussi que beaucoup de ces entreprises font des millions de dollars par année. Combien y en a-t-il? Est-ce que la GRC peut les retracer et savoir qui elles sont? Rappelons que les amendes ont été portées à 200 000 $.
Si ces entreprises font des millions de dollars sur le marché noir, je me demande si une amende de 200 000 $ est une punition efficace, surtout si elles sont aussi nombreuses que vous le dites. J'aimerais savoir combien il y en a qui font des millions de dollars, ou du moins, plus d'un million de dollars de revenus.
M. Harris Boyd: Je présume que nous aussi, Brian, nous aimerions bien savoir combien il y en a, mais...
M. Brian Masse: C'est dans votre exposé.
M. Harris Boyd: Nous avons certainement fait des enquêtes sur des centaines d'entreprises de ce genre. Nous travaillons avec le Bureau de sécurité du film et de la vidéo, et depuis l'arrêt de la Cour suprême, le Bureau a fait enquête de son côté sur 236 fournisseurs. En outre, la GRC et les corps policiers locaux ont aussi lancé près d'une centaine d'enquêtes, pendant la même période.
Rien ne prouve qu'on ait cerné l'ensemble de ces fournisseurs : il y en a beaucoup d'autres. D'autres enquêtes seront instituées. Nous travaillons avec Échec au crime qui fournit des tuyaux au sujet des fournisseurs. Ce travail est en marche.
En plus, certaines entreprises condamnées reviennent en affaires. Dans l'information que nous avons fournie, vous constaterez que nous employons alors l'option de l'outrage au tribunal, une fois qu'on a obtenu une injonction contre elles. Elles refont surface ailleurs, sous un nom différent mais les plus effrontées reviennent exactement où elles étaient auparavant.
M. Brian Masse: Rien ne prouve donc ce que vous dites, à savoir que beaucoup de ces entreprises font annuellement des millions de dollars.
M. Harris Boyd: Eh bien, pas exactement. Puis-je ajouter quelque chose?
M. Brian Masse: C'est ce que j'essaie de savoir. Vous déclarez ici...
M. Harris Boyd: Je peux vous donner deux bons exemples. Il y avait une entreprise à Rigaud, au Québec—tout près d'Ottawa—avant l'arrêt de la Cour suprême, qui a réussi à faire renverser sa condamnation dans une instance inférieure. Par la suite, elle a poursuivi la GRC pour 48 millions de dollars en perte de revenus. Il y a eu une affaire semblable à Vancouver, dont pourrait certainement parler Chris Bredt, du point de vue de DIRECTV : la poursuite était de 50 millions de dollars. Ce sont quelques-unes des grandes entreprises. Nous avons de bonnes raisons de croire que ces gens-là font des millions de dollars de revenus.
M. Brian Masse: Je ne comprends pas comment elles peuvent s'adresser au système judiciaire et recevoir des dommages, alors que vous dites qu'elles ont commis des vols.
Passons à d'autres questions. J'ai une question pour DIRECTV, par suite d'une grande déclaration faite au début par M. Stein. Il a parlé de Star Choice; on y avait investi dans la technologie, afin de contrer le piratage. Comment se fait-il qu'on n'ait pas fait de même ailleurs dans l'industrie? Il me semble que c'est la solution. Il y a donc une solution, dont on s'est servi dans ce cas-là.
Dans ma circonscription, DIRECTV est très populaire. Je dois ajouter que certains des chiffres cités sont erronés, parce que je connais des gens qui ont DIRECTV et qui sont abonnés à Bell. C'est la confusion, parce que si DIRECTV modifie les cartes, les supprime ou les a modifiées récemment, ou fait ce qu'elle fait d'habitude, le système tombe. Ce n'est pas un produit fiable qu'on peut avoir comme seule source de divertissement et comme seul lien culturel; les gens s'abonnent donc aussi légalement à d'autres services.
Pourquoi DIRECTV et d'autres ne peuvent-ils pas prévoir ces facteurs de sécurité pour leurs produits?
M. Chris Bredt: Permettez-moi de répondre, au nom de DIRECTV.
DIRECTV fait constamment des mises à jour de sa technologie. Le problème, c'est l'énormité du marché nord-américain, qui représente des centaines de millions de dollars de revenus possibles pour ceux qui peuvent trouver moyen de pirater notre technologie. Des millions de dollars sont consacrés au déchiffrage de nos codes et des centaines de millions, à la conception de codes indéchiffrables. C'est le jeu du chat et de la souris.
Vous avez sans doute appris récemment que DIRECTV ne se servira plus du P3. Il sera bientôt éliminé et nous nous attendons à ce que dès la semaine prochaine, il soit vraiment disparu. Si vous allez sur les sites Internet, vous verrez qu'on vend déjà des cartes P4, qu'on promet une programmation de cartes P4 et qu'on vend des cartes P5.
Le problème au Canada, c'est qu'avant l'arrêt de la Cour suprême, le Canada était le paradis des pirates. En effet, beaucoup de gens sont venus ici, sachant qu'ils ne seraient pas poursuivis s'ils desservaient le gros marché américain, en plus du marché canadien. Voilà pourquoi DIRECTV a tant dépensé au Canada pour lutter contre le milieu du piratage.
Vous avez demandé quelle était l'importance de ce secteur. Nous avons fait une descente en invoquant une ordonnance Anton Pillar, à Montréal, à la fin de l'an dernier: nous avons saisi plus de 700 000 appareils et pièces connexes. Quand on songe au prix de vente de cette marchandise, on comprend que ces gens-là font des millions. C'est un marché très lucratif, ce qui explique qu'on soit tenté de dépenser pour payer des férus de technologie qui vont trouver moyen de pirater notre technologie.
 (1205)
M. Édouard Trépanier: Puis-je ajouter quelque chose, s'il vous plaît?
M. Brian Masse: Bien sûr.
M. Édouard Trépanier: Des appareils sans carte peuvent être un peu plus difficiles à pirater, mais quand ils le sont, il est plus coûteux de remplacer tous les terminaux. Tant mieux si Star Choice et des câblodistributeurs, qui ont des appareils numériques sans carte, n'ont pas été piratés jusqu'ici, mais, comme pour tout autre moyen technologique, ils sont piratables.
Le président: C'est votre dernière question, Brian.
M. Brian Masse: Il y a une question controversée qui me préoccupe beaucoup. On entend des messages codés : on n'a pas l'intention de s'en prendre à des particuliers ou, dans votre cas, que cela ne vous intéresse pas. Si la loi réduisait les amendes pour les particuliers, cela vous satisferait-il, si on s'en prenait vraiment aux fournisseurs et à ces entreprises? Est-ce que votre secteur serait en faveur de cela? C'est ce qui cause beaucoup de préoccupation, je crois.
Dans la version actuelle du projet de loi, il y a un total possible de 26 000 $ en amendes, pour un particulier, s'il y a en outre des amendes criminelles. Seriez-vous en faveur d'une réduction des amendes pour le particulier, si on fait en sorte qu'on resserre l'étau sur les entreprises responsables du marché noir?
Le président: Merci, Brian.
M. Ken Stein: Puis-je répondre à cela?
Pour commencer, ces particuliers commettent un vol ou une fraude; nous ne proposons pas de les cibler, mais il reste qu'ils enfreignent la loi. Les groupes de discussion avec lesquels nous en avons traité, tant du côté du câble que des satellites, le reconnaissent. Ils reconnaissent que c'est ce qu'ils font, mais ils disent qu'essentiellement, tout le monde le fait.
Ensuite, beaucoup des fournisseurs sont des particuliers et Harris pourrait vous en parler. Et troisièmement, ce que les fournisseurs disent aux clients potentiels, qui pensent acheter une antenne, c'est qu'il n'y a rien à craindre, que s'il se passe quelque chose, le fournisseur s'en occupera et que de toute façon, on ne s'en prendrait pas aux particuliers. C'est un peu comme vendre une voiture qui fait du 180 milles à l'heure en disant : ne vous inquiétez pas, roulez sur l'autoroute, la police ne vous arrêtera pas. C'est ça le problème, ce à quoi veut remédier le projet de loi.
M. Brian Masse: Ce qu'il vous faut, c'est tarir la source. Si votre position est fondée, en tarissant la source, vous empêcherez le particulier d'y avoir accès et je pense que c'est dans ce cas-là qu'il faut avoir une sanction proportionnelle à l'infraction. D'une part, certains disent qu'ils ne s'en prendront pas aux particuliers, mais d'autre part, une amende de 26 000 $ dans le cadre d'une descente chez quelqu'un, ou autre chose... On pourrait procéder au cas par cas, ou faire un balayage. Tout cela est possible.
M. Ken Stein: ... [Note de la rédaction : Inaudible]... sur la question du contrôle des armes à feu.
M. Brian Masse: Je ne m'occupe pas des lois et règlements sur le contrôle des armes à feu. C'est à d'autres qu'il faut en parler.
Le président: Merci, Brian.
Nous avons une autre brochette de témoins à recevoir. Gérard et Roy peuvent encore poser une courte question chacun. Ensuite, nous suspendrons la séance pendant une minute.
Gérard, c'est à vous.
[Français]
M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. O'Farrell. Je suis un député d'une région et je n'ai donc pas beaucoup de communautés culturelles à comprendre et auxquelles faire plaisir quand arrive une période électorale comme celle qu'on vit maintenant. Mais imaginez le parlementaire ici, à Ottawa, dont un gros pourcentage des votes vient d'une communauté quelconque. Qu'est-ce que le parlementaire peut dire pour répondre aux inquiétudes de ses commettants au sujet de...
M. Glenn O'Farrell: C'est une question très pertinente dans le contexte électoral dans lequel vous vous trouvez présentement. Je pense que le parlementaire qui fait face à une communauté qui a beaucoup de diversité ethnoculturelle est en droit de défendre la position du gouvernement en ce qui a trait à ce projet de loi et de dire qu'il faut toujours trouver des compromis.
Ici, au Canada, nous avons un marché de petite taille, de 11 millions de foyers, et nous avons quand même un système dont la programmation est extrêmement diversifiée. Je dirais que nous avons un système qui se compare très bien, pour ne pas dire avantageusement, à celui d'autres pays. Mais ce n'est pas parfait. Comme Shan l'a dit tout à l'heure, il y a de nouvelles chaînes qui sont toujours en devenir. Il va lui-même lancer prochainement deux nouvelles chaînes numériques. Il y a présentement 15 demandes de nouvelles chaînes ethnoculturelles qui sont devant le CRTC. C'est un processus qui se complète, mais ce ne sera jamais parfait. Je ne pense pas qu'on va trouver le moyen de satisfaire tout le monde dans le court terme. Mais le processus fonctionne ici depuis un bon nombre d'années, et nous avons un système qui est riche et fort. Gardons-le et ne le mettons pas en péril par le piratage.
 (1210)
[Traduction]
Le président: Merci. Nous vous donnerons du temps pour le groupe suivant, Gérard.
Roy peut poser une très courte question, puis nous suspendrons la séance.
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, PCC): Merci, monsieur le président.
On a employé ici aujourd'hui des termes qui me peinent, non pas parce que j'ai un satellite ni rien du genre, non plus parce que je reçois des signaux illicites, mais on a parlé de vol, de piratage, de fraude et cela me vexe, parce que cela blesse mes concitoyens.
Je vis dans une partie du pays où on cultive de plus en plus de produits biologiques. La seule façon d'obtenir une mise à jour du marché, c'est du côté des États-Unis. Si vous parcourez ma circonscription, vous constaterez que ce signal est reçu pour deux raisons. D'abord, parce que c'est leur gagne-pain. Ensuite, il y a la météo. J'ai moi-même sur le dessus du frigo une radio à 10 $ qui me permet de syntoniser une station FM située à 45 ou 50 milles de chez moi, qui me donnera des prévisions météorologiques plus à jour et plus précises que celles qui viennent de Winnipeg.
N'oubliez pas, il y a une raison à cela. Pour ces gens, c'est leur gagne-pain. C'est leur pain et leur beurre. On ne leur offre pas au Canada. Voilà pourquoi je suis offensé, monsieur le président. Ces gens-là ne sont pas des pirates, ni des voleurs, ni rien de ce genre; ce sont d'excellents citoyens canadiens. Ils essaient simplement de gagner leur vie.
Ces termes m'ont vraiment blessé. Je tenais simplement à le dire.
Le président: Avant que nous suspendions la séance, est-ce que quelqu'un veut répondre aux commentaires formulés par M. Bailey?
M. Luc Perreault: Depuis que Pelmorex Communications possède et distribue Weather Channel et Météo Média, en français, au Canada, nous estimons offrir d'excellentes prévisions météorologiques au Canada, dans nos sites Web, et par satellite.
Le président: Nous prenons bonne note de votre publicité.
Cela étant dit, nous suspendons la séance pour deux ou trois minutes. Je sais que des gens veulent prendre des photos. Profitez-en pendant cette pause de deux minutes.
Monsieur O'Farrell, très brièvement, parce que nous sommes en retard.
M. Glenn O'Farrell: Monsieur le président, nous vous encourageons à faire vite, autant que possible, étant donné les circonstances. Nous apprécions l'occasion que vous nous avez donnée de témoigner aujourd'hui. Vous pourriez peut-être faire comparaître les témoins plus rapidement, ou resserrer le calendrier, pour jeudi à lundi, afin d'accélérer le processus.
Le président: Merci. Nous ferons de notre mieux.
Nous suspendons maintenant la séance pour deux ou trois minutes. Nous invitons les prochains témoins à prendre les places qui ne sont plus occupées par notre première brochette de témoins.
Merci beaucoup pour votre aide ce matin. Tout commentaire supplémentaire pourra nous être envoyé.
J'invite maintenant le groupe suivant, soit le Congrès ibéro-américain et la Coalition des professionnels et des associations communautaires arabo-canadiens.
 (1214)
 (1217)
Le président: Nous passons maintenant à la deuxième moitié de notre séance du 29 avril. Nous accueillons des représentants du Congrès ibéro-américain et de la Coalition des professionnels et des associations communautaires arabo-canadiens.
Nous les écouterons dans cet ordre. Je crois que M. Fitzgerald est le porte-parole du Congrès.
Vous avez la parole pour un maximum de sept minutes. Avez-vous présenté à l'avance un discours écrit?
Bien, nous le distribuons.
Monsieur Fitzgerald, vous avez la parole.
[Français]
M. Paul Fitzgerald (vice-président et conseiller juridique, Congrès Iberoaméricain du Canada): Je vous remercie de nous avoir accordé le privilège de vous adresser la parole. Je suis accompagné d'Alan Riddell, l'avocat qui a fait notre présentation à la Cour suprême au sujet de Bell ExpressVu.
C'est la deuxième fois en deux ans que nous faisons une présentation au sujet du marché gris ethnique. J'espère que l'approche des élections vous aidera à mieux écouter la voix des minorités ethniques.
[Traduction]
Nous avons tous vu les publicités contre le vol de signaux satellite. Un enfant vole une tablette de chocolat au magasin, il arrive à la maison et il dit: «Mais papa, tu voles bien des signaux satellite». Imaginez qu'il dise plutôt: «Mais papa, tu achètes des signaux satellite des États-Unis». Ça serait beaucoup moins percutant, n'est-ce pas? L'auditeur moyen se dirait: « Oui, et puis? ». Ne pensez-vous pas que si un enfant de cinq ans peut voir la différence entre acheter un produit de quelqu'un d'autre et voler un signal, le gouvernement du Canada devrait pouvoir en faire autant et comprendre que certaines personnes recourent au marché gris, pour obtenir des produits auxquels elles n'ont pas accès ailleurs?
Je veux parler plus précisément du marché gris ethnique. J'ai demandé à la greffière de distribuer des copies d'un journal montréalais en espagnol. C'est le numéro de cette semaine, celui du 20 avril, qui est distribué dans les magasins espagnols et dans le milieu espagnol de Montréal, d'Ottawa et de Toronto. Dans la partie inférieure de la une, vous verrez de grosses publicités de Digi-Sat, et directement sous elle, de D. Forand Satellite. Les deux sont des fournisseurs de signaux satellite du marché gris de Montréal. On trouve sur les publicités des adresses et des numéros de téléphone.
Pensez à ce qu'on voit habituellement annoncé à la une des journaux. On n'y trouve pas de publicité pour de la cocaïne, parce qu'autrement, les policiers iraient arrêter les fournisseurs. On ne voit pas non plus de publicité pour des prostituées, pour la même raison. On ne verra pas non plus de publicité disant: « Nous vendons de l'eau », parce qu'on trouve de l'eau partout. On voit plutôt des publicités pour des services en demande, qui ne sont pas disponibles partout et, aussi, pour des services qui ont ce que j'appellerais le lustre de la légalité.
À la page 8 de la présentation PowerPoint que vous avez tous reçue, nous disons exactement comment fonctionne le marché gris. Je vais vous le décrire brièvement.
Dans le marché gris ethnique, il y a trois éléments essentiels. Premièrement, des clients prêts à payer un service légal qui est souvent autorisé par le CRTC, mais qui n'est pas diffusé au Canada. C'est presque toujours pour des raisons commerciales que le service n'est pas diffusé. Le deuxième ingrédient est un groupe de stations qui produisent leurs propres émissions, qui sont propriétaires de leur contenu et qui souhaitent les voir diffusées au Canada, mais qui n'ont pas les moyens de le faire. Le troisième ingrédient: des sociétés américaines de transmission par satellite, qui facturent des frais d'inscription mensuels sur les cartes de crédit des téléspectateurs canadiens et qui paient les stations de télévision étrangères qui sont propriétaires du contenu.
J'ai l'honneur d'avoir écouté le témoignage précédent. On vous a dit que dans le marché gris, les auditeurs ne payaient pas pour le service ou ne payaient pas les titulaires de droits d'auteur. Permettez-moi de vous parler de mon expérience personnelle.
Chez moi, je suis abonné à DISH Latino par l'intermédiaire de Can-Am Satellites de Vancouver. Je paie des frais annuels de 85 $ pour l'accès à une adresse américaine fictive, et on débite ma carte de crédit pour les services de DISH Network aux États-Unis, à Boulder, au Colorado. Chaque mois, DISH Network me facture en dollars américains la programmation à laquelle je suis abonné. En passant, si les gens de DISH Network étaient particulièrement méticuleux, ils constateraient que ma carte de crédit canadienne a un numéro d'identité canadien mais ils ont préféré fermer les yeux. DISH Network reçoit mon argent et, plus important, verse des redevances aux titulaires de droits d'auteur des émissions que je regarde.
Parlons brièvement de Bell. Les représentants de Bell ExpressVu ont affirmé ici être blancs comme neige. À maintes reprises, ils ont nié leur implication dans le marché gris aux États-Unis. Quand j'ai témoigné devant le Comité permanent du patrimoine, le 25 avril 2002, je crois, j'ai parlé du marché gris à l'envers, soit du fait que les francophones en Floride, Canadiens et autres, qui voulaient écouter Radio-Canada et la Soirée du hockey, se servaient de Bell ExpressVu. Des représentants de Bell ExpressVu sont venus dire au Comité du patrimoine, peu après mon témoignage, qu'ils n'étaient pas au courant et que ce n'était pas vrai.
Dans notre présentation PowerPoint, nous donnons une liste de sites Web d'entreprises en Floride, où l'on peut obtenir ces services. Je peux donner aux membres du comité le numéro 1-800 à composer pour demander à Bell ExpressVu à Toronto de vous raccorder, aux États-Unis. Bell joue le même jeu, mais ne veut pas que vous le sachiez.
Nous avons parlé du marché gris lui-même, et je veux vous dire pourquoi il est si important. À la page 16, nous disons pourquoi il est si important pour les groupes ethniques de pouvoir regarder la télé dans leur langue, ou de participer à leur propre culture.
 (1220)
Au Canada, il est tellement important que la culture francophone survive que le CRTC et le gouvernement exigent que Radio-Canada ait une station à Regina avec des informations locales pour les 7 390 personnes de la Saskatchewan qui parlent français chez elles, et nous sommes d'accord avec cela. Nous constatons cependant qu'on n'exige la présence d'aucune chaîne pour les 245 496 Canadiens qui parlent espagnol chez eux. Pourquoi cette double norme?
À la diapositive 17, nous parlons du contenu et de la diversité des informations. Une source aussi réputée que le SCRS a déclaré: « La couverture des nouvelles et des actualités à l'étranger fournit des informations et des données en temps réel... l'accès à ces signaux en langue originale est crucial pour déterminer et comprendre les problèmes régionaux ». On peut difficilement trouver une affirmation plus convaincante que celle de ces gens dont le travail est d'informer le gouvernement sur ce qui se passe à l'étranger et qui disent: « Au fait, on ne trouve pas cela sur Newsworld ».
Pour vous donner un exemple de ce qu'on ne trouve pas sur Newsworld, hier il y a eu une vaste manifestation à El Salvador, la ville d'où vient mon épouse. Des gens ont attaqué la cathédrale principale. Les gens qui avaient perdu les élections attaquaient des autobus avec des bombes incendiaires et tiraient des balles en caoutchouc. L'archevêque de San Salvador a essayé de jouer un rôle de médiateur. Est-ce que quelqu'un ici en a entendu parler? Non, parce que Newsworld n'a pas couvert cet événement. Mais CNN l'a couvert en espagnol. C'est pour cela que j'en ai entendu parler et c'est pour cela que la plupart des gens dans cette salle qui parlent espagnol, dans les groupes qui sont derrière moi, sont au courant, parce qu'ils ont regardé cela à la télévision. Ce n'est pas simplement une question de langue, c'est une question d'accès à des informations qu'on ne trouve pas ailleurs.
On a dit qu'on ne voulait pas s'en prendre à de simples particuliers, et je voudrais parler de cela un instant. Les précédents témoins ont dit qu'ils ne voulaient pas s'en prendre à des particuliers. Ils ont parfaitement raison. Mais pourquoi ne veulent-ils pas le faire? Pour une raison très simple: c'est mauvais pour la politique. Allez chercher Hortez parce qu'il a regardé un match retransmis du Chili. Quand on va le traîner devant un tribunal, des tas de gens vont dire: « Plus jamais nous ne voterons pour les Libéraux, plus jamais nous ne voterons pour ce gouvernement et nous allons organiser des manifestations massives ». Pourquoi? Parce que cela n'est pas possible au Mexique et aux États-Unis. On ne traîne pas des gens dans la rue parce qu'ils sont abonnés à des chaînes qui ne sont pas disponibles. Les Américains ne traînent pas les francophones dans la rue parce qu'ils sont abonnés à Bell ExpressVu et qu'ils regardent RDI. Ce n'est pas possible.
S'en prendre à des particuliers, c'est mauvais politiquement, alors prenons-nous-en plutôt aux entreprises. C'est une bonne idée. Que se passe-t-il quand on s'en prend aux entreprises? On supprime Can-Am Satellites, qui me fournit mon service. Par conséquent, quand ma carte de crédit sera expirée, plus personne ne pourra me permettre d'avoir accès au marché gris. Plus personne ne pourra me donner l'accès à cette retransmission par satellite. Et on espère que je vais disparaître sans bruit.
Nous passons ensuite à la diapositive 20. J'aimerais parler de certaines choses qui ne sont pas illégales et faire certains parallèles. Au Canada, il n'a jamais été illégal de s'abonner à un journal étranger ou à une revue étrangère. Dans mon sac, j'ai des cartes d'abonnement à huit revues américaines, toutes avec des adresses de retour en Floride. Nous estimons que c'est totalement sans importance. Nous achetons une revue qui n'est pas disponible au Canada parce que nous préférons lire Newsweek ou Fortune que Canadian Business ou Maclean's. C'est un choix de marché. Il n'a jamais été illégal d'importer ou de lire un livre étranger non pornographique, d'écouter des stations de radio étrangères au moyen des ondes courtes ou d'Internet, et de regarder des chaînes de télévision étrangères sur Internet. Dans les villes frontalières, il n'est pas illégal de regarder des chaînes de télévision américaines sans aucun filtrage, de pures émissions américaines, sans intervention de qui que ce soit.
Je crois que le Congreso lors des prochaines élections aura des annonces semblables à celles de la Coalition. On montrera de la poussière dans une paire de chaussures, comme dans le Magicien d'Oz. On pourra y lire: «Que s'est-il passé? Oh, c'est ce qui est arrivé au fonctionnaire du gouvernement qui a essayé de s'interposer entre le citoyen et sa télécommande».
Je crois qu'on joue avec le feu quand on commence à dicter aux gens ce qu'ils doivent regarder.
Nous pensons qu'il faut dénoncer le marché noir. À la page 26, nous présentons des propositions concrètes: la légalisation du marché gris, la mise en place d'un impôt de 1 $ par mois pour chaque récepteur du marché gris, dont les revenus seront versés au Fonds canadien de télévision, l'augmentation des pénalités et l'octroi de recours civils contre les individus et les sociétés qui vendent et utilisent de l'équipement de radiocommunication du marché noir. Franchement, même à 25 000 $, c'est encore une dépense d'affaires acceptable si l'on gagne des millions de dollars en vendant des cartes de piratage. Enfin, nous demandons qu'on ajoute une nouvelle infraction de trafic de cartes réceptrices piratées et d'équipement modifié de décodage, pour sanctionner lourdement les trafiquants.
 (1225)
Merci.
Le président: Merci, monsieur Fitzgerald.
Madame Reghai, je crois que c'est vous qui prenez la parole au nom de la Coalition. Allez-y.
[Français]
Mme Bahija Reghai (vice-présidente, Coalition des professionnels et des associations communautaires arabo-canadiens): Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour.
 (1230)
Je m'appelle Bahija Reghai
[Traduction]
et je suis ici pour représenter la Coalition des professionnels et des associations communautaires arabo-canadiennes d'Ottawa. La CAPCA est un organisme à but non lucratif général dont l'objectif est d'améliorer la situation et le profil des communautés arabo-canadiennes d'Ottawa et de leur garantir des droits et libertés égaux.
Permettez-moi d'abord de vous faire part de notre consternation lorsque nous avons appris que la première mesure législative qu'entend prendre le premier ministre Paul Martin, c'est d'adopter un projet de loi visant à criminaliser les Canadiens, en particulier les membres des communautés ethnoculturelles du Canada qui paient actuellement pour obtenir des émissions culturelles que n'offrent ni Bell ExpressVu ni Star Choice, mais qui sont disponibles par l'intermédiaire de courtiers qui travaillent ouvertement dans nos communautés. Que ce projet de loi accorde des pouvoirs extraordinaires à des inspecteurs du câble pour venir perquisitionner dans nos résidences privées, cela est vraiment orwellien.
En plus des autres communautés ethnoculturelles qui contribuent à enrichir la mosaïque patrimoniale du Canada, il y a quelque 600 000 Canadiens qui se considèrent de descendance arabe et qui parlent l'arabe à la maison. Nombre de ces Canadiens, comme je l'ai mentionné, achètent, par l'entremise de fournisseurs canadiens, un service de quelque neuf chaînes arabes qui n'est pas offert par les deux seules compagnies canadiennes de communication par satellite.
Ces citoyens respectueux de la loi ne sont pas des voleurs de signaux, ils paient pour les obtenir. La plus grande lacune du projet de loi C-2, c'est qu'il ne fait pas la distinction entre ceux qui achètent des émissions en langues étrangères non offertes au Canada et ceux qui piratent des émissions offertes par les diffuseurs par satellite autorisés.
Le CRTC a délivré des permis pour la diffusion de chaînes arabes, mais les câblodistributeurs ne les proposent pas aux Canadiens parce qu'ils prétendent que cela n'est pas rentable pour eux. Puisque la Loi sur le multiculturalisme canadien, et je cite, « reconnaît l'importance de maintenir et de valoriser le patrimoine multiculturel des Canadiens » et que la politique officielle du gouvernement fédéral vise, et je cite, «à favoriser la reconnaissance et l'estime réciproques des diverses cultures du pays, et promouvoir l'expression et les manifestations progressives de ces cultures dans la société canadienne; et, parallèlement à l'affirmation du statut des langues officielles et à l'élargissement de leur usage, à maintenir et à valoriser celui des autres langues», nous sommes d'avis que les décisions fédérales en matière de politique publique concernent le patrimoine culturel des Canadiens, y compris les membres de nos communautés ethnoculturelles, et ne devraient pas reposer uniquement sur des considérations commerciales.
Si les compagnies de câblodistribution et de communication par satellite offraient des chaînes en arabe et en d'autres langues dans leurs différents groupements de services, les minorités ethniques n'auraient pas à payer d'autres fournisseurs pour se les procurer. Souvent, les abonnés à des chaînes en langues étrangères sont aussi abonnés aux deux compagnies de communication par satellite et de câblodistribution autorisées.
Nous soutenons que les groupements de services culturels offerts à tous les abonnés canadiens devraient refléter la diversité que le gouvernement canadien promeut en offrant à chaque Canadien un meilleur accès à une programmation multiculturelle qui est actuellement limitée pour quiconque veut garder un contact avec sa langue et son pays d'origine.
Les politiques multiculturelles actuelles ont pour but de rapprocher les communautés ethnoculturelles du Canada. Ironiquement, ce projet de loi n'a pas pour effet d'améliorer l'accès aux émissions multilingues mais plutôt de traiter en criminel quiconque cherche à y avoir accès. Une fois le projet de loi adopté, il n'y aura plus aucune incitation à présenter des émissions culturelles supplémentaires sur le marché.
Il est important de noter qu'aujourd'hui les Canadiens peuvent avoir et ont accès à des chaînes étrangères par la voie d'Internet, en s'abonnant à des services Internet puis en branchant leur téléviseur sur leur ordinateur. Il semble qu'un tel comportement n'est ni illégal, ni policé. Comment justifier alors qu'on puisse criminaliser les Canadiens pour ce qu'ils peuvent en fait se procurer par d'autres moyens?
La CAPCA vous demande aujourd'hui d'empêcher l'adoption de ce projet de loi. Aucun membre de notre communauté n'oserait s'opposer à ce qu'on poursuive quiconque qui, en toute conscience, pirate des émissions qui sont déjà offertes sur le marché. Cela s'appelle du vol. Toutefois, nos communautés ne peuvent admettre que le gouvernement assimile le soi-disant «marché gris» au marché noir.
Le gouvernement envoie le mauvais message à nos communautés, si la seule solution au problème du manque d'accès aux émissions culturelles qu'il propose, c'est de criminaliser quiconque est disposé à payer un fournisseur pour obtenir de telles émissions. Et ne vous y trompez pas. Nous savons bien que la seule cible de ce projet de loi, ce sont nos communautés ethniques respectives. Nul effort du gouvernement ne saurait nous convaincre du contraire.
C'est avec regret que nous avons appris que les desiderata de la Coalition contre le vol des signaux satellite qui a comparu devant le caucus libéral de l'Ontario ont été repris presque mot pour mot dans le projet de loi. Les sanctions prévues dans la mesure législative sont exactement les mêmes que celles que recommandait ce groupe de pression de l'industrie.
Nous vous exhortons à examiner s'il est justifié d'imposer une peine de prison d'un an ou une amende de 25 000 $ à un citoyen canadien qui s'abonne moyennant paiement à un service que n'offre aucun des deux plus grands fournisseurs de l'industrie.
Les membres de nos communautés sont profondément déçus d'apprendre que de grandes sociétés qui font des dons au Parti libéral et à Paul Martin sont récompensées par une mesure législative visant à limiter l'accès des Canadiens d'origine ethnique à des émissions culturelles au lieu d'offrir un choix et un accès plus grands à ces émissions. Il s'agit ici d'un projet de loi qui se soucie des intérêts de la grande entreprise et non de ceux des citoyens. En soi, ce projet de loi ne contribue nullement à régler le problème de l'accès des consommateurs. En juin 2003, le Comité permanent du patrimoine canadien à la Chambre des communes a souligné que la principale raison pour laquelle les consommateurs se tournaient vers le piratage par satellite était le manque de plus en plus flagrant d'accès au marché gris.
[Français]
Nous vous remercions de nous avoir permis de nous exprimer et nous espérons que vous transmettrez le message suivant au premier ministre Martin: ne réduisons pas la tradition canadienne du multiculturalisme à une simple idée ou à une simple notion dépourvue de substance, mais faisons-en la promotion au moyen d'une politique publique. Le gouvernement doit être proactif dans ses efforts à cet égard et il peut commencer en encourageant le CRTC à favoriser la programmation culturelle et en annulant ces mesures radicales qui visent injustement les abonnés à des services qui ne sont pas encore offerts au Canada.
Merci.
 (1235)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Mme Yelich a laissé M. Savoy prendre sa place pour poser une brève question ou pour disposer d'une ou deux minutes de son temps.
M. Andy Savoy: Merci beaucoup, madame Yelich.
[Le député s'exprime en espagnol et en arabe]
Je vais maintenant poursuivre en anglais.
J'aimerais revenir à l'une des recommandations de Paul à propos de la légalisation du marché gris ethnique. Je pense qu'il est très difficile de légitimer par la loi un marché gris, car comment définir si ce marché se fonde sur des considérations culturelles, spirituelles, linguistiques dans le contexte de la loi... Vous comprenez ce que je veux dire? J'aimerais donc vous demander de préciser un peu cette recommandation.
Deuxièmement, comme vous l'avez probablement entendu dans les précédentes interventions, je suis profondément préoccupé par le problème ethnique au Canada. Pour pouvoir prospérer, les communautés ethniques ont besoin d'avoir accès à du matériel spirituel, religieux ou linguistique. Peut-être pourriez-vous répondre à cela.
M. Paul Fitzgerald: Je crois en fait que la distinction est beaucoup plus facile à faire qu'on ne le pense souvent. Si vous y réfléchissez, comment pouvez-vous distinguer le marché gris ethnique du marché gris non ethnique ou du marché noir?
Si je vous disais: « Vous pouvez capter telle chaîne pour 30 cents par mois », vous l'achèteriez. Si je vous disais: « Vous pouvez capter telle chaîne pour 3 $ par mois », vous y réfléchiriez. Est-ce que vous voulez vraiment la capter? En bout de ligne, le marché gris est toujours—et quand je dis « toujours », je sais de quoi je parle car j'ai une formation juridique—ou sans exception et quelles que soient les circonstances plus cher que Bell ou Star Choice. Donc, la personne qui achète des émissions sur le marché gris le fait parce qu'elle est prête à payer plus cher un service qui n'est pas disponible ailleurs.
Vous savez que l'Association canadienne des radiodiffuseurs a demandé par exemple au CRTC d'inclure HBO et des émissions de ce genre dans leurs forfaits. Cela ferait disparaître instantanément du marché gris non ethnique tous les gens qui n'ont aucune envie de payer un supplément pour un service qu'ils pourraient avoir auprès d'une compagnie canadienne. Ç'est absurde.
Ce que nous disons, c'est qu'il faut réprimer le marché noir. Quand ce sera fait, les gens qui paieront une prime supplémentaire sur le marché, ce sont ceux qui utiliseront le marché gris. Ce n'est pas difficile à faire. Par exemple, voici l'édition d'octobre 2002 d'une revue intitulée Satellite DIRECT. On la trouve chez tous les marchands de journaux ou tous les Chapters. En première page, on peut lire: « Le guide des loisirs sur DIRECTV ». C'est édité par une entreprise d'Edmonton. Vous allez me dire: pourquoi quelqu'un au Canada voudrait-il savoir ce qu'il y a à regarder sur DIRECTV? Est-ce que c'est parce qu'ils regardent DIRECTV? Et si ces gens-là regardent DIRECTV, et s'ils sont abonnés à cette...
Il y a une autre chose que j'ai oublié de dire, c'est que l'entreprise qui publie cela publie aussi la revue interne de Bell ExpressVu. Donc, Bell ExpressVu va trouver cet éditeur de revue et lui dire: au fait, pourrions-nous avoir la liste des abonnés à la revue? Ensuite, il ne leur reste plus qu'à envoyer à ces abonnés une note leur disant que s'ils continuent encore à regarder des émissions du marché noir mardi prochain à 4 heures, par exemple, la police va venir frapper à leur porte. Bell va ainsi régler son propre problème.
Les membres de communautés ethniques ne seront pas sur cette liste, car si vous ne parlez pas anglais à la maison, vous n'allez probablement pas regarder HBO. Donc, le marché ethnique regarde des émissions ethniques. Il suffit d'un peu de bon sens pour régler la question.
M. Andy Savoy: Je crois que Mme Reghai voulait répondre aussi. Vous êtes d'accord avec cette proposition?
Mme Bahija Reghai: Certainement. Je pense qu'il est complètement absurde de criminaliser cette situation. La solution, c'est de légaliser le marché gris, qui s'adresse aux communautés ethniques et spirituelles comme vous dites.
M. Andy Savoy: Et linguistiques aussi.
Je remercie ma collègue.
Le président: Nous vous donnons maintenant la parole, Lynne, pour la durée totale de votre tour évidemment. Ensuite, nous passerons à Paul.
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Ces exposés sont à mon avis excellents et nous donnent matière à réflexion.
Je m'adresse à vous, Paul : le Comité du patrimoine demande au CRTC d'ouvrir plus de canaux. Il y a quelques jours, les représentants de Bell ExpressVu ont dit qu'ils avaient l'intention d'offrir des chaînes en arabe, en italien, en portugais et en russe. Si cette initiative est approuvée par le CRTC, est-ce que ce n'est pas au CRTC que vous devriez vous en prendre? Est-ce que ce n'est pas à lui que vous devriez vous adresser?
 (1240)
M. Paul Fitzgerald: C'est une question intéressante. On n'arrête pas de renvoyer la balle entre le CRTC et les compagnies de communication par satellite.
En fait, il y a une liste où l'on parle des chaînes retransmises. C'est à la page 12, Rapport sur la distribution des services à caractère ethnique par les entreprises canadiennes de distribution de radiodiffusion, janvier 2003: «Selon les renseignements fournis par Mediastats, en juin 2001, aucun service à caractère ethnique de catégorie 2 autorisé pour distribution n'était distribué par ExpressVu ou Star Choice». Il n'y en avait aucun, zéro.
Certes il y a certaines chaînes, et Bell a pris soin de le souligner. Le CRTC va tenir des audiences en vue d'octroyer des licences pour 15 nouvelles chaînes. Qui appuie cela? Qui a demandé cette licence? C'est Vidéotron de Montréal. Si ces chaînes sont autorisées, Vidéotron a dit qu'elle allait les retransmettre.
Bell ExpressVu n'appuie pas cette demande, pour autant que je sache. Ils n'ont pas l'intention de retransmettre ces chaînes. Ils disent qu'ils vont le faire, ils veulent vous le faire croire, mais en fait ils gagnent beaucoup plus d'argent en retransmettant des matchs de hockey ou de la pornographie qu'ils n'en gagneront jamais en retransmettant des émissions en espagnol. C'est une entreprise commerciale qui veut offrir des résultats à ses actionnaires. Pas étonnant qu'ils n'aient aucune envie de retransmettre des programmations ethniques.
Mme Lynne Yelich: Vous êtes pour le marché gris et contre le marché noir, comme vous l'avez dit très clairement. Comment pourriez-vous réprimer le marché noir en appuyant le marché gris? Que nous proposez-vous?
M. Paul Fitzgerald: Je m'attaquerais au marché noir principalement en m'en prenant aux abonnés à cette revue—c'est le moyen le plus rapide—et en réprimant les individus qui vendent les divers types de cartes de piratage.
Un policier qui entre dans une maison et jette un coup d'oeil sur le téléviseur sait en 15 secondes s'il s'agit de marché noir ou de marché gris. Si c'est du marché gris, il y a un carte ordinaire et le dispositif ressemble tout à fait à un appareil de Bell ExpressVu. Si c'est du marché noir, il y a des lumières qui clignotent à l'extérieur. Il y a des dispositifs électroniques qui sont branchés sur l'appareil et qui, soit dit en passant, font des parasites sur les fréquences des services d'urgence, comme l'a souligné un des témoins. Le marché noir est dangereux non seulement parce que c'est du vol, mais parce qu'il parasite les signaux des véhicules d'urgence.
Notre troisième recommandation est d'alourdir les sanctions et de prévoir des recours civils contre les gens qui font du marché noir. Si vous avez un signal de blocage de Bell ExpressVu ou si vous avez Star Choice... au fait, les gens de Star Choice disent qu'ils n'ont jamais été piratés. C'est intéressant. Ils ont une technologie plus poussée. La compagnie Bell a une technologie plus simple et elle vous demande de régler son propre problème. Star Choice utilise une technologie plus coûteuse et règle elle-même son propre problème. Je trouve fascinant en tant que contribuable de suivre cette question.
Nous sommes dans une situation où Bell peut brouiller le signal et s'en prendre aux individus qui figurent sur cette liste. Ce genre de chose peut se faire, et on peut avoir des sanctions plus lourdes. On peut réprimer les utilisateurs du marché noir et les fournisseurs sur le marché noir. S'ils savent qu'on peut les coincer et s'ils savent qu'ils risquent de devoir payer une amende, ils vont être dissuadés de se tourner vers le marché noir.
Mme Lynne Yelich: Donc, le marché gris est acceptable.
À la page 25, vous demandez qu'on renvoie à la Cour suprême l'alinéa 9(1)c) de la Loi sur la radiocommunication. Pourquoi?
M. Paul Fitzgerald: Je vais demander à notre avocat, Alan Riddell, de Soloway Wright, de répondre à cette question car il était le co-auteur de cette suggestion.
M. Alan Riddell (associé, Soloway Wright, Congrès Iberoaméricain): Excusez-moi. Pourriez-vous répéter la question?
Mme Lynne Yelich: Dans cette diapositive, vous mentionnez cet alinéa. Pourquoi voulez-vous renvoyer cet alinéa à la Cour suprême? Pourquoi le dites-vous dans votre exposé?
M. Alan Riddell: Dans l'affaire Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, la Cour suprême du Canada a invité les plaignants à présenter une contestation en vertu de la Charte. Elle a déclaré qu'il n'était pas possible de se prononcer sur le problème important de savoir si l'alinéa 9(1)c) de la Loi sur la radiocommunication était ou non inconstitutionnel. Le juge Iacobucci a dit que la Cour devait disposer d'un ensemble de preuves complet pour pouvoir se prononcer sur cette importante question de savoir si le marché noir et le marché gris sont protégés ou non par la Constitution en vertu de la Charte.
Certains intervenants ont déclenché un contentieux en première instance en présentant des preuves comme leur avait suggéré de le faire la Cour suprême dans la décision du juge Iacobucci. Bell ExpressVu est intervenue et a transformé l'affaire en une entreprise gargantuesque, en soumettant des dizaines de milliers de pages de documents. L'affaire a traîné et Incredible Electronics, l'une des entreprises qui avait accepté l'invitation de la Cour suprême du Canada à soulever la question de la Charte devant les tribunaux, s'est trouvé à court d'argent et a dû abandonner le procès. Le procès durait depuis huit mois et on n'en était même pas au stade des dépositions. Quand Incredible Electronics a dû abandonner, faute de ressources financières, Bell ExpressVu avait déjà engagé quelque chose comme 1,2 million de dollars dans cette affaire.
Donc, l'affaire est devenue tellement coûteuse que personne d'autre que Bell ExpressVu et le gouvernement fédéral, qui était concerné et a encouru apparemment 500 000 $ de coûts juridiques aux frais du contribuable, n'a été en mesure de s'en mêler. Par conséquent, l'affaire a été plus ou moins abandonnée et nous sommes actuellement dans une impasse, parce que tous les gens de ce secteur qui examinent la question se disent: Oh mon Dieu, si j'essaie d'invoquer la Charte, si j'essaie de revendiquer mes droits en vertu de la Charte comme m'a suggéré de le faire la Cour suprême du Canada, je vais me retrouver avec Bell ExpressVu, Star Choice et le ministère de la Justice sur le dos, et si je n'ai pas un trésor de guerre d'au moins 5 ou 6 millions de dollars pour me battre avec eux en première instance, je ne pourrai jamais arriver au stade de la décision finale.
Voilà pourquoi nous vous proposons qu'on renvoie directement la question à la Cour suprême du Canada. C'est la seule façon d'obtenir que justice soit faite et de trancher cette importante question constitutionnelle que la Cour suprême du Canada elle-même a demandé aux Canadiens de régler. En fait, il y a d'un côté ces grands monopoles, Bell ExpressVu et Star Choice, qui ont énormément d'argent à investir dans ce contentieux, et énormément d'argent en jeu, et qui sont manifestement prêtes, comme elles l'ont fait dans l'affaire Incredible Electronics, à investir des millions de dollars en frais juridiques, et de l'autre côté, des gens qui n'ont tout simplement pas les ressources financières nécessaires. Il s'agit de très petits intervenants qui ne sont pas nécessairement très bien organisés et qui n'ont absolument pas les moyens de rassembler les ressources juridiques nécessaires pour financer un procès contre ces compagnies en vertu de la Charte, même en première instance.
 (1245)
En tant que juriste, je vous rappelle que les 5 ou 6 millions de dollars que vous allez devoir engager en première instance pour vous battre contre Bell ExpressVu et Star Choice, ce n'est que la première étape. Il est certain que, quel que soit le gagnant en première instance, même quand on aura dépensé 5 ou 6 millions de dollars, la décision sera portée en appel au niveau suivant, c'est-à-dire la Cour d'appel de l'Ontario ou une autre cour d'appel provinciale. Le perdant à ce palier ira alors en appel devant la Cour suprême du Canada. La procédure va durer sept ans et il est probable qu'en fin de compte ce contentieux aura coûté à chaque plaignant 15 à 20 millions de dollars si l'on se réfère à ce qui a été dépensé lors de l'affaire Incredible Electronics.
Voilà donc l'explication.
Le président: C'est bon, Lynne?
Mme Lynne Yelich: Merci.
Le président: Cela fait environ déjà 10 minutes.
Je vais donner la parole à Paul, puis à Joe, puis je la redonnerai à Roy.
[Français]
M. Paul Crête: Merci, monsieur le président.
Monsieur Fitzgerald, j'aimerais que vous nous parliez un peu de votre association, le Congrès ibéroaméricain. Combien y a-t-il de membres dans cette association?
M. Paul Fitzgerald: Nous avons à peu près 60 membres en chair et en os, des personnes. Nous sommes une organisation parapluie, si je puis m'exprimer ainsi. Nous avons reçu des messages d'appui de la part de la communauté chilienne d'Edmonton, de la communauté du Nouveau-Brunswick, de la communauté du Nicaragua à Ottawa. Nous avons aussi l'appui de plusieurs communautés à Ottawa.
Nous avons commencé par faire une campagne de pétition. Simplement parmi les personnes avec lesquelles nous avons des contacts quotidiens, nous avons recueilli quelque 400 noms. C'est une petite organisation bénévole, sans but lucratif, mais une organisation qui a l'appui général de la population.
 (1250)
M. Paul Crête: Il y a une soixantaine de personnes qui sont membres de l'organisme.
M. Paul Fitzgerald: Oui, parce qu'on a commencé à recruter des membres il y a quelques mois seulement.
M. Paul Crête: Est-ce que votre organisme est incorporé? Est-ce que vous avez un bureau de direction?
M. Paul Fitzgerald: Oui, nous sommes incorporés selon les lois de l'Ontario.
M. Paul Crête: J'aimerais que vous nous parliez un peu de l'impact qu'auraient vos recommandations sur le piratage. Il y a un important problème de piratage au Québec et au Canada. Quels seraient les effets de vos recommandations? Est-ce qu'elles auraient des effets positifs, négatifs ou neutres sur la situation du piratage? Il y a deux problèmes différents. Il y a le problème de l'accès de vos communautés aux signaux, qu'on peut comprendre, et il y a la question du piratage. Le projet de loi porte plus spécifiquement sur la question du piratage. Quel type d'impact vos recommandations auraient-elles à cet égard?
M. Paul Fitzgerald: Notre compréhension est que le projet de loi C-2 ne fait aucune distinction entre le piratage et le marché gris. Tel est le problème, n'est-ce pas? Nous voulons qu'on reconnaisse qu'il y a une différence entre le piratage et le marché gris.
Nous constatons que sur le marché gris, les personnes paient un peu plus que sur le marché normal et nous voulons dénoncer le piratage. Comme je l'ai expliqué à Mme Yelich, nous croyons qu'avec les campagnes visant à trouver la liste des abonnés de telle revue et d'autres campagnes, on arrivera à vraiment pénaliser les pirates. Selon moi, c'est très simple. Si un Québécois veut lire Le monde diplomatique, un périodique de France, il ne peut pas aller chez Provisoir et le voler, car c'est illégal. Le fait que ce périodique provient de la France ne fait aucune différence: c'est illégal, nettement, purement et simplement. S'il veut lire le Journal de Québec ou Le Soleil, il peut le lire. Le vol est illégal. Les pirates, au Québec, veulent regarder la télévision gratuitement. Les témoins de Bell Canada ont dit qu'ils ne pouvaient pas concurrencer les personnes qui offrent un service gratuit. Donc, nous sommes vraiment contre le marché noir et contre les pirates, mais nous croyons qu'on doit reconnaître le droit des communautés et minorités ethniques d'avoir le service dans leur langue, un service qui provienne de leur pays d'origine afin qu'elles puissent recevoir des nouvelles de leur pays et maintenir leur culture.
M. Paul Crête: Vos recommandations ne visent pas à cerner mieux le marché noir. Selon vous, aucune de vos recommandations n'a d'impact sur ce secteur.
M. Paul Fitzgerald: Le marché noir est le marché noir. On ne fait pas de distinction à l'intérieur du marché noir. La motivation du voleur n'importe pas au juge. La personne qui a volé une voiture...
M. Paul Crête: Je ne veux pas entreprendre un débat philosophique. Je veux savoir si, dans vos recommandations, il y a des choses qui pourraient nous aider à mieux contenir le marché noir. Si vous me dites que ce n'est pas l'objectif de votre présentation, cela va répondre à ma question. Je veux savoir si vous pensez que ce que vous recommandez aura un impact sur le marché noir.
M. Paul Fitzgerald: Je crois que nos recommandations vont avoir un impact sur le marché noir. Sur la diapositive 26, nous demandons qu'on ajoute une nouvelle infraction: «Ajouter une nouvelle infraction de «Trafic» des cartesréceptrices piratées et d'équipement modifié de décodage.» Cela va affecter le marché noir. On fait une différence entre la personne qui vend et achète des cartes, qui commet une infraction plus grave, et le simple abonné. On reconnaît cette distinction.
 (1255)
M. Paul Crête: Ma compréhension est que vous suggérez une modification complète du système de fonctionnement qui existe présentement au Canada, plutôt que quelque chose visant à régler le problème du piratage. J'ai la perception que vous trouvez qu'il y a quelque chose d'inadéquat, d'inacceptable pour l'accès de vos communautés aux signaux. J'ai l'impression que la situation que vous exposez n'est pas celle qui est visée par le projet de loi.
M. Paul Fitzgerald: Nous souhaitons que les avocats du comité fassent des modifications au projet de loi C-2 pour reconnaître la distinction qui existe entre celui qui paie le signal et celui qui le vole. On ne s'est pas préoccupé de cela, mais je pense qu'il serait possible de l'inclure dans le projet de loi C-2.
M. Paul Crête: Votre première recommandation porte sur la légalisation du marché gris. Pouvez-vous me répéter cela pour que je comprenne bien de quelle façon vous feriez la légalisation du marché gris?
M. Paul Fitzgerald: Par exemple, à la première page du journal que j'ai fait circuler, on publie les noms, adresses et numéros de téléphone de dealers. On peut voir la liste des clients et leur imposer une taxe d'un dollar l'unité par mois. C'est légal. On leur impose une taxe qui va au Fonds canadien de télévision, je crois. La grande majorité des participants au marché gris veulent aussi appuyer la culture canadienne. Ce sont des résidants du Canada qui veulent appuyer le système. Il s'agirait donc d'imposer une taxe et de reconnaître que les dealers doivent payer la TPS et les autres services. On leur accorderait ainsi une certaine légitimité.
M. Paul Crête: Mais cela ne peut pas se faire sans une modification au principe de base, à la façon dont on peut avoir accès aux signaux au Canada. Vous suggérez qu'en plus des modes d'accès actuels, il y en ait un troisième pour les médias ethniques ou de l'extérieur. Vous voudriez qu'ils puissent le faire sans passer par le système prévu actuellement dans la loi. On ne peut pas simplement percevoir un dollar de la personne qui annonce dans votre journal, parce qu'elle ne le paiera pas si elle n'a pas l'obligation légale de le faire.
M. Paul Fitzgerald: Exactement. Ce n'est peut-être pas l'objectif à court terme du projet de loi C-2, mais c'est notre objectif, notre philosophie. Nous reconnaissons bien l'obligation des abonnés du marché gris d'appuyer le système et la culture canadiens par un paiement au Fonds canadien de télévision.
M. Paul Crête: Je n'ai plus de questions.
Le président: Allez-y, madame.
Mme Bahija Reghai: La raison pour laquelle il y a un marché gris est que les besoins ne sont pas comblés. Il y a une demande à laquelle le gouvernement, le CRTC et les compagnies ne répondent pas. C'est pour cela qu'il y a un marché gris; ce n'est pas pour autre chose. Le marché noir, c'est autre chose. C'est du vol. Sur le marché gris, il y a des gens qui respectent les lois, qui paient, mais qui veulent avoir accès à des choses que les compagnies pourraient leur donner mais ne leur donnent pas parce que ce n'est pas du bon business. Cela ne leur rapporte pas suffisamment d'argent.
M. Paul Crête: Je ne dis pas que cela n'est pas légitime, mais à l'heure actuelle, ce marché n'est pas conforme à la loi.
· (1300)
Mme Bahija Reghai: Absolument, mais c'est un marché gris qui n'a pas été... Comme M. Fitzgerald l'a mentionné, il y a des Canadiens qui ont des commerces qui paraissent légitimes puisque les gens peuvent s'abonner et payer. Le gouvernement ferme les yeux. Pourquoi? Cette loi changerait l'équilibre et accorderait aux compagnies privées un marteau alors qu'un petit coup de pouce suffirait. C'est absolument lamentable, parce que toutes les communautés ethniques qui ne sont pas desservies en ce moment sont criminalisées. Ce n'est pas ainsi qu'on devrait les traiter.
[Traduction]
Le président: Thank you.
Joe, puis Roy.
L'hon. Joe Fontana: Merci, monsieur le président.
Commençons par essayer de trouver une définition commune de marché noir et de marché bris. J'ai entendu Bahija dire que tant que l'on paie, c'est légal. Mais qui payez-vous? D'après les témoins précédents, le marché gris n'existe plus. Il n'existe que le marché noir. Vous admettez qu'il faut le dénoncer et le combattre vigoureusement mais qu'il existe un marché gris important. Pour vous, il s'agit des cas où quelqu'un paie de l'argent de façon légitime, même si les témoins antérieurs et d'autres diront que la seule façon de payer est de manière frauduleuse, en affirmant que vous déclarez vivre quelque part où vous n'avez pas accès au système aux États-Unis.
Moi aussi je voudrais régler cette histoire et je sais qu'un élément de réponse serait d'élargir le plus possible pour le consommateur l'accès au contenu. Certes, nous voulons protéger le contenu canadien mais soyons réalistes, avec Internet et tout le reste, le monde change et les gens obtiennent ce qu'ils veulent légalement ou illégalement.
J'aimerais que vous précisiez certaines choses pour moi. Dites-moi comment vous définissez le marché noir et expliquez-moi pourquoi les témoins précédents estiment que le marché gris n'existe plus. J'ai ici une définition de marché noir et de marché gris qui vient d'Industrie Canada.
L'autre chose concerne la Cour suprême. Elle a jugé que tant le marché noir que le marché gris sont illégaux. D'après vos arguments, vous estimez que ce n'est pas le cas et qu'il n'y a rien d'illégal en matière de marché gris.
Hormis la création parfaitement légale d'une multitude de canaux à contenus divers autorisés par le CRTC—ce que nos fournisseurs pourront faire, j'espère—comment pouvons-nous légaliser ce que la Cour suprême juge illégale? Pour avoir accès au marché gris, dites-vous, les gens doivent faire certaines choses ou mentir, ou appelez cela comme vous voudrez; ils ne diront pas vraiment où ils habitent pour avoir accès au marché. Ce n'est pas légal. Comment selon vous peut-on légaliser cela?
M. Paul Fitzgerald: Je vais laisser Alan Riddell répondre à la deuxième question et je vais répondre à la première et à la troisième.
M. Alan Riddell: Ce que la Cour suprême du Canada a déclaré dans l'affaire Bell ExpressVu, c'est qu'aussi bien le marché noir que le marché gris enfreignaient l'article 9 de la Loi sur la radiocommunication. Elle a ajouté qu'en réalité cette disposition est peut-être anticonstitutionnelle et donc nulle. Il est donc possible que les deux marchés soient conformes à la loi. Le jugement définitif sur la constitutionnalité de l'article 9 est donc que la légalité de ces pratiques doit faire l'objet d'un autre procès pour que la Cour suprême puisse se prononcer.
Après avoir consulté la loi et vu notre définition de la situation, nous sommes convaincus que la Cour suprême conclura que l'article 9 est conforme à la Charte et que le marché gris est légal.
· (1305)
L'hon. Joe Fontana: Pouvez-vous me définir marché gris et marché noir? Chacun semble avoir sa définition.
M. Paul Fitzgerald: En fait, ce n'est pas si compliqué que ça. Le marché gris c'est quand le client paie directement ou indirectement la compagnie de satellite qui possède les droits de distribution du canal. C'est cela le marché gris. De l'argent, une entreprise—l'entreprise est contente, le client est content.
L'hon. Joe Fontana: Elle est autorisée à faire des affaires?
M. Paul Fitzgerald: Non, la compagnie de satellite a le droit de distribuer le canal en question.
Par exemple, il y a plusieurs diapos qui parlent de TV Chile. Monsieur Fontana, si vous regardez les diapos 9 à 11, vous verrez qu'il y est question du cas précis de TV Chile, comment elle a obtenu une licence du CRTC du fait que personne ne distribue son signal et comment TV Chile reçoit de l'argent de moi lorsque j'achète quelque chose en passant par DISH Latino. Elle reçoit de l'argent.
Imaginez que vous êtes le propriétaire de TV Chile. Vous avez des clients au Canada et ils paient; vous recevez l'argent. On peut bien avoir un débat philosophique, si vous le voulez, sur la légitimité de la façon de procéder, mais la plupart des entreprises reçoivent l'argent, l'empochent et disent merci. Elle a l'argent; le client est satisfait. Le fait qu'il a fallu emprunter des détours, ce n'est pas une montagne. Ce n'est pas ce qui accapare leurs avocats.
Voilà le marché gris.
Vous avez aussi demandé comment mettre en règle ou légaliser le marché gris au Canada. Eh bien, il y a deux façons. La première...
L'hon. Joe Fontana: Je voulais aussi que vous me définissiez le marché noir parce que tous s'entendent, vous y compris, pour dire que c'est la pire catégorie, n'est-ce pas?
M. Paul Fitzgerald: Essentiellement, le marché noir c'est quand vous ne payez personne. C'est le vol. Ça, c'est le marché noir.
L'hon. Joe Fontana: C'est donc illégal, que vous payiez ou non?
M. Paul Fitzgerald: Pouvez-vous me montrer un reçu de carte de crédit? Pouvez-vous me montrer un reçu quel qu'il soit? Moi, je peux vous montrer un reçu de carte de crédit de DISH Network.
L'hon. Joe Fontana: Vous ne dites quand même pas...
M. Paul Fitzgerald: Sérieusement, si vous voulez un critère juridique simple, c'en est un.
L'hon. Joe Fontana: Je suis certain que vous ne voulez pas que ça semble si simple que cela, mais bon sang, un reçu n'est pas le seul critère de ce qui est légal ou illégal au Canada.
M. Paul Fitzgerald: Si quelqu'un a un reçu de carte de crédit venant d'une compagnie de satellite qui indique un paiement...
L'hon. Joe Fontana: Un instant. Si vous achetez de quelqu'un une voiture que vous savez avoir été volée—vous pouvez montrer un reçu que vous avez payé la voiture mais on peut prouver que vous saviez depuis le début qu'elle avait été volée—vous savez quoi? Vous allez en prison vous aussi.
M. Paul Fitzgerald: Je parle d'un reçu de carte de crédit venant d'une compagnie de satellite, DISH Network. Il y en a deux aux États-Unis. Vous avez un reçu de carte de crédit de DISH Network. Vous pouvez le prouver. C'est une piste financière que vous pouvez remonter jusqu'à ma carte de crédit. Cela donne à penser que la compagnie sait que je suis ici. Elle reçoit mon argent; c'est une confirmation. Je ne parle pas d'un reçu de carte de crédit que mon copain Biff, qui se trouve à... non.
L'hon. Joe Fontana: Donc, pourvu que l'argent aille directement de vous au fournisseur du signal satellite, c'est votre critère d'une transaction légale?
M. Paul Fitzgerald: C'en est un et si le marché répond à ce critère, il est gris.
Mais je voudrais répondre brièvement à votre deuxième question, à propos de la façon d'y parvenir. Je vous invite à vous reporter à la diapo 17, où il est question de la Loi sur la radiocommunication, alinéa 9(1)c)—défense et sécurité nationales. Il s'agit du DORS/2002-16 du 13 décembre 2001.
Ce qui s'est passé ici, et il importe de le comprendre, c'est qu'après l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Bell ExpressVu c. Rex, quelqu'un au SCRS s'est dit qu'il nous faut conserver notre système par satellite et, comme nous sommes une entité gouvernementale, il faut être en règle. Le Service s'est donc adressé au Cabinet et a obtenu le DORS/2002-16 qui, essentiellement, le soustrait à l'application de l'alinéa 9(1)c) de la Loi sur la radiocommunication. Il ne s'applique pas au SCRS tant qu'il agit pour la défense et la sécurité nationales.
Une chose que vous pourriez faire, c'est communiquer avec le SCRS pour lui demander comment il paie le service. Qui est son fournisseur? Enfreint-il la loi? Jamais le SCRS n'enfreindra la loi, après tout. S'il le fait, le comité voudra sûrement le savoir. S'il ne l'enfreint pas, il pourra vous dire comment il s'y est pris. Je vous l'assure, on peut remonter la piste.
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L'hon. Joe Fontana: Et s'il ne peut pas produire de reçu? C'est ce que je suis censé faire, n'est-ce pas?
M. Paul Fitzgerald: Tout juste.
Mais je vous l'assure, le SCRS aura un reçu. Il n'est pas dans le marché noir. S'il paie, il passe sans doute par l'ambassade du Canada à Washington. Je suis certain que c'est ainsi qu'il fait. Mais il se sert d'une adresse aux États-Unis; il y a un intermédiaire. Le Service a une carte et peut prouver qu'il a payé. Il est dans le marché gris. Mais il a obtenu une dérogation à l'alinéa 9(1)c) pour avoir accès à une culture et à un contenu que l'on ne trouve pas au Canada.
Pensez-y. Si le SCRS, avec toutes les antennes paraboliques qu'il a, doit se servir du marché gris, cela montre bien qu'il a cherché et ne peut trouver ces émissions nulle part.
Le président: Merci, c'est fort intéressant.
Roy.
M. Roy Bailey: J'ai une courte question. Avec toutes les chaînes ou les émissions susceptibles de venir, comme vous l'avez dit, Paul, du Chili et d'ailleurs—en arabe, en italien—c'est vraiment illimité. Électroniquement, cela va se faire. La question est la suivante : Le CRTC a une certaine mainmise sur le contenu et la programmation des chaînes par câble qui entrent chez moi. J'ai appris l'autre jour que Global News ne donnait pas de l'information de bien bonne qualité. Je ne sais pas pourquoi. Je n'ai jamais regardé. Le CRTC aura-t-il un droit de regard quelconque sur les émissions de télévision que vous importez du Chili?
M. Paul Fitzgerald: La politique du CRTC—elle est reprise à la diapo 14—est d'accorder une licence à un nombre illimité de services de catégorie 2 qui répondent aux critères d'attribution de licence de base. Cela signifie que pour chaque TV Chile, TV Roumania, TV Bangladesh, il vous faut une licence.
M. Roy Bailey: Ça n'a rien à voir avec la programmation.
M. Paul Fitzgerald: Rien à voir avec la programmation. Puis, avec votre licence, il vous faut convaincre Bell ou Star Choice de vous distribuer. Le plus souvent, ils vont refuser, parce que ça ne leur rapporte pas. C'est ici, disons-nous, qu'il est temps de songer à autoriser les gens à acheter de la programmation sur divers marchés. Et c'est autre chose que je recommande au comité: examinez bien la situation aux États-Unis. Là-bas, ceux qui parlent français regardent Radio-Canada, RDI, TQS, et paient Bell ExpressVu. Ce n'est pas illégal. Ce n'est pas ce qui mobilise le gouvernement américain. Il y a des distributeurs en Floride et au Wisconsin qui vendent ces signaux. Si les États-Unis peuvent trouver le moyen de s'en accommoder dans un pays où DISH Network et DIRECTV jouissent des mêmes pouvoirs, conférés par le gouvernement, que ceux dont jouissent Bell ExpressVu et Star Choice ici, il est donc évident que cela peut se faire.
Si la télévision ethnique est une réalité aux États-Unis, il se peut fort bien qu'au Canada les signaux soient différents. Du coup, par exemple, si aux États-Unis vous voulez regarder la télévision en français, vous vous adressez à Bell ExpressVu. Si vous voulez regarder la télévision philippine, vous vous adressez aussi à Bell ExpressVu. Elle offre un meilleur bouquet. Je pense que c'est la télévision philippine; c'est une des langues pour laquelle la population, pour une raison ou pour une autre, est plus nombreuse au Canada qu'aux États-Unis, si bien que les Américains de ce groupe ethnique s'abonnent à ExpressVu plutôt qu'à une compagnie américaine. Ça n'inquiète personne là-bas. Je ne sais pas pourquoi c'est la mer à boire ici. Ça ne devrait pas.
M. Roy Bailey: Bon argument.
Le président: La dernière intervention ira à Mme Reghai.
Mme Bahija Reghai: Je suis désolée, mais cela fait des criminels d'une grande partie des groupes ethniques. Peu importe ce qui arrivera...
L'hon. Joe Fontana: On n'en a pas encore fini avec le projet de loi.
Mme Bahija Reghai: Non, mais c'est ce qui arriverait. Regardez Internet. Actuellement, n'importe qui peut s'abonner à une programmation en langues étrangères et brancher Internet au poste de télévision et on le reçoit sans...
L'hon. Joe Fontana: Voulez-vous maintenant ajouter les ordinateurs et Internet au projet de loi?
Mme Bahija Reghai: Non, mais il ne s'agit pas de contrôle policier; je suis désolée, mais ceci cible des gens qui n'ont pas d'ordinateur. La majorité des nouveaux immigrants n'ont pas d'ordinateur ni accès à cela. Je pourrais avoir accès à n'importe quelle émission par Internet. Tout ce qu'il me faut, c'est un moyen de payer. Mais l'immigrant récent n'a pas, et c'est...
Le président: Très bien. Chers collègues, mesdames et messieurs. Je crois que c'est clair. Nous voulons faire de notre mieux pour l'ensemble de la population canadienne.
Cela dit, la prochaine séance se tiendra mardi. Il y aura également des témoins, y compris certains de ceux qui étaient ici aujourd'hui.
Je remercie tous les témoins de leur aide aujourd'hui. La séance est levée.