CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 6 avril 2005
¾ | 0840 |
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)) |
Dr Masood Parvez (président, Pakistan Canada Association of Calgary) |
Le président |
M. Borys Sydoruk (directeur, Ukrainian Canadian Civil Liberties Association Calgary Office) |
¾ | 0845 |
Le président |
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, PCC) |
¾ | 0850 |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.) |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Dr Masood Parvez |
¾ | 0855 |
Mme Diane Ablonczy |
M. Borys Sydoruk |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ) |
¿ | 0900 |
Dr Masood Parvez |
M. Roger Clavet |
M. Borys Sydoruk |
¿ | 0905 |
M. Roger Clavet |
M. Borys Sydoruk |
Le président |
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD) |
Dr Masood Parvez |
M. Bill Siksay |
Dr Masood Parvez |
M. Borys Sydoruk |
M. Bill Siksay |
Dr Masood Parvez |
M. Bill Siksay |
¿ | 0910 |
M. Borys Sydoruk |
Le président |
L'hon. David Anderson |
¿ | 0915 |
M. Borys Sydoruk |
Dr Masood Parvez |
¿ | 0920 |
Le président |
Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC) |
Dr Masood Parvez |
M. Borys Sydoruk |
Le président |
M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.) |
¿ | 0925 |
Dr Masood Parvez |
M. Borys Sydoruk |
M. Lui Temelkovski |
M. Borys Sydoruk |
M. Lui Temelkovski |
Le président |
¿ | 0930 |
Dr Masood Parvez |
Le président |
Dr Masood Parvez |
Le président |
Le président |
¿ | 0940 |
M. V. Nallainayagam (à titre personnel) |
Le président |
M. Michael Ilnycky (président, Congrès des ukrainiens-canadiens - Division de Calgary) |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
Le président |
Mme Teresa Woo-Paw (présidente, Conseil ethno-culturel de Calgary) |
¿ | 0955 |
Le président |
Lloyd Wong (Conseil ethno-culturel de Calgary) |
À | 1000 |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
M. V. Nallainayagam |
À | 1005 |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
M. Roger Clavet |
M. V. Nallainayagam |
Mme Teresa Woo-Paw |
À | 1010 |
Le président |
M. Bill Siksay |
Lloyd Wong |
M. Bill Siksay |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
M. Michael Ilnycky |
À | 1015 |
Mme Teresa Woo-Paw |
M. Lui Temelkovski |
M. V. Nallainayagam |
M. Lui Temelkovski |
M. V. Nallainayagam |
M. Lui Temelkovski |
M. V. Nallainayagam |
M. Lui Temelkovski |
Mme Teresa Woo-Paw |
M. V. Nallainayagam |
M. Lui Temelkovski |
M. V. Nallainayagam |
M. Lui Temelkovski |
Le président |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
M. Abdul W.M. Souraya (avocat, Conseil musulman de Calgary) |
À | 1030 |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
Rob Bray (Calgary Catholic Immigration Society) |
À | 1035 |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
M. Rob Bray |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
M. Rob Bray |
À | 1040 |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
Mme Diane Pask (présidente sortante, Conseil d'administration, Calgary Immigrant Women's Association) |
À | 1045 |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
M. Bill Siksay |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
Mme Nina Grewal |
M. Rob Bray |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
Mme Diane Pask |
À | 1050 |
M. Abdul W.M. Souraya |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
M. Abdul W.M. Souraya |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
M. Roger Clavet |
M. Abdul W.M. Souraya |
M. Roger Clavet |
M. Abdul W.M. Souraya |
M. Roger Clavet |
M. Abdul W.M. Souraya |
M. Roger Clavet |
À | 1055 |
M. Rob Bray |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
M. Bill Siksay |
M. Rob Bray |
Á | 1100 |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
Mme Diane Pask |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
M. Bill Siksay |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
M. Bill Siksay |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
M. Bill Siksay |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
L'hon. David Anderson |
M. Rob Bray |
Á | 1105 |
Mme Diane Pask |
Mme Loretta Melnychuk (vice-présidente, Calgary Immigrant Women's Association) |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
M. Lui Temelkovski |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
M. Rob Bray |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
Mme Diane Pask |
Á | 1110 |
M. Lui Temelkovski |
Mme Diane Pask |
M. Lui Temelkovski |
Mme Diane Pask |
M. Rob Bray |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
L'hon. Andrew Telegdi |
M. Rob Bray |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
M. Abdul W.M. Souraya |
L'hon. Andrew Telegdi |
Á | 1115 |
M. Abdul W.M. Souraya |
L'hon. Andrew Telegdi |
M. Rob Bray |
L'hon. Andrew Telegdi |
M. Rob Bray |
L'hon. Andrew Telegdi |
M. Rob Bray |
L'hon. Andrew Telegdi |
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy) |
Le président |
Geetha Ramesh (à titre personnel) |
Á | 1125 |
Le président |
M. Haiyang Yu (à titre personnel) |
Á | 1130 |
Le président |
Á | 1135 |
M. Gordon Maynard (Citizenship and Immigration Law Section, Canadian Bar Association; Maynard & Stojicevic, Association du Barreau canadien) |
Le président |
M. Michael Greene (président (Section Alberta), Section du droit de la citoynneté et de l'immigration, Sherritt Greenne, Canadian Bar Association, Association du Barreau canadien) |
Á | 1140 |
M. Gordon Maynard |
Á | 1145 |
Le président |
Mme Teresa Woo-Paw |
Á | 1150 |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
M. Michael Greene |
Mme Diane Ablonczy |
M. Gordon Maynard |
Á | 1155 |
Le président |
Mme Teresa Woo-Paw |
Le président |
M. Roger Clavet |
M. Haiyang Yu |
M. Roger Clavet |
M. Haiyang Yu |
M. Michael Greene |
 | 1200 |
Le président |
Geetha Ramesh |
Le président |
M. Bill Siksay |
Mohammed Irfan Abbasi (Conseil ethno-culturel de Calgary) |
Mme Ayaan Ismail (Conseil ethno-culturel de Calgary) |
Le président |
L'hon. David Anderson |
 | 1205 |
Mme Ayaan Ismail |
L'hon. David Anderson |
Mme Ayaan Ismail |
L'hon. David Anderson |
M. Michael Greene |
 | 1210 |
Le président |
Mme Nina Grewal |
M. Gordon Maynard |
Mme Teresa Woo-Paw |
Le président |
 | 1215 |
M. Gordon Maynard |
Le président |
M. Michael Greene |
Le président |
M. Haiyang Yu |
Le président |
 | 1220 |
M. Gordon Maynard |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 6 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¾ (0840)
[Traduction]
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): Bonjour.
Nous allons commencer.
C'est formidable d'être à Calgary, la ville que représente la députée Diane Ablonczy. Je souhaite la bienvenue aux délégations. Comme vous le savez, nous discutons de la citoyenneté, de la réunification des familles ainsi que de la reconnaissance de l'expérience et des compétences acquises à l'étranger par les immigrants, et nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui.
Nous allons laisser à chacun d'entre vous cinq minutes pour faire une déclaration, après quoi nous vous poserons des questions. Je vous demanderais de vous en tenir à cinq minutes ou moins pour que tout le monde puisse s'exprimer.
Monsieur Parvez, voulez-vous commencer?
Dr Masood Parvez (président, Pakistan Canada Association of Calgary): Bonjours, mesdames et messieurs.
Je dois vous dire en toute franchise que c'est une première pour moi. J'enseigne à l'université et je n'ai jamais assisté à des réunions de ce genre. C'est la première fois que j'ai l'occasion de me présenter et de présenter ma communauté.
Je représente la Pakistan Canada Association. J'en suis actuellement le président et c'est un poste que j'ai accepté comme une sorte de défi. Je vais vous faire part des questions dont les membres de la communauté pakistanaise, que j'ai réunis, m'ont demandé de vous parler. Je vais vous résumer les propos qu' ils ont eu au cours de notre discussion.
Il faudrait définir les droits et les responsabilités à l'égard de la citoyenneté, et les nouveaux arrivants ou les nouveaux citoyens devraient en être informés. La plupart des gens ne savent même pas quels sont leurs droits quand ils deviennent citoyens.
J'ai moi-même lu la Loi sur la citoyenneté pour la première fois la semaine dernière.
Devrait-on limiter la façon dont la citoyenneté peut être obtenue de naissance? Oui. La citoyenneté canadienne devrait être automatiquement accordée aux enfants nés de parents vivant au Canada avec le statut d'immigrant reçu ou un visa de travail, et il ne devrait y avoir aucune discussion là-dessus.
À partir de quels critères devrait-on accorder la citoyenneté aux nouveaux arrivants? Il y a plusieurs catégories de gens. Pour les nouveaux arrivants ou les immigrants reçus, il faudrait exiger trois années de résidence, comme c'est le cas actuellement, avant qu'ils puissent faire une demande de citoyenneté. Pour les détenteurs d'un permis de travail, on pourrait exiger un certain nombre d'années avant qu'ils puissent obtenir le statut d'immigrant reçu, un certain nombre d'années pouvant aller de un à trois ans, selon les circonstances.
Quant aux demandeurs d'asile, ceux ayant habité au Canada pendant au moins trois ans devraient obtenir le statut de résident permanent, en vue d'acquérir plus tard leur citoyenneté.
Aucun nouvel arrivant qui a l'intention de devenir citoyen canadien ne doit avoir été reconnu coupable d'un acte criminel ni avoir participé à des activités subversives durant son séjour au Canada. Nous devrions nous préoccuper de ces activités au Canada. Il faut avoir des preuves là-dessus et la citoyenneté ne devrait pas être refusée à une personne sur la base de simples soupçons.
Les raisons pertinentes pour révoquer la citoyenneté et le processus à ce sujet : il faudrait mettre en oeuvre un processus minutieux et équitable pour tous pour révoquer la citoyenneté, non pas de ceux qui sont nés... ou qui ont obtenu la citoyenneté. Il ne devrait pas y avoir deux façons de traiter les citoyens. Les immigrants reçus et ceux qui ont acquis la citoyenneté ne devraient pas être traités comme des citoyens de deuxième ordre. Ils devraient avoir les mêmes droits que ceux qui sont nés ici au Canada.
Les activités criminelles devraient être jugées et punies selon les lois en vigueur au Canada. Celui qui commet un crime ici devrait être puni en conséquence. La participation à des activités subversives ou l'obtention de la citoyenneté à la suite de fausses déclarations devraient être des raisons valables pour révoquer la citoyenneté.
Pour ce qui est du serment de citoyenneté, il n'y a pas de problème à ce sujet au sein de la communauté. Nous sommes satisfaits de ce que la loi prévoit et de ce que le Parlement décide.
Enfin, pour ce qui est de la stratégie dont le Canada a besoin pour s'assurer que sa citoyenneté est reconnue et célébrée, nous considérons qu'elle est très bien comme elle est actuellement. Nous prêtons serment et nous respectons les lois du pays.
Merci de m'avoir donné l'occasion d'exprimer le point de vue de notre organisme sur cette question.
Le président: Merci beaucoup. C'est très bien, monsieur le professeur, vous avez respecté le temps imparti, ce qui n'arrive pas trop souvent.
Monsieur Sydoruk.
M. Borys Sydoruk (directeur, Ukrainian Canadian Civil Liberties Association Calgary Office): Bonjour.
Je n'ai pas, moi non plus, l'habitude de faire des déclarations de cette nature. Je suis pharmacien de formation et je vous prierais donc de m'excuser... Je vais faire comme si vous étiez des clients à qui je fournis des explications sur leurs médicaments.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis heureux de comparaître devant vous au nom de l'Ukrainian Canadian Civil Liberties Association. Notre association existe depuis 1984; elle portait alors le nom de Civil Liberties Committee.
À cette époque, nous avons participé activement aux travaux de la Commission d'enquête sur les criminels de guerre au Canada, dirigée par le juge Jules Deschênes. L'association a pour mandat de défendre les droits de la personne. Dans cette optique, nous nous intéressons de très près à la Loi sur la citoyenneté parce que nous estimons qu'elle transgresse un principe fondamental, l'égalité de tous, qui est inscrit, je crois, dans la Charte des droits canadienne.
En 1987, le Canada a adopté une loi qui conférait aux tribunaux canadiens la compétence à l'égard des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité passés, présents et futurs commis n'importe où dans le monde.
Par la suite, dans l'affaire Imre Finta, le jury a conclu que la poursuite n'avait pas assez de preuves à l'appui de sa cause et la Cour suprême du Canada a confirmé ce verdict en appel, ce qui a amené le gouvernement fédéral à abandonner les procès au criminel. Le gouvernement a estimé que, dans les causes portées à son attention, il serait trop difficile d'obtenir une preuve ayant la qualité requise pour une condamnation au criminel.
Le gouvernement fédéral a alors entrepris des procédures de dénaturalisation et d'expulsion sans procès criminel pour des personnes originaires d'Europe centrale et d'Europe de l'Est accusées de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre. Ce processus s'applique aux personnes accusées d'avoir collaboré avec l'Allemagne nazie. Il ne s'applique pas, à ce jour, aux personnes qui ont commis des crimes au nom de la Russie soviétique ou d'autres régimes communistes.
J'aimerais ouvrir une parenthèse pour mentionner que le cinquième rapport annuel de l'actuel programme canadien sur les crimes de guerre dit ceci :
En 1985, le gouvernement a créé la Commission Deschênes, commission d'enquête sur les crimes de guerre, qui a dressé trois listes de suspects comptant 883 noms. La principale recommandation du juge Deschênes était que la GRC et le ministre de la Justice obtiennent le mandat de faire enquête sur ces suspects. |
C'est ce que prévoit le programme. Or, cette information est inexacte, car la Commission Deschênes a recommandé que 662 des 883 dossiers soient fermés immédiatement. Elle perpétue aussi le grossissement initial de 400 p. 100 du nombre de présumés criminels de guerre vivant au Canada, qui a valu la création de la Commission Deschênes. Il s'agit d'une erreur sérieuse pour un rapport gouvernemental.
Les citoyens canadiens de naissance sont tenus pour innocents jusqu'à preuve du contraire dans les cours criminelles du Canada. Les citoyens par choix, les immigrants, n'ont pas la protection accordée aux citoyens canadiens de naissance en ce qui concerne la preuve; ils sont condamnés à la suite d'allégations dont la véracité n'a pas été prouvée en cour criminelle. Ce processus crée deux catégories de citoyens : de naissance et par choix.
Les mesures de dénaturalisation et d'expulsion de la Loi sur la citoyenneté soulève deux questions fondamentales : tous les Canadiens sont-ils égaux, ou les Canadiens nés à l'étranger ont-ils moins de droits que ceux qui sont nés au Canada? Ensuite, les citoyens canadiens par choix originaires d'Europe centrale et d'Europe de l'Est ont-ils moins de droits que les autres Canadiens nés à l'étranger?
L'Ukrainian Canadian Civil Liberties Association estime que tous les citoyens canadiens, qu'ils le soient par choix ou de naissance, ont les mêmes droits et obligations. La citoyenneté canadienne devrait être irrévocable. Toutes les personnes résidant au Canada devraient être soumises aux mêmes lois, appliquées dans le respect de l'égalité et sans égard aux origines raciales, ethniques ou religieuses, ou à l'ascendance. À cette fin, nous exhortons le gouvernement du Canada à modifier l'actuelle Loi sur la citoyenneté et nous demandons instamment au ministre de la Citoyenneté, l'honorable Joseph Volpe, de déposer à la Chambre des communes un projet de loi qui consacre l'égalité dont je viens de parler.
Merci.
¾ (0845)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sydoruk.
Je me permets de faire remarquer que nous avons constaté au cours de nos audiences, autant à Ottawa qu'ailleurs, qu'il y a vraiment une pénurie de pharmaciens au Canada.
Quoi qu'il en soit, nous allons commencer ce matin par Mme Ablonczy. Comme je l'ai dit, elle représente la ville de Calgary à la Chambre des communes.
Madame Ablonczy.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, PCC): Oui. Certains de mes patrons sont ici. Je dois bien me comporter. J'aimerais vous remercier de vos interventions d'aujourd'hui, et ma première question s'adresse à M. Parvez.
La Pakistan Canada Association que vous représentez compte un certain nombre de gens d'affaires et de professionnels, et l'un des sujets d'intérêt du comité—et l'une des causes que je défends—est la reconnaissance de l'expérience et des compétences acquises à l'étranger par les immigrants.
Je me demande si vous êtes en mesure d'indiquer au comité si vous et les membres de votre association avez eu des difficultés à faire reconnaître vos titres et qualités.
¾ (0850)
Le président: Ce sont les questions touchant la citoyenneté qui sont à l'étude.
Mme Diane Ablonczy: Est-ce tout ce dont je peux parler?
Le président: À peu près, oui, parce que nous allons entendre d'autres groupes de témoins pour discuter d'autres sujets.
Mme Diane Ablonczy: Vous voulez dire que je ne peux pas discuter de mon sujet favori?
Le président: Vous allez pouvoir le faire plus tard avec un autre groupe de témoins.
Mme Diane Ablonczy: Si vous ne jugez pas mes questions irrecevables, j'aimerais poursuivre sur ce sujet.
Le président: Le seul problème, c'est que nous avons séparé les groupes, si vous voyez, comme nous...
Mme Diane Ablonczy: M. Parvez ne sera pas ici.
L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.): Monsieur le président, puis-je proposer que tous les membres du comité posent les questions qu'ils veulent. Évidemment, il est aussi possible de ne pas en poser, de sorte que Diane peut décider de passer son tour avec un autre groupe de témoins si elle a déjà eu l'occasion de demander ce qu'elle voulait. Par conséquent, ce ne serait pas répétitif, parce que nous allons tous pouvoir entendre les réponses.
Je le dis parce que nous ne retenons pas tous les mêmes messages de ce que disent les témoins et nous avons des intérêts différents; je ne voudrais pas qu'on soit trop restrictif au cas où il arriverait plus tard, pour une raison quelconque, peut-être un manque de temps, que Diane, ou moi, n'ait pas la possibilité de poser une question.
Il me semble qu'on devrait nous laisser assez de latitude maintenant.
Le président: Il reste que les témoins ont indiqué les sujets dont ils voulaient parler.
J'imagine que vous n'avez pas le programme de cet après-midi, mais...
Mme Diane Ablonczy: Je l'ai ici.
Le président: C'est alors que nous allons discuter de la reconnaissance des titres et qualités acquis à l'étranger. Je crois que ce matin nous devrions traiter des sujets dont les témoins s'attendent à discuter, parce qu'ils auraient pu choisir d'examiner chacun des sujets s'ils avaient voulu.
Mme Diane Ablonczy: Évidemment, je m'en remets toujours à la présidence. Cependant, je souligne que M. Parvez aurait des connaissances très particulières à nous communiquer sur la reconnaissance des titres et qualités. Je peux toujours lui parler un autre moment, mais ce n'est pas le cas du reste du comité.
Cependant, si vous y tenez, je peux assurément poser une question sur la citoyenneté.
Le président: Ce serait bien.
Au fait, les témoins peuvent nous envoyer des informations sur les autres sujets que nous examinons durant notre tournée du pays. Autrement, nous n'allons pas discuter de la citoyenneté ailleurs.
Mme Diane Ablonczy: D'accord. Je vais poursuivre.
Monsieur Parvez, je vais retirer la brillante question que je viens de vous poser pour vous en soumettre une autre. Divers problèmes ont été signalés aux députés concernant les délais pour obtenir la citoyenneté. Certains retards sont vraiment inquiétants.
Je me demande si vous et ceux que vous connaissez, les membres de votre association, ont des inquiétudes, quelles qu'elles soient, à propos du processus d'obtention de la citoyenneté.
Dr Masood Parvez: Oui, on s'inquiète beaucoup du temps que des gens attendent pour obtenir la citoyenneté, surtout les demandeurs d'asile. Pour ce qui est des immigrants reçus, ils peuvent demander la citoyenneté après trois années de résidence, et tout se passe bien. Mais je sais que, pour d'autres qui ont demandé le statut de résident permanent, d'être autorisés à vivre ici légalement avant d'obtenir leur citoyenneté, le processus a duré neuf ou dix ans. Des gens ont passé une bonne partie de leur vie à attendre que leurs causes soient entendues.
Je pense qu'il faudrait beaucoup accélérer les choses. Soit qu'on leur rende leur séjour au Canada honorable, soit qu'on décide de leur sort. Il y a un homme qui est décédé l'an dernier après avoir vécu au Canada pendant dix ans. Il attendait le statut de résident permanent, et il était ici comme réfugié. Sa famille a demandé que son corps soit renvoyé au Pakistan, et c'est ce que nous avons fait. Il a passé 10 ans ici. Il est arrivé à l'âge de 52 ans et il est mort à 62 ans. Sa femme et ses enfants ne l'ont pas vu pendant 10 ans, et ils tenaient vraiment à rapatrier son corps... pour lui rendre un dernier hommage.
Il y a beaucoup d'exemples du genre.
Je pense qu'il faudrait écourter le délai le plus possible. S'il y avait des preuves contre quelqu'un, il faudrait les examiner très rapidement et les rejeter ou les accepter dans le délai le plus court possible, au lieu de laisser les gens perdre des années de leur vie.
Merci.
¾ (0855)
Mme Diane Ablonczy: C'est instructif pour le comité.
À propos de toute cette question des crimes de guerre, j'ai toujours été surprise de la vigueur avec laquelle le gouvernement traite des cas comme ceux de M. Odynsky et de M. Oberlander, qui n'ont pas été considérés comme des criminels de guerre par les tribunaux, surtout quand le gouvernement reconnaît que le nombre de criminels de guerre au Canada a augmenté de 75 l'an dernier à 125 cette année. On ne semble pas les poursuivre très énergiquement. Évidemment, retirer l'identité, la citoyenneté, derrière des portes closes est tout à fait répugnant dans un régime démocratique.
Ma question est la suivante. Nous savons tous ce qui se passe; nous connaissons tous les problèmes. À votre avis, y a-t-il des raisons, depuis le 11 septembre, qui justifient ces traitements sommaires, pas de cas comme ceux de M. Oberlander ou de M. Odynsky qui remontent plus loin, mais de gens qui peuvent être reconnus, après le fait, criminels de guerre de plus récente date? Trouvez-vous qu'il est justifié de révoquer aussi sommairement la citoyenneté de gens derrière des portes closes?
M. Borys Sydoruk: Nous soutenons qu'il faut respecter la Charte. Si, dans l'exemple que vous donnez, il s'agit de citoyens canadiens, la Charte doit s'appliquer. Ils doivent être jugés au Canada conformément au droit criminel canadien. C'est très important. Comme vous le savez, les règles de la preuve sont beaucoup plus strictes que dans les procès au civil qui, par exemple, acceptent les informations par ouï-dire.
Si celui qu'on accuse d'un crime de guerre est aujourd'hui un citoyen canadien, il doit pouvoir se prévaloir des droits accordés aux citoyens canadiens par la Charte—et c'est très important pour qu'il ne devienne pas un citoyen de second ordre—et être jugé au Canada. On ne se débarrasse pas de déchets... Ces gens ne sont pas des déchets, mais des citoyens canadiens. S'ils sont coupables, s'ils sont accusés et qu'il y a des preuves contre eux, traitons-les comme tous les autres citoyens canadiens nés au Canada. Les Canadiens par choix doivent avoir ce droit, comme les Canadiens nés ici.
Mme Diane Ablonczy: Merci.
Merci, monsieur le président—je pense.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Merci, monsieur le président.
J'ai d'abord une question pour M. Parvez. Je veux le féliciter également pour le travail qu'il fait auprès de la communauté pakistanaise à Calgary.
Vous mentionniez que les activités criminelles des immigrants devraient être traitées en vertu du Code criminel. Dans l'état actuel de la situation, pensez-vous que c'est possible de limiter le traitement de leurs activités criminelles en vertu du Code criminel? En d'autres mots, croyez-vous qu'il est possible que la Loi sur la citoyenneté ne s'applique qu'une fois que les accusations contre certains groupes ont été démontrées? Pourrait-il y avoir certaines exceptions? Par exemple, on parlait tout à l'heure de crimes de guerre. Pensez-vous qu'on devrait ne pas se limiter seulement au Code criminel?
¿ (0900)
[Traduction]
Dr Masood Parvez: Pour notre communauté, la personne qui vit au Canada est assujettie aux lois canadiennes et, si un crime est commis à l'extérieur du pays, ce crime doit être jugé par le pays où il a été perpétré. C'est le point de vue de notre association, des membres de notre communauté. En vivant au Canada, ils doivent être traités comme tous les autres Canadiens. Les lois canadiennes doivent s'appliquer, et la personne qui commet un crime doit être punie—selon ce qui est décidé par les tribunaux canadiens.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci.
J'aurais maintenant une autre question, si vous le permettez, cette fois pour M. Sydoruk.
Dans votre présentation, vous dites que la Ukrainian Canadian Civil Liberties Association estime que la citoyenneté canadienne devrait être irrévocable. Est-ce qu'il y a des exceptions?
[Traduction]
M. Borys Sydoruk: Cela devient une question de jugement de valeur à ce moment-là. Je vais vous donner l'exemple de la situation des crimes de guerre au Canada depuis 15 ou 20 ans.
Quand le juge Jules Deschênes a déclaré qu'il fallait juger ceux qui sont citoyens canadiens en vertu du droit criminel canadien, la première cause entendue a été celle de M. Finta, et on n'a pas réussi à réunir des preuves suffisantes. On a alors voulu poursuivre les gens comme lui—et c'est ainsi que je l'interprète—en changeant les règles, en ne les traitant pas comme des Canadiens, ce qui en fait alors des citoyens de second ordre.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous avons maintenant des procédures de dénaturalisation et d'expulsion sans procès criminel. Les procédures sont intentées au civil, et les règles de la preuve sont alors bien différentes; elles sont beaucoup moins sévères qu'au criminel.
C'est très grave. Si on accuse quelqu'un d'un crime contre l'humanité ou d'un crime de guerre, il faut le juger de la façon appropriée.
Je demanderais aux Canadiens si accepter la dénaturalisation et l'expulsion de gens qui sont seulement accusés, sans preuve... comme Mme Ablonczy l'a dit, il y a au moins l'exemple de MM. Oberlander et Odynsky, qui n'ont pas été reconnus être des nazis, et on leur a retiré la citoyenneté sous prétexte qu'ils avaient peut-être menti à leur arrivée au Canada.
Si la citoyenneté est traitée ni plus ni moins comme un produit, alors, oui, on peut agir ainsi, mais je pense qu'elle a un caractère sacré. Et quand dépouille-t-on les gens de leur citoyenneté? Je ne le sais pas vraiment. J'ai profondément le sentiment que cela ne se fait pas. Si M. X ou Mme Y a commis un crime de guerre, arrêtons-les comme il se doit, au Canada, en vertu du droit criminel canadien et assurons-nous qu'ils sont vraiment coupables.
Je pense à la révolution orange de l'hiver dernier en Ukraine, que vous connaissez. J'ai de la famille en Ukraine, et la loi est devenue une affaire politique et non judiciaire. Si quelqu'un voulait être reconnu coupable, il pouvait l'être. Retourneriez-vous quelqu'un, disons, en Ukraine, dans le contexte post-soviétique d'avant le 26 décembre en lui enlevant sa citoyenneté canadienne alors que, pour des raisons politiques, il va être injustement poursuivi?
À mon avis, après un certain temps, quand vous avez fait une demande, il ne devrait pas y avoir deux types de citoyenneté. La Charte doit s'appliquer et la citoyenneté ne pas être retirée. Si vous êtes coupable, vous êtes coupable devant les tribunaux canadiens et en vertu du droit criminel pour un crime de cette nature.
Merci.
¿ (0905)
[Français]
M. Roger Clavet: Merci.
M. Borys Sydoruk: De rien.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux de vos exposés de ce matin.
J'ai deux questions à poser. Je voudrais d'abord faire un commentaire. La question des citoyens canadiens et de ceux qui le deviennent nous a souvent donné du fil à retordre et nous sommes aux prises avec toute la question des gens qui ont perdu leur citoyenneté canadienne en raison d'une anomalie dans la loi que nous espérons faire corriger. Nous nous demandons si nous devons imposer les conditions habituelles à ces Canadiens qui ont perdu leur citoyenneté malgré eux, si jamais ils voulaient revenir au Canada, ou si nous les acceptons comme des Canadiens en reconnaissant l'erreur commise? Les gens craignaient des problèmes de sécurité. Qu'arriverait-il s'ils étaient criminels? Pour certains d'entre nous, ces criminels resteraient des Canadiens.
Je pense que ce que vous avez dit ce matin va dans le même sens, c'est-à-dire que, s'il est démontré qu'une personne qui est devenue citoyenne canadienne est un criminel, c'est à la société canadienne d'en assumer la responsabilité. Cela ne va pas sans difficulté, mais je pense que la situation se résume à cela.
Monsieur Parvez, vous avez dit que les gens devraient être poursuivis s'il est prouvé qu'ils ont participé à des activités subversives au Canada. Parlez-vous uniquement des activités menées au Canada, ou devraient-ils être poursuivis pour des activités ayant eu lieu à l'extérieur du pays?
Dr Masood Parvez: Si quelqu'un qui vit au Canada a des intentions malveillantes à l'égard des autorités canadiennes, il faut alors prendre les mesures qui s'imposent, pas seulement l'expulser du pays et le dépouiller de sa citoyenneté canadienne. Même insulter notre pays n'est pas acceptable. Nous avons des lois criminelles pour punir ces infractions.
Nous devons prévoir une peine correspondant au crime. C'est ce que je voulais dire.
M. Bill Siksay: Je ne suis pas certain de connaître la réponse et je vais donc vous demander à tous les deux si la double citoyenneté est possible au Pakistan et en Ukraine. Est-ce que cela a une influence sur la façon de voir sa citoyenneté canadienne, d'après vous? Cela crée-t-il des conflits d'allégeance? Ce n'était pas possible avant et ce l'est maintenant. Que pensent les gens de votre communauté de cette possibilité?
Dr Masood Parvez: Il n'y a aucun conflit d'allégeance pour les Pakistanais qui viennent vivre au Canada. J'ai passé plus de la moitié de ma vie en Occident. Je suis au Canada depuis 1977, et je suis fier d'être citoyen canadien. C'est ma patrie et je sacrifierais ma vie pour ce pays.
Le Pakistan est le pays où je suis né et j'ai grandi, et j'y suis aussi attaché. J'ai du respect pour le Pakistan mais, quand il s'agit de faire un choix, évidemment c'est le pays où se trouvent ma famille et mes enfants et où les enfants de mes enfants seront élevés que j'ai à coeur, et ce pays est le Canada.
M. Borys Sydoruk: Je pense que l'Ukraine ne permet pas la double citoyenneté.
M. Bill Siksay: Comme le monde rétrécit et qu'il est de plus en plus facile de voyager, je me demande si vous constatez un changement d'attitude de la part des gens à l'égard de la citoyenneté ou de la double citoyenneté dans un pays en particulier.
Quand Hong Kong a eu des difficultés, nous avons entendu dire qu'à Vancouver les gens avaient un plan de secours, un plan B. Certains, mais pas moi, se sont demandé quel était leur engagement à l'égard du Canada dans ces circonstances. On aurait dit qu'ils cherchaient à se couvrir.
Est-ce que ce genre de situation existe, par exemple, au sein de la communauté pakistanaise au Canada?
Dr Masood Parvez: Au sein de notre communauté, la plupart des gens sont venus au Canada pour des raisons économiques, dans un pays où la vie et les gens sont respectés. Ils sont respectueux des lois... dans ces circonstances, ce qui compte pour eux, c'est vivre au Canada. À un certain stade de leur vie, s'ils ont du mal à trouver du travail ou à s'adapter, ils vont retourner au Pakistan, mais cela se produit dans un nombre très restreint de cas.
M. Bill Siksay: Monsieur Sydoruk, vous avez dit que la citoyenneté devrait être irrévocable. Je pense être d'accord avec vous là-dessus. Il y a une disposition qui prévoit la révocation de la citoyenneté si elle a été obtenue par des moyens frauduleux. Êtes-vous d'accord avec cela? Accepteriez-vous que cette possibilité soit limitée dans le temps? Qu'en dites-vous?
¿ (0910)
M. Borys Sydoruk: Je vais vous donner mon opinion personnelle parce que je n'ai pas de formation juridique et je ne peux pas dire avoir étudié la question.
Je me demande quelle serait la limite de temps pour révoquer la citoyenneté s'il était prouvé qu'elle avait été obtenue de façon frauduleuse. Dans le cas de ceux qui sont arrivés après la Deuxième Guerre mondiale, il y a des responsables de l'immigration qui se rappellent ce qu'ils ont fait il y a 60 ans. C'est une question de mémoire. Je ne peux pas vous répondre; je ne le sais vraiment pas.
Je suis né à Calgary et je me rappelle de l'époque où l'hôtel Palliser et l'édifice de la Baie d'Hudson étaient les immeubles les plus hauts de la ville.
Disons qu'à mon arrivée au Canada j'avais menti de façon intentionnelle. J'aurais dit, pour donner un exemple stupide, que je n'étais pas pharmacien parce qu'on n'aimait pas les pharmaciens. Jusqu'à quand la citoyenneté peut-elle m'être enlevée, 10, 20, 50 ans plus tard ou près de mon décès, à 85 ans peut-être? Je ne peux pas vous le dire, vraiment pas. Si être pharmacien était un crime et que j'étais Canadien, je crois que la Charte devrait me protéger; je devrais être accusé d'être pharmacien, être traité comme tel et être emprisonné pour cette raison au Canada, pas envoyé ailleurs.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Anderson, c'est à vous.
L'hon. David Anderson: Merci, monsieur le président.
Je me demande jusqu'où la logique de vos arguments nous mènerait. Par exemple, si un citoyen canadien reste un citoyen canadien, il me semble qu'on ne peut pas prévoir de délai pour la révocation de la citoyenneté en raison de fausses déclarations. Une fois qu'on est Canadien, on le reste.
Maintenant, je ne sais pas si c'est ce que vous soutenez ou non. Je pense que l'avis de témoins que nous avons entendus est partagé là-dessus. Il me semble que c'est ce qui est logique. Alors que 15 ans plus tard, c'est simplement une question de valider la preuve, comme vous l'avez dit un peu plus tôt, ou de se fier à la mémoire d'un agent des visas, et j'aimerais avoir des précisions là-dessus. Que fait-on? Est-ce une question de principe ou d'utilisation de la preuve?
J'ai une deuxième question qui est connexe. S'il fallait avoir été déclaré coupable d'un crime avant de voir sa citoyenneté révoquée pour avoir fait de fausses déclarations au moment de la demande, faudrait-il insister pour qu'il n'y ait aucune référence, dans le dossier d'un immigrant potentiel, à une possible participation à une organisation quelconque à moins qu'elle ait été prouvée devant un tribunal—autrement dit, il ne faudrait pas en parler du tout? C'était ma deuxième question.
La troisième question est la suivante : on a beaucoup parlé des deux catégories de citoyenneté. Si on regarde ce qui se fait ailleurs dans le monde, la citoyenneté des gens nés en Allemagne, en Grande-Bretagne, en France et aux États-Unis peut être révoquée.
Laissez-moi vous donner un exemple. Si une personne a obtenu la double citoyenneté par ses parents et allait se battre, disons, en Ex-Yougoslavie contre les troupes canadiennes en mission de maintien de la paix, nous pourrions trouver que c'est tout à fait répréhensible et nous aurions alors le droit, je pense, de révoquer la citoyenneté de cette personne qui aurait clairement montré, par ses gestes, qu'elle appuyait le pays d'origine de ses parents et non pas le Canada. Pour les fins de la discussion, seriez-vous d'accord pour dire que c'est une position légitime à prendre pour un État?
Je reviens ainsi à vos propos, monsieur Parvez, quand vous avez dit vous sentir Canadien et estimer, bien sûr, que le Pakistan reste un pays qui vous est cher et qui est important pour vous, mais que vous étiez Canadien. Il peut y avoir des gens originaires du Pakistan qui pensent tout à fait le contraire. Voilà la question que je vous pose. Le problème pourrait aussi se poser pour quelqu'un qui est né au Canada. Ce serait vraiment rare, mais il pourrait arriver que le Parlement canadien—dont nous faisons partie avec nos autres collègues—décide que même des citoyens nés au Canada devraient se faire enlever leur citoyenneté en raison des gestes qu'ils ont posés et qui manifestent un manque de loyauté à l'égard du Canada.
Voilà les trois questions que je vous pose. Vous pouvez essayer d'y répondre du mieux que vous pouvez.
¿ (0915)
M. Borys Sydoruk: Si vous me permettez de répondre d'abord à la dernière partie de la question, je pense que les individus ayant la double citoyenneté dans l'exemple de l'ancienne Yougoslavie devraient être jugés en tant que citoyens canadiens.
Je ne connais pas très bien les lois applicables aux traîtres. Je dirais qu'un citoyen canadien qui combat contre des troupes canadiennes se rend coupable de traîtrise. Je ne suis pas un expert en droit, mais je pense que le droit pénal canadien devrait s'appliquer dans le cas de ces individus et que la décision concernant la citoyenneté pourrait être prise par la suite, peut-être une fois que la sentence aura été purgée. Mais j'estime que l'on devrait juger ces personnes au Canada, plutôt que de chercher à s'en débarrasser. Si un individu a agi de façon déloyale et s'est comporté comme un traître, alors je pense qu'on devrait le traiter de la même façon qu'un Canadien coupable de traîtrise. Le retrait du passeport n'est pas une sanction suffisante. Je le répète, c'est le droit pénal canadien qui devrait s'appliquer.
Pour en revenir au système à deux niveaux, si un Canadien par choix, un immigrant, peut facilement, parce que les règles de la preuve sont fondées sur la prépondérance des probabilités, être dénaturalisé et expulsé en fonction de ouïe-dire qui ne tiendraient pas la route devant un tribunal pénal, il s'agit d'une sanction assez lourde à imposer à une personne. Nous avons été témoins de telles situations au cours des dernières années dans les affaires Oberlander et Odynsky où la poursuite a suivi son cours même une fois qu'il a été reconnu qu'il ne s'agissait pas de criminels de guerre nazis. Cela devient donc des dossiers très politiques, plutôt que des dossiers judiciaires. Il s'agit de deux cas très nets de Canadiens traités comme des citoyens de seconde zone. Si je ne m'abuse, une telle chose ne pourrait pas arriver à un citoyen né au Canada.
Dr Masood Parvez: Concernant votre troisième point, je vais répondre de la même façon que mon collègue. Une fois qu'il s'est vu accorder la citoyenneté canadienne, un individu qui se rend coupable d'un crime en enfreignant les lois du pays devrait avoir à répondre de ses actes et à être traité en conséquence.
Pour ce qui est des citoyens qui ne sont pas nés ici... Je pourrais vous citer mon propre exemple. Mes enfants ne connaissent pas beaucoup le Pakistan et si leurs enfants à eux naissent ici, ils auront encore moins de liens avec les Pakistanais. Si on en vient à leur retirer la citoyenneté canadienne—en présumant qu'ils ont la double nationalité à cause de moi et de mes enfants—où les enverra-t-on? Seront-ils expulsés vers le Pakistan? Ils ne pourraient pas survivre au Pakistan. Il leur serait impossible de faire quoi que ce soit. Ils sont Canadiens au même titre que tout autre citoyen du pays.
La double nationalité ne devrait pas être une raison pour laisser un autre pays s'occuper d'une personne. Ce n'est pas équitable. Si un individu commet un crime au Canada, il devrait être traité en conséquence, conformément aux lois canadiennes.
Il ne devrait pas y avoir de système à deux niveaux en raison de la double nationalité ou du fait qu'une personne n'est pas née au Canada. Ces considérations devraient être prises en compte au moment où la personne est autorisée à entrer au Canada. C'est alors qu'il faut épuiser toutes les possibilités. On doit consulter toutes les ressources disponibles pour vérifier si la personne n'a pas de casier judiciaire et n'a pas participé auparavant à des activités criminelles. Aucune source d'information ne doit être négligée. Une fois qu'une personne est admise au Canada et qu'on lui accorde la citoyenneté, il convient de respecter ce privilège et cet honneur qui lui ont été conférés.
¿ (0920)
Le président: Merci beaucoup.
Cela me rappelle le cas de Bobby Fischer. Cet ancien champion du monde d'échecs est allé jouer dans l'ancienne Yougoslavie alors qu'il était interdit pour tous les citoyens des États-Unis de s'y trouver. L'an dernier, il a été arrêté au Japon en exécution d'un mandat émis contre lui et les États-Unis essaient d'obtenir son extradition afin qu'il réponde à des accusations au pays. Pendant qu'il était en prison, M. Fischer a pu obtenir, au moyen d'une loi spéciale du Parlement d'Islande, sa citoyenneté islandaise étant donné, je suppose, qu'il y avait disputé un championnat du monde. Il est donc maintenant citoyen de l'Islande. C'est ainsi que la situation a été réglée. Les États-Unis essayaient de le faire entrer au pays pour qu'il réponde à des accusations criminelles, mais comme il a obtenu la citoyenneté islandaise, c'est là que les Japonais l'ont envoyé.
Madame Grewal.
Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, pour le temps que vous nous consacrez et les exposés que vous nous avez présentés.
Pourriez-vous tous les deux nous résumer les lacunes que vous percevez dans la Loi sur la citoyenneté en vigueur de telle sorte que nous puissions la rendre plus efficace et plus efficiente pour nous tous?
Monsieur Sydoruk, vous avez posé la question suivante dans votre présentation : « Tous les Canadiens sont-ils égaux, ou les Canadiens nés à l'étranger ont-ils moins de droits que ceux qui sont nés au Canada? » Pourriez-vous nous fournir quelques explications ou quelques justifications à ce sujet?
Dr Masood Parvez: Je vous prie de m'excuser de ne pouvoir répondre à votre première question parce que je dois vous dire, en toute honnêteté, que j'ai lu la Loi sur la citoyenneté pour la première fois la semaine dernière. La façon dont les choses se sont déroulées... avant le 11 septembre, la situation n'était pas la même. Maintenant, les choses ont changé et nous avons eu vent de nombreuses préoccupations au sein de la communauté pakistanaise quant à la façon dont certaines personnes sont traitées. Plusieurs Canadiens d'origine pakistanaise ont été détenus au Canada sans que des accusations ne soient portées contre eux. Ils ne sont pas traités correctement et c'est une situation qui préoccupe la communauté.
Comme je l'ai déjà dit, je pense que les criminels devraient être traités en fonction des actes qu'ils ont commis. Rien ne devrait être exclu du domaine public. Personne ne devrait être arrêté dans la rue sans que ses proches ne soient mis au courant de ce qui se passe exactement. On ne devrait pas expulser des gens vers d'autres pays sans que des mesures raisonnables ne soient prises ici même au Canada. Il existe des lois canadiennes. Pourquoi ne pas y avoir recours?
C'est mon point de vue sur cette question.
M. Borys Sydoruk: Vous avez demandé des exemples. Je vais répéter ceux de M. Oberlander et M. Okynsky. Ces messieurs n'ont pas eu droit à un procès en vertu du droit pénal canadien parce que le gouvernement du Canada a décidé qu'il serait trop difficile de satisfaire aux exigences de la preuve devant un tribunal pénal. Ils ont été jugés par un tribunal de l'immigration sous prétexte qu'ils avaient menti pour être admis au Canada. La question de la mémoire—celles des agents d'immigration qui les ont interrogés—est entrée en jeu. Ces individus ont-ils menti? Ont-ils dit la vérité?
Dans les deux cas, on a déterminé qu'il ne s'agissait pas de criminels de guerre nazis. On a jugé qu'ils n'étaient pas des nazis, mais on les a tout de même traités comme des citoyens de seconde zone. On a révoqué leur citoyenneté, ou du moins on a essayé de le faire, et ils se retrouvent maintenant dans un vide juridique. S'il ne s'agit pas de deux exemples formidables de citoyens de seconde zone... Les personnes qui ne sont pas nées au Canada n'ont pas droit au même traitement que celles qui y sont nées. On ne leur accorde pas les droits prévus par la Charte; ils sont coupables jusqu'à preuve du contraire. Et que dire de ces deux familles... leur vie est détruite. Elles se retrouvent dans un désarroi total, devant défrayer elles-même des centaines de milliers de dollars en frais juridiques, ce qui mettrait en faillite la plupart des familles.
Ce sont là mes deux exemples de citoyens canadiens de seconde zone.
Le président: Merci.
Monsieur Temelkovski.
M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci pour votre présence ce matin.
J'aimerais revenir à l'exigence de trois ans pour la citoyenneté et aux connaissances qu'une personne doit posséder pour obtenir sa citoyenneté. Il faut notamment savoir quel est le plus long fleuve au Canada, quelle est la montagne la plus élevée et quels sont les différents ordres de gouvernement.
J'aimerais savoir si vous croyez tous les deux que les citoyens nés au Canada devraient avoir à répondre à ces mêmes questions, parce que cela serait une bonne chose pour tout le monde. Par ailleurs, que pensez-vous de la question linguistique?
¿ (0925)
Dr Masood Parvez: Il est toujours avantageux de connaître la géographie et l'histoire du pays dans lequel vous vivez. Les enfants qui sont nés au Canada ont une bonne connaissance de ces choses grâce au système scolaire local. Il n'y a pas de mal à ce qu'une personne qui décide de venir vivre ici ait à se renseigner au sujet de notre système ferroviaire, de notre géographie et de notre histoire. Nous devrions nous attendre à ce que les immigrants connaissent le nom du premier ministre du Canada, le genre de géographie que nous avons et des choses semblables que tout le monde devrait savoir. Dans notre monde moderne axé sur la technologie de l'information, nous devrions tous connaître ce genre de détails. Il n'y a absolument aucun doute à ce sujet. C'est une attente qui est raisonnable pour les gens ordinaires qui souhaitent devenir Canadiens.
Pour ce qui est des gens qui sont nés au Canada, c'est notre système scolaire qui leur apprend toutes ces choses.
Quant à la question linguistique, il est effectivement toujours avantageux de connaître une deuxième langue. Si je veux travailler au Canada, j'ai seulement besoin d'un numéro d'assurance sociale. Il suffit de faire une demande d'emploi pour avoir la possibilité d'en décrocher un. Mais si je veux travailler au Québec, je dois connaître le français et pouvoir le parler couramment. Sinon, je dois me limiter aux régions où l'on parle anglais. Si une personne parle uniquement français, elle aura de la difficulté à trouver du travail au Canada anglais. Nous devrions accorder de l'importance aux deux langues, car ce sont nos deux langues officielles. Si une personne connaît une langue et parle couramment l'autre, je pense que cela devrait être également acceptable. Mais le choix est limité quant à l'endroit où une personne peut vivre.
M. Borys Sydoruk: J'ai bien aimé votre question quant à savoir si les citoyens nés au Canada devraient être soumis à un questionnaire sur le pays. On serait porté à croire qu'une personne ayant reçu une certaine instruction au Canada aurait acquis des connaissances de base, mais je m'amuse parfois en constatant que ce n'est pas toujours le cas. Mais je m'écarte de mon propos. Il faut présumer que les personnes nées au Canada en connaissent suffisamment au sujet du pays et je suis prêt à respecter cela. Les citoyens canadiens par choix se doivent de connaître certaines choses au sujet du Canada.
Par ailleurs, nous avons deux langues officielles et il convient de les respecter toutes les deux. Lorsqu'une personne choisit de devenir citoyen canadien, elle devrait tout mettre en oeuvre pour apprendre ces deux langues, ou du moins l'une d'elles. Comme M. Parvez l'a indiqué, l'endroit où elles choisissent de s'établir déterminera leur capacité de fonctionner en société.
M. Lui Temelkovski: Certains Canadiens sont nés à l'extérieur du Canada de parents canadiens. Par exemple, si je déménage en Ukraine et si j'ai des enfants qui naissent là-bas, ils auront la citoyenneté canadienne. Ils fréquenteront l'école en Ukraine. Qu'apprendront-ils exactement au sujet du Canada? Vous voyez, ce n'est pas si simple.
M. Borys Sydoruk: Je dirais presque que nous coupons les cheveux en quatre ici. Il y a des gens qui passent leur vie entière au Canada sans parler une des deux langues officielles. Sont-ils moins Canadiens pour autant? Pour ma part, je dirais que non.
M. Lui Temelkovski: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Parvez, nous allons discuter des titres de compétence cet après-midi et nous avons une place pour vous. Nous serions très heureux de vous compter parmi nous si vous pouviez être des nôtres à 15 h 30. Nous parlerons de la reconnaissance des titres de compétence acquis à l'étranger. Compte tenu de vos origines et de vos antécédents, je suis sûr que vous avez eu vent de ces ingénieurs qui conduisent des taxis.
Je pense que vous pourriez apporter une très bonne contribution à ce débat. Mme Ablonczy et les autres membres du comité seraient très heureux que vous puissiez vous joindre à nous.
¿ (0930)
Dr Masood Parvez: Avec plaisir.
Le président: Je tiens à vous remercier grandement pour vos exposés.
Je vais me permettre une observation. Il est toujours étonnant de constater à quel point l'émotivité entre en jeu lorsqu'une personne provenant d'une région perturbée du monde obtient la citoyenneté canadienne. Cela s'inscrit dans son identité. Étant moi-même entré au Canada à titre de réfugié, j'en suis venu à la constatation qu'on peut sortir le réfugié du camp de réfugiés, mais qu'il est impossible de sortir le réfugié de la personne. C'est le cas pour toutes les personnes qui ont eu à vivre une situation pénible de la sorte.
Bon nombre des millions de citoyens que compte notre pays nous viennent d'endroits particulièrement mal en point. Plusieurs sont devenus réfugiés à l'issue de la Deuxième Guerre mondiale. Plus vous avez vécu de conflits, plus la citoyenneté revêt une grande importance pour vous. Je le sais pertinemment : lors de l'éclatement de l'Inde, certaines personnes ont été expulsées d'une région du pays vers une autre, ou vers le Pakistan, et lorsqu'elles arrivent ici, elles tiennent beaucoup à leur citoyenneté et veulent être traitées comme les autres Canadiens.
Merci beaucoup.
Dr Masood Parvez: Merci.
Le président: Nous allons faire une pause pour accueillir le prochain groupe de témoins.
¿ (0931)
¿ (0939)
Le président: Nous reprenons nos travaux. Voici notre deuxième groupe de témoins.
Je vais demander à M. Nallainayagam de commencer. Nous aurons des déclarations de cinq minutes après quoi nous passerons aux questions.
Merci.
¿ (0940)
M. V. Nallainayagam (à titre personnel): D'abord et avant tout, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de vous présenter cet exposé ce matin.
Je suis Sri Lankais. Je suis originaire du Sri Lanka et j'ai dû quitter mon pays, non pas pour des motifs économiques, mais pour des raisons politiques. J'y étais en effet exposé à la violence, ce qui fait que la citoyenneté canadienne occupe une place très importante dans ma vie. Cette citoyenneté est un titre que je chéris. Je vais donc m'intéresser aux aspects juridiques et sociaux des questions à régler une fois que la citoyenneté est octroyée.
Nous avons pu examiner le projet de loi. Lorsqu'on présente une demande de citoyenneté ou une demande d'admission au Canada, une disposition prévoit que toute fausse déclaration peut mener à l'expulsion ou au retrait de la citoyenneté. Je connais très bien cette disposition. Je trouve toutefois déconcertant le mécanisme qui serait mis en place pour enlever la citoyenneté à une personne à laquelle elle a été accordée. C'est là que le problème se situe et là que la Charte doit s'appliquer dans toute sa vigueur. Le processus de divulgation, la possibilité de produire des preuves...
Il est très important que la personne connaisse les raisons pour lesquelles on veut lui enlever sa citoyenneté. Je crois que la loi ne devrait pas passer outre à la Charte des droits et aux principes fondamentaux qui y sont établis et que les personnes qui se voient retirer la citoyenneté ou qui sont accusées d'activités terroristes ou d'actes répréhensibles doivent bénéficier des privilèges prévus dans la Charte. C'est à ce titre que le système judiciaire a été fautif... Quels que soient les changements apportés, ils devront faire en sorte que les citoyens canadiens bénéficient de l'entière protection garantie par la Charte.
Je me suis intéressé au libellé de la loi. Il s'agit d'une version antérieure du projet de loi. On dit notamment que pour refuser la citoyenneté à une personne ou la lui retirer, il faut que cette personne ait fait montre de mépris flagrant et grave à l'égard des principes sous-jacents à une société libre et démocratique. Quarante pour cent des Canadiens pourraient ainsi perdre leur citoyenneté parce qu'ils ne votent pas; il s'agit en effet d'un mépris flagrant à l'égard des principes fondamentaux qui régissent notre pays. Dans une démocratie, les citoyens doivent voter. C'est leur responsabilité et il s'agit d'un mépris grave... Allons-nous expulser 40 p. 100 des Canadiens hors du pays sous prétexte qu'ils ne votent pas? J'estime que le libellé utilisé doit être très précis et très clair quant aux motifs pour lesquels la citoyenneté peut être refusée à une personne. Je vous recommanderais donc de rédiger cette loi de façon très claire en évitant les formulations ambigües qui créent de la confusion.
Je crois donc que la citoyenneté—si importante pour moi—ne devrait être enlevée à une personne que s'il a été prouvé très clairement qu'elle a commis des actes répréhensibles et que si cette personne a eu l'occasion de plaider sa cause et de présenter ses arguments.
Par ailleurs, je pense qu'il faut également se demander de quelle façon nous devons traiter nos citoyens une fois qu'on leur a accordé la citoyenneté. Comment pouvons-nous les mobiliser? Comment pouvons-nous obtenir une participation plus active des citoyens au sein de notre société? Comment pouvons-nous leur fournir l'occasion de participer à la société?
J'estime que le Canada est une société multiculturelle. À ce titre, nous considérons notre pays comme un modèle pour le reste de la planète. Nous avons accueilli des gens de toutes les régions du monde et c'est à eux que nous devons la société qui est maintenant la nôtre.
Mais je ne crois pas que le Canada en a fait suffisamment pour favoriser l'intégration et l'acceptation des immigrants et des membres des minorités visibles dans le courant principal de la société, et surtout au sein de ses structures de direction. Les nouveaux immigrants qui nous arrivent de certains de ces pays se sentent marginalisés parce qu'ils se voient exclus des structures dirigeantes de notre société.
C'est pourquoi je pense que nous devons en faire bien davantage pour favoriser la participation active de ces citoyens et l'intégration des membres des minorités visibles à la société. Nous ne devons pas nous contenter d'offrir une formation linguistique ou des possibilités d'emploi; nous devons aussi favoriser leur représentation au sein des différents ordres de gouvernement dans toutes les régions du pays. Le Canada doit donc, selon moi, en faire plus pour promouvoir l'engagement civique et la participation active des citoyens, parce qu'il nous faut montrer que nous sommes un pays multiculturel, non seulement en théorie mais aussi en pratique, et que nous croyons que les citoyens qui choisissent de vivre ici doivent pouvoir faire partie de nos structures de gestion et contribuer à la société.
Le président: Merci beaucoup.
Nous écouterons maintenant M. Ilnycky.
M. Michael Ilnycky (président, Congrès des ukrainiens-canadiens - Division de Calgary): Mesdames et messieurs, je suis Michael Ilnycky et je suis président de la division de Calgary du Congrès ukrainien canadien.
Merci de me permettre de présenter cet exposé à votre comité.
Dans son rapport intitulé Actualiser la Loi sur la citoyenneté du Canada: questions à traiter, votre comité reconnaissait déjà les iniquités de la Loi sur la citoyenneté en vigueur qui crée deux catégories d'individus, à savoir, au terme du paragraphe 10(2), des citoyens à part entière qui sont nés au Canada et des citoyens de seconde zone qui ont obtenu leur citoyenneté après avoir immigré au pays et qui ont été naturalisés.
Selon nous, ce paragraphe 10(2) sert d'échappatoire au gouvernement lorsqu'il apprend qu'un individu naturalisé a obtenu sa citoyenneté au moyen d'allégations mensongères. Plutôt que d'agir vraiment comme chef de file en sa qualité de pays hautement civilisé et démocratique et d'examiner les circonstances sous-jacentes aux fausses représentations, le terrorisme ou les crimes de guerre, par exemple, le gouvernement s'appuie sur la loi actuelle pour choisir la solution de facilité en déclenchant des procédures de dénaturalisation après avoir enquêté sur les prétendues fausses allégations.
Qui plus est, la prépondérance des probabilités suffit pour prouver qu'il y a eu fausse représentation, ce qui signifie qu'il est possible, mais pas certain, que l'individu ait menti lorsqu'il a été interrogé par les agents d'immigration. Par conséquent, est-ce que la dénaturalisation et l'expulsion constituent une sanction équitable pour une personne accusée de fausser la réalité? Si une personne est accusée de crime de guerre ou de terrorisme, est-ce que la prépondérance des probabilités est la norme de preuve qui convient?
Le Congrès ukrainien canadien est d'avis que la révocation de la citoyenneté n'est pas la solution qui s'impose pour de fausses représentations remontant parfois jusqu'à 50 ans. Les principes de justice fondamentale dont il est question à l'article 7 de la Charte des droits et libertés exigent que la sanction soit proportionnelle au crime commis et au comportement moralement répréhensible de l'intimé.
La révocation de la citoyenneté n'est pas une sanction proportionnelle à de simples allégations de fraude. La norme de preuve fondée sur la prépondérance des probabilités ne convient pas pour des allégations d'activité criminelle. Dans un mémoire présenté à votre comité, l'Association du barreau canadien soutenait à cet effet que la révocation et l'annulation de la citoyenneté figurent parmi les sanctions les plus graves qu'un État peut imposer à ses citoyens.
Le gouvernement devrait plutôt enquêter sur les motifs sous-jacents à la fausse représentation et entamer des procédures, qu'elles soient pénales ou non, à l'encontre de l'individu naturalisé, comme il le ferait pour toute personne née au Canada. En agissant autrement, on crée un système judiciaire à deux volets et on enfreint l'article 6 de la Loi sur la citoyenneté qui prévoit ce qui suit : « Tout citoyen, qu'il soit né ou non au Canada, jouit des droits, pouvoirs et avantages ».
Cela contreviendrait également à l'article 15 de la Charte des droits et libertés que je cite : « La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination ».
Dans la conjoncture mondiale actuelle et en vertu de la loi en vigueur, il se pourrait fort bien que le Canada expulse une personne ayant des antécédents terroristes vers un pays qui ne condamne pas de telles actes, ce qui permettrait à cette personne de poursuivre ses activités. Est-ce l'image de chef de file international que le gouvernement du Canada souhaite projeter?
En outre les procédures de dénaturalisation et d'expulsion sont de nature politique. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a le pouvoir de révoquer la citoyenneté de tout canadien naturalisé et d'en ordonner l'expulsion à l'étranger, quelle que soit sa contribution au pays, en s'appuyant uniquement sur une apparence de fausse représentation.
Voici les recommandations de la division de Calgary du Congrès ukrainien canadien.
En premier lieu, le gouvernement du Canada devrait immédiatement interrompre l'instruction de toutes les causes en suspens où la révocation est envisagée, du moins d'ici à ce que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ait la possibilité de prendre connaissance du rapport de votre comité et d'apporter les modifications nécessaires à la loi en cours d'examen.
En deuxième lieu, dans les cas où une accusation de fausse représentation concerne une allégation de crime de guerre, de crime contre l'humanité ou de terrorisme, le gouvernement du Canada devrait intenter des poursuites devant les cours pénales canadiennes conformément au droit criminel canadien, et notamment à la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, en appliquant les normes de preuve canadiennes en usage pour les procédures criminelles.
En troisième lieu, la Loi sur la citoyenneté devrait être modifiée via les ajustements suivants pour réaffirmer que tous les Canadiens sont égaux : premièrement, une période limite de cinq ans à compter de la date de l'octroi de la citoyenneté pour toutes les formes de procédures de dénaturalisation et d'expulsion; deuxièmement, une norme de preuve plus rigoureuse pour les procédures de dénaturalisation et d'expulsion - hors de tout doute raisonnable, plutôt que la prépondérance des probabilités; troisièmement, l'application régulière de la loi devant les tribunaux—par exemple, la révocation de la citoyenneté devrait être décidée par les tribunaux canadiens, plutôt que par le gouvernement; quatrièmement, la détermination de la sentence par le juge présidant à l'audience; et cinquièmement, des droits d'appel complets.
¿ (0945)
La Loi sur la citoyenneté exige de tous les demandeurs qu'ils aient une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et des privilèges associés à la citoyenneté. Comme le gouvernement du Canada applique une telle exigence pour tous les candidats à la citoyenneté, il est impératif qu'il impose les mêmes responsabilités et attribue les mêmes privilèges à tous ses citoyens.
La Loi sur la citoyenneté doit être modifiée pour assurer un traitement égal à tous les Canadiens. La division de Calgary du Congrès ukrainien canadien demande au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de respecter le travail de votre comité en mettant en oeuvre ses recommandations.
Lors des cérémonies de citoyenneté, nous souhaitons la bienvenue aux nouveaux Canadiens et nous leur disons qu'ils jouissent désormais de tous les privilèges associés au statut de Canadien. Comment réagiront-ils quand ils se rendront compte que leurs droits sont très différents de ceux accordés aux personnes nées au Canada?
Merci beaucoup.
¿ (0950)
Le président: Merci beaucoup.
Madame Woo-Paw.
Mme Teresa Woo-Paw (présidente, Conseil ethno-culturel de Calgary): Merci.
Bonjour à tous les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes. Mon nom est Teresa Woo-Paw et je suis présidente du Conseil ethno-culturel de Calgary. Votre comité et notre conseil ont tous deux la ferme conviction que les gens doivent pouvoir s'exprimer.
Le Conseil ethno-culturel (CEC) est un organisme sans but lucratif dont le mandat est de contribuer à faire entendre le point de vue collectif des membres des minorités visibles à Calgary et de favoriser une évolution socioéconomique et politique grâce à une approche de collaboration.
Au nom du CEC, je tiens tout d'abord à vous féliciter pour votre engagement à tenir des consultations. Nous sommes heureux d'avoir ainsi l'occasion d'exposer publiquement nos réactions et nos propositions de changement aux politiques, ces propositions étant elles-mêmes issues d'une série d'initiatives de collaboration menées par le conseil pour explorer les sujets à l'étude ce matin.
Ces initiatives comprennent un document de travail produit par le conseil à partir de recherches effectuées. Nous avons organisé la semaine dernière un groupe de discussion qui a permis à 45 personnes de venir nous faire part de leurs réflexions et de leurs préoccupations à ce sujet. Nous avons compilé les commentaires des représentants des principales institutions, des organismes communautaires et des milieux universitaires.
Je suis accompagnée du Dr Lloyd Wong, professeur de sociologie à l'Université de Calgary. Il formulera également quelques observations au sujet du contenu de notre document. Nous allons donc vous présenter les différentes préoccupations du public avec nos recommandations afférentes.
Comme première préoccupation, nos représentants communautaires nous ont parlé du préjugé découlant de la distinction entre la citoyenneté acquise en vertu de la naissance et celle obtenue via la naturalisation. La création de deux classes de citoyens assujettis à des ensembles différents de règles constitue une forme de discrimination. L'article 17 du projet de loi C-18 prévoit que la citoyenneté octroyée à un ancien immigrant peut être révoquée par une cour fédérale pour des motifs de sécurité nationale, de violation des droits de la personne ou de droits internationaux, ou de participation à des activités liées au crime organisé.
Non seulement l'intimé ne peut-il pas prendre connaissance des preuves déposées contre lui, mais la décision rendue ne peut pas être portée en appel ni faire l'objet d'un contrôle judiciaire, ce qui fait que ces personnes n'ont pas droit à une application régulière de la loi. Cela va totalement à l'encontre des normes et des valeurs d'une société libre et démocratique, qui prône le traitement équitable et qui ne soumet pas les personnes nées au Canada à de telles mesures. Nous sommes d'avis que ces dispositions contreviennent à notre Charte des droits et libertés, et plus précisément à l'article 15 qui traite des droits à l'égalité.
Voici notre recommandation à ce sujet. Le projet de loi devrait être en conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés. Nous recommandons l'élimination des pratiques discriminatoires qui font en sorte qu'il existe deux classes de citoyens assujettis à deux ensembles différents de règles selon qu'ils sont nés au Canada ou à l'étranger. Il faut supprimer ces distinctions entre les Canadiens qui sont citoyens de naissance et ceux qui ont obtenu la citoyenneté au moyen de la naturalisation.
Une autre préoccupation du public vient de l'augmentation du nombre d'ordonnances d'expulsion et de renvoi visant de nouveaux citoyens, et surtout des membres des minorités visibles. Des motifs de sécurité nationale sont souvent invoqués pour justifier l'expulsion, ce qui amène à s'interroger sur les causes sous-jacentes. Mais je ne vais pas aller plus loin dans les détails.
Voici nos recommandations à ce sujet. Des mécanismes de contrôle devraient être instaurés quant au pouvoir du ministre de révoquer la citoyenneté; des procédures judiciaires, des appels notamment, sont nécessaires pour baliser les pouvoirs exercés par le ministre. On s'assurerait de cette façon que toutes les décisions sont prises dans un souci de transparence et de responsabilisation. Cela contribuerait à minimiser les pièges comme la partialité ou les fausses allégations, qui peuvent entraîner la perte de la citoyenneté et l'apatridie.
Il y a lieu de se pencher sur l'accroissement du nombre d'ordonnances d'expulsion et de renvoi. Les processus de délibération appropriés, comme les tribunaux et l'examen du public, sont requis pour minimiser les cas de renvois indus ou illégaux de citoyens. Les dispositions d'expulsion et de renvoi prévues dans la Loi sur la citoyenneté ne doivent pas servir de raccourci pour régler les problèmes de sécurité nationale du Canada.
Autre préoccupation du public, les juges de la citoyenneté seraient remplacés par des fonctionnaires agissant en vertu de pouvoirs délégués par le ministre, ce qui aurait pour effet de rendre le processus de plus en plus politisé et bureaucratique. Cette situation est particulièrement préoccupante parce que les juges de la citoyenneté sont régis par davantage de règles du processus judiciaire qui sont appliquées aux cas de citoyenneté. En outre, il y aurait aussi diminution de la responsabilisation.
¿ (0955)
Nous recommandons donc que les décisions relatives à la citoyenneté continuent de relever de l'instance indépendante et neutre que constituent les juges de la citoyenneté, plutôt que du ministre, étant donné que les règles de la citoyenneté et le processus d'appel ne s'appliqueraient pas dans ce dernier cas.
J'aimerais également profiter de l'occasion pour vous faire part de quelques-unes des réponses que nous avons obtenues à l'égard des questions soulevées dans vos discussions. Les 50 participants au groupe de discussion communautaire se sont dits favorables à l'inclusion d'un préambule précisant les droits et les responsabilités associés à la citoyenneté, comme le devoir de participer aux élections. Un tel préambule permettrait une compréhension uniforme et claire des droits et des responsabilités des citoyens. Certains participants avaient l'impression que c'était le juge en fonction ce jour-là qui allait leur dire quels sont leurs droits et leurs responsabilités, ce qui témoigne bien de l'uniformité accrue que procurerait un préambule. Quoi qu'il en soit, vous nous avez offert l'occasion d'amorcer ce dialogue à Calgary et les membres de la communauté étaient d'avis que nous devions nous pencher de façon plus approfondie sur la question.
La réponse a été négative pour ce qui est de la nécessité d'imposer des limites quant à la façon dont la citoyenneté peut être obtenue, des critères d'octroi de la citoyenneté aux nouveaux arrivants et du texte du nouveau serment de citoyenneté. Je crois que le Dr Wong pourra vous exposer certains points de vue sur ces questions.
Enfin, les participants au groupe de discussion communautaire étaient d'avis qu'il est important de mettre davantage l'accent sur la participation active des citoyens. Il devrait y avoir des incitatifs pour des actions particulières comme la participation aux élections, l'engagement communautaire et le bénévolat—qu'il s'agisse d'une participation formelle ou informelle, civique ou politique. Ils sont fermement convaincus que la participation active des citoyens favorise le renforcement de leurs capacités et leur intégration tout en atténuant l'impression d'isolement que peuvent ressentir les nouveaux arrivants.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup.
Docteur Wong, nous vous serions gré de vous en tenir à des observations assez brèves de telle sorte que les membres du comité puissent poser leurs questions et obtenir des réponses.
Lloyd Wong (Conseil ethno-culturel de Calgary): Je serai très bref. Je compléterai simplement les points que Teresa Woo-Paw a fait valoir, à quelques exceptions près. Je pourrais peut-être d'emblée répondre aux questions que vous avez posées dans la documentation que nous avons reçue.
La première demande s'il faut imposer des restrictions à l'obtention de la citoyenneté par la naissance. D'après moi, il ne devrait pas y en avoir. Ce qui me préoccupe particulièrement—et il y a eu un battage dans les médias sur les bébés visas de Hong Kong d'avant 1997 et sur les étrangères arrivant au Canada pour que leur enfant y naisse. C'est une solution aléatoire, à mon avis, particulièrement pour les réfugiées qui sont susceptibles d'accoucher au Canada. Si l'on imposait des restrictions à l'obtention de la citoyenneté par la naissance, on se retrouverait avec des enfants apatrides dont peut-être aucun pays ne voudrait. Il y a d'autres aspects à cet égard, mais je ne les aborderai pas.
Dans la deuxième question, vous demandiez quels critères il faudrait utiliser pour accorder la citoyenneté aux nouveaux arrivants. J'y vois des problèmes, notamment... et je sais que le projet de loi sur la citoyenneté qui est mort au Feuilleton au déclenchement des élections exigeait une présence plus effective au Canada, en territoire canadien. Selon moi, les critères en vigueur sont pertinents. Il est inutile d'exiger une présence plus effective au Canada. L'important, c'est vraiment la qualité de l'engagement envers le Canada. Vous n'êtes pas sans savoir que Jean-Eudes Dubé, juge à la Cour fédérale, a précisé dans une décision que la résidence au Canada aux fins de l'obtention de la citoyenneté n'implique pas une présence effective à temps plein. Je pense que c'est important dans un monde « transnational », où les entrepreneurs ne passent pas beaucoup de temps au Canada mais où ce temps est de qualité. Des enfants d'immigrants étudient à l'étranger, ce qui mettrait en péril leur demande de citoyenneté s'ils ne peuvent satisfaire aux critères relatifs à la présence effective. Je penserais donc que le règlement actuel suffit.
Il y a des questions accessoires : la double citoyenneté, la citoyenneté multiple et la loyauté. L'honorable David Anderson a traité de la loyauté il y a quelques minutes, à la suite d'un autre exposé. Je n'aimerais vraiment pas que le Canada en arrive à imposer des restrictions en matière de double citoyenneté et de citoyenneté multiple. Je sais que, depuis le 11 septembre, on incline à croire que c'est une solution souhaitable, mais je voudrais signaler les recherches effectuées aux États-Unis par la dotation Carnegie pour la Paix internationale et selon lesquelles la double citoyenneté aide en fait les immigrants à s'intégrer au pays d'accueil. Cela leur facilite donc en quelque sorte la tâche.
Je voudrais terminer en abordant la question de la présence effective, et mon opinion ne correspond pas à celle du Conseil ethnoculturel du Canada, mais je suis convaincu qu'il ne convient plus de prêter un serment d'allégeance à la Reine. Il faudrait éliminer du libellé du serment le terme Reine. Vous n'êtes pas sans savoir que ce serment pose problème à de nombreux citoyens canadiens. Beaucoup de Québécois et de membres des Premières nations auraient des réticences à prêter un tel serment, tout comme, je le pense, de nombreux nouveaux immigrants. Cela nous ramène à ce que j'ai souligné sur la présence effective. Il est ironique ou paradoxal de prêter un serment d'allégeance à quelqu'un qui n'habite pas au Canada.
J'ai terminé mon exposé.
À (1000)
Le président: Merci infiniment.
Nous passons maintenant aux questions et réponses.
Je voudrais simplement rappeler que plusieurs témoins ont abordé le projet de loi C-18, qui est mort au Feuilleton au déclenchement des dernières élections, et ont évoqué le déni des valeurs canadiennes, ce qui figurait à l'article 21. Si je me souviens bien, cette question a passablement contrarié Diane Ablonczy. Elle voulait obtenir des précisions—et je suis d'accord avec elle—à cet égard et à propos de la question de la révocation.
Nous voici aux prises avec un véritable problème car il ne reste que 15 minutes. Je vous demanderais donc, dans la mesure du possible, de poser vos questions et de donner vos réponses succinctement, afin que tous puissent intervenir, ce qui permettrait vraiment de satisfaire le président et vous tous.
Diane.
Mme Diane Ablonczy: Merci, monsieur le président.
Je remercie chacun de nos témoins de son exposé. Les points traités étaient excellents et seront utiles au comité.
Je veux commencer par M. Nallainayagam. J'ai encore de la difficulté à prononcer ce nom, mais vous me reconnaîtrez le mérite d'essayer, n'est-ce pas?
Vous avez fait valoir un point pertinent sur l'intégration des nouveaux arrivants. C'est particulièrement intéressant, certains d'entre nous ayant évoqué que ce sont les choses que nous avons en commun qui nous permettent de progresser ensemble. Vous avez souligné un aspect très important.
Je pense qu'il serait utile au comité que vous nous indiquiez des stratégies qui, d'après vous, optimiseraient cette intégration.
M. V. Nallainayagam: L'intégration doit se faire tant sur le plan social que sur les plans économique et politique. Reconnaître l'expérience et les compétences acquises par les immigrants peut faciliter l'intégration économique car ces atouts les aideront à se trouver un emploi et à devenir des citoyens productifs—question que nous aborderons cet après-midi. Je garderai donc mes commentaires à cet égard pour cet après-midi.
L'intégration sociale, je le répète, donne aux immigrants l'occasion de... Naturellement, face à la barrière des langues, l'aide du gouvernement, un soutien financier ou un programme leur permettra de s'intégrer à la société...
L'intégration politique est très importante à mes yeux. C'est à ce chapitre que nous avons échoué. Le gouvernement possède tellement d'organismes : la CBC/SRC et les diverses commissions. Selon une récente étude, à peine 1,7 p. 100 des membres des conseils d'administration des organismes publics canadiens appartiennent à des minorités visibles même si elles représentent 15 p. 100 de la population. Je ne préconise pas d'établir un quota. Cela ne m'intéresse pas. C'est impossible. Nous devons consciencieusement promouvoir la participation des minorités visibles aux différents aspects de la vie politique, pas uniquement au sein des partis mais dans toute la structure du pouvoir.
Aujourd'hui, lors des nominations aux différentes organisations tant provinciales que municipales, je ne pense pas qu'on se demande consciencieusement si nous avons une représentation suffisante chez... Je dois admettre que c'est voulu, pour éloigner les minorités visibles.
Récemment, j'en ai fait l'expérience personnelle. Je coprésidais une conférence et ma collègue appartenait à la majorité. C'était une Blanche. Elle a immédiatement parlé de son amie qui, selon elle, ferait telle ou telle tâche et présiderait les différentes sessions. J'ai dû lui rappeler qu'il fallait refléter la diversité de notre société et demander à plus de membres des diverses minorités visibles de présider les différentes sessions pour montrer que nous sommes davantage intégrés.
À mon avis, il nous faut, à un certain niveau, une personne—j'utiliserais l'expression agent de la diversité—pour s'assurer que le Canada favorise la diversité à tous les niveaux; ses fonctions seraient analogues à celles de la commissaire aux langues officielles. J'aimerais que nous nommions un commissaire à la diversité qui vérifierait les progrès accomplis par les organismes gouvernementaux pour promouvoir l'intégration des nouveaux Canadiens.
À (1005)
Le président: Merci.
Mme Diane Ablonczy: Puis-je poser une dernière question?
Le président: Non.
Mme Diane Ablonczy: Très bien. J'avais des questions pour les autres témoins, mais je laisserai à mes collègues le soin de les poser.
Merci.
Le président: Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai une question d'ordre philosophique que m'ont inspirée les propos tenus tout à l'heure par M. Nallainayagam à l'effet que 40 p. 100 des Canadiens ne votent pas. Sur une note un peu plus légère, on pourrait se demander qu'elle est la légitimité des députés qui sont élus par 60 p. 100 des Canadiens. Sommes-nous légitimes à 60 p. 100? Je ne vous demande pas de répondre à cela. Est-ce que nous ne devrions toucher que 60 p. 100 de notre salaire? On voit très bien que l'application de ce raisonnement nous mènerait dans un endroit impossible.
Par contre, vous avez dit, monsieur Nallainayagam, que le Canada ne fait pas assez pour l'acceptation des immigrants. J'ai trouvé le terme « acceptation » un peu faible. Non seulement doit-on les accepter mais on doit aussi les aimer, comprendre que les nouveaux arrivants sont l'avenir d'un pays. Si le Canada est capable de dépenser des millions de dollars pour sauver le pays des méchants séparatistes, il devrait avoir des millions de dollars pour les immigrants qui veulent sauver le nouveau pays où ils habitent. J'aimerais que vous commentiez ces petites observations philosophiques.
[Traduction]
M. V. Nallainayagam: Je n'ai saisi que la moitié de vos propos. Cependant, je dirais que je suis tout à fait d'accord avec vous : lorsque les nouveaux Canadiens arrivent au pays, on s'attend à ce qu'ils soient productifs et participent à part entière à la vie politique, sociale et économique. Si le gouvernement pouvait consacrer beaucoup plus d'argent pour faciliter leur intégration, c'est le pays et eux qui en sortiraient gagnants. C'est une question de qualité de vie. Il est important que les nouveaux arrivants aient droit à la même qualité de vie que les autres Canadiens.
Merci.
Mme Teresa Woo-Paw: Je voudrais exposer un point de vue légèrement différent mais complémentaire. Selon moi, nos stratégies devraient peut-être envisager l'intégration comme un processus bidirectionnel. Je crois effectivement qu'il faut songer à des stratégies pour aider les nouveaux immigrants à participer et à s'intégrer à la vie dans notre société.
Je voudrais également ajouter qu'il est très important de pouvoir communiquer dans l'une des deux langues officielles. Les gens sont isolés et esseulés s'ils ne peuvent pas ou n'ont pas confiance de pouvoir communiquer avec leurs voisins, les enseignants de leurs enfants et leurs concitoyens.
Deuxièmement, je veux souligner qu'il faut envisager des moyens de faciliter l'intégration sans exception, responsabilité qui incombe à nous tous. Nous avons tous un rôle à jouer pour que le Canada soit une société n'excluant personne. Nous devons nous pencher sur la façon dont nous intégrons ou excluons les autres. Croyons-nous vraiment que tous ont l'occasion et la capacité de participer, qu'il s'agisse d'agir à titre de bénévole à l'école de leurs enfants ou d'exprimer leurs opinions sur les politiques et les règles les concernant, tant au niveau fédéral qu'aux niveaux municipal et provincial?
J'estime que nos institutions doivent se pencher sur leurs pratiques. Peuvent-elles s'adapter à l'évolution démographique? Sont-elles en mesure de vraiment attirer et retenir des personnes qui sont différentes? Je pense que ces institutions doivent examiner la façon dont elles communiquent l'information sur leurs valeurs, leurs convictions et leurs désirs.
Actuellement, beaucoup de nouveaux arrivants sont d'avis que nos institutions ne souhaitent pas obtenir leur participation parce qu'ils ne les voient jamais et que celles-ci ne leur parlent jamais. Ils n'ont pas l'impression que les pratiques sont adaptées à leurs besoins particuliers. Lorsque nos institutions feront le nécessaire, ce n'est pas uniquement les nouveaux arrivants qui en bénéficieront, mais également les personnes handicapées, les Autochtones, les personnes âgées et les jeunes.
Je pense qu'un examen pertinent des moyens de mettre à contribution les nouveaux arrivants servira les intérêts du Canada.
À (1010)
Le président: Merci.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.
Il est ironique que nous ayons droit à quatre exposés de qualité alors que nous disposons de moins de temps que nous semblons en avoir habituellement. J'aimerais poser des questions sur chaque exposé, mais malheureusement, je ne pourrai pas le faire.
Monsieur Ilnycky, je pense que vos observations sur le maintien du recours à l'expulsion étaient fort utiles et très intéressants, tout comme l'ont été vos points sur la façon de mettre à contribution nos citoyens et de faire participer à part entière les personnes qui ont obtenu leur citoyenneté.
Je voudrais demander à M. Wong s'il voulait... Il a signalé qu'il souhaiterait faire valoir d'autres points sur les restrictions imposées à l'obtention de la citoyenneté par la naissance. Vous avez évoqué les réfugiés qui ont des enfants ici et la possibilité que ces enfants soient des apatrides. Vous pourriez peut-être apporter des précisions, étant donné que vous aviez, selon vous, d'autres points à traiter.
J'aimerais également interroger M. Wong sur la qualité de l'engagement. Comment définiriez-vous le terme « qualité »? En matière de citoyenneté, qu'est-ce qui constitue du temps de qualité au Canada?
Lloyd Wong: En ce qui concerne votre première question, l'autre aspect de l'obtention de la citoyenneté par la naissance constitue l'envers de la médaille—en fait, ce n'est pas tout à fait le cas. Il s'agit des Canadiennes qui accouchent à l'étranger. Il faut se demander pendant combien de temps le gouvernement canadien autorisera la transmission de la citoyenneté aux générations ultérieures. C'est l'autre aspect de la question.
L'honorable Andrew Telegdi a invoqué l'ancienne mesure législative. On voulait restreindre la transmission de la citoyenneté à une certaine génération. C'est une question importante qui, tout comme celle de l'obtention de la citoyenneté par la naissance, doit être examinée de concert, parce que, maintenant, ce sont des enfants de Canadiennes qui accouchent à l'étranger. Il y a également toute la question des Hongkongais d'avant 1997—ces nombreuses Chinoises de Hong Kong qui seraient arrivées au Canada et y auraient accouché. Je pense qu'il faudrait vérifier le tout à l'aide de travaux de recherche valables parce que c'est le genre d'histoire qui a été véhiculée par le Calgary Herald il y a quelques semaines. C'est un point de vue alarmiste.
En ce qui concerne la qualité, je pense qu'il faudrait déterminer à quoi vous avez consacré votre temps au Canada. Y acquérir une maison, y détenir un compte bancaire canadien, acquitter les impôts canadiens—c'est certes un signe de qualité puisque vous contribuez à l'économie canadienne—et avoir des membres de votre famille au Canada sont, à mon avis, des exemples pertinents de cette qualité. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il est toujours question de quantité et de qualité pour le temps consacré à l'éducation des enfants. Beaucoup optent pour la qualité. Je pense que c'est une question primordiale. Vous pouvez habiter au Canada mais être complètement isolés et ne participer nullement à la vie sociale.
M. Bill Siksay: Je me demande si vous considérez que le temps passé au Canada par la Reine est du temps de qualité.
Le président: Merci infiniment. Vous avez fait valoir votre point.
Monsieur Temelkovski.
M. Lui Temelkovski: Merci infiniment, monsieur le président.
Je voudrais poser une question sur le temps nécessaire pour devenir un citoyen canadien : croyez-vous que trois ans est une période suffisante ou faudrait-il une période plus longue?
M. Michael Ilnycky: Je pense qu'il faudrait déterminer si le gouvernement possède les ressources pertinentes pour effectuer les vérifications nécessaires sur les antécédents. S'il est possible de le faire en trois ans, tant mieux. C'est pourquoi nous recommandons une période de cinq ans après l'obtention de la citoyenneté pour permettre l'exécution des autres vérifications nécessaires.
À (1015)
Mme Teresa Woo-Paw: Nous croyons que la période de trois ans est suffisante. D'après moi, la capacité financière est l'une des questions à envisager par rapport à l'obtention de la citoyenneté canadienne. Beaucoup craignaient qu'ils n'aient pas les moyens nécessaires pour devenir des citoyens canadiens dès maintenant.
M. Lui Temelkovski: Votre opinion diffère-t-elle?
M. V. Nallainayagam: Non, je suis tout à fait d'accord que la période de trois ans est suffisante.
M. Lui Temelkovski: On nous dit que, dans certaines parties du pays, le traitement des demandes de citoyenneté canadienne nécessite trop de temps.
M. V. Nallainayagam: Ce n'est pas tout. Hier, on m'a mis au courant d'un cas réel. Des Soudanais ont reçu le statut de réfugié en vertu de la Convention sur les réfugiés, et 12 ans plus tard, ils n'ont toujours pas obtenu le statut de résident permanent.
M. Lui Temelkovski: Depuis combien de temps?
M. V. Nallainayagam: Il s'est écoulé 12 ans depuis son arrivée. Cette femme a reçu, il y a 12 ans, le statut de réfugiée au sens de la Convention, mais aucune décision n'a encore été prise quant à sa citoyenneté canadienne. Ces gens ne peuvent ni travailler ni envoyer leurs enfants à l'école parce qu'ils n'ont pas le statut d'immigrant reçu. À mes yeux, c'est tout à fait inacceptable.
M. Lui Temelkovski: En ce qui concerne les études des enfants, je crois comprendre que, en vertu de la loi, les écoles ne peuvent pas refuser quiconque vit au Canada.
Mme Teresa Woo-Paw: Ses enfants fréquentent l'école.
M. V. Nallainayagam: Cependant, ils n'ont pas droit aux soins de santé. Ils ne peuvent même pas obtenir un emploi ni un prêt bancaire pour acheter une maison. Tout cela leur est refusé. À mon avis, il est inacceptable qu'aucune décision n'ait encore été prise 12 ans après que la personne eut été acceptée à titre de réfugiée au sens de la Convention.
M. Lui Temelkovski: Je me pose des questions sur un autre aspect : le temps qu'il faut pour obtenir sa citoyenneté. Lorsqu'on présente une demande de citoyenneté, on nous dit qu'il faut un an, trois ans, etc. Qu'en pensez-vous? Quelle est votre expérience à cet égard?
M. V. Nallainayagam: Je pense que le tout peut être fonction des vérifications des antécédents de certaines personnes. Certains pays d'origine fournissent des rapports d'enquête de la police. Les écarts sont peut-être imputables à certains facteurs institutionnels. Dans l'ensemble, je penserais—et c'est mon expérience personnelle—qu'il n'y a pas trop de retards.
M. Lui Temelkovski: Merci.
Le président: Le temps réservé à ce groupe de témoins est terminé. Je voudrais remercier infiniment tous les témoins. Lorsque nous aurons rédigé notre rapport, nous veillerons à vous en faire parvenir des exemplaires. Nous ferons une pause de quelques minutes, puis nous reprendrons nos travaux.
Merci.
À (1018)
À (1027)
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Nous accueillons nos nouveaux témoins pour ce matin. Il s'agit de M. Souraya du Conseil musulman de Calgary, de M. Bray de la Catholic Immigration Society et de Mme Pask de la Calgary Immigrant Women's Association. Je vous souhaite à tous la bienvenue.
Nous commencerons peut-être par M. Souraya. Je vous prie d'y aller de votre exposé.
M. Abdul W.M. Souraya (avocat, Conseil musulman de Calgary): Bonjour, madame la présidente suppléante. Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Bienvenue à Calgary.
Nous sommes heureux de pouvoir comparaître au nom du Conseil musulman de Calgary, organisme élu représentant la grande majorité des musulmans de Calgary. Nous sommes très fiers d'être parmi vous.
Je traiterai d'un sujet très précis. Je suis désolé de ne pas avoir pu remettre au comité mon mémoire sur cette question. Le document m'a été remis depuis peu ce matin, et je ferai tout en mon pouvoir pour être aussi rapide que possible.
Il y a plus d'une question que je souhaiterais aborder, mais celle que j'ai choisie a été soulevée très récemment en ce qui concerne la catégorie de la famille, soit le parrainage du conjoint et de personnes originaires d'un pays musulman. Lorsque nous traitons d'immigration devant un comité comme le vôtre, je pense qu'il nous incombe de demander aux différentes organisations d'aborder les questions propres à leurs collectivités respectives.
Mon exposé porte sur l'évaluation des liens conjugaux unissant un musulman et une musulmane. Récemment, bien des demandes ont été refusées par les services des visas sur la foi de l'évaluation effectuée par un agent de ce qu'il croit être les exigences d'un mariage musulman. Essentiellement, les motifs de refus suivants sont invoqués : absence de célébration, absence de fête et absence de cohabitation; l'agent n'attribuera donc pas beaucoup d'importance au contrat bilatéral passé entre une femme et un homme devant un imam et versé correctement dans les registres de ce pays particulier... Il s'agit en fait d'une licence de mariage valide accordée à deux personnes.
Il y a quelque chose qui m'échappe. À titre personnel et, naturellement, en ma qualité de directeur du Conseil musulman de Calgary, j'aide les gens par rapport à ces modalités. Beaucoup de parents sont furieux du... Je ne veux pas employer le terme « indignés », mais pour eux, c'est presque comme essayer de comprendre ce que les agents examinent pour déterminer la validité d'un mariage.
Je ne veux pas présumer ce que font les agents, mais il semble qu'ils se soient fiés à des coutumes locales et aient conclu qu'il faut une célébration du mariage en fonction des coutumes locales pour que celui-ci soit valide. Ce n'est pas le cas. J'ai parlé à des imams et à d'autres personnes versées en charia. Ils m'ont dit qu'un contrat de mariage entre deux personnes est suffisant pour prouver, du moins de prime abord, une relation conjugale. La célébration du mariage n'est pas nécessaire. Il se tient une cérémonie officielle au cours de laquelle le contrat est passé, mais la célébration du mariage n'est pas nécessaire.
J'ignore où les agents veulent en venir lorsqu'ils signalent qu'il y absence de cohabitation. S'ils cherchent la preuve que le mariage a été consommé, je trouve que c'est offensant. Il existe d'autres types de relations dans la loi, et je fais allusion à l'expression vague de « relation conjugale », qui s'applique maintenant aux couples homosexuels et qui permet à quelqu'un de s'unir à un partenaire d'un autre pays s'ils prouvent qu'ils entretiennent une relation—c'est-à-dire s'ils possèdent des biens communs ou s'ils satisfont à d'autres exigences—depuis un an.
Cet aspect ne m'inquiète cependant pas. Ce qui me préoccupe, c'est que nous représentons des citoyens canadiens d'origine musulmane, et nous savons tous que, après les tragiques événements du 11 septembre, la communauté musulmane dans le monde—au Canada comme ailleurs—est très touchée par les nouvelles mesures de sécurité, ce qui est nécessaire.
Parallèlement, je pense cependant que nous devons demeurer équitables. Nous recommandons que les agents des services des visas donnent le bénéfice du doute à la validité du contrat de mariage lorsqu'ils évaluent l'existence de liens conjugaux. Naturellement, se pencher sur la validité du mariage en fonction des autres critères est une question distincte.
À (1030)
Ils devraient cependant reconnaître que le contrat de mariage est valable et qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu célébration ou cohabitation—c'est-à-dire vivre ensemble officiellement—pendant une période.
L'honneur est un aspect très important, et si une personne est... Examinons les choses très rapidement sur le plan du mariage de convenance. Si une jeune femme passe un contrat avec un Libanais qui vient ainsi s'établir au Canada, si le mariage n'a pas été consommé mais s'est dissout peu de temps après l'arrivée de l'homme ici et s'il s'agissait en fait d'un mariage de convenance, la réputation de la jeune femme et du jeune homme serait sérieusement entachée dans la collectivité.
Si les agents tenaient compte du risque éventuel encouru par une jeune ou un jeune musulmans en passant ce genre de contrat, ce seul risque serait suffisant pour au moins procurer le bénéfice du doute quant à la validité du contrat de mariage.
Je vous remercie.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Merci infiniment.
Monsieur Bray.
Rob Bray (Calgary Catholic Immigration Society): Bonjour et bienvenue à Calgary.
Je travaille pour le compte de la Calgary Catholic Immigration Society, le plus important organisme d'aide aux immigrants à Calgary et l'un des plus importants au Canada. Lors des quelque vingt dernières années, j'ai travaillé—ici, à Régina et à Winnipeg—au sein de services d'établissement des immigrants.
De par mes fonctions, j'aimerais commencer—et c'est une question d'actualité—par citer le pape—qu'il repose en paix. En 1992, il a rédigé Réfugiés : un défi à la solidarité, document dans lequel il disait :
Les progrès de la capacité de vivre ensemble dans la famille humaine universelle est indissociable de la bonification de la mentalité face à l'hospitalité [...] Puisque la famille constitue la cellule fondamentale de chaque société, il faut promouvoir la réunification des familles de réfugiés. |
La Calgary Catholic Immigration Society est en fait une organisation non confessionnelle qui ne fait pas partie de l'Église catholique, mais qui honore les bénévoles qui l'ont fondée. De plus, notre logo contient une citation de la Bible, qui dit ceci à Mathieu 25:35 : « J'étais étranger et vous m'avez accueilli chez-vous. » |
À (1035)
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Monsieur Bray, je m'excuse de vous interrompre, mais vous parlez un peu trop vite pour nous interprètes.
M. Rob Bray: Je m'en excuse. Je suis un peu nerveux. J'essaierai de ralentir le débit.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Très bien. Merci.
M. Rob Bray: Si vous lisez ce qui précède dans la Bible, vous trouverez le passage suivant à Mathieu 25, versets 32 à 34 :
Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare les brebis d'avec les boucs. Il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche. Alors, le roi dira à ceux qui seront à sa droite : « Venez, vous qui êtes bénis de mon Père, prenez possession du royaume... » |
On ne dit pas ce qu'il advient des boucs, des délais de traitement ou des certificats de sécurité, mais je considère qu'il s'agit là du rôle de l'immigration. Selon moi, c'est également un avertissement. Dieu peut peut-être séparer les brebis des boucs, mais je crains que les êtres humains ne puissent le faire très bien. En fait, lorsque nous essayons, nos tentatives semblent toujours tourner mal et débouchent sur la cruauté et l'absurdité. Je pense que la cruauté et l'absurdité décrivent assez bien le traitement de la réunification des familles dans le domaine de l'immigration au Canada.
Tous les ans, je souris lorsque CIC annonce avoir atteint son objectif d'un peu moins de 250 000 immigrants. Cela pourrait tout aussi bien faire penser à du recrutement, à de la publicité et à des tentatives pour trouver des gens, mais ce n'est pas le cas. Le ministère annonce plutôt qu'il a été en mesure de respecter la limite de 250 000 immigrants. Les quotas constituent le seul moyen d'y parvenir. À cet égard, il est peut-être un peu futile d'envisager de modifier le système.
Je peux vous donner de nombreux exemples d'absurdité cruelle. Par exemple, deux frères ou deux soeurs ne peuvent pas mettre en commun leurs salaires pour satisfaire aux exigences financières afin de parrainer un parent, alors que cette possibilité est offerte au mari et à la femme. Actuellement, nous n'accordons pas de visa de séjour à un très grand nombre de grands-mères pour qu'elles visitent leurs petits-enfants au Canada, de crainte qu'elles revendiquent le statut de réfugié. Actuellement, CIC est obsédé par les enfants réfugiés et les enfants qui revendiquent le statut de réfugié. Nous obligeons ces enfants à s'abandonner à la douce joie des foyers nourriciers parce que nous sommes affolés à l'idée que les parents pourraient les utiliser comme un moyen détourné. C'est à la fois cruel et stupide. Les parents aiment leurs enfants. Ils ne sont pas assez cyniques, comme le sont parfois les agents de CIC, pour mettre leurs enfants dans une telle situation à leur seul profit.
Je vous cite un exemple. Le système manque désespérément de ressources. C'est pourquoi il peut s'écouler de un à quatre ans entre le temps où vous revendiquez le statut de réfugié et celui où vous quittez le camp de réfugiés après avoir été accepté. La vie dans ces camps est très dure—des enfants meurent. Les parents sont si désespérés qu'ils paieront des familles pour s'occuper de leurs enfants et les amener au Canada avec le nom d'enfants décédés. Ici à Calgary, je connais au moins cinq enfants qui vivent en foyer nourricier et dont le reste de la famille se trouve dans des camps de réfugiés. Ces enfants se sentent coupables. C'est la culpabilité du survivant. Un film a déjà abordé ce thème. Il s'intitulait Le choix de Sophie. Je pense que nous devons songer au rôle que nous demandons à nos agents d'immigration de jouer.
De toute façon, le CCR vous a très bien exposé la chose, et j'aimerais attirer votre attention sur le mémoire de John Peters à Winnipeg. Je souscris entièrement à ces deux opinions. On a formulé des propositions fort pertinentes.
J'aimerais faire un léger aparté. L'autre jour, je parlais avec ma belle-soeur, une agricultrice en Saskatchewan. À cause des prix du blé et de l'interdiction frappant les bovins de boucherie, elle compte surtout sur le salaire de son mari comme charpentier. En fait, nous n'avons pas beaucoup de points en commun, mais elle m'a déjà posé une question sur le système de points d'appréciation, et je lui ai donné des explications. Elle m'a rétorqué : « Cela n'a aucun sens. Il nous faut plus de gens pour cogner des clous. Il nous faut plus d'ingénieurs. » Si elle peut saisir l'enjeu, j'ignore pourquoi le gouvernement ne le peut pas.
Je veux faire remarquer ceci : habituellement, pour faire accepter au public les bienfaits de l'immigration, nous évoquons les avantages économiques qu'en retire le Canada et effleurons parfois les avantages démographiques en découlant. Selon moi, le bien le plus essentiel que nous apportent les immigrants, ce sont leurs enfants. C'est une contribution importante pour notre pays.
Par exemple, j'aide une famille afghane composée de la mère, du père et de leurs huit enfants— j'en ai presque fini. Le père a peut-être terminé sa troisième année au primaire. La mère n'a jamais fréquenté l'école. On se dit qu'il ne pourra jamais trouver un emploi pour subvenir aux besoins de sa famille; qu'il reçoit de l'aide sociale; qu'il coûte de l'argent au Canada. Lorsque je regarde cette famille, je vois tout d'abord que le père parviendra probablement à subvenir aux besoins de sa famille—il se produit des choses étonnantes—, mais je vois également ses huit enfants, dont quatre obtiendront un diplôme universitaire et quatre deviendront des entrepreneurs. Vous savez qu'ils mettront au point des inventions, feront de la promotion immobilière, démarreront des entreprises et donneront beaucoup d'argent aux oeuvres de charité. C'est une contribution importante pour le Canada.
Je veux enfin souligner que de mon organisme émanent environ 70 p. 100 des demandes de parrainage de réfugiés par le secteur privé à Calgary et que nous travaillons en étroite collaboration avec les autres participants. Le parrainage de réfugiés par le secteur privé connaît un succès formidable. Nous faisons l'objet de critiques parce que le nom est indiqué. En fait, ce sont les membres de la famille qui parrainent vraiment les réfugiés dans les camps. Nous inscrivons simplement notre nom et promettons de payer la facture si quelque chose tourne mal.
À (1040)
Je pense que c'est très efficace. Nous pourrions tripler le nombre de parrainages privés sans faire rien de plus que de traiter les demandes déjà en cours. Cela nous donnerait environ 10 000 parrainages privés plutôt que 3 000 par an. C'est moins de 5 p. 100 de l'immigration totale au Canada. Je ne vois pas en quoi cela devrait poser problème, et cela mettrait fin à beaucoup de cruauté.
Mais s'il y a un plafond de 3 000 comme maintenant et un partage de 60-40 entre les immigrants de la composante économique et ceux de la catégorie familiale et que la catégorie des parents aidés est abolie, il est pratiquement inutile de parler des diverses petites modifications possibles au système.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Cela venait du fond du coeur. Merci.
Madame Pask.
Mme Diane Pask (présidente sortante, Conseil d'administration, Calgary Immigrant Women's Association): Bonjour.
En passant, je remercie le comité. Nous sommes très heureux de vous voir à Calgary; nous savons que vous avez visité d'autres régions dans le cadre de cet examen.
J'aimerais m'excuser au nom de la présidente de la Calgary Immigrant Women's Association pour son absence. Elle a un nouveau bébé. Sa comparution d'aujourd'hui dépendait donc des volontés de son bébé, et je crains que le bébé n'ait eu le dessus, comme c'est le cas le plus souvent. Je suis accompagnée de la vice-présidente de la CIWA, Mme Loretta Melnychuk, que j'aimerais présenter au comité.
J'ai essayé de rassembler en une phrase ce qui se passe dans le monde de l'immigration et ce qui nous préoccupe à la CIWA. D'après moi, les valeurs exprimées dans l'article de la loi actuelle qui porte sur les objectifs, par exemple, sont fantastiques, mais il y a un écart énorme entre ces valeurs et la mise en oeuvre réelle du programme au quotidien. C'est cet écart, cette dichotomie qui est à la source du véritable cynisme qui s'est bâti autour de l'immigration. Ce qui me dérange en tant que professeure de droit, c'est que cela crée un cynisme sur le processus démocratique et notre gouvernement. Cela m'inquiète, et je suppose que vous êtes tous inquiets aussi.
Les aspects pratiques de la situation qui inquiètent les membres du conseil de la CIWA et nos clients viennent véritablement de la lenteur du système. Je vais vous parler d'abord des enjeux liés à la réunification de la famille et je vais être très brève, parce que je sais que vous en avez déjà entendu parler. Je veux seulement les souligner du point de vue de la CIWA.
Pour commencer, il y a un problème avec la limite dans le nombre de personnes ne faisant pas partie de la composante économique, comme on l'appelle, c'est-à-dire les membres de la famille. Comme vous le savez, comme on l'a dit, il y a un ratio de 60-40 : 60 p. 100 pour la composante économique et 40 p. 100 pour les autres. Le temps d'attente pour faire venir son conjoint, ses enfants, ses parents et ses grands-parents cause beaucoup de stress aux familles. Les membres de la CIWA en parlent, et nous croyons que c'est l'un des facteurs inhibiteurs inquiétants qui freinent l'intégration des immigrants et des réfugiés au sein de la société canadienne. De toute évidence, il est bien difficile de s'intégrer pleinement à une société lorsqu'on passe le plus clair de son temps à angoisser et à s'inquiéter pour les membres de sa famille qui se trouvent dans des régions du globe dangereuses. Nous nous inquiétons aussi de l'isolement des femmes immigrantes et réfugiées.
Je devrais sans doute dire que la CIWA, la Calgary Immigrant Women's Association, se préoccupe des femmes et de leurs enfants, des femmes immigrantes et réfugiées et du fait même, de leur famille. Nos programmes sont essentiellement conçus pour les femmes, mais ils touchent aussi leur famille, par ricochet.
Nous avons remarqué que les femmes qui n'ont pas d'aide familiale pour la garde des enfants—c'est-à-dire surtout des grands-mères—sont plus isolées que celles qui y ont accès. Dans le cadre de nos programmes, nous offrons des services de garde pour les enfants, mais il n'y en a jamais assez. Il en manque toujours. Nous manquons de financement pour offrir des services de garde, mais c'est pourtant un élément essentiel de nos programmes.
Lorsque nous parlons d'isolement, nous pensons aussi à l'impossibilité pour ces femmes de suivre des cours de langue et de profiter des débouchés d'emploi ou des services d'orientation professionnelle. Nous pensons que cette lacune a des incidences sur la capacité d'emploi actuelle des femmes immigrantes. Que ces femmes aient une formation professionnelle ou non, elles sont toutes touchées.
À (1045)
On nous raconte de plus en plus souvent que l'obtention de permis de visiteur pour aller rendre visite aux grands-parents est retardée. Nous l'entendons des clientes de la CIWA qui sont mères d'enfants en bas âge. C'est un problème direct qui arrive tous les jours.
Je suis grand-mère. Je vois ma petite-fille deux fois par semaine pendant toute la journée. Je ne le fais pas seulement pour aider ma fille, c'est une joie, une bénédiction et un trésor. Je veux dire par là que ce n'est pas seulement une question culturelle. C'est une question humaine.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Merci.
Vous nous avez tous fait part d'excellentes observations. Merci.
Pour ceux et celles qui nous regardent, je tiens à mentionner que cette partie de nos séances porte sur la réunification des familles. Vous vous en êtes peut-être rendu compte, mais je voulais le dire.
La première question va à Mme Grewal.
M. Bill Siksay: J'invoque le règlement. S'il vous plaît, pouvons-nous nous assurer que les témoins savent qu'ils peuvent utiliser les appareils d'interprétation? Je vais le rappeler constamment pour qu'il n'y ait pas de moment de confusion.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Je vais jouer l'agente de bord. Vous avez des écouteurs et un récepteur; il vous suffit de brancher les écouteurs dans le récepteur, de trouver le canal qui vous permet d'entendre quelque chose, puis les boutons du haut et du bas sont pour le volume. Le premier canal est pour la traduction.
Madame Grewal.
Mme Nina Grewal: Merci, madame la présidente.
Merci à vous tous de votre temps et de vos exposés.
J'entends qu'il y a trop d'inconvénients dans le système d'immigration. À votre avis, que pouvons-nous tous faire pour rendre notre système plus efficace?
M. Rob Bray: Il y a beaucoup de choses et il y en a qui ne semblent pas logiques prises isolément, mais qui seraient utiles combinées aux autres. Par exemple, il n'y a pas assez d'agents d'immigration, c'est peu dire. Il faut des années pour traiter les dossiers parce qu'il n'y a simplement pas assez de monde pour les traiter. Cependant, il ne suffit pas d'ajouter de nouveaux agents, tant qu'on a des quotas, cela ne fera aucune espèce de différence. Pardonnez mon vocabulaire un peu trop familier.
Si d'une part, plus de ressources étaient investies dans le système et que d'autre part, nous rétablissions la catégorie des parents aidés et que nous nous débarrassions de ce ratio complètement arbitraire et injustifiable de 60-40, qui n'a aucun bon sens à mon avis, si nous entreprenions toutes ces choses en même temps, je crois que tout irait mieux.
On retouche beaucoup les règles et les usages sur la façon de faire, mais je le répète, tant qu'il y aura des quotas, cela ne servira pas à grand-chose.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Merci.
Madame Pask.
Mme Diane Pask: Je pense que tout le monde est parfaitement d'accord. Il y a un manque de ressources pour traiter les demandes. C'est un problème. Il ne s'agit pas seulement des ressources au Canada, même si c'est un problème évident, mais aussi des ressources dans d'autres parties du monde. Ce ratio de 60-40 n'a aucune raison d'être. En ce qui me concerne, ce n'est qu'un chiffre.
À (1050)
M. Abdul W.M. Souraya: J'aimerais ajouter quelques observations personnelles en réponse à votre question, parce qu'elle est très vaste, madame Grewal.
Il ne faut pas oublier que ce sont des personnes qui sont en cause en immigration. Je l'entends de partout, qu'on soit musulman, juif, inuit ou libanais, l'immigration au Canada est de plus en plus tendue. Je pense qu'il faut rétablir la dignité dans ce processus. Il s'agit de personnes. Je me balance de ce que les gens disent. La meilleure définition que j'ai entendue d'un Canadien, c'est qu'il s'agit d'un immigrant qui a de l'ancienneté. Je pense que c'est la définition qui devrait paraître dans Loi sur l'immigration.
Je trouve tellement ironique de voir une personne qui vient du Moyen-Orient ou d'ailleurs être en position d'autorité et donner des ordres aux gens comme s'il s'agissait de bétail, leur ordonner de faire la queue pour qu'on s'occupe de leurs affaires. Beaucoup trouvent cette attitude insultante; je la trouve dégoûtante et obscène. Je pense qu'il faut apprendre à nos agents et à tous ceux qui sont investis de pouvoirs à être un peu plus sympathiques et à se remémorer l'époque où l'immigration était synonyme d'expansion du pays, qu'elle était porteuse d'enthousiasme et de promesses, qu'on ne se contentait pas de dire : « Qui êtes-vous? Que voulez-vous? Que pouvez-vous faire pour nous? Et si vous ne pouvez rien faire, foutez le camp. »
Je suis désolé. Merci.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Je vois que cela vous bouleverse beaucoup.
M. Abdul W.M. Souraya: Je ne sais pas ce qui vous a donné cette impression, madame Ablonczy!
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Merci.
Ce sont de bonnes observations.
Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci, madame la présidente.
J'aurais une question un peu dans la même veine que ce dont vient de parler M. Souraya, c'est-à-dire l'importance de la communauté musulmane à Calgary et en Alberta en général. Avez-vous quelques chiffres pour nous donner un aperçu de l'importance, en termes de nombre, de la communauté musulmane en Alberta?
[Traduction]
M. Abdul W.M. Souraya: Monsieur Clavet, c'est une bonne question. J'ai diverses estimations, qui vont d'aussi peu que...
M. Roger Clavet: Donnez-moi un chiffre général.
M. Abdul W.M. Souraya: Les gens d'origine musulmane représenteraient aussi peu que 40 000 et autant que 80 000 personnes à Calgary.
[Français]
M. Roger Clavet: Depuis le 11 septembre 2001, il y a évidemment eu un frein. Avez-vous noté une différence dans le nombre de demandes qui ont été acceptées depuis cette date?
Vous parliez d'éducation. Avez-vous l'impression qu'on peut aussi poursuivre dans ce sens, non seulement pour le mariage, mais dans la sélection et dans les critères un petit trop identifiables à la communauté musulmane? Est-ce qu'il y a un travail à faire à ce niveau pour qu'on cesse d'ostraciser la communauté musulmane? Il n'y a pas que des réseaux d'Al-Quaïda à la grandeur du pays, il y a des gens qui veulent entrer ici. Avez-vous l'impression que la sensibilisation des agents doit inclure cela aussi, et à tous les niveaux?
[Traduction]
M. Abdul W.M. Souraya: Vous avez beaucoup de questions.
Je n'oserais jamais prétendre pouvoir évaluer si le nombre de demandes de musulmans acceptées au Canada a diminué depuis le 11 septembre, mais je peux vous dire, monsieur Clavet, que la collectivité musulmane de Calgary et du reste du monde se sent naturellement, on peut le comprendre, un peu plus tendue parce qu'elle est catégorisée et qu'on l'examine avec plus de prudence. Les hommes musulmans, qu'ils présentent une demande en tant que visiteurs ou autrement, sont traités différemment dans le monde; je ne parle pas seulement des points d'entrée canadiens, mais du monde entier.
Il y a une insécurité, une paranoïa qui existe à cause du 11 septembre. Bon nombre des nouvelles dispositions de la LIPR sont sorties des entrailles du 11 septembre. Nous avons entendu dire hier que les États-Unis prévoyaient imposer à tous les Canadiens d'avoir un passeport dans leurs déplacements. La sécurité est le nouveau thème du XXIe siècle, et les musulmans se sentent les plus visés.
[Français]
M. Roger Clavet: Monsieur Bray, j'aimerais que vous nous donniez l'exemple de la famille afghane sans mari. Vous avez vu plus qu'une famille divisée, vous avez vu, à la limite, l'exemple d'un success story. Vous avez vu beaucoup de choses que nous ne voyons pas toujours.
Pensez-vous que c'est seulement une question arithmétique qui se résume à 60 p. 100 pour l'économie et 40 p. 100 pour la réunion des familles? Pensez-vous qu'en changeant les nombres, on va changer les mentalités?
À (1055)
[Traduction]
M. Rob Bray: La plupart des Canadiens qui ne sont pas très bien informés sur l'immigration ont tendance à croire que beaucoup plus d'immigration qu'il y en a vraiment est de la catégorie familiale. Ils ont tendance à croire que des frères peuvent parrainer leurs frères et soeurs, mais ce n'est pas le cas. Je pense que si l'on sondait leur opinion, la plupart des Canadiens se diraient plutôt favorables à l'idée que les parents rejoignent leurs enfants et que les frères et soeurs s'entraident. Je ne crois pas que l'idée soit très difficile à vendre.
Nous allons parler des compétences et des titres de compétences cet après-midi, mais dans cette belle histoire particulière, j'aimerais présenter la chose de la façon qui suit. Le Canada a surtout besoin d'enthousiasme; il faut qu'on puisse voir les progrès, les gens qui survivent et les gens qui se battent; je pense qu'on peut voir tout cela dans un camp de réfugiés, franchement. C'est un vrai bon endroit pour chercher ce genre d'attitude. Honnêtement, la vaste majorité des immigrants dans ce pays réussissent très bien, et la deuxième génération réussit encore mieux. Je pense qu'il ne faut jamais oublier que l'arrivée d'une famille immigrante n'est jamais un événement ponctuel, il faut penser aux enfants de cette famille, aux enfants de leurs enfants et à leur influence sur le pays.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Merci.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins. Vos présentations sont extrêmement utiles et éloquentes.
Monsieur Souraya, votre exposé m'a beaucoup intéressé, surtout en cette période où nous avons ce grand débat au Canada sur la définition du mariage, comme le disent certaines personnes. Pendant longtemps, nous avons tous cru que nous savions ce que signifiait le mariage au Canada alors qu'il y a des notions bien différentes du mariage depuis de nombreuses années. Je n'étais pas au courant de la situation que vous avez décrite ce matin, et je peux comprendre les difficultés que cela représente. Je vous remercie de nous avoir fait part de ce problème et je conviens qu'il faudra s'y attaquer.
Je crois qu'il y a de nombreuses autres notions du mariage qui, selon mon expérience, sont différentes de ce que nous croyons. Celle que vous nous avez décrite en est une. Le fait de conclure un mariage arrangé est bien loin de mon expérience personnelle, mais c'est une situation qui est commune maintenant au Canada. Je vous remercie d'en avoir parlé et j'espère que notre société va se ressaisir et comprendre les différentes notions qui existent dans notre pays sur cette question. En tant qu'homosexuel, je suis particulièrement heureux que notre communauté fournisse l'occasion de tenir ce genre de débat, et j'espère que les perceptions vont s'élargir.
La question que j'aimerais vous poser porte sur le ratio 60-40 dont nous avons parlé et l'immigration de type économique et celle visant le regroupement des familles. À un certain nombre de reprises, le comité a entendu des gens qui ont décrit le succès et le bonheur relatifs des nouveaux immigrants. Ce que j'entends surtout, c'est que les immigrants de la catégorie regroupement familial ont tendance à être plus heureux et à avoir plus de succès lorsqu'ils viennent au Canada. Nous avons entendu parler des grandes frustrations concernant les titres de compétences étrangers et la quasi-hypocrisie dont nous faisons preuve lorsque nous accordons des points aux gens et que nous ne les laissons pas travailler dans leur domaine lorsqu'ils arrivent au Canada, ainsi que toute la frustration qui en découle. Des organisations qui s'occupent des questions d'établissement et d'immigration nous ont parlé de la colère de ces gens, qui prend des proportions telles que certains intervenants doivent prendre des mesures pour se protéger dans les salles d'entrevue, etc.
Je me demande donc si vous pouvez faire des commentaires sur le bonheur relatif des différentes catégories d'immigrants que nous accueillons, nous dire où nous obtenons de meilleurs résultats à ce chapitre et nous parler de la colère ou de la frustration que vous rencontrez et de la façon dont vous faites face à cette situation.
M. Rob Bray: J'ai tenu des consultations directes et personnelles auprès de 3 000 à 4 000 immigrants. Je peux vous dire ceci : je ne connais pratiquement aucun indicateur de succès au Canada. La connaissance de l'anglais à votre arrivée n'influe aucunement sur votre réussite, selon mon expérience. Globalement, votre niveau d'éducation n'a pas beaucoup d'incidence sur votre réussite. Le seul facteur qui semble contribuer au bonheur, c'est d'avoir une famille avec vous—être marié et avoir des enfants. L'autre facteur, c'est d'avoir des membres de votre famille au Canada. Selon moi, ces indices présagent d'un plus grand succès.
Pour ce qui est du bonheur et de la frustration, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Il y a passablement de colère et de frustration. Je dirais que ces sentiments sont plus vifs dans les cas de regroupement familial que lorsqu'il est question des titres de compétences, mais ils sont présents dans les deux cas. Dans les deux cas également, les immigrants doivent composer avec un système insensé. Ils sont sujets à ces sentiments, et nous ne pouvons pas faire grand-chose sauf compatir—et témoigner devant des comités permanents en espérant faire changer un peu les choses.
Á (1100)
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Merci.
Madame Pask.
Mme Diane Pask: Ce dont les clientes de la CIWA nous parlent surtout, c'est l'isolement, c'est-à-dire ne pas avoir certains membres de la famille auprès d'elles, avoir un bébé dans un pays étranger sans la présence de la mère de l'époux ou de sa propre mère. Selon nous, ce sont les facteurs qui semblent influer sur l'intégration.
Je dois dire toutefois que nous n'avons pas mené d'étude. Ce serait trop ambitieux par rapport aux ressources dont dispose un organisme comme la CIWA, mais je crois que le comité permanent pourrait envisager pareil sondage, parce qu'il s'agit d'une question fondamentale.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Merci.
M. Bill Siksay: Ai-je le temps de faire un bref commentaire?
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Il vous reste 15 secondes.
M. Bill Siksay: Eh bien, je vais les utiliser.
Je voulais tout simplement dire que l'élargissement de la définition de la famille me tient beaucoup à coeur. J'ai déjà proposé un projet de loi d'initiative parlementaire à cet effet, qui n'a pas été adopté à la Chambre. Je crois qu'il est très difficile, même à la Chambre des communes, de faire comprendre aux députés à quel point c'est important et comment nous pouvons y arriver. C'est une tâche qui me paraît importante et qui reste à faire, même au Parlement.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): C'était une excellente publicité, monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Je crois que vous m'avez donné de bonnes leçons, madame la présidente!
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Monsieur Anderson.
L'hon. David Anderson: Merci beaucoup.
J'aimerais aussi remercier les témoins de leurs exposés, qui nous sont très utiles.
Si je peux me placer à l'autre bout de la lorgnette pour quelques instants... Comme entrée en matière, permettez-moi de dire que l'Alberta a la réputation d'être une province très optimiste. De nombreux immigrants y ont été très prospères. Fort McMurray a connu une vaste expansion grâce à sa population d'immigrants. Je lisais un article sur des immigrants du Venezuela qui sont arrivés à Fort McMurray; ils portaient des sandales lorsqu'ils sont débarqués de l'avion et ils ont gelé avant d'arriver au terminal.
En d'autres termes, la province a acquis beaucoup d'expérience dans l'intégration des immigrants. En me plaçant de l'autre côté de la lorgnette, j'aimerais vous demander quelles sont les leçons et les réussites qui pourraient s'appliquer ailleurs au pays, que ce soit pour la regroupement des familles ou autre chose.
Encore une fois, il s'agit d'une province très riche. L'immigration relève autant de la compétence de la province que du gouvernement fédéral. La main-d'oeuvre relève presque exclusivement de la province, et bon nombre de questions dont nous avons parlé concernant l'emploi et la formation sont du ressort exclusif du gouvernement fédéral.
Voici donc la province qui a le plus de chances de maximiser les programmes provinciaux et qui a peut-être le plus d'optimisme. Je me demande si vous pouvez nous parler des succès de l'Alberta dont ma province, la Colombie-Britannique, et d'autres provinces canadiennes pourraient tirer des leçons.
M. Rob Bray: J'aimerais plutôt vous faire remarquer que c'est au Manitoba que l'on trouve les meilleures pratiques dans ce domaine, et de loin. C'est que le gouvernement de cette province a une attitude énergique et positive à l'égard de l'immigration. Ici, en Alberta, l'immigration ne fait pas vraiment partie des plans du gouvernement provincial. La province obtient de bons résultats parce qu'elle est très riche, mais je ne crois pas que le gouvernement a choisi délibérément de favoriser l'immigration.
Par exemple, la province de l'Alberta n'injecte pratiquement aucune somme d'argent dans l'apprentissage de l'anglais, langue seconde; ces services sont financés strictement par le gouvernement fédéral. D'ailleurs, la liste d'attente est très longue ici, à Calgary. Par contre, le gouvernement de l'Alberta investit beaucoup dans les programmes d'emploi et de formation, beaucoup plus que tout autre gouvernement, ce qui a donné d'assez bons résultats, en particulier à Fort McMurray. Les gens ici se trouvent un emploi plus rapidement que partout ailleurs, mais je doute que ce soit à cause d'une politique délibérée plutôt qu'en raison de notre économie.
Je ne sais pas quelles sont les leçons que nous pourrions partager, sauf que le gouvernement fédéral et la province travaillent en étroite collaboration, ce qui n'est pas le cas ailleurs au pays.
Á (1105)
Mme Diane Pask: Lorsque nous parlons des réussites, il faut se rappeler une chose. La CIWA a mis au point un certain nombre de programmes très inhabituels pour permettre aux femmes d'obtenir des emplois et de sortir de chez elles et pour s'attaquer aux problèmes dont nous avons déjà parlé. Un de ces programmes, qu'on appelle Pebbles in the Sand, a été primé sur la scène internationale. Lorsque vous demandez quels sont les pays dont nous devrions examiner les programmes, je vous répondrais que vous devriez vous pencher sur les programmes très novateurs que la directrice exécutive de la CIWA a mis au point.
Mme Loretta Melnychuk (vice-présidente, Calgary Immigrant Women's Association): Pourtant, nous avons de la difficulté à obtenir du financement pour des programmes comme Pebbles in the Sand. Je ne peux pas parler du financement du gouvernement; je ne m'y connais pas autant que ma collègue, Zemeta.
Je peux dire que nos programmes peuvent facilement être transposés et élargis et que si nous recevions plus d'argent, nous pourrions créer plus de possibilités. Je fais un lien entre ce que vous avez dit à propos des possibilités qu'offre l'Alberta et la question du bonheur, parce que ce sont les possibilités et les perspectives d'avenir qui créent le bonheur et une famille unie. Le fait d'être capable d'amener votre famille ici, d'avoir votre réseau de soutien et de pouvoir soutenir votre famille, voilà ce qui crée une base solide sur laquelle peut reposer la citoyenneté canadienne. Ces conditions créent un environnement dans lequel les gens ne seront pas aliénés, comme quelques-uns de mes amis qui ont vécu des expériences d'immigration difficiles et qui commencent à se sentir plus aliénés qu'intégrés à la société canadienne.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Merci, monsieur Anderson. Votre temps est presque écoulé, alors j'imagine que vous n'avez pas d'autres questions.
Nous allons écouter M. Temelkovski.
M. Lui Temelkovski: Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis ravi de vous voir occuper le fauteuil.
Merci pour votre présentation. Nous avons beaucoup parlé des chiffres, du rapport 60-40, du nombre de réfugiés que le Canada peut accueillir. Trois mille arrivent à Calgary. Nous pourrions en accepter 10 000 et les traiter adéquatement. De plus, si nous élargissions la définition de la famille, un plus grand nombre de personnes pourraient venir au Canada. Par contre, notre capacité à l'heure actuelle ou les délais d'attente ne sont pas satisfaisants. Que devons-nous faire? Donnez-nous des idées concrètes.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Monsieur Bray.
M. Rob Bray: À l'heure actuelle, avec les taxes d'établissement et les droits non remboursables qui doivent accompagner les demandes, CIC fait plus d'argent qu'il n'en dépense dans ses services. En général, l'immigration s'autofinance. Si vous augmentez le nombre, vous augmentez également votre part et vous pouvez vous permettre d'offrir davantage.
Deuxièmement—et je tiens à le préciser—, les 3 000 réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé n'arrivent pas à Calgary, mais bien dans l'ensemble du Canada. Le bureau des visas à Nairobi peut traiter 750 parrainages privés au cours d'une année; il reçoit 1 500 demandes par mois. L'ajout de quelques agents pour traiter ces demandes de façon plus humanitaire représenterait, selon moi, une dépense insignifiante dans la balance des dépenses publiques. Comme je l'ai déjà dit, cette activité s'autofinance probablement, compte tenu des droits actuellement imposés.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Madame Pask.
Mme Diane Pask: Un point que nous n'avons pas vraiment abordé encore est toute la question de l'examen pour des raisons d'ordre humanitaire. Ces raisons entrent en jeu essentiellement lorsque des parents ou des enfants sont déportés, à cause en règle générale d'une quelconque activité criminelle.
Il s'agit-là à mon avis d'un grave problème d'assimilation de la famille. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut parler d'assimiler des immigrants à la société canadienne quand on leur enlève une partie de leur famille. C'est une question grave. Il ne semble pas, aux yeux de la plupart des observateurs, qu'il y a beaucoup d'humanité ou de compassion dans ces décisions. Je crois que c'est à cause d'un manque de ressources, d'un manque de temps. La façon d'essayer de régler les problèmes rapidement—de faire plus avec moins—, c'est d'avoir des textes standards; on coche les raisons. C'est ce qui se produit. Et les raisons ne reflètent pas vraiment ce qui s'est réellement produit ou va se produire.
Je souscris à ce qu'a dit le témoin précédent au sujet de l'impact qu'aurait l'ajout de quelques agents. C'est vrai, et le processus d'examen pour des raisons d'ordre humanitaire y gagnerait beaucoup.
Á (1110)
M. Lui Temelkovski: Je peux peut-être poursuivre. J'ai mentionné qu'un élargissement de la définition de la catégorie des parents fera augmenter le nombre de personnes admissibles. Auriez-vous un chiffre à avancer quant au nombre de personnes que nous devrions accueillir chaque année, par opposition au nombre actuel?
Mme Diane Pask: Par opposition à l'actuel quart de million?
M. Lui Temelkovski: Oui.
Mme Diane Pask: Voilà qui nous amène à toute la question de la capacité d'accueil de nos villes. Je ne suis pas sûre qu'il existe une réponse satisfaisante à cette question. Pour ma part, je ne crois pas que les études menées jusqu'ici nous aident vraiment à cerner la problématique. On en revient au point qui a été mentionné tout à l'heure, soit les perspectives d'emploi. S'il est impossible de se trouver un emploi, le reste n'a pas d'importance.
M. Rob Bray: Le point que nous tentons de faire valoir, et je sais que d'autres témoins entendus par votre comité ailleurs au pays l'ont aussi souligné, c'est qu'il n'est peut-être pas nécessaire d'augmenter le nombre total, qu'il suffirait peut-être de changer la règle du 60-40, de modifier l'équilibre entre ceux qui immigrent comme travailleurs qualifiés indépendants et les réfugiés et les parents. On obtiendrait peut-être de bons résultats si le rapport était de moitié-moitié, si on favorisait un peu plus la catégorie des parents.
Cependant, à mon avis, la proposition du Parti libéral d'accueillir 1 p. 100 par année est vraiment bonne, et je crois certes que le Canada pourrait le faire sans trop de mal. Dix mille personnes choisissent d'immigrer directement à Calgary, chaque année, et nous en accueillons probablement 10 000 autres qui sont arrivées à Toronto, à Montréal ou à Regina et qui viennent ici comme à peu près tout le monde au pays. Je soupçonne que nous accueillons entre 15 000 et 20 000 nouveaux immigrants à Calgary chaque année, et je ne crois pas que nous en souffrions. Tout va à merveille, merci.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Parfait. Voilà qui pourrait faire l'objet d'un débat fructueux, mais nous allons maintenant passer à notre photographe officiel, M. Telegdi.
L'hon. Andrew Telegdi: Madame la présidente, je vous remercie beaucoup.
Quand nous étions à Regina hier, la ministre provinciale de l'Immigration, Pat Atkinson, a laissé entendre que nous aurions peut-être intérêt à élargir la catégorie des parents. Un de nos buts est d'essayer de disséminer les avantages de l'immigration un peu partout au pays. Ce qu'elle a dit, c'est que si vous avez simplement quelques personnes, une famille, qui se pointent quelque part où il n'y a personne de la même origine ethnique, il devient très difficile pour elles de s'établir. Par conséquent, elle suggère que nous fassions preuve d'un peu plus de créativité dans la façon dont nous envisageons l'élargissement de la catégorie des parents, et j'ai tendance à être du même avis. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Rob Bray: Je suis d'accord avec la ministre.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): M. Bray est devenu l'incarnation même de la brièveté.
Monsieur Souraya.
M. Abdul W.M. Souraya: Je souscris aux propos tant de M. Bray que de Mme Pask, soit qu'il faudrait examiner un peu plus attentivement la catégorie des parents. Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure. Il faut vraiment changer notre attitude à l'égard de l'immigration. L'immigration est un phénomène positif, avantageux, par opposition à quelque chose qui est nécessaire ou que nous préférions ne pas accroître. Je crois vraiment que nous pouvons accueillir plus d'immigrants, comme l'a souligné M. Bray. Cela ne va pas nous nuire. Nous avons besoin de plus d'immigrants, et je crois qu'il faut élargir la catégorie des parents.
L'hon. Andrew Telegdi: Tout le monde s'entend pour dire que l'immigration est un élément vital du Canada et qu'elle continuera de l'être. Étant donné le genre de populations que nous recherchons, nous devons être beaucoup plus créatifs et accueillants parce que nous faisons face à la concurrence de plusieurs pays qui s'y prennent mieux que nous.
Á (1115)
M. Abdul W.M. Souraya: Je conserve espoir, parce que j'estime qu'avec le temps, ceux qui prennent les décisions changeront et, donc, que les politiques changeront également. L'immigration viendra naturellement en Amérique du Nord, particulièrement au Canada. Je ne perds donc pas espoir.
L'hon. Andrew Telegdi: Je vous remercie.
M. Rob Bray: Les autres pays ne font pas mieux que nous. Le Canada est vu par le reste du monde comme le chef de file en ce qui concerne les pratiques d'immigration. Dans mon secteur, les Européens passent leur temps à nous inviter pour que nous leur montrions comment mieux faire.
Par ailleurs, 17 p. 100 des Canadiens ne sont pas nés au Canada. Il n'y a pas d'autre pays au monde qui accueille autant d'immigrants par rapport à sa population.
L'hon. Andrew Telegdi: Le taux de l'Australie est un peu plus élevé.
M. Rob Bray: Plus de 17 p. 100? Les Américains se situent à 10 p. 100.
L'hon. Andrew Telegdi: On nous les cite comme étant beaucoup plus rapides pour traiter les demandes et tout le reste. Ce n'est pas quelque chose pour laquelle nous voudrions être au deuxième ou au troisième rang. Nous tenons à être les premiers.
M. Rob Bray: Ils ont aussi des camps d'internement.
L'hon. Andrew Telegdi: Je ne vous contredis pas là-dessus, car je déteste ces camps, mais ils se débrouillent tout de même mieux que nous à certains égards.
Je vous remercie.
La présidente suppléante (Mme Diane Ablonczy): Je remercie tous les témoins pour cette excellente séance et pour leurs exposés.
Le comité va maintenant faire une pause de deux ou trois minutes, après quoi il entamera la séance suivante.
Á (1116)
Á (1121)
Le président: Nous allons amorcer la séance suivante.
Nous allons commencer par entendre Mme Geetha Ramesh, qui dispose de cinq minutes, après quoi nous entendrons tous les autres et passerons à une période de questions et de réponses.
Madame Ramesh.
Geetha Ramesh (à titre personnel): Bonjour! Je suis ravie d'être ici ce matin. En fait, il faudrait plutôt parler d'après-midi.
Je vais vous parler brièvement de la réunion des familles. Je représente le conseil des minorités et l'India Canada Association de Calgary.
J'aimerais commencer par dire que la politique d'immigration canadienne repose sur le principe que les immigrants au Canada s'établiront facilement s'ils ont le soutien de leurs familles. C'est un excellent principe, qui nous plaît à tous et auquel nous aimerions être fidèles.
Toutefois, quelques problèmes nés de toute cette question de réunion de la famille... Il existe des données statistiques selon lesquelles le nombre de mois qu'il faut pour traiter les demandes varie entre 11 et 16 dans la moitié des cas ou entre 23 et 29 mois pour l'autre moitié. Cependant, nous savons qu'il y a beaucoup de chevauchements à cet égard, et j'ai moi-même vécu une expérience prouvant que le processus peut s'étendre sur plus de quatre ans.
J'aimerais aborder avec vous rapidement la raison de ces retards. La principale raison est la pénurie d'agents des visas dans les pays d'origine. Leur nombre est effectivement faible, mais il faut aussi tenir compte des énormes arriérés.
Le deuxième point à retenir, du moins d'après les entretiens que nous avons eus au sein de notre collectivité, c'est que tous ceux dont on exige un visa doivent se soumettre à un examen médical. Par le temps que la personne a subi l'examen médical et que sa demande est examinée, l'année est terminée et il faut tout reprendre du début. Il arrive qu'il faille tout reprendre plus de deux fois.
Le troisième point concerne la preuve des liens familiaux. C'est ici qu'intervient la définition de la famille. Même si elle est claire, je ne crois pas qu'elle soit vraiment transparente dans certains cas.
Mon quatrième point concerne l'analyse de l'ADN. Je sais que c'est une manière très valable d'établir les liens familiaux. Je le sais d'autant plus que je suis moi-même une scientifique, mais CIC impose beaucoup d'exigences inutiles qui sont sources de confusion et qui ne seront pas comprises par monsieur et madame Tout-le-monde.
J'aimerais ensuite parler des contrôles de sécurité que nous savons devoir subir. À nouveau, le harcèlement dont on fait parfois l'objet durant les contrôles de sécurité fend le coeur.
Enfin, ce qui touche vraiment la plupart d'entre nous, ce sont les communications avec les fonctionnaires de CIC. Quand quelqu'un tente de parler avec un fonctionnaire du ministère, il ou elle essaie de comprendre ce que doit faire la personne qui a présenté une demande ou de savoir à quel stade en est l'examen de la demande. Très souvent, la réponse est très sommaire ou parfois sans rapport avec la question. Cela étant dit, j'aimerais vous donner un exemple de conversation avec un agent en ligne. Mes contacts avec quelques-uns d'entre eux ont été horribles. Toutefois, j'ai parlé avec un agent de Vegreville auquel j'aimerais vraiment marquer toute ma reconnaissance, un agent qui a merveilleusement répondu à chacune de mes questions. J'aimerais vraiment qu'on affecte aux cas délicats des personnes d'une grande expérience, parce que c'est là également une raison des retards.
Quel impact cela a-t-il sur la vie de famille? Une séparation prolongée pourrait... Des réfugiés qui sont venus s'établir ici ont des familles qui se trouvent dans des pays où leur vie est vraiment menacée. Ils ne seront pas heureux ici s'ils savent que soit leurs enfants, soit leurs conjoints sont dans une situation dangereuse. Ce sont là les demandes dont il faut vraiment accélérer l'examen.
Deuxième point, il faut prendre conscience de la détresse émotionnelle dans laquelle se trouve une famille quand elle essaie de faire venir ici un parent très proche, un de ses propres membres ou, si vous préférez, un membre de la famille nucléaire. Nous tentons de parrainer quelqu'un qui nous est très cher. Il faut avoir vécu cette détresse émotionnelle pour la comprendre.
Le troisième point concerne la perte de confiance. Prenons l'exemple d'une épouse qui tente de parrainer la venue de son époux et qui est confrontée à beaucoup de retards. L'époux ne va pas comprendre la raison de ces retards. Bien souvent, le couple divorce pour cette seule raison. Il fallait qu'il se sépare en raison de ces retards.
Il faudrait vraiment comprendre la nature de ces questions quand on essaie de savoir ce dont nous avons vraiment besoin. Nous avons besoin de plus de transparence et de plus de compréhension et de nous concentrer sur ces questions.
Á (1125)
Enfin, revenons à la question des relations familiales après la réunification. Il y a des enfants qui n'ont pas vu leurs parents depuis cinq ou six ans. Il y a des conjoints qui ne se sont pas vus depuis plus de cinq ans. Cette situation cause beaucoup de stress émotionnel. La réunification après six ans ne fait qu'ajouter à celui-ci. Or, on pourrait considérablement réduire ce stress si les familles étaient réunies au bout d'un an.
J'aimerais passer brièvement en revue certaines des recommandations que nous avons formulées. D'abord, la réunification des familles est un objectif louable et merveilleux, mais est-ce que le processus lui-même est transparent? Est-ce que nous faisons preuve d'objectivité? Est-ce que nous faisons preuve de responsabilité? Comment devons-nous procéder?
Nous pouvons former les agents des visas qui sont envoyés dans des pays qui comptent plusieurs cultures ou ethnies. Nous pouvons leur expliquer les valeurs culturelles de ces pays, les rendre un peu plus attentifs aux particularités de ceux-ci.
Nous pouvons également réduire les exigences déraisonnables qui visent la production de documents, comme les certificats de mariage, par exemple. De nombreux pays n'enregistrent pas officiellement ces certificats. Que devons-nous faire dans ces cas-là? Est-ce qu'une simple preuve du mariage ne suffirait pas? Non, nous leur demandons constamment de produire des documents qu'ils ne sont pas en mesure de fournir, alors que le pays lui-même ne les a pas.
Ce sont là certaines des questions auxquelles nous devrons nous attaquer si nous voulons rendre le processus plus efficace.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre M. Yu.
M. Haiyang Yu (à titre personnel): Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Haiyang Yu. C'est la première fois que je comparais devant un comité. Je suis un peu nerveux, mais je suis heureux d'avoir l'occasion de vous parler de ma vie et d'un sujet qui me préoccupe, soit les délais de traitement des demandes de parrainage concernant les parents.
J'habite Calgary et j'y travaille depuis 1999. J'aime le Canada pour sa beauté et sa prospérité, sa liberté et son esprit de justice, son égalité et son humanité. Cependant, je suis consterné par la politique actuelle de parrainage des parents. J'aimerais vous faire part de mes inquiétudes à ce sujet, en espérant que vous tiendrez compte, dans vos décisions, des gens comme moi. Je tiens à préciser que je comparais à titre personnel.
En 2001, quand j'étais encore étudiant à l'Université de Calgary, j'ai voulu inviter mes parents à la collation des grades. Malheureusement, l'agent des visas a refusé de leur accorder un visa de visiteurs au motif qu'ils présentaient un risque migratoire. À cette époque, mes parents étaient encore jeunes. Ils étaient médecins dans un hôpital réputé de Chine. Ils avaient de bons emplois et vivaient bien. Je ne vois pas pourquoi ils auraient voulu tout quitter et immigrer.
J'ai été malheureux de cette décision, mais j'ai compris que l'agent avait pensé que, comme mes parents n'avaient aucun enfant en Chine—ma soeur est aux États-Unis—, ils risquaient d'immigrer plutôt que de seulement me rendre visite. Je comprends donc la logique derrière cette décision.
Aujourd'hui, j'ai un bon emploi et je gagne bien ma vie. Mes parents sont âgés et comptent prendre leur retraite. Il est temps, pour moi, de les remercier de tout ce qu'ils ont fait en les invitant au Canada, dans ce beau pays pacifique où je suis déterminé à vivre. Je veux leur montrer quelle belle vie je mène depuis que je les ai quittés.
J'ai décidé de les parrainer, ce qui m'apparaît tout à fait normal dans les circonstances. Peu importe le pays ou les traditions, il est inacceptable que le fils ou les enfants laissent leurs parents âgés vivre et mourir seuls.
J'ai présenté une demande de parrainage en 2003, et j'ai attendu et attendu. Récemment, on m'a informé que le processus avait été retardé et que ma démarche pourrait prendre de huit à dix ans.
Comme citoyen, j'essaie de comprendre ce qui motive ce changement, pourquoi le délai de traitement des demandes de parrainage concernant les parents a été prolongé. C'est sans doute pour des raisons d'ordre économique. Or, la politique en matière d'immigration devrait également refléter les besoins moraux et affectifs de ces citoyens.
Le délai de traitement injustifié n'apporte rien de bon sur le plan humanitaire. Il ne reconnaît pas la contribution des immigrants et ne tient pas compte de leurs besoins. Pour les gens comme moi, dont les parents n'ont pas d'enfants pour les accompagner dans la vieillesse, il est important de partager avec eux la vie heureuse que nous menons au Canada. Il faudrait, au lieu de prolonger le délai, envisager d'autres solutions plus efficaces.
Par exemple, on pourrait relever la barre en matière de parrainage, resserrer l'obligation du parrain de subvenir aux besoins des parents, ou prolonger la période avant laquelle les parents immigrants peuvent présenter une demande d'aide sociale, voire même éliminer celle-ci.
Comme fils, comme enfant, je peux subvenir, sans difficulté, aux besoins de mes parents. Si, toutefois, ces délais sont inévitables, et je comprends qu'il est difficile de prendre des décisions, j'aimerais à tout le moins qu'on allège, à court terme, la restriction qui s'applique aux demandes de visa de visiteur. Autrement dit, il faudrait éviter de rejeter une demande de visa de visiteur présentée par un parent au motif que celui-ci présente un risque migratoire. De cette façon, certains parents, au moins, pourraient rendre visite à leurs enfants durant cette période d'attente interminable pendant laquelle ils pourraient bien mourir.
Á (1130)
Pour terminer, nous sommes des immigrants légaux, sincères et loyaux. Nous avons consacré notre vie à l'avenir de ce magnifique pays. Si vous nous avez accueillis comme membres d'une famille, veuillez s'il vous plaît également accueillir nos parents. S'il vous plaît, aidez les enfants à réaliser leurs rêves. Aidez-nous à mettre fin à ces attentes interminables. Aidez-nous à trouver une autre solution au problème.
Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Nous accueillons maintenant M. Michael Greene et M. Gordon Maynard, de la Section du droit de l'immigration de l'Association du Barreau canadien.
M. Maynard va présenter l'exposé.
Á (1135)
M. Gordon Maynard (Citizenship and Immigration Law Section, Canadian Bar Association; Maynard & Stojicevic, Association du Barreau canadien): C'est M. Greene qui va le faire.
Le président: M. Greene? C'est ce que je pensais, mais peu importe...
M. Michael Greene (président (Section Alberta), Section du droit de la citoynneté et de l'immigration, Sherritt Greenne, Canadian Bar Association, Association du Barreau canadien): Nous allons, en fait, le présenter ensemble.
Je m'appelle Michael Greene. Je suis accompagné de Gordon Maynard. Nous représentons l'Association du Barreau canadien.
L'Association du Barreau canadien regroupe 34 000 avocats de toutes les régions du pays. Nous nous exprimons, aujourd'hui, au nom de la Section du droit de la citoyenneté et de l'immigration de l'ABC, laquelle compte environ 750 membres au Canada. Nous élaborons des politiques. L'Association du Barreau est surtout fière—et c'est là un de nos principaux objectifs—des efforts qu'elle consacre à l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. C'est dans ce contexte que nous comparaissons devant vous aujourd'hui.
Nous avons préparé un mémoire, que vous devriez avoir reçu. Nous allons non pas en faire la lecture, mais insister plutôt sur certains points.
Gordon Maynard est un avocat de Vancouver. Il est le président national sortant de la Section du droit de la citoyenneté et de l'immigration. Il pratique le droit à Vancouver. Je suis un ancien président national de la section. Je préside actuellement la Section du droit de l'immigration de l'ABC pour la région du Sud de l'Alberta.
Nous savons que vous avez rencontré, à Winnipeg, notre collègue Baerbal Langner, qui vous a parlé de questions bien précises. Nous ne les aborderons pas, puisqu'elles figurent dans notre mémoire.
À un moment donné, la réunification des familles constituait le principe dominant et la pierre angulaire de la politique canadienne d'immigration. Or, depuis 15 ans, nous assistons à l'érosion graduelle de ce principe dans la sélection des immigrants. L'élimination de la catégorie des parents aidés, la restriction de la définition de personne à charge et l'adoption de critères d'admissibilité au parrainage plus stricts sont toutes des mesures qui ont été adoptées dans les années 90.
La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés a apporté d'autres modifications à la catégorie du regroupement familial—de nouvelles exigences visant le parrainage et l'appartenance à la catégorie de la famille ont été fixées, et des exclusions touchant les personnes considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial ont été imposées.
Plus important encore, le ministère a adopté des changements de fond qui ne figurent pas dans la loi. Il s'agit de simples changements de fond surtout dictés, comme certains diraient, par les bureaucrates—mentionnons le parrainage de conjoints sans statut au Canada et, plus récemment, le non-traitement des demandes de parrainage concernant les parents et les grands-parents. Cette catégorie, en fait, a été pratiquement supprimée.
Je vais vous parler du parrainage de parents et de grands-parents, et M. Maynard va vous parler des changements qui ont été apportés, par exemple, à l'alinéa 117(9)d)—je ne sais pas si vous en avez beaucoup entendu parler, mais cette disposition est très importante et soulève beaucoup d'inquiétudes—et à l'article 64 de la loi.
Les immigrants éventuels veulent savoir, quand ils arrivent au Canada, s'ils peuvent faire venir leurs parents, et si cela peut se faire dans un délai opportun. Les immigrants qui se sont installés ici, à tout le moins au cours des 50 dernières années, ont toujours cru qu'ils allaient pouvoir réunir leurs familles au Canada par l'entremise du programme de parrainage-parent. Bon nombre d'entre eux—comme M. Yu—sont maintenant étonnés d'apprendre que la politique a été modifiée sans discussion publique et sans bruit, et que le traitement d'une demande, qui prenait de deux à trois ans, peut maintenant s'échelonner sur 15 ou 20 ans.
Le gouvernement ou le ministère tente délibérément, semble-t-il, de supprimer le programme de parrainage de parents et de grands-parents—je vais l'appeler le programme de parrainage parental, mais j'inclus dans celui-ci les grands-parents. Si je dis cela, c'est parce qu'en 1994, nous avons accueilli 41 000 parents et grands-parents. Il y a deux ans, nous en avons accueilli plus de 20 000. L'année dernière, le quota—et il s'agit bien d'un quota—a été ramené de 20 000 à 11 500, et je pense que nous avons accueilli entre 11 000 et 12 000 parents et grands-parents en 2004. Le quota, cette année, a été fixé à 5 500. Donc, il y a dix ans, le Canada accueillait 40 000 parents et grands-parents; il compte en accueillir, cette année, 5 500.
Par ailleurs, on nous dit qu'il y a au moins 110 000 demandes en attente. Si l'on en accepte 5 500 par année—faites le calcul—une personne devra attendre 18 ans avant de faire venir ses parents au Canada. C'est ce que dit le ministère.
Pourquoi? Parce que le cabinet a adopté une règle qui maintient un équilibre 60-40 entre les immigrants économiques et non économiques. C'est l'objectif qui a été fixé. Et parce que le ratio de 40 p. 100 est composé essentiellement de conjoints, de réfugiés, de cas comportant des raisons humanitaires et d'enfants à charge, il faut laisser tomber une catégorie. Il n'y a pas de place pour les parents; il faut les laisser de côté. Voilà pourquoi ils disent que le quota est fixé à 5 500.
À notre avis, le ratio 60-40 n'a jamais été considéré comme une règle rigide ou absolue. C'était un objectif, et nous le reconnaissons. Toutefois, cet objectif n'a jamais été atteint, sauf pendant les trois dernières années.
Á (1140)
Nous n'en sommes pas sûrs, mais nous serions étonnés d'apprendre que le cabinet savait, quand il a fixé l'objectif 60-40, qu'il éliminait effectivement le programme de parrainage parental, car c'est ce qui s'est produit.
Cette politique n'est pas encore devenue loi. Le cabinet n'a adopté aucun règlement. Il ne s'agit que d'une politique. Toutefois, elle va à l'encontre de l'alinéa 3(1)d) de la loi. Il faut tenir un débat public là-dessus. C'est très important.
Nous pensons également que le ministère doit faire preuve de transparence. Le centre de Mississauga n'a traité aucune demande de parrainage depuis près de deux ans—pas une seule. Or, le site Web du ministère laisse entendre que le traitement d'une demande prend vingt mois. C'est faux. S'il ne compte pas traiter les demandes, qu'il le dise ouvertement.
Je répondrai plus tard à vos questions. M. Maynard va vous parler de l'alinéa 117(9)d) du règlement.
M. Gordon Maynard: Merci.
Je vais parler de deux dispositions législatives, soit l'alinéa 117(9)d) et l'article 64. Les avocats aiment parler de règlements, c'est leur travail. J'espère que je ne vous perdrai pas en chemin. Je vais vous donner certains exemples pour illustrer la façon dont s'appliquent ces mesures et les problèmes qu'elles posent. Ces dispositions ont de graves conséquences sur les questions touchant la famille.
D'abord, l'alinéa 117(9)d), qui s'intitule Personnes n'étant pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial, est un règlement punitif. Mais qui punit-il, demandez-vous? Il punit les résidents permanents et les citoyens canadiens naturalisés dont les conjoints ou les enfants ne les accompagnaient pas au moment de leur entrée au Canada et qui n'ont pas, par conséquent, fait l'objet d'un contrôle au moment opportun. La punition est que vous ne pouvez plus parrainer votre conjoint ou vos enfants sous la catégorie du regroupement familial.
Il y a beaucoup de cas variés, mais laissez-moi vous donner un exemple. Une aide familiale venant des Philippines travaille au service d'une famille canadienne. Elle a un enfant. Au moment d'obtenir un permis de travail, elle n'a pas dit qu'elle avait un enfant; peut-être que celui-ci était pris en charge par sa soeur. La dame croyait que si elle divulguait l'existence de son enfant, elle pourrait être disqualifiée. Ce n'est pourtant pas le cas. Elle arrive donc au Canada et travaille pendant deux ans. Elle obtient sa résidence permanente et est ensuite admissible à la citoyenneté canadienne. C'est alors qu'elle désire faire venir son enfant au Canada. L'alinéa 117(9)d) l'interdit. Cet enfant n'est plus considéré comme un membre de la famille parce qu'il n'a pas fait l'objet d'un contrôle lorsque sa mère a obtenu le statut de résidente permanente.
Il pourrait aussi s'agir d'un travailleur qualifié qui est divorcé et a des enfants, mais dont ceux-ci sont la responsabilité de son ancienne épouse. Ce travailleur dit à l'agent d'immigration qu'il a une ex-femme et des enfants, mais qu'il n'a pas l'intention de les faire immigrer au Canada. Ses enfants ne sont donc pas contrôlés puisqu'il y a eu renonciation. Il vient donc au Canada. Cinq ans plus tard, son ex-femme décède et il doit alors prendre soin de ses enfants. Il demande donc de les parrainer. Il ne peut pas car l'alinéa 117(9)d) stipule que ses enfants ne sont plus admissibles à la catégorie du regroupement familial.
La déception est parfois volontaire, comme c'est le cas des gens qui n'ont pas divulgué l'existence d'un conjoint ou d'enfants dans leur demande d'immigration sachant très bien que celle-ci serait refusée en raison de l'inadmissibilité de ce conjoint ou de ces enfants. Le problème avec ce règlement, c'est qu'il met tout le monde dans le même panier; il punit tous ceux et celles dont les dépendants, qui ne les accompagnaient pas, n'ont pas été contrôlés. Il n'y a aucun pardon possible. Il est impitoyable car une fois ces dépendants exclus de la catégorie du regroupement familial, il n'y a aucun droit d'appel auprès de la Section d'appel de l'immigration.
La Section d'appel a été établie, notamment, pour revoir les cas de refus des demandes de parrainage familial et parce qu'il a été reconnu que les Canadiens naturalisés et les résidents permanents voulant faire venir un membre de la famille proche avaient un intérêt légitime à faire revoir la décision pour s'assurer que les règles de droit et d'équité avaient été suivies et que la décision était appropriée. Les gens pris au piège par l'alinéa 117(9)d) n'ont pas accès à la Section d'appel. La décision revient entièrement aux agents d'immigration qui sont les seuls à déterminer s'il y a des considérations d'ordre humanitaire. Le problème, c'est que les agents d'immigration ne sont pas en mesure de prendre de telles décisions car, d'un côté, on leur dit de ne pas laisser entrer les gens et, de l'autre, qu'ils peuvent utiliser leurs pouvoirs discrétionnaires.
En ce qui a trait à la recommandation de l'ABC à cet égard, nous ne sommes pas contre le fait que des gens puissent perdre le droit au parrainage pour avoir omis de divulguer des dépendants, mais chaque cas doit être examiné attentivement. Nous sommes d'avis que la non-divulgation devrait être un motif de révision de l'inadmissibilité et relever de la Section d'appel pour s'assurer que les règles de droit et d'équité prévalent dans chaque cas. Cette mesure serait appropriée vu que le parrain serait un citoyen canadien ou un résident permanent et qu'il est question de conjoints ou d'enfants légitimes.
J'aimerais aussi parler de l'article 64. Cet article était très contesté dans la Loi sur l'immigration au moment de l'entrée en vigueur de la LIPR. Cet article stipule qu'un résident permanent peut être expulsé pour des raisons de grande criminalité, et ce sans droit d'appel.
Lorsque l'ABC s'est exprimée à ce sujet dans le cadre d'un examen parlementaire, nous avons mis en garde le comité contre l'abrogation du droit d'appel et l'absence dans la loi d'une procédure de révision des circonstances équitables de chaque cas soumis. Le ministère et le ministre ne voulaient pas qu'un droit d'examen soit inscrit dans la loi, mais ils ont néanmoins assuré au Parlement et au comité parlementaire qu'il y aurait un processus de révision minutieux, juste et entier des circonstances des cas et que des agents s'en chargeraient, même si ce n'était pas du ressort de la Section d'appel. Ils ne voulaient pas toutefois que ce soit inscrit dans la loi.
Á (1145)
Au cours de la dernière année, nous avons vu diverses causes devant les tribunaux fédéraux concernant des résidents permanents qui ont fait l'objet de mesures de renvoi sans avoir le droit d'interjeter appel et qui n'ont jamais eu l'occasion de se défendre ni de voir leurs circonstances équitablement prises en compte. Les décisions des tribunaux ont été partagées, mais elles reconnaissent qu'il n'y a aucun droit de révision ou d'examen des circonstances, si ce n'est pas prescrit dans la loi. On ne peut donc pas examiner les circonstances familiales des personnes au Canada, ce qui peut mener à une séparation injuste des membres d'une famille.
Nous recommandons de modifier le règlement pour exiger que des agents puissent revoir les circonstances particulières, dont celles touchant la famille, des résidents permanents visés par l'article 64 ou que les lignes directrices stipulent clairement qu'il doit y avoir un processus de révision approprié.
Merci beaucoup. Veuillez m'excuser d'avoir pris plus de temps que prévu.
Le président: Merci.
Madame Woo-Paw.
Mme Teresa Woo-Paw: Merci.
Je vais faire de mon mieux pour être brève car vous savez déjà comment le Conseil ethno-culturel est arrivé à l'exposé qu'il vous présente aujourd'hui.
Puisque vous avez intitulé ces consultations « Une chance de vous faire entendre », j'aimerais vous dire que vous entendrez aujourd'hui la voix de ceux et celles qui sont touchés directement par ces politiques. J'espère que vous aurez l'occasion de poser des questions aux gens qui sont ici aujourd'hui.
Voici les personnes qui m'accompagnent : Mme Kuldeep Jagdev, facilitatrice du forum sur la réunification des familles; Mme Ayaan Ismail, de la Somalie, qui vit au Canada depuis 12 ans, mais qui a toujours le statut de réfugiée. Ses enfants sont nés au Canada et y vivent depuis leur naissance, mais la famille n'a pas accès aux soins de santé universels. Il y a aussi M. Abbasi, qui attend depuis neuf ans l'obtention du statut de résident permanent. Il est séparé de sa famille et de ses enfants depuis près de 10 ans.
Pour ma part, je suis également une immigrante.
J'aimerais vous dire brièvement que je suis maintenant entourée de plus de 70 membres de ma famille en Alberta. Lorsque nous nous rassemblons, nous devons porter une insigne porte-nom. Vous savez, le bonheur pour nous, les Chinois, c'est aussi de savoir que des gens visiteront votre tombe après votre mort. Mes grands-parents sont donc très heureux puisqu'il y a beaucoup de gens qui les visitent en Alberta, au Canada.
Mes commentaires seront très brefs. Je ne ferai que souligner nos recommandations.
Comme l'a mentionné le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes, un des objectifs en matière d'immigration est d'encourager l'autosuffisance et le mieux-être des immigrants et des réfugiés en facilitant la réunification des familles au Canada.
Lors du forum tenu par le comité à Calgary, des participants se sont dits préoccupés par la diminution du soutien gouvernemental à l'égard de l'immigration s'inscrivant dans la catégorie du regroupement familial et de la réunification des familles. On constate que le pourcentage d'immigrants dans la catégorie du regroupement familial est passé de 45 p. 100 au début des années 1980 à seulement 25 p. 100 en 2001.
Premièrement, pour reprendre une des recommandations dans notre mémoire, nous croyons que ceux et celles ayant obtenu le statut de réfugié auprès de la CISR devraient obtenir leur résidence permanente dans les 60 jours suivant la réception de leur demande, puisque la CISR aura ainsi déjà validé leur identité.
Deuxièmement, il faudrait assurer une meilleure transparence, objectivité et responsabilisation dans le cadre du processus d'évaluation. Par exemple, il faudrait surveiller rigoureusement les ambassades canadiennes, embaucher des évaluateurs compétents sur le plan culturel, réduire les délais de traitement des demandes et supprimer tout facteur pouvant influencer indûment les évaluations.
Troisièmement, il faudrait assouplir les conditions de parrainage de membres de la famille en réduisant l'engagement de dix ans à deux ou trois ans; en enlevant l'exigence concernant les langues officielles et les vérifications de sécurité des réfugiés, et en faisant preuve d'indulgence à l'égard des parrains lors d'événements imprévus, comme un divorce, une maladie, un accident, de la violence physique ou lorsqu'un membre de la famille ou un dépendant parrainé souhaite assumer son indépendance.
Un des éléments ayant transpiré lors du forum et qui a été mentionné plusieurs fois aujourd'hui—je suis d'ailleurs très heureuse de constater que certains membres du gouvernement écoutent—, c'est qu'il faut élargir la définition de la famille pour qu'elle soit plus inclusive et tolérante. Par exemple, il faut admettre les enfants adoptés et les enfants de familles élargies.
Pour terminer, il faut réduire l'importance accordée aux documents prouvant une union maritale en acceptant d'autres types de documents ou de preuves, comme le témoignage de témoins, des actes matrimoniaux informels ou une preuve de la tenue d'une cérémonie de mariage.
Le parrainage d'un membre de la famille par une personne sur l'aide sociale devrait être permis s'il y a des preuves tangibles et convaincantes que l'arrivée de cette personne permettra fort probablement à la famille d'être autosuffisante.
Je remercie le comité de m'avoir écoutée.
Á (1150)
Le président: Merci beaucoup.
Nous avons un petit problème. Il nous reste 25 minutes et six députés; donc, si nous voulons donner la chance à tous, il ne faudra pas dépasser quatre minutes par personne pour les questions et réponses.
Madame Ablonczy, vous devrez donner l'exemple.
Mme Diane Ablonczy: Merci, monsieur le président, j'aimerais remercier chacun d'entre vous pour vos exposés.
Madame Woo-Paw, j'espère que le comité recevra une copie du rapport du Conseil ethno-culturel car vos recommandations m'intéressent vivement. Les études que vous avez effectuées nous seront très utiles.
En ce qui a trait aux parents et aux grands-parents, outre les sources excellentes et incontestables devant nous aujourd'hui, trois autres sources indépendantes m'ont dit que les dossiers ne sont pas traités, fait que vous avez d'ailleurs confirmé.
Voici ma question. Si j'ai bien compris, les frais de dossiers sont encaissés même si les dossiers ne sont pas encore traités, n'est-ce pas?
M. Michael Greene: Malheureusement, oui. Ça illustre bien le besoin de transparence dont nous avons parlé. Lorsqu'ils soumettent leur demande, les gens s'attendent à ce que quelque chose se produise. Donc, ils paient des frais de dossiers, qui peuvent être assez élevés, comme vous l'avez déjà entendu, c'est-à-dire 1 525 $ par personne. Disons que vous parrainez deux parents, cela veut dire que vous mettrez 3 000 $ sur la table sans que rien ne se passe. Cet argent ne produit pas d'intérêt. Ça va dans les coffres de l'État. Si les gens meurent avant la fin du traitement de la demande, ils obtiendront un remboursement partiel, ce qui signifie que le gouvernement encaisse le reste. C'est un volet de la transparence que nous réclamons.
Si on ne traite pas les demandes, qu'on le dise. Qu'on dise aux gens qu'il n'est plus question d'une attente de deux ans ou de quatre ans et qu'on ne peut pas se fier à ce qui s'est fait dans le passé. Maintenant, à la vitesse où vont les choses, il s'agit plutôt d'une attente de 15 ans ou plus.
Mme Diane Ablonczy: Laissez-moi vous poser une dernière question, à laquelle vous pouvez tous répondre. Il se peut qu'on hésite à accepter des parents car certains croient que les contribuables canadiens devront assumer une partie des coûts des soins de santé ou de subsistance. Pourriez-vous éclaircir ce point? Je pense qu'il y aurait beaucoup moins de résistance à l'égard de ce type de parrainage si on comprenait clairement que ce sont les familles elles-mêmes qui assument la responsabilité.
M. Gordon Maynard: J'aimerais m'exprimer sur ce sujet. Dans les faits, si vous faites venir vos parents au Canada, ils seront des immigrants. Ils auront droit aux programmes d'assurance-santé provinciaux, etc., et il y aura donc une certaine dépendance à l'égard du secteur public. Ce que les gens oublient, toutefois, c'est que des changements importants ont été apportés au cours des dernières années aux critères d'admissibilité des parrains, par exemple. Ceux-ci doivent avoir un revenu beaucoup plus élevé pour pouvoir parrainer des parents ou des grands-parents. Le seuil de revenu a beaucoup augmenté au cours des dernières années. Il a d'ailleurs été révisé récemment. Donc, les parents ont des revenus plus élevés.
Les garanties sont prises au sérieux. En Colombie-Britannique, les mesures sont appliquées rigoureusement. Si les membres que vous avez parrainés ont recours à l'aide sociale, vous devrez rembourser les prestations qu'ils touchent. La province s'assurera de recouvrer ces montants et ne manquera pas de vous poursuivre; on voit beaucoup ça d'ailleurs.
Je pense que ces mesures vont apaiser bon nombre des inquiétudes des les gens concernant le fardeau que pourraient pour le système représenter les personnes parrainées s'inscrivant dans la catégorie du regroupement familial.
Á (1155)
Le président: Merci beaucoup.
Mme Teresa Woo-Paw: Des recherches révèlent que l'état de santé des nouveaux immigrants se détériore après leur arrivée au Canada, mais le déterminant de la santé de nos citoyens va bien au-delà de la simple santé physique. Il est très important de tenir compte du rôle que jouent le soutien social, la sécurité et le sentiment d'appartenance dans le bien-être des gens. Lorsque les gens ne sont pas en santé, nous en assumons les coûts de toute façon.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet: Ma question, monsieur le président, concerne l'excellente présentation de l'Association du Barreau canadien, notamment la partie sur les parrainages parentaux. À la page 4 de la version traduite du document, on dit que si le gouvernement a vraiment l'intention d'éliminer la catégorie des parrainages parentaux, qu'il le dise, parce qu'il semble que ce ne soit pas transparent.
Cela m'amène à poser une question à M. Haiyang Yu. Si on vous avait dit que cela prendrait 10 ou 12 ans pour faire venir vos parents, d'anciens médecins à la retraite en Chine, auriez-vous immigré au Canada?
[Traduction]
M. Haiyang Yu: Merci pour la question.
Selon moi, le Canada est un bon, un excellent pays. On m'a dit que ça prendrait de huit à dix ans. Je ne pourrais peut-être pas avoir de passeport canadien, mais je serais tout de même résident permanent. Si je désire retourner en Chine, je peux le faire facilement sans avoir à demander de visa.
[Français]
M. Roger Clavet: Avez-vous l'impression, si on suppose qu'on maintiendra le système de parrainages parentaux, qu'on devrait davantage tenir compte de la culture, de l'origine? J'ai vécu en Chine et je sais que si au Canada on a souvent tendance à placer nos parents dans des résidences pour personnes âgées, ce n'est pas l'attitude chinoise, qui est de garder près de soi les parents et les grands-parents. Est-ce que l'on devrait — et cela peut s'appliquer à d'autres — favoriser une connaissance plus grande de la culture des gens qui choisissent ce pays comme pays d'avenir?
[Traduction]
N'importe qui peut y répondre.
M. Haiyang Yu: C'est vrai que dans la tradition chinoise, les enfants vivent très près de leurs parents. Ils sont heureux de vivre ensemble. Il est donc inacceptable pour moi de vivre seul ici et que mes parents restent en Chine. Ma soeur habite toujours aux États-Unis. C'est inadmissible pour un fils, surtout que mes parents n'ont pas d'autres enfants pour les accompagner.
M. Michael Greene: Tout ce débat, particulièrement lorsqu'on parle à des responsables de l'immigration chargés de l'élaboration des politiques, tend à tourner autour de considérations économiques. Ceux-ci prétendent que les parents ne présentent pas d'intérêt parce qu'ils participent peu à la vie économique. Ils ne travailleront pas ni ne paieront d'impôts; ils seront un fardeau pour les services sociaux et les services de santé.
Mon père a travaillé très fort comme pasteur pendant plus de 50 ans. Grâce à un maigre revenu, il a pu subvenir aux besoins de notre famille. Ma mère restait à la maison et aidait mon père. Elle n'a jamais touché de salaire, elle ne payait pas non plus d'impôts. Je suppose que, selon ces normes, ils n'ont pas vraiment apporté de contribution économique au Canada. Pourtant, je pourrais remplir un stade de hockey de gens pouvant témoigner de leur apport colossal à ce pays sur les plans social et culturel.
Je suis extrêmement fier d'eux et je me réjouis qu'ils vivent tout près de chez moi. C'est merveilleux de les avoir assis derrière moi aujourd'hui et d'avoir leur soutien moral.
Le fait de placer nos aînés, nos parents, dans des résidences pour personnes âgées ne fait pas partie de la tradition canadienne. C'est nouveau. Le phénomène existe depuis 30, 40 ou 50 ans, pas plus. Nous avons beaucoup à apprendre des autres cultures. Peut-être devrions-nous réévaluer notre politique et ne pas nous en tenir à des considérations strictement économiques. Les Chinois ont peut-être raison d'honorer leurs parents et leurs grands-parents et de les intégrer dans leur propre famille. Ils croient que leur présence est importante aussi. Ces gens pourraient peut-être même contribuer à enrichir le tissu social du Canada. C'est le genre de politique... ce débat doit se poursuivre au-delà des préceptes bureaucratiques selon lesquels il faudrait laisser les personnes âgées de côté parce qu'elles n'apportent rien sur le plan économique.
 (1200)
Le président: Merci.
Geetha Ramesh: J'aimerais faire un commentaire sur le point de vue des Indiens : nous ne faisons pas venir nos parents ici pour les placer dans des résidences pour personnes âgées. Nous les amenons ici parce que nous voulons qu'ils soient avec nous, avec nos enfants, leurs petits-enfants. On l'a prouvé maintes et maintes fois, c'est une question communautaire; c'est une question d'attachement sur laquelle se fonde le tissu social de notre collectivité. Nous avons probablement besoin de jeter un regard nouveau sur la situation. Peut-être que les Canadiens d'ici ont vraiment besoin de comprendre les autres cultures.
Le président: Merci.
Les parents aussi font leur part dans la vie économique. Ce sont des consommateurs et ils aident leur famille.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.
Merci à vous tous pour vos exposés. Ils ont été très utiles.
M. Yu a parlé de toute la question des visas de visiteur, qui a constitué un des éléments ayant influencé sa décision de parrainer finalement sa famille. Je dois dire que, tout récemment, nous avons vu le ministre de l'Immigration prendre des mesures contre un député qui, pour dissiper le mécontentement entourant la délivrance de visas de visiteur, avait posé un geste inhabituel, mais ingénieux : il recevait des garanties personnelles de ceux qui, parmi ses administrés, cherchaient de l'aide suite à une demande rejetée de visa de visiteur. Le ministre a demandé la tenue d'une enquête pour déterminer si cette initiative était conforme à l'éthique. Néanmoins, je crois que certains d'entre nous auraient préféré qu'il fasse une enquête sur les politiques du ministère et qu'il soit peut-être davantage compatissant et compréhensif à l'égard des demandeurs de visas de visiteur, plutôt que de prendre ce genre de mesure pour gagner du temps.
Je me demandais si Mme Woo-Paw et peut-être Mme Ismail et M. Abbasi pouvaient nous faire part très brièvement de leur expérience, vu qu'ils sont parmi nous aujourd'hui, pour que nous comprenions pourquoi le processus est aussi long ou qu'ils nous expliquent à quoi tient le retard dans leurs cas respectifs. Je ne sais pas si c'est possible.
Mohammed Irfan Abbasi (Conseil ethno-culturel de Calgary): Bonjour.
Je suis arrivé au Canada en avril 1996 et j'ai parrainé ma famille en mai 1999. J'ai payé les frais, on a appelé les membres de ma famille trois fois pour des examens médicaux et après un an, leurs visas n'étaient plus valides.
Neuf ans plus tard, je suis toujours ici et j'occupe deux emplois. J'ai moi-même des problèmes de santé : je souffre d'hypertension, de stress et d'insomnie. Ma famille souffre là-bas. Avant, j'avais un colocataire, mais il est mort à cause de problèmes semblables. Il s'appelait Raja Fafiq.
Je suis ici depuis maintenant neuf ans et je souffre. Lorsque je communique avec les employés du ministère de l'Immigration, ils me disent toujours d'attendre tantôt deux mois, tantôt trois mois...
La vie sans ma famille est très difficile. Ma femme et moi souffrons de cette séparation.
Merci.
Mme Ayaan Ismail (Conseil ethno-culturel de Calgary): Merci de prendre le temps d'écouter ce que j'ai à dire.
Je suis ici depuis 12 ans. Je suis arrivée dans ce pays en 1993 comme demandeur d'asile. En 1994, Immigration Canada m'a acceptée comme réfugiée et m'a permis d'attendre qu'on m'accorde la résidence permanente. Et j'attends toujours. Lorsque je demande pourquoi, je n'obtiens jamais de réponse.
Je trouve très difficile de vivre au Canada. Je ne peux aller visiter mes parents. L'année dernière, ma mère est décédée, et je n'ai pas pu assister à ses funérailles. Si je quitte le Canada, je ne pourrai pas y revenir. J'ai des enfants citoyens canadiens qui ne peuvent sortir du pays et je ne peux pas les laisser ici ni les amener avec moi dans mon pays natal.
Voilà ma situation. Je ne sais pas combien de temps cela prendra avant que je sois résidente permanente. Qui sait, peut-être ne deviendrai-je citoyenne canadienne que dans 20 ans. J'attends toujours la décision du ministère de l'Immigration, mais personne ne répond à mes questions.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Abbasi, vous avez envoyé une lettre à Mme Ablonczy. Elle est députée et elle en prendra connaissance. Merci beaucoup pour votre témoignage.
Monsieur Anderson.
L'hon. David Anderson: Madame Ismail, votre témoignage sur l'absence de réponses à vos demandes d'information me touche beaucoup. Pourriez-vous nous dire si vous êtes allée les voir en personne? Leur avez-vous envoyé des lettres? J'ai vraiment beaucoup de mal à comprendre, faute de contexte, pourquoi en neuf ans vous n'avez apparemment reçu aucune information pertinente.
 (1205)
Mme Ayaan Ismail: Lorsqu'ils m'ont acceptée comme réfugiée en 1994, ils ont demandé que je leur fournisse un certificat, comme un certificat de naissance, un passeport ou n'importe quelle carte d'identité somalienne, mais je n'en avais pas. J'étais partie pour fuir la guerre civile et je n'ai pas pensé à emporter mes papiers avec moi. À l'époque, il y avait une loi stipulant que ceux qui n'avaient aucune preuve d'identité avaient cinq ans pour quitter le Canada et retourner en Somalie ou dans leur pays d'origine.
Je l'ai accepté, je m'y suis faite. Au terme des cinq années, j'ai présenté à nouveau une demande de résidence permanente et j'attends des nouvelles depuis. Chaque fois que je les appelle, ils me disent que je dois attendre, qu'ils sont encore en train de traiter ma demande. Je ne comprends pas. Veulent-ils punir mon pays, ou encore me punir d'y être née? Je ne comprends toujours pas.
L'hon. David Anderson: Y a-t-il d'autres personnes venues de Somalie avec vous, soit en même temps soit peu après, et qui sont dans une situation similaire à la vôtre?
Mme Ayaan Ismail: Oui, il y en a beaucoup, peut-être 20 p. 100 d'entre elles.
L'hon. David Anderson: Merci.
J'espère que votre député pourra obtenir des renseignements concernant votre dossier car c'est très inquiétant que vous ne receviez aucune information.
Mais pour en revenir aux commentaires de M. Greene—et d'autres ont abordé la même question—, j'aimerais vous dire que je suis tout à fait sensible à la contribution non économique que ces gens apportent au Canada et dont vous avez parlé. Je crois que l'un des problèmes soulevés est que les gens ont émis des hypothèses simplistes mais répandues sur les retombées économiques de l'immigration au Canada. Ils en sont venus à dire que si l'immigration ne contribue pas à notre prospérité économique, elle n'a aucune valeur, et je suis très content que vous ayez souligné le fait qu'il y a de nombreuses contributions importantes qui ne sont pas de nature économique.
Dans la nouvelle analyse qu'entreprennent les économistes alors qu'ils revoient les données sur le PIB et le revenu par habitant, ils reconnaissent que les critères financiers et économiques sont absolument inadéquats pour mesurer les avantages possibles de l'immigration—ou de toute autre activité économique—, et je vous remercie de vos commentaires.
Cependant, je crois que nous devons admettre, et je voudrais savoir ce que vous en pensez, que si nous acceptons cela, nous devons aussi commencer à remettre en question l'autre partie de l'équation : l'acceptation sans réserve que l'immigration est très avantageuse sur le plan économique pour le Canada et les autres Canadiens. Je ne suis pas du tout sûr que cela ait été prouvé, et je crois que si nous voulons tenir un débat équilibré, il serait plus utile de mettre davantage l'accent sur l'apport général des immigrants dans la société et de moins faire référence aux aspects strictement économiques.
Quelqu'un voudrait-il commenter ce point de vue philosophique?
M. Michael Greene: Eh bien, voici : je ne crois pas vraiment que l'économie soit une science. J'ai beaucoup travaillé avec des économistes sur ces questions et j'ai lu énormément sur le sujet; les opinions sont partagées sur l'immigration comme solution économique pour le Canada. Les économistes prétendent que la croissance de notre économie repose uniquement sur l'immigration. J'ai tendance à le croire. Prenez la province de l'Alberta; elle manque désespérément de main-d'oeuvre dans tous les métiers spécialisés. Elle a besoin d'aide, car cela l'empêche vraiment de... Demandez à n'importe quel employeur; c'est difficile de trouver des personnes qualifiées.
Ce qui m'ennuie, notamment, dans l'analyse qu'utilise le ministère et dans l'attention extrême que nous portons aux facteurs économiques, c'est qu'il existe des études longitudinales et que les principaux critères sur lesquels ils se basent pour savoir si un immigrant a réussi son intégration sont le salaire et le niveau d'imposition. Selon moi, ce n'est pas la bonne façon d'évaluer. Ce n'est pas comme ça qu'on m'a appris à juger de la valeur des gens. Certains ont des salaires élevés parce qu'ils ont été chanceux—ils ont reçu de d'argent en héritage et peuvent le faire fructifier, ils ont obtenu un emploi grâce à papa, etc. Ça ne veut rien dire. Nous connaissons tous quelqu'un—quelqu'un de bien, de formidable—qui ne touche pas un salaire mirobolant, mais qui apporte énormément.
Mais ce sont ces études longitudinales que vous verrez. Les rapports sur le rendement versés sur le site Web du gouvernement—et je suis sûr que vous êtes inondés de statistiques justifiant les choix politiques—se fondent là-dessus. Ce n'est pas que le facteur ne soit pas pertinent; je crois que le système de sélection actuel est meilleur que le précédent, et je m'en félicite. Je pense simplement qu'il faut aller au-delà de cette analyse, et c'est ce que nous devons faire.
 (1210)
Le président: Merci.
Madame Grewal.
Mme Nina Grewal: Merci, monsieur le président, et je vous remercie tous pour vos exposés et pour le temps que vous nous avez consacré.
Auparavant, pour la réunification des familles, il fallait compter environ 24 mois, mais maintenant, ça peut aller jusqu'à 58 mois. D'après vous, pourquoi ça prend plus de temps qu'avant? Croyez-vous que nous ayons besoin de plus de personnel qualifié dans nos bureaux? Quelle est la raison de cet arriéré?
M. Gordon Maynard: Dans le cas des parrainages parentaux, ce n'est pas un problème de ressources. Les demandes de parents sont parmi les plus faciles à traiter; c'est simplement une question de liens de parenté. Le parrain a déjà fait l'objet d'une évaluation au Canada.
C'est une décision politique. Ils ont fixé une limite, voilà la raison des retards, et ils ne traiteront pas les demandes au-delà de cette limite.
En ce qui concerne les conjoints et les enfants, le gouvernement réussit plutôt bien à régler les dossiers dans des délais raisonnables. L'objectif est de traiter 80 p. 100 des cas en six mois. Certaines missions dépassent cet objectif, mais d'autres en sont encore loin. Quoi qu'il en soit, dans l'ensemble, pour ce qui est des conjoints et des enfants, ce n'est pas si mal.
Mme Teresa Woo-Paw: Je me demande depuis une heure si je devrais dire ceci ou pas. Je crois que si nous voulons vraiment faire des progrès considérables, nous devons reconnaître que le Canada... lorsque j'ai immigré au Canada et que j'étudiais pour devenir travailleuse sociale, je pensais sincèrement que notre politique sur l'immigration était fondée sur des principes humanitaires. Cependant, depuis, j'ai appris qu'elle était vraiment guidée par des considérations économiques—et ce n'est pas une mauvaise chose pour notre pays, mais tant que nous ne l'admettrons pas, nous n'avancerons pas de manière significative.
Nous avons fait venir des Chinois pour construire nos chemins de fer. Nous avons instauré la taxe d'entrée et la loi visant à restreindre l'immigration chinoise lorsque nous n'avons plus eu besoin d'eux au Canada. Même chose pour la politique sur le voyage sans interruption. Nous l'avons révoquée, mais quand? Après la Deuxième Guerre mondiale. C'est aussi à ce moment-là que nous leur avons accordé le droit de vote, parce que nous avions besoin de leur aide pour rebâtir le Canada. Il faut voir la réalité en face.
En assistant à des réunions dans la communauté, j'ai aussi appris de gens arrivés depuis peu au Canada que les parents ne sont pas les seuls à être oubliés, les membres de la famille atteints de déficiences ou ayant de faibles revenus le sont aussi. Ceux-ci attendent beaucoup plus longtemps pour le traitement de leur demande—et des membres de la communauté africaine ont aussi l'impression, en ce qui concerne la réunification des conjoints, que les gens de descendance européenne peuvent immigrer au Canada beaucoup plus rapidement qu'eux.
Je crois que cela dépend des positions politiques et de la décision des bureaucrates, mais si nous voulons faire des progrès significatifs, nous devons voir les choses en face.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Temelkovski? Pas de question? C'est très bien. Nous avons vraiment respecté le temps imparti. Le président et les membres en sont contents car ils ont tous pu poser des questions.
Je voudrais vous poser une question. Un des véritables scandales de l'année dernière est que nous ayons refusé d'accorder un visa de visiteur à plus de 150 000 personnes—en tant que parlementaires, nous comprenons le problème. Pour ma part, j'ai été saisi du cas d'une personne mourante qui voulait que sa soeur et ses parents soient auprès d'elle, mais l'immigration a refusé.
De toute façon, c'est un problème auquel les députés sont constamment confrontés. Dans notre recherche de solutions, nous avons proposé, entre autres, l'instauration d'un système de garanties ou de cautions, qui sont courantes dans le système de justice pénale. Celles-ci sont prévues par la Loi sur l'immigration dans certains cas de remises en liberté; cela existe déjà.
Qu'en pensez-vous? En ce moment, nous refusons 20 p. 100 des demandes, dont plusieurs expriment de réels motifs humanitaires—la qualité de vie, vous venez tout juste d'en parler, pour que vos parents puissent assister à la remise de votre diplôme. Que pensez-vous d'un système de caution semblable à celui en vigueur dans les tribunaux? Soit dit en passant, c'est grâce à ce système que chaque jour des gens échappent à la prison. Des centaines de milliers de personnes se retrouvent dans cette situation chaque année.
Monsieur Maynard.
 (1215)
M. Gordon Maynard: L'ABC a rédigé un mémoire en réponse à la proposition relative aux cautions et aux garanties qui d'ailleurs est loin de faire l'unanimité. L'une de nos préoccupations est le grand problème que constitue l'attitude des agents à l'étranger et le fait qu'ils ne délivrent pas de visas lorsqu'ils le devraient. Comme vous l'avez dit, les membres d'une famille qui veulent venir assister à des funérailles ne devraient pas essuyer de refus. Dire à ces gens que nous craignons qu'ils ne soient pas d'authentiques visiteurs est simplement ridicule. Il faut changer la façon d'appliquer la loi.
Nous craignons que si un système de cautionnement ou de garantie est mis en place, il prévale, dans les faits, sur toutes les autres méthodes. Évidemment, certains pays risqueraient d'écoper plus que d'autres. Cela nous inquiète. Le projet de loi proposé prévoyait des sanctions telles que par exemple une personne se verrait interdire pour toujours l'entrée au Canada si elle manquait à ses engagements et qu'elle perdait son cautionnement—c'était une sanction absurde. Je veux dire qu'il y aura des cas limites qui devront être examinés. Les sanctions prévues étaient donc abusives, tout comme l'était le refus de permettre à ces gens de revendiquer le statut de réfugié. C'était purement et simplement une violation de la Charte et un manquement à nos obligations en vertu de la convention.
Ainsi, nous devons prendre certains risques, même avec un cautionnement. Il faut revoir quelques dispositions, mais cela mis à part, la question est de savoir si ce système deviendra de facto le moyen utilisé pour accepter des visiteurs au Canada. Nous savons qu'il est déjà appliqué en Australie, où il connaît un succès mitigé. Nous ne sommes pas le premier pays à l'envisager.
Le président: Lorsque vous parlez de considérations économiques pour les immigrants, il faut vous rappeler l'importante alerte sanitaire au SRAS à Toronto, où l'industrie touristique avait presque cessé ses activités.
Quand on regarde les choses dans une perspective économique, mais qu'on refuse l'entrée à 150 000 personnes, dont la grande majorité contribueraient véritablement à la prospérité économique du pays... On doit revoir notre approche et ne pas refuser 20 p. 100 des gens.
M. Michael Greene: J'ajouterais—d'après ce que nous observons et ce que les statistiques démontrent—que ce n'est que tout récemment, soit depuis deux ou trois ans, qu'il y a eu une augmentation du taux de refus.
En ce qui concerne les agents des visas, je crois qu'ils agissent ainsi parce qu'ils ont peur de commettre des erreurs. Ils craignent grandement d'accorder un visa à quelqu'un qui pourrait ensuite revendiquer le statut de réfugié, épouser un Canadien ou une Canadienne—Dieu nous en garde—ou invoquer des motifs humanitaires pour rester au pays. Ils pêchent donc par excès de prudence et refusent constamment d'accorder des visas aux parents. Le même sort est réservé aux conjoints pendant la durée du traitement de la demande ainsi qu'aux frères et soeurs originaires de pays où il y a eu des revendicateurs du statut de réfugié par le passé.
Il convient de faire des efforts pour changer les mentalités. Il faut se rappeler que la grande majorité des décisions concernant la délivrance de visas ne sont probablement pas prises par des Canadiens, mais par des employés locaux qui doivent leur travail à des agents canadiens et qui pourraient—Dieu les en garde—perdre leur emploi s'ils commettaient une erreur et laissaient entrer quelqu'un qui ferait par la suite une demande pour rester.
Je crois que nous devons sérieusement étudier ces questions : quelle est la formation de nos agents à l'étranger? Pourquoi sommes-nous si prudents? Qu'est-ce qu'il nous en coûterait de prendre quelques risques? Tout est lié. Si nous décidons que les dossiers de membres de la famille sont moins prioritaires, que nous prendrons plus de temps pour les traiter, que nous allons en accepter moins ou tous les refuser, ces gens écoperaient doublement parce qu'ils ne pourraient même pas venir en visite.
Le président: Je vous remercie beaucoup. Votre temps de parole est écoulé.
Il y a un livre que je vous recommande : Whence they came: Deportation from Canada, 1900 - 1936, écrit par Barbara Roberts. Dans cet ouvrage, on apprend que la mentalité coercitive, à laquelle vous faisiez allusion, existe depuis qu'il y a de l'immigration dans ce pays.
D'accord, très rapidement.
M. Haiyang Yu: Je voudrais ajouter deux éléments. Premièrement, après que mes parents se soient vu refuser l'entrée au Canada par un agent des visas, ils ont présenté une demande aux États-Unis qui a été acceptée sans délai. Donc, obtenir un visa américain n'est pas un problème.
Deuxièmement, vous ne cessez de dire que faire venir les parents d'immigrants au pays entraînerait des coûts économiques. Mais vous ne devez pas perdre de vue le fait que si certains parents, qui ont réalisé des économies tout au long de leur vie, décident d'émigrer ici, leur argent les suivra. Et s'ils viennent en bonne santé, ce qui veut dire qu'ils sont encore jeunes, comme fils, je voudrais les faire voyager pour qu'ils visitent d'autres endroits intéressants et connaissent d'autres villes. À ce titre, ils seraient considérés comme des consommateurs.
Le président: Merci beaucoup. La séance a été très fructueuse.
Nous allons maintenant dîner et ensuite visiter une maison pour réfugiés.
 (1220)
M. Gordon Maynard: Je vous remercie pour l'invitation.
Le président: Eh bien, vous pouvez revenir devant le comité quand vous voulez.
La séance est levée.