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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des finances


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 2 novembre 2005




Á 1135
V         Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.))
V         M. Ira Levy (chef de production, Breakthrough Films and Television Inc.)
V         Mme Alexandra Raffé (présidente, Savi Media Inc.)

Á 1140
V         Le président
V         Mme Alexandra Raffé
V         M. Ira Levy

Á 1145
V         Le président
V         M. Paul Sharpe (directeur, Division des services indépendants, Fédération américaine des musiciens des États-Unis et du Canada)

Á 1150
V         Le président
V         Mme Estella Muyinda (directrice exécutive, National Anti-Racism Council of Canada)

Á 1155

 1200
V         Le président
V         Mme Monique Twigg (directrice, Recherche nationale et politiques, Guilde canadienne des réalisateurs)

 1205

 1210
V         Le président
V         M. Ian Morrison (porte-parole, Friends of Canadian Broadcasting)
V         Le président
V         M. Ian Morrison

 1215
V         Le président
V         Mme Gail Martiri (directrice des politiques, Writers Guild of Canada)

 1220
V         Le président
V         M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC)

 1225
V         M. Paul Sharpe
V         M. Monte Solberg
V         M. Paul Sharpe
V         M. Raymond Koskie (consultant, Raymond Koskie Consulting, Fédération américaine des musiciens des États-Unis et du Canada)
V         M. Monte Solberg
V         Mme Estella Muyinda

 1230
V         M. Monte Solberg
V         Mme Estella Muyinda
V         M. Monte Solberg
V         Le président
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)
V         Mme Estella Muyinda
V         M. Yvan Loubier

 1235
V         M. Paul Sharpe
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Charlie Angus (Timmins—Baie James)
V         M. Paul Sharpe
V         M. Charlie Angus
V         M. Paul Sharpe
V         M. Charlie Angus
V         M. Ira Levy

 1240
V         M. Charlie Angus
V         M. Ira Levy
V         Mme Alexandra Raffé
V         M. Charlie Angus
V         M. Ian Morrison
V         M. Charlie Angus
V         Le président

 1245
V         M. Mark Holland (Ajax—Pickering, Lib.)
V         Le président
V         M. Raymond Koskie
V         M. Paul Sharpe
V         M. Mark Holland
V         M. Paul Sharpe
V         M. Raymond Koskie
V         M. Mark Holland

 1250
V         Mme Estella Muyinda
V         M. Mark Holland
V         Mme Estella Muyinda

 1255
V         M. Mark Holland
V         Le président
V         M. Charlie Penson (Peace River, PCC)
V         Mme Monique Twigg
V         M. Charlie Penson
V         Mme Monique Twigg
V         Mme Gail Martiri
V         M. Charlie Penson
V         Mme Gail Martiri
V         M. Charlie Penson

· 1300
V         Mme Alexandra Raffé
V         Le président
V         Mme Estella Muyinda
V         Le président










CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 135 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 2 novembre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1135)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): Bonjour à tous.

    Je vous remercie de prendre le temps de venir nous présenter vos mémoires.

    Je vais vous allouer chacun de sept à huit minutes pour votre déclaration d'ouverture. Je vous prierais de respecter cette durée, parce que votre groupe de témoins est plus gros que le précédent, et les députés voudront vous poser des questions après.

    Nous sommes ici conformément à l'article 83.1 du Règlement, dans le cadre des consultations prébudgétaires de 2005.

    Nous allons suivre la liste que j'ai ici. Nous entendrons d'abord Breakthrough Films and Television Inc., qui est représenté par M. Levy.

+-

    M. Ira Levy (chef de production, Breakthrough Films and Television Inc.): Oui, et je vais m'exprimer de concert avec Alex Raffé de Savi Media Inc.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous parler des défis auxquels sont confrontés les producteurs indépendants de films, d'émissions de télévision et de contenu interactif au Canada.

    Je m'appelle Ira Levy et je suis chef de production ainsi que partenaire dans une entreprise du nom de Breakthrough Films and Television, qui est installée ici, à Toronto. J'ai fondé Breakthrough il y a quelque 20 années avec mon partenaire, M. Peter Williamson, alors que l'industrie était encore relativement jeune, j'ai donc eu le privilège de la voir grandir au cours des années.

    Je suis ici aujourd'hui en compagnie de ma collègue, Alex Raffé, une productrice chevronnée de télévision et de longs métrages. La société de production d'Alex s'appelle Savi Media et est basée elle aussi ici, à Toronto.

    Nous n'avons pas besoin de dire que le soutien du gouvernement fédéral à l'égard de la télévision, des longs métrages et des nouveaux médias est très apprécié. Depuis quelques années, ce soutien contribue beaucoup à notre pouvoir d'ériger une industrie dynamique. En 1994-1995 et 2003-2004, la valeur annuelle totale de la production cinématographique et télévisuelle nationale a augmenté de 112 p. 100 pour passer de 2,3 milliards de dollars à 4,9 milliards de dollars. Le PIB réel des industries de la production, de la distribution et de la postproduction cinématographique et vidéo a augmenté de 7,7 p. 100 en moyenne par année entre 1998 et 2003. En comparaison, l'économie canadienne a connu une croissance annuelle moyenne de 3,6 p. 100 pendant la même période.

    En ce qui concerne la contribution de l'industrie de la production cinématographique et télévisuelle à l'emploi au Canada, nous constatons une augmentation de presque 60 000 emplois directs et indirects en équivalent temps plein, soit une augmentation de 79 p. 100 des 75 100 emplois en 1994-1995 jusqu'à 134 700 emplois en 2003-2004. L'investissement public est vital pour la culture au Canada. Il assure un accès continu à une grande diversité des points de vue canadiens distincts parmi le flux effervescent de contenu culturel de partout dans le monde, dans tous les médias. Sans l'aide financière de tous les ordres de gouvernement pour la création, la production et la distribution de contenu canadien, notre identité distincte, particulièrement au Canada anglais, disparaîtrait rapidement et il deviendrait impossible de nous distinguer de nos voisins du Sud.

    Alex.

+-

    Mme Alexandra Raffé (présidente, Savi Media Inc.): Ce qui différencie les producteurs de tous les autres intervenants de l'industrie, c'est que nous sommes les seuls au centre des activités de production. C'est simple, nous sommes les employeurs. Sans les producteurs, les émissions de télévision, les longs métrages et le contenu interactif ne se font pas. Les producteurs contrôlent et prennent les décisions centrales à l'égard de toute production. Ce sont eux qui choisissent et développent les projets, puis négocient et garantissent le financement nécessaire des sources des secteurs public et privé du Canada et de l'étranger. Nous signons tous les contrats; nous sommes responsables sur le plan juridique de l'exécution de leurs conditions; enfin, nous embauchons et payons tous les écrivains, les réalisateurs, les acteurs et l'équipe de production.

    Dans l'univers de la production, après avoir fait cet effort pour réunir le bon mélange d'éléments afin de mener à bien un projet — et beaucoup tombent à l'eau sans jamais être menés à bien — et avoir pris tous les risques inhérents au monde de la production, les producteurs sont le dernier maillon de la chaîne à retirer une récompense financière. Bien qu'il y ait eu une amélioration marquée au fil des ans, en partie grâce à la politique gouvernementale, certains défis de taille persistent, particulièrement pour les producteurs indépendants.

    En gros, on constate une croissance de l'industrie en termes de volume de contenu produit chaque année; cependant, cette croissance vient des tournages à l'étranger et de la production interne des diffuseurs. Le volume de contenu canadien créé par des producteurs indépendants a en fait connu une baisse de 12,4 p. 100 entre 1999-2000 et 2003-2004. De plus, très peu de progrès ont été accomplis pour stimuler la capacité commerciale dans le secteur indépendant. Somme toute, les maisons de production indépendantes du Canada demeurent financièrement très précaires et vivent de projet en projet, sans savoir si elles verront le lendemain. La subsistance au jour le jour est loin de favoriser la prospérité à long terme.

    Le secteur public investit des fonds de soutien considérables dans notre secteur, sous la forme de crédits d'impôt en particulier. Cela visait à renforcer ces sociétés et à créer de la capacité commerciale...

Á  +-(1140)  

+-

    Le président: Si vous avez un téléphone cellulaire ou un Blackberry, essayez de ne pas les garder près des microphones. Cela fait partie du problème, et nous sommes parmi les pires coupables.

    Merci.

    Désolé, madame Raffé.

+-

    Mme Alexandra Raffé: Ce n'est pas grave.

    Nous parlons des crédits d'impôt.

    Malheureusement, en raison d'un financement global insuffisant au Canada de sources publiques-privées pour le cinéma et la télévision, les producteurs sont constamment contraints de réinvestir ces crédits d'impôt dans des projets plutôt que de les conserver. Bien que cela contribue à créer un volume d'emplois et de productions impressionnant, comme Ira en a parlé, l'incapacité des producteurs à conserver les crédits d'impôts résulte surtout en une dépendance constante projet par projet dans le secteur, plutôt qu'en la croissance commerciale et la productivité accrue qui résulteraient de l'investissement de crédits d'impôt dans l'infrastructure commerciale, comme on en avait l'intention au départ.

    Le renforcement de la capacité commerciale et l'amélioration de la productivité globale du secteur de la production indépendante serait un grand pas vers un avenir plus solide. Nous devons favoriser une industrie capable d'attirer plus d'investissements privés, de livrer une concurrence plus efficace aux concurrents étrangers et de toucher un public plus grand au Canada et dans le monde.

    Dans le contexte politique fédéral actuel, nous sommes pris dans un cercle vicieux: (1) pour intéresser les investisseurs, il faut avoir une plus grande capacité commerciale; (2) pour avoir une plus grande capacité commerciale, il faut davantage d'investissements. Nous demandons au gouvernement du Canada de nous aider à nous sortir ce cycle inefficace.

    Les producteurs indépendants ont besoin d'une nouvelle stratégie favorisant un environnement plus durable, où le secteur serait davantage axé sur la croissance, où il serait capable d'entreprendre des développements et des innovations technologiques à risque élevé dans la création d'un contenu touchant un public ici et à l'étranger et où il serait en mesure d'assumer les risques financiers associés à tout cela. La nouvelle stratégie nationale doit mettre l'accent sur l'accroissement de la productivité des secteurs de la production indépendante de longs métrages télévisuels et de nouveaux médias; créer une meilleur synergie entre les producteurs indépendants, le système de distribution et les autres marchés; promouvoir un juste équilibre entre ceux qui produisent du contenu et ceux qui travaillent dans un secteur hautement réglementé et ont un accès direct aux spectateurs; enfin, veiller à ce que chaque élément du système apporte une contribution notable à la cohésion sociale et culturelle du Canada et à la promotion de la diversité.

    Ira.

+-

    M. Ira Levy: En vue d'aider le secteur de la production à mieux répondre à la demande à la hausse pour du contenu canadien de qualité et d'encourager la transition vers de nouvelles technologies, comme la télévision à haute définition et la baladodiffusion, il est crucial d'accroître de façon appréciable les affectations annuelles accordées au Fonds canadien de télévision, au Fonds du long métrage du Canada et au Fonds des nouveaux médias du Canada.

    Nous appuyons totalement les recommandations formulées par notre association nationale, l'Association canadienne de production de films et de télévision, dans le mémoire qu'elle a soumis à votre comité. L'ACPFT recommande d'augmenter le Fonds canadien de télévision de 95 millions de dollars, d'augmenter le Fonds du long métrage du Canada de 75 millions de dollars et d'augmenter le Fonds des nouveaux médias du Canada de 15 millions de dollars. Elle recommande aussi que ces fonds soient alloués pour un minimum de cinq ans et qu'ils soient indexés au taux d'inflation pendant ces cinq ans.

    Nous soulignons au comité l'importance énorme d'un financement prévisible qui tient compte de l'augmentation du taux d'inflation. Les producteurs essaient de prévoir leurs activités deux ou trois ans à l'avance, mais ils ne savent pas vraiment si les programmes de soutien seront là d'ici là et quelle en sera la valeur.

    Nous appuyons aussi la recommandation de l'ACPFT que le gouvernement du Canada augmente le crédit d'impôt pour la production canadienne de films et de vidéos à 30 p. 100. Nous croyons que votre comité en a fait la recommandation l'an dernier, mais cette mesure n'a pas encore été adoptée. Bien que le programme de crédits d'impôt nous offre une certaine prévisibilité et une certaine stabilité, il y a des règles et des politiques qui réduisent la valeur nette de ce programme pour nous. De plus, les producteurs sont souvent contraints d'inclure le crédit d'impôt dans la structure financière d'un projet. Cette situation mine l'objectif de départ du crédit d'impôt de renforcer la capacité commerciale de ce secteur. Il faut examiner la question en vue d'optimiser le bénéfice réel qu'en tirent les sociétés de production.

    Enfin, bien qu'une aide directe du fédéral soit fondamentale pour assurer la disponibilité du contenu canadien de qualité dans l'ensemble des médias, nous craignons que la stratégie actuelle projet par projet ait peu d'effet pour aider à renforcer la capacité commerciale de ce secteur ou en assurer la viabilité à l'avenir. L'investissement du secteur privé est essentiel pour accroître la productivité du secteur de la production indépendante. Toutefois, les investisseurs privés hésitent depuis longtemps à investir dans ce secteur en raison du risque élevé qu'il représente. Si l'on veut que les producteurs canadiens mobilisent davantage de capitaux privés et créent du contenu qui atteint des auditoires plus larges, particulièrement au Canada anglais, il faut leur fournir des outils adéquats et une certaine souplesse afin que ces derniers puissent négocier la meilleure combinaison qui soit pour leur distribution et leur équipe, de manière à satisfaire les investisseurs du secteur privé. Le gouvernement du Canada peut jouer un rôle en ce sens en adoptant de nouvelles mesures favorisant l'investissement privé, particulièrement pour les productions les plus chères comme les longs métrages à grand budget et les séries télévisuelles dramatiques, dont les budgets sont dorénavant extrêmement difficiles à financer.

    Pour conclure, nous aimerions remercier le comité encore une fois de nous permettre de venir lui présenter nos points de vue aujourd'hui.

    Nous répondrons avec plaisir à toutes vos questions.

    Merci.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Merci.

    De la Fédération américaine des musiciens des États-Unis et du Canada, nous recevons M. Sharpe.

+-

    M. Paul Sharpe (directeur, Division des services indépendants, Fédération américaine des musiciens des États-Unis et du Canada): Merci beaucoup, et bonjour tout le monde.

    Je m'appelle Paul Sharpe. Je suis le directeur des services indépendants de la Fédération américaine des musiciens des États-Unis et du Canada. Je suis accompagné aujourd'hui de notre consultant, Raymond Koskie.

    Nous sommes ici aujourd'hui pour revendiquer quelque chose de très simple et de très nécessaire. Nous croyons que le temps est venu d'aborder un sujet qui nous préoccupe depuis longtemps: offrir un meilleur filet de sécurité sociale aux travailleurs autonomes, en particulier dans le secteur des arts et de la culture.

    Nous demandons au comité de recommander la modification de la Loi de l'impôt sur le revenu afin de permettre aux artistes autonomes de participer à des régimes de retraite agréés.

    J'aimerais préciser certaines choses. Évidemment, vous avez nos mémoires et nos résumés. J'aimerais ajouter une touche personnelle, vous parlez d'une situation bien réelle pour vous montrer à quel point il est nécessaire de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu.

    Tout d'abord, je vais vous dire ce que je fais à la Fédération américaine des musiciens, qui compte environ 13 000 membres au Canada. De ce nombre, plus de 80 p. 100 sont des travailleurs autonomes. Ce sont surtout les grands orchestres symphoniques du Canada qui forment les 20 p. 100 restant, où l'on trouve une relation employeur-employé. C'est le seul exemple vraiment clair où vous êtes le plus susceptible de trouver une telle relation.

    Cela dit, il existe environ 30 grands orchestres au Canada, et seulement 10 des 30 orchestres qui font partie du groupe de 20 p. 100 sont réputés avoir une relation employeur-employé . Comme vous pouvez le constater, de notre point de vue, il faut absolument accroître le filet de sécurité sociale pour les gens qui oeuvrent dans le domaine des arts. Puisque le cadre du régime de retraite agréé actuel a été établi dans la deuxième moitié des années 40 au Canada, et compte tenu de la hausse vertigineuse du nombre de travailleurs autonomes, qui sont prédominants dans le secteur culturel et dont le pourcentage est beaucoup plus élevé que dans l'ensemble de la main-d'oeuvre, nous croyons que le temps est venu d'agir.

    Nous croyons qu'il s'agit d'une chose simple et faisable. Nous sommes disposés à vous aider de toutes les manières possibles à définir une structure pour la mise en oeuvre de cette mesure. Chose importante, nous croyons que cette mesure n'entraînera aucun coût pour le gouvernement. J'aimerais le répéter: nous croyons que la mise en oeuvre d'un tel régime ne coûtera rien au gouvernement.

    J'aimerais aussi proposer... en rêvant un peu, puisque je suis dans ce secteur depuis 40 ans... J'ai quatre enfants et je suis également grand-père. Pendant les 40 ans où j'ai été sur le marché du travail au Canada, je n'ai jamais manqué de travail. Or, c'était la première fois en juillet dernier qu'une contribution a été faite en mon nom à un régime de retraite agréé — en 40 ans. C'est la deuxième fois seulement, dans toute ma vie, que je me trouve dans une relation employeur-employé, avec la Fédération américaine des musiciens. Or, j'ai quatre enfants; deux d'entre eux sont toujours en âge de fréquenter le collège et les deux autres ont terminé leurs études. Je suis aussi le grand-père d'un enfant issu d'une famille monoparentale, et je dois dire que les régimes enregistrés d'épargne-retraite auxquels j'ai cotisé pendant la majeure partie de ma vie professionnelle ne m'ont pas donné le filet de sécurité dont j'ai besoin, même si j'ai touché des revenus annuels de deux à cinq fois plus élevés que ce que l'on trouve en moyenne dans mon secteur. Je me considère donc extrêmement chanceux de m'en être aussi bien tiré.

Á  +-(1150)  

    Je n'ai toujours pas de filet de sécurité. J'aurai 55 ans en mars et j'envisage autre chose, alors je crois que le temps est venu pour une mesure comme celle-là. Je crois que c'est facile à faire, qu'il n'en coûterait rien au gouvernement et que les autres régimes, comme les REER ou les REER collectifs, ne sont pas des solutions valables ou satisfaisantes.

    J'aimerais terminer en disant que Toronto est un endroit extraordinaire, où la culture et les arts sont bien vivants. De l'autre côté de la rue, nous avons le Musée royal de l'Ontario et à côté...

    Je pensais à mes enfants, dont l'un poursuit sérieusement une carrière en musique. Comme parents, vous pouvez comprendre ce que cela signifie: vous voulez faire tout ce que vous pouvez. Toutefois, je suis dans ce domaine depuis 40 ans et je connais les risques et les sacrifices associés au métier.

    Je représente 13 000 musiciens au Canada et je sais également que c'est ce qu'ils veulent. Ils choisissent d'être travailleurs autonomes; ils ne sont pas à la recherche d'un emploi où il existe une relation employeur-employé. C'est bon pour le gouvernement. C'est bon. Ces personnes enrichissent la culture du Canada et contribuent énormément à la société, par les impôts et autrement, ce qui est très positif.

    Pour terminer, j'aimerais attirer votre attention sur le Royal Conservatory of Music, qui va ouvrir en 2007. Je veux simplement m'assurer que vous compreniez, si vous n'y avez pas encore réfléchi, que la plupart des jeunes qui y sont admis sont extrêmement dévoués au métier qui les attire. La plupart d'entre eux s'y engagent en sachant qu'ils feront partie d'un secteur où ils seront définis comme des travailleurs autonomes. Parmi ces jeunes femmes et ces jeunes hommes extrêmement talentueux, certains ne pourront pas réaliser leur rêve parce qu'il y a trop d'obstacles à surmonter, l'un d'entre eux étant l'absence de protections sociales.

    En l'absence de ces programmes, certaines personnes talentueuses n'iront pas au bout de leur rêve.

    Je vous remercie énormément de votre temps.

    Nous serions très heureux de répondre à vos questions. Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Sharpe.

    Nous accueillons maintenant Mme Muyinda, du National Anti-Racism Council of Canada.

+-

    Mme Estella Muyinda (directrice exécutive, National Anti-Racism Council of Canada): Je m'appelle Estella Muyinda. Je suis la directrice exécutive du National Anti-Racism Council of Canada.

    Le National Anti-Racism Council of Canada, ou NARCC, est une organisation communautaire vouée à l'élimination du racisme et aux autres formes de discrimination connexe au Canada.

    Parmi nos membres, on trouve des organisations nationales représentant des immigrants et des réfugiés, comme le Conseil multiconfessionnel d'aide à l'établissement des immigrants au Manitoba, le Conseil canadien pour les réfugiés et le Conseil national des Canadiens chinois; des réseaux provinciaux comme le Council of Agencies Serving South Asians; des organisations locales de défense comme l'Alliance urbaine sur les relations interraciales; des cliniques d'aide juridique communautaires comme l'African Canadian Legal Clinic et la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, pour ne nommer que ceux-là.

    Le NARCC représente également des groupes communautaires de diverses régions du Canada. Dans son exposé d'aujourd'hui, le NARCC se concentrera sur l'investissement du capital humain. La croissance de la productivité du Canada dépend de la reconnaissance des membres des groupes raciaux comme des éléments clés de la croissance économique à long terme du Canada.

    Pour améliorer la productivité du Canada, toutes les politiques, les mesures et les pratiques gouvernementales doivent être élaborées et mises en oeuvre dans une optique raciale. Des membres issus des groupes raciaux ont demandé à maintes reprises au gouvernement canadien d'effectuer une analyse axée sur la race en vue d'investir dans les communautés raciales au Canada. Malheureusement, le gouvernement n'a pas donné suite à ces demandes. Pourtant, une telle analyse dans le contexte de l'immigration est essentielle, compte tenu des politiques d'immigration passées et actuelles du Canada et de leur incidence sur les membres des groupes raciaux, et compte tenu du fait que ces derniers constituent maintenant la majorité des immigrants et des réfugiés qui arrivent au Canada chaque année.

    Une analyse axée sur la race dans le contexte de l'emploi est également essentielle. On ne comprend pas qu'investir dans le capital humain, c'est aussi investir dans les membres des groupes raciaux; un grand nombre de Canadiens sont ainsi exclus et la discrimination systématique se perpétue.

    La discrimination est toujours présente dans le secteur de l'emploi, ce qui crée un fardeau démesuré sur les membres des groupes raciaux et les populations autochtones pour ce qui est des chances d'épanouissement.

    Les statistiques montrent que les membres des groupes raciaux connaissent encore un taux de chômage plus élevé au Canada. En 2001, ils ont enregistré un écart de 13,3 p. 100 pour ce qui est du revenu médian après impôt et un écart de 12,2 p. 100 au chapitre du revenu moyen après impôt. L'écart est plus grand chez les jeunes hommes des groupes raciaux, soit 42,3 p. 100 pour le revenu moyen après impôt et 38,7 p. 100 pour le revenu médian après impôt.

    Parmi les personnes qui n'ont pas terminé les études secondaires, l'écart au chapitre du revenu médian après impôt est de 20,6 p. 100. Chez les personnes de plus de 65 ans, l'écart du revenu moyen est de 28 p. 100, tandis que l'écart du revenu médian est de 21 p. 100.

    C'est dommage qu'il existe toujours un écart entre les travailleurs des groupes raciaux et les autres travailleurs pour ce qui est des taux de participation au marché du travail et des taux de chômage. Par exemple, un des taux de participation pour l'ensemble de la population était de 80,3 p. 100, contre 66 p. 100 chez les membres des groupes raciaux.

    Les immigrants nouvellement arrivés au pays continuent de faire face à des obstacles pour ce qui est de la reconnaissance des compétences acquises à l'étranger. Les membres des groupes raciaux sont retrouvent en nombre disproportionné dans des secteurs de l'économie où les emplois précaires prévalent. Leur formation et leurs antécédents professionnels ne sont pas reconnus soit par le gouvernement, soit par le secteur privé. Ils doivent composer avec l'insécurité d'emploi, des contrats peu payants et des emplois à temps partiel ainsi que d'avec de piètres conditions de travail.

    En conséquence, le NARCC recommande qu'à titre d'employeur d'importance, le gouvernement devienne un chef de file en créant des programmes qui permettront de créer un nouveau noyau de fonctionnaires parmi les membres des groupes raciaux, parce qu'on continuera de créer des disparités si l'on tient les communautés raciales à l'écart.

Á  +-(1155)  

    Le NARCC affirme que l'adoption de politiques dans une optique raciale profitera non seulement aux membres des groupes raciaux, mais aussi à tous les Canadiens. L'absence d'une telle approche entraînera l'exclusion des membres des groupes raciaux, comme le fait le programme de remboursement des coûts de chauffage destiné aux personnes âgées.

    Les personnes âgées qui sont membres des groupes raciaux ne profiteraient pas de ce programme parce qu'elles doivent attendre une dizaine d'années avant de pouvoir accéder au système de pensions. On reconnaît que l'exclusion des personnes âgées immigrantes est probablement non intentionnelle. Toutefois, cette fâcheuse conséquence aurait été évitée si des consultations auprès des groupes raciaux et une analyse raciale avaient été effectuées lorsque la politique a été élaborée.

    Pour apporter une optique raciale dans tous les ministères, on recommande que le gouvernement fédéral devienne un chef de file en créant des programmes pour faire participer les membres des groupes raciaux à des processus signifiants et respectueux de consultations sur les changements et l'élaboration des politiques, parce que cette participation ne peut être que profitable.

    Le NARCC appuie les membres des groupes raciaux qui demandent réparation pour les torts subis par les communautés et pour les effets cumulatifs et continus de ces torts. Des ressources importantes ont été injectées; par exemple, une somme de 25 millions de dollars a été mise de côté pour remédier aux injustices commises. Toutefois, certains groupes raciaux n'ont pas été inclus. Aucun budget n'a été prévu pour le redressement des torts historiques découlant de l'esclavage ou pour la réparation des effets dévastateurs des politiques d'immigration comme la taxe d'entrée imposée aux Chinois et la Loi de l'immigration chinoise.

    Le gouvernement doit reconnaître qu'une mesure universelle ne convient pas. Des injustices différentes exigent des réparations différentes.

    Si on recommandait au gouvernement de reconnaître les victimes du racisme et d'examiner un cadre de redressement ou de réparation, on pourrait alors rétablir la dignité des membres des groupes raciaux.

    On demande au gouvernement d'établir un budget pour compenser la taxe d'entrée imposée aux Chinois ainsi que les situations d'esclavage, en consultation avec les communautés touchées.

    Le plan d'action du Canada contre le racisme est un instrument que le gouvernement a mis au point pour promouvoir un programme antiracisme. Bon nombre d'organisations et de membres des groupes raciaux ont critiqué ce document et ont dit qu'il serait inefficace parce que les membres des groupes raciaux n'ont pas été dûment consultés.

    En outre, le financement du plan d'action vise les ministères fédéraux et aucune somme d'argent n'a été prévue pour appuyer la participation des membres des groupes communautaires raciaux qui sont les plus touchés par la discrimination raciale et la marginalisation.

    Pour garantir que le plan d'action devienne véritablement l'outil antiracisme qu'il est censé être, le NARCC recommande que des fonds soient attribués spécialement pour la participation des communautés à l'élaboration et à la mise en oeuvre du plan d'action.

    Voilà qui met fin à mon exposé et je suis disposée à répondre à vos questions. Je vous remercie.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Merci.

    Nous entendrons Mme Twigg, de la Guilde canadienne des réalisateurs.

+-

    Mme Monique Twigg (directrice, Recherche nationale et politiques, Guilde canadienne des réalisateurs): Bonjour. Merci.

    Je m'appelle Monique Twigg, et je suis directrice de la recherche et des politiques de la Guilde canadienne des réalisateurs.

    La Guilde canadienne des réalisateurs est un syndicat national qui représente les principaux membres des équipes de réalisation et de logistique de l'industrie cinématographique et télévisuelle. Créée en 1962 en tant qu'association de réalisateurs canadiens de films et d'émissions de télévision, elle compte actuellement plus de 3 800 membres provenant de 47 métiers et catégories d'emploi qui touchent l'ensemble des activités liées à la réalisation, à la production, au montage et à la conception artistique d'un film ou d'une émission de télévision au Canada. Depuis plus de 40 ans, la GCR contribue à l'élaboration des politiques canadiennes du film et de la télévision, et nous sommes heureux de pouvoir participer aux délibérations de votre comité.

    Le Comité des finances a demandé quelles devraient être les priorités budgétaires et quelles mesures pourraient être proposées pour favoriser la croissance de la productivité du Canada. Les économistes ont toujours eu de la difficulté à quantifier la contribution du secteur audiovisuel — et celui des arts en général — à la croissance de la productivité. Au cours des dernières années, la force des secteurs artistique et culturel a été perçue comme un facteur essentiel des perspectives économiques et sociales des nations et des collectivités. On reconnaît maintenant que cette force est un facteur déterminant pour la croissance de la productivité, la compétitivité et le développement social.

    Le secteur de la production cinématographique et télévisuelle apporte une contribution importante et essentielle à l'établissement de collectivités dynamiques qui attirent et retiennent les travailleurs les plus brillants, tout en diversifiant et en renforçant les économies locales. En effet, les villes canadiennes comme Toronto, Montréal et Vancouver sont souvent citées comme des centres culturels exemplaires en ce sens. On parle moins souvent du rôle comparable que le secteur joue dans les centres de production régionale comme Halifax, Regina ou Winnipeg, mais les effets sont les mêmes.

    Sur le plan purement économique, le secteur audiovisuel canadien représente une partie importante de l'économie du savoir du Canada; il fournit des emplois hautement spécialisés et très bien rémunérés et accroît la capacité technologique du Canada, sans danger pour l'environnement. Le renforcement et le soutien de cette industrie apportent des avantages économiques importants et permettent de poursuivre l'objectif important qui est d'accroître nos compétences, notre infrastructure de haute technologie et notre économie du savoir.

    Un secteur audiovisuel dynamique joue aussi un rôle clé dans l'édification d'une nation. Une nation est unie par une mythologie qu'elle partage, par la création d'histoires qui lui sont propres. Ce sont les artistes canadiens qui, par leur voix et leur vision uniques, créent les histoires, les mythologies qui sont propres aux Canadiens et qui les unissent d'un océan à l'autre.

    La production audiovisuelle permet en outre de projeter le profil et les valeurs du Canada à l'étranger, en exportant les émissions de télévision et les films canadiens ainsi qu'en présentant nos histoires et nos perspectives dans tous les pays du monde.

    Ce sont là des éléments qui contribuent à attirer et à retenir des travailleurs qualifiés, des éléments qui créent une cohésion sociale, qui inspirent la créativité et le développement technologique, qui renforcent les économies locales. En bref, il s'agit du fondement même d'une forte productivité. Par conséquent, il est bon d'assurer un soutien stable et à long terme au secteur audiovisuel du Canada afin de favoriser la croissance de la productivité dans les années à venir.

    Bien que l'industrie cinématographique et télévisuelle ait crû et se soit renforcée au cours des dernières décennies, le secteur de la production est en crise depuis quelques années. Au même moment, les niveaux de services de production étrangère au Canada ont fluctué. Ces facteurs ont coïncidé avec une baisse des dépenses des télédiffuseurs pour les séries dramatiques canadiennes, une diminution des coproductions internationales, une baisse des exportations des produits audiovisuels canadiens ainsi qu'un déclin temporaire des cotes d'écoute des émissions dramatiques.

    Ces facteurs combinés mettent en péril la viabilité de notre secteur audiovisuel. Même si certains d'entre eux sont indépendants de notre volonté ou s'améliorent avec le temps, nous pouvons prendre des mesures maintenant pour contrer le déclin de l'industrie canadienne de la production cinématographique et télévisuelle.

    Il est très important que le Canada maintienne et renforce son propre secteur de productions audiovisuelles. Nous avons appris que nous ne pouvions pas compter uniquement sur les caprices des services de production américaine pour soutenir cette industrie canadienne. Si tel était le cas, tout repli entraînerait un exode des créateurs, qui quitteraient l'industrie ou le pays en emportant leurs connaissances, leur expérience et leur talent, ce qui laisserait un secteur en constante reconstruction, qui n'atteindrait jamais son plein potentiel. La GCR demande donc au gouvernement fédéral de prendre des engagements budgétaires stables et pluriannuels afin d'assurer la viabilité permanente du secteur audiovisuel canadien.

    Les réalités économiques du secteur cinématographique et télévisuel sont telles qu'il a toujours fallu un ensemble intégré d'instruments, y compris des mesures de financement et de fiscalité, pour assurer la viabilité du secteur de la production au Canada. C'est pourquoi la GCR recommande que le budget de cette année comprenne plusieurs mesures qui permettront à l'industrie cinématographique et télévisuelle de conserver sa force et qui encourageront les productions canadiennes, et plus particulièrement les séries dramatiques, dans les années à venir.

    Le premier ensemble de recommandations porte sur le financement des programmes et des institutions qui contribuent à la production, à la distribution et à la diffusion des émissions de télévision et des films canadiens: le Fonds canadien de télévision, Téléfilm Canada et CBC/Radio-Canada.

  +-(1205)  

    Nous recommandons que le financement du FCT et de Téléfilm Canada soit maintenu, à tout le moins, aux niveaux actuels. Ces organismes devraient bénéficier d'un financement permanent fondé sur des crédits votés. Le FCT et Téléfilm Canada jouent un rôle clé en ce qu'ils aident à financer les productions télévisuelles et cinématographiques, en partie grâce aux autres sources de financement qu'ils mobilisent. Par exemple, l'octroi, par le gouvernement fédéral, de 100 millions de dollars au FCT et la contribution des industries de la câblodistribution et de la diffusion directe par satellite ont permis d'apporter 743 millions de dollars aux productions télévisuelles en 2003-2004.

    La GCR souhaiterait également que la SRC bénéficie d'un financement stable et accru à long terme. Au fil des ans, les fonds destinés aux oeuvres dramatiques ont diminué, tout comme le budget de la SRC. Les récentes augmentations n'ont pas contribué à restituer les 390 millions de dollars qui ont été comprimés au cours des années 1990. Les nouvelles affectations de crédits ne portaient pas sur la production dramatique de toute façon.

    L'an dernier, le comité, à notre grand plaisir, a recommandé dans son rapport prébudgétaire 2004 que le gouvernement fournisse un financement stable et à long terme à Téléfilm Canada et au FCT, et qu'il augmente aussi le budget de la SRC. Nous tenons à vous remercier pour ces recommandations. Nous vous encourageons à les inclure dans les propositions prébudgétaires de cette année.

    Nos autres recommandations ont trait à deux programmes qui soutiennent la production cinématographique au Canada : le crédit d'impôt pour services de production, le CISP, et le crédit d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne, le CIPC. Nous voulons, avant tout, qu'il y ait autant de productions canadiennes que possible. La majorité de nos recommandations reflètent, d'ailleurs, cette priorité.

    Parallèlement, les productions étrangères contribuent elles aussi pour beaucoup à la santé et à la stabilité de notre industrie. Elles favorisent la création d'emplois, la formation de la main-d'oeuvre et le développement des infrastructures. Par conséquent, nous recommandons que la base du CISP soit élargie afin qu'il couvre tous les coûts de biens et de services canadiens, et non seulement les coûts de main-d'oeuvre. Cette mesure permettra au Canada de demeurer concurrentiel à l'échelle internationale et de soutenir l'industrie locale. Nous avons été heureux de constater que le CISP a été majoré de 5 p. 100 en 2003. Nous recommandons que le taux du crédit d'impôt soit maintenu à son niveau actuel, soit 16 p. 100.

    Par ailleurs, nous avons été déçus de voir que le crédit d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne , le CIPC, n'a pas lui aussi bénéficié d'une hausse similaire. Le CIPC encourage l'utilisation de talents créateurs canadiens et le recours à la main-d'oeuvre canadienne. Il soutient, de plus, les productions à contenu canadien élevé qui contribuent à la réalisation des objectifs stratégiques que j'ai mentionnés plus tôt.

    Le maintien d'un écart adéquat entre les taux du CIPC et du CISP encourage la production d'émissions à contenu canadien. Nous avons été heureux d'apprendre que le comité a recommandé, dans son rapport prébudgétaire de 2004, d'augmenter le taux du CIPC de 30 p. 100. Nous espérons que le comité reformulera la même recommandation cette année, et qu'il proposera aussi l'élargissement de la base du CISP.

    Enfin, nous recommandons que le budget renouvelle les engagements financiers pris à l'égard de la Coalition pour la diversité culturelle du Canada et de la contribution canadienne à l'UNESCO en vue de la ratification et de la mise en oeuvre de la Convention internationale sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Nous nous réjouissons du rôle prépondérant que le Canada continue de jouer dans ce domaine. Les Canadiens, dans leur ensemble, devraient être fiers du fait que la convention a été adoptée à une très large majorité à l'UNESCO, le 20 octobre.

    La convention, qui en est maintenant à l'étape de ratification, doit être entérinée par les assemblées législatives de 30 pays participants au cours des trois prochaines années. Au fur et à mesure que la convention se taillera une place dans la série d'ententes internationales qui existent et dans le droit international, le réseau de coalitions nationales que la CDC a aidé à créer continuera de jouer un rôle de suivi essentiel dans la mise en oeuvre de celle-ci. Pour ces raisons, nous espérons que le comité recommandera que le gouvernement du Canada continue de soutenir financièrement la CDC, de même que toute initiative en faveur de la convention, dans son prochain budget.

    Merci beaucoup.

  +-(1210)  

+-

    Le président: Merci, madame Twigg.

    Nous allons maintenant entendre M. Morrison, de Friends of Canadian Broadcasting.

+-

    M. Ian Morrison (porte-parole, Friends of Canadian Broadcasting): Merci, monsieur le président. Mon exposé va prendre environ cinq minutes.

+-

    Le président: Je vais vous minuter.

+-

    M. Ian Morrison: L'association Friends of Canadian Broadcasting souhaite remercier le comité de son invitation à comparaître.

    Notre organisme, qui agit comme groupe de surveillance, est financé par 100 000 Canadiens. Notre rôle consiste à défendre et à augmenter la qualité et la quantité de contenu canadien dans le réseau de radiotélédiffusion de langue anglaise.

[Français]

    Les députés sont bien placés pour comprendre le rôle essentiel que joue la radiodiffusion dans le fonctionnement des communautés partout au pays.

[Traduction]

    Les médias constituent une composante essentielle de l'infrastructure économique locale. Ils contribuent au bon fonctionnement de nos institutions démocratiques en renseignant les Canadiens sur les grands enjeux de société. Ils relèvent, de ce fait, de la compétence exclusive du gouvernement fédéral. Vu leur importance économique et démocratique, nous avons raison de nous inquiéter de la concentration accrue de la propriété des médias et du déclin de la programmation locale au Canada. Ce phénomène négatif se remarque surtout durant les heures de grande écoute, période où la plupart des adultes regardent la télévision.

    Bien que cette tendance soit évidente dans tous les réseaux de télévision et dans la plupart des stations de radiodiffusion, elle est particulièrement forte chez le radiodiffuseur public national. Dans le cas de la SRC, cette situation est non seulement malheureuse, mais également illégale, parce que la Loi sur la radiodiffusion précise que la programmation de la SRC doit, et je cite, « refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions« ». Le président actuel de la SRC a tenté, en 2000, de supprimer, du côté du réseau de langue anglaise, les émissions de l'heure du dîner, et ce, dans toutes les régions du Canada, geste qui a soulevé un tollé de protestations à l'échelle du pays et surtout, à la Chambre des communes.

    L'association Friends of Canadian Broadcasting propose, dans le cadre de cette consultation prébudgétaire, que le comité des finances mette l'accent sur deux objectifs touchant la radiodiffusion : augmenter l'importance et la stabilité des crédits parlementaires accordés à la SRC, et faire en sorte que des ressources accrues soient allouées aux collectivités locales et non aux bureaux de la SRC à Montréal et à Toronto. À cet égard, nous tenons à vous rappeler les recommandations formulées récemment par deux comités de la Chambre.

    D'abord, en juin 2003, le comité du patrimoine, présidé à l'époque par Clifford Lincoln, a déposé un rapport détaillé sur la politique de la radiodiffusion intitulé: « Notre souveraineté culturelle ». Ce rapport, généralement connu comme le rapport Lincoln, a été présenté de nouveau au gouvernement Martin l'an dernier, sur décision unanime du comité. Au total, 97 recommandations ont été formulées. La plus importante, selon nous, met l'accent sur la prestation de services locaux par la SRC. Je cite: « Le comité est d'avis qu'il incombe à la SRC d'offrir aux auditoires une certaine programmation locale — établie en fonction des besoins. » On ajoute plus loin que « la SRC ne peut être tenue de mettre l'accent sur une partie de son mandat, en plus de s'acquitter de ses autres responsabilités, sans être assurée de disposer de ressources suffisantes. » Le comité a également recommandé que la SRC présente au Parlement un plan stratégique, accompagné d'une estimation des ressources nécessaires, sur les mesures qu'elle entend prendre pour remplir son mandat de radiodiffuseur public et offrir une programmation locale et régionale.

    Ensuite, et Monique en a déjà parlé, le comité a recommandé, en décembre dernier, que « le gouvernement fédéral fournisse un financement stable et à long terme » à un certain nombre d'organismes culturels importants. De façon plus précise, le comité a recommandé que « le gouvernement augmente les fonds destinés à la Canadian Broadcasting Corporation et à la Société Radio-Canada ». Comme vous le savez, cette recommandation n'a pas encore été mise en oeuvre par le gouvernement.

    Nous désirons, par ailleurs, attirer votre attention sur le fait qu'en février 2005, la direction de la SRC a soumis une proposition à la ministre du Patrimoine, Mme Frulla, en vue d'accroître la capacité locale et régionale de la SRC. Neuf mois se sont écoulés depuis : le gouvernement n'a toujours pas répondu à la proposition. Il faudrait, comme première étape, assurer le financement de la SRC.

    Le récent lock-out de la SRC nous a permis de voir à quoi ressemblerait une société de radiodiffusion basée à Toronto. Il nous a également démontré, comme vous le savez, à quel point les Canadiens comptent sur le radiodiffuseur public national. À cet égard, j'aimerais vous présenter les résultats d'un sondage d'opinion mené par la maison Ipsos-Reid, à la demande de notre association, au cours de la semaine qui a précédé le dépôt des greffes de l'élection de 2004. Dans ce sondage, Ipsos-Reid a posé la question suivante:

Supposons un instant que votre député fédéral vous demande votre avis au sujet d'un vote à venir à la Chambre des communes sur ce qu'il conviendrait de faire des fonds de la SRC. Laquelle des trois solutions suivantes lui conseilleriez-vous d'appuyer: réduire le financement de la SRC par rapport au niveau actuel, maintenir le financement de la SRC aux niveaux actuels, ou augmenter le financement de la SRC par rapport aux niveaux actuels?

  +-(1215)  

    D'après Ipsos-Reid, 9 p. 100 des Canadiens recommanderaient que l'on réduise le financement de la SRC; 51 p. 100, que l'on maintienne le financement à ses niveaux actuels; et 38 p. 100, que l'on augmente le financement de la SRC par rapport aux niveaux actuels.

[Français]

    Monsieur le président, nous apprécions que vous nous ayez donné la chance de vous faire part de nos conseils aujourd'hui. Il nous fera plaisir d'en discuter davantage avec les membres du comité, aujourd'hui ou dans les semaines à venir.

[Traduction]

    Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons maintenant entendre Mme Martiri, de la Writers Guild of Canada.

+-

    Mme Gail Martiri (directrice des politiques, Writers Guild of Canada): Bonjour.

    Je m'appelle Gail Martiri. J'occupe le poste de directrice des politiques à la Writers Guild of Canada. Je suis accompagnée de Barb Farwell, directrice des communications.

    La Writers Guild of Canada est heureuse de participer aux consultations prébudgétaires du comité permanent. La WGC est une association nationale représentant 1 800 scénaristes professionnels qui travaillent à la production anglophone de films, d'émissions de télévision ou de radio, ou encore d'émissions liées à des projets de nouveaux médias.

    Les membres de la WGC sont les créateurs de films tel que Where the Truth Lies, de séries dramatiques canadiennes comme Da Vinci's City Hall, Slings and Arrows et Corner Gas, de miniséries populaires telles que Trudeau, et d'émissions renommées pour enfants comme la série Degrassi. La WGC s'attache à bâtir une industrie vivante qui reflète l'imagination et le talent canadiens et qui préserve notre culture unique.

    On peut dire que les films et la télévision sont les formes de culture les plus accessibles à la majorité des Canadiens. Les scénaristes canadiens remercient le comité des finances pour les recommandations formulées dans son rapport prébudgétaire de décembre 2004, en faveur de la croissance continue du secteur de l'audiovisuel. Dans la recommandation 11, le comité a invité le gouvernement à fournir un financement stable et à long terme au Fonds canadien de télévision, à augmenter le financement de la SRC et de Téléfilm Canada, et à accroître de 30 p. 100 le crédit d'impôt pour la production cinématographique ou magnétoscopique canadienne.

    Nous tenons à remercier le comité d'avoir prêté l'oreille à nos préoccupations et d'avoir recommandé que le gouvernement procure un soutien financier à long terme, dont nous avons grandement besoin, dans le but d'assurer la pérennité de notre voie canadienne unique dans le secteur de l'audiovisuel. Nous espérons maintenant que le gouvernement va donner suite à ces recommandations, et ainsi garantir la viabilité future des productions cinématographiques et télévisuelles écrites, dirigées, interprétées et réalisées par des Canadiens.

    Les consultations prébudgétaires du comité des finances surviennent alors que notre industrie nationale connaît des moments difficiles. En effet, le secteur de la production souffre d'un manque chronique de ressources en raison de l'absence de financement stable de la part du gouvernement, de la baisse des dépenses consacrés par les radiodiffuseurs aux dramatiques canadiennes, et du rétrécissement des marchés d'exportation pour nos oeuvres audiovisuelles. Bien qu'il y ait de nombreuses histoires à raconter, les dramatiques demeurent le genre de programmation le plus puissant et le plus populaire qui existe, mais également le plus cher. Non seulement est-il difficile de financer la production de dramatiques canadiennes de qualité, mais notre marché est scindé en deux : anglophone et francophone.

    Et comme si cela ne suffisait pas, au cours des dernières années, les radiodiffuseurs ont réussi à convaincre le CRTC de supprimer les exigences de diffusion et de dépenses. Selon les données les plus récentes, citées dans le rapport de juin 2005 de la Coalition of Canadian Audio-Visual Unions, les dépenses consacrées par les radiodiffuseurs classiques aux dramatiques canadiennes ont atteint, l'an dernier, leur plus bas niveau depuis sept ans, malgré d'excellents revenus de publicité et de bonnes prévisions de recettes pour l'avenir assez rapproché. Les dépenses qu'ils ont consacrées aux émissions américaines ont, quant à elles, connu une hausse vertigineuse de 54 p. 100 depuis 1998.

    Par ailleurs, les ventes à l'exportation d'oeuvres audiovisuelles canadiennes ont chuté de façon radicale. D'autres pays ont reconnu l'importance de créer leurs propres émissions, de sorte qu'ils ne souhaitent pas acheter les nôtres. De plus en plus, les radiodiffuseurs choisissent les comédies et les dramatiques américaines aux dépens des émissions canadiennes, parce que les économies d'échelle au sud de la frontière font qu'elles coûtent moins cher à acheter. Les émissions populaires américaines coûtent environ 150 000 $ par épisode. Une dramatique de langue anglaise d'une durée d'une heure coûte plus de 1,1 million de dollars à réaliser. Il est très difficile pour le secteur canadien de soutenir la concurrence. Résultat : de moins en moins de dramatiques canadiennes sont offertes aux auditoires canadiens.

    Contrairement aux États-Unis, nous ne pouvons récupérer les coûts de production à même notre propre marché. Voilà pourquoi nous devons travailler en collaboration avec le gouvernement canadien en vue de produire les émissions de qualité qui intéressent les auditoires canadiens. Il est important de noter que notre situation n'est pas unique. La plupart des pays appuient la programmation locale par le biais de crédits d'impôt et autres initiatives d'investissement.

    Si nous voulons assurer la viabilité de l'industrie cinématographique et télévisuelle canadienne et permettre à celle-ci d'offrir des dramatiques et d'autres émissions de qualité aux auditoires canadiens, nous devons prendre les mesures suivantes.

    Premièrement, le Fonds canadien de télévision, Téléfilm Canada et la SRC constituent de précieux partenaires de financement pour les projets cinématographiques et télévisuels canadiens. Nous recommandons que le financement de ces institutions soit garanti. Nous demandons que le gouvernement fournisse un financement pluriannuel accru et stable au FCT, à Téléfilm Canada et à la SRC dans le prochain budget fédéral.

    Deuxièmement, le crédit d'impôt pour la production cinématographique ou magnétoscopique canadienne, actuellement établi à 25 p. 100, doit être porté à 30 p. 100 au moins. Ce crédit d'impôt est essentiel au financement des productions.

    Les scénaristes canadiens remercient le comité d'avoir formulé cette recommandation dans son rapport prébudgétaire de 2004. Toutefois, la WGC et la plupart de ceux qui travaillent dans l'industrie canadienne de la production, sont déçus de voir que le gouvernement n'a pas inclus cette recommandation cruciale dans son budget de 2005. Il faut absolument prévoir, dans le prochain budget fédéral, une hausse du taux du crédit d'impôt pour financer les productions qui font appel à des talents canadiens pour réaliser des films et des émissions à contenu canadien.

  +-(1220)  

    Nous tenons à vous remercier de nous avoir invités à participer à cette réunion. Les scénaristes canadiens espèrent que le comité des finances recommandera que le gouvernement donne suite à l'engagement qu'il a pris envers nos créateurs en augmentant le financement du FCT, de Téléfilm Canada et de la SRC, et en majorant le crédit d'impôt pour la production cinématographique ou magnétoscopique canadienne. Il est important que le gouvernement entende le message du comité formé de députés de tous les partis, à savoir que le Canada doit s'engager à fournir les ressources nécessaires pour garder notre culture populaire vivante.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, madame Martiri.

    Chers collègues, nous allons avoir des tours de cinq ou six minutes.

    Je tiens à rappeler aux témoins que les membres du comité disposent de cinq ou six minutes pour les questions et réponses. Je vous demanderais donc d'être brefs afin qu'ils puissent vous poser plus de questions.

    Monsieur Solberg.

+-

    M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je tiens à remercier tous les témoins pour leurs exposés.

    Ma première question s'adresse à M. Sharpe. Je trouve votre proposition intéressante. Nous nous disions, mon collègue et moi, pendant que vous nous présentiez votre exposé, que l'idée d'un régime de pension agréé pour travailleurs autonomes pourrait séduire un très grand nombre de personnes, et pas seulement les musiciens. Il ne faudrait pas beaucoup de temps avant que d'autres demandent à avoir accès à un régime de ce genre.

    Toutefois, ce qui m'inquiète, c'est que certains régimes de pension ont connu de sérieuses difficultés, en grande partie à cause de la période de repli que nous avons connue en 2000. Existe-t-il des moyens de protéger ces régimes contre les résultats négatifs? En fait, les régimes de retraite à prestations déterminées semblent avoir perdu la faveur du public, précisément à cause de cela.

    Qui comblerait l'écart s'il y en avait un?

  +-(1225)  

+-

    M. Paul Sharpe: M. Koskie va répondre à la question, mais je tiens à dire, brièvement, que l'AFM offre, au Canada, un régime de retraite interentreprises aux musiciens. Celui-ci totalise environ 500 millions de dollars. Mais encore une fois, les artistes autonomes, qui représentent plus de 80 p. 100 de nos membres, ne peuvent y cotiser.

+-

    M. Monte Solberg: Je vois.

+-

    M. Paul Sharpe: Il s'agit, pour notre secteur, d'un fonds extrêmement stable.

    M. Koskie va vous donner d'autres précisions.

+-

    M. Raymond Koskie (consultant, Raymond Koskie Consulting, Fédération américaine des musiciens des États-Unis et du Canada): Merci, monsieur Solberg — et, bien entendu, monsieur le président.

    Il est question ici, essentiellement, de régimes de retraite interentreprises. D'après notre expérience, ces régimes éprouvent rarement des difficultés financière, car il y a des centaines, voire des milliers d'employeurs qui y cotisent.

    Vous parlez, en fait, d'une situation où une entreprise met sur pied un régime de pension agréé et connaît des difficultés financières, difficultés qui ont un impact sur ses obligations à l'égard du plan. Ce genre de scénario ne se produit pas dans le cas des régimes interentreprises, car ceux-ci regroupent de nombreux employeurs.

+-

    M. Monte Solberg: D'accord. Merci.

    Désolé, je n'ai pas beaucoup de temps.

    Madame Muyinda, vous avez parlé du revenu de personnes appartenant à certains groupes raciaux et de leur capacité quand ils finissent par se trouver du travail à... Vous avez cité des chiffres, sans toutefois en indiquer la source. Je me demande, d'abord, si vous pouvez nous fournir cette information, mais vous pourriez peut-être nous expliquer un peu plus... Il est difficile de savoir sur quoi les chiffres qu'on nous donne se fondent et ce qu'ils veulent dire. Je me demande jusqu'à quel point les nouveaux immigrants qui se trouvent du travail faussent les données parce qu'ils n'ont peut-être pas reçu la même formation que les gens qui ont eu la chance d'étudier ici plus longtemps.

    Pouvez-vous nous en parler?

+-

    Mme Estella Muyinda: Merci, monsieur le président.

    Je m'excuse de ne pas avoir indiqué la source des chiffres que j'ai cités, et je vous recommanderais l'ouvrage de Grace-Edward Galabuzi, intitulé Canada's Economic Apartheid. J'ai aussi cité des chiffres de Statistique Canada; donc, les données viennent de Statistique Canada et de Grace-Edward Galabuzi. Si vous tapez son nom dans Google, vous verrez ce qu'il a produit et comment il a travaillé; je reprends en particulier les statistiques.

    Pour ce qui est de ce que vous avez demandé au sujet des immigrants récemment arrivés au Canada, le problème, c'est qu'ils n'ont pas l'instruction et l'expérience que d'autres Canadiens ont. C'est pourquoi j'ai indiqué que les secteurs touchés par le racisme — et même le secteur public — ne reconnaissent pas les compétences et les études des immigrants. On constate que beaucoup d'immigrants arrivés au Canada sont écartés; ils ne peuvent pas apporter leur contribution parce qu'ils ne sont pas reconnus.

    Il faut se rappeler qu'on demande à ceux qui veulent venir au Canada d'avoir des études supérieures — c'est la population cible. On entend souvent dire qu'il y a beaucoup de médecins étrangers qui ne peuvent pas exercer la médecine ici en raison des permis délivrés par les associations médicales. Il y a aussi des comptables qui ont de l'expérience.

    Je vais vous donner un exemple. J'ai une amie qui est installée ici au Canada avec sa famille; elle est née au Ghana et elle a un diplôme de médecine de la Norvège. Ses études de médecine n'ont pas été reconnues parce qu'elle était Ghanéenne, et considérée comme ayant fait ses études dans ce pays; il fallait qu'elle s'inscrive à des cours de médecine, mais on ne l'a toujours pas acceptée. On lui a plutôt conseillé d'étudier en sciences infirmières, étant donné qu'elle était acceptée dans ce programme — ce qui est bien. On a complètement ignoré le fait qu'elle avait une formation de médecin. Donc, chaque été elle retourne en Norvège pratiquer la médecine, pour revenir au Canada suivre sa formation et obtenir son diplôme.

    Je suis moi-même un bon exemple. J'ai fait des études de droit en Ouganda. Mes diplômes n'ont pas été acceptés. J'ai été admise au barreau de trois provinces canadiennes, mais j'aurais quand même du mal à me trouver un emploi d'avocate parce que j'ai fait mes études dans un autre pays, ce qui est très malheureux pour un immigrant. C'est ainsi que beaucoup d'immigrants ont des problèmes de santé et que leur mode de vie s'en ressent, en raison de ce genre...

  +-(1230)  

+-

    M. Monte Solberg: Je sais que mon temps est probablement écoulé, mais j'aimerais dire que je comprends très bien la situation. Je viens de Brooks, en Alberta, où il y a un certain nombre de médecins qui travaillent à couper de la viande dans des abattoirs; je comprends donc votre point de vue.

+-

    Mme Estella Muyinda: Oui, et je peux ajouter que ce n'est pas seulement le cas des médecins, mais aussi d'infirmières agréées, d'infirmières auxiliaires autorisées et d'autres professionnels qui s'établissent au Canada.

+-

    M. Monte Solberg: Oui.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Solberg.

    Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.

    Dans le même ordre d'idées, madame Muyinda, en ce qui concerne ces limites de reconnaissance de l'expertise des personnes immigrantes, est-ce que ce sont des corporations professionnelles provinciales qui ont la responsabilité de gérer l'entrée sur le marché du travail, ou est-ce que ce sont des associations canadiennes? Nous avons le même problème au Québec, c'est-à-dire que ce sont des corporations professionnelles ayant une charte provinciale qui empêchent la reconnaissance des diplômes acquis à l'étranger.

[Traduction]

+-

    Mme Estella Muyinda: Oui, c'est la responsabilité des provinces. Mais il faut faire le lien. Et le lien est fait par le gouvernement du Canada qui doit signaler qu'il accueille des travailleurs qualifiés ayant les titres professionnels requis, ce qui prive leur pays d'origine de leurs compétences. Je suis sûre que vous avez lu dans les journaux l'article sur l'exode des cerveaux dans d'autres pays.

    Il faut faire le lien dès le point de départ, quand le gouvernement fédéral invite des étrangers à venir au Canada et leur dit qu'ils pourront trouver du travail quelle que soit leur formation. On cote les gens en fonction de leurs compétences. Les points qu'on obtient sont fondés sur les compétences qu'on possède et c'est un aspect qui compte pour beaucoup pour pouvoir venir au Canada.

    Alors, pourquoi le gouvernement fédéral n'aurait pas de responsabilité à assumer alors qu'il peut faire quelque chose? Il peut contribuer à changer les mentalités parce que les associations professionnelles font tout simplement preuve de protectionnisme en refusant les gens d'ailleurs actuellement. Le Canada a besoin de médecins, mais les choses ne changent pas.

    J'espère avoir répondu à votre question. Je n'ai peut-être pas été assez claire, mais je peux vous donner des exemples à ce sujet. Il faut faire le lien avec le gouvernement fédéral, même si ce sont les provinces...

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Non, je trouve que cela répond à ma question. Nous vivons la même problématique au Québec à cet égard.

    Nous avons une pénurie de médecins, mais nous avons aussi des pénuries pratiquement dans tous les domaines spécialisés et ultraspécialisés. Nous manquons d'agronomes, par exemple, et nous manquons de vétérinaires. Il en arrive de l'Afrique du Nord, d'Europe, et ça leur prend trois ans en moyenne avant de pouvoir se qualifier, après avoir suivi des cours d'appoint. C'est quand même assez spécial.

    Tout à l'heure, vous nous avez donné l'exemple de la Norvège. Si on tombe malade en Norvège, on est content d'être soigné par un médecin norvégien. Il est compétent, à ce moment-là. Cependant, lorsqu'il arrive ici, il n'est plus compétent. C'est assez anormal comme situation.

    Monsieur Sharpe, vous mettez l'accent sur un régime d'épargne-retraite pour les musiciens. Vous souciez-vous aussi, comme la plupart des artistes qu'on a rencontrés jusqu'à présent, de tout ce qui concerne l'étalement du revenu de l'artiste? On sait qu'à un moment donné, un musicien ou un autre artiste des arts de la scène ou même un écrivain peut connaître une bonne année. Si c'est le cas, il est imposé comme s'il avait toujours eu de bonnes années comme celle qu'il vient de vivre. Par contre, si l'année suivante est plus difficile pour lui et qu'il ne peut obtenir de contrats, il devrait pouvoir profiter de dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu lui permettant d'étaler son revenu de façon à lui permettre de passer au travers de moins bonnes années.

    Défendez-vous ce genre de modification à la loi fiscale?

  +-(1235)  

[Traduction]

+-

    M. Paul Sharpe: Tout à fait, nous sommes favorables à l'étalement du revenu. J'ai parlé de ma situation personnelle, à moi qui suis dans le milieu depuis 40 ans. Nous pouvions étaler notre revenu, puis les choses ont changé. Il est certain que pour moi — et je suis sûr que c'est la même chose pour beaucoup d'autres de mes collègues dans l'industrie — cette mesure serait bien accueillie. Oui, nous y sommes favorables.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

    Monsieur Angus.

[Traduction]

+-

    M. Charlie Angus (Timmins—Baie James): Monsieur Sharpe, j'appuie tout à fait votre proposition. D'ailleurs, elle me soulagerait beaucoup étant donné que je suis le seul musicien — comme tous mes amis musiciens me l'ont fait remarquer — à avoir la chance de toucher une pension. Donc, si je...

    Une voix: Je suis musicien.

    M. Charles Angus: Bien, il y en a un autre. Mais est-ce que tous vos amis vont vouloir aller vivre avec vous quand ils seront plus vieux?

    Je trouve qu'il est de moins en moins possible de gagner sa vie dans l'industrie de la musique. Sans citer de noms, il y a des groupes très bien connus dont les membres à 40 ans ne peuvent pas assurer leur subsistance en dehors des tournées.

    D'après ce que vous savez, dans quelle mesure les revenus des musiciens canadiens baissent-ils actuellement?

+-

    M. Paul Sharpe: Je ne suis pas un expert en la matière, mais je vais vous donner mon impression générale.

    Pour ce qui est ventes de disques et de l'effet marqué — c'est un marché qui découle des concerts, et cela devient beaucoup plus important qu'avant. Mais les artistes canadiens, qu'ils appartiennent à des groupes établis ou de jeunes groupes au Canada, touchent beaucoup moins d'argent de la vente de disques parce que...

+-

    M. Charlie Angus: Qu'en est-il des tournées de concerts et de la capacité d'un musicien de...

+-

    M. Paul Sharpe: Je crois comprendre que les tournées... En fait, selon un sondage récent dont j'ai pris connaissance il y a quelques jours, le marché des festivals et des clubs se porte généralement bien par rapport à l'industrie du disque.

    Certes, les musiciens se diversifient. Par exemple, les casinos et les entreprises constituent un marché qui prend de l'expansion pour les musiciens alors que les revenus provenant du marché des tournées diminuent. Il y a d'autres marchés qui viennent compenser cette baisse.

+-

    M. Charlie Angus: D'accord. monsieur Levy, il me semble que les producteurs de films sont confrontés à divers problèmes, outre le fait, bien sûr, que les diffuseurs nationaux ne paient pas suffisamment pour les dramatiques. Mais il reste, et je tiens à le souligner à l'intention de mes collègues, que la situation de la distribution au Canada est scandaleuse. Pourquoi investirait-on un million de dollars dans un film qui ne sera projeté nulle par au Canada?

    Que peut-on faire concrètement et à court terme pour corriger la situation du réseau de distribution du Canada.

+-

    M. Ira Levy: Je présume que vous parlez des longs métrages.

  +-(1240)  

+-

    M. Charlie Angus: Oui.

+-

    M. Ira Levy: Il y a deux ou trois remarques que je veux faire à ce sujet, mais j'aimerais laisser Alex répondre parce qu'elle a produit beaucoup de longs métrages et qu'elle a de l'expérience dans ce domaine.

    Il reste que le pourcentage de films canadiens projetés dans les salles de cinéma au Canada est affreusement bas. Il faut sûrement, d'une façon ou d'une autre, aider les exploitants de salles de cinéma à projeter des films canadiens, mais c'est aussi un problème de promotion. Si les gens ne savent pas qu'un film existe, ils ne vont pas nécessairement pouvoir aller le voir au cinéma, même si un ou plusieurs cinémas le mettent à l'affiche.

    Les énormes moyens dont disposent les films américains et étrangers, mais surtout américains dans notre pays, pour leur publicité et leur promotion dépassent de loin le budget des distributeurs de films canadiens.

    Certes, le ministère du Patrimoine contribue à la production de films, mais y a-t-il lieu de produire un film si on n'en fait pas la promotion et la publicité? Les deux vont de pair.

+-

    Mme Alexandra Raffé: Le Canada a deux problèmes. D'abord, nous sommes saturés de publicité sur les produits américains, non seulement à la télévision et sur les panneaux, mais aussi dans les magazines que nous achetons dans nos kiosques à journaux. Je suis sûre que les responsables de l'industrie du magazine vont vous parler des difficultés qu'ils éprouvent.

    Nous sommes un marché linguistique. Ce n'est pas tellement le cas en France, et à peu près pas au Québec, mais nous sommes un marché linguistique inondé par toutes les formes de médias provenant du sud de la frontière, étant donné que des ressources incroyables sont consacrées à la promotion de films et d'émissions de télévision.

    Ensuite, même si les distributeurs et les participants au Canada croient énormément en une émission et y accordent beaucoup d'aide, le simple fait d'essayer de faire contrepoids à la grosse machine américaine et d'assurer l'accès dans un pays aussi vaste que le nôtre coûte extrêmement cher. On n'a absolument pas les moyens de payer 40 millions de dollars pour faire la promotion d'un film canadien qui ne pourra pas attirer un auditoire suffisant.

    Nous avons besoin d'une stratégie coordonnée pour encourager les diffuseurs à participer à la promotion d'émissions et de films canadiens, surtout si ces diffuseurs vont pouvoir projeter ces productions pour vraiment pas cher quelques années plus tard. Si on pouvait encourager les diffuseurs canadiens à faire la promotion des films canadiens au moment où ils sont projetés dans les salles de cinéma et même avant, ce serait une aide inestimable.

+-

    M. Charlie Angus: Monsieur Morrison, cette stratégie existe à Radio-Canada au Québec, pour la production de films et le vedettariat. Radio-Canada joue un rôle crucial dans la production, la promotion et même la diffusion de films. Le budget de la CBC pour le Canada anglais semble avoir deux objectifs différents, tous les deux louables, mais tous les deux insuffisants. D'une part, on veut élaborer une stratégie cohérente pour faire des dramatiques et, d'autre part, on veut maintenir une voix dans les régions — et comme je viens d'une région, j'en suis un ardent défenseur.

    Je ne ferai aucun commentaire sur l'orientation des dirigeants de la CBC pour l'instant. Je vais simplement vous demander si avec le budget actuel, il est réaliste de pouvoir rétablir la diffusion d'émissions régionales au niveau demandé par les comités parlementaires, et travailler avec nos créateurs pour améliorer le marché des émissions dramatiques.

+-

    M. Ian Morrison: C'est une bonne question, monsieur Angus. Cela doit se faire de façon ciblée, et je serais le dernier à conseiller qu'on donne un chèque en blanc à Radio-Canada et qu'on laisse le conseil d'administration faire ce qu'il veut.

    En outre, le comité présidé par Lincoln a recommandé unanimement, si je me souviens bien, que la société d'État nous présente un plan d'activités, en prévoyant le financement nécessaire à sa réalisation. Je crois que nous devrions faire la même recommandation en ce qui concerne les dramatiques, le marketing et l'augmentation de l'espace réservé aux émissions canadiennes sur le réseau anglais de Radio-Canada.

+-

    M. Charlie Angus: Merci.

+-

    Le président: Très bien, monsieur Angus.

    Monsieur Holland.

  +-(1245)  

+-

    M. Mark Holland (Ajax—Pickering, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président. Merci aussi à tous les témoins qui ont pris la peine de venir ici aujourd'hui.

    J'aimerais m'adresser d'abord, si c'est possible, à M. Sharpe.

    Une question qui me préoccupe beaucoup, et sur laquelle, je crois, nous devrons nous pencher, est la nécessité de garantir des pensions aux travailleurs indépendants et de s'assurer qu'ils ont les ressources adéquates pour financer leur retraite. Cela ne concerne pas seulement les personnes oeuvrant dans le milieu artistique, mais la population en général. En fait, de plus en plus de Canadiens travaillent à leur compte, envisagent de le faire ou changent souvent d'emploi. Ce n'est plus la norme de travailler pour le même employeur jusqu'à la retraite; c'est même rare. Et nous savons que beaucoup de Canadiens ne mettent tout simplement pas d'argent de côté. Les REER sont un bon moyen d'épargner, mais ils ne sont pas utilisés à leur plein potentiel. Bien des gens n'économisent pas assez pour financer leur retraite, ce qui fait que nous devrons assumer une énorme responsabilité financière plus tard.

    Cette question m'intéresse beaucoup, parce que j'ai un beau-père cinéaste et une belle-mère propriétaire d'une entreprise d'importation d'objets d'art, et je m'inquiète pour eux.

    Je me demande donc si vous pouvez nous parler de l'exemple des États-Unis. Vous avez dit que depuis 1982, leur régime public était essentiellement équivalent aux régimes privés. Est-ce que cela a modifié les habitudes d'épargne des gens, et si oui, comment? De plus, vous n'y avez pas fait référence, mais avez-vous des exemples de ce qui se passe en Europe?

+-

    Le président: Monsieur Koskie.

+-

    M. Raymond Koskie: Je ne peux pas vous fournir de données sur la situation aux États-Unis. Nous ne sommes pas experts en la matière, mais, comme nous l'avons précisé dans notre mémoire, depuis 1982, les gens qui travaillent à leur compte peuvent contribuer aux régimes d'épargne-retraite Keogh, qui s'apparentent à nos REER. Le but était de créer un équilibre et de reconnaître le nombre grandissant de travailleurs indépendants, particulièrement dans le secteur culturel.

    Par conséquent, je crois qu'il est raisonnable de dire que dans l'ensemble, on a réussi à atteindre cet objectif social. Je n'ai pas les chiffres, mais on nous a dit que ces régimes étaient très populaires.

+-

    M. Paul Sharpe: Permettez-moi de vous donner, rapidement, l'exemple d'une de mes connaissances: un contrebassiste travaillant dans un orchestre canadien. Cet emploi représente 60 p. 100 du revenu annuel total de sa famille. À ce titre, ce monsieur contribue au régime de la Caisse de retraite de la Fédération américaine des employeurs et musiciens. Pour faire vivre décemment sa famille, il joue aussi du jazz la nuit. Ses contrats lui assurent 40 p. 100 de son revenu total. Il déclare les sommes qu'il perçoit, mais il ne peut en placer une partie dans un régime de retraite quelconque — même s'il aimerait beaucoup le faire à un moment dans sa carrière où il peut se le permettre. S'il le pouvait, sa planification financière lui causerait moins de soucis.

    Voilà une situation vraiment insensée. Nous sommes en présence d'une personne cotisant déjà à un régime de retraite offert par son employeur, devant travailler en plus pour subvenir aux besoins de sa famille et essayant de bien planifier son avenir financier. Actuellement, la Loi de l'impôt sur le revenu, même dans des cas semblables, ne prévoit aucun mécanisme permettant de faire des contributions additionnelles.

+-

    M. Mark Holland: Je crois que les États-Unis ont aussi un problème avec leurs taux d'épargne, et je suis prêt à examiner la situation de plus près. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une question que nous devons explorer pour trouver des façons d'inciter les gens à épargner, parce que nos taux sont vraiment inquiétants et que cela créera d'immenses problèmes dans l'avenir.

+-

    M. Paul Sharpe: Nous l'apprécions beaucoup.

+-

    M. Raymond Koskie: Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose. Bien que les personnes oeuvrant dans le milieu culturel puissent cotiser aux REER, elles n'ont pas accès à de vrais régimes d'épargne-retraite. Les REER représentent pour elles un moyen d'économiser, mais pas nécessairement pour la retraite. Les artistes y versent de l'argent et le retirent quand ils se retrouvent sans emploi. Ils doivent bien sûr payer de l'impôt sur le montant prélevé.

    Bref, les REER ne sont pas de vrais régimes de retraite parce que les contributions n'y sont pas immobilisées, contrairement aux sommes versées dans les RPA.

+-

    M. Mark Holland: C'est une bonne remarque. Je connais bon nombre de personnes qui utilisent leurs REER plus comme une façon d'arrondir leurs fins de mois que comme un outil d'épargne-retraite.

    Je sais que je dispose de peu de temps, mais j'aimerais m'adresser rapidement au National Anti-Racism Council of Canada. Je crois que vous avez soulevé des questions très importantes. Comme l'a dit M. Solberg, nous devons aller à la source des problèmes pour bien en comprendre les causes.

    En allant sur le terrain et en discutant avec des membres de différents groupes racisés — tels que les Autochtones — des problèmes auxquels ils sont confrontés, nous avons constaté que ceux qui détiennent un diplôme canadien ont un niveau d'emploi comparable à celui de l'ensemble des diplômés, et obtiennent autant de succès. Cependant, comme ils ont souvent vécu des situations très difficiles, ils sont dénués d'espoir. Nous devons faire en sorte que cela change.

    De plus, il me semble que vous avez parlé du problème du protectionnisme, et je crois que vous visez juste. Beaucoup de gens qualifiés viennent s'établir au Canada. Nous allons d'ailleurs devoir faire de plus en plus appel à l'immigration pour renouveler notre population vieillissante. Pourtant, dans plusieurs secteurs, on est réticent à engager des personnes qui ne détiennent pas de titres de compétence canadiens. Résultat: on est dans une impasse. En fait, je crois qu'il existe plus de préjugés envers les diplômes étrangers que de discrimination envers certaines catégories de personnes.

    Nous tentons de régler ce problème en créant un secrétariat de reconnaissance des titres de compétences étrangers. Je me demande si vous avez d'autres solutions à nous proposer.

    En outre, je pense que la publicité devrait dire toute la vérité. Souvent, les immigrants viennent au Canada avec l'impression qu'ils auront la vie facile. Mais quand ils arrivent ici — et c'est la même chose dans d'autres pays, parce qu'il s'agit d'un phénomène qui existe aussi en Europe et aux États-Unis —, ils déchantent vite, et leurs talents ne sont pas mis à profit.

    Une partie de la solution pourrait être de les avertir à l'avance des conditions à remplir pour pratiquer la médecine au Canada, par exemple. Évidemment, nous devons réduire les contraintes imposées aux médecins formés à l'étranger, parce que nous aurons grand besoin de ces gens. Bref, les immigrants doivent venir ici en toute connaissance de cause et nous devons mieux les informer.

    Je ne sais pas si vous voulez faire des commentaires.

  +-(1250)  

+-

    Mme Estella Muyinda: Oui, mais je ne sais pas trop par où...

+-

    M. Mark Holland: J'ai parlé de beaucoup de choses, je le sais.

+-

    Mme Estella Muyinda: Quant à la peur face à la réussite, elle est ressentie par n'importe qui d'autre au Canada. Mais il existe des barrières. Par exemple, le statut des femmes s'est amélioré au Canada parce que la Charte reconnaît l'égalité des sexes et qu'un grand nombre de personnes ont travaillé à la cause. Pourtant, on se heurte toujours à un plafond de verre, voyez-vous. De plus, un mur invisible est placé devant les personnes racisées, de sorte qu'elles sont doublement désavantagées.

    Ce n'est pas l'absence d'espoir qui empêche le succès. Les gens sont confiants, puisqu'ils ont reçu une formation et qu'ils détiennent des compétences linguistiques. Ils parlent très bien anglais, sinon, ils l'apprennent. Ce sont les barrières érigées par le racisme systémique qui empêchent les gens d'avancer. Par exemple, le gouvernement a émis le document Faire place au changement, qui était censé aider les membres de groupes racisés à obtenir des postes au gouvernement fédéral. Mais après trois ans, on a relégué le programme aux oubliettes, parce qu'il ne donnait plus de résultats. Il y avait tant de questions qui... en le lisant, vous pourrez constater les intentions derrière ce document, de même que les réactions des communautés et le besoin de changement ressenti.

    Un autre obstacle... le français est la deuxième langue officielle au Canada. Au gouvernement fédéral, on trouve un certain nombre de personnes racisées qui occupent des emplois divers, mais pas des postes de direction, en raison de la barrière des langues. Nous n'avons rien contre le français, étant donné qu'il s'agit d'une langue officielle. Nous sommes très fiers de la dualité linguistique du Canada. Toutefois, le gouvernement devrait appliquer des mesures pour aider les communautés racisées à apprendre le français, plutôt que d'attendre qu'elles aillent à l'Alliance française, ce qui leur coûte cher.

    Autre barrière: l'argent. Les minorités visibles doivent composer avec un capital de négociation moindre que celui des Canadiens non racisés.

    J'aimerais poursuivre, mais je vois un signal de l'autre côté.

  +-(1255)  

+-

    M. Mark Holland: Oui. Très brièvement, j'aimerais dire que...

+-

    Le président: Merci, monsieur Holland. Le temps file.

    Monsieur Penson.

+-

    M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci, monsieur le président.

    Je suis captivé par ce que j'entends ce matin. La question de la production et de la distribution cinématographique et télévisuelle se pose de longue date et a été soulevée à un certain nombre de comités dont j'ai fait partie. Ce matin, vous nous avez parlé des difficultés auxquelles votre industrie fait face au Canada. Cependant, je m'intéresse davantage au potentiel des films canadiens à l'extérieur de notre marché. Le monde est vaste, et notre population bien petite. Il faudrait donc élargir les horizons.

    Beaucoup de gens ne se rendent pas compte que l'industrie qui exporte le plus aux États-Unis, ce n'est pas celle de l'automobile ou de l'aéronautique, mais celle du divertissement sous toutes ses formes. À cet égard, je crois que nous avons le potentiel d'accroître nos parts de marché.

    J'ai apprécié votre exposé, madame Twigg. Vous dites que dans votre industrie, la production nationale se chiffre à 4,92 milliards de dollars, tandis que la valeur des exportations s'élève à 2,27 milliards. S'agit-il là de la valeur des films et des programmes télévisés vendus à l'étranger?

+-

    Mme Monique Twigg: Oui. Dans certains pays, nous sommes en pleine croissance. La Chine en est un exemple. Nous occupons une petite portion du marché, mais le taux de croissance est élevé. Par contre, les pays européens ont instauré une politique de l'audiovisuel qui avantage fortement les productions européennes, donc nos ventes là-bas sont en baisse.

+-

    M. Charlie Penson: J'aborde ce point parce que nos artistes semblent être aux prises avec certains problèmes, notamment celui de devoir se produire d'abord à l'étranger pour atteindre la notoriété ici. Peut-être est-ce ainsi que cela doit se passer. Il suffit de vendre nos productions télévisuelles et cinématographiques à l'étranger pour qu'elles soient subitement reconnues ici comme des produits de qualité.

    Je me demande quel est le potentiel réel d'accroissement des exportations. Si quelqu'un d'autre veut intervenir en respectant la limite de temps, j'apprécierais.

+-

    Mme Monique Twigg: Gail semble y tenir.

+-

    Mme Gail Martiri: Ce que vous dites est un peu vrai, mais nous avons eu récemment un grand nombre de cas de réussite pour des productions écrites, réalisées et jouées par des Canadiens. Par exemple, la série pour les jeunes Degrassi obtient actuellement la meilleure cote d'écoute sur le réseau américain Noggin. À un point tel que les jeunes acteurs de Degrassi qui parcourent les États-Unis font face à des foules en délire. C'est un programme très populaire qui est facile à vendre.

    D'autres émissions ont également été distribuées sous licence à de nombreuses chaînes de télévision payantes américaines. Ainsi, la série Da Vinci Inquest est maintenant diffusée aux États-Unis, où elle est saluée par la critique. Les Américains ont aussi récemment acheté Slings and Arrows, tandis que This is Wonderland a été vendue sur 100 marchés différents.

    Il s'agit là d'exemples de productions canadiennes qui ont été écrites, réalisées et jouées... qui proposent un contenu résolument canadien.

+-

    M. Charlie Penson: Cela concerne la télévision.

+-

    Mme Gail Martiri: En effet.

    Je crois qu'à partir du moment où nous disposons de moyens financiers pour produire des programmes de qualité, les problèmes d'audience ne se posent plus, puisque ces programmes sont formidables. En outre, il n'est pas difficile de les distribuer lorsqu'ils bénéficient d'un tel appui. Mais je pense que les problèmes de notre industrie sont en grande partie liés à la capacité réelle de financer des productions de qualité.

    Dans mon exposé, j'ai dit qu'une heure de télévision coûte environ 1,1 million de dollars à produire. La raison est qu'au Canada anglais, nous devons concurrencer les productions américaines. Celles-ci sont très coûteuses, et les Américains dépensent beaucoup d'argent pour les commercialiser. Voilà donc ce à quoi nous sommes confrontés, non seulement ici, mais également à l'étranger.

+-

    M. Charlie Penson: Et dans l'industrie cinématographique, quelles difficultés de distribution éprouvons-nous au Canada? N'est-ce pas aussi un problème aux États-Unis?

    Je vois que Mme Raffé souhaite répondre.

·  -(1300)  

+-

    Mme Alexandra Raffé: La vieille rengaine est que la télévision est destinée au marché national, et les films, au marché international. Pratiquement partout dans le monde, on protège jusqu'à un certain degré l'industrie télévisuelle nationale; d'ailleurs, les téléspectateurs ont tendance à préférer largement les produits nationaux et familiers. Tout cela se reflète dans les programmes de nouvelles locales et tous ces autres éléments qui rendent la télévision familière.

    En ce qui a trait aux longs métrages, il est pratiquement impossible d'atteindre le seuil de rentabilité si l'on s'en tient uniquement au marché canadien. J'y suis quand même parvenue il y a 18 ans, mais il s'agissait d'un film à très petit budget. Avec de la chance, on peut s'attendre à récolter l'équivalent du dixième des coûts de production d'un film lorsque celui-ci est présenté uniquement au Canada. Pour financer des films, nous sommes très dépendants, entre autres, des coproductions, pour lesquelles le Canada était autrefois une figure de proue. Mais ces dernières années, les traités de coproduction se sont faits rares, et nos liens se dénouent. Cela, pour être franche, à cause des pressions exercées par le régionalisme européen. Les pays d'Europe établissent maintenant des partenariats entre eux, tandis que le Canada a de moins en moins à offrir. Donc, nous ne sommes plus des partenaires de coproduction très intéressants.

    Partout au monde, le financement des longs métrages découle largement du marché télévisuel. En présentant un long métrage sur le marché initial, on peut récolter un certain montant, mais la majeure partie de l'argent servant à « couvrir les arrières » des distributeurs et des investisseurs provient des DVD, vidéos et produits dérivés, sans oublier la télévision.

    Les produits télévisuels étrangers sont pénalisés par les politiques visant à favoriser les productions nationales. Par exemple, la meilleure façon de faire une percée sur le marché germanique est de faire une coproduction allemande, car l'Allemagne a mis en place un régime d'incitatifs pour faciliter grandement l'achat de productions allemandes, ce qui ne serait pas le cas pour une production canadienne. Si un succès international comme Muriel's Wedding est présenté à un festival et qu'il rapporte 100 millions de dollars, tout le monde voudra l'acheter, peu importe d'où il vient. Mais un film canadien d'une qualité comparable aux meilleurs films indépendants européens, australiens et britanniques ne fera pas recette sur ces marchés. Un film de Mike Leigh se vend pour une bouchée de pain au Canada. Nous nous attendons à ce que nos films d'une qualité équivalente remportent peu de succès en Grande-Bretagne. C'est que le marché n'est pas solide.

+-

    Le président: Merci, monsieur Penson.

    J'ai une petite question, madame Muyinda. À la troisième page de votre exposé, vous dites que l'argent prévu au titre du projet de Loi sur les mesures d'aide liées au coût de l'énergie ne sera pas versé aux aînés parce que ceux-ci ne sont pas admissibles au Supplément de revenu garanti. Que recommanderiez-vous pour l'éviter?

    Vous affirmez également que les membres de groupes racisés ne bénéficieront pas non plus de ce programme parce qu'ils doivent attendre environ 10 ans avant d'avoir droit au système de pensions. Nous allons procéder au remboursement au moyen du SRG ou de la TPS. Y aurait-il une autre méthode envisageable? Cela devient très compliqué.

    Je ne vous demande pas de répondre maintenant, mais pourriez-vous y penser?

+-

    Mme Estella Muyinda: Je vais m'informer.

    Beaucoup d'opinions ont circulé lorsque les membres de la communauté ont reconnu le problème et en ont discuté, mais les avis divergent quant aux solutions possibles.

    Si je vous répondais maintenant, ce serait pour vous donner mon point de vue, alors je vais procéder à une consultation et vous revenir là-dessus.

-

    Le président: Parfait.

    Madame Twigg... ou quelqu'un d'autre pourrait peut-être me répondre. Nous sommes le comité des finances, et nous voulons des chiffres. Nous envisageons d'augmenter de 16 p. 100 le crédit d'impôt pour services de production. Pourriez-vous nous dire combien cela coûterait réellement?

    Quelqu'un a également suggéré de faire passer de 20 à 30 p. 100 le Crédit d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne, et je crois que Mme Martiri a justement proposé 30 p. 100. Pourriez-vous nous dire à combien d'argent correspondrait ce pourcentage? Encore une fois, vous n'avez pas à le faire maintenant, mais si vous pouviez envoyez ces chiffres au greffier, j'apprécierais.

    Merci d'être venus. Nous avons terminé dans les délais; je vous sais gré d'avoir respecté les limites de temps pour vos exposés.

    Ce sera tout. Merci encore. Je déclare la séance levée.