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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des finances


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 19 avril 2005




Á 1135
V         Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.))
V         M. David Dodge (gouverneur, Banque du Canada)

Á 1140
V         Le président
V         M. Charlie Penson (Peace River, PCC)
V         M. David Dodge

Á 1145
V         M. Charlie Penson
V         M. David Dodge
V         M. Charlie Penson
V         M. David Dodge
V         M. Paul Jenkins (premier sous-gouverneur, Banque du Canada)
V         Le président
V         M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ)

Á 1150
V         M. David Dodge
V         M. Paul Jenkins
V         M. Guy Côté
V         M. David Dodge

Á 1155
V         M. Guy Côté
V         Le président
V         L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.)
V         M. David Dodge
V         L'hon. Maria Minna
V         M. David Dodge
V         Le président
V         M. David Dodge

 1200
V         M. Paul Jenkins

 1205
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD)
V         M. David Dodge

 1210
V         M. Paul Jenkins
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le président
V         M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC)

 1215
V         M. David Dodge
V         M. Monte Solberg
V         M. David Dodge

 1220
V         M. Paul Jenkins
V         M. Monte Solberg
V         M. David Dodge
V         Le président
V         M. Don Bell (North Vancouver, Lib.)
V         M. David Dodge

 1225
V         M. Don Bell
V         M. David Dodge

 1230
V         Le président
V         Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC)
V         M. David Dodge

 1235
V         Le président
V         M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)
V         M. David Dodge

 1240
V         M. Paul Jenkins

 1245
V         Le président
V         M. Guy Côté
V         M. David Dodge

 1250
V         M. Paul Jenkins
V         M. Guy Côté
V         M. Paul Jenkins
V         M. Guy Côté
V         M. David Dodge
V         Le président
V         L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.)

 1255
V         M. David Dodge

· 1300
V         M. Paul Jenkins
V         Le président
V         M. Paul Jenkins

· 1305
V         Le président
V         M. David Dodge
V         Le président
V         L'hon. John McKay
V         Le président
V         M. Charlie Penson
V         M. David Dodge

· 1310
V         M. Charlie Penson
V         M. David Dodge
V         M. Charlie Penson
V         M. David Dodge
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis

· 1315
V         Le président
V         M. David Dodge

· 1320
V         Le président
V         L'hon. John McKay

· 1325
V         M. David Dodge
V         L'hon. John McKay
V         M. David Dodge

· 1330
V         L'hon. John McKay
V         M. David Dodge
V         Le président
V         M. David Dodge

· 1335
V         Le président
V         M. David Dodge
V         Le président
V         M. Charlie Penson
V         M. David Dodge

· 1340
V         Le président










CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 054 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 19 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1135)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): Bonjour tout le monde. Bonjour monsieur Dodge, monsieur Jenkins. C'est un plaisir que de vous accueillir à ce comité—une occasion qui se renouvelle tous les six mois, je crois.

    Alors je pense que vous connaissez la routine. Je vais vous laisser quelques minutes pour vos observations préliminaires.

[Français]

    Ensuite, nous laisserons les membres du comité poser des questions.

    Vous avez la parole.

+-

    M. David Dodge (gouverneur, Banque du Canada): Merci, monsieur le président.

    Distingués membres du comité, bonjour.

    Nous apprécions la possibilité que nous avons, deux fois l'an, de vous rencontrer à la suite de la parution du Rapport sur la politique monétaire. Ces séances nous aident à bien renseigner les députés de la Chambre et, par votre entremise, tous les Canadiens, au sujet de notre point de vue sur l'économie, de l'objectif de la politique monétaire et des mesures que nous prenons pour l'atteindre.

    Jeudi dernier, nous avons publié la livraison d'avril du Rapport sur la politique monétaire. Dans ce rapport, nous expliquons que l'évolution de l'économie mondiale est généralement conforme aux attentes et que les prévisions concernant l'activité au pays sont essentiellement les mêmes qu'au moment de la mise à jour de janvier.

    L'économie canadienne continue de s'ajuster aux changements en cours sur la scène internationale. Ce point était important aussi en octobre dernier, lorsque Paul et moi nous sommes présentés devant vous.

    Parmi ces changements, mentionnons le réalignement des devises engendré par des déséquilibres mondiaux, la hausse des prix de l'énergie et des produits de base non énergétiques ainsi que la concurrence grandissante provenant des pays à marché émergent.

[Traduction]

    Les ajustements sectoriels qui s'opèrent au Canada en réponse à ces changements deviennent plus manifestes. De nombreuses industries productrices de matière première sont en expansion, alors que les entreprises de certains autres secteurs ouverts au commerce international subissent des pressions associées à l'appréciation de notre monnaie et à la concurrence étrangère. Dans l'ensemble, le volume des exportations net a ralenti l'activité. Mais grâce au dynamisme de la demande intérieure, quelques secteurs, dont le commerce de détail et de gros ainsi que le logement, connaissent une forte croissance.

    La banque prévoit que l'économie canadienne progressera de quelque 2,5 p. 100 en 2005 et d'environ 3,25 p. 100 en 2006 et que la croissance, cette année et l'an prochain, proviendra principalement du dynamisme de la demande intérieure. Afin de continuer à soutenir la demande globale, nous avons décidé de maintenir à 2,5 p. 100 le taux cible du financement à un jour le 12 avril.

    La banque estime encore que l'économie tourne un peu en deçà des limites de sa capacité et qu'elle remontra à son plein potentiel au second trimestre de 2006. L'inflation mesurée par indice de référence devrait revenir à 2 p. 100 vers la fin de l'an prochain. Selon le scénario établi à partir des cours à terme du pétrole, le taux d'augmentation de l'IPC global devrait rester légèrement au-dessus de 2 p. 100 cette année et descendre un peu sous ce taux au deuxième semestre de 2006.

    À la lumière de ces prévisions pour la croissance de l'inflation, une réduction du degré de détente monétaire sera requise au fil des ans. Ces prévisions sont entachées de risques, aussi bien à la hausse qu'à la baisse, et d'incertitudes. Parmi ces risques, mentionnons le rythme d'expansion en Asie ainsi que la trajectoire des cours du pétrole et des produits de base non énergétiques. Un autre risque concerne la résorption des déséquilibres des balances courantes à l'échelle mondiale, notamment la possibilité grandissante que le processus de correction ne devienne désordonné si ce déséquilibre devait persister. Les incertitudes liées aux perspectives pour le Canada ont trait pour la plupart à la façon dont l'économie s'ajuste aux modifications des prix relatifs associées aux principaux changements en cours sur la scène internationale.

    La politique monétaire continue de faciliter le processus d'ajustement en visant à maintenir l'inflation au taux cible de 2 p. 100 et à faire tourner l'économie près de son plein potentiel.

    Monsieur le président, Paul et moi répondrons avec plaisir aux questions du comité.

Á  +-(1140)  

+-

    Le président: Merci monsieur Dodge.

    Nous allons passer directement aux questions, et nous aurons sept minutes au premier tour. Nous donnons la parole à M. Penson, et ensuite à M. Loubier.

+-

    M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci, monsieur le président.

    Je tiens à souhaiter la bienvenue à M. Dodge et à M. Jenkins au comité aujourd'hui. C'est toujours un plaisir que de vous accueillir ici pour faire le point sur l'orientation de l'économie selon la perspective de la Banque.

    Je m'intéresse, monsieur Dodge à deux autres aspects. Le premier concerne l'Asie, dont vous avez parlé, et j'aimerais savoir si, selon votre analyse, la Chine va continuer à afficher cette forte croissance de 8 à 10 p. 100 du PIB par année qui consomme tellement de ressources, qui pousse les prix à la hausse, ce qui est néfaste pour certains secteurs, même les secteurs des ressources, comme l'agriculture, à cause des prix plus élevés du pétrole, dans engrais; tout cela se répercute sur le secteur agricole.

    J'aimerais que vous nous disiez si vous prévoyez une certaine détente dans le scénario de croissance en Chine, et ce qui va advenir de l'habitation. L'un des secteurs qui porte vraiment l'économie canadienne est celui de l'habitation. Où est le point où la demande est relativement comblée, ou à quoi pourrons-nous nous attendre dans ce secteur, en fait de demande, comparativement à la disponibilité, d'ici deux ans?

+-

    M. David Dodge: Je vais commencer par la question de la Chine. De fait, on pourrait appeler cette région « l'Asie non japonaise », parce que ces économies sont toutes vigoureuses, et qu'elles sont interreliées.

    Ce qui catalyse l'économie de la Chine, ce sont des taux très élevés d'investissement là-bas—plus ou moins 40 p. 100 de leur PIB passe en investissement. On se demande toujours si ce sont tous des investissements productifs. C'est la première question qui se pose, et la deuxième, c'est combien de temps cela peut durer. La troisième, c'est quand allons-nous constater un resserrement de la politique monétaire en Chine, et un certain ralentissement de cette croissance? Je pense que selon les meilleures prévisions, la croissance vigoureuse va se poursuivre, du moins dans un avenir prévisible, en 2005 et 2006—peut-être un peu moins forte que ce que nous avons déjà vu, mais l'économie serait encore extraordinairement vigoureuse d'après les normes historiques. C'est certainement le point de vue du FMI. C'est le point de vue des autorités chinoises, et nous leur avons parlé en fin de semaine dernière. Néanmoins, on peut dire que les autorités chinoises se préoccupent de ce que ces investissements soient productifs et, deuxièmement, que la croissance de l'économie se maintienne à un niveau très élevé et probablement insoutenable. Ce qu'elles devront faire, c'est... Avec le temps, elle ralentira, mais la consommation intérieure des ménages augmentera.

    Je pense que les meilleures prévisions qu'on puisse faire d'ici la fin de 2006 pour la Chine, ce sont des taux de croissance élevés, probablement de l'ordre de 7 p. 100—et même peut-être de 8 p. 100—mais en baisse, légèrement, comparativement à ce qu'ils ont pu être.

    L'Inde est un autre pays dont l'économie affiche une croissance très vigoureuse—pas aussi rapide que la Chine, mais néanmoins vigoureuse. Là encore, les perspectives pour l'Inde sont assez bonnes. Le taux de croissance pourrait être légèrement plus faible en 2005 et 2006 qu'il ne l'a été en 2004, mais en fait, ce serait utile.

    Pour le reste de l'Asie non japonaise, on prévoit une croissance d'une vigueur raisonnable. Il y a peut-être des questions en Corée, sur ce qu'ils vont ajuster, exactement, parce que comme vous le savez probablement, le won s'est fortement apprécié ces derniers mois.

    C'est, en gros, le tableau : une forte demande de l'Asie à court terme, de gros problèmes d'ajustement qu'elle devra faire à long terme, et un risque d'augmentation des pressions inflationnistes.

Á  +-(1145)  

+-

    M. Charlie Penson: Monsieur Dodge, je me demande si vous pouvez nous aider. Je sais que la Chine s'efforce de transférer beaucoup de ses activités publiques au secteur privé. C'est un engagement qu'elle a pris devant l'Organisation mondiale du commerce. Est-ce que vous avez examiné cela, et est-ce que, selon vous, cela leur donnera des problèmes alors qu'ils essaient de privatiser un grand nombre de ces grandes sociétés?

+-

    M. David Dodge: Nous ne sommes pas experts en la matière, alors permettez-moi de parler un peu de ce que nous suivons de très près, soit le secteur financier. Il revêt une importance extraordinaire et sera un élément clé des développements en cours. Sur ce plan, ils font des progrès. Les progrès sont clairs. Ce n'est jamais aussi rapide qu'on le voudrait, mais en cela, la Chine n'est pas très différente de bien d'autres pays.

    Néanmoins, ils font des progrès. Ils sont en train de privatiser deux de leurs quatre grandes banques. Ils ont fait d'énormes progrès dans le règlement de certains des problèmes de prêts non productifs que révèlent leurs livres. Il est réellement très important, pour que la Chine puisse avancer, qu'elle fasse des progrès sur ce plan.

    Nous souhaiterions qu'elle se libéralise un peu plus rapidement et permette aux institutions étrangères, comme nos compagnies d'assurance, d'y accroître leurs activités. Cela contribuerait à faire avancer les choses plus rapidement, mais les progrès sont réels.

    Paul, vous avez suivi ce dossier de plus près que moi. Peut-être voudriez-vous ajouter quelque chose.

+-

    M. Charlie Penson: Avant cela, puis-je poser une question? Quelle importance revêt ce progrès pour la possibilité de cesser d'associer le cours de leur monnaie à celui du dollar américain? Est-ce que c'est une partie du progrès en cours?

+-

    M. David Dodge: Je vais répondre avec beaucoup de précaution, parce qu'il y a, réellement, deux questions, ici. C'est certainement un élément très important de ce qui est nécessaire pour que leur monnaie puisse avoir un flottement pur comme la nôtre et celles de bien d'autres pays. C'est extrêmement important que cela puisse se faire, et comme je l'ai dit, les progrès vont bon train.

    Paul, peut-être pouvez-vous ajouter un ou deux commentaires sur le sujet?

+-

    M. Paul Jenkins (premier sous-gouverneur, Banque du Canada): Tout d'abord, au sujet du secteur financier en tant que tel, ils ont pris plusieurs initiatives pour faire avancer cette réforme. De fait, cette année, deux des grandes banques, la Bank of China et la China Commercial Bank, doivent être inscrites à la cote. Il est censé y avoir un PPR associé à cela. D'autres banques vont être inscrites à la cote à Hong Kong. Si on regarde plus loin, en 2006, qui est une date importante à cause de l'OMC, les banques étrangères auront pleinement accès au marché du détail en monnaie nationale en Chine. Alors vous pouvez voir que les choses avancent de ce point de vue, et c'est vraiment l'aspect auquel nous nous intéressons particulièrement.

    J'aimerais pouvoir, rapidement, revenir à votre première question sur les prix. Comme le disait le gouverneur, nous nous attendons à un certain ralentissement du taux de croissance de l'économie mondiale, mais il devrait néanmoins rester assez élevé. Alors, pour ce qui est des prix des produits de base, le scénario de référence que nous présentons dans notre rapport donne à penser que ces prix des produits de base vont rester assez élevés, mais nous ne nous attendons certainement pas à ce que la croissance se poursuive au rythme que nous avons vu ces dernières années. Ce scénario général s'appuie sur des données que nous recueillons de nos bureaux régionaux et nous les publions dans ce que nous appelons notre sondage sur les perspectives économiques, dans le cadre duquel nous interrogeons les entreprises sur leur prix pour les facteurs de production, ce qui, je pense, était à l'origine de votre question.

+-

    Le président: Merci, monsieur Penson.

    C'est au tour de M. Côté, puis ce sera à Mme Minna.

[Français]

+-

    M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président. Messieurs Jenkins et Dodge, je vous remercie d'être présents aujourd'hui.

    Récemment, un oubli important a été commis concernant nos prévisions. Bien sûr, ces dernières sont basées en partie sur les exportations canadiennes vers les États-Unis et sur la valeur du dollar canadien. Étant donné les erreurs d'inscription qui ont eu lieu récemment à Statistique Canada, peut-on tenir pour acquis que les prévisions que nous avons devant nous sont relativement fiables?

    À votre connaissance, est-ce que des mesures ont été prises afin d'éviter qu'une telle situation se reproduise? On sait qu'au moment où cela s'est produit, le dollar canadien a subi certains effets.

Á  +-(1150)  

+-

    M. David Dodge: Je vais commencer.

    Peu importe le pays, les statistiques sur le commerce extérieur sont les plus difficiles à produire et sont sujettes à des corrections qui, dans bien des cas, sont assez substantielles. Par conséquent, il est important de ne pas trop mettre l'accent sur les fluctuations qui se produisent d'un mois à l'autre.

    Cela dit, nous estimons que les exportations ne seront pas très élevées cette année, qu'elles le seront davantage en 2006, que les importations seront assez importantes cette année et que cette tendance va se poursuivre parce que notre demande intérieure sera assez forte. Vous pourrez voir dans le tableau de la page 30 de la version anglaise que les exportations nettes réduiront de plus de 1 p. 100 notre croissance en 2005 et de 0,2 p. 100 en 2006. Comme je l'ai déjà dit, ces projections sont en général assez exactes, même si les chiffres sont, d'un mois à l'autre, très volatils.

    Paul.

+-

    M. Paul Jenkins: Permettez-moi d'ajouter quelques mots. D'abord, comme le gouverneur l'a mentionné, il y a toujours beaucoup de révisions mensuelles. Dans le cadre de l'application de la politique monétaire, la tendance des séries est pour nous la plus importante. Ici, on parle entre autres de la tendance relative au commerce international, même dans des marchés comme celui du travail, et de celle relative au taux d'inflation. Il est toujours important de ne pas accorder trop d'importance aux révisions mensuelles et d'analyser les tendances par trimestre, par année.

    Comme le gouverneur l'a mentionné, étant donné que les prix relatifs changent beaucoup, par exemple le taux d'inflation ou le taux de change, il est difficile pour Statistique Canada de déterminer exactement la différence entre l'influence des prix et le volume. C'est une influence qui prévaut en ce moment, mais ce n'est pas ce qui a déterminé la tendance des données.

+-

    M. Guy Côté: Il y a quelques mois, vous avez mis en circulation un nouveau billet de vingt dollars. Je sais qu'il est peut-être un peu tôt pour poser la question, mais j'aimerais savoir si vous avez pu constater un effet quelconque, par exemple une baisse de la contrefaçon.

+-

    M. David Dodge: Oui, et cela ne s'applique pas seulement aux billets de vingt dollars, mais également à ceux de cinquante et de cent dollars. Il est certain qu'une baisse assez forte s'est produite. Pour cette raison, à la mi-mai, nous intégrerons les mêmes éléments de sécurité aux billets de dix dollars. Il faut toujours prendre garde, parce que les professionnels cherchent continuellement à apprendre à fabriquer de faux billets. Jusqu'à aujourd'hui, les faux billets que nous avons trouvés sont de très mauvaise qualité, et nous nous en réjouissons.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Guy Côté: C'est bien. Je poserai d'autres questions plus tard.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Minna.

[Traduction]

+-

    L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Bienvenue encore, monsieur Dodge. Il est bon de vous voir, et je suis heureuse de vous entendre encore parler des merveilleuses répercussions que peut avoir l'éducation des jeunes enfants sur notre économie future. J'ai lu votre dernière allocution.

    J'aimerais discuter avec vous de deux ou trois choses. Vous avez situé notre taux de production de 2,9 p. 100 à 2,6 p. 100, et c'est une espèce de tendance à la baisse. Entre-temps, nous envisageons une croissance de 2,6 p. 100 pour l'année prochaine et de 3,3 p. 100 pour 2006-2007. Je me demande si vous pouvez expliquer la réduction à court terme, ce qui, selon vous, en est la cause, du point de vue de la productivité, et aussi cette prévision optimiste à la hausse à 3,3 p. 100, ce qui est assez fort, pour 2006-2007.

+-

    M. David Dodge: Oui. Tout d'abord, je vais préciser que nos prévisions sont plus ou moins les mêmes qu'auparavant. Même s'il y a quelques petits ajustements, nous ne devons pas y lire rien de radical.

    Ces ajustements sont survenus en 2005. La réduction, en 2005, est un peu une question d'arithmétique, parce que nous avons terminé 2004 avec un taux de production légèrement plus élevé que ce que nous avions pensé qu'il serait. Il y a eu des révisions du taux de croissance, alors nous avons terminé 2004, dans l'ensemble, avec un taux de croissance de 2,8 p. 100, comparativement à nos prévisions antérieures de 2,7 p. 100. Voilà c'est une première chose.

    Pour le deuxième élément, la structure de la production, tout au long de l'année, a été un peu différente de ce que nous avions pensé qu'elle serait. Elle a été beaucoup plus vigoureuse aux deuxième et troisième trimestre, et s'est affaiblie au quatrième trimestre. Donc, rien que la méthode arithmétique de calcul des taux de croissance une année sur l'autre a mené cette révision à la baisse, de 2,8 à 2,6 p. 100.

    De fait, pour l'année, nous continuons à nous attendre à environ 2,5 p. 100 au premier semestre, et 3 p. 100 au deuxième semestre de 2005, allant jusqu'à 3,5 p. 100 en 2006 au cours de l'année. Quand on fait des moyennes une année sur l'autre, il y a des différences dans les chiffres, mais le principal, c'est qu'il ne faut pas voir dans les chiffres plus que ce qu'ils disent; nos prévisions de base n'ont pas changé.

+-

    L'hon. Maria Minna: Et cela semble être positif.

    L'un des facteurs d'influence, en plus du cours du dollar, c'est que le prix du pétrole a considérablement augmenté. Je m'interroge sur l'incidence des prévisions à court et à moyen termes que vous avez pour le pétrole. Est-ce que vous vous attendez à ce qu'il reste élevé, ou prévoyez-vous un changement?

    En plus—si vous voulez bien répondre à une double question—que prévoyez-vous en matière de production relativement aux sables bitumineux du Canada? Est-ce qu'une production qui s'ajouterait, ou cette réserve, pourrait avoir une incidence sur les prix en général?

+-

    M. David Dodge: C'est vraiment une question très importante. Peut-être pouvons-nous lui consacrer un petit peu plus de temps, parce que c'est absolument crucial.

+-

    Le président: D'accord. Nous avons tout le temps qu'il faut.

+-

    M. David Dodge: Tout d'abord, je pense qu'il faut commencer par l'échelle mondiale et nous interroger sur ce qui se passe. L'année dernière, la croissance mondiale a été d'un peu plus de 5 p. 100. Nous prévoyons une croissance mondiale qui serait de l'ordre d'un peu plus de 4 p. 100 en 2005 et 2006. Comme nous l'avons entendu dans la réponse à la question précédente, une grande part de cette croissance est attribuable à des pays qui sont largement tributaires du pétrole comme source marginale d'énergie.

    Ainsi, ce que nous avons constaté, c'est que la demande mondiale de pétrole—et cela a commencé en 2003—augmente beaucoup plus rapidement que quiconque avait pu le prévoir. Elle affiche une croissance certainement plus rapide que ce que l'AIE, l'Agence internationale de l'énergie, avait prévu. Cela a poussé la demande, à ce moment-là, à la hausse, au point où il ne reste pratiquement plus de capacité de réserve qui soit disponible dans le monde, de façon générale et cela, c'est évident, pousse à la hausse le prix du pétrole à court terme.

    C'est très intéressant cette fois-ci, et très différent de ce que nous avons pu voir dans le passé. Normalement, le cours à terme du pétrole baisse quand on arrive à six ou sept ans; il reste raisonnablement stable, et c'est au graphique 19 de notre publication. Cette fois-ci, en fait, ce qui est arrivé, c'est que les prévisions pour le marché à long terme—six et sept ans—ont largement augmenté. C'est assez inhabituel, alors on doit se demander pourquoi les prévisions à moyen terme font état de prix relativement élevés. Que ce soit 50 $ ou 45 $, c'est certainement élevé comparativement au passé. Pourquoi cela? C'est surtout parce que, selon les prévisions relatives à la demande mondiale, du moins ces six ou sept prochaines années, les prix vont augmenter aussi rapidement que l'offre peut suivre; il faut certainement du temps pour amener l'offre sur le marché.

    D'après les prévisions de bien des analystes qui en savent plus que nous—mais qui correspondent néanmoins à nos prévisions à moyen terme en ce qui concerne la demande mondiale—nous prévoyons des prix assez élevés du prix de pétrole, à tout le moins à moyen terme. C'est de bon augure pour la production au Canada, mais vous le savez, les délais de mise en production peuvent être assez longs. Ce que nous avons constaté, c'est que l'investissement commence à accélérer plus rapidement que nous l'avions prévu à l'origine, pour ce qui est de l'exploitation des sables bitumineux, et les plans de pipelines additionnels etc., semblent être un peu accélérés.

    La contrainte véritable que nous avons, au Canada, c'est à la fois au plan de la main-d'oeuvre spécialisée et de la capacité de produire—que ce soit pour l'affinage, la cokéfaction, les tuyaux d'acier, etc.—pour que ces exploitations puissent entrer en oeuvre rapidement. Par conséquent, ces aménagements seront répartis dans le temps. Bien que ce soit le cas au Canada, il est aussi vrai dans le monde entier que la capacité de raffinage est limitée, et la capacité dans le reste du monde d'augmenter l'offre rapidement est aussi limitée.

    Donc, on prévoit un niveau assez élevé pendant une période considérable, avec une forte activité au Canada en conséquence de cela, mais avec une certaine volatilité des prix à court terme. Ces prix vont fluctuer, parce que pour l'instant, l'offre et la demande sont en équilibre sur une corde raide.

    Paul, peut-être voulez-vous ajouter quelque chose? C'est vraiment une question très importante.

  +-(1200)  

+-

    M. Paul Jenkins: C'est vrai, c'est une question très importante.

    J'aimerais ajouter, si vous permettez, quelque chose aux observations du gouverneur. À la page 13 de notre rapport intégral—c'est encore au sujet de votre question sur l'élément investissement en conséquence de l'augmentation du coût du pétrole—nous avons un tableau qui illustre les tendances récentes de l'investissement. Vous pouvez voir très rapidement, si vous regardez la deuxième ligne, celle de l'extraction du pétrole et du gaz—que les taux de croissance de l'investissement en 2003, 2004 et 2005 sont vraiment très élevés et on s'attend à ce qu'ils le restent.

    Ce n'est qu'une réponse quantitative à votre question sur l'investissement. Ce ne sont pas les sables bitumineux en tant que tels, mais ils sont inclus là-dedans, et vous pouvez voir que les taux de croissance sont vraiment très élevés en réaction aux facteurs économiques dont a déjà parlé le gouverneur.

  +-(1205)  

+-

    Le président: Merci.

    Peut-être pouvons-nous laisser la parole à Mme Wasylycia-Leis, puis à M. Solberg.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur Dodge et M. Jenkins, pour votre présentation d'aujourd'hui.

    J'aimerais me concentrer d'abord sur la question de la productivité, puisque vous en avez beaucoup parlé ces temps-ci. Il me semble que vous avez suggéré que nous pourrions devoir resserrer nos politiques pour composer avec cela, même si cela doit entraîner des pertes d'emploi, si notre potentiel n'affiche pas le rythme de croissance que nous avions espéré. Je me demande si, en fait, nous ne devrions pas aborder cette question sous un angle tout à fait différent, si les hypothèses de la Banque du Canada sont correctes, et s'il n'y a pas beaucoup plus de relâchement sur le marché de l'emploi que vous ne le laissez entendre. C'est une première question.

    L'autre question concerne les travailleurs. Nous observons toujours les travailleurs, et nous essayons toujours de faire passer le message qu'il faut faire quelque chose pour que les travailleurs soient plus productifs. J'apprécie votre insistance sur les soins à l'enfance; cependant, je n'entends pas beaucoup la Banque du Canada parler d'améliorer le rendement du secteur des affaires et des entreprises. J'aimerais savoir pourquoi nous n'entendons pas plus parler du faible taux d'investissement, en dépit du fait que les profits sont très élevés, en dépit du fait qu'il y a eu des réductions d'impôt, en dépit de la faiblesse des taux d'intérêt.

    Je regarde, par exemple, certains graphiques récents de Statistique Canada, qui font état d'une augmentation importante des profits avant impôt et d'une chute de l'investissement, en pourcentage du PIB. Je regarde les statistiques de KPMG, qui illustrent l'avantage du taux d'imposition des sociétés au Canada comparativement aux États-Unis. Et je regarde le flux net d'investissement étranger direct, et nous serions paraît-il dans la négative, de 49 p. 100. J'aimerais savoir, selon vous, pourquoi l'investissement des sociétés a été tellement lent à réagir à ce que je considérerais comme une situation très favorable et profitable.

+-

    M. David Dodge: Ce sont là d'excellentes questions. Je vais d'abord parler de la productivité.

    La productivité, qui est simplement la production par heure-travailleur, est vraiment très difficile à déterminer, en tout cas à court terme. Il est certain que nous avons été déçus, ces deux dernières années, que la production par heure-travailleur n'ait pas augmenté. D'un autre côté, nous pensons qu'il y a des raisons techniques à cela, et il y aura certainement révision des chiffres. De fait, vous remarquerez que nous n'avons pas changé notre estimation de la capacité. Nous pensons encore que ces deux prochaines années, la production par heure-travailleur augmentera au taux tendanciel de un et trois quarts. Nous n'avons pas fait de rajustement à la baisse de nos estimations de la capacité, même si les deux dernières années ont été décevantes.

    Ce qui est vrai, c'est que pendant une période de grands ajustements, il faut du temps pour la transformation d'un secteur à un autre. Il y a des raisons de penser qu'à très court terme, on pourrait voir s'amorcer une certaine tendance à la baisse.

    Je puis vous assurer que nous partons toujours de l'hypothèse d'une croissance potentielle de la productivité de 3 p. 100 par année pour les deux prochaines années, répartis, grosso modo à 1,75 p. 100 de productivité et 1,25 p. 100 d'apport de la main d'oeuvre.

    Nous pensons qu'il y a un léger relâchement dans l'économie, mais il est très difficile, en période de grands changements structurels, d'exercer fermement un contrôle. Je voudrais seulement vous mettre en garde, là-dessus.

    Pour ce qui est de la question de l'investissement, celui-ci revêt une importance extraordinaire, qu'il s'agisse d'investissement en machinerie et équipement ou d'investissement dans les gens.

    J'ai prononcé une allocution au Humber College, au sujet de l'investissement dans les gens. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit là, mais c'est d'une importance phénoménale tant pour le système d'éducation que pour l'employeur et l'employé d'avoir des occasions de perfectionnement continu. C'est aussi important de pouvoir employer pleinement les travailleurs plus âgés alors que nous nous apprêtons à traverser une période où la main-d'oeuvre sera quelque peu plus âgée qu'elle ne l'est maintenant. C'est donc l'aspect humain.

    Pour l'aspect physique, nous avons recherché ce que nous appellerions un transfert du secteur des consommateurs, qui selon nous pourrait être le véritable moteur de la croissance intérieure. Plusieurs pays ont affiché une croissance plus lente que ce que nous avions prévu à priori. En dépit du fait que nous affichions des taux très élevés d'utilisation des capacités, nous n'avons pas connu en 2003 une croissance aussi rapide que nous l'aurions souhaitée.

    Quoi qu'il en soit, vers la fin de l'année dernière, la situation était un peu mieux que nous avions pensé. L'investissement fixe des sociétés a fait une contribution un peu plus grande à la croissance, et nous nous attendons à ce qu'elle y fasse une contribution très importante cette année et l'année prochaine. C'est ce que nous prévoyons.

  +-(1210)  

    Paul, peut-être voulez-vous parler un peu des sondages, etc., et dire ce qui nous porte à croire cela.

+-

    M. Paul Jenkins: Nous avons plusieurs sources d'information sur les plans d'investissement pour 2006, puis 2007. J'ai parlé de certaines de ces données en réponse à la question précédente.

    Statistique Canada publie un sondage sur les intentions d'investissement des secteurs privé et public. Il signale nettement une croissance de l'investissement dans le domaine où on pourrait s'y attendre, étant donné les chiffres de la rentabilité dont vous avez fait état.

    Nous regardons aussi d'autres sources d'information. L'une de celles-là, qui est importante, pour nous, sur ce plan, vient encore des sondages que nous faisons par l'entremise de nos bureaux régionaux d'un bout à l'autre du pays, et du sondage sur les perspectives économiques des entreprises que nous avons publié récemment, avant notre Rapport sur la politique monétaire. Nous trouvons là aussi des signes d'une hausse de l'investissement, encore une fois dans les secteurs où on pourrait s'y attendre.

    Ce transfert dont parlait le gouverneur, où le secteur de l'habitation a été l'une des forces dominantes au plan de la contribution à la croissance... pour l'année qui avance et la prochaine qui se profile, nous constatons un début d'accélération de l'investissement.

    C'est l'une des raisons qui fait que nous soyons encore à l'aise avec cette prévision ou cette prévision ou hypothèse relativement à la productivité, de 1,75 p. 100, j'aimerais l'ajouter, avec une prévision de participation de la main d'oeuvre de 1,25 p. 100—autrement dit la croissance de l'emploi qui y est associée, de l'ordre de 1,25 p. 100 par année. Nous sommes encore convaincus de ce potentiel de croissance de 3 p. 100.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: J'apprécie ces réponses.

+-

    Le président: Nous y reviendrons.

    Monsieur Solberg

+-

    M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je souhaite la bienvenue au gouverneur et au sous-gouverneur. C'est un plaisir que de vous revoir.

    J'aimerais revenir sur le sujet des questions de mon collègue, M. Penson, à propos de la croissance de l'économie américaine. Dans certaines notes que nous avons reçues, je remarque que les prévisions de croissance sont en fait assez optimistes. Mais je remarque aussi que dans vos observations préliminaires, vous avez parlé de certains des risques que nous pourrions affronter. L'un d'eux, à ce que je comprends, serait une hausse des taux d'intérêt.

    Étant donné que la vigueur de l'économie américaine semble tellement tributaire de l'habitation, à quel moment l'économie américaine commence-t-elle à être en difficulté s'il y a hausse des taux d'intérêt, qui se répercuterait sur le marché de l'habitation? Quel effet cela aura-t-il sur l'économie? Dans quelle mesure est-ce que cela risque vraiment d'arriver?

  +-(1215)  

+-

    M. David Dodge: Voilà une question vraiment excellente.

    Selon nous, l'habitation n'aura plus une si grande part dans la croissance aux États-Unis, avec le temps. L'investissement, qui a été même plus faible qu'on aurait pu s'y attendre aux États-Unis, est effectivement susceptible d'y faire une contribution plus importante. Ce serait, de fait, une très bonne chose.

    Le véritable problème, cependant, comme vous l'avez remarqué, c'est que le monde entier a, en réalité, compté sur le consommateur américain comme source résiduelle de consommation. La consommation, en Europe, a été très faible. Au Japon, elle a été très faible aussi. De fait, si on regarde les nouvelles économies de marché, ce n'est pas la consommation intérieure qui les a stimulées. Ce sont en grande partie les exportations pour répondre à la demande américaine.

    Lorsqu'il est question de déséquilibres, ce qui est vraiment inquiétant, c'est que nous savons que le secteur américain de la consommation va devoir se mettre à plus épargner au bout du compte. Nous savons que le secteur public va devoir « désépargner » moins, et l'écart ne sera pas pleinement comblé par la croissance de l'investissement. Il faut que la consommation augmente dans le reste du monde avec le temps.

    Ce qui est vraiment inquiétant, c'est que le rééquilibrage ne se fera pas sans accroc, en partie à cause des politiques intérieures en Europe, au Japon et Asie non japonaise, mais aussi en partie à cause des taux de change auxquels on ne laisse pas jouer pleinement le rôle qu'ils pourraient avoir dans ce rééquilibrage.

    Il est certain qu'il y a des risques. C'est ce que nous avons signalé au bas de cette liste, le risque que les déséquilibres mondiaux ne soient pas résolus de façon ordonnée, mais que nous assistions plutôt à une baisse de la demande intérieure américaine avant que se produise un effet compensatoire comparable ailleurs dans le monde.

+-

    M. Monte Solberg: Je vais passer à un tout autre ordre de question.

    Je m'intéresse à l'incidence potentielle sur l'économie américaine de l'échec d'un fonds spéculatif. Il a été question ces derniers temps de la possibilité que l'un de ces fonds spéculatifs, qui sont des entités assez occultes, puisse être en grande difficulté, et nous pourrions nous retrouver avec une autre situation semblable à ce qui est déjà arrivé, et qui a eu de fortes répercussions sur le marché boursier et a ébranlé la confiance des investisseurs.

    Pourriez-vous expliquer cela et nous dire ce que vous estimez être le degré de risque, pour notre économie et l'économie américaine, que présenteraient ces fonds spéculatifs?

+-

    M. David Dodge: Oui. Je vais commencer, puis je laisserai la parole à Paul.

    Lorsque nous allons à des réunions de la Banque des règlements internationaux, des réunions des gouverneurs, des réunions des marchés financiers et des réunions des organes de réglementation, c'est quelque chose sur quoi nous passons pas mal de temps, et que nous essayons de suivre assez minutieusement. Il est certainement vrai que la Réserve fédérale américaine y a consacré un certain temps, tout comme les commissions des valeurs mobilières.

    Je pense qu'il y a là deux questions, et il faudrait les maintenir à part, en quelque sorte. La première, c'est la mesure dans laquelle ces fonds sont hautement spéculatifs à cause des prêts des banques. S'ils ont des difficultés, comme cela a été le cas de la LCTM, au bout du compte, bien des banques seraient en difficulté. Maintenant, d'après la meilleure analyse que nous ayons pu faire de la situation, c'est loin d'être le problème, maintenant, au printemps 2005, que cela a déjà pu être. Les banques elles-mêmes, qui consentent à ces opérations des prêts qui ont un effet de levier financier, n'offrent plus le soutien qu'elles ont déjà offert.

    Mais la structure de ces investissements est très complexe. De fait, l'effet de levier financier peut être exercé par des gens qui sont propriétaires des fonds et qui ne réalisent pas l'ampleur de l'effet qu'ils produisent. C'est là dessus qu'on travaille actuellement.

    La conclusion générale, c'est que c'est une chose qu'il faut surveiller de très près, mais pour le moment, il n'y a pas de risque sérieux.

    Mais Paul, vous connaissez mieux que moi cette question. Voulez-vous ajouter quelque chose?

  +-(1220)  

+-

    M. Paul Jenkins: Je pense que s'il est un commentaire additionnel que je ferais, ce serait pour comparer aujourd'hui l'expérience que vous avez mentionnée, l'expérience du capital à long terme. C'était une époque où nous avons vu beaucoup de pays aux marchés émergents fonctionner avec des taux de change fixes, une période où un grand nombre de ces opérations de levier financier étaient réalisées sur le marché à la condition que les taux de change soient fixes. L'un des grands développement survenu après la crise en Asie et après la crise en Russie, qui ont mené au capital à long terme, c'est que nous avons maintenant des taux de change flexibles dans la plupart de ces pays. Cela a vraiment crée un environnement fondamentalement différent.

    L'importance, dans le contexte des observations du gouverneur, c'est que les taux de change flexibles forcent les participants au marché à avoir une perspective bilatérale des risques. Ce n'est plus un pari à sens unique quand il s'agit de supprimer le taux de change fixe.

    Donc, le contexte est différent. Le risque demeure, comme l'a dit le gouverneur, mais cette superposition de l'environnement macro-économique est fondamentalement bien différente. Ces taux de change flexibles, selon nous, sont importants pour permettre à ces pays de gérer leur macro-économie, mais tout aussi important pour que le système financier puisse appuyer la croissance de façon continue.

+-

    M. Monte Solberg: Je vous remercie.

+-

    M. David Dodge: Monsieur le président, si vous le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose, et je pense que c'est important parce que de plus en plus, nous voyons des petits investisseurs investir dans ce qu'on appelle les fonds spéculatifs. C'est qu'il faut faire attention quand on regarde la cote donnée à certains investissements détenus dans ces fonds, particulièrement les titres de dette avec garantie, etc. Ce sont des instruments financiers hautement structurés. Ils sont cotés, mais une cote triple-A accordée à ces produits n'est pas la même cote triple-A qui est donnée au gouvernement du Canada, à la Banque royale ou à d'autres entités. C'est tout à fait différent. Je pense qu'il est très important pour les investisseurs qui investissent dans des fonds qui détiennent ce genre d'actifs, ces actifs hautement structurés, de reconnaître qu'il y a plus de risque qu'ils pourraient le croire quand ils se fient seulement à cette cote triple-A.

+-

    Le président: Merci, monsieur Dodge.

    Je vais essayer de terminer la tournée des interventions de cinq minutes.

    Monsieur Bell.

+-

    M. Don Bell (North Vancouver, Lib.): Monsieur Dodge, revenons à l'économie américaine un petit moment. Il y a trois aspects sur lesquels je m'interroge. Quelle effet peut avoir la déclaration que font les États-Unis qu'ils vont réduire leur déficit de moitié d'ici, je crois, 2015? Je me pose aussi des questions sur les enjeux actuels, l'effet sur la croissance et l'inflation du différend sur le bois d'oeuvre et de l'interdiction imposée au boeuf canadien.

+-

    M. David Dodge: Je pense que ce sont deux questions tout à différentes.

    Permettez-moi de préciser que cette fin de semaine, le secrétaire Snow a réitéré que l'objectif visé est de réduire le déficit des États-Unis de moitié d'ici à la fin de son mandat présidentiel, et c'est un objectif tout à fait réalisable. La grande inquiétude, comme l'a souligné mon homologue, M. Greenspan, ne vient pas vraiment du court terme, mais du long terme. Le solde du budget unifié, sur lequel se fonde le gouvernement fédéral, est gravement menacé, aux États-Unis, à long terme. C'est le plus long terme parce qu'ils n'ont pas procédé  aux ajustements qui s'imposent, avec le temps, sur le système de sécurité sociale. Ce n'est pas que ce soit irrémédiable, mais ce doit être fait, peut-être plus rapidement, puisque nous entrons déjà dans la deuxième moitié de la décennie, à cause des engagements qu'ils ont pris relativement à l'assurance-santé et à l'assurance-médicaments aux États-Unis. Le moyen terme est donc plus inquiétant que le plus court terme.

    La deuxième question concernait le commerce. Je peux vous dire que l'atmosphère n'est pas des plus enthousiaste au Capitole en ce moment, et pas seulement à cause des deux ou trois questions qui nous préoccupent le plus. Généralement, il y a un vif sentiment que tous les problèmes de compte courant ou de commerce, aux États-Unis, sont attribuables, en réalité... c'est parce que les gens, ailleurs, dans le monde, font de vilaines choses, et non pas que les États-Unis doivent faire les ajustements qui s'imposent. C'était on ne peut plus clair la semaine dernière, au sujet de la Chine, et de l'importante augmentation des importations de textile de la Chine, avec la modification de l'AMF.

    Je pense que c'est une situation très inquiétante pour nous, au Canada, et nous devons en être conscients. C'est pourquoi nous, à la Banque, insistons, dans les cercles internationaux, sur le fait qu'il nous faut vraiment veiller à tout le moins à assurer un ordre monétaire international qui fonctionne correctement de manière à ne pas exercer de pression sur l'ordre commercial, ce qui serait un véritable désastre pour nous, ici, au Canada.

  +-(1225)  

+-

    M. Don Bell: Merci.

    Je vais continuer dans le même ordre d'idée. Les aspects démographiques dont vous parlez, au sujet de l'effet, aux États-Unis, sur leur régime de sécurité sociale... Au Canada, notre plan établit des prévisions sur 75 ans, je pense. Je suis un peu curieux de connaître ses aspects qui, selon vous, que ce soit la question de la main-d'oeuvre, des changements à l'immigration ou aux règles, pourraient avoir une incidence sur notre marché.

+-

    M. David Dodge: Tout d'abord, en ce qui concerne le RPC-RRQ, comme vous le savez, ils ont été largement restructurés en 1996-1997 et sont, de fait, en bien meilleur état que la plupart des régimes de pension du monde. Je dirais presque tous, mais je préfère être prudent.

    Nous avons établi, avec beaucoup de créativité, L'Office d'investissement du régime de pensions du Canada pour assurer un rendement maximal à ces fonds tout en adhérant à une politique de prudence, afin que les futurs retraités puissent être assurés que le RPC pourra les soutenir.

    Enfin, j'ajouterais qu'il y a une grosse différence entre le Canada et les États-Unis. Au Canada, le RPC est tout à fait à part du gouvernement—qu'il soit fédéral ou provincial—pour qu'il n'y ait pas de tentation d'y puiser et de dépenser les excédents qui sont censés être réservés aux travailleurs pour leur retraite. C'est, à mon avis, une différence fondamentale entre notre régime et le régime américain ou les régimes européens.

    Ensuite, si nous regardons le facteur démographique, il est clair que nous devons rendre compte de plusieurs questions importantes. Tout d'abord, nous devons reconnaître que la croissance de la main-d'oeuvre, même avec des taux élevés d'immigration, va radicalement ralentir ces dix prochaines années, et nous aurons des années, à l'approche de la fin de la décennie et au début des années 2020, où elle sera même négative.

    Ce que cela veut dire, c'est qu'il est très important que nous donnions à nos jeunes la possibilité d'intégrer la population active et de devenir productifs aussi rapidement que possible, et deuxièmement, bien entendu, que nous donnions aux travailleurs plus âgés la possibilité, s'ils le souhaitent, de continuer à participer, et ce qui est très important, comme je le disais en réponse à une question de Judy, que nous continuions d'offrir une formation aux travailleurs tout au long de leur vie active pour qu'ils ne se retrouvent pas sans perspectives à l'âge de 60 ans.

    Ce que nous n'avons pas très bien circonscrit—c'est encore pire ailleurs, alors je ne dis pas du tout que ce soit un désastre—ce sont les meilleurs moyens pour que les travailleurs puissent cesser progressivement de travailler et comment cela peut être relié à les prestations déterminées. Avec le RPC, cela fonctionne assez bien jusqu'à l'âge de 65 ans, mais plus tellement après. Dans la plupart des régimes de retraite à prestations déterminées, cela pose de véritables problèmes.

    Donc, nous allons être confrontés à de véritables défis, que nous devrions régler, en ce qui concerne les travailleurs plus âgés.

    Enfin, au sujet de l'immigration, elle sera assez importante. Cependant, de hauts taux d'immigration ne signifient pas forcément une population active croissante pendant que nous progressons. Les hauts taux d'immigration contribueront à stabiliser la population active, mais ils ne contribueront pas à la croissance. Encore, cela revient à la question de la productivité. Si nos revenus réels doivent continuer de croître, la production par heure-travailleur doit augmenter. Alors il ne s'agit pas seulement de demander aux gens de travailler de plus en plus longtemps et de plus en plus fort, il faut augmenter la production par heure.

  +-(1230)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Dodge.

    Monsieur Ambrose, puis ce sera M. Hubbard.

+-

    Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci, messieurs Dodge et Jenkins, d'être ici aujourd'hui.

    Je voudrais revenir sur une question qui a été soulevée déjà à plusieurs reprises, celle de l'économie américaine.

    J'ai entendu M. Greenspan parler en fin de semaine du déficit courant aux États-Unis, qui est de l'ordre de 800 milliards de dollars par année et coûte quelque chose comme un milliard par jour à assumer. Mais l'un des grands problèmes qui pourrait avoir une incidence sur l'économie américaine, c'est qu'une grande partie des dollars américains sont détenus dans des banques centrales du monde, et pas nécessairement par des particuliers investisseurs.

    Ce n'est pas M. Greenspan qui l'a dit, mais un autre économiste du FMI a suggéré que cela pourrait précipiter une correction radicale de l'économie américaine, et c'est ce qui pourrait arriver si ces pays décidaient d'abandonner le dollar américain. Le cas échéant, il est évident qu'il y aurait des répercussions sur l'économie canadienne et le dollar canadien, et je me demande ce que vous faites pour nous préparer à une pareille éventualité, ou si pouvez en parler.

+-

    M. David Dodge: C'est une question vraiment excellente.

    Tout d'abord, c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons beaucoup insisté auprès du FMI et sur d'autres tribunes internationales pour amener les gens à réfléchir en profondeur à une formule d'action coordonnée ou coopérative relativement aux politiques intérieures, qui amènerait la consommation mondiale à accélérer légèrement tandis que les États-Unis devront inévitablement, de fait, réduire ce déficit courant. Ce serait une catastrophe s'ils devaient prendre des mesures pour le réduire très rapidement, en modérant la demande mondiale, et si, en fait, la demande mondiale n'augmentait pas ailleurs dans une mesure comparable. Alors, nous en souffririons tous, et de fait, dans ces circonstances, le risque que le protectionnisme pointe son vilain museau serait très grand. Donc, c'est une catégorie d'enjeux.

    L'autre catégorie, bien sûr, c'est que l'augmentation des réserves au-delà de ce qu'on pourrait appeler un solde prudent fait obstacle, en fait, à l'ajustement du taux de change nominal, en particulier entre les pays de l'Asie et les États-Unis, ce qui provoquerait avec le temps—et j'insiste sur l'expression « avec le temps »—une correction de ce déséquilibre. Comme vous le savez, nous, les Canadiens, avons fermement insisté sur l'importance qu'il y ait des fluctuations de ce taux de change nominal.

    À part cela, bien entendu, au bout du compte, il y aurait soit une inflation grondante en Asie—parce que le taux de change réel doit s'ajuster au bout du compte—ce qui est déstabilisant, ou une désinflation dans le reste du monde, ce qui est déstabilisant.

    Donc, nous avons travaillé très fort pour réaliser deux choses : a) un ajustement approprié des taux de change; et b) une action plus coopérative en matière de politiques. Cela signifie qu'il faut faire du travail pour amener de force le FMI, en tant qu'institution, dans le XXIe siècle. C'est un sujet dont il devait être discuté, mais qui ne l'a pas été suffisamment cette fin de semaine à Washington, et sur lequel nous allons insister vivement à l'avenir.

    En fait, que faisons-nous au Canada pour nous y préparer? Eh bien, le mieux que nous puissions faire ici, pour nous préparer, au plan de la politique macroéconomique, c'est de préserver l'équilibre fiscal à tous les niveaux du gouvernement, tout d'abord, et c'est certainement très important pour la prochaine décennie, grosso modo, à cause des enjeux démographiques dont a parlé M. Bell. Et bien entendu, en tant que banque, nous devons continuer d'essayer de pousser l'économie à rouler à un rythme aussi proche que possible de sa capacité.

    Au plan microéconomique, par contre, il faut faire des progrès continus pour faciliter l'ajustement, et cela ne veut pas seulement dire nous en prendre aux gens. Cela veut dire faire des progrès tant en matière de formation, pour faciliter cet ajustement, que pour libérer des marchés de manière à leur permettre de fonctionner plus efficacement.

  +-(1235)  

+-

    Le président: Merci, Don.

    J'ai le nom de M. Hubbard, puis je reviendrai à M. Côté. Je vais laisser la parole à M. McKay, puis M. Penson, puis ce sera au tour de Mme Wasylycia-Leis.

+-

    M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Beaucoup de ce que nous avons entendu est très consolateur pour bien des gens, non pas seulement pour les parlementaires, mais pour les citoyens de tout le pays, par exemple, la notion d'une croissance très stable et de prévisions optimistes. Certains d'entre nous, autour de la table, s'inquiètent de certaines de ces prévisions. Ils pensent qu'il y a des gens qui ne sont pas aussi bons à faire des prévisions que d'autres.

    Il y a des facteurs. Je regarde, par exemple, le tableau trois, à la page 30, où vous parlez de croissance de la consommation, d'expansion du gouvernement, etc. Cela semble être très stable. Même si nous avons une augmentation de notre budget cette fois-ci, probablement de 12 ou 13 p. 100, je suppose que ce que dit la Banque, c'est que tout cela semble très positif.

    Nous avons aussi, au sein du budget, certains facteurs qui vont influer sur certains de nos investissements. L'un de ceux-là, dont j'aimerais vous parler, c'est la modification des règles de RÉER. Nous laissons plus d'argent sortir du Canada en permettant aux participants d'investir à l'étranger. J'aimerais savoir si ce sera un facteur dans la disponibilité au Canada d'argent pour les investissements.

    Nous devons aussi composer avec le protocole de Kyoto et avec les effets qu'il pourrait avoir sur les obligations de notre gouvernement et, plus important encore, sur la réaction de l'industrie. Peut-être pourrions-nous avoir quelques observations sur les deux grands moteurs de notre économie, au sujet de l'industrie automobile et de nos espoirs de progrès continu dans le secteur aéronautique.

    Peut-être M. Dodge ou M. Jenkins pourrait-il commenter ces deux ou trois questions et nous dire ce qu'ils prévoient en ce qui concerne le RÉER, les secteurs de l'automobile et de l'aéronautique et le protocole de Kyoto, qui fait d'ailleurs couler beaucoup d'encre dans nos journaux ces temps-ci?

+-

    M. David Dodge: Puisque vous avez soulevé quatre sujets, nous nous les partagerons moitié-moitié. Je vais parler de la nécessité de nous montrer ou non optimistes à propos du RÉER, et je laisserai le protocole de Kyoto et la structuration industrielle à Paul.

    Écoutez, nous ne sommes pas optimistes. Ce que nous disons, c'est que les perspectives pour 2005 et 2006 sont aussi bonnes qu'elles pourraient l'être. Les conditions du crédit sont meilleures qu'elles ne l'ont jamais été. Les bilans des ménages sont en fait très vigoureux, les bilans des sociétés sont très vigoureux et, dans ce pays-ci, les bilans du gouvernement sont aussi très bons. Donc c'est vrai, mais le monde est rempli de grands risques. Nous avons parlé tout à l'heure des risques à l'étranger, et selon moi ils sont très réels, et nous avons parlé aussi des risques que pose la restructuration qui doit se faire au pays, ce qui est toujours difficile. Ne minimisons pas la difficulté que peuvent représenter de telles transformations.

    Alors je ne pense pas que nous devrions être optimistes. De fait, le bon moment pour faire ce qui est difficile, c'est généralement quand les choses vont relativement bien, et nous devons vraiment nous atteler à la tâche au pays, mais aussi à l'échelle internationale.

    Au sujet du RÉER, permettez-moi de dire tout de suite que nous pensons que cela rendrait les marchés des capitaux beaucoup plus efficaces, et puisque nous estimons qu'il est extraordinairement important que nos marchés des capitaux soient aussi efficaces que possible, nous pensons que c'est, en fin de compte, une chose très, très logique à faire. Est-ce qu'il y aura de grandes répercussions? À court terme, bien sûr, probablement pas, parce que les actifs canadiens, pour l'instant, sont relativement attrayants et de fait, l'expérience veut, à en juger par la Grande-Bretagne qui imposait des contraintes similaires à ses régimes et les a supprimées, qu'en fait, cela ne change pas vraiment grand chose.

    Les effets réels seront ressentis sur les grands régimes de pensions qui couvrent de nombreux travailleurs et qui s'appuyaient, de fait, sur des instruments dérivatifs, en gros, pour contourner les règles, mais ces instruments étaient très coûteux. Donc, ils peuvent parvenir à la même répartition de leur actif maintenant sur les marchés ouverts sans avoir à assumer ce coût, qui était d'environ 50 points de base. Cela signifie que les retraités, de fait, seront en meilleure position à l'avenir.

    Enfin, je pense qu'il est important de souligner que ce qui est disponible, la gamme des éléments d'actif accessibles ici, au Canada, est relativement limitée, alors les principes de gestion prudente du risque veulent qu'il faille les répartir, tout comme les principes de gestion prudente des risques au État-Unis ou en Grande-Bretagne veulent qu'il vaille mieux avoir des actifs canadiens dans ses livres.

    Enfin, une autre chose, je pense que ce sera très bon pour provoquer l'industrie des fonds mutuels, qui s'est fiée un peu sur un marché captif à cause des règles qui étaient en vigueur au Canada. Il y aura maintenant plus de compétition, et cela va favoriser les épargnants, en particulier, les petits épargnants avec leur RÉER.

    Paul, je vous laisse la parole pour parler de Kyoto, de l'industrie automobile et de la restructuration industrielle.

  +-(1240)  

+-

    M. Paul Jenkins: Je commencerai par le deuxième élément, le secteur automobile et celui de l'aéronautique, dont vous avez parlé. J'aimerais élargir un peu le sujet, pour traiter de l'ajustement qui se fait au Canada, et l'ajustement qui, selon nous, devra se poursuivre pour suivre l'évolution mondiale.

    Cela touche de près au thème de notre rapport. Il y a une section, qui commence à la page 12, appelée « L'ajustement à l'évolution mondiale ». Ce que nous disons là, c'est qu'avec cette évolution mondiale, les ajustements du taux de change sont liés à diverses forces économiques mondiales qui sont en jeu, et aussi avec l'émergence de pays comme la Chine et l'Inde et la concurrence qui y est associée. Cela nécessitera un ajustement de l'économie canadienne avec le temps.

    Quel type d'ajustement? Il faudra un ajustement de la main-d'oeuvre d'un secteur à l'autre. Il faudra des investissements dans certains domaines, comme les secteurs des produits de base dont nous avons parlé, les sables bitumineux, par exemple, et le secteur énergétique plus généralement, qui tireront partie de cette tendance mondiale que nous observons relativement à l'émergence des pays comme la Chine.

    Il est clair que les investissements sont nécessaires pour accroître la capacité, mais il y a d'autres secteurs de l'économie canadienne—le secteur automobile, le secteur de l'aviation—qui font face à une compétition accrue amenée par l'arrivée sur le marché de ces pays. Ce que nous voyons, c'est qu'il y a, effectivement, de l'investissement, mais pas tant celle qui accroît la capacité que l'investissement conçu pour accroître la productivité et réduire les coûts, pour essayer de trouver le moyen de faire concurrence dans cette économie mondiale et contre ces forces mondiales auxquelles nous allons continuer d'être confrontés.

    Nous allons voir que les pressions sectorielles se poursuivront. Nous en avons clairement vu les preuves jusqu'à maintenant, et cela est dû en partie à certaines des politiques dont parlait le gouverneur, les micropolitiques pour permettre aux pays et aux compagnies de s'adapter, d'avoir un effectif flexible pouvant passer d'un secteur à l'autre selon les pressions exercées par ces forces.

    Je pense que vous avez abordé un sujet très important. Notre rapport en traite longuement, d'une perspective macroéconomique, y compris le secteur manufacturier, qui est très concentré dans ces deux secteurs que vous avez mentionnés.

    En ce qui concerne Kyoto, nous ne sommes pas experts en la matière, loin de là. Ce sont des enjeux à moyen et à long terme, c'est clair. De plus, ce sont des enjeux mondiaux que bien des pays—les pays des nouveaux marchés en particulier—doivent affronter. Le genre d'industries et de production industrielle qu'on voit dans bon nombre de ces pays s'appuient sur une technologie rétrograde, donc il est important de voir ces enjeux selon une perspective globale, en exploitant la nouvelle technologie à l'échelle mondiale pour croître et prospérer, mais de manière à nous éloigner de cette lourde structure industrielle sur laquelle se sont appuyés bon nombre de ces pays dans le passé.

  +-(1245)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Jenkins.

    Monsieur Côté.

[Français]

+-

    M. Guy Côté: Merci, monsieur le président.

    Dans votre document, vous parlez d'une certaine pression inflationniste, de la montée du dollar canadien face au dollar américain, ce qui a un impact assez sérieux sur nos exportations. On voit aussi une baisse des dépenses d'investissements, bien que celles-ci aient remonté au cours de l'année courante. Heureusement que la croissance intérieure est présente, ce qui atténue ces effets.

    Dans le document, vous parlez beaucoup de la situation mondiale et de l'émergence de certaines économies très fortes, comme la Chine. On en vit ici les effets dans le domaine du textile, entre autres. On parle de correction possible de la balance commerciale des États-Unis.

    Votre document ne devrait-il pas déclencher quelques sonnettes d'alarme? N'est-ce pas un peu l'effet de votre document? Comment évalueriez-vous la situation actuelle et le pronostic à court terme? Doit-on effectivement déclencher des sonnettes d'alarme? Dans quelle mesure la Banque du Canada peut-elle effectuer des corrections afin d'atténuer certains effets négatifs de l'ensemble des éléments que j'ai nommés?

+-

    M. David Dodge: Comme vous l'avez dit, les ajustements microéconomiques sont toujours difficiles. Vous avez mentionné l'industrie du textile et du vêtement, qui touche en particulier Winnipeg, par exemple. L'industrie de la bicyclette touche la Beauce et l'industrie automobile touche presque tout le sud de l'Ontario. C'est absolument vrai qu'il y aura des ajustements assez difficiles mais quand même importants. Il faut avoir des politiques microéconomiques pour faciliter les ajustements.

    Que pourrions-nous faire à la Banque du Canada? Du point de vue microéconomique, pas grand-chose. La meilleure chose que nous puissions faire est de maintenir l'opération de l'économie près des limites de sa capacité en maintenant le taux d'inflation à environ 2 p. 100. C'est la meilleure chose que nous puissions faire. C'est important, car une situation monétaire stable donne confiance pour faire des investissements pour l'avenir.

    Cependant, je ne veux pas minimiser l'importance des ajustements à court terme. La difficulté est de faire ces ajustements, soit du côté des industries que j'ai déjà mentionnées, soit du côté des autres industries, qui ont vraiment besoin de main-d'oeuvre qualifiée, de spécialistes et d'intrants pour augmenter leur production.

    C'est donc difficile, mais j'estime quand même qu'au Canada, en ce moment, nous sommes beaucoup mieux placés pour faire des ajustements comme ceux-là que nous ne l'étions dans les années 1980, par exemple.

  +-(1250)  

+-

    M. Paul Jenkins: Permettez-moi d'ajouter un bref commentaire. Je veux souligner que l'enjeu que vous avez mentionné, monsieur Côté, à savoir l'ajustement de l'économie canadienne, est un thème central dans le Rapport sur la politique monétaire. La réaffectation du capital et du travail implique clairement des coûts pour certains secteurs et certaines entreprises.

    Cela dit, comme le gouverneur l'a souligné, ce sont les tendances globales qui existent. Le rôle de la politique monétaire est de continuer à faciliter le processus d'ajustement. Comment? D'abord, en visant un taux d'inflation de près de 2 p. 100, mais aussi en aidant l'économie à tourner à son plein potentiel. Les forces majeures de l'économie actuelle sont un thème très important de ce rapport, mais le rôle de la politique monétaire pour faciliter cet ajustement est aussi un enjeu central.

+-

    M. Guy Côté: Au moment où on se parle, vous êtes dans votre fourchette sur le plan de l'inflation. Vous mentionnez également dans le document que l'économie roule presque à pleine capacité. Je ne me souviens pas du terme exact dans le rapport, mais c'est à peu près cela. Considérez-vous, en fonction de ces deux critères, que la Banque du Canada joue bien son rôle aujourd'hui et que tout est mis en place pour assurer la transition la plus douce possible compte tenu des changements mondiaux?

+-

    M. Paul Jenkins: Comme je l'ai mentionné, le rôle de la politique monétaire est de faciliter l'ajustement dans l'économie. Il est important de viser le maintien d'un taux d'inflation d'environ 2 p. 100 et aussi d'aider l'économie à tourner à plein potentiel. Cependant, c'est une perspective macroéconomique. C'est là le rôle de la politique monétaire.

+-

    M. Guy Côté: Je ne veux pas faire de microéconomie, mais au niveau macroéconomique, comme vous le dites dans votre rapport, le taux d'inflation est dans votre fourchette et l'économie roule presque à pleine capacité.

    De votre point de vue macroéconomique, la Banque du Canada fait actuellement ce qu'elle doit pour assurer, dans la mesure du possible, la transition la plus douce possible en fonction des changements qui peuvent arriver. Je ne veux pas faire de microéconomie, car cette part vous revient.

+-

    M. David Dodge: Comme le dit notre rapport, le 12 avril, nous n'avons pas changé les taux d'intérêt afin de continuer à faciliter cet ajustement. Mais il faut reconnaître que les taux d'intérêt devront augmenter au fil du temps.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Dodge.

    J'ai les noms de M. McKay, puis M. Penson et Mme Wasylycia-Leis.

+-

    L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci à vous, messieurs les gouverneur et sous-gouverneur. Je suis toujours heureux de vos visites, parce que ce sont comme des cours sur mesure sur la situation du pays. Malheureusement, en raison des nombreuses questions qui ont déjà été posées, bon nombre des aspects qui m'intéressaient ont déjà été traités.

    Je voulais qu'on examine votre graphique 19, ici. Il montre que depuis, plus ou moins, le milieu de 2001 à 2002, le prix du pétrole est passé d'environ 20 $ du baril, sur une période de trois ans et demi à, au pire moment, je crois, environ $57, et selon certains, on pourrait s'attendre à ce que le cours du pétrole atteigne $100 du baril.

    Vous semblez dire que le prix du pétrole devrait être assez stable ces deux ou trois prochaines années, de l'ordre de 50 à 60 $ du baril, en partie parce que les contrats à terme semblent s'établir à ce niveau. Cela semble être le fondement de votre argumentation, bien que quand vous avez répondu à une autre question, vous ayez dit qu'il n'y a vraiment pas de capacité de réserve pour répondre à la croissance de la demande.

    J'ai un peu de difficulté à faire la part entre ces deux éléments de réflexion, parce que si la demande continue de croître, même de façon modérée, il semblerait raisonnable de penser que le cours du pétrole va se maintenir sur cette trajectoire ascendante, non? C'est donc ma première question.

    La deuxième question c'est, si cela arrive, quelle serait son incidence sur le triple déficit des États-Unis—vous savez, ces enjeux démographiques, le déficit budgétaire et les déficiences du taux de change?

    Ma troisième question concerne le lien de la valeur du yuan chinois avec le dollar américain. Ce n'est pas clair pour moi—c'est une question distincte, je suppose—quel intérêt le gouvernement chinois aurait-il à couper ce lien? Qu'aurait le gouvernement chinois à gagner à ne plus avoir ce lien avec le dollar américain?

  +-(1255)  

+-

    M. David Dodge: Je répondrai à la question sur le pétrole et Paul à celle sur la Chine, parce que je pense que c'est une excellente question. C'est effectivement de l'intérêt de la Chine de le faire, mais Paul vous l'expliquera.

    Pour ce qui est du pétrole, je pense qu'il faut clairement distinguer le très court terme, quand il est absolument impossible d'ajouter à la capacité, et qu'il est très difficile de faire des ajustements pour réduire la consommation, du moyen terme, où il est effectivement possible d'ajouter la capacité et d'ajuster la consommation ou l'utilisation.

    Avec le temps, il est clair qu'une capacité additionnelle est possible. Elle est possible au Canada si on fait des investissements assez importants. Elle est possible à des endroits comme le Mexique, s'il ouvre son industrie à la gamme complète des technologies qui pourraient être exploitées. Elle pourrait être réalisée plus rapidement au Moyen-Orient, aux mêmes conditions. Mais tout cela prend du temps.

    De l'autre côté, celui de l'utilisation ou de la consommation, la hausse du prix pousse les consommateurs à trouver des moyens d'économiser. À un moment donné, nous achèterons des voitures plus économiques, et nous trouverons des moyens de consommer un peu moins d'électricité. Mais ce qui est très important, c'est que les utilisateurs industriels économiseront aussi.

    Donc avec le temps, on pourrait s'attendre à ce que les mécanismes des prix stimulent la correction de certains de ces déséquilibres, et c'est pourquoi je ne pense pas que vous puissiez trouver quiconque, que ce soit la Banque centrale, l'AIE, l'OCDE ou le FMI—qui prévoirait des augmentations vraiment radicales à long terme.

    D'un autre côté, une bonne croissance mondiale signifie que la demande, même atténuée par des mesures d'austérité économique, va accélérer, et la production ne peut croître qu'à une cadence limitée. Alors c'est pourquoi, dans nos prévisions, nous envisageons des prix relativement élevés sur une période relativement prolongée, mais je pense que les analystes comme nous-mêmes—ou comme l'AIE, ou des gens qui creusent vraiment la question—diraient vraiment que s'il doit y avoir une montée en flèche des prix, elle serait probablement de courte durée.

    Lorsqu'on lit l'analyse de 100 $ de Goldman Sach, si on lit toute l'analyse, on voit que ce n'est vraiment pas ce qu'ils disaient, pas du tout. Ils parlaient d'une très petite pointe. Donc je ne pense pas qu'il faille se laisser effrayer. D'un autre côté, il vaut mieux que nous nous habituions aux prix plus élevés que d'espérer ceux auxquels nous nous étions habitués dans les années 1990.

    Pour ce qui est des répercussions sur les États-Unis, comme vous l'avez dit, les États-Unis sont un énorme importateur de produits pétroliers—de pétrole brut et même de produits—parce qu'ils n'investissent pas dans la capacité de raffinage. De fait, il est peu probable qu'ils se mettent à investir rapidement dans la capacité de raffinage, en partie en raison de préoccupations d'ordre environnemental et en partie à cause de l'incertitude quant aux chances de maintien de cette demande.

    C'est vraiment très important pour nous, parce que sans cette capacité de raffiner le pétrole très lourd—le pétrole extrait des sables bitumineux—bien moins de possibilités s'ouvrent à nous.

    Mais oui, il est clair que des prix plus élevés du pétrole sont nuisibles aux États-Unis à court terme et assez nuisibles à moyen terme dans l'ensemble. Mais je n'insisterai pas tellement là-dessus, parce qu'à moyen terme, en fait, l'économie peut s'ajuster. À court terme, il est certain que les poussées de prix entraînent une réduction d'autres types de consommation.

    Passons maintenant à cette autre question très intéressante, sur la Chine.

    Paul.

·  +-(1300)  

+-

    M. Paul Jenkins: Avec votre permission, monsieur McKay, je vais répondre à votre question en posant moi-même quelques questions.

    La plus grande partie de la croissance de l'économie chinoise au cours des dernières années vient de ses exportations. Pour maintenir son élan, l'économie chinoise devra continuer de croître de 8 ou 9 p. 100 en vue d'absorber la transition de la main-d'oeuvre d'un contexte rural à un contexte urbain.

    Voici donc ma première question : une croissance d'une telle ampleur peut-elle se maintenir par le recours à une stratégie axée sur les exportations? Je vous réponds par la négative.

    La deuxième question concerne la vaste accumulation de réserves de la Chine. Ce que je me demande en réalité, c'est si c'est vraiment un bon investissement de la richesse qu'accumule ce pays, étant donné les 3 ou 4 p. 100 de bons et obligations du Trésor des États-Unis qu'il possède, plutôt que d'investir dans son économie nationale? À nouveau, je vous répondrai par la négative.

    Pour produire le genre de taux de croissance exigés pour réaliser leurs objectifs stratégiques, les Chinois devront miser de plus en plus sur la demande intérieure. Voilà où le taux de change fixe prend toute son importance. Le passage à un taux de change flottant vous permet de faire les deux. Vous pouvez mettre en oeuvre vos politiques de manière à accroître la demande intérieure. Parallèlement, c'est également un mécanisme important pour faire en sorte que la richesse accumulée est redistribuée parmi les concitoyens.

    Les points que nous faisons valoir à l'échelle internationale au sujet de cette question ont été centrés sur notre conviction qu'il est dans le meilleur intérêt de la Chine de passer d'un taux de change fixe à un taux de change flottant. C'est ce qu'il lui faudra pour pouvoir gérer son économie de manière à ce qu'elle produise le genre de croissance dont elle a besoin année après année. Je ne crois pas que la Chine puisse continuer de le faire avec une économie axée sur les exportations.

+-

    Le président: Pourquoi la Chine ne peut-elle pas vivre de ses exportations?

+-

    M. Paul Jenkins: Voyez la taille de l'économie chinoise. Actuellement, par contraste à la plupart des autres pays, qu'ils soient industrialisés ou en train de s'industrialiser, la consommation en Chine est la source de quelque 30 à 40 p. 100 de sa croissance économique. En Amérique du Nord, la croissance issue de la demande intérieure se rapproche davantage des 60 à 70 p. 100. Un pays immense comme la Chine, qui s'impose de plus en plus sur la place économique mondiale, doit être capable de produire de la croissance à partir de son économie intérieure. C'est là l'essentiel à retenir.

·  +-(1305)  

+-

    Le président: Je faisais une comparaison avec le Canada. Le Canada aurait une économie axée sur les exportations, n'est-ce pas?

+-

    M. David Dodge: Notre stratégie de croissance est très équilibrée, par opposition à une stratégie axée sur la croissance des exportations. À un moment donné, il faut que la stratégie axée sur la croissance des exportations se transforme en croissance de la demande intérieure.

    La situation est très étrange quand on pense aux conséquences qu'a sur la répartition de la richesse ce qui se passe actuellement. Le travailleur chinois très mal rémunéré est actuellement en train de me subventionner quand je vais m'acheter un habit. C'est là un transfert très étrange de la richesse, si vous y pensez bien. La façon d'augmenter le revenu réel du travailleur ordinaire en Chine est d'accroître ce qu'il peut acheter avec son argent, plutôt que de subventionner l'achat de mon habit. Il serait préférable qu'il puisse s'acheter des choses pour lui et sa famille. C'est ce qu'accomplirait une appréciation du taux de change. C'est exactement ce dont ont besoin les Chinois, pour des raisons intérieures. Oubliez les raisons internationales; il le leur faut pour des raisons intérieures.

+-

    Le président: Monsieur Dodge, je vous remercie.

+-

    L'hon. John McKay: J'ignore si cela va intéresser les travailleurs chinois, mais je viens tout juste de recevoir un courriel selon lequel le cardinal Ratzinger a été élu pape.

+-

    Le président: Le cardinal Ratzinger, effectivement.

    Monsieur Penson.

+-

    M. Charlie Penson: Monsieur le président, je vous remercie.

    Voilà un débat fort intéressant, surtout en ce qui a trait à la Chine et à son taux de change fixe. En ce qui concerne le déficit courant des États-Unis, j'aimerais simplement enchaîner sur ce dont parlait Mme Ambrose tout à l'heure.

    Monsieur Dodge, vous avez dit que les États-Unis pourraient peut-être prendre des mesures plutôt énergiques pour régler la question du déficit courant. Ce qui m'intéresse, ce sont les outils qu'ils pourraient utiliser pour le faire, et certains outils éventuels m'inquiètent. Dans le passé, ils ont abaissé les taux d'intérêt, ce qui déprécie leur dollar, mais cela ne semble pas avoir très bien fonctionné. Qu'arriverait-il cependant s'ils optaient pour le protectionnisme? Ils ont fait l'essai de cette stratégie dans les années 20, comme vous le savez, surtout en imposant des tarifs prohibitifs qui ont mené à la grande dépression des années 30. C'est là une véritable source de préoccupation, et je crois que nous devrions tous nous en inquiéter.

    Quels moyens pourraient-ils adopter, à part de réduire massivement leurs dépenses et les dépenses gouvernementales, pour régler le déficit courant sans imposer d'énormes tarifs ou déprécier le dollar américain?

+-

    M. David Dodge: Voilà une excellente question. Tout d'abord, soyons très clairs : bien que d'énormes pressions soient exercées au sein du Congrès pour l'inciter à agir, l'administration—du moins jusqu'ici—a adopté une attitude très équilibrée à cet égard, justement pour les raisons que vous avez énoncées, soit que le danger de verser dans le protectionnisme est grand et que le protectionnisme dans un pays entraîne le protectionnisme dans un autre, ce qui entraîne une véritable catastrophe.

    Cela fait partie, bien sûr, de la raison pour laquelle nous estimons très important que tous les pays non seulement se conforment aux règles de l'OMC, mais qu'ils se conforment également aux règles du système monétaire, ce qui signifie essentiellement deux choses quand on commence à avoir d'énormes surplus : soit qu'on laisse l'inflation courir au pays, ce qui dans les faits change le véritable taux de change de manière à faire un ajustement, ou qu'on permet à la devise de fluctuer.

    Les banques centrales n'opteraient jamais naturellement pour une inflation galopante, de sorte qu'elles conseillent de laisser les devises flotter de manière à ce que fasse le rajustement. Toutefois, cela prend du temps, et lorsque la devise commence à flotter au début, l'ajustement se fait souvent dans le mauvais sens, parce qu'il faut du temps avant que changent les habitudes de consommation ou d'investissement.

    Ce n'est pas un problème. Les États-Unis pourraient financer un déficit courant de 5 ou 6 p. 100 à court terme. Il y a beaucoup d'argent disponible à court terme, ce qui en fait a permis à la situation de durer sans qu'on y apporte des corrections.

    Le véritable danger est à moyen terme. Il vient du fait que les corrections ne sont pas faites même si tout indique que le déséquilibre va prendre de l'ampleur avec le temps, que des mesures ne sont pas prises pour corriger la situation. Voilà le danger. Toutefois, il ne faudrait pas croire qu'un déséquilibre de 5 ou 6 p. 100 à un certain moment donné est une catastrophe.

    Le problème, c'est qu'on ne prend pas de mesure pour permettre au marché de corriger le déséquilibre avec le temps. Voilà où réside le problème : nous n'utilisons pas cette période plutôt bonne pour prendre des mesures en vue de corriger les déséquilibres. J'emploie le « nous » dans son sens collectif, c'est-à-dire pour désigner le monde entier.

·  +-(1310)  

+-

    M. Charlie Penson: Quels niveaux faudrait-il que le déficit courant des États-Unis atteigne avant que...

+-

    M. David Dodge: Comme je l'ai dit, rien n'exige que ce soit l'équilibre parfait pendant une année donnée, tant pour des raisons commerciales que pour des raisons dictées par le marché financier. Nous avons vécu des périodes où nous avions d'énormes déficits. Le déficit augmentera considérablement si vous tentez de financer des dépenses d'équipement massives qu'est incapable de soutenir votre propre marché, de sorte que, sur le plan qualitatif, il n'y a absolument aucun mal à avoir un déficit ou un surplus important à un moment donné.

    Ce qui ne va pas, c'est l'absence de mécanisme qui permette au rééquilibrage de se faire avec le temps. On commence alors à s'inquiéter vivement de l'avenir, ce qui donne des situations tout aussi calamiteuses que subites où il faut que le rajustement se fasse.

    Donc, ce n'est pas...

+-

    M. Charlie Penson: Toutefois, n'est-il pas vrai, monsieur Dodge, que les déficits courants des États-Unis ont été en grande partie contrebalancés par l'investissement, par des personnes qui souhaitent investir aux États-Unis? Observez-vous une tendance qui nous porterait à craindre que ces investissements ne commencent à baisser, ce qui aggraverait le problème du déficit courant?

+-

    M. David Dodge: Oui, et je suis en train de fouiller dans la documentation à ce sujet.

    Ce qu'il y a de vraiment intéressant, si vous examinez les sources de financement des États-Unis et que vous les répartissez en investissements directs, investissements de portefeuille et investissements publics, si l'on remonte à la fin des années 90, l'investissement direct aux États-Unis était énorme. Cet équilibre s'est mis à changer à la fin des années 1990, quand ont commencé les investissements publics et que se sont un peu accéléré les investissements de portefeuille.

    Si l'on examine la situation actuelle, le pourcentage de l'investissement public, soit l'accumulation des réserves de change, affiche un pourcentage plus élevé, tout comme l'investissement de portefeuille dans l'entreprise privée. Nous en arrivons au point maintenant où la caisse de retraite typique du Canada s'intéresse moins à l'acquisition d'actifs américains. Donc, avec le temps, il y a des limites à l'attrait de ces actifs. C'est particulièrement inquiétant quand l'investisseur public en absorbe tant.

+-

    Le président: Madame Wasylycia-Leis, suivie de M. McKay.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Je vous remercie beaucoup. J'ai quatre questions que j'aimerais vous poser d'un seul coup, sans quoi la présidence va m'interrompre.

    La première revient sur un point que j'ai soulevé au sujet des profits records des entreprises. Vous avez répondu en partie à mes préoccupations, mais je persiste à croire que votre approche à cet égard manque plutôt d'équilibre. Vous insistez beaucoup sur les travailleurs, leur productivité et moins sur les réinvestissements que devrait faire le secteur des entreprises au Canada.

    Voici donc ma question à ce sujet. Pourquoi ne déconseilleriez-vous pas une réduction supplémentaire de l'impôt des sociétés à ce stade-ci puisqu'elles ne semblent pas contribuer énormément à accroître l'investissement et qu'elles désinvestissent dans les programmes mêmes qui sont essentiels selon vous, comme l'éducation et la formation permanentes de manière à avoir une main-d'oeuvre plus instruite?

    Ensuite, pourquoi persistez-vous à dire qu'il faut que les travailleurs travaillent plus longtemps et plus fort, au point que vous vous opposez à la retraite obligatoire et la rejetez du revers de la main comme une politique absurde, quand il me semble, au contraire, que nous devrions nous efforcer d'aider nos travailleurs à envisager avec plus de sérénité leur vieillesse? Cela ne draine-t-il pas le système et n'a-t-il pas un impact sur la politique budgétaire du Canada?

    En troisième lieu, nous avons des banques qui font des profits records. Vous avez dit qu'il fallait régler la question des regroupements, mais je ne vous entends pas dire quoi que ce soit pour obliger les banques à réinvestir une partie de leurs profits dans les collectivités qu'elles ont abandonnées, à contribuer à leur développement économique et à offrir l'accès à des services financiers locaux.

    Vous avez abondamment parlé de formation et de possibilités de perfectionnement des compétences des travailleurs, de même que de l'importance du succès du RPC et d'avoir en place un régime dont les ressources ne peuvent pas être détournées par le gouvernement. Pourtant, c'est bien ce qui est arrivé à la caisse de l'assurance-emploi. Le gouvernement a prélevé 46 milliards de dollars de cette caisse, des fonds qui auraient pu servir à améliorer les compétences des travailleurs. Or, quand vous travailliez pour le ministre des Finances, vous aviez en réalité supervisé la réduction de l'accès aux prestations qui continue de miner notre régime aujourd'hui et vos réformes de 1996 n'ont rien fait pour régler ce problème et faire en sorte que la caisse de l'assurance-emploi soit autonome, qu'elle ne soit pas intégrée aux recettes fiscales, ce qui d'après vous pose problème dans le cas du RPC.

    Ma dernière question concerne une autre période de votre passé, quand vous étiez dans l'équipe du ministre de la Santé, quand Paul Cochrane était votre sous-ministre adjoint et qu'il escroquait le régime de millions de dollars. Des chefs d'accusation ont été portés contre lui récemment. Il a été reconnu coupable de quelques-unes de ces accusations. Il n'a été condamné qu'à un an d'emprisonnement, une simple réprimande, quoi, comme l'affirment bien des membres de la collectivité. S'agit-il, selon vous, d'une peine adéquate et comment ce genre d'événement contribue-t-il réellement à inspirer confiance dans l'économie et la productivité canadiennes?

·  +-(1315)  

+-

    Le président: Vous avez épuisé le temps qui vous était accordé. Il ne reste plus de temps pour répondre à vos questions.

+-

    M. David Dodge: Je vais commencer par répondre à ce que vous avez dit au sujet du profit des entreprises. C'est tout à fait vrai qu'en Amérique du Nord—aux États-Unis comme au Canada—, les profits d'entreprise sont extrêmement élevés par rapport au PIB. Les profits de 2004 n'ont pas établi de record, mais ils ont certes, par rapport aux années récentes, été extraordinaires et, pour la première fois en 25 ans environ, nous avons constaté cette année-là que l'investissement des entreprises était en réalité inférieur aux profits d'entreprise.

    Nous prévoyons certes que la tendance va s'inverser et, de fait, les données sur les marchés financiers pour le premier trimestre de l'année le confirment. Le secteur des entreprises renoue dans son ensemble avec les emprunts plutôt que de se retrouver dans l'étrange situation où il se trouvait, comme vous l'avez fait remarquer, en 2004, étant en réalité un prêteur net. Comme je l'ai dit, à la Banque du Canada tout comme à la Réserve fédérale des États-Unis, et cela s'applique en réalité tout aussi bien à l'Europe et au Japon—, nous avons été étonnés que plus d'investissements n'aient pas été faits un peu plus tôt par le secteur des entreprises. Par contre, nous constatons effectivement un virage dans les investissements de 2005.

    Ensuite, une partie de ces profits d'entreprise va être perdue, au profit de concurrents. Les profits vont baisser un peu, et nous assisterons à un certain équilibrage en 2005 et en 2006 des profits d'entreprise par rapport au revenu du travail parce que—je ne crois pas vous l'apprendre—, la part du revenu du travail dans l'économie nationale est bien inférieure à la tendance et devra augmenter.

    Pour ce qui est de faire travailler les travailleurs plus longtemps et plus fort, ce n'est pas ce que je tentais de dire. J'essayais en réalité de dire que la productivité est importante, ce qui signifie essentiellement qu'il faut travailler de manière plus intelligente. Par contre, nous avons une main-d'oeuvre qualifiée et extraordinairement bien formée chez les 55 à 65 ans—les tout premiers de la génération du baby-boom—, et il serait très malheureux que nos structures de marché l'empêche, si elle le souhaite, de contribuer pleinement à l'économie. Je ne demandais pas que les gens travaillent plus fort. C'est juste que s'offre à nous une énorme possibilité, surtout du fait que 80 p. 100 des emplois se trouvent dans le secteur tertiaire ou dans un secteur où les exigences physiques ne sont plus ce qu'elles étaient. Nul ne va demander à un mineur ou à une infirmière qui doit lever des poids lourds... nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu'on fasse ce genre de travail éternellement. Il existe par contre beaucoup d'emplois où ces personnes peuvent faire une réelle contribution et aimeraient la faire, à condition que nous leur offrions la formation, la flexibilité et tout le reste qui le leur permettrait.

    Il faudrait qu'une partie des profits bancaires aille à des concurrents, et c'est pourquoi nous avons soutenu avec en réalité beaucoup de vigueur qu'en tant que Canadiens, nous devrions nous préoccuper réellement de l'efficacité de notre secteur financier, qui nous permettrait d'avoir l'assurance que monsieur et madame Tout-le-monde obtiennent le meilleur service au plus faible coût, qu'ils ont la meilleure capacité d'emprunter au plus faible coût et qu'ils obtiennent les meilleurs rendements possibles sur leur épargne. Il faudrait faire en sorte que les entreprises, y compris les petites entreprises, ont de fait accès, à un coût raisonnable, aux fonds dont elles ont besoin pour faire les investissements dont il a été question.

·  +-(1320)  

    Ce que nous avons dit, c'est que, qu'il s'agisse du secteur bancaire, de celui des assurances ou des valeurs mobilières, il faut faire la promotion de l'efficacité en tant qu'objectif véritable, parce que c'est ainsi que nous améliorerons le sort de chacun.

    Enfin, pour ce qui est de l'affaire Virginia Fountain, je ne souhaite pas à en dire davantage à ce sujet parce que, comme vous le savez, elle est toujours devant les tribunaux à Winnipeg. Comme commentaire général, par contre, je dirais qu'à mon avis, l'abus de confiance, qu'il soit commis par un fonctionnaire, un dirigeant ou le secteur des entreprises, est un très grave problème. Notre société repose sur le principe de la confiance. Quand il y a abus de cette confiance, ceux qui sont jugés coupables d'en avoir abusé devraient être soumis à toute la force de la loi et à toutes les peines qu'elle prévoit.

+-

    Le président: Madame Wasylycia-Leis, je vous remercie.

    Monsieur McKay.

+-

    L'hon. John McKay: J'aimerais revenir aux questions qui ont été posées au sujet de la Chine et du cours du pétrole. Pendant que vous répondiez, d'autres réflexions me sont venues.

    Je comprends votre argument, soit qu'il est essentiellement dans l'intérêt de la Chine de détacher sa devise de celle des États-Unis, parce qu'elle pourrait faire mieux avec l'argent. De plus, la devise américaine représente un piètre investissement. Je l'exprime peut-être en termes un peu trop forts, mais le dollar US s'est déprécié, et il me semble que la population chinoise s'en est rendue compte et commence à se défaire de ses dollars. Par contre, ce n'est pas ce que fait la banque centrale. Je me demande si vous avez observé cette tendance. Dans l'affirmative, quelles seraient les répercussions les plus importantes d'un divorce entre le dollar US et le yuan chinois? C'est là ma première question.

    Ma deuxième question s'adresse au gouverneur. J'ai bien saisi le sens de vos arguments en ce qui concerne le cours du pétrole à moyen et à long terme, et je crois que vous avez raison. Cependant, votre tableau 19 est essentiellement court-termiste, c'est-à-dire qu'il vise les trois prochaines années. Je ne suis pas sûr que trois ans représentent du moyen à long terme. Ce serait plutôt du court terme. Il me semble que vos arguments pour le moyen à long terme vous obligent presque à conclure qu'il va y avoir une poussée des cours du pétrole durant les trois prochaines années.

·  +-(1325)  

+-

    M. David Dodge: Je vais commencer par répondre à votre deuxième question. Quand le jeu de l'offre et de la demande est si finement équilibré, les risques d'une poussée à court terme sont plutôt élevés. Si une certaine source est interrompue pour quelque raison que ce soit ou s'il survient un événement qui perturbe le transport maritime par exemple, les risques sont manifestement élevés puisque la surcapacité est très faible. Jusqu'à maintenant, il y a eu très peu de raison de prévoir une capacité excédentaire. Je ne me souhaite pas me lancer dans tout ce débat.

    Dans le tableau 19, nous n'illustrons que trois années, mais en fait, ces courbes illustrant les contrats à terme standardisés se prolongent sur sept ans environ. Elles sont ouvertes jusqu'à la fin. C'est très différent—j'insiste là-dessus—du tableau d'il y a 18 mois à peu près, quand le cours du pétrole semblait osciller entre 20 et 30 $; le court terme augmentait, mais il oscillait. Ce qu'il y a de nouveau maintenant, c'est que tous les cours augmentent, à court, à moyen et à long terme. C'est un tout autre tableau.

+-

    L'hon. John McKay: Donc, tout votre positionnement repose sur le marché des contrats à terme standardisé?

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    M. David Dodge: Oui, parce que nous sommes loin d'être des experts. Le marché peut être une source de prévisions tout aussi mauvaise que ceux qui font des prévisions indépendantes. Toutefois, c'est le marché. Il s'appuie sur une véritable logique, si vous croyez que la croissance mondiale va probablement se maintenir à des niveaux raisonnables. Le maintien à un niveau élevé des cours du pétrole jusque dans la septième ou huitième année se fonde en réalité... La façon dont le marché aborde cette question, c'est qu'il faudra un certain temps pour que la capacité soit disponible, et les perspectives de croissance mondiale, particulièrement au sein des économies où le pétrole représente une source marginale d'énergie, cadrent très bien avec une vue très sensée du monde.

    Par contre, si tout s'effondre, que nous nous trouvons empêtrés dans un énorme imbroglio commercial et que la croissance mondiale ralentit au point de ne plus bouger, il aura l'effet opposé.

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    L'hon. John McKay: Impossible de dire ce qui va se passer!

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    M. David Dodge: Quant aux Chinois, votre principale hypothèse de départ n'est pas tout à fait juste, parce que le citoyen chinois pour l'instant n'a pas à sa disposition de moyen d'investir son épargne à l'étranger. C'est dû au fait que les marchés financiers intérieurs de la Chine sont très sous-développés. En fait, sa seule option à peu près est de placer son argent dans une des grandes banques étatiques qui ne verse que de très faibles intérêts. Cependant, parce qu'il n'existe pas, loin de là, de régime de pension ou d'assurance-maladie adéquat, chaque ménage doit vraiment épargner pour se protéger.

    Demandez-vous ce qui se produirait s'il y avait plus de choix. Nous observons le développement d'un marché hors bourse très important—une espèce de marché gris de l'investissement qui ne passe pas par les banques—, à mesure que les citoyens chinois ordinaires tentent d'investir dans quelque chose qui leur rapportera vraiment. Demandez-vous ce qui se produirait si une société de fonds mutuels pouvait ouvrir ses portes de sorte que les Chinois pourraient vraiment investir dans des fonds mutuels étrangers. La demande serait en réalité très forte.

    Donc, il n'est pas du tout clair qu'en libéralisant le marché, s'il existait des mécanismes d'investissement à la disposition du Chinois ordinaire, tout l'investissement demeurerait en Chine. Il y aurait aussi des sorties de capitaux, tout comme nous souhaitons des sorties de nos caisses de retraite pour équilibrer nos portefeuilles. Il n'est pas évident que la rue est à sens unique et que le seul sens que pourrait prendre la devise chinoise est vers le haut. C'est probablement vrai pour un certain temps, mais plus tard, ces mouvements de capitaux vont s'équilibrer.

    Il est très important que le travailleur chinois ordinaire y ait accès. C'est pourquoi, quand nous discutons avec des dirigeants chinois—et pour parler franchement, je crois que les gens de la Banque populaire de Chine le comprennent—, nous affirmons qu'il est vraiment dans l'intérêt national des Chinois, peu importe l'intérêt mondial, de prendre des mesures pour que s'apprécie leur devise, pour contenir l'inflation intérieure et pour donner à ces travailleurs le bénéfice des gains qu'ils réalisent.

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    Le président: Monsieur McKay, je vous remercie.

    Très rapidement, pouvons-nous récapituler votre position au sujet des regroupements bancaires et, au besoin, la question de la diversification interpiliers, de même que de l'autre question qui me tient à coeur, soit un organisme national de réglementation des valeurs mobilières?

    Le problème posé par les regroupements bancaires est ce qui va se produire au sein des petites localités. Je crois que Judy y a déjà fait allusion. Je comprends que les banques doivent livrer concurrence sur le marché international, mais cela nous pose un problème ici au Canada.

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    M. David Dodge: Comme je l'ai dit, les arguments que nous avons fait valoir à la banque—et j'ai essayé de les énumérer dans mon discours devant le Canadian Club, à Toronto, en décembre—étaient que nous avons besoin d'un secteur financier très efficace au Canada, pour deux raisons : tout d'abord, fait très important, il faut que les épargnants et les investisseurs canadiens aient accès selon les meilleures modalités possibles aux rendements les plus élevés et aux formes de financement les meilleur marché et les plus efficaces. C'est extraordinairement important. Ensuite, tout le secteur des services financiers est très important. C'est un secteur qui paie des rémunérations élevées et qui donne naissance à bien des débouchés. C'est à vrai dire la source de beaucoup de développement dans la grande région de Toronto, dans la région de Montréal et un peu moins à Vancouver et à Calgary. C'est aussi un secteur très important parce qu'il peut croître et s'accaparer une part du marché mondial. C'est vrai des banques. C'est vrai des compagnies d'assurance et c'est vrai des investisseurs également.

    L'inquiétude au sujet des petites localités est très réelle. Ce qu'il y a de très intéressant et d'extraordinairement important, c'est qu'il existe d'autres institutions, particulièrement des caisses populaires, qui fournissent en fait de l'excellent service aux petites localités. À mesure que les banques ferment certaines de leurs succursales, les caisses populaires s'empressent de les remplacer. Elles sont peut-être mieux structurées pour répondre aux besoins de ces localités, surtout parce qu'elles peuvent équilibrer leurs avoirs grâce aux banques centrales.

    Bien qu'il faille prévoir une période durant laquelle il y aura des fermetures de succursale et il y en a certes déjà eues, d'autres possibilités s'offrent également aux autres institutions. Nous avons certes observé qu'elles sont disposées—pas seulement disposées; je cherche un terme plus fort—qu'elles souhaitent venir s'y établir et capitaliser sur ce qu'elles perçoivent comme étant l'inefficacité des grandes banques traitant au sein de ces localités.

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    Le président: Très rapidement, les banques ou le secteur financier sont importants pour l'économie canadienne, mais n'allons-nous pas déplacer certains de ces emplois vers l'étranger ou l'extérieur du Canada?

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    M. David Dodge: Ce que je souhaite faire, c'est de déplacer des emplois qui sont à l'étranger vers le Canada en ayant un secteur vraiment efficace. C'est possible.

    Par exemple, nous sommes encore probablement aussi bons que... en fait, nous sommes meilleurs que d'autres pays sur la plupart des autres marchés pour financer les valeurs minières de second rang. Nous pouvons faire encore mieux, de sorte qu'il faut essayer d'avoir un secteur meilleur, plus unifié.

    Nos banques, en fait, excellent dans certaines choses. Elles ne sont peut-être pas aussi bonnes dans les grands services bancaires d'investissement que les grandes banques de New York, mais elles excellent dans d'autres domaines. Le fait de leur donner la possibilité... non seulement de leur donner la possibilité, mais de les obliger, par l'intermédiaire des pressions du marché, à s'accaparer leurs parts des marchés en s'efforçant d'offrir le meilleur service qui soit est bon en fin de compte puisque cela permet de conserver au Canada des emplois aux sièges sociaux plutôt que de voir ces établissements perdre de plus en plus de leur poids sur la scène mondiale.

    Je crois qu'une véritable possibilité s'offre au secteur financier. Nous avons effectivement bonne réputation tant du côté bancaire que du côté de l'assurance et, comme je l'ai dit, dans certains créneaux des marchés d'investissement. Il faudrait en profiter, parce que c'est une excellente industrie à avoir chez nous.

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    Le président: En ce qui concerne l'organisme national de réglementation des valeurs mobilières, nous constatons que des pressions sont exercées partout au Canada. Des pressions dans le même sens s'exercent-elles également en Amérique du Nord par opposition à l'Europe ou à l'Asie?

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    M. Charlie Penson: Monsieur le président, ce sont là de très grandes questions. Elles méritent d'être débattues plus à fond. Il conviendrait peut-être d'inviter le gouverneur et son personnel à revenir, pour que nous puissions tous prendre part à ce débat. Je vois là deux importants débats, et je ne crois pas que vous ayez le temps de faire les deux cet après-midi.

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    M. David Dodge: Monsieur le président, nous serions assurément heureux de revenir pour parler des problèmes d'efficacité du secteur financier. Nous faisons beaucoup de travaux à ce sujet, et il est vraiment important que tous les Canadiens comprennent bien l'importance d'avoir un secteur financier efficace.

    Notre secteur de l'assurance-vie est reconnu à l'échelle mondiale. C'est un secteur où des regroupements ont eu lieu, où des établissements ont fait des pas de géant à l'étranger pour gagner leur part des marchés. Cela signifie également de vrais bons emplois dans les sièges sociaux ici au Canada et une véritable contribution au PIB canadien.

    Nous estimons donc qu'il s'agit d'un secteur très prometteur. Nous partons d'une base solide, mais il faut faire en sorte de continuer à s'efforcer d'avoir une structure qui encourage une plus grande efficacité.

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    Le président: Monsieur Dodge, monsieur Jenkins, je vous remercie. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus nous rencontrer.

    Comme des membres du comité doivent quitter la salle, la séance est levée. Merci à tous.