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SEMP Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité sur les fonds de l'assurance-emploi du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 24 novembre 2004




¹ 1525
V         Le président (M. Rodger Cuzner (Cape Breton—Canso, Lib.))
V         M. Normand Carrier (président, Comité d'étude sur le travail saisonnier)
V         Le président
V         M. Rodrigue Landry (À titre personnel)
V         Le président

¹ 1530
V         M. Rodrigue Landry
V         Le président
V         M. John Gagnon (membre du conseil exécutif, Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick)
V         Le président
V         M. John Gagnon

¹ 1535
V         Le président
V         M. Robert Blakely (directeur des affaires canadiennes, Département des métiers de la construction, FAT-COI, Bureau canadien)

¹ 1540
V         Le président
V         M. Robert Blakely
V         Le président
V         M. Sébastien Duclos (coordonateur, Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (réseau québécois))

¹ 1545
V         Le président
V         M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD)
V         Le président
V         M. Gilles LeBlanc (propriétaire, Usine de poisson, Comité du sud-est pour les changements à l'assurance -emploi)

¹ 1550
V         Le président
V         M. Normand Carrier (président, Comité d'étude sur le travail saisonnier)

¹ 1555

º 1600
V         Le président
V         M. Peter Van Loan (York—Simcoe, PCC)
V         M. Robert Blakely
V         Le président
V         M. John Gagnon
V         M. Peter Van Loan

º 1605
V         M. Robert Blakely
V         Le président
V         M. Yves Lessard (Chambly—Borduas, BQ)
V         M. Robert Blakely
V         M. Yves Lessard
V         M. Robert Blakely
V         M. Yves Lessard
V         M. Robert Blakely
V         M. Yves Lessard

º 1610
V         M. Robert Blakely
V         M. Yves Lessard
V         M. John Gagnon
V         Le président
V         M. Yvon Godin

º 1615
V         M. Robert Blakely
V         M. Yvon Godin
V         M. John Gagnon
V         Le président
V         M. Yvon Godin

º 1620
V         M. John Gagnon
V         Le président
V         M. Jean-Claude D'Amours (Madawaska—Restigouche, Lib.)
V         M. Gilles LeBlanc
V         M. Paul Gagnon (directeur général, Chambre de commerce de la région d'Edmunston)

º 1625
V         M. Gilles LeBlanc
V         Le président
V         M. Rodrigue Landry

º 1630
V         M. Peter Van Loan
V         M. Rodrigue Landry

º 1635
V         M. Robert Blakely
V         Le président
V         M. Yves Lessard
V         M. Sébastien Duclos

º 1640
V         M. Normand Carrier
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         M. Rodrigue Landry
V         M. Yvon Godin

º 1645
V         M. Rodrigue Landry
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         M. John Gagnon
V         Le président
V         M. Jean-Claude D'Amours
V         M. Normand Carrier

º 1650
V         M. Jean-Claude D'Amours
V         M. Normand Carrier
V         M. John Gagnon
V         Le président
V         M. John Gagnon

º 1655
V         Le président
V         M. Robert Blakely
V         M. Sébastien Duclos
V         Le président
V         M. Gilles LeBlanc

» 1700
V         Le président
V         M. Normand Carrier
V         Le président










CANADA

Sous-comité sur les fonds de l'assurance-emploi du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 004 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 24 novembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1525)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Rodger Cuzner (Cape Breton—Canso, Lib.)): Mesdames et messieurs, nous allons commencer cette quatrième réunion du Sous-comité du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.

    Aujourd'hui, nous accueillons un nouvel ensemble de témoins très compétents et nous avons hâte d'entendre leurs témoignages. Nous avons environ une heure et demie parce que nous allons devoir remanier ce rapport pour pouvoir le présenter sous une forme cohérente, donc nous conclurons cette séance à 17 heures pour continuer à huis clos.

    Nos avons deux liaisons vidéo aujourd'hui et nous avons aussi des témoins dans cette salle. Si vous le voulez bien, je vais suivre la liste pour les présentations. Ensuite, j'inviterai un représentant de chacun des groupes à faire un exposé d'environ cinq minutes, après quoi nous passerons aux questions.

    Nous commençons par la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick, représentée par John Gagnon. Le Département des métiers et de la construction, FAT-COI, Bureau canadien, est représenté par Robert Blakely et Carol MacLeod. Le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi est représenté par Sébastien Duclos, coordonnateur. Bienvenue, Sébastien. Le Comité du sud-est du Nouveau-Brunswick pour les changements à l'assurance-emploi est représenté par Gilles LeBlanc.

    Monsieur Robert MacKay est avec vous aussi? Oui?

    Enfin, il y a le Comité d'étude sur le travail saisonnier, représenté par Normand Carrier, président, et Gérald Clavette, membre.

+-

    M. Normand Carrier (président, Comité d'étude sur le travail saisonnier): Je suis accompagné de M. Paul Gagnon. Nous sommes deux.

+-

    Le président: Y a-t-il quelqu'un à Moncton qui n'a pas été présenté? Pouvez-vous présenter?

+-

    M. Rodrigue Landry (À titre personnel): Rodrigue Landry.

+-

    Le président: Rodrigue, qui représentez-vous?

¹  +-(1530)  

+-

    M. Rodrigue Landry: Je représente les travailleurs du secteur de la pêche du sud-est du Nouveau-Brunswick.

    Une voix: Rodrigue va parler pour moi.

+-

    Le président: Dans ce cas, nous allons commencer. Nous avons un format établi. Si vous pouvez, tenez-vous en à cinq minutes pour votre exposé, et ensuite nous passerons aux questions.

    Je donne la parole à monsieur Gagnon, de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick.

+-

    M. John Gagnon (membre du conseil exécutif, Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick): Merci.

    Je suis John Gagnon, de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick.

    Pour commencer sur une note positive, je dirais qu'à mon avis l'idéal, c'est d'avoir un taux d'emploi élevé et des revenus stables. C'est la meilleure façon de construire une économie solide, et un emploi permanent avec un salaire décent constitue la meilleure sécurité du revenu possible.

    Malheureusement, la réalité dans nos régions, dans cette province, c'est le contraire. Nous avons un taux de chômage élevé, des revenus instables, du travail saisonnier et des emplois temporaires mal payés. Du fait de la nature de notre économie, beaucoup de gens ne trouvent pas de travail. Ils sont victimes d'une structure économique qui favorise le travail saisonnier et temporaire. À la Fédération des travailleurs et travailleuses, nous estimons que c'est au gouvernement qu'il incombe de créer les conditions et le climat économique nécessaires pour alimenter une économie productive et dynamique.

    S'il y a des situations de dépendance—et c'est ce que nous répètent les autorités et les députés—ce sont des dépendances qui ont été créées par les gouvernements et les entreprises qui n'ont pas investi correctement et n'ont pas créé d'emplois sérieux en attirant des industries secondaires au lieu d'avoir des travailleurs saisonniers, pour pouvoir transformer—c'est très important—nos ressources naturelles localement. Voilà ce qu'il faudrait faire à mon avis.

    Nous avons tout un débat sur l'utilisation du Compte d'AE. Il y a un excédent de 46 milliards dans ce Compte; dans le journal d'aujourd'hui, la vérificatrice générale dit que c'est 46 milliards de dollars en plus de ce qui a été dépensé pour les prestations et l'administration. Elle dit qu'après paiement des prestations et des frais administratifs, il y a un excédent de 46 milliards de dollars. Elle parle aussi de la création d'un compte indépendant pour l'assurance-chômage.

    Nous pensons qu'avant de commencer par exemple à réduire les cotisations et à investir dans la formation, car plusieurs groupes vont en parler… Nous n'avons pas d'objection à ce qu'on investisse dans la formation à condition que ce ne soit pas une façon de subventionner les entreprises qui font de la formation, mais nous pourrons peut-être revenir là-dessus au cours du débat. Ce que je dis, c'est qu'avant de prendre ce genre d'initiatives, qu'elles soient progressistes ou non, il faut commencer par investir dans l'économie, réinvestir cet argent dans les travailleurs.

    En 1994, nous avons été frappés par un certain nombre de mesures rétrogrades. Avant 1989, 78 p. 100 des travailleurs étaient admissibles à l'assurance-chômage. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 36 p. 100, et certains disent même seulement de 20 et quelques p. 100. Voilà la réalité. Il faut réinvestir dans les travailleurs, spécialement les travailleurs saisonniers, pour redresser la situation.

    Il faudrait ramener à 52 semaines la période maximale de prestations. Il faut renforcer l'assurance-chômage. Il faut supprimer le dénominateur, qui nous enlève beaucoup d'argent, surtout quand on parle d'excédent. Les nouveaux venus sur le marché du travail doivent avoir 910 heures d'emploi assurable. Les 420 heures devraient être sur la base 360. Dans l'ancien système, on avait un certain nombre de semaines et 180 heures. Nous ne demandons pas à revenir aux 180 heures, mais nous demandons au moins que ce soit sur la base de 360.

    Voilà la réalité dont nous parlons. Il y a plus de 46 milliards de dollars d'excédent dans ce Compte, un excédent récolté sur le dos des travailleurs grâce à ces changements. C'est cet argent qu'il faut commencer par investir avant de parler d'autres choses.

+-

    Le président: Monsieur Gagnon, nous avons l'interprétation dans la salle du comité. Je sais que c'est un sujet qui vous passionne, mais j'aimerais vous demander de prendre votre temps.

+-

    M. John Gagnon: Je vais garder la passion mais ralentir.

    Il faut supprimer des choses comme le dénominateur. C'est très important. Il faut commencer à regarder les endroits où il y a un fort taux d'emploi pour faire quelque chose. Il faut agir de façon progressiste. Si c'est plus de 4 p. 100, il faut accorder plus de semaines, et si c'est plus de 10 p. 100… C'est cela le genre de choses qu'il faut regarder, pour investir dans les gens qui en ont besoin.

    Il y a un célèbre trou noir dans ma région. Quand on arrive à la fin de ses prestations, on est obligé de retomber sur le bien-être social. Pour bien des travailleurs des usines de poisson de la péninsule acadienne, c'est la réalité. On les renvoie sur les bancs d'une école faire de petites affaires qui n'ont pas grand-chose à voir avec la formation. Il faut revoir cette formation pour que l'argent serve à les former sérieusement en leur donnant une formation constructive, au lieu de les obliger simplement à s'asseoir sur des bancs de classe sous prétexte que le système ne les autorise pas à toucher des prestations à ce moment-là.

    Voilà le genre de choses qu'il faut examiner. Il faut s'occuper de cela avant de commencer à parler d'affecter ailleurs cet excédent. En gros, voilà ce que nous disons.

    Les programmes de formation, comme je le disais, ne devraient pas être conçus comme des subventions. Il faut commencer à concevoir des programmes en termes d'apprentissage, en termes de pertes d'emploi et en termes d'assurance-chômage. Il faut avoir une attitude plus progressiste face à des notions comme la grossesse, le congé parental, les prestations de maladie, les congés pour raisons familiales, ce genre de choses. Nous devons être plus généreux dans tous ces domaines avant de commencer à vouloir réduire les prestations et utiliser le Compte à des fins pour lesquelles il n'a pas été conçu.

    Voilà ce que je voulais dire en guise d'introduction. Merci beaucoup.

¹  +-(1535)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Gagnon.

    Monsieur Blakely, vous représentez le Département des métiers de la construction, FAT-COI, Bureau canadien. C'est vous qui allez faire l'exposé?

+-

    M. Robert Blakely (directeur des affaires canadiennes, Département des métiers de la construction, FAT-COI, Bureau canadien): Oui.

    Merci beaucoup de nous accueillir ici.

    Le Bureau canadien du Département des métiers de la construction est un groupe qui chapeaute les 14 syndicats de la construction du Canada. La construction est la plus grosse industrie du Canada. Elle emploie directement près d'un million de personnes et représente 14 p. 100 du PIB du Canada. Soixante pour cent des apprentis du Canada se trouvent dans ce secteur, et pourtant nous sommes une industrie dont les effectifs se rétrécissent. Comme d'autres institutions au Canada, le secteur de la construction est menacé par une véritable bombe à retardement démographique.

    Notre travail, qui est de nature cyclique ou saisonnière, comporte une composante d'assurance-emploi. En général, nous sommes d'accord avec les points de vue que vous ont présentés les syndicats, mais notre industrie, la plus importante au Canada, a un caractère unique. Notre formation commence dès le début. Les apprentis passent 1 500 heures sur le tas et 300 heures par an à l'école durant leurs quatre ans de formation scolaire. C'est grâce aux fonds de fiducie pour la formation prévus par nos conventions collectives que nous assurons le perfectionnement, la formation au niveau du diplôme et la formation technique.

    Notre industrie dépend du cycle économique. Elle est axée sur les ressources. L'infrastructure ou les ressources font que les employeurs et les employés ont un caractère transitoire. On n'a pas un employeur à vie; on a un métier et peut-être des centaines d'employés durant une carrière.

    De nos jours, où l'on parle plus gentiment d'assurance-chômage et d'assurance-emploi, il est important de se souvenir de ce que signifie l'assurance : c'est un contrat d'indemnisation en cas d'événement prévisible. En l'occurrence, l'événement prévisible, c'est de se retrouver au chômage. C'est une notion qui doit être au tout premier plan des préoccupations des gens qui se penchent sur cette question.

    Je crois que le système actuel est un peu comme une taxe. L'argent est versé au Trésor. Une bonne partie de l'excédent qui s'est accumulé depuis quelques temps est venue de l'assurance-emploi.

    Je pense que nous sommes prêts à le tolérer dans une certaine mesure. Si le gouvernement ne reçoit pas d'argent ici, il en aura ailleurs, et nous n'avons pas d'objection à ce qu'il dégage un excédent. S'il y a des excédents, nous pouvons revendiquer de meilleures prestations. Mais ce n'est pas possible quand l'assurance-emploi est financée avec aussi peu de marge, au sou près. Ce que je veux dire, monsieur le président et messieurs les membres du comité, c'est que nous ne sommes pas contre les excédents si l'assurance-emploi est véritablement une assurance : c'est-à-dire que si un événement prévisible se produit, les gens sont couverts.

    Si vous étiez dans le secteur de l'assurance vie, de l'assurance incendie ou de l'assurance véhicule et que vous ne couvriez que 38 p. 100 de vos clients, les gens ne mettraient pas longtemps à comprendre que ce ne n'est pas une très bonne idée de s'assurer chez vous. Il faut que ce soit une assurance, pas une roulette. Il ne faut pas changer les règles en fonction de la politique économique ou des orientations politiques du gouvernement du jour. En période de difficulté économique, les chômeurs devraient être couverts. La guerre économique ne devrait pas faire de victimes.

    Nous savons bien que l'excédent de 46 milliards de dollars dont on parle souvent n'est pas entassé dans le coffre d'oncle Picsou sur la rue Bank. Le gouvernement a déjà utilisé cet excédent. Ce que nous disons, c'est que vous pouvez utiliser l'excédent, mais à condition de garantir qu'en période difficile, les déficits de l'assurance-emploi seront couverts.

    Comment faut-il utiliser cet argent? Premièrement, à des fins d'assurance. Dans notre secteur, il y a une utilisation bien concrète, c'est pour la mobilité. Si quelqu'un touche une assurance invalidité, son assureur va investir pour le recycler ou lui permettre d'avoir un travail modifié pour qu'il puisse retrouver un travail productif. Ce sont des choses importantes dans notre pays où il y a des gens de métier qui ont été formés aux frais des Canadiens, des gens en qui le gouvernement a investi, et qui ne peuvent pas trouver de travail. Pendant ce temps, ailleurs dans le pays, il y en a d'autres qui réclament qu'on fasse venir des travailleurs étrangers parce qu'ils ont besoin de gens de métier qualifiés pour faire prospérer la province en travaillant dans une usine de sables bitumineux.

    Or, pour le prix d'un billet d'avion, on peut transférer un travailleur de la construction du Nouveau-Brunswick ou de la Nouvelle-Écosse, où il n'a pas de travail aujourd'hui, dans la région des sables bitumineux de l'Alberta où il aura du travail. Il pourra ainsi envoyer de l'argent dans sa collectivité et y revenir plus tard, et c'est là non seulement une politique sociale souhaitable, mais aussi une bonne politique économique. L'argent qu'on prévoit pour la formation dans la partie II du Compte est utile s'il sert vraiment à donner une formation. La formation des apprentis est une formation réelle qui débouche sur des carrières réelles et des emplois bien payés. Vous devez continuer à appuyer l'apprentissage par le biais de la formation prévue à la partie II du Compte.

¹  +-(1540)  

    Vous devez appuyer les conseils sectoriels, qui aident à assurer la formation et qui élaborent des normes nationales. Il faut que vous amélioriez les niveaux de prestations. Il faut que vous gériez les excédents pour que nous n'ayons pas toujours des excédents nationaux énormes et flagrants. Nous vous exhortons à consulter les industries concernées pour établir les taux et déterminer le montant des prestations. Notre industrie est sensiblement différente des autres, et il se pourrait qu'elle puisse avoir un traitement différent de celui des autres industries.

+-

    Le président: Très bien, mais je sais que les gens que vous représentez ont l'habitude de finir leur travail à temps. Vous avez légèrement dépassé votre temps, mais nous seront tolérants.

+-

    M. Robert Blakely: S'il n'y a pas eu de dépassement de coûts, je pense que ça va.

+-

    Le président: Monsieur Sébastien Duclos, du Mouvement autonome, vous avez la parole.

[Français]

+-

    M. Sébastien Duclos (coordonateur, Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (réseau québécois)): Bonjour. Je suis le coordonnateur du Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi. Je voudrais premièrement m'excuser: je n'ai malheureusement pas eu la chance d'avoir la documentation à l'avance, donc mes documents sont tout en français, pour des raisons qui vont au-delà de ma responsabilité.

    Par contre, nous voudrions faire parvenir nos condoléances à Mme Tavares qui, je crois, a perdu un membre de sa famille.

    Le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi regroupe, au Québec, 15 groupes de défense du droit à l'assurance-emploi. Ce sont des groupes répartis à l'échelle de la province qui travaillent au jour le jour avec les prestataires. Ils sont donc au fait de ce que les réformes d'il y a 10 ans, celles de 1990 et de 1997, ont donné.

    Comme je n'ai pas eu beaucoup de temps pour me préparer, je vais m'en tenir à nos revendications. Depuis plusieurs années, les gens que je représente sortent dans les rues et exigent qu'on revienne à un régime d'assurance-emploi qui indemniserait les gens en perte d'emploi. Nous avons fixé notre barème pour l'admissibilité à 350 heures. Nous voulons un minimum de 60 p. 100 de taux de prestations. Plusieurs personnes à l'intérieur de notre mouvement demandent davantage, mais nous avons fixé la barre à 60 p. 100 au moins.

    Quant aux prestations, nous exigeons un minimum de 35 semaines de prestations. Je vous explique pourquoi. En fait, une partie de l'économie du Québec, surtout dans les régions du Nord, est composée d'industries saisonnières. Je tiens à mettre l'accent sur les mots «industries saisonnières», car ce ne sont pas les travailleurs qui sont saisonniers, mais les industries. Avec les taux de prestations et le nombre de semaines actuels, on se retrouve avec des gens qui sont dans ce qu'on appelle le trou noir, c'est-à-dire que pendant une certaine période de temps, ils n'ont accès à aucun revenu, à moins de recevoir de l'aide à l'emploi, qui est le dernier filet, si on veut, au Québec. Cependant, l'admissibilité à cette aide n'est pas grande non plus. On se retrouve donc avec des gens qui, entre autres sur la Côte-Nord, sont à bout de ressources. On nous le dit: la goutte va faire déborder le vase. Nous sommes donc ici pour vous dire qu'il faut que ça change.

    Par contre, nous le disons depuis des années, la vérificatrice le dit depuis des années. Alors, je ne vois pas pourquoi on nous écouterait davantage aujourd'hui que par les années passées. Mais comme je suis ici, cela prouve donc que j'ai un minimum de foi en la chose.

    Je vais m'en tenir à cela. C'est bref, succinct, mais si vous voulez plus d'information, je pourrai toujours vous faire parvenir les documents. En fait, nous avons consolidé toutes nos revendications à l'intérieur d'un projet de loi maison que j'ai apporté ici et qui comporte des chiffres. Ces chiffres pourraient faire sourciller beaucoup de gens, mais on pourrait toujours en discuter dans un autre lieu.

    Merci.

¹  +-(1545)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

+-

    M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le président, pourrait-il remettre son document à la greffière? Elle pourrait le faire traduire et le remettre ensuite aux membres du comité, s'il vous plaît.

[Traduction]

+-

    Le président: Nous pouvons nous en occuper.

    Je donne la parole à Gilles LeBlanc, du Comité du sud-est du Nouveau-Brunswick pour les changements à l'assurance-emploi.

+-

    M. Gilles LeBlanc (propriétaire, Usine de poisson, Comité du sud-est pour les changements à l'assurance -emploi): Merci.

    Je fais partie d'un comité qui essaie depuis deux ans de trouver une solution à une crise majeure dans le sud-est du Nouveau-Brunswick. Il y a deux ans en décembre, le gouvernement fédéral a fait une sorte de descente chez une douzaine d'entreprises du sud-est du Nouveau-Brunswick, de petites entreprises familiales, pour examiner la pratique des réserves d'heures.

    Au départ, on nous a dit que c'était un simple exercice pédagogique parce que les gens n'avaient pas compris après les changements de 1993 et 1997 qu'ils n'avaient plus besoin de mettre des heures en réserve. Finalement, cela a tourné à une menace de 12 millions de dollars d'amendes et de remboursements. Après des rencontres avec Jean Chrétien, Jane Stewart et plusieurs autres ministres et beaucoup de travail, il a été décidé qu'on ne ferait rien payer aux employés mais que les entreprises devraient rembourser 3,2 millions de dollars au gouvernement au titre de ce qui était considéré comme des trop-payés.

    Nous contestons la façon dont on a fait ce calcul. Notre secteur est constitué d'entreprises saisonnières qui fonctionnent d'avril ou mai à décembre, avec de petites semaines en haute saison, et nous pouvons prouver que ce n'est pas délibérément que nous créons une réserve d'heures, mais à cause de la nature même de l'industrie de la pêche.

    C'est difficile de condenser tout cela en cinq minutes, car nous avons énormément d'informations à vous donner.

    Il y a toutes sortes de raisons qui expliquent ces petites semaines de travail, et dans certains cas c'est à cause de notre propre gouvernement fédéral, qui impose au secteur de la pêche des saisons, des méthodes à respecter pour les prises, etc. Il y a aussi le temps qu'il fait, et bien d'autres facteurs encore.

    Depuis deux ans, nous essayons de trouver des solutions. Nous pensons que la plupart des solutions seraient sans incidence sur les recettes, mais il y en a certaines qui pourraient entraîner un coût pour le gouvernement fédéral.

    Pour essayer d'être clair et bref, j'aimerais vous montrer quelques graphiques qui valent, comme on dit, un million de mots. J'espère que la technique va fonctionner.

    En gros, le système d'assurance-emploi actuel a été conçu au départ pour des employés à plein temps qui perdent leur travail mais en retrouvent un autre au gouvernement ou dans une entreprise. Il s'agit donc de gens qui ont un revenu stable et relativement élevé, qui partent et qui trouvent un autre emploi. Entre-temps, ils touchent des prestations d'assurance-emploi calculées en fonction du revenu total qui était très stable. Il y a une autre catégorie d'industries, des industries saisonnières où le travail est intense et à court terme, où on a peut-être neuf semaines avec cinq ou six semaines de production intensive. Les employés ont des revenus différents, mais à un niveau suffisamment élevé pour que, s'il y a suffisamment de semaines et un niveau assez élevé, ils puissent jouir d'un revenu d'assurance-emploi raisonnable le reste de l'année et gagner leur vie. C'est ce que montre un peu ce graphique, où la ligne rouge correspondrait à l'assurance-emploi. Cela permet aux gens d'avoir de quoi vivre.

    Le problème—et voici un graphique qui représente le travail hebdomadaire dans mon entreprise—c'est qu'il y a des pics très élevés et concentrés de peut-être 70 heures, et qu'ensuite cela redescend, cela remonte et cela tourne. Le problème, si l'on utilise la formule qui a été conçue par quelqu'un qui n'a pas à faire face à ce genre de situation, c'est que le travailleur qui accepte de travailler dans ces conditions va se retrouver avec une moyenne faible et un revenu annuel faible parce que les prestations en saison creuse seront calculées sur la moyenne la plus basse. C'est un simple exemple qui vous montre que si l'on utilisait les 14 semaines où le revenu est le plus élevé, la moyenne serait supérieure, de même que le revenu hors saison.

¹  +-(1550)  

    Je ne veux pas entrer plus dans le détail pour l'instant, mais en gros c'est cela.

    Notre comité a examiné cette situation et trouvé des solutions. Nous avons proposé des solutions. Certaines sont fondées sur le total d'heures annuel ou le revenu annuel total, d'autres s'appuient sur les 10 ou 14 meilleures semaines, selon la situation économique de la région. Nous connaissons le problème. Nous connaissons les solutions. Ce que nous ne savons pas, c'est si le gouvernement est prêt à nous écouter et à faire quelque chose.

    En fait, ce qui se passe, c'est que nous avons un régime d'assurance-emploi qui dissuade les gens d'accepter tout le travail disponible. Ce qui se passe, c'est qu'on oblige les gens à refuser de travailler pour avoir un revenu raisonnable en hiver, et nous en avons des exemples bien précis.

    Nous pouvons très bien avoir deux employés qui travaillent au même endroit, côte à côte, l'un d'eux travaillant pendant les 14 semaines de pointe alors que l'autre ne vient que les jours où on l'appelle. Le deuxième employé va avoir un revenu annuel de 4 000 $ inférieur—et c'est la réalité, pas de la fiction—au revenu de celui qui ne travaille que 14 semaines. Donc vous avez quelqu'un qui travaille 30 semaines, qui accepte tout le travail qu'on lui propose, qui est là tout le temps, qui est parfaitement loyal à l'entreprise, loyal à son travail, qui est expert dans son domaine, et quelqu'un d'autre qui n'accepte pas tout le travail disponible mais qui a un revenu plus élevé. Plus vous travaillez dans le cadre de ce régime dans ce genre de situation et ce genre d'industrie, moins vous gagnez d'argent. Nous pouvons vous le prouver avec des situations réelles.

    Nous avons des solutions. Je ne peux pas…

+-

    Le président: Merci beaucoup. Je suis désolé, mais nous avons attribué cinq minutes à chacun des groupes.

    Peut-être qu'il pourra venir faire une déclaration durant la période de questions et réponses.

    Merci pour votre intervention, monsieur LeBlanc.

    Je donne la parole à Normand Carrier, du Comité d'étude sur le travail saisonnier.

[Français]

+-

    M. Normand Carrier (président, Comité d'étude sur le travail saisonnier): Merci, monsieur le président.

    Permettez-moi tout d'abord de vous remercier, au nom des membres du Comité d'étude sur le travail saisonnier, de nous avoir invités à présenter notre point de vue concernant certaines améliorations qui devraient être apportées au régime d'assurance-emploi. Il va sans dire que ces améliorations auraient un effet bénéfique sur la qualité de vie de nos travailleuses et de nos travailleurs saisonniers.

    C'est depuis août 2000 que notre comité se réunit, et ce assez fréquemment, afin d'évaluer le phénomène du travail saisonnier au nord-ouest du Nouveau-Brunswick. Notre mandat consiste principalement à identifier des solutions à court et à long terme qui pourraient améliorer la situation de ces travailleurs et ainsi leur offrir une qualité de vie comparable à celle de ceux et celles qui travaillent dans d'autres secteurs d'activité économique, mais qui ne sont pas à caractère saisonnier.

    Il est bon de noter ici que notre région du nord-ouest du Nouveau-Brunswick comprend quatre secteurs saisonniers, en l'occurence la foresterie, l'agriculture, le tourisme et la construction.

    Dans le cadre de notre étude, nous avons cru bon de présenter, en mai 2001, un rapport détaillé et complet à Mme Jane Stewart, alors ministre du Développement des ressources humaines du Canada. Ce rapport, en plus de contenir des tableaux, des statistiques et plusieurs constats, comprenait une quinzaine de recommandations visant certains règlements du régime d'assurance-emploi.

    En avril 2004, notre comité fut invité à faire une présentation orale au groupe de travail libéral qui avait été mandaté par le premier ministre Paul Martin. Après avoir bénéficié de trois années de plus de recherche et d'évaluation et nous servant de cette nouvelle expérience, nous avions alors décidé de soumettre à ce groupe de travail les mêmes 15 recommandations qui avaient été présentées en mai 2001. Si vous le désirez, nous avons des copies de notre étude, en français et en anglais, ainsi que des copies de notre présentation au groupe de travail. Elles sont disponibles pour votre comité.

    Toutefois, à cause du temps mis à notre disposition, je me limiterai ici à vous présenter seulement deux des 15 propositions, mais qui, selon notre jugement, sont les plus susceptibles d'avoir un impact positif auprès de nos travailleurs saisonniers.

    En premier lieu, en 1997, le gouvernement fédéral a déterminé que l'emploi assurable serait dorénavant calculé en fonction d'un nombre minimum d'heures, au lieu d'un nombre minimum de semaines. Ce nouveau règlement spécifiait qu'un prestataire qui n'était pas un nouvel arrivant sur le marché du travail aurait besoin de 420 à 700 heures pour être admissible à l'assurance-emploi. Par ailleurs, un prestataire nouvel arrivant aurait besoin, lui, de 910 heures d'emploi assurable pour être admissible au régime.

    D'après nos études, ce critère de 910 heures d'emploi assurable a des conséquences négatives, surtout auprès des femmes et des jeunes. De plus, ce critère de 910 heures constitue une dissuasion majeure pour les personnes qui songent à travailler dans les secteurs de l'agriculture, de la forêt et dans plusieurs autres secteurs d'activité dont la nature de l'emploi est saisonnière. Il est quasiment impossible pour ces personnes d'accumuler 910 heures assurables dans ces secteurs.

    De plus, compte tenu du fait que le travail saisonnier constitue un travail essentiel pour notre économie, il va de soi que la relève est compromise et que le taux de succès des efforts de recrutement dans les domaines d'activités saisonnières est presque nul.

    Pour toutes ces raisons le comité vous recommande, et à recommandé au groupe de travail, que, pour se rendre admissible aux prestations de l'assurance-emploi, tout travailleur saisonnier, qu'il soit nouvel arrivant ou non, n'ait qu'à répondre aux critères d'admissibilité s'appliquant à tous les autres travailleurs dans sa région.

    Quant à la deuxième recommandation, elle porte sur la méthode utilisée pour calculer le montant hebdomadaire des prestations du travailleur. Notre comité s'est rendu compte que la rémunération horaire générée par un deuxième emploi hors saison est, la plupart du temps, de beaucoup inférieure à celle qu'un travailleur saisonnier recevait dans son emploi dit régulier. Uniquement à cause de ce taux horaire inférieur, les montants futurs de ses prestations sont grandement réduits, et ce, pour toute la durée de ses prestations.

¹  +-(1555)  

    Notre comité a également constaté que la présente méthode de calcul des prestations ne contient aucun incitatif pour un travailleur saisonnier à rechercher un emploi dans ces conditions. Au contraire, ce phénomène encourage plutôt le travail au noir ou encore le banking des heures. C'est pourquoi notre comité d'étude vous fait les recommandations suivantes.

    Nous recommandons que, pour calculer le montant des prestations hebdomadaires d'un prestataire, on utilise les 14 meilleures semaines d'emploi assurable. Nous recommandons également qu'on tienne compte, pour établir la durée de la période de prestations, du nombre total des heures travaillées dans un emploi assurable. C'est donc dire que l'on ne doit pas seulement tenir compte des heures travaillées durant les 14 meilleures semaines, mais de toutes les heures travaillées.

    Je vous rappelle ici que cette façon de calculer les prestations n'est pas nouvelle, car si on se réfère au projet de loi C-156 de 1983, la Commission de l'assurance-emploi a obtenu la permission de calculer le taux des prestations des pêcheurs saisonniers en fonction des 10 meilleures semaines de pêche, pour ceux qui comptaient au moins 15 semaines d'emploi assurable dans ce secteur d'activité saisonnière.

    En terminant, monsieur le président, je tiens à vous remercier pour l'attention que vous avez manifestée à notre égard. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Merci.

º  +-(1600)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Carrier.

    Nous allons passer au premier tour de questions, avec sept minutes par intervenant. Chers collègues, je vais vous demander de respecter rigoureusement le temps qui vous est imparti. Je vous préviendrai à peu près une minute à l'avance quand votre temps prendra fin. Je profite de cette occasion pour vous rappeler que ces sept minutes du premier tour incluent à la fois les questions et les réponses.

    Je donne la parole pour sept minutes à monsieur Van Loan, du Parti conservateur.

+-

    M. Peter Van Loan (York—Simcoe, PCC): Je voudrais poser cette question à M. Blakely et à M. Gagnon. Compte tenu de l'excédent actuel du Compte et de ses perspectives d'utilisation, préféreriez-vous avoir une caisse distincte? Pouvons-nous tous nous entendre là-dessus?

+-

    M. Robert Blakely: Pour moi, peu importe la comptabilisation. Si c'est une comptabilisation théorique dans les livres du gouvernement du Canada, cela m'est égal. Je veux simplement qu'il y ait de l'argent pour payer les prestations quand il faut les verser. Si l'on crée un fonds en fiducie et qu'on essaie de fonctionner comme cela, ce sera très bien tant qu'il y aura un excédent, mais quand il n'y aura plus d'argent dans ce fonds, que ferons-nous? Cela ne nous dérange pas que l'argent soit versé au Trésor à condition qu'il soit disponible quand nos membres font une demande d'assurance-emploi.

+-

    Le président: Monsieur Gagnon.

+-

    M. John Gagnon: Je crois qu'il faut que ce soit un compte distinct, un fonds séparé. Il y 46 milliards de dollars qui ont été prélevés auprès des travailleurs et des entreprises. Le gouvernement a cessé de cotiser à cette caisse depuis des années; il ne cotise plus du tout. Je pense qu'il n'est pas normal que le gouvernement verse cet argent au compte général. Je pense qu'il a fini par s'en servir pour rembourser la dette et payer des tas de choses comme des programmes gouvernementaux qui n'avaient rien à voir avec la CAC.

    Comme on l'a dit, on a l'impression que ces excédents ont été récoltés sur le dos des travailleurs. Par conséquent, il faut que ce soit une caisse distincte, sans lien de dépendance avec le gouvernement, et aussi que les parties prenantes participent à la gestion de ce fonds. Nous insistons beaucoup là-dessus.

+-

    M. Peter Van Loan: Je vais revenir à M. Blakely.

    Nous gardons la trace de ce montant: c'est 46 milliards de dollars. J'estime qu'il y a une bonne raison en droit d'en suivre la trace, et même s'il est vrai de dire que cet argent n'est plus là, il doit y avoir une raison administrative d'en conserver la trace. Nous avons conservé cette trace, il y a 46 milliards de dollars, et tout le monde nous dit que c'est plus de trois fois le montant d'une réserve correcte. Si le gouvernement devait compléter le fonds de réserve pour qu'il serve en fonction des besoins, ne serait-il pas plus facile d'éviter que ces excédents s'accumulent comme ils l'ont fait ces dernières années, si le fonds était considéré comme une fiducie?

º  +-(1605)  

+-

    M. Robert Blakely: S'il était constitué en fiducie et si la gestion de l'investissement était confiée à un conseil d'administration dirigé par l'industrie et sans lien de dépendance, c'est quelque chose qui nous est assez familier et que nous pourrions accepter. Nous gérons nos pensions, notre santé et notre bien-être social, et nous gérons aussi l'éducation dans notre industrie. Est-ce que nous pourrions gérer cela aussi? Certainement.

    Je crois que le problème, c'est cette comptabilisation théorique. Le meilleur système au monde? Non, car je crois que la plupart des gens s'imaginent qu'il y a 46 milliards de dollars accumulés quelque part et que le gouvernement n'attend que le moment de s'en servir. Mais c'est faux.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Lessard.

+-

    M. Yves Lessard (Chambly—Borduas, BQ): Je vais continuer avec M. Blakely, si vous le voulez bien.

    Je veux bien comprendre votre pensée. Je pense que vous serez d'avis avec nous que le fonds est présentement alimenté par deux contributions, celle des salariés et celle des employeurs. Depuis un certain nombre d'années, le gouvernement n'y contribue plus. Ce fonds est donc constitué de l'argent des travailleurs et des employeurs.

    Vous dites que le gouvernement peut aussi continuer à l'utiliser dans le fonds général. J'ai bien saisi cela. Est-ce que je comprends aussi qu'il peut maintenant disposer à sa guise des montants accumulés dans le passé?

[Traduction]

+-

    M. Robert Blakely: Je crois que vous me faites dire ce que je n'ai pas dit. Voici ce que j'ai dit. Cet argent est versé aux recettes générales de l'État. S'il fait partie d'un excédent et qu'on l'utilise, il doit être comptabilisé. Il faut le comptabiliser pour que, lorsque les travailleurs sont au chômage, il y ait de l'argent pour payer la facture de leur assurance-chômage. Peu m'importe la façon dont fonctionnera le fonds.

[Français]

+-

    M. Yves Lessard: Plusieurs intervenants sont d'opinion, pour être clair avec vous, que cet argent est dû aux employeurs et aux salariés. Êtes-vous d'accord là-dessus?

[Traduction]

+-

    M. Robert Blakely: Je crois que vous me posez une question de droit. La réponse, c'est qu'une fois cet argent versé au Trésor du Canada, il appartient au gouvernement du Canada. L'idée que c'est nous qui avons versé cet argent grâce à notre travail ou que c'est notre employeur qui l'a versé en notre nom est purement théorique. Ce n'est plus notre argent une fois qu'il est tombé dans les caisses de l'État.

[Français]

+-

    M. Yves Lessard: C'est l'argent de qui? Vous dites que ce n'est pas notre argent. Par exemple, on s'entend que les 46 milliards de dollars accumulés en surplus dans la caisse de l'assurance-emploi proviennent des employeurs et des salariés. Je ne veux pas vous faire dire quelque chose que vous ne voulez pas dire, je veux seulement comprendre votre pensée. C'est important pour nous, parce que cela va nous guider dans les recommandations que nous allons faire au gouvernement.

    Est-ce que cet argent appartient aux travailleurs et aux employeurs, ou est-ce que vous dites maintenant qu'il appartient au gouvernement?

[Traduction]

+-

    M. Robert Blakely: Si vous me demandez si le gouvernement tient une comptabilité pour chaque travailleur du pays et si j'ai droit en quelque sorte à un certain montant, je crois que la réponse est non. Mais si j'ai cotisé à l'assurance-emploi et que je suis admissible en vertu du règlement, est-ce que j'ai droit à des prestations s'il se produit un événement prévisible et que je perds mon emploi? La réponse est oui, je dois toucher de l'argent. Est-ce que c'est mon argent? Je ne pense pas.

[Français]

+-

    M. Yves Lessard: Cet argent devrait-il être gardé en réserve pour des compensations futures, puisqu'il appartient aux travailleurs et aux employeurs?

º  +-(1610)  

[Traduction]

+-

    M. Robert Blakely: Eh bien, ce n'est pas exactement comme cela que j'ai présenté cet argent, mais si on le conserve dans une caisse distincte, il faudrait que cette caisse soit correctement gérée par l'industrie avec une supervision du gouvernement. Nous serions bien d'accord avec cela. Nous serions tout aussi d'accord pour que l'argent soit versé au fonds général du gouvernement du Canada à condition qu'il soit disponible quand les gens se trouvent au chômage.

[Français]

+-

    M. Yves Lessard: Ma question s'adresse maintenant à M. Gagnon et aux autres intervenants.

    Je comprends qu'il est clair pour vous que cet argent appartient aux deux groupes qui ont cotisé à la caisse. De quelle façon le gouvernement devrait-il remettre cet argent aux gens qui ont cotisé à la caisse? Pour vous, la contribution déjà faite au fonds général est-elle correcte, ou devrait-elle revenir, sous d'autres formes, aux gens qui ont cotisé à la caisse, c'est-à-dire aux travailleurs et aux employeurs?

    Je rappelle que M. Gagnon a parlé à juste titre tout à l'heure du fonds accumulé. Il a dit que la vérificatrice générale nous avait rappelé à plusieurs reprises que la façon de comptabiliser ce fonds ne respectait pas l'esprit de la loi.

    Alors, de quelle façon cela pourrait-il être récupéré par les deux parties concernées?

+-

    M. John Gagnon: Comme je l'ai dit plus tôt, notre position est très claire: nous avons mentionné que le fonds appartient aux travailleurs et aux entreprises qui y ont contribué. Si on veut remettre l'argent, on peut le remettre aux travailleurs.

    Il y a beaucoup de problèmes par rapport à la caisse de l'assurance-emploi. Comme je l'ai dit plus tôt, avant 1999, 70 p. 100 des gens ne se qualifiaient pas; maintenant, c'est 30 p. 100, 36 p. 100. Alors, l'argent n'y est plus. Si on écoute notre collègue qui dit que l'argent est là, je suis d'accord, mais il faut corriger les problèmes qu'on a créés lorsqu'on a adopté, en 1994, une loi régressive. Les gens ne se qualifient pas.

    Il faut aussi ajouter de l'argent au système d'appel, qui ne permet pas assez de flexibilité. Quand une personne quitte son emploi pour une raison valable mais que, selon la loi, il ne s'agit pas d'une raison valable, elle ne reçoit pas de prestations. Alors, il y a des problèmes par rapport au fonds, mais il y a aussi des problèmes par rapport au système d'appel. Il faut plus de flexibilité et une définition qui aide les travailleurs.

    Si on veut donner cet argent au gouvernement pour rembourser la dette et payer pour des programmes, je prétends qu'il serait beaucoup mieux utilisé si on s'en servait pour verser des prestations à ceux qui y ont droit et qui ont des dettes à rembourser. Je suis d'accord que le fonds nous appartient à 100 p. 100. C'est notre fonds. Il doit donc être administré par les partenaires qui y contribuent, et non pas par le gouvernement. Il faut de plus que ce soit un fonds à part. Je suis 100 p. 100 en désaccord avec mon collègue sur cette question.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Gagnon et monsieur Lessard.

    Monsieur Godin, vous avez sept minutes.

[Français]

+-

    M. Yvon Godin: Merci, monsieur le président. En 1986, le vérificateur général a suggéré de mettre les fonds de l'assurance-emploi dans le fonds général du gouvernement fédéral. Ce dernier l'a écouté, se disant que ce serait sa vache à lait pour les années à venir. Par contre, la vérificatrice générale a dit pour la cinquième fois que cette façon de faire du gouvernement frisait l'illégalité. Est-ce légal? En effet, les fonds sont à un niveau inacceptable. Ces 46 milliards de dollars appartiennent aux travailleurs et aux employeurs.

    On peut voir que les deux groupes ne sont pas contents. On a entendu des représentants d'usines de poisson parler de leurs problèmes, chez eux. C'est la même chose dans la Péninsule acadienne, dans le nord-ouest, pour la forêt, l'agriculture, le tourisme et la construction. C'est la même chose au Québec. La Côte-Nord, la Gaspésie, etc., c'est la même chose.

    J'aimerais parler du fonds pendant une minute et ensuite j'aimerais parler des 14 meilleures semaines. Je préférerais qu'on tienne plutôt compte des 10 meilleures semaines à cause de la situation de la pêche dans la Péninsule acadienne. Ne pourrait-on pas décider que le fonds soit à part? La raison en est qu'ainsi le gouvernement ne pourrait plus piger dans la caisse de l'assurance-emploi. Il accorderait peut-être alors de meilleurs bénéfices. Il ne le fait pas parce que c'est sa vache à lait. Il a équilibré son budget sur le dos des travailleurs à coup de 7 milliards de dollars par année, 2 milliards de dollars, 3 milliards de dollars, 5 milliards de dollars. C'est ainsi que cela s'est produit.

    Je souhaite qu'il y ait un fonds distinct, que le taux de cotisation soit le même qu'actuellement et qu'on améliore le système de l'assurance-emploi. Si cela coûte plus cher, il y a 46 milliards de dollars dans la caisse, que le gouvernement devrait rembourser aux travailleurs. Il ne devrait pas le faire tout de suite, mais il pourrait faire un transfert du fonds général au fonds de l'assurance-emploi quand il manque de l'argent, jusqu'à épuisement. S'il n'y en avait plus, on hausserait alors le taux des cotisations. Je n'ai pas vu de travailleurs et de travailleuses manifester dans les rues parce que les cotisations étaient trop hautes. J'ai vu, par contre, des travailleurs et travailleuses dans la rue parce qu'ils n'avaient pas droit à l'assurance-emploi. Dans le sud-est de la province, j'ai vu des gens dans la rue parce qu'ils ne peuvent pas accumuler assez d'heures. Ils ont des petites semaines. On sait quand le pêcheur va en mer, mais on ne sait pas, quand il va revenir, combien de poissons il aura. On appelle cela des petites semaines. J'aimerais entendre vos réactions à mes commentaires.

º  +-(1615)  

[Traduction]

+-

    M. Robert Blakely: Il y a très peu de travailleurs dans ce pays qui croient que s'ils travaillent dur, qu'ils paient leurs cotisations d'assurance-emploi et qu'ils font correctement diverses autres choses, ils ne seront quand même pas couverts le jour où ils se trouveront au chômage. On ne devrait pas tolérer qu'un seul travailleur de ce pays ne puisse pas être admis à l'assurance-emploi s'il a atteint un certain seuil minimum. Il faut qu'il y ait une couverture pour les 14 meilleures semaines. Il faut que les travailleurs des industries saisonnières soient couverts par un régime d'assurance-emploi souple. Il faut par exemple que les gens du secteur de la pêche, qui ont des semaines courtes, soient couverts.

    Nous avons des semaines courtes aussi dans le secteur de la construction. Disons que nous avons 10 personnes qui ont travaillé à l'usine de Point Lepreau pour faire du travail pendant un arrêt d'exploitation. Le soudeur qui fait des essais le vendredi, se présente au travail le lundi, travaille avec l'équipe pendant les six semaines suivantes et se fait ensuite mettre à pied gagne en fait moins d'argent que les gens qui travaillent moins de temps. Il y a quelque chose qui ne va pas dans le système à cet égard.

    Je crois que nous passons beaucoup de temps à nous demander à qui appartient cet argent, si c'est au travailleur ou au gouvernement. Nous ferions mieux de nous demander comment nous allons couvrir les gens qui cotisent à la caisse et qui devraient être couverts.

[Français]

+-

    M. Yvon Godin: J'aimerais entendre la réaction de M. Gagnon.

[Traduction]

+-

    M. John Gagnon: Encore une fois, peu importe à qui appartient l'argent; il s'agit de savoir comment on utilise cet excédent au profit des travailleurs. Je crois que c'est là qu'il y a une lacune, et pour régler le problème, il faut créer une caisse distincte. Ce ne sont pas les employés qui se mettent à pied, ce sont les employeurs qui les mettent à pied. Ils créent ce cercle vicieux, et on dit que c'est un facteur d'incitation ou de dissuasion pour les travailleurs.

    Personne n'a envie de se retrouver au chômage. Les gens veulent avoir un emploi à plein temps. Comme je le disais dans mes remarques d'ouverture, dans la réalité, ce n'est pas cela que je constate. Il existe une structure qui crée du travail saisonnier, et non des travailleurs saisonniers, comme le dit mon collègue du Québec. C'est la réalité.

    C'est à cela que nous devons répondre avec cet excédent. Il faut utiliser l'argent de l'excédent pour atténuer les problèmes des travailleurs. Que ce soit leur argent, le vôtre ou celui de n'importe qui n'a aucune importance. Ce sont les travailleurs et les employeurs qui ont créé cet excédent; par conséquent, il devrait servir à aider les gens à améliorer leurs qualifications, à leur verser des prestations plus élevées, et à rectifier le problème des trous noirs. Peut-être que nous n'aurions plus besoin de créer une réserve d'heures si nous avions un régime d'assurance-chômage correctement financé qui répondrait aux besoins des chômeurs. Voilà la réalité que nous avons dans plusieurs régions de notre province.

    Merci.

+-

    Le président: Monsieur Godin, nous pouvons entendre des commentaires. Il vous reste environ une minute.

[Français]

+-

    M. Yvon Godin: J'aimerais aborder la question des 14 meilleures semaines. Je sais que les députés libéraux du comité ont fait une tournée au pays et je les en félicite. Par contre, il y a un point sur lequel je ne les félicite pas, et c'est le fait d'avoir omis de visiter la Péninsule acadienne. Cette région aurait pu, elle aussi, faire état de ce que sont les conditions saisonnières. Auriez-vous une objection à ce qu'on recommande de considérer non pas les 14 mais les 10 meilleures semaines?

º  +-(1620)  

+-

    M. John Gagnon: Pour nous, de l'industrie de la pêche dans le sud-est, ce n'est pas un problème. Cela pourrait être proportionnel au taux de chômage qui prévaut dans les régions. Quant à nous, la formule des 14 meilleures semaines fonctionnerait bien. Pour notre région, par contre, il est très important de tenir compte de deux choses. D'abord, le fait qu'on ne tienne compte que des 26, et non des 52, dernières semaines est un problème. Nos saisons sont plus longues, et pour ceux qui travaillent pendant les plus petites semaines à la fin de l'année, cette situation fait en sorte d'éliminer les grosses semaines du printemps. Si on se reporte au graphique que je vous ai montré, vous verrez qu'on a de grosses semaines au printemps, habituellement en mai et juin. Les 26 semaines sont un grave problème, qui devrait être éliminé. Il pénalise gravement les employés qui travaillent en fin de saison.

    Ensuite, il faudrait trouver une façon de récompenser ceux qui acceptent toutes les heures de travail disponibles. Cela pourrait être relié au pourcentage, qui est passé de 66 p. 100 à 55 p. 100. Il pourrait y avoir une formule qui relierait le pourcentage des bénéfices—s'il y a plus d'heures, il y a plus de bénéfices—surtout dans les régions où l'économie fait en sorte que beaucoup de travail est disponible.

    Le fait est que lorsqu'ils ne peuvent pas accumuler des heures, les gens vont travailler au marché noir, dans des secteurs où ils sont payés en argent comptant, où on leur donne beaucoup d'heures de travail, et où plusieurs sortes d'emplois sont disponibles parce l'économie y est dynamique. Dans ce contexte, les gens n'ont aucune raison de continuer à faire leur travail habituel, alors qu'ils peuvent faire mieux ailleurs.

    En fin de compte, pour ce qui est de l'argent des contribuables, le système ne travaille vraiment pas dans le bon sens. En effet, une fois leurs semaines travaillées, les gens ont tendance à demander des prestations d'assurance-emploi. Il faudrait, quand les saisons sont longues, qu'ils soient motivés à continuer à travailler pendant toutes les heures disponibles.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Gagnon et monsieur Godin.

    Je donne la parole à monsieur D'Amours, du Parti libéral.

[Français]

+-

    M. Jean-Claude D'Amours (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, monsieur le président.

    On s'entend sur le fait que la situation varie en fonction de l'industrie, qu'il s'agisse de l'industrie forestière, du tourisme ou des pêches. J'ai l'impression que c'était là le point que mon collègue voulait souligner. Il faut reconnaître cette réalité.

    Sachant cela, j'ai discuté plusieurs fois de cette question avec mon collègue, le député de Beauséjour, au cours des dernières semaines. Ma réalité se situe plutôt au niveau du tourisme, des forêts, de la construction et de l'agriculture. Je ne connais pas vraiment celle des pêches. Le fait d'en parler m'a permis de progresser un peu dans mes réflexions.

    Je pense avoir bien compris ce que vous avez dit, monsieur LeBlanc, mais j'aimerais quand même vérifier. Vous êtes propriétaire d'usine et le nombre de meilleures semaines qui est proposé vous conviendrait tout à fait. C'est exact?

    Ensuite, j'aimerais que M. Carrier ou M. Gagnon d'Edmundston--je fais cette distinction parce qu'il y a deux M. Gagnon--nous donne des détails sur la question des 14 meilleures semaines. Il s'agirait seulement d'expliquer comment faire la combinaison en tenant compte, à l'intérieur du processus, des heures de travail. J'aimerais, de part et d'autre, entendre vos commentaires.

+-

    M. Gilles LeBlanc: Merci, monsieur D'Amours.

    Avant de passer la parole à M. Gagnon, j'aimerais éclaircir un point. D'abord, comme vous l'avez souligné plus tôt, la formule des 14 meilleures semaines convient au genre d'industries saisonnières qu'on retrouve dans le nord-ouest.

    Toutefois, nous sommes d'accord avec M. Godin au sujet des 10 meilleures semaines. Nous serions prêts à adopter cette formule si cela devait satisfaire les travailleurs de la pêche qui travaillent en usine.

    De plus, comme le disait plus tôt M. John Gagnon, il est certain que si on devait opter pour les 14, les 10 ou les x meilleures semaines, il faudrait tenir compte des 52 dernières semaines.

    Monsieur D'Amours, je vais maintenant passer le micro à M. Paul Gagnon.

+-

    M. Paul Gagnon (directeur général, Chambre de commerce de la région d'Edmunston): Je n'ai pas grand-chose à ajouter, monsieur D'Amours. Je voulais simplement dire, comme le mentionnait M. Carrier, que pour nous, le fait qu'il s'agisse de 10 ou de 14 semaines n'est pas très important. Essentiellement, la période de 14 semaines reflète très bien notre réalité.

    Lorsqu'on a rencontré les gens du Bas-Saint-Laurent, ils ont suggéré que les meilleures semaines coïncident avec le dénominateur qui prévaut au moment du calcul. Nous sommes prêts à vivre avec cette réalité. Pour nous, une chose importe vraiment: abolir l'actuelle façon de faire le calcul, qui ne tient compte que des 14 dernières semaines.

    Comme vous le savez, cela équivaut pour le travailleur à un double coup dur. D'une part, il est obligé de travailler pour un salaire nettement inférieur à celui qu'il gagne dans le cadre de son travail habituel et, d'autre part, lorsque vient le temps de faire une demande d'assurance-emploi, cette situation a un effet important sur ses prestations. En fin de compte, le travailleur est pénalisé à deux reprises.

    Si on peut abolir cet élément démotivant, il sera beaucoup plus facile de convaincre les travailleurs de trouver un deuxième emploi ou de travailler plus longtemps. En ce moment, il ne sont pas intéressés à le faire, étant donné qu'ils sont pénalisés. C'est essentiellement ce que nous voulions faire valoir par le biais de notre recommandation.

º  +-(1625)  

+-

    M. Gilles LeBlanc: Monsieur D'Amours, vous avez également posé une question au sujet des heures. Je pense qu'on en a parlé dans notre recommandation.

    À titre de d'exemple, supposons que nous optons pour les 14 meilleures semaines et que la personne a travaillé 50 heures par semaine. Si on ne compte que les 14 meilleures semaines et qu'on tient compte des heures travaillées pendant ces semaines, on obtient un total de 700 heures. Le nombre d'heures travaillées contribue à déterminer quelle sera la durée des prestations. Or, il peut se produire qu'une personne ait travaillé 15 ou 18 semaines. Si on ne tient pas compte de ces heures mais uniquement de celles travaillées au cours des 14 semaines, le prestataire aura droit à beaucoup moins de semaines de prestations. Encore une fois, on rencontre un trou noir.

    Nous proposons donc qu'on tienne compte des 14 meilleures semaines pour calculer le montant des prestations hebdomadaires, mais qu'on tienne compte de toutes les heures travaillées durant la période de travail pour déterminer la durée de ces prestations.

[Traduction]

+-

    Le président: Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose?

+-

    M. Rodrigue Landry: J'étais coprésident de ce comité qui a commencé à essayer de trouver une solution à ce problème il y a deux ans, quand le gouvernement a mené son enquête auprès de nous.

    Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que le système fonctionnerait si l'on prenait les meilleures semaines, que ce soit 10 ou 14 semaines. Le problème, c'est qu'on a encore rien fait.

    Je voudrais vous lire une lettre pour vous montrer ce que la Loi actuelle fait aux employés :

En janvier 2002, j'ai présenté ma demande avec 1 227 heures accumulées du 5 février 2001 au 12 janvier 2002. Mon demi-chèque de prestations d'assurance-emploi représentait un total de 394 $, moins 63 $ d'impôt fédéral, soit un total de 331 $. En janvier 2003, j'ai présenté ma demande avec un total de 1 294 heures, accumulées du 7 janvier 2002 au 14 décembre 2002.

Comme j'avais accumulé plus d'heures cette année, je pensais que mon chèque d'assurance-emploi serait plus gros que celui de l'année précédente. Quelle erreur. J'ai reçu mon premier chèque d'assurance-emploi au cours de la semaine du 2 février, quatre semaines après avoir présenté ma demande. Mais mon demi-chèque ne représentait que 208 $, moins 15 $ d'impôt fédéral, soit un total de 193 $. Cela fait une différence de 138 $ par semaine, 276 $ par quinzaine et 552 $ par mois.

Je suis allé au bureau local de l'Assurance-emploi à Shediac où l'on m'a dit que mes prestations avaient diminué radicalement parce que j'avais travaillé huit à neuf heures certaines semaines. Comme j'avais accepté ce travail et que j'étais disposé à travailler, je suis puni par un système qui encourage les gens à ne pas travailler.

Je suis scandalisé qu'un système qui est censé aider les gens qui travaillent dans des usines de poisson durant la saison morte me punisse parce que j'ai accepté du travail. Est-ce que ce n'est pas une des conditions requises pour être admissible à l'assurance-emploi, d'accepter le travail qu'on nous offre? Pourquoi accepterais-je du travail désormais si je dois être pénalisé parce que je respecte la Loi et les conditions ?

Qu'est-ce que c'est que ce système qui punit les gens qui sont prêts à travailler en les menaçant de leur refuser les prestations s'ils refusent de travailler? Il faut changer immédiatement ce système. Je ne connais personne qui soit prêt à perdre 552 $ par mois, qu'il touche l'assurance-emploi ou un salaire fixe en travaillant pour le gouvernement, mais c'est pourtant la réalité que je suis obligé de vivre.

Si cela m'arrive, c'est que c'est aussi arrivé à quelqu'un d'autre, et ce n'est pas normal. Après tout, nous essayons tous simplement de vivre au quotidien. Mais désormais, ma vie va être sérieusement affectée, et je risque de ne même pas avoir assez d'argent pour payer mes factures, tout cela à cause de quoi, à cause du fait que je suis quelqu'un de travailleur et d'honnête qui accepte le travail qu'on lui propose. Alors ne me dites pas que la Loi est là pour aider les gens qui en ont besoin, car elle ne m'a certainement pas aidé. Je suis certain que c'est…

º  +-(1630)  

+-

    M. Peter Van Loan: J'essaie de comprendre votre argument des 14 meilleures semaines. Si je travaillais par exemple dans le commerce de détail et que j'avais la possibilité d'utiliser les 14 meilleures semaines, j'irais sans doute dire à mon employeur: «Donnez-moi 60 heures par semaine pendant une semaine, puis 20 la semaine suivante, et c'est comme cela que je veux travailler». De cette manière, je pourrais avoir 14 excellentes semaines et toucher des prestations d'assurance-emploi bien plus élevées à la fin. Est-ce qu'on ne risque pas ce genre d'abus?

    Je pose la question au monsieur qui vient de parler.

+-

    M. Rodrigue Landry: Je ne pense pas qu'il y aura tellement d'abus, car si on élargit ainsi le système, plus vous travaillez d'heures, plus…votre pourcentage, les 55 p. 100, pourrait passer à 60 p. 100 si vous travaillez plus. Alors, si vous travaillez plus, le gouvernement va vous verser moins d'argent, mais en augmentant le pourcentage petit à petit, on va encourager les travailleurs à faire plus d'heures. Donc non, il n'y aurait pas d'abus si l'on inscrivait le principe des 14 meilleures semaines dans la loi. Plus vous travaillez, plus le pourcentage que vous aurez sera élevé.

    Un témoin: Si vous me permettez, j'aimerais intervenir. On pourrait demander à la personne qui vient de poser cette question si elle pense qu'il vaudrait mieux qu'il n'y ait pas du tout d'industries saisonnières au Canada. Je pense qu'il faudrait répondre à cette question.

    Prendre la défense de M. Walton de Wal-Mart quand on sait comment il paie ses employés, et se servir de ce genre d'arguments pour discréditer le comportement légitime des gens qui gagnent honnêtement leur vie en milieu rural, où les seules industries parfois sont des industries saisonnières—l'agriculture, la pêche, le tourisme—et où on ne peut pas se payer le luxe de sauter d'un emploi à un autre comme on le fait dans les villes… C'est un argument qui a été largement utilisé, peut-être même un peu trop, mais cela n'a rien à voir avec la réalité du Canada. C'est quelque chose qui est très commun à Toronto, Ottawa, Calgary et Edmonton.

    Un témoin: J'aimerais faire une remarque à propos de ce que vient de dire le monsieur au sujet des 14 meilleures heures et des gens qui seraient incités à se trouver un bon travail dans le secteur de la vente au détail pour profiter du système.

    La réalité dans les industries saisonnières, dans les usines de poisson, c'est qu'on ne peut pas le faire. Ce sont les employeurs qui décident s'il va y avoir du poisson et quand il va rentrer. Ils ont besoin d'avoir un certain nombre d'heures de travail, et certains jours—le monsieur parlait de faire une réserve d'heures—ce sont beaucoup d'heures en un jour, alors que d'autres jours il n'y a aucune heure, donc on n'a pas ce luxe. La réalité, c'est qu'on a besoin de ces 14 meilleures semaines. Il faut pouvoir accumuler 14 bonnes semaines si l'on veut avoir un chèque de chômage à peu près décent, comme on vient de le dire, et aussi éviter ces trous noirs. Ces trous noirs sont catastrophiques pour beaucoup de travailleurs qui tombent entre les mailles du filet et finissent par se retrouver au bien-être social ou à travailler à un projet bidon qui ne sert à…personne. Voilà la réalité de cette industrie.

    Maintenant, si vous parlez de votre industrie de la vente au détail avec des emplois à plein temps, oui, c'est possible. Est-ce probable? Je ne le pense pas, mais c'est possible. Par contre, ce n'est absolument pas possible ni probable dans notre région du pays où le travail est saisonnier.

    Merci.

º  +-(1635)  

+-

    M. Robert Blakely: Ce problème de semaine courte se retrouve aussi dans le secteur de la construction. En général, on ne peut pas organiser le travail dans la construction en disant à quelqu'un de travailler 60 heures cette semaine et 20 heures la semaine prochaine parce que la personne qui attend son garage, sa grange ou n'importe quoi ne trouve pas cela drôle du tout. Les gens n'apprécient pas non plus quand il y a une panne d'électricité et qu'ils en ont assez de s'éclairer à la chandelle.

    En bref, si quelqu'un peut s'organiser pour abuser du système d'assurance-emploi, il faut trouver de meilleurs moyens de rectifier ce problème. Il y a des tas de gens qui n'abusent pas du système et qui travaillent plus en gagnant moins. Cela me semble contraire à l'esprit et au principe de l'assurance-emploi.

+-

    Le président: Les cinq minutes sont là, alors merci, monsieur Van Loan.

    Monsieur Lessard.

[Français]

+-

    M. Yves Lessard: Effectivement, le système n'est pas fait pour la minorité de gens qui peuvent essayer d'en profiter.

    Tout le monde constate une chose: 60 p. 100 des chômeurs et chômeuses qui auraient eu droit à l'assurance-chômage en 1995-1996 sont maintenant exclus à cause des nouvelles règles.

    Étant donné qu'on est là surtout pour vous écouter, pour essayer de se faire une opinion à partir de votre expérience, j'aimerais vous entendre, tour à tour, sur les moyens que vous n'avez pas encore donnés et qui permettraient aux gens de mieux utiliser la caisse de l'assurance-emploi. Comment pourrait-on modifier les règles pour les rendre plus équitables et pour qu'elles répondent à la vraie vocation de la caisse?

    On pourrait peut-être commencer par M. Carrier ou par M. Duclos, parce qu'on ne les a pas beaucoup entendus jusqu'à maintenant. Par la suite, les autres voudront peut-être intervenir si le temps le permet. Moi, je suis prêt à vous laisser mes cinq minutes pour que vous puissiez vous exprimer à ce sujet.

+-

    M. Sébastien Duclos: Merci.

    En fait, c'est sur l'admissibilité que nous tablons. Nous demandons une admissibilité de 350 heures. Je voudrais revenir sur des questions qui ont été posées tout à l'heure et sur lesquelles je n'ai pas eu la chance de m'exprimer.

    Quand on parle d'une caisse autonome ou d'une caisse dans le fonds consolidé, c'est comme si une personne au régime prenait une boîte de biscuits se trouvant sur le comptoir et décidait de la mettre sur le réfrigérateur pour s'assurer qu'elle soit un peu plus haut. Pour nous, que la caisse soit consolidée ou autonome, du moment qu'elle sert à payer les prestations, nous y sommes favorables.

    Nous sommes également en faveur de la hausse des cotisations. Nous demandons au minimum 35 semaines de prestations. Nous sommes conscients du fait que cela ferait exploser le coût du programme, et c'est pourquoi nous utiliserions ces 46 milliards de dollars. Le gouvernement devrait se remettre à contribuer au fonds de la caisse, car il est important qu'il reconnaisse sa responsabilité par rapport au chômage, qui n'est pas la responsabilité des travailleurs et des travailleuses ni, dans certains cas, la responsabilité de l'industrie. À mon avis, si c'est la nature qui empêche les gens de travailler, le gouvernement doit prendre ses responsabilités.

    Je ne prendrai pas plus de temps. Je vais laisser les autres intervenir, mais j'apprécie pouvoir donner mon opinion.

º  +-(1640)  

+-

    M. Normand Carrier: Monsieur Lessard, il faut que je parle de la situation dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick. Notre économie est basée sur des entreprises plutôt saisonnières parce que nous exploitons les ressources naturelles, la pêche, la foresterie, l'agriculture. Il est certain que, lorsqu'une personne décide de se procurer un emploi dans ce genre d'industrie, elle accepte, par le fait même, que son travail n'est pas de nature permanente. En effet, comme quelqu'un le disait tout à l'heure, c'est le climat qui décide que son travail est saisonnier. On ne fait pas de pêche et on ne coupe pas d'arbres au mois de janvier, c'est évident pour tout le monde.

    C'est donc dire que, pour ce groupe de travailleurs, c'est un phénomène récurrent. Année après année, ces gens se retrouvent périodiquement sans emploi. Soit ils se servent de l'assistance sociale, soit ils trouvent un deuxième emploi. Cependant, il leur est difficile de trouver un deuxième emploi, parce que la plupart de ces personnes, avec tout le respect que je leur dois, ne sont pas tellement scolarisées. Par conséquent, un deuxième emploi est très peu rémunérateur, pour ces gens-là, comparé à leur premier emploi, dans la forêt par exemple.

    Ils travaillent 50 ou 60 heures dans la forêt. Ils travaillent très dur, mais ils gagnent quand même de bons revenus. Ce sont ces bons revenus pendant 14 ou 15 semaines, durant l'été, qui pourraient les aider à passer l'hiver et à ne pas être obligés de travailler pour 50 p. 100 de leur salaire estival. C'est ce qu'on demande.

    Je sais qu'il y a plus de 360 000 travailleurs saisonniers au chômage au Canada, dont une grande partie se trouve dans l'est du Québec et dans les Maritimes, comme de raison. Mais il y a quand même plus de 300 000 chômeurs.

    Il faudra que le gouvernement, tôt ou tard, prenne une décision à savoir s'il accepte les industries saisonnières dans notre économie. Si oui, on doit avoir les moyens d'aider ces gens hors saison. J'ai l'impression que c'est une décision sociale.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup. Cela fait cinq minutes. Nous allons garder une minute pour conclure à la fin.

    Monsieur Yvon Godin, vous avez cinq minutes.

[Français]

+-

    M. Yvon Godin: Merci.

    Monsieur Landry, vous aviez commencé à lire une lettre qui m'intéresse beaucoup. J'aimerais que vous utilisiez mon temps de parole pour la finir, s'il vous plaît.

[Traduction]

+-

    M. Rodrigue Landry: Ne me dites pas que la Loi actuelle est là pour aider les gens dans le besoin, car elle n'a pas été là pour moi, et je suis sûr qu'elle n'aide pas non plus d'autres personnes dans ma situation. Il faut changer immédiatement le système pour que tout le monde puisse avoir une qualité de vie raisonnable et pour éviter que les gens tombent sous le seuil de la pauvreté.

[Français]

+-

    M. Yvon Godin: Merci, monsieur Landry. Je peux comprendre que vous êtes un travailleur, car vous avez fait une demande de prestations d'assurance-emploi et vous avez été pénalisé.

    Parlons du système actuel de 52 semaines, que connaissent bien les gens de l'industrie de la pêche, de la forêt ou du tourisme. Prenons l'exemple d'une région où il faut 420 heures pour avoir droit à l'assurance-emploi. Pour comptabiliser ces 420 heures, on considère les 52 dernières semaines. Par contre, pour calculer les prestations, on se base sur les 26 dernières semaines. Ce n'est pas réaliste, surtout dans le secteur des pêches. Au printemps, il y a la pêche au crabe et au homard dans certaines régions, et en automne, il y a la pêche au hareng. Il y a donc une période d'inactivité à la fin juin, au mois de juillet et au début d'août jusqu'après la Fête des Acadiens. Puis, il y a la pêche au hareng. C'est à ce moment-là que les gens sont pénalisés et c'est à ce moment qu'aller travailler constitue une punition. Ce n'est pas l'employé qui refuse d'aller travailler, c'est l'industrie qui ne donne pas de travail. Comme on dit, on sait quand le pêcheur va en mer, on ne sait pas quand il revient, on ne sait pas combien de poissons il aura. Il manque de contrôle et l'employé est pénalisé. Êtes-vous d'avis, comme moi, que le problème vient de là?

º  +-(1645)  

+-

    M. Rodrigue Landry: C'est juste. Voici un autre exemple. Cet automne, on pêche beaucoup aux États-Unis. En septembre et en octobre, il y avait un ouragan pratiquement à chaque semaine. Comment l'employeur pouvait-il prédire combien de homard il aurait au cours de la semaine, alors qu'il ne savait pas si un autre ouragan allait survenir la semaine suivante? En fait, à la fin de chaque semaine il s'assoyait avec des superviseurs et se demandait s'il allait garder son personnel ou non la semaine suivante. Y aurait-il un ouragan au cours de la semaine?

    Prenons l'exemple suivant. En fin de compte, il décide de garder son personnel. Lundi, on travaille bien. Le mardi, on travaille encore. Le mercredi, il y a beaucoup de vent aux États-Unis. Jeudi, vendredi et samedi, on ne travaille plus. L'employé qui a décidé de rester à la maison n'a pas été pénalisé, mais celui qui a été loyal à la compagnie et qui a accepté trois jours de travail a été pénalisé. Cela n'a pas d'allure! Quand on accepte du travail, on est pénalisé! Que ce soit pour une journée pour ou six jours, on ne devrait pas être pénalisé. C'est inacceptable.

[Traduction]

+-

    Le président: Il vous reste environ une minute.

[Français]

+-

    M. Yvon Godin: Faisons le point sur le nombre de semaines que certains appellent le trou gris, mais que nous appelons le trou noir. Qu'est-ce que cela veut dire pour vos employés?

+-

    M. John Gagnon: Si on pense à notre situation actuelle, dans le sud-est, le trou noir ne constitue pas un problème. En effet, il y a assez de semaines pour faire le plein. Le problème se situe plutôt au niveau de la nécessité de trouver une formule qui va permettre aux employés de travailler chaque heure disponible sans avoir besoin d'en emmagasiner. Le principe que nous voudrions voir se concrétiser est le suivant: plus on travaille, plus on est rémunéré. À l'heure actuelle, c'est plutôt l'inverse. Il s'agit d'un principe qui fonctionne mal. C'est la situation que nous vivons dans le sud-est parce que, depuis les 10 ou 15 dernières années, on importe de la matière première d'un peu partout. L'industrie et les ventes internationales sont en pleine croissance, les saisons se sont allongées. On travaillait auparavant jusqu'au mois d'octobre, maintenant on travaille jusqu'en décembre.

    Notre compagnie a allongé sa saison de trois mois, et le trou noir n'est pas un problème. Le problème est de garder les employés quand les semaines de travail ne sont pas pleines.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur D'Amours, vous avez la parole.

+-

    M. Jean-Claude D'Amours: J'aimerais revenir à un point mentionné au début des présentations. J'aimerais entendre vos commentaires. Si je me souviens bien, on a parlé de l'élimination du diviseur. J'aimerais un peu plus de précisions sur ce sujet, s'il vous plaît.

+-

    M. Normand Carrier: Monsieur D'Amours, si le gouvernement acceptait de considérer les 14 meilleures semaines, ou les 10 meilleures semaines comme le veut M. Godin, le diviseur disparaîtrait. En effet, on diviserait la rémunération totale des 10 ou des 14 semaines par 10 ou par 14 et cela donnerait la moyenne de salaire.

    Le problème que nous vivons actuellement est que si, au moment où un travailleur saisonnier fait une demande d'assurance-emploi, le taux de chômage dans sa région est bas, on augmente le diviseur. La plupart du temps, un travailleur saisonnier, en tout cas dans le nord-ouest, peut travailler dans la forêt au maximum 15 ou 16 semaines, sauf s'il a un emploi bien particulier. Dans le secteur de la forêt, on travaille 14 ou 15 semaines au cours de la saison.

    Après avoir travaillé 15 semaines, s'il fait sa demande d'assurance-emploi et que le diviseur est 18, par exemple, on prend le total de ses 15 semaines et on le divise par 18, ce qui ne donne pas du tout une moyenne hebdomadaire. Cela donne un montant inférieur à la moyenne. C'est sur ce nouveau chiffre qu'on se base pour calculer ses prestations d'assurance-emploi.

    Si vous avez d'autres questions à ce sujet, je peux continuer.

º  +-(1650)  

+-

    M. Jean-Claude D'Amours: Je pense que vous avez très bien répondu. J'aimerais aborder un autre sujet, car je sais qu'il ne me reste que quelques minutes.

    Je voudrais parler d'une réalité difficile à comprendre à certains égards mais que, pour ma part, je comprends bien. J'aimerais avoir des commentaires de vous tous à ce sujet. Il s'agit de la formation.

    Pour moi, il est très important que les gens soient de plus en plus formés par rapport à leur industrie. Cependant, je pense qu'il n'est pas réaliste d'offrir de la formation aux gens pour les sortir du milieu du travail saisonnier. La réalité est qu'on a besoin du travail saisonnier, des gens qui travaillent dans ce milieu. On n'a pas de nourriture sans l'agriculture ou la pêche, on n'a pas de bois ou de papier sans la forêt, et ainsi de suite. Ma position à ce sujet est que la formation est nécessaire, mais nécessaire dans le milieu de travail et non pas pour déplacer des gens.

+-

    M. Normand Carrier: Je peux faire un commentaire sur la formation. Dans notre cas, quand la crise nous a frappés, un comité a été formé et une étude a été faite par des experts. Initialement, une des propositions qui était souvent soulevée ou mise de l'avant était qu'il fallait former les employés afin de leur trouver de vrais emplois. Dans notre industrie et dans beaucoup d'autres, la réalité est qu'il y a des gens qui travaillent là depuis 15 ou 20 ans. Ce sont des experts dans la transformation du poisson. Ils sont très qualifiés pour ce qu'ils font. Ils ne cherchent pas à sortir de l'industrie. Ils travaillent très fort et ils font assez d'heures au cours des saisons qui font le cycle complet.

    Selon mon expérience, en ce qui concerne la majorité des employés, il n'est pas réaliste de les former pour changer d'industrie. Au début, on nous disait que nos gens devraient suivre des formations pour aller travailler dans d'autres industries. Mais souvent, les salaires horaires dans les autres industries ne sont pas aussi élevés.

    Les gens pourraient peut-être travailler toute l'année chez Wal-Mart ou dans des industries comme celle-là. Cependant, dans le sud-est du Nouveau-Brunswick, les neuf compagnies qui ont été frappées représentent des ventes internationales de plus de 300 millions de dollars pour la petite partie du sud-est du Nouveau-Brunswick, qui est rurale. Oui, on est proches de Moncton, oui, les gens peuvent conduire 45 minutes pour aller travailler chez Wal-Mart, mais la réalité est que l'industrie de la pêche existe dans cette région. Avant de l'éliminer et d'éliminer notre main-d'oeuvre en la formant pour travailler dans d'autres industries, il faut quand même aller un peu plus loin et se questionner. Si on réussit à former tous les gens de l'industrie de la pêche pour qu'ils fassent autre chose, que va-t-il arriver à l'industrie de la pêche au Canada? Allons-nous abandonner tous nos droits de pêche à l'Espagne, à la Russie et à d'autres pays? Qu'allons-nous faire exactement?

    À Dieppe, il y avait une compagnie qui fabriquait des composantes électroniques pour les ordinateurs et qui voulait embaucher tous les employés de la pêche parce qu'ils étaient de bons travailleurs. On les avait bien formés, ils travaillaient bien avec leurs mains. Ils sont allés y travailler, mais cela a duré environ trois ans. Ensuite, la compagnie est partie. Je ne sais pas où ces employés sont rendus maintenant, mais on les a perdus.

+-

    M. John Gagnon: J'aimerais parler un peu de la formation, moi aussi. Je m'appelle John Gagnon et je suis de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick. Je pense que...

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Gagnon, pourriez-vous garder cela pour votre conclusion? Nous allons demander à chacun de conclure en une minute, car il ne nous reste presque plus de temps.

    Commençons par monsieur Gagnon. Vous avez environ une minute.

+-

    M. John Gagnon: Je voudrais parler encore une fois de formation. Avant d'en arriver à cette étape, il est important de régler les problèmes structurels de l'assurance-chômage, et ensuite on pourra s'occuper de la formation.

    Il ne faut pas former les gens pour une industrie saisonnière, il faut les former pour d'autres emplois. Il faut les former pour un travail de transformation au deuxième et au troisième degrés de nos produits naturels, pour qu'ils puissent avoir du travail toute l'année et pas simplement sur une base saisonnière. Voilà ce qu'il faudrait faire dans notre région.

    Je voudrais parler de l'économie; c'est quelque chose de très important pour l'économie, quelque chose qui a des retombées très, très négatives sur notre économie. De 1994 à maintenant, les coupures ont entraîné une perte de près de 100 millions de dollars par an, sinon plus. C'est très important pour des gens d'affaires de réfléchir à cela : c'est de l'argent des contribuables qui pourraient être réinvesti.

    Le coût social est aussi très important; il est dramatique. Beaucoup de travailleurs saisonniers vivent dans la pauvreté, en deçà du seuil de la pauvreté. En 1989, il y a eu une résolution visant à éliminer la pauvreté chez les enfants. N'oublions pas qu'il y a des enfants pauvres et des familles pauvres qui n'ont pas un revenu satisfaisant. C'est la réalité que nous avons dans notre région.

    Je voudrais aussi parler très brièvement de tout le processus d'appel et dire que le système n'est pas équitable. Il y a des gens qui quittent leur emploi de façon justifiée, mais en vertu de la Loi on considère qu'ils n'étaient pas fondés à quitter leur emploi et on les pénalise. Il y a des gens qui quittent le travail pour aller suivre une formation dans une école. Mais s'ils ne sont pas envoyés à cette école par le bureau d'assurance-chômage, on leur retire les prestations. Il faut donc investir une partie de l'excédent dans ce système. On peut régler tous les problèmes structurels qu'on veut dans l'assurance-chômage, mais il y aura toujours le problème des gens qui sont victimes d'un processus d'appel injuste.

º  +-(1655)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Gagnon, pour ces commentaires.

    Monsieur Blakely.

+-

    M. Robert Blakely: Peu importe que l'argent aille au fonds général ou dans une caisse séparée, du moment qu'il est là pour payer les prestations. Si l'on doit avoir une caisse séparée…les grands groupes industriels, parce qu'on ne pourra pas traiter tout le monde de la même façon.

    Vous avez parlé de formation. Le Canada a beaucoup investi dans la formation de travailleurs au Canada. Il n'y a qu'à mettre un peu d'argent dans l'assurance-emploi et permettre à ces gens-là d'aller chercher le travail là où il se trouve. C'est le cas pour notre industrie de la construction.

    Pour ce qui est des 12, 10 ou 14 meilleures semaines, peu importe, il faut abandonner la règle du dénominateur qui punit les gens qui acceptent en fait tout le travail disponible.

[Français]

+-

    M. Sébastien Duclos: En fait, si on crée une caisse autonome, il faut faire attention à la privatisation et il faut s'assurer qu'elle ne soit pas gérée seulement par les industries. En fait, je ne réitérerai pas nos revendications. Par contre, je trouve dommage que, dans un comité comme celui-ci, on ait plus de chance de parler quand on est un homme d'affaires que quand on est quelqu'un qui défend les gens qui, malheureusement, à cause de ce régime, se retrouvent dans une situation de misère. Merci.

+-

    Le président: Monsieur LeBlanc, c'est à vous.

+-

    M. Gilles LeBlanc: Je m'excuse si j'ai trop parlé, mais on m'a demandé de représenter le comité, qui est grandement composé d'employés. Il y a 200 personnes ou employés qui travaillent pour moi et je connais bien les problèmes. Je m'excuse.

    J'aimerais faire part de ma conclusion.

[Traduction]

    Je crois que l'impression généralisée à Ottawa que l'industrie de la pêche agonise et qu'il faut sauver les travailleurs est une retombée de l'effondrement des stocks de morue à Terre-Neuve. Franchement, c'est quelque chose de dépassé si l'on tient compte des progrès du traitement d'autres espèces et du dynamisme de nombreuses entreprises de pêche ces dernières années. Certes, il y a des problèmes, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

    Les gens qui ont élaboré la politique d'assurance-emploi ne pouvaient pas prévoir l'évolution complexe de cette industrie, qui nécessiterait une certaine souplesse d'application des règlements de l'assurance-emploi. Les employés des usines de traitement du poisson ont des problèmes analogues à ceux des pêcheurs qui bénéficient d'un régime d'assurance-emploi souple. Sans demander un remaniement de fond en comble du régime d'assurance-emploi, nous voudrions qu'on l'assouplisse pour aider notre industrie.

    La répression sauvage contre les usines de traitement du sud-est du Nouveau-Brunswick a l'air d'être le résultat d'une application discriminatoire de la Loi. On comprend mal les origines, le motif et le choix du moment de cette répression. On sait très bien que les politiciens et les bureaucrates étaient au courant de la pratique des réserves d'heures et l'ont même l'encouragée. Donc, le gouvernement est en partie responsable de cette pratique généralisée.

    En conclusion, profitez de cette occasion pour modifier le régime d'assurance-emploi de façon à tenir compte de la réalité du travail saisonnier et à éliminer les facteurs qui dissuadent actuellement les gens d'accepter tout le travail disponible. Il faut que le gouvernement reconnaisse et comprenne que le travail saisonnier constitue souvent la base même de l'existence des zones rurales. Des efforts bien intentionnés mais malencontreux pour éliminer le travail saisonnier ne réussiront jamais si l'on ne met pas fin aussi aux industries saisonnières qui créent ces emplois. Et ce serait un dur choc pour l'économie du Canada si toutes les industries saisonnières disparaissaient.

»  +-(1700)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur LeBlanc et monsieur Carrier, je vous remercie.

+-

    M. Normand Carrier: Merci. Puisque le Nouveau-Brunswick, dans son ensemble, possède un nombre assez important de travailleurs et de travailleuses saisonniers—de même que le Canada puisque celui-ci compte environ 360 000 travailleurs saisonniers—il serait important, je crois, que certains règlements de l'assurance-emploi soient modifiés pour assurer une meilleure qualité de vie à ces travailleuses et travailleurs. Autrement, on risque de les perdre. Comme le signalait plus tôt M. D'Amours, si on perd nos travailleurs saisonniers, qui va assurer la collecte des produits de ces industries? J'aimerais qu'on adopte les deux recommandations que nous avons faites un peu plus tôt. On devrait apporter ces modifications. Si on posait ces gestes, de même que d'autres auxquels certains pensent, cela pourrait aider grandement le sort de nos travailleuses et de nos travailleurs. Merci.

[Traduction]

-

    Le président: Merci beaucoup.

    Au nom de tout le comité, je tiens à remercier tous nos témoins d'aujourd'hui d'avoir pris le temps de venir nous faire part de leurs points de vue.

    Je voudrais aussi lever mon chapeau aux techniciens qui ont organisé cette liaison aujourd'hui entre deux salles distantes. Nous ne nous sommes pas trop emmêlés, et je pense donc que ces 90 minutes ont été utilisées de façon productive.

    Merci beaucoup à tous. Nous allons maintenant lever la séance pour poursuivre à hui clos, après une pause de cinq minutes. Les travaux sont en suspens.

»  +-(1701)  


»  -(1706)  

    [La séance se poursuit à huis clos]