SFIS Réunion de comité
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 13 avril 2005
º | 1625 |
Le président (M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)) |
M. Robin Boadway (professeur de théorie économique , Membre, Institut des relations intergouvernementales, Queen's University, à titre personnel) |
º | 1630 |
º | 1635 |
º | 1640 |
Le président |
M. Ronald Watts (professeur emeritus des études politiques, Principal Emeritus, Institut des relations intergouvernementales, Queen's University, à titre personnel) |
º | 1645 |
º | 1650 |
º | 1655 |
Le président |
Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC) |
M. Robin Boadway |
» | 1700 |
Mme Rona Ambrose |
M. Robin Boadway |
Mme Rona Ambrose |
Le président |
» | 1705 |
M. Don Bell (North Vancouver, Lib.) |
M. Robin Boadway |
M. Don Bell |
M. Ronald Watts |
» | 1710 |
M. Don Bell |
M. Ronald Watts |
M. Don Bell |
Le président |
M. Ronald Watts |
Le président |
M. Alain Boire (Beauharnois—Salaberry, BQ) |
» | 1715 |
M. Ronald Watts |
» | 1720 |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD) |
M. Robin Boadway |
» | 1725 |
Le président |
M. Ronald Watts |
» | 1730 |
Le président |
Mme Rona Ambrose |
M. Robin Boadway |
Mme Rona Ambrose |
M. Robin Boadway |
Mme Rona Ambrose |
M. Robin Boadway |
Mme Rona Ambrose |
M. Robin Boadway |
» | 1735 |
Le président |
M. Don Bell |
M. Robin Boadway |
» | 1740 |
Le président |
M. Alain Boire |
M. Ronald Watts |
Le président |
M. Ronald Watts |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
» | 1745 |
M. Robin Boadway |
M. Ronald Watts |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
M. Robin Boadway |
Le président |
» | 1750 |
M. Robin Boadway |
Le président |
CANADA
Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du comité permanent des finances |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 13 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
º (1625)
[Français]
Le président (M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)): Bon après-midi, mesdames et messieurs.
[Traduction]
Je vous remercie beaucoup de votre présence et je m'excuse du vote qui a retardé notre séance de comité.
Bienvenue, M. Watts et M. Boadway. Vous aurez quinze minutes pour présenter la question du déséquilibre fiscal, puis il y aura une période de questions pendant laquelle les députés de tous les partis du Parlement vous interrogeront.
M. Robin Boadway (professeur de théorie économique , Membre, Institut des relations intergouvernementales, Queen's University, à titre personnel): Merci beaucoup de m'avoir invité.
La question du déséquilibre fiscal est une question très délicate et très tendancieuse. J'aimerais éviter le débat sur l'existence ou l'absence d'un déséquilibre fiscal et toute autre discussion hermétique sur la question. Je ne pense pas que ce soit utile.
Je vais considérer ce qui suit entendu. Compte tenu des responsabilités actuelles des provinces et du gouvernement fédéral en matière de dépenses, de la répartition de la marge fiscale entre les deux ordres de gouvernement, des transferts qui se font déjà du gouvernement fédéral vers les provinces, la situation actuelle ne peut pas durer. Il faut faire quelque chose. J'aimerais vous parler essentiellement des principes sous-jacents à ce qu'il faut faire en vue de l'avenir.
J'espère que cela ne prend pas trop l'allure d'un cours magistral à vos yeux, mais c'est justement ce que j'ai fait cette semaine. Pardonnez-moi.
Je vais commencer par vous mettre en contexte. Comme le professeur Watts va l'attester sous peu, la fédération canadienne est extrêmement décentralisée selon les normes internationales, en ce sens que l'écart vertical y est bien inférieur à celui dans la plupart des autres fédérations. Cela découle de la décentralisation graduelle qui s'effectue depuis 40 ou 50 ans, période qui été ponctuée de quelques changements non annoncés, ce qui a créé une certaine imprévisibilité et qui a été récemment perçu comme un déséquilibre dans la fédération. Je souligne que ce déséquilibre est aussi horizontal que vertical.
On constate aussi depuis peu une tendance fâcheuse, à mon avis, à la mise en oeuvre de changements discrétionnaires et à la conclusion de marchés spéciaux qui favorisent certaines provinces au dépens des autres. Comme je l'ai dit, compte tenu de la structure fiscale actuelle, il faudra prendre des mesures tôt ou tard pour compenser le fait que les responsabilités de dépenses des provinces augmentent plus vite que les ressources qui leur sont disponibles. Je pense que nous devons mettre en place une structure prévisible, fondée sur une formule, qui respecte les responsabilités conjointes du gouvernement fédéral et des provinces, dans leurs sphères de compétences respectives.
Je trouve utile de commencer à définir les principes du point de vue des responsabilités pertinentes qui doivent être prises en compte dans les transferts verticaux. Naturellement, la première chose à examiner est la Constitution, mais je pense que le seul examen du partage constitutionnel des pouvoirs ne résout pas le problème du déséquilibre vertical, parce que le partage des pouvoirs est véritablement fonctionnel, il n'est pas axé sur les objectifs ni compatible avec un grand degré d'écart vertical.
J'ajouterais que les outils politiques dont disposent les gouvernements provinciaux ont des incidences sur les objectifs et les buts nationaux, pour lesquels le gouvernement fédéral a des responsabilités. Je suis certain que vous n'avez pas besoin que je le cite, mais je crois qu'il importe tout particulièrement d'examiner l'article 36 de la Constitution, qui énonce explicitement les responsabilités partagées des gouvernements fédéral et provinciaux dans les domaines de la politique sociale.
Le paragraphe 36(2) est l'une des dispositions les mieux connues; elle oblige le gouvernement fédéral à verser des paiements de péréquation et à satisfaire certains objectifs.
Le paragraphe 36(1) est tout aussi important, parce qu'il rend le gouvernement fédéral et les provinces conjointement responsables de certains objectifs sociaux très importants : l'égalité des chances, le développement régional et la prestation de services publics essentiels d'une qualité raisonnable à tous les Canadiens.
Je considère que l'article 36 renferme des obligations fondamentales qui doivent éclairer notre débat.
Je pense aussi que d'un point de vue socio-économique, il y a des objectifs d'envergure nationale qui sont beaucoup influencés par les politiques provinciales. Il y a en deux en particulier : premièrement, la responsabilité de redistribution équitable ou de justice entre les Canadiens, sur tous les aspects qui ont été réaffirmés et reconnus par le gouvernement fédéral et les provinces dans l'Entente-cadre sur l'union sociale, et deuxièmement, les objectifs nationaux d'efficacité de l'union économique intérieure, qui ont été reconnus et affirmés par le gouvernement fédéral et les provinces dans l'Accord sur le commerce intérieur.
Je prends donc comme point de départ que le gouvernement fédéral a des intérêts légitimes envers les politiques qui régissent l'équité nationale entre les citoyens et celles qui ont des incidences sur l'efficacité de l'union économique intérieure. La question est la suivante : comment le gouvernement fédéral peut-il travailler en vue de ces objectifs légitimes, étant donné que bon nombre des documents juridiques influençant ces objectifs sont de la responsabilité juridique exclusive des provinces? Je pense aux grands programmes sociaux comme ceux sur la santé, l'éducation et le bien-être social, mais je pense aussi aux politiques fiscales que les provinces peuvent adopter et qui ont des incidences sur l'égalité et l'efficacité nationale.
En principe, le gouvernement fédéral peut influencer la réalisation de ces buts nationaux de diverses façons. Certaines administrations travaillent très activement à certains de ces objectifs : les mandats, par exemple, sont communs dans les fédérations, et l'application des obligations constitutionnelle et des pouvoirs de révocation sont utilisés dans d'autres fédérations. À mon avis, aucune de ces options ne constitue un bon point de départ pour le gouvernement fédéral du Canada en vue de l'atteinte des objectifs décrits à l'article 36.
Il y a trois possibilités envisageables. Premièrement, il y a le pouvoir de dépenser, qui a été reconnu dans l'Entente-cadre sur l'union sociale comme moyen légitime pour le gouvernement fédéral d'exercer son influence. Deuxièmement, il y a le pouvoir de persuasion, qui est sous-estimé à mon avis, mais qui est utilisé par le gouvernement fédéral comme manière d'influencer la façon dont les provinces mettent leurs programmes en oeuvre. Troisièmement, il y a les ententes fédérales-provinciales, qui connaissent bien peu de succès, pour diverses raisons : elles ne sont pas fonctionnelles et nécessitent trop de détails pour être mises en oeuvre. Je pense que l'Accord sur le commerce intérieur est un bon exemple de futilité pour ce qui est de se fier sur des ententes fédérales-provinciales pour atteindre des objectifs nationaux.
Personnellement, je pense que le pouvoir de dépenser est le seul outil dont peut se prévaloir le gouvernement fédéral pour atteindre ses objectifs tout en respectant ses obligations aux termes de l'article 36, mais je comprends bien que je fais là une déclaration controversée. En tous les cas, qu'il s'agisse du pouvoir de dépenser, du pouvoir de persuasion ou de l'utilisation d'ententes fédérales-provinciales, je pense que ces trois façons d'atteindre les objectifs fédéraux laissent entrevoir un rôle pour les transferts fédéraux aux provinces.
La question est donc la suivante : que faut-il faire pour rééquilibrer la fédération et permettre aux provinces de respecter leurs obligations de dépenses, compte tenu de la répartition actuelle de la marge fiscale et de la formule de transfert actuelle? Autrement dit, quelle serait la combinaison de modifications à apporter aux transferts fédéraux-provinciaux et à la répartition de la marge fiscale pour régler le problème existant ou potentiel du déséquilibre dans le financement et les dépenses des provinces?
Je pense qu'on peut faire valoir des arguments tout à fait légitimes des deux côtés, soit pour accroître la marge fiscale des provinces, d'une part, soit pour accroître les transferts du gouvernement fédéral aux provinces, d'autre part.
Parmi les arguments possibles en faveur de la réduction de l'écart entre les dépenses et les revenus fiscaux, il y a la souveraineté provinciale ou le fait que les provinces devraient être parfaitement souveraines dans les domaines dont elles ont la compétence juridique exclusive; la perception que l'égalité est de compétence provinciale plutôt que nationale, que les provinces sont mieux placées pour s'occuper de la redistribution dans leur propre territoire plutôt que le gouvernement fédéral; la question de la responsabilité ou l'argument que les provinces qui dépensent l'argent du gouvernement fédéral risquent de ne pas prendre de décisions aussi judicieuses ou d'être aussi responsables que si elles avaient dû amasser leurs propres recettes; les effets bénéfiques de la concurrence fiscale entre les gouvernements, ce qui signifie que plus la fédération est décentralisée, plus il y a de la concurrence entre les provinces et plus il risque d'y avoir de l'innovation et plus la prestation de services risque d'être bonne. On peut aussi prêcher en faveur d'un évitement de l'unilatéralisme fédéral par une réduction de la dépendance envers les transferts du gouvernement fédéral aux provinces, ce qui réduit aussi la possibilité de profiter de changements inattendus comme ceux qu'on a vus dans les budgets du début des années 90, lorsque les provinces ont été prises par surprise. Il y a aussi les aspirations du Québec, qui réclame vivement une plus grande marge fiscale.
Par contre, il y a aussi des arguments en faveur du maintien d'une asymétrie de grande envergure entre les responsabilités de recettes et les responsabilités de dépenses à l'échelon provincial.
º (1630)
Je pense qu'il est très important de mentionner l'idée que le fait d'accorder de la marge fiscale aux provinces risque de créer de graves problèmes de désharmonisation fiscale—particulièrement en ce qui concerne le régime fiscal sur le revenu—, une désharmonisation qui va compromettre la redistribution prévue dans le cadre du système de transfert fiscal, ainsi que l'efficacité de l'union économique intérieure.
En même temps, le fait de conserver une asymétrie appréciable, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral conserve une part appréciable de la marge fiscale pour l'impôt sur le revenu, lui permet d'atteindre plus efficacement ses objectifs légitimes de redistribution nationale.
L'un des aspects importants de l'écart vertical est la durabilité de la péréquation. Plus on donne de la marge fiscale aux provinces, plus il y a un déséquilibre horizontal et plus il est difficile pour le gouvernement fédéral de respecter ses obligations de péréquation en vertu du paragraphe 36(2) et en fait, plus la péréquation devient insoutenable sur le plan politique.
Enfin, je pense qu'il y a beaucoup d'arguments historiques en faveur d'une collecte des recettes centralisée, qui se fonde sur l'idée que le gouvernement fédéral est capable d'absorber les chocs que subissent les différentes régions mieux que les régions elles-mêmes.
Qu'est-ce que cela nous dit sur ce qu'il faut faire? Comme je l'ai dit, il faudra faire un choix tôt ou tard sur l'équilibre entre le maintien ou l'augmentation des transferts fédéraux-provinciaux et l'option de laisser plus de marge fiscale aux provinces. Je pense que c'est inévitable.
Le choix que nous allons faire dépend vraiment du jugement qu'on fait de la situation. Je ne suis pas très bon dans les jugements politiques, mais il y aussi les jugements sur l'importance du rôle du gouvernement fédéral dans l'atteinte des objectifs nationaux; l'importance des objectifs nationaux eux-mêmes; l'importance que les gens qui vivent dans diverses provinces canadiennes aient le droit d'être traités de façon relativement comparable par le fisc, fédéral et provincial; l'importance pour nous que les gens aient également accès aux services essentiels comme les soins de santé, l'éducation, l'éducation postsecondaire et les services sociaux, peu importe la province dans laquelle ils vivent.
Ma préférence est influencée par diverses observations. La plus importante, c'est que j'estime juste de dire que les gouvernements sont en grande partie des institutions de redistribution, que cela nous plaise ou pas, et que le gouvernement fédéral entreprend beaucoup d'initiatives politiques inspirées par les objectifs d'égalité nationaux—je pense au régime fiscal fédéral, au régime d'assurance-emploi, au régime de pensions. Ce sont tous des régimes qui se fondent sur la reconnaissance que le gouvernement fédéral a un rôle légitime à jouer dans l'atteinte des objectifs nationaux de redistribution.
Je pense qu'il existe un large consensus parmi les citoyens du pays quant à la dimension nationale de la redistribution équitable et que bien des preuves attestent aussi de leur appui en faveur de normes nationales applicables à certains programmes sociaux.
De plus, comme je l'ai dit, l'article 36, l'Entente-cadre sur l'union sociale et l'Accord sur le commerce intérieur confirment tous le rôle fédéral pour l'atteinte d'objectifs socio-économiques nationaux.
J'aimerais ajouter une dernière chose, et c'est que le fait d'accorder plus de marge fiscale aux provinces nous fermerait des portes à l'avenir. À mon avis, ce serait très difficile de faire marche arrière. Si l'on accorde plus de marge fiscale aux provinces, ce sera fait, et il sera plus difficile de faire bouger la fédération dans l'autre sens si tout à coup, on décidait que le gouvernement fédéral devait entreprendre un projet d'importance nationale.
À mon avis, et je ne m'attends pas à un grand assentiment à ce sujet, tout cela aura les incidences qui suivent sur la façon dont nous gérons le déséquilibre vertical. D'abord, je pense qu'il faut nous attaquer au déséquilibre vertical principalement en haussant les transferts plutôt qu'en concédant une plus grande marge fiscale aux provinces. On peut faire l'une ou l'autre de ces deux choses, ou une combinaison des deux.
Je pense aussi que les transferts ne devraient pas dépendre des surplus fédéraux. Ils devraient être prévisibles et établis selon une formule qui ne met pas les provinces en péril.
Selon moi, le régime de transfert devrait être revu. Je pense que le régime de péréquation devrait se fonder sur une norme de dix provinces et que toutes les recettes devraient être incluses. Si le gouvernement souhaite accorder un traitement préférentiel à une source de revenu dans une province—le pétrole, pour prendre un exemple en l'air—, il devrait le calculer à part. Cela ne devrait pas toucher les montants de péréquation auxquels les autres provinces qui n'ont pas de pétrole ont droit.
º (1635)
Je pense que le système de transferts sociaux devrait être fragmenté en trois parties distinctes : la santé, les services sociaux et l'éducation postsecondaire; que les transferts dans chaque volet devraient suffire à permettre au gouvernement fédéral de respecter ses engagements en toute crédibilité, sans ingérence, parce que je ne pense pas que le pouvoir de dépenser doit être utilisé avec ingérence; que les transferts sociaux devraient augmenter ou diminuer en fonction d'un indice des exigences de dépenses provinciales globales; et enfin, que le versement de transferts sociaux aux provinces doit tenir compte des besoins de transferts.
J'ajouterais que le gouvernement fédéral devrait s'abstenir de mettre en place des programmes de dépenses directes dans les domaines de compétence provinciaux et plutôt faire des transferts aux provinces. Je pense que le gouvernement fédéral crée beaucoup trop de programmes dans des domaines comme l'éducation postsecondaire, où il fait des transferts directement à des personnes plutôt qu'aux provinces.
Je pense que la part fédérale de la marge fiscale devrait être hautement protégée pour que nous maintenions un régime fiscal harmonisé sur le revenu personnel.
Je pense que la disparité entre les revenus tirés des ressources est la plus grande difficulté dans la fédération. Le gouvernement fédéral pourrait réformer le système d'impôt des sociétés s'il voulait obtenir une plus grande part des bénéfices tirés des ressources afin de réduire le problème financier qui se pose pour la péréquation des recettes tirées des ressources. Enfin, je pense qu'il faudrait revoir le processus de gestion des relations fiscales fédérales-provinciales afin de favoriser davantage la collaboration dans la réflexion à long terme sur les accords fiscaux.
Merci.
º (1640)
[Français]
Le président: Merci infiniment, monsieur Boadway.
Professeur Watts, you have 15 minutes.
[Traduction]
M. Ronald Watts (professeur emeritus des études politiques, Principal Emeritus, Institut des relations intergouvernementales, Queen's University, à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président, de me donner l'occasion de présenter quelques opinions sur le sujet.
Vous allez probablement trouver que je traite la question sous un angle différent de la plupart des présentations qu'on vous a faites, qui traitent la question comme s'il s'agissait d'un problème strictement canadien. Je vais examiner la question dans une perspective comparative à long terme plutôt que du point de vue de l'équilibre immédiat des intérêts politiques.
Mes propos s'inspirent d'un article que je viens de préparer pour l'Institute of Intergovernmental Relations de Queen's. Je pense que le greffier vous en a remis des copies, il s'intitule Autonomy or Dependence: Intergovernmental Relations in Eleven Countries. Cet article fait particulièrement état des déséquilibres, verticaux et horizontaux, au Canada, aux États-Unis, en Allemagne, en Australie, en Suisse, en Espagne, au Brésil, en Inde, en Afrique du Sud (neuf fédérations) et dans deux systèmes unitaires décentralisés, la Suède et le Japon.
La partie qui porte sur les déséquilibres en tant que tels, verticaux et horizontaux, se trouve aux pages 17 à 28 dans le document qui vous a été distribué, et vous trouverez des tableaux à la fin. Il y en a six qui sont annexés au rapport. Dans mon exposé, je ne vais mentionner que les grandes lignes. Si vous voulez plus de détails, vous pourrez les trouver dans le document de travail lui-même. De toute évidence, je ne peux pas tout expliquer en 15 minutes.
Je vais donc commencer par quelques mots sur le concept du déséquilibre.
De nos jours, on voit généralement le Canada comme un pays où il y a apparence d'un grave déséquilibre vertical, caractérisé par des déficits provinciaux et des surplus fédéraux ainsi que par un déséquilibre dans les responsabilités constitutionnelles et les responsabilités de dépenses des gouvernements au Canada. C'est aussi ce qui se dégage de la lettre envoyée par le président aux témoins potentiels. Cette perception est renforcée par le fait que le gouvernement fédéral actuel met l'accent sur des dépenses supplémentaires et des nouvelles politiques fédérales dans des domaines comme les villes, la garde des enfants et la santé, qui sont tous de la compétence exclusive des provinces en vertu de la Constitution.
Je serais porté à dire que le concept du déséquilibre fiscal est glissant et qu'il comporte une part de subjectivité. Je veux dire par là que les surplus et les déficits de chaque gouvernement dans un système fédéral dépendent de la volonté de chacun d'adapter ses dépenses ou ses taux d'imposition en fonction de l'équilibre entre les dépenses et les recettes. Le degré convenable de dépenses et de recettes n'est pas de nature objective. Il est le produit de la volonté politique et des décisions politiques sur ce que chaque ordre de gouvernement doit faire.
Vous pourrez voir dans le document de travail que je vous ai distribué que les études comparatives sur les relations financières au sein des fédérations concluent généralement à l'existence pratiquement universelle de déséquilibres entre les recettes et les dépenses de chaque gouvernement des différents ordres de gouvernement. Ce n'est donc pas une réalité uniquement canadienne. Bien qu'on puisse avoir pour idéal de faire correspondre les recettes et le dépenses de chaque gouvernement, c'est très difficile à réaliser dans la pratique pour diverses raisons.
Premièrement, avec le temps, le montant prélevé par les différentes taxes change, de même que les coûts des dépenses des différentes fonctions, donc il est très difficile d'atteindre l'équilibre permanent entre les recettes fiscales et les responsabilités de dépenses.
Deuxièmement, les critères qui s'appliquent à la répartition efficace des pouvoirs de taxation ne correspondent pas à ceux qui s'appliquent à la répartition efficace des responsabilités de dépenses. Dans pratiquement toutes les fédérations, en raison de ces différences, les pouvoirs de taxation sont plus concentrés et centralisés au gouvernement fédéral que les responsabilités de dépenses, qui peuvent être administrées plus efficacement à l'échelon provincial.
Troisièmement, il faut qu'il y ait assez de recettes centrales pour qu'elles soient redistribuées de sorte que les transferts de péréquation corrigent les disparités et les déséquilibres fiscaux horizontaux.
º (1645)
Il en résulte que presque toutes les fédérations ont besoin de faire des transferts et des ajustements de temps en temps, qu'il s'agisse de transferts de responsabilités ou, plus souvent, de transferts de fonds, de transferts de pouvoirs de taxation ou de la modification des parts de recettes fiscales centrales distribuées aux unités constituantes, ou encore de la modification des subventions inconditionnelles et conditionnelles.
Je voudrais maintenant parler brièvement de la comparaison entre les fédérations, qui est présentée en détail dans le document de travail, particulièrement aux pages 17 à 28, mais aussi dans les tableaux à la fin du document, et je vous conseille de d'examiner ces données en tenant compte des effets que cela pourrait avoir sur ces questions au Canada.
Dans toutes les fédérations, comme je l'ai déjà dit, il y a un écart vertical entre les recettes et les dépenses des provinces et des États. Consultez la dernière colonne du tableau 2, à la page 53. On y présente les écarts verticaux au sein de différentes fédérations entre les recettes, les recettes autonomes et les dépenses des unités constituantes—les provinces, les États ou peu importe le nom qu'on leur donne. Il convient de noter que le pourcentage de recettes fédérales et provinciales et de dépenses combinées fédérales et provinciales est beaucoup plus grand au Canada que dans toutes les autres fédérations, à l'exception de la Suisse. Autrement dit, le point le plus important à noter est que le Canada est déjà plus décentralisé que toute autre fédération en ce qui a trait aux recettes et aux dépenses, à l'exception de la Suisse.
Le deuxième point à relever, c'est que l'écart—dans la troisième colonne du tableau—entre les recettes des provinces ou des États et leurs revenus est beaucoup moindre au Canada actuellement qu'en Australie, qu'aux États-Unis, qu'en Allemagne, qu'en Espagne, qu'en Afrique du Sud et qu'en Inde. Cet écart est comparable à celui qui existe en Suisse et au Brésil et il est légèrement moindre qu'en Suède, qui n'est pas une fédération mais un système unitaire décentralisé.
Ensuite, si vous prenez la première colonne du tableau 4, à la page 55, la dépendance des provinces envers le Canada en ce qui a trait aux transferts est moindre que dans les autres fédérations. De plus, à la deuxième colonne, on voit que le niveau de dépendance à l'égard des transferts conditionnels, lesquels limitent l'autonomie des unités constituantes, est beaucoup moindre qu'en Australie, qu'aux États-Unis, qu'en Suisse, qu'en Espagne et qu'en Inde. À ce titre, nous sommes comparables à l'Allemagne, à l'Afrique du Sud et au Brésil. Les transferts conditionnels sont un indicateur du niveau de contrôle exercé par le gouvernement fédéral sur la manière dont les provinces dépenses les transferts.
Quelles sont les conséquences de cela sur les questions qui touchent le Canada? Tout d'abord, le déséquilibre vertical n'existe pas uniquement au Canada. Il existe dans toutes les fédérations. Toute fédération est aux prises avec cette question. Les autres fédérations utilisent différentes manières de corriger cet état de fait. J'en ai déjà parlé brièvement. Il est notamment possible de transférer la juridiction fiscale, ce qui au moins garantie la comptabilité des recettes dépensées par les provinces ou le partage des recettes centrales—une procédure bien utilisée en Australie, en Allemagne et en Inde, notamment—et dans ce cas, le gouvernement central prélève des impôts mais partage un certain pourcentage de ces impôts avec les provinces ou les unités constituantes, cela est précisé dans la constitution ou dans une entente, et le montant de l'imposition est déterminé par le gouvernement fédéral. Une autre approche consiste à accorder des transferts inconditionnels, et dans ce cas, le montant des transferts dépend de la répartition faite par le gouvernement fédéral, et il revient aux provinces de décider comment dépenser ces transferts. La quatrième solution consiste à accorder des transferts conditionnels, et dans ce cas, le gouvernement central influence fortement la manière dont les provinces ou les unités constituantes dépensent les transferts.
º (1650)
En fait, je veux surtout mettre l'accent sur le fait que de tels déséquilibres existent dans toutes les fédérations et qu'il est nécessaire pour toutes les fédérations de faire des ajustements de temps en temps pour corriger les déséquilibres. Je vous renvoie ici au tableau 6, à la page 57, où l'on présente les méthodes d'ajustement utilisées par différentes fédérations pour corriger le déséquilibre vertical. Ces un bon aperçu des méthodes utilisées par d'autres fédérations pour corriger le déséquilibre.
Je passe maintenant au déséquilibre horizontal. La deuxième forme de déséquilibre fiscal que l'on retrouve dans toutes les fédérations est le déséquilibre horizontal; il s'agit d'un déséquilibre entre les unités constituantes en raison de la différence entre leur capacité de percevoir des recettes et leurs besoins en dépenses.
Il convient de noter qu'à l'exception des États-Unis, qui est un cas particulier, presque toutes les fédérations contemporaines utilisent une forme de transfert de péréquation. Le Canada n'est pas unique dans son cas. En fait, le document de travail présente, des pages 26 à 28 et dans le tableau 5 à la page 56, des informations à ce sujet et fournit les caractéristiques des différentes formules utilisées pour ces transferts par différentes fédérations ou systèmes politiques décentralisés.
À titre de comparaison, et surtout par rapport au Canada, il faut noter que certaines fédérations comme le Canada ont basé leur effort de péréquation principalement sur l'ajustement des différences dans la capacité de percevoir des recettes des provinces, des États ou des unités constituantes, alors que d'autres—par exemple l'Australie et l'Inde—tiennent également compte des besoins en dépenses des unités constituantes pour calculer les ajustements de péréquation appropriés.
Il faut également souligner que la plupart des fédérations reconnaissent la nécessité d'ajuster les transferts de péréquation périodiquement selon les changements de circonstances au moyen de la mise sur pied de commissions consultatives ou d'experts permanentes ou provisoires. Par exemple, l'Australie, l'Inde et l'Afrique du Sud se sont fondés sur des commissions d'experts pour décider comment répartir les transferts horizontaux ou établir la formule devant servir à cette fin.
Dans toutes les fédérations—et je vous réfère aux pages 31 et 33 du document de travail—il y a eu récemment des réformes majeures dans les dispositions de péréquation pour les ajuster en fonction des nouvelles circonstances.
Un autre point à noter, c'est que les critères, l'importance relative et l'utilisation d'une formule de distribution ont varié grandement d'une fédération à l'autre pour répondre aux circonstances particulières.
Enfin, je voudrais souligner que l'effort de péréquation a varié d'une fédération à l'autre. Je vous renvoie aux pages 27 et 28 du document de travail. En fait, l'Australie et l'Allemagne ont accordé beaucoup plus d'importance à l'équité et par conséquence à la péréquation, davantage que le Canada ou la Suisse.
Le Canada et la Suisse, qui ont tout de même mis un effort considérable dans la péréquation, ont accordé moins d'importance à l'équité et se sont plutôt concentrés sur l'autonomie et la diversité des unités constituantes en raison du caractère diversifié et multiculturel de la société afin que les unités ne dépendent pas totalement des transferts de péréquation.
º (1655)
Bien que j'ai essayé de relever certains des points importants du document de travail que je vous ai fourni, j'aimerais simplement conclure en disant tout d'abord que tout au long de vos travaux visant à tenter de régler la question du déséquilibre, j'espère que vous tiendrez compte de l'expérience des autres fédérations et des solutions qu'elles ont utilisées, car elles ont été aux prises avec les mêmes problèmes et avec des questions similaires. J'aimerais conclure en pressant le sous-comité d'examiner la question du déséquilibre vertical et du déséquilibre horizontal dans son vaste ensemble, au-delà des préoccupations immédiates, temporaires et politiques, car cette question touche les fédérations, y compris la nôtre, et que vous rechercherez des solutions à long terme conçues pour répondre au caractère évolutif des circonstances.
La question du déséquilibre fiscal dans les fédérations, qu'il s'agisse du déséquilibre vertical ou du déséquilibre horizontal, n'est pas quelque chose qui se règle une fois pour toutes. Il faut constamment s'ajuster en fonction des circonstances. Cette question sera toujours présente, et il faut faire constamment des ajustements. Il est important de tenir compte de cela dans vos travaux.
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Le président: Merci infiniment, professeur Watts,
[Traduction]
pour votre exposé très intéressant.
[Français]
Nous allons commencer un tour de table avec Mme Ambrose.
Madame Ambrose, vous avez cinq minutes.
[Traduction]
Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC): Merci.
J'ai une question pour M. Boadway. Vous semblez être fortement en faveur de l'utilisation des transferts fédéraux pour mettre fin au déséquilibre fiscal vertical. Cela me pose un problème—et je crois que certaines provinces seront d'accord avec moi—le gouvernement fédéral utilise souvent les transferts fédéraux comme moyen de faire avancer son programme politique dans les provinces. En favorisant la solution des paiements de transfert, je crois que nous résoudrions seulement la moitié du problème. D'un côté, il y a le problème du financement. De l'autre, les provinces doivent faire avec le chevauchement propres à ce type d'interférence.
L'autre point que je voulais souligner, c'est que les transferts fédéraux sont marqués par un manque de reddition de comptes et de transparence. De quelle manière l'augmentation des paiements de transfert fédéraux régleraient ce problème? J'ai lu un autre de vos documents qui s'intitule Should the Canadian Federation be Rebalanced?. Vous dites dans ce document que le gouvernement fédéral devrait renoncer à mettre en application des programmes de dépenses directes dans les domaines qui relèvent des provinces et qu'il devrait avoir recours aux transferts à la place. Je ne dis pas qu'il y a une contradiction ici, mais je me demande si vous croyez que les transferts permettraient une plus grande reddition de comptes et une plus grande transparence que les programmes de dépenses directes. Je crois que le gouvernement fédéral dirait le contraire.
M. Robin Boadway: Laissez-moi répondre à la dernière question en premier.
Je pense que le gouvernement fédéral ne devrait pas participer à des programmes de dépenses directes à l'intention des citoyens en partie pour des raisons d'efficacité. Il n'est pas facile d'exécuter un programme à l'extérieur d'Ottawa qui touchera tout le monde dans toutes les provinces, surtout dans le domaine de l'éducation postsecondaire, domaine que je connais bien.
Les programmes qui sont exécutés par le gouvernement fédéral dans le domaine de l'éducation postsecondaire ne sont pas efficaces et ils causent des problèmes de duplication, de reddition de comptes, etc.
Par contre, ce que le gouvernement fédéral peut bien faire, en ce qui a trait aux programmes de dépenses directes à l'intention des citoyens, c'est de faire des transferts. Cela se fait par le truchement du système fiscal ou des crédits d'impôt remboursables. Le gouvernement fédéral fait des transferts à l'intention des personnes âgées ou des personnes sans emploi.
Les programmes qui fournissent des services aux citoyens sont bien mieux exécutés à un niveau décentralisé. Il vaut mieux que les provinces coordonnent ce qu'elles font plutôt que ce soit le gouvernement fédéral qui le fasse. Le gouvernement fédéral, selon moi, a fait une grosse erreur en s'engageant dans des programmes de dépenses directes, comme dans le cas de l'éducation postsecondaire.
La première question que vous avez posée est une question clé. S'il faut pencher en faveur d'un gouvernement fédéral qui augmente les transferts plutôt que de réduire sa marge fiscale, il faut tenir compte du fait qu'il impose sa volonté sur les provinces. Il faut s'inquiéter du fait que le gouvernement fédéral a un programme politique qu'il désire imposer aux provinces.
Je ne dirais pas que le gouvernement fédéral doit utiliser son pouvoir de dépenser en faisant de l'ingérence, mais je ne vois pas de quelle manière il peut remplir ses obligations dans le cadre de l'article 36 sans avoir un pouvoir de dépenser. Il peut utiliser ce pouvoir sans ingérence. Selon moi, la manière dont le gouvernement fédéral effectue les transferts pour le système de santé n'est pas un mauvais modèle. La Loi canadienne sur la santé a très bien fonctionné, même si certaines provinces n'aiment pas certains de ses détails. Le gouvernement fédéral fait peut-être trop d'ingérence en permettant des choses comme la double facturation ou le ticket modérateur, et peut-être même lorsqu'il empêche la mise sur pied d'établissements privés. Mais dans l'ensemble, la Loi canadienne sur la santé a été très bonne...
» (1700)
Mme Rona Ambrose: Parlez-vous du TCSPS?
M. Robin Boadway: Oui, et les précédents. Les critères présents dans la Loi canadienne sur la santé existent depuis 1960, depuis l'introduction de l'assurance maladie. C'était un très bon modèle.
Je dirais également que les conditions minimales imposées pour les transferts d'assistance étaient une bonne chose. Il était bon d'empêcher les provinces de s'engager dans des restrictions sur la mobilité. Je ne crois pas qu'il est juste de dire que le gouvernement fédéral a, ces dernières années en tout cas, exercé son pouvoir de dépenser d'une manière intrusive, dans la mesure où nous pouvons garantir que le gouvernement fédéral permettra aux provinces d'innover et de créer ses propres programmes pour servir le mieux les intérêts de leurs citoyens.
Cependant, nous nous inquiétons au sujet des objectifs nationaux qui doivent être atteints : l'égalité des possibilités et l'accès des citoyens aux services publics essentiels, dont bien sûr la santé. Je crois qu'il s'agit d'objectifs nationaux importants.
L'autre point qui touche les transferts, et c'est important selon moi, c'est le déséquilibre horizontal. Le TCSPS ou le TCS/TCPS est un système de péréquation plus efficace que le programme de péréquation lui-même. Le gouvernement fédéral prélève de l'argent à l'échelle de la nation et fait une distribution par tête aux provinces. C'est le système de péréquation parfait. Si nous commençons à dissoudre les transferts en matière de santé et les transferts en matière de programmes sociaux, comme certaines personnes le suggèrent, alors il devient plus difficile d'appliquer le paragraphe 36(2) de la Constitution, et nous nous privons d'un instrument politique qui selon moi a une influence sur le comportement des provinces.
Le fait que le gouvernement fédéral a appuyé l'assistance sociale et l'éducation postsecondaire d'une manière importante comme il l'a fait dans les années 60 et 70 a eu un effet bénéfique sur la manière dont les provinces ont conçu leurs plans. Il n'est pas surprenant de voir que les provinces n'ont commencé à faire de la discrimination à l'égard des étudiants provenant d'autres provinces que le gouvernement fédéral a diminué sa contribution à l'éducation postsecondaire. C'est du moins ce que je suggère.
Je m'excuse de prendre autant de temps pour répondre.
Mme Rona Ambrose: Merci.
Le président: Monsieur Bell, vous avez cinq minutes.
» (1705)
M. Don Bell (North Vancouver, Lib.): Merci.
Je voudrais poursuivre sur la même question, monsieur Boadway, c'est-à-dire la question de l'infrastructure, qui est un domaine où le gouvernement fédéral était présent dans le cadre de programmes d'infrastructures, plus particulièrement avec les fonds municipaux verts, par la Fédération canadienne des municipalités. Je ne sais pas ce que vous pensez de cela et si cela fait partie des objectifs nationaux dont nous avons parlé. La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est que d'après ce que j'ai compris en tant qu'ancien politique au municipal, c'est que les questions environnementales débordent bien souvent des frontières géographiques et politiques des provinces.
Je voudrais vous poser aussi une question au sujet de l'ajout récent dans le domaine des infrastructures, soit la taxe sur l'essence et sa répartition. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une taxe directe, comme les municipalités l'ont souvent demandé, l'argument est que la consommation de combustibles fossiles contribue au réchauffement climatique, qu'il s'agit d'un problème national et qu'il faut tenir compte d'une répartition selon le litre, ce qui est logique. Je me demandais simplement si vous aviez tenu compte de ce modèle.
M. Robin Boadway: J'admets que les municipalités ont besoin de plus d'argent pour les infrastructures et que tous les objectifs que vous avez soulignés sont importants et justifiés.
La question est la suivante : quel est le rôle du gouvernement fédéral par rapport aux municipalités? J'ai un point de vue ici qui n'est probablement pas partagé par la majorité. Je crois que la volonté du gouvernement fédéral de donner des transferts directs aux municipalités n'est pas une bonne chose. Je crois que le gouvernement fédéral contourne les provinces s'explique en raison par la résistance des provinces à utiliser leur pouvoir de dépenser.
Si nous mettons de côté la politique, et que nous tenons compte de l'aspect économique, le gouvernement fédéral serait mieux de donner des transferts aux provinces pour les municipalités, plutôt que de les donner directement aux municipalités, car je crois que les provinces sont mieux placées pour distribuer les fonds aux municipalités, dans leurs propres territoires. Je crois également que bien que les municipalités aient besoin d'argent, l'idée d'affecter des crédits sur la taxe d'essence à l'intention des municipalités est un précédent qui devrait être examiné avec beaucoup de soin. Nous n'avons pas affecté des crédits d'impôt à des fins particulières, sauf dans le cas des contributions pour les programmes sociaux.
Je ne suis pas en faveur des transferts directs aux municipalités, mais je serais en faveur d'un gouvernement fédéral qui donne des transferts aux provinces pour les municipalités. En fait, une partie de la raison pour laquelle les municipalités ont tant de difficultés, c'est que lorsque le gouvernement fédéral a réduit les transferts aux provinces dans les années 1990, les provinces ont réagi en réduisant les transferts aux municipalités. Au Canada, nos taxes municipales sont aussi élevées que dans les autres pays de l'OCDE, surtout les taxes municipales à l'intention des entreprises.
Dans l'ensemble, cette question du financement des municipalités m'amène à être contre le fait que le gouvernement fédéral effectue des transferts directs aux municipalités.
M. Don Bell: D'accord.
J'aimerais poser la même question au professeur Watts, à savoir s'il a une réponse ou un commentaire à ce sujet.
M. Ronald Watts: Oui. Dans l'ensemble, je répondrais la même chose.
Si on compare la plupart des fédérations, le gouvernement local est vu comme relevant des unités constituantes. Autrement dit, le financement à l'intention des gouvernements locaux provient habituellement des provinces, des États—peu importe le nom qu'on donne aux unités. Mais ce n'est pas universel. En fait, il convient de noter que dans certaines fédérations—par exemple en Allemagne, en Inde et en Afrique du Sud—les gouvernements locaux sont reconnus comme étant une tierce partie au sein du système fédéral. En fait, la répartition constitutionnelle des revenus d'impôt ou des transferts comprend les sommes allouées aux gouvernements locaux. Autrement dit, le système fédéral n'est pas considéré comme un système à deux paliers de gouvernement, mais plutôt comme un système à trois paliers de gouvernement.
Cette particularité existe dans une minorité de fédérations, mais elle existe tout de même. Quant à nous, il est clair selon notre loi constitutionnelle que le gouvernement local relève des provinces. Alors, tant qu'il en est ainsi, l'aide que le gouvernement fédéral accorde aux municipalités se fait sans tenir compte de la structure constitutionnelle des responsabilités établies dans l'article 92 au sujet des gouvernements locaux.
Tout ce que je voudrais dire, c'est que dans certaines fédérations, le gouvernement local est considéré comme une troisième unité selon la constitution.
» (1710)
M. Don Bell: J'aimerais ajouter que c'est l'avis de la Fédération canadienne des municipalités et de la plupart des municipalités du Canada.
M. Ronald Watts: Exact. Et il faut noter que cette pratique résulte d'un changement pour certaines de ces fédérations. Dans le cas de l'Inde, par exemple, ce n'était pas ainsi au début, mais il y a eu amendement de la constitution.
M. Don Bell: Cela fait-il partie d'une tendance vers des villes-États?
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bell. Je suis désolé, mais votre temps est écoulé.
[Français]
Professeur Watts, je trouve votre étude fort intéressante. Avant de céder la parole à mon collègue, j'aimerais vous demander si vos analyses et votre expérience des politiques de par le monde vous indiquent que certains pays ont eu recours à un certain mécanisme comme l'a fait le Canada en 1964 lorsqu'il a offert à toutes les provinces un droit de retrait avec compensation dans le secteur de l'éducation. Il y avait le régime de prêts et bourses, le financement de l'éducation postsecondaire, etc. À ce moment-là, seul le Québec s'est prévalu de cette offre. Cependant, au lieu de recevoir une compensation monétaire, il a reçu une compensation sous forme de transfert de points d'impôt.
À votre connaissance, ce type de mécanisme a-t-il souvent été utilisé dans les autres fédérations où vous avez investigué?
[Traduction]
M. Ronald Watts: C'est une question intéressante, car c'est un domaine où le Canada a fait office de pionnier. Autrement dit, il n'y a pas beaucoup d'autres fédérations qui ont suivi cette voie, et d'après les études comparatives, le Canada est habituellement vu comme étant un novateur dans ce domaine. Je veux donc dire qu'il ne s'agit pas d'une mauvaise chose, mais que c'est un précédent que nous avons établi. Il n'y a donc pas beaucoup d'exemples.
De l'autre côté, il y a eu une tendance marquée dans les fédérations à reconnaître l'importance de l'asymétrie entre les unités constituantes. En fait, il y a beaucoup d'articles à ce sujet. Le document de travail que je vous ai présenté ne couvre pas cela en détail, mais il faut noter que dans un certain nombre de fédérations—particulièrement en Espagne, et aussi en Belgique—on a reconnu que les pouvoirs législatifs et exécutifs—même les dispositions financières—peuvent être différents d'une unité constituante à l'autre. Cela a permis de reconnaître que différentes dispositions peuvent être nécessaires—et en fait, elles ont été mises en oeuvre. Comme je l'ai dit, l'Espagne est un exemple classique, de même que la Belgique, l'Inde et la Malaisie; mais nous demeurons des pionniers en la matière.
[Français]
Le président: Alors, il faut remercier MM. Pearson et Lesage d'avoir innové en 1964.
Monsieur Boire, vous avez cinq minutes.
M. Alain Boire (Beauharnois—Salaberry, BQ): Ma question s'adresse au professeur Watts.
Dans votre étude, vous parlez d'un ensemble, d'une vue globale partout dans le monde. Vous nous avez montré aussi un déséquilibre entre les recettes et les dépenses, en nous disant qu'il est difficile d'établir un équilibre permanent. Vous avez aussi parlé d'un transfert sans condition par le fédéral aux provinces afin qu'on puisse remettre l'argent aux provinces en vue de répondre à leurs besoins. Présentement, on sait qu'il y a des surplus au fédéral, que l'argent y est centralisé et que les provinces accusent des déficits. Elles ont des besoins en éducation, en santé et dans plusieurs domaines.
Comment, d'après vous, pourrait-on adapter le déséquilibre fiscal actuel, qu'il soit horizontal ou vertical, afin de mieux répondre aux besoins actuels des provinces?
» (1715)
[Traduction]
M. Ronald Watts: Permettez-moi d'aborder la première partie de vos propos pour commencer, et j'essaierai ensuite d'en arriver à votre dernier point.
Il faut comprendre les raisons des déséquilibres qui existent pour pouvoir déterminer comment les régler. Je crois qu'il faut notamment souligner que ces déséquilibres se sont produits dans toutes les fédérations, car les critères déterminant la façon la plus efficace d'attribuer les pouvoirs de percevoir des recettes—les pouvoirs d'imposition—et les critères déterminant la façon la plus efficace d'assumer les responsabilités en matière de dépenses sont différents. Dans mon exposé, j'ai ajouté que la valeur des taxes et les dépenses changent au fil du temps. Un bon exemple de cela, c'est la montée constante des coûts dans le domaine de la santé au cours des dernières décennies. C'est pour ces raisons que les déséquilibres surviennent partout.
La question est alors de savoir comment rétablir l'équilibre. On ne peut pas assumer qu'il suffit simplement de procéder à une réaffectation des ressources pour pouvoir supporter les dépenses actuelles. Il se peut que les dépenses ne soient pas réparties de la façon la plus efficace, alors il faut voir si c'est le cas et voir également si les impôts sont répartis eux aussi de façon efficace. Ensuite, s'il y a toujours un déséquilibre—et c'est fort probable—il existe quatre mesures possibles à prendre.
L'une est de transférer les pouvoirs d'imposition. Une autre est de répartir des parts des recettes fiscales du gouvernement central. Nous n'avons pas beaucoup fait cela au Canada, mais un certain nombre de fédérations le font considérablement. L'Allemagne et l'Inde en sont deux exemples typiques. Plus récemment, l'Australie faisait face à un problème de déséquilibre similaire, peut-être encore plus grave que le nôtre, sur le plan des revenus des États—on les appelle des États et non pas des provinces—et des dépenses connexes. L'Australie a établi une nouvelle taxe fédérale, la TPS, mais il a été convenu que tous les revenus provenant de cette taxe iraient aux États. C'est ce qu'a fait l'Australie pour tenter de régler le problème. Elle a aussi décidé que la Commission des subventions du Commonwealth devrait déterminer quelle proportion des recettes tirées de cette taxe devrait recevoir chaque État. La Commission évalue les revenus et les besoins en dépenses de chaque État pour déterminer la proportion des recettes tirées de la TPS qu'il devrait recevoir.
Voilà donc un processus qui comporte non seulement le partage des revenus d'une taxe fédérale, dans ce cas-ci l'ensemble des recettes va aux États, mais aussi le recours à une commission indépendante pour déterminer la répartition. C'est peut-être plus facile à faire car il s'agit d'une nouvelle taxe, mais il demeure que toutes les recettes sont versées aux États. Nous avons tendance au Canada à tenter de régler ce genre de problème par l'entremise de négociations intergouvernementales et dans le cadre du règlement de conflits intergouvernementaux au lieu de faire appel à une commission intergouvernementale ou à une commission composée de spécialistes.
Si vous voulez savoir comment on a recours à des commissions pour prendre de telles dispositions, je vous propose d'examiner l'Inde, où il se tient cinq une commissions tous les cinq ans. Ces commissions font des recommandations, que le gouvernement fédéral a presque toujours accepté. Je devrais ajouter que ces commissions sont prévues dans la Constitution; la Constitution stipule que ces commissions doivent recommander, tous les cinq ans, quels transferts, y compris le niveau, devrait effectuer le gouvernement fédéral à partir de ses propres revenus—des transferts provenant des recettes tirées de taxes fédérales ou des transferts inconditionnels—et aussi la façon de régler les déséquilibres horizontaux par l'entremise de transferts différenciés.
» (1720)
En Australie, il s'agit d'une commission permanente qui effectue tous les trois ans des recommandations sur la façon dont les revenus de la TPS devraient être distribués parmi les États. En Afrique du Sud, la Financial and Fiscal Commission recommande au gouvernement fédéral la façon dont les transferts devraient être répartis au sein des provinces—on les appelle aussi là-bas des provinces—afin de régler les déséquilibres verticaux et horizontaux.
Je crois qu'il existe un avantage à dépolitiser le problème en faisant appel, soit comme conseiller ou même comme décideur, à une commission formée de spécialistes qui peut étudier les différences entre les revenus des États ou des provinces et la proportion de leurs revenus par rapport à ceux du gouvernement fédéral et qui peut aussi examiner les besoins en dépenses; c'est une façon de faire qui n'est pas prévue dans nos propres accords en matière de péréquation.
Est-ce que cela répond à la dernière partie de votre question?
[Français]
Le président: Merci, monsieur Boire.
Madame Wasylycia-Leis, s'il vous plaît, vous avez cinq minutes.
[Traduction]
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Merci, monsieur le président.
Je remercie MM. Boadway et Watts pour leurs exposés, qui se sont avérés très utiles.
Il se pourrait, monsieur Watts, que nous envisagions d'avoir recours à un groupe de spécialistes pour trouver une façon de nous sortir de ce bourbier et dépolitiser le problème. Je crois que nous sommes pris au Canada dans une lutte d'une ampleur que je n'ai jamais vue, ce qui à mon avis est très préoccupant. Il existe très peu de leadership et très peu de volonté de régler une crise qui ne cesse de s'amplifier au sein de la fédération.
Je veux m'attarder sur la question de savoir ce qui est au coeur du problème auquel nous sommes confrontés. Je m'adresse à vous deux, mais Robin Boadway pourra répondre en premier. Il me semble que nous devrions affronter le problème du point de vue d'une nation souveraine, d'un pays uni. Sinon, nous allons nous engager sur le terrain glissant des concessions—j'en entends de plus en plus parler de la part des provinces—c'est-à-dire concéder du potentiel fiscal, accorder des points d'impôt et nous éloigner de toute forme de programme national. C'est ce que préconise les conservateurs ainsi que le Bloc québécois dans une certaine mesure. Je crains que, si nous ne revenons pas sur la voie d'un programme national, à savoir effectuer des transferts d'argent aux provinces et aux territoires avec certaines conditions, nous allons nous retrouver avec 13 projets distincts au pays.
J'aimerais avoir vos commentaires à vous deux sur la façon d'éviter les concessions pour aller vers l'adoption des solutions qui ont été proposées. Comment préconiser une nation centrale solide qui possède la souplesse que souhaite le Québec, qui tient compte du caractère unique du Québec? Voilà une de mes questions.
L'autre question concerne la crise au sujet de la péréquation. Quand on lit dans la presse ce qui se passe en Ontario aujourd'hui, on sent que le gouvernement fédéral conclura encore une fois une entente séparée. Si c'est le cas, il sera de moins en moins possible d'appliquer la formule convenue par toutes les provinces en 2003—la solution adoptée par les dix provinces qui tient compte de tous les revenus. Le gouvernement fédéral avait refusé de conclure des ententes séparées et voilà qu'il se lance dans cette voie insensée. Je n'ai aucun espoir; je ne vois pas comment on pourra mettre fin à cela.
Je crois que je vous présente des problèmes d'ordre politique. J'aimerais obtenir votre avis, des suggestions et votre aide à propos de ces deux sujets.
M. Robin Boadway: C'est très bien dit; je suis d'accord avec vous.
Nous sommes dans la présente situation en raison d'un grand nombre de choses qui se sont produites au cours d'une longue période. Bien des choses sont arrivées sournoisement. Nous avons pris des décisions à propos des accords fiscaux chaque année dans le cadre du processus budgétaire qui, à mon avis, n'ont pas été prises avec une vision à long terme. Cela fait ressortir l'un des avantages que comporterait le recours à une commission comme celle dont a parlé M. Watts. Je crois que nous nous sommes mis dans une situation sournoisement au cours d'une certaine période.
Il est aussi arrivé certaines choses qui ont contribué je crois à miner la confiance des provinces envers le gouvernement fédéral. Sauf tout le respect que je dois à un collègue libéral qui est ici présent, je dois dire que le principal exemple est l'annonce par le gouvernement fédéral, dans le budget de 1995, de réductions très importantes des transferts aux provinces, qui ont été présentées de façon trompeuse, qui ont pris les provinces totalement par surprise et qui ont grandement contribué à créer la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui.
Je le répète, sauf tout le respect que je dois à notre collègue libéral, je dois dire que l'autre problème, c'est que le dernier budget présente un certain nombre de mesures concernant la péréquation qui constituent des changements discrétionnaires, ce qui établi un précédent qui à mon avis est très malsain. L'idée d'adopter des mesures spéciales en vue d'aider certaines provinces pour des raisons ponctuelles a créé également un mauvais précédent.
Je crois que les ententes qui ont été conclues récemment avec Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, peu importe les avantages que vous y voyez, ont vraiment mis le feu aux poudres. C'est ce qui a contrarié l'Ontario et toutes les autres provinces qui n'ont pas la chance d'avoir sur leur territoire des gisements de pétrole et de gaz, notamment le Manitoba, l'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, etc. Le budget comportait aussi d'autres ententes particulières en faveur de la Saskatchewan surtout et également de la Colombie-Britannique. Il y a donc eu toutes ces petites ententes spéciales qui contribuent à mon avis à discréditer le processus.
Dans le cadre d'une étude très complète qu'il a effectuée sur la péréquation il y a quelques années, le Sénat a recommandé de suivre la norme des dix provinces. Je crois qu'il convient très bien en ce moment de nous pencher là-dessus parce que nous disposons d'un groupe de spécialistes. Ce que vous laissez entendre, c'est que nous devrions examiner non seulement le déséquilibre vertical mais aussi horizontal.
Je suis d'accord avec vous. J'estime qu'il faut revenir à un processus axé sur la prévisibilité, fondé sur une formule et dans le cadre duquel les décisions sont prises avec une vision à long terme et on se préoccupe du caractère irréversible de décisions prises pour des raisons opportunistes comme, à mon avis, celle de dégager davantage d'espace fiscal pour les provinces.
» (1725)
[Français]
Le président: Professeur Watts.
[Traduction]
M. Ronald Watts: Si je puis me permettre, je dois dire que, si on se fie à l'expérience d'autres pays, tenter de régler ce genre de problèmes par l'entremise de mesures ponctuelles, qu'il s'agisse d'ententes séparées ou autres, est très dangereux. Les accords financiers conclus au Brésil en sont probablement le meilleur exemple. Ils ont provoqué toutes sortes de guerres fiscales intergouvernementales et ils ont eu des répercussions très dommageables sur l'économie. S'il y a un point que j'essaie de faire valoir, c'est qu'il faut aborder la question de façon systématique, et non pas par l'entremise de mesures ponctuelles prises par opportunisme politique. Cela vaut pour tout gouvernement—je dis cela de façon impartiale. Je fais simplement souligner le danger des mesures ponctuelles.
L'une des raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral doit continuer de conserver la majeure partie du pouvoir d'imposition, même lorsque les besoins en dépenses des provinces sont grands, c'est l'existence des déséquilibres horizontaux, car si on ne dispose pas de revenus tirés de taxes fédérales pour équilibrer les différences sur le plan des recettes et des besoins en dépenses des provinces, on ne dispose pas du pouvoir de corriger les déséquilibres horizontaux.
Il existe une façon d'y arriver sans avoir recours au pouvoir d'imposition du gouvernement central, mais elle n'est pas populaire. Elle existe dans deux pays seulement, d'après ce que je sais. Le plus important est l'Allemagne, où la majeure partie des paiements de péréquation n'est pas versée par le gouvernement fédéral aux États, mais bien par les États riches aux États pauvres. Vous pouvez vous imaginer à quel point l'Alberta et l'Ontario hurleraient.
Cette façon de faire en Allemagne figure dans la Constitution, qui prévoit une formule selon laquelle les États les plus riches doivent transférer une partie de leurs revenus aux États les plus pauvres. Dernièrement, les Allemands ont entamé un processus pénible pour tenter de changer ce système. À l'heure actuelle, environ les deux tiers—n'exigez pas le chiffre exact—des paiements de péréquation sont versés par un État à un autre et environ le tiers des paiements provient du gouvernement fédéral. Il s'agit en fait d'une distribution des recettes tirées de la TVA, dont environ un tiers est versé par le gouvernement fédéral aux États dans le besoin.
C'est une façon de faire qui permet d'éviter que le gouvernement fédéral ne détienne un trop grand pouvoir d'imposition, mais c'est une méthode impopulaire qui a provoqué toutes sortes de conflits et de controverses. Le pouvoir d'imposition dont dispose le gouvernement fédéral peut être utilisé pour rétablir l'équilibre à l'intention des provinces concernées, comme le Québec et les provinces de l'Atlantique, par exemple, qui reçoivent actuellement des paiements de péréquation.
» (1730)
[Français]
Le président: Merci, madame Wasylycia-Leis.
Nous avons le temps de faire un autre tour de trois minutes.
[Traduction]
Madame Ambrose, vous disposez de trois minutes, et, soit dit en passant, j'attends votre chèque de l'Alberta.
Mme Rona Ambrose: Ah, oui.
J'ai une question très précise à l'intention de M. Boadway. Elle concerne le texte que vous avez rédigé qui s'intitule Should the Canadian Federation Be Rebalanced? Elle porte sur la péréquation et sur certaines de vos recommandations.
Vous dites que la péréquation a été rationalisée selon ce que proposaient les ministres des finances provinciaux et territoriaux, qui en sont venus à un consensus au sujet de la norme des dix provinces. Je crois savoir que, depuis un certain temps, il n'y a plus de consensus au sujet de la norme des dix provinces, particulièrement du côté de deux des provinces. J'ai donc lu sur le sujet.
Vous dites que nous devrions appliquer la norme des dix provinces, ce qui inclurait les revenus du pétrole et du gaz. Je croyais que la formule utilisée pour calculer la péréquation tenait compte des revenus du pétrole et du gaz. Ai-je raison?
M. Robin Boadway: Oui. Comme vous le savez, dans le système actuel, on utilise la norme des cinq provinces, et le fait que l'Alberta ne fasse partie de ces cinq provinces signifie effectivement que les revenus qu'elle tire du pétrole et du gaz ne sont pas pris en compte dans le calcul de la péréquation.
C'est ce que je voulais dire. L'une des raisons pour lesquelles le consensus n'existe plus, soit dit en passant, au sein des dix provinces, c'est le fait que le gouvernement fédéral ait récemment fixé la limite des paiements de péréquation de manière discrétionnaire.
Mme Rona Ambrose: D'accord.
M. Robin Boadway: Lorsque l'on fait cela, on transforme immédiatement le système de péréquation en un jeu à somme nulle. Il n'est donc pas étonnant que...
Mme Rona Ambrose: Il y a donc plus autant de souplesse.
M. Robin Boadway: C'est cela. Il n'est donc pas étonnant qu'elles ne s'entendront pas sur des éléments comme les revenus du pétrole et du gaz ou les impôts fonciers, par exemple.
Mme Rona Ambrose: J'ai une autre question précise à vous poser. Vous dites que les revenus tirés des ressources naturelles quelles qu'elles soient devraient être traités sur une base préférentielle en raison des répercussions négatives des incitatifs associées à la péréquation appliquée aux revenus tirés des ressources naturelles. Ensuite, vous proposez que cela peut être amélioré en procédant à une réforme du régime d'impôt sur les sociétés de façon à le rendre plus efficace comme instrument pour percevoir les rentes. Pouvez-vous m'expliquer ce que cela signifie et quelles sont ces répercussions négatives?
M. Robin Boadway: La question de la péréquation au titre des recettes de l'exploitation des ressources est très difficile et ce, pour plusieurs raisons, mais surtout parce que les provinces ont le pouvoir de décider du taux d'exploitation de leurs ressources naturelles, dans une certaine mesure.
Prenez Voisey's Bay, par exemple, où se trouvaient tous ces importants gisements de nickel. Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador devait en fait prendre une décision quant au moment où il allait se lancer dans l'exploitation de ces ressources. En faisant ses calculs, le gouvernement s'est rendu compte que chaque augmentation des redevances des ressources qu'il allait obtenir allait lui coûter, grosso modo, l'équivalent en matière de péréquation. Financièrement parlant, il n'avait donc pas intérêt à exploiter cette ressource naturelle. C'est un argument qui est souvent avancé par les provinces et les commentateurs pour expliquer la raison pour laquelle il faudrait peut-être penser à traiter les ressources naturelles légèrement différemment, uniquement en raison de cet effet de dissuasion.
L'impôt des sociétés est également un point important à cet égard. Le ministère des Finances a récemment publié un document relatif à la nouvelle façon d'accorder aux exploitations minières des déductions relatives aux ressources. Les auteurs ont ainsi mis en évidence la proportion des recettes publiques provenant des ressources naturelles qui revient au gouvernement fédéral, par opposition aux provinces. Selon ce document, le gouvernement fédéral obtient quelque 25 p. 100 des recettes pétrolières et gazières, les provinces 75 p. 100; la même chose pour l'exploitation des ressources minières. Cela s'explique par l'impôt fédéral des sociétés.
Selon moi, ces proportions ne sont pas coulées dans le béton et en fait, le régime fiscal des sociétés, tel qu'il existe actuellement, favorise fortement les industries des ressources naturelles. Il suffit de lire le rapport Mintz, qui met tout ceci en évidence dans une certaine mesure, pour s'apercevoir que les auteurs avancent de façon très convaincante que l'actuel régime fiscal accorde un traitement préférentiel aux industries des ressources—ce qui est très peu sensé. Mon seul argument est le suivant : si on éliminait le traitement préférentiel accordé aux industries des ressources, le gouvernement fédéral obtiendrait beaucoup plus de recettes des ressources naturelles. On ne pourrait plus alors défendre aussi fortement l'argument selon lequel il ne peut pas se permettre de prévoir la péréquation au titre des recettes de l'exploitation des ressources naturelles, s'il en obtient lui-même une plus grande part.
C'est en fait ce que je voulais dire.
» (1735)
[Français]
Le président: Je vous remercie, madame Ambrose.
[Traduction]
Monsieur Bell, deux minutes.
M. Don Bell: Merci.
Pour revenir à la question philosophique qui, j'imagine, appuie certains de ces arguments, des provinces diminuent les impôts, d'autres parlent de déséquilibre fiscal alors que ce sont elles qui se sont vanté d'avoir diminué leurs propres impôts et qui ensuite demandent à un autre ordre de gouvernement de gens élus d'assumer en fait la responsabilité des impôts. Elles disent : « À vous d'assumer; vous augmentez les impôts fédéraux; remettez-nous en la somme et laissez-nous la dépenser comme nous le voulons... » Il n'y a donc pas de reddition de comptes.
Que pouvez-vous dire à ce sujet? S'agit-il en fait d'un manque de cohérence?
M. Robin Boadway: Vous avez raison de le souligner et je pense que cela nous fait prendre conscience qu'il n'existe pas de solution simple, qu'il y a des avantages comme des inconvénients. Permettez-moi de faire une observation ou deux sur ce point qui me semble légitime.
Ce qui est véritablement important dans le système des arrangements et transferts fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, c'est que les transferts du gouvernement fédéral ne tiennent pas compte des politiques particulières adoptées par les provinces. Le transfert du gouvernement fédéral aux provinces devrait se faire indépendamment de ce que décident les provinces.
C'est ce qui est posé en principe dans le système du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et c'est ce qui est ancré autant que possible dans le système de péréquation. J'aurais donc tendance, pour ces raisons, à exclure la possibilité de faire quoi que ce soit qui tienne compte du fait que certaines provinces adoptent certains comportements.
C'est la raison pour laquelle nous nous sommes débarrassé du Régime d'assistance publique du Canada, puisqu'il réagissait à la façon dont les provinces mettaient sur pied leur régime de bien-être social; il était donc considéré comme un incitatif défavorable et c'est pourquoi nous nous en sommes débarrassé.
Nous avons maintenant un système selon lequel tout transfert accordé aux provinces n'est pas censé être directement influencé par le comportement de ladite province; c'est tout ce que je peux dire à ce sujet.
L'autre question relative à la reddition de comptes est également difficile et ma réponse sera à peu près la même. Si vous donnez de l'argent à une province sans condition et sans que ce soit subordonné au comportement de ladite province—je vais vous donner plusieurs milliards de dollars, peu importe ce que vous allez en faire, ils sont à vous—je ne vois pas pourquoi on s'attendrait à une reddition de comptes de la part de la province quant à la façon dont elle décide d'utiliser ces fonds.
Il peut y avoir certaines conditions pour donner un cadre aux provinces à l'intérieur duquel elles doivent mettre sur pied leur programme de soins médicaux de telle ou telle façon, mais de mon point de vue, je n'ai jamais cru que la reddition de comptes était compromise du fait que le budget se compose en partie d'un montant fixe d'argent qui vient d'ailleurs.
Pour toutes ces raisons, on pourrait dire que le gouvernement canadien le plus responsable est celui de l'Alberta, car il dispose de ressources qui proviennent de son sol. À mon avis donc, l'argument relatif à la reddition de comptes dans le cadre des transferts fédéraux ne me paraît pas particulièrement convaincant, dans la mesure où les transferts n'ont rien à voir avec le comportement des provinces. La reddition de comptes pose problème si l'on revient à une question posée préalablement, à savoir que cette reddition de comptes disparaît quelque peu si la province est perçue comme mettant sur pied des programmes qui respectent tout simplement les priorités du gouvernement fédéral.
C'est à ce niveau-là que la reddition de comptes disparaît, car le citoyen ne sait pas sur qui rejeter le blâme des soins de santé s'il pense que le problème est en fait causé par le gouvernement fédéral.
» (1740)
[Français]
Le président: Merci, monsieur Bell.
Monsieur Boire, vous avez trois minutes, s'il vous plaît.
M. Alain Boire: Ma question s'adresse au professeur Watts.
J'aimerais approfondir la question que ma collègue Mme Wasylycia-Leis a soulevée, afin de savoir de façon plus détaillée comment vous percevez l'accord que le fédéral a conclu avec Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. Croyez-vous que cet accord nous fait plonger plus profondément dans le déséquilibre fiscal, étant donné que la péréquation doit mener à une égalité entre les provinces? Je voudrais savoir si cet accord augmente l'écart attribuable au déséquilibre fiscal, en fin de compte.
[Traduction]
M. Ronald Watts: Je ne connais pas vraiment tous les détails de cet arrangement.
Ce qui me préoccupe davantage cependant, c'est qu'une fois que l'on aboutit à des jugements ad hoc, les divers ordres de gouvernement ne finissent jamais de présenter un plaidoyer spécial, etc. Il me semble que ces arrangements soulèvent la question du plaidoyer spécial d'autres provinces qui prétendent qu'elles sont maintenant désavantagées par ces arrangements.
Lorsque vous demandez si cela mène au déséquilibre fiscal, je ne suis pas sûr de ce que vous sous-entendez quant à la façon d'évaluer le déséquilibre. Il me semble que dans une certaine mesure, cela diminue théoriquement le déséquilibre fiscal, vu que des fonds plus importants sont versés aux gouvernements provinciaux. Je ne pense pas que la question en soit seulement une de degré du déséquilibre. Il se pose également la question du déséquilibre horizontal—en d'autres termes, comment l'équilibre entre les diverses provinces est-il touché par de telles résolutions?
[Français]
Le président: J'ai une question complémentaire à vous poser, professeur Watts. L'entente avec Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse donnera environ 2,8 milliards de dollars à ces deux provinces au cours de dix prochaines années, dont un premier paiement de 2 milliards de dollars immédiatement.
La valeur de cette entente par personne est d'environ 3 600 $ ou 3 800 $. Il y a trois semaines, presque un mois maintenant, nous étions à Toronto. M. Sorbara, qui est ministre des Finances de l'Ontario, a dénoncé cet accord. Il disait qu'avec cet accord, la capacité fiscale de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse dépassait maintenant la capacité fiscale, par personne, de l'Ontario.
La conclusion est que cet accord particulier a déstabilisé les objectifs de la péréquation et augmenté le déséquilibre horizontal, entre les provinces. Est-ce que vous êtes d'accord sur cet énoncé?
[Traduction]
M. Ronald Watts: Effectivement, c'est ce que j'essayais de dire plus tôt, mais peut-être n'ai-je pas été assez clair. Dans un certain sens, c'est ce qui diminue le déséquilibre vertical, parce que les provinces disposent de plus de fonds, mais la façon dont ils sont remis semble avoir eu un effet déstabilisateur. C'est ce qui me préoccupe au sujet de ce que j'appelle une solution d'exception.
Ce n'est pas parce qu'il n'est pas souhaitable d'atténuer les problèmes de Terre-Neuve ou de la Nouvelle-Écosse, mais plutôt parce qu'il faut envisager la question de façon systématique pour savoir ce que cela signifie pour toutes les provinces, au lieu de simplement traiter avec chacune des provinces en fonction de leur situation particulière.
Je pense donc que vous exposez d'une façon différente ce que j'essayais de dire.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Madame Wasylycia-Leis, vous avez trois minutes s'il vous plaît.
[Traduction]
Mme Judy Wasylycia-Leis: À cet égard, la province de l'Ontario a-elle un argument légitime lorsqu'elle parle de son manque à gagner de 23 milliards de dollars, et comment faudrait-il traiter maintenant de cette question? Compte tenu du fait que des ententes satisfaisantes ont été conclues avec Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, comment régler cette situation avant d'arriver au point où il faudra de nouveau négocier un nouveau programme, une nouvelle formule, peut-être avec l'avis d'experts? Comment traiter maintenant de cette question de manière à éviter que tout ne se défasse et que l'on ne puisse plus rien arranger?
» (1745)
M. Robin Boadway: C'est une question très difficile. Je crois que l'Ontario a un argument valable—tout comme d'ailleurs toutes les autres provinces. Je dirais que les provinces du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et du Manitoba---qui n'ont pas de ressources et qui peuvent se retrouver perdantes en raison de ces négociations qui vont peut-être avoir un effet sur le montant de péréquation---ont un argument encore plus convaincant.
Je crois que l'Ontario a un bon argument. Le fait est que cette entente va faire de Terre-Neuve-et-Labrador une province « nantie » sans pour autant être reconnue comme telle, puisqu'elle va conserver tous ses paiements de péréquation.
Ce qui va arriver n'est pas entièrement clair et j'imagine que le groupe d'experts va devoir véritablement s'attaquer à ce problème. Si c'est un fait accompli sur lequel on ne peut revenir, ce qui est probablement le cas, je crois qu'à tout le moins, cette solution ne devrait pas compromettre les versements dont devraient bénéficier d'autres provinces dans le cadre du système de péréquation.
Je pense personnellement que si l'on veut mettre en place un bon système de péréquation qui traite toutes les provinces équitablement, il faudrait qu'il soit le plus global possible; il faudrait englober 100 p. 100 de tout, y compris, les ressources; il faudrait calculer les versements de péréquation; si l'on veut ensuite accorder un traitement particulier pour les ressources en fonction d'incitatifs ou d'autre chose, ce traitement devrait être hors bilan. Même si selon moi, il ne faudrait pas retenir cette solution pour commencer, elle ne devrait pas toucher le montant des versements au titre de la péréquation qui revient aux autres provinces qui n'ont pas la chance d'avoir l'avantage inattendu de telles ressources.
M. Ronald Watts: Je suis dans l'ensemble d'accord avec M. Boadway et c'est la raison pour laquelle je demande instamment que l'on traite de ces questions systématiquement plutôt que sur une base empirique.
Mme Judy Wasylycia-Leis: S'il y avait...
[Français]
Le président: Il ne vous reste que quelques secondes, madame Wasylycia-Leis.
[Traduction]
Mme Judy Wasylycia-Leis: Si vous permettez, j'aimerais revenir sur ce qu'a dit Robin Boadway à propos de l'origine du problème, qui s'explique en partie par le budget libéral de 1995.
Je ne dirais pas, avec tout le respect que je dois à mon collègue libéral—je crois qu'il le sait et nous le savons tous—que certains des problèmes sont survenus par suite de ce budget. Je pense que le déséquilibre fiscal a véritablement commencé à ce moment-là, lorsque le gouvernement fédéral a diminué de façon arbitraire les transferts en matière de santé et d'éducation, à hauteur de 6,2 milliards de dollars, s'est débarrassé du Régime d'assistance publique du Canada et a commencé à jouer avec l'AE.
Dans tous ces domaines où la demande avait augmenté de manière significative, le gouvernement fédéral s'est déchargé de beaucoup de ses responsabilités sur les provinces. De plus en plus de gens ont dû se tourner vers l'assistance sociale dont la responsabilité revient entièrement aux provinces. Aucune des économies réalisées à même le fonds AE n'a été réorientée pour aider les provinces. Les 45 ou 46 milliards de dollars sont toujours là. En plus, le gouvernement fédéral commence à proposer des projets « boutique » qui ne sont accessibles que si les provinces versent en contrepartie une somme égale aux fonds versés par le fédéral. C'est la pagaille, un cercle vicieux.
Je viens de dire ce que j'ai pensé et je me demande si vous avez des observations à faire à cet égard?
[Français]
Le président: Vous avez dépassé largement le temps qui vous était alloué. Peut-être M. Boadway veut-il faire un commentaire.
[Traduction]
M. Robin Boadway: Je pense que nous avons déjà abordé ces questions, mais je suis d'accord.
[Français]
Le président: Les membres du comité réunis autour de cette table seraient probablement intéressés à entendre de nouveau une de vos réponses qui m'a en quelque sorte mis la puce à l'oreille. Vous dites qu'il faudrait conclure des accords sur les ressources naturelles, mais qu'il ne faudrait pas que ces accords réduisent le montant des paiements de péréquation obtenus par les autres provinces. Comment peut-on faire cela dans un contexte où, premièrement, on a signé un accord avec Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse en vertu duquel, même si des dividendes étaient versées sur les ressources pétrolières extracôtières, notamment au gouvernement de Terre-Neuve, cela n'affectera pas la péréquation? Deuxièmement, la péréquation est plafonnée à un montant de 10 milliards de dollars, ce qui correspond aux versements de 2001-2002, si ma mémoire est bonne, et elle est indexée à un taux de 3,5 p. 100.
Alors, si on donne un tel avantage à deux provinces, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse, cela veut dire qu'elles recevront en réalité un montant plus important, en termes réels, au titre de la péréquation que ce qu'elles auraient obtenu autrement, sans un tel accord. Cela veut donc dire que les autres provinces bénéficiaires recevront moins, en termes réels, que le montant auquel elles auraient eu droit, puisque le montant est plafonné à 10 milliards de dollars et indexé à un taux de 3,5 p. 100.
Alors comment pourrait-on imaginer un système où il n'y aurait pas de vases communicants alors que les montants, bien qu'ils soient indexés en fonction de l'inflation, sont plafonnés?
» (1750)
[Traduction]
M. Robin Boadway: D'après ce que je comprends, les fonds qui vont revenir à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador conformément à ces accords offshore ne devraient pas provenir---et ne vont pas provenir---des 10,9 milliards de dollars prévus aux termes des paiements de péréquation. C'est ce que je comprends.
Toutefois, l'autre question c'est de savoir si l'existence de ces accords devrait influer sur la façon dont les 10,9 milliards de dollars sont répartis entre toutes les provinces démunies. Si le gouvernement respectait la promesse à la lettre, la formule ne devrait pas désavantager Terre-Neuve-et-Labrador ni la Nouvelle-Écosse, lorsqu on en arrivera au calcul de leurs droits. J'imagine que c'est la réponse que je donnerais. Peu importe la façon dont on aborde la question, ces provinces ont conclu une entente favorable par rapport à celles qui n'ont pas la chance de disposer de telles ressources.
[Français]
Le président: Il ne me reste plus qu'à vous remercier, monsieur Boadway et professeur Watts, pour vos deux excellentes présentations. Vous avez présenté des textes impeccables. Au nom de tous mes collègues, je vous remercie de votre contribution à cet important débat. Vous avez éclairé nos lanternes sur ce qui se passe un peu partout dans le monde en la matière.
Encore une fois, nous nous excusons du retard d'une heure et quart attribuable à des circonstances qui échappaient à notre contrôle.
Merci infiniment et à la prochaine.
La séance est levée.