SMFJ Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité sur le processus de nomination à la magistrature fédérale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 15 novembre 2005
¹ | 1530 |
Le président (M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ)) |
L'hon. Constance Glube (auparavant juge en chef de la Nouvelle-Écosse, à titre personnel) |
¹ | 1535 |
Le président |
M. Vic Toews (Provencher, PCC) |
L'hon. Constance Glube |
M. Vic Toews |
¹ | 1540 |
L'hon. Constance Glube |
M. Vic Toews |
L'hon. Constance Glube |
M. Vic Toews |
L'hon. Constance Glube |
M. Vic Toews |
L'hon. Constance Glube |
M. Vic Toews |
L'hon. Constance Glube |
M. Vic Toews |
L'hon. Constance Glube |
M. Vic Toews |
L'hon. Constance Glube |
M. Vic Toews |
L'hon. Constance Glube |
M. Vic Toews |
L'hon. Constance Glube |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ) |
¹ | 1545 |
L'hon. Constance Glube |
M. Marc Lemay |
L'hon. Constance Glube |
M. Marc Lemay |
L'hon. Constance Glube |
M. Marc Lemay |
L'hon. Constance Glube |
M. Marc Lemay |
L'hon. Constance Glube |
M. Marc Lemay |
L'hon. Constance Glube |
M. Marc Lemay |
L'hon. Constance Glube |
M. Marc Lemay |
¹ | 1550 |
L'hon. Constance Glube |
M. Marc Lemay |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD) |
L'hon. Constance Glube |
M. Joe Comartin |
L'hon. Constance Glube |
M. Joe Comartin |
L'hon. Constance Glube |
M. Joe Comartin |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.) |
L'hon. Constance Glube |
L'hon. Paul Harold Macklin |
¹ | 1555 |
L'hon. Constance Glube |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Constance Glube |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Constance Glube |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Constance Glube |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Constance Glube |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Constance Glube |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Constance Glube |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Constance Glube |
L'hon. Paul Harold Macklin |
º | 1600 |
L'hon. Constance Glube |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Le président |
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC) |
L'hon. Constance Glube |
M. Rob Moore |
º | 1605 |
L'hon. Constance Glube |
M. Rob Moore |
L'hon. Constance Glube |
M. Rob Moore |
L'hon. Constance Glube |
M. Rob Moore |
L'hon. Constance Glube |
M. Rob Moore |
L'hon. Constance Glube |
M. Rob Moore |
L'hon. Constance Glube |
M. Rob Moore |
L'hon. Constance Glube |
M. Rob Moore |
Le président |
M. Joe Comartin |
º | 1610 |
L'hon. Constance Glube |
M. Joe Comartin |
L'hon. Constance Glube |
M. Joe Comartin |
L'hon. Constance Glube |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
L'hon. Constance Glube |
M. Joe Comartin |
L'hon. Constance Glube |
º | 1615 |
M. Joe Comartin |
L'hon. Constance Glube |
M. Joe Comartin |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Constance Glube |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Constance Glube |
L'hon. Paul Harold Macklin |
º | 1620 |
L'hon. Constance Glube |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Constance Glube |
Le président |
L'hon. Constance Glube |
Le président |
Le président |
M. Patrick Monahan (doyen, Osgoode Hall Law School, Université York, à titre personnel) |
º | 1630 |
Le président |
M. Patrick Monahan |
º | 1635 |
Le président |
M. Vic Toews |
M. Patrick Monahan |
º | 1640 |
M. Vic Toews |
M. Patrick Monahan |
M. Vic Toews |
M. Patrick Monahan |
Le président |
M. Marc Lemay |
M. Patrick Monahan |
º | 1645 |
M. Marc Lemay |
M. Patrick Monahan |
M. Marc Lemay |
M. Patrick Monahan |
M. Marc Lemay |
M. Patrick Monahan |
M. Marc Lemay |
M. Patrick Monahan |
M. Marc Lemay |
M. Patrick Monahan |
º | 1650 |
M. Marc Lemay |
Le président suppléant (M. Vic Toews) |
M. Joe Comartin |
M. Patrick Monahan |
M. Joe Comartin |
M. Patrick Monahan |
M. Joe Comartin |
M. Patrick Monahan |
M. Joe Comartin |
º | 1655 |
M. Patrick Monahan |
M. Joe Comartin |
M. Patrick Monahan |
M. Joe Comartin |
M. Patrick Monahan |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
» | 1700 |
M. Patrick Monahan |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Patrick Monahan |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Patrick Monahan |
» | 1705 |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Patrick Monahan |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Le président |
M. Rob Moore |
Le président |
M. Rob Moore |
M. Patrick Monahan |
M. Rob Moore |
» | 1710 |
M. Patrick Monahan |
M. Rob Moore |
M. Patrick Monahan |
M. Rob Moore |
M. Patrick Monahan |
» | 1715 |
Le président |
CANADA
Sous-comité sur le processus de nomination à la magistrature fédérale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 15 novembre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1530)
[Français]
Le président (M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ)): Bonjour et bienvenue à cette neuvième séance du Sous-comité sur le processus de nomination à la magistrature fédérale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile.
Nous avons l'honneur d'avoir parmi nous Mme Constance Glube, qui était auparavant juge en chef de la Nouvelle-Écosse. Elle nous présentera son point de vue.
Vous disposez, Votre Honneur, de dix minutes environ pour faire un premier énoncé. Par la suite, les membres du comité disposeront de sept minutes chacun pour vous poser les questions.
Sans plus tarder, je vous cède la parole.
[Traduction]
L'hon. Constance Glube (auparavant juge en chef de la Nouvelle-Écosse, à titre personnel): Merci beaucoup. J'apprécie cette invitation à me joindre à vous cet après-midi.
J'aimerais commencer par vous dire que le fait que je sois de la Nouvelle-Écosse colore peut-être mon point de vue sur la question qui nous occupe. Les différentes préoccupations ou les éléments que je juge importants peuvent être teintés de ce fait de nuances différentes.
Je comparais ici devant un comité politique, peut-on dire, mais j'aimerais vous demander tout d'abord de retrancher les considérations politiques de la nomination des juges, car je trouve que si les comités font bien leur travail, ils s'efforcent de proposer les meilleurs candidats possibles aux postes à combler.
Est-ce que les meilleurs sont nommés? Malheureusement, je crois que ce n'est souvent pas le cas. Mon objection, c'est que si l'on va continuer à avoir la rubrique « hautement recommandé », pourquoi choisit-on une personne dans la liste des personnes « recommandées » et non celle des personnes « hautement recommandées ». C'est un problème.
D'aucuns disent que les besoins de la cour devraient être pris en compte aux fins des nominations. En tant que juge en chef, il arrivait que l'on me consulte en indiquant qu'il pouvait y avoir des considérations de sexe, d'appartenance ethnique ou d'origine géographique. J'ai certainement conscience de ces facteurs, mais je suppose que je n'ai jamais eu le sens politique car, bien que j'aie suggéré divers noms de personnes particulièrement compétentes, ce n'est jamais celles-ci qui étaient nommées.
Je peux le dire aujourd'hui. Je ne pouvais pas le dire lorsque j'étais juge, mais je peux le dire maintenant que je ne le suis plus. Je trouvais que l'on ne désignait pas toujours les plus aptes. Nous avions deux personnes sur la liste en permanence pendant que j'occupais la fonction, et elles n'ont jamais été nommées. Pourtant, c'était les meilleurs avocats de notre collectivité. Aussi, même moi, je ne comprends parfois pas le processus.
Si vous n'allez pas nommer les juges à partir de la liste « hautement recommandés », alors il ne faut pas utiliser cette expression. Autant avoir les candidats « recommandés » et les « non recommandés ». Il faudrait pouvoir dire, lorsque la nomination est annoncée dans le journal: « C'est un excellent choix ». Il faudrait être en mesure de dire cela, et je ne crois pas ce que soit le cas toujours.
Nous avons eu de la chance. Nous avons eu des juges nommés qui n'étaient pas au niveau requis mais qui ont travaillé très fort pour se hisser jusque là. Mais ce n'est pas ainsi que cela devrait se passer. Il faudrait nommer les meilleurs à la magistrature.
Il y a aussi quelques préoccupations concernant la composition actuelle des comités de présélection. Il faudrait assurer une représentation géographique. Nous avons un seul comité en Nouvelle-Écosse, en raison de la taille réduite de la province, et il n'y a pas toujours la représentation géographique voulue, car il faut avoir des membres à ce comité qui connaissent les avocats des petites localités. Nous ne connaissons pas toujours les avocats qui exercent dans les petites localités.
On peut considérer aussi que le mandat de deux ans des membres du comité est trop court. Les nominations tardent parfois. Il est arrivé qu'un mandat expire en juin et que la nomination ne soit faite qu'en novembre. Ensuite, il y a un arriéré de candidats qui se sont déclarés, ce qui fait que le comité a beaucoup de travail. Les membres ne sont pas rémunérés, comme vous le savez, et peut-être ne leur donne-t-on pas assez de crédit pour le travail qu'ils abattent. Le mandat des membres du comité, m'a-t-on dit, devrait être le même que celui des juges à nommer. Si c'est un mandat de deux ans, il devrait être le même. Mais d'aucuns pensent qu'il devrait être au moins de trois ans.
Une autre préoccupation sont les critères de nomination des non-juristes, car il y a beaucoup de variations. Parfois, les membres profanes sont excellents, mais parfois ils ne sont pas pleinement fonctionnels. Ils doivent être en mesure de s'exprimer. Ils doivent pouvoir former un avis sur les avocats et pouvoir gérer les contacts avec les références lorsqu'on leur demande de prendre ces contacts.
Comme je l'ai dit, ils ne sont pas rémunérés. Ils consacrent beaucoup de temps à ce travail. Ils n'en retirent aucune reconnaissance, sauf si le président du comité prend la peine de leur écrire une jolie lettre, mais c'est tout. On devrait leur préciser la charge de travail qui les attend avant de les nommer au comité, car parfois certains pensent que c'est un comité facile. Ce n'est pas un comité facile si vous avez beaucoup de candidats.
¹ (1535)
Je suppose que la question est de savoir s'il faudrait leur verser ou non des honoraires.
La confidentialité est un vaste problème. J'ai parlé à quelques membres et leur point de vue était que les noms ne viennent pas du comité, ils viennent d'Ottawa, que les noms sur la liste n'ont pas été choisis dans le comité et pas dans la provinces, mais viennent d'Ottawa.
Je dirais que, dans l'ensemble, le système fonctionne raisonnablement bien, le processus est raisonnablement bon et le comité y consacre beaucoup d'effort et de temps.
J'ai indiqué au début qu'il fallait retrancher la politique. Je me suis débattu moi-même avec la question de savoir s'il faudrait recourir ou non à des entretiens. J'ai siégé au comité judiciaire pour la désignation du juge en chef de la cour provinciale. Comme juge en chef, c'était pour moi un poste statutaire. Nous avons eu des entretiens avec les candidats au poste de juge en chef. Cela fonctionnait bien et il n'y a pas eu de problème. Nous ne posions pas de questions politiques. Les entretiens étaient totalement confidentiels, mais ils permettaient de rencontrer la personne et de se faire une idée.
Peut-être faudrait-il dresser une liste de questions à leur poser, mais je pense que l'on pourrait mettre au point un mécanisme permettant de rencontrer effectivement les candidats. Le comité ne pourrait certainement pas avoir un entretien avec tous les candidats, mais une fois qu'il s'agit d'établir la liste restreinte que l'on va adresser au ministre, peut-être faudrait-il un entretien préalable. On peut ainsi se faire une meilleure idée de la personne et de sa personnalité.
Je n'ai pas grand-chose d'autre à ajouter dans cet exposé liminaire. Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Toews.
[Traduction]
M. Vic Toews (Provencher, PCC): Merci.
Je remercie le témoin d'être venu nous rencontrer.
J'aimerais revenir sur quelques remarques que vous avez faites. Pour ce qui est de l'idée d'avoir des entretiens, il me semble que ce serait positif. Nous avons l'habitude, dans un tribunal, de scruter les témoins. Non seulement écoutons-nous ce qu'ils disent, mais nous regardons aussi comment un témoin réagit face aux questions. Il me semble que si l'on doit maîtriser ces ficelles du métier dans les interrogatoires de témoins en tribunal, la moindre des choses est de soumettre au même procédé les personnes qui vont devoir formuler ce genre de jugement sur les témoins.
J'admets donc qu'il pourrait bien y avoir des avantages à rencontrer face à face les candidats. Avez-vous d'autres commentaires à nous faire à ce sujet?
L'hon. Constance Glube: Comme je l'ai dit, j'y ai beaucoup réfléchi, car je ne sais pas si c'est une proposition raisonnable ou non. Je suis sûre que beaucoup de gens vous diront qu'il ne faut pas le faire, mais pour ma part j'ai conclu que ce serait bénéfique.
Je n'ai témoigné qu'une fois en tribunal, en fait. Cette comparution ici est la deuxième fois que je joue le rôle de témoin, où que ce soit, et ce n'est pas facile. Votre estomac tressaille un peu lorsque vous n'y êtes pas habitué, mais ce n'est pas mauvais qu'un candidat à un poste de juge ressente cela, comme vous l'avez dit.
Je pense simplement qu'il faut faire très attention avec le genre de questions que l'on pose. Vous ne pouvez commencer par leur demander s'ils sont pour l'avortement ou s'ils ont tel ou tel avis sur le VIH ni rien du genre, des sujets sur lesquels ils peuvent être amenés à se prononcer en tribunal. Les questions ne peuvent que porter sur leur personne, leur personnalité. Ce ne serait pas un entretien poussé.
M. Vic Toews: Pour passer à un autre sujet — car nous disposons d'un temps limité, ici, comme vous l'imaginez — vous recommandez qu'il n'y ait plus que les deux catégories, recommandé ou non recommandé. Cela paraît plein de bon sens, car je pense de même. Il suffit de monter un peu la barre pour décider qui l'on recommande et ne recommande pas. Si vous êtes sur la liste des candidats recommandés, il y a tendance à se demander pourquoi quelqu'un sur la liste des hautement recommandés n'est pas choisi. Je pense que cela entraîne toutes sortes d'interrogations dérangeantes et déplaisantes.
En ce qui concerne le classement des candidats, dans un témoignage précédent on nous a dit que dans certains comités — je ne me souviens plus si c'est tous les comités fédéraux ou seulement quelques-uns — il est possible pour un membre du comité de bloquer une candidature, que ces comités fonctionnent par consensus et que si un membre refuse simplement de recommander une personne donnée, c'est la fin des espoirs de ce candidat. Avez-vous connaissance de cela?
¹ (1540)
L'hon. Constance Glube: Pas personnellement.
M. Vic Toews: Nous ne sommes pas astreints aux règles du ouï-dire non plus, ici.
L'hon. Constance Glube: Pardonnez-moi? Vous n'êtes pas astreints à ces règles?
M. Vic Toews: Non.
L'hon. Constance Glube: Je n'ai jamais siégé dans l'un de ces comités. J'avais toujours à connaître de la nomination du juge qui allait représenter la magistrature. Mais je n'y ai jamais siégé. Avant de venir ici, j'ai parlé à plusieurs personnes qui y ont siégé, mais je n'ai pas pensé à leur poser cette question.
Nous avons connu un incident sérieux en Nouvelle-Écosse il y a quelques années, où une personne n'avait pas été recommandée et le nom a été remis sur la liste par ordre de quelqu'un. La personne a donc été recommandée et le juge qui siégeait à ce comité a donné sa démission de ce fait. C'était un vote majoritaire, et non le fait d'une seule personne.
M. Vic Toews: Très bien. Cela nous amène à une autre situation, celle où un candidat qui n'a pas été recommandé fait l'objet d'une reconsidération, est soudainement remis sur la liste et finit pas devenir juge.
L'hon. Constance Glube: Oui, c'est une nomination.
M. Vic Toews: Je connais très bien ce genre de situation. Je me suis toujours demandé ce que doit penser le comité du processus lorsque cela arrive. À mon avis, la seule explication possible, c'est qu'il y a eu une instruction politique.
L'hon. Constance Glube: Ce n'est pas possible autrement.
Comme je l'ai dit, ce juge a démissionné du comité. Le comité a recommencé tout le processus et lorsque des membres du comité ont changé d'avis, le juge a démissionné.
M. Vic Toews: Je ne suis pas préoccupé par une intervention politique dans le processus de nomination et pas opposé à ce que le ministre parle directement aux membres du comité, surtout s'il a un besoin particulier, par exemple d'un juge bilingue dans une région donnée ou de quelqu'un ayant une compétence technique particulière, par exemple en droit commercial ou en droit pénal.
Avez-vous une objection à ce que le ministre dise au comité qu'il recherche plus particulièrement des candidats ayant tels ou tels antécédents, même si nous n'avons pas des juges spécialisés au Canada?
L'hon. Constance Glube: Je pense que cela finira par se faire au Canada, dans nos cours supérieures et tribunaux de première instance, surtout du côté pénal. On réclame cela un peu partout dans le pays.
Je ne savais pas que le ministre pouvait dire cela. Je pensais bien que le ministre rencontrait les comités avant qu'ils commencent à se réunir au début de leur mandat, mais je ne savais pas qu'il existait une influence de cette sorte.
C'est le genre de questions que l'on me soumettait parfois lorsque j'étais juge en chef, lorsqu'on m'appelait avec une liste de noms. On ne me donnait jamais un nom seulement; on m'appelait toujours pour me demander ce que je pensais de trois ou quatre noms. Je répondais.
M. Vic Toews: Je ne dis pas que cela se passe dans le contexte fédéral. Je sais que cela se passe dans le contexte provincial. Voyez-vous quelque chose de mal à ce que le ministre donne ce genre de lignes directrices au comité?
L'hon. Constance Glube: Comment le ministre sait-il ce dont la cour a besoin dans la province concernée? Je ne vois pas très bien.
M. Vic Toews: Par exemple, s'il n'y a pas de juge bilingue siégeant à ce tribunal, il existe certaines obligations constitutionnelles évidentes de combler ce besoin.
L'hon. Constance Glube: À condition que ce soit une instruction générale, plutôt qu'un nom bien précis.
M. Vic Toews: Je comprends.
Pour résumer rapidement, vous n'avez pas d'objection à ce que ce genre de normes ou critères objectifs soient demandés par le ministre, à condition, bien entendu, que cela ne limite pas le choix à une seule personne.
L'hon. Constance Glube: Exactement.
M. Vic Toews: D'accord.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Toews.
Maître Lemay.
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Merci.
Bonjour, madame. Je suis très intéressé par les remarques que vous avez faites. Je pense qu'elles sont extrêmement pertinentes. Je suis définitivement d'accord pour qu'il y ait un comité apolitique; je pense que c'est essentiel. Ça va?
¹ (1545)
[Traduction]
L'hon. Constance Glube: Oui.
[Français]
M. Marc Lemay: Ai-je bien compris que vous seriez d'accord pour qu'il n'y ait qu'une seul catégorie, c'est-à-dire « recommandé et non recommandé »?
[Traduction]
L'hon. Constance Glube: Oui, une catégorie: soit la personne est recommandée, soit elle ne l'est pas. Si vous n'allez pas choisir dans la liste des candidats hautement recommandés, pourquoi en avoir une? Si vous n'allez choisir que dans celle-ci, même chose. Une seule catégorie est réellement nécessaire. POurquoi prendra la peine de dresser deux listes? Je dis qu'il ne faut pas choisir à partir de la catégorie inférieure.
[Français]
M. Marc Lemay: D'accord. Là-dessus, on se rejoint sans problème. Vous avez glissé un mot sur la confidentialité par rapport à l'audition. Je voudrais bien voir une audition des témoins.
Êtes-vous d'accord également pour que le comité entende les candidats?
[Traduction]
L'hon. Constance Glube: À l'occasion d'un entretien? Oui, je préconise cela. Mais je pense que l'entretien doit être soigneusement contrôlé afin qu'il ne soit pas question des jugements que le candidat rendrait vis-à-vis d'un sujet donné. Il s'agirait de poser des questions plus générales sur la personne et ses antécédents, mais non pas des questions précises sur ses convictions en matière de légalité ou les jugements qu'il pourrait rendre sur une affaire donnée.
[Français]
M. Marc Lemay: D'accord.
Je ne connais pas le processus de nomination des juges de juridiction provinciale en Nouvelle-Écosse. Y a-t-il un comité pour la nomination des juges de juridiction provinciale en Nouvelle-Écosse?
[Traduction]
L'hon. Constance Glube: Oui.
[Français]
M. Marc Lemay: Savez-vous comment il fonctionne?
[Traduction]
L'hon. Constance Glube: Je ne sais pas exactement comment il fonctionne. Je connais le mécanisme de nomination du juge en chef. Il existe un comité qui comporte des non-juristes, des magistrats et des avocats du barreau, et un membre de la cour provinciale. Ceux qui aspirent à devenir juge en chef peuvent se porter candidats.
À ma connaissance, on annonce les postes de juge de la cour provinciale de Nouvelle-Écosse. Lorsqu'on a besoin d'un juge, on constitue un comité de nomination. À ma connaissance, les intéressés se portent candidats et passent une entrevue.
[Français]
M. Marc Lemay: Je suis d'accord avec vous. C'est exactement la même chose au Québec; on a le même genre de système. Quand un poste est vacant, on fait un appel de candidatures et il y a des entrevues.
Croyez-vous que ce serait une bonne chose d'en faire autant dans ce cas-ci?
[Traduction]
L'hon. Constance Glube: Je n'y vois pas de mal. Je pense que ce serait raisonnable.
Comme vous le savez, à l'heure actuelle, les intéressés se portent candidats, leur nom reste sur la liste pendant un certain temps et, à l'expiration du délai, il faut renouveler sa candidature. Il ne survient pas nécessairement une vacance pendant les deux années — ou quelle que soit la durée — de validité de la liste. Je n'ai rien contre l'obligation de se porter candidat.
[Français]
M. Marc Lemay: Ai-je bien compris que vous avez dit tout à l'heure qu'il pouvait arriver, dans le système actuel, que la candidature d'un candidat non recommandé soit revue à la demande de quelqu'un?
[Traduction]
L'hon. Constance Glube: Oui, c'est arrivé en Nouvelle-Écosse.
[Français]
M. Marc Lemay: Cela s'est déjà produit en Nouvelle-Écosse.
J'ai une dernière question à vous poser. Vous avez établi — et je crois être d'accord avec vous — que la confidentialité est un principe fondamental.
Comment fait-on pour juger ou établir la confidentialité alors qu'on parle d'une entrevue ou d'une rencontre avec les candidats? Comment voyez-vous l'équilibre entre les deux? Comprenez-vous ma question?
¹ (1550)
[Traduction]
L'hon. Constance Glube: À quel niveau intervient la confidentialité? C'est au niveau du comité. Il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas de fuites au niveau du comité.
Ce comité appelle des personnes qui sont... comment les appelez-vous? Si vous vous portez candidat et donnez le nom d'une personne que l'on peut appeler pour poser des questions sur vous, à ma connaissance, il n'y aucune obligation pour cette autre personne. Un membre du comité est invité à appeler Jean Dupont et il lui indique le nom de la personne qui l'a donné en référence et lui pose des questions, mais il n'y aucune obligation pour cette personne de garder le nom confidentiel. Peut-être faudrait-il l'imposer, car les noms finissent par sortir dans le public et se retrouvent dans la presse et les gens... Ce n'est pas très agréable d'avoir son nom dans la presse et ensuite de ne pas être choisi. C'est assez dur à avaler. Ce n'est pas très agréable non plus si vous connaissez tous les autres noms sur la liste, lorsqu'elle est censée être confidentielle. Je ne sais pas comment assurer la confidentialité.
[Français]
M. Marc Lemay: Merci.
Le président: Merci beaucoup, maître Lemay.
Monsieur Comartin, j'ai expliqué au départ que vous ne pouviez pas être ici à l'heure, alors votre retard a été excusé. Je peux vous laisser la parole ou, si vous désirez attendre, vous pourrez sauter dans l'arène quand vous le voudrez.
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Permettez-moi d'abord de poser une question.
[Traduction]
Madame le juge Glube, désolé d'être...
L'hon. Constance Glube: Non, ne dites pas madame le juge.
M. Joe Comartin: Je n'arrive pas à me défaire de l'habitude.
Veuillez excuser mon retard. Vous pouvez imaginer qu'il se passe d'autres choses qui parfois nous retiennent.
Pour ce qui est de toute la question de la confidentialité, je ne sais pas quelle est votre expérience en Nouvelle-Écosse, mais en Ontario, au niveau provincial, nous avons assez bien réussi à garder confidentiels les noms des candidats et de ceux retenus par le processus de sélection et qui attendent simplement une vacance. Voilà comment cela fonctionne en Ontario.
Savez-vous quel est le processus en Nouvelle-Écosse? Ou bien y a-t-il souvent des fuites au niveau des nominations provinciales?
L'hon. Constance Glube: Il n'y a certainement pas eu de révélations dans la presse. Vous pourrez entendre de petites rumeurs dans le milieu des juristes, ce qui montre qu'il y a probablement quelques fuites.
Nous sommes un petit milieu et les gens semblent savoir qui pourrait être candidat à divers postes. Comme je l'ai mentionné, il faut se porter candidat à la magistrature provinciale, comme dans la plupart des autres provinces. Il y a une annonce dans les journaux et on y répond. Mais ce n'est pas une grande affaire dans la presse. Les journalistes essaient de deviner qui pourrait être nommé à un poste fédéral lorsqu'une vacance se produit, mais on n'en parle pas au moment de la candidature car celle-ci peut être présentée à tout moment, qu'il y ait vacance ou non.
M. Joe Comartin: Je vois.
L'hon. Constance Glube: Je peux vous remettre les notes de mon exposé.
M. Joe Comartin: Merci.
Le président: Voilà encore quelque chose de confidentiel.
Monsieur Macklin.
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup.
J'apprécie la grande franchise dont vous faites preuve avec nous et le fait que vous disiez les choses telles que vous les voyez.
L'une des remarques liminaires que vous avez faites a éveillé mon attention, à savoir qu'aucune de vos recommandations n'a jamais été acceptée. J'ai trouvé cela très intéressant.
L'hon. Constance Glube: Je le dis avec beaucoup de tristesse.
L'hon. Paul Harold Macklin: Cependant, permettez-moi de creuser cela un peu, si vous le permettez.
Pensez-vous que le juge en chef devrait être en mesure d'influencer les nominations à la magistrature? Ou bien pensez-vous que cela devrait être l'apanage du pouvoir exécutif?
¹ (1555)
L'hon. Constance Glube: Je pense que le juge en chef devrait avoir son mot à dire s'agissant de définir le besoin de la cour. Si le tribunal a besoin d'une expertise donnée que ne possèdent pas les juges en place, je pense qu'il faut pouvoir le dire.
Hormis cela, non, je ne pense pas qu'il m'appartienne de décider qui va être nommé. Mais si vous confiez à quelqu'un que vous voyez deux personnes qui sont réellement les meilleurs candidats pour le poste et qu'aucune des deux n'est retenue, et que cela vous arrive deux ou trois fois de suite, vous commencez à vous demandez pourquoi? La seule conclusion que l'on peut tirer, c'est que c'est politique. Le choix effectué est politique et de ce fait les meilleurs candidats ne sont pas toujours choisis.
L'hon. Paul Harold Macklin: Vous nous transmettez ce message clair concernant votre province, et c'est intéressant de l'entendre car dans d'autres provinces on semble nous dire que l'on nomme des candidats de très haut mérite.
L'hon. Constance Glube: Cela tient à ce que je vous ai dit: nous sommes une petite collectivité.
L'hon. Paul Harold Macklin: Oui. C'est vrai, et cela engendre quelques difficultés.
L'hon. Constance Glube: Je pense que c'est un facteur.
L'hon. Paul Harold Macklin: Lorsque vous parlez de retrancher la politique, si je puis vous placer des mots dans la bouche, vous dites réellement que le problème n'est pas qu'un candidat ait un engagement politique — ou bien dites-vous que si quelqu'un a été membre d'un parti politique il faudrait ne pas trop s'intéresser à cette personne? Ou bien faudrait-il prévoir une période de restriction pendant laquelle le candidat doit renoncer à son appartenance, ou quelque chose de cette nature, avant de...
L'hon. Constance Glube: Non, nous n'avons pas eu de politiciens nommés à la magistrature, ni d'ex-politiciens. Ce n'est pas ce qui se passe. Ce qui se passe, c'est que des personnes étroitement associées aux politiciens obtiennent les postes; ce ne sont pas d'anciens politiciens. Et ce ne sont pas nécessairement non plus les meilleurs candidats, mais on sait parfois d'avance qui va être nommé lorsqu'on regarde la liste.
L'hon. Paul Harold Macklin: Et à quelle taille de liste êtes-vous accoutumée? Connaissez-vous la taille de la liste? Autrement dit, combien de noms figurent, mettons, sur la liste des hautement recommandés et des recommandés...?
L'hon. Constance Glube: Lorsque l'adjoint du ministre m'appelait, et c'était la seule occasion où j'apprenais les noms sur la liste, il y en avait souvent quatre ou cinq. Nous ne parlons pas...
L'hon. Paul Harold Macklin: C'est donc un nombre relativement faible.
L'hon. Constance Glube: Oui.
L'hon. Paul Harold Macklin: Avez-vous des préoccupations concernant la diversité ou la représentation de la collectivité au sein de la cour elle-même, et devrait-ce être une considération, une fois que l'on a établi le mérite?
L'hon. Constance Glube: Si vous pouvez établir le mérite, je pense que ce devrait effectivement être une préoccupation. J'ai été pendant 12 ans la seule femme de la cour, et c'est long. Évidemment, c'était dans les années 70, mais c'est néanmoins très long. On me disait parfois au téléphone: nous recherchons la diversité, y a-t-il quelqu'un sur la liste qui apporte de la diversité? Si je pouvais répondre oui, je le faisais certainement, à titre de juge en chef.
Mais la condition, c'est que le principe du mérite soit préservé, sinon cela ne marchera pas. Ce ne serait pas juste pour les personnes nommées, car ce sont elles qui vont souffrir.
L'hon. Paul Harold Macklin: L'autre volet, ce sont les juges déjà en place qui souhaitent être promus. Existe-t-il un système, à votre connaissance, par lequel on peut se porter candidat, ou pensez-vous qu'il serait inapproprié pour un juge en poste d'exprimer un intérêt à grimper dans les rangs de la magistrature?
L'hon. Constance Glube: À l'heure actuelle, je crois — mais je peux me tromper — qu'il leur suffit de donner leur nom pour figurer sur la liste, et ils ne font l'objet d'aucun examen s'ils siègent déjà dans la cour provinciale. Si c'est bien le cas, je pense qu'il faudrait quand même les soumettre à un examen, car ils ont une histoire, des antécédents que l'on peut examiner. Certains sont de bons juges et d'autres ne méritent pas d'être promus et il n'est pas vraiment juste que leurs noms soient placés sur la liste s'ils ne sont pas réellement qualifiés. Et parfois vous avez des juges qui ne sont pas qualifiés.
L'hon. Paul Harold Macklin: Vous avez dit tout à l'heure que nous allions vers la nomination de juges spécialisés, ou en tout cas qui s'intéressent à des domaines particuliers du droit. Pensez-vous aujourd'hui que ce devrait être un critère prépondérant de nomination des juges? Autrement dit, voyez-vous dans votre cour la nécessité de quelqu'un qui ait des connaissances spécialisées en droit de la faillite? Pensez-vous que ce serait...? Ou bien diriez-vous simplement au comité ou au ministre, selon le cas, que vous avez un besoin dans ce domaine et que vous aimeriez quelqu'un ayant des connaissances dans ce domaine?
º (1600)
L'hon. Constance Glube: Je préférerais la seconde façon, car j'ai toujours dit que nous sommes des généralistes. Il serait très difficile de vouloir, à moins d'avoir une cour assez nombreuse... Encore une fois, j'appartiens à une petite province. Nous avons une section familiale en Nouvelle-Écosse, pour une partie de la province. Nous aimerions bien en avoir une pour le reste, mais il faut modifier la loi avant que cela puisse se faire.
Depuis des années, le barreau pénal se bat pour que nous ayons une cour criminelle spécialisée, parce que lorsqu'on a supprimé la cour de comté, qui jugeait la plus grande partie des affaires pénales, sauf les procès par jury, en Nouvelle-Écosse — ces cours ne pouvaient pas faire les procès par jury — les avocats savaient quel juge ils allaient avoir et choisissaient leur tribunal en conséquence. Cela se fait partout. Nous le savons.
Je crois que les généralistes peuvent faire de très bons juges, mais si quelqu'un s'intéresse de plus près à un domaine particulier... L'un des meilleurs juges que j'ai connus était une personne qui avait pratiqué le droit commercial et il a fini par être un excellent juge de droit pénal car il a travaillé très fort pour le devenir.
Nous avons eu des juges dans notre cour qui n'avaient jamais été avocats en exercice — des professeurs, etc. — et cela présente toujours quelque difficulté. Certains s'adaptent merveilleusement, d'autres non. C'est un peu au hasard la chance. Mais dire que je veux spécifiquement un juge de faillite ou un juge commercial, non — je veux quelqu'un qui en sache un peu plus dans ces domaines, mais pas qui en fait sa pratique exclusive.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Macklin.
[Traduction]
L'hon. Paul Harold Macklin: Merci.
[Français]
Le président: Maître Moore, vous disposez de sept minutes.
[Traduction]
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC): Merci.
Vous avez dit avoir beaucoup réfléchi au processus de l'entretien et nous avons eu d'autres témoins ici qui ont traité de ce sujet — c'est intéressant — et nous avons vu comment d'autres juridictions, d'autres pays procèdent à cet égard.
Vous avez mentionné certaines questions qu'il ne faudrait pas poser, à votre avis. Mais que faudrait-il aborder dans un entretien. Que cherche-t-on à déterminer? J'allais vous demander cela de toute façon, mais vous avez aussi indiqué que les avocats choisissent les juges qu'ils préfèrent pour leurs procès parce qu'ils savent que tel ou tel, au fil de sa carrière, a acquis la réputation d'infliger certains types de peines. Certains sont peut-être réellement durs et d'autres plus coulants.
Est-ce que le comité devrait chercher à déterminer ce genre de choses chez les candidats? Quelle sorte de question un comité devrait-il poser, en supposant que l'on ait un entretien.
L'hon. Constance Glube: Eh bien, si vous allez tenir des entretiens, je n'aimerais pas que l'on commence à demander aux gens quelle peine ils imposeraient, car avant d'être juge, on ne peut prendre cette décision, il faut pour cela voir la personne en face de soi. Tout le monde est différent. Il faut espérer, à tout le moins, qu'un juge n'acquiert pas ce genre de réputation. Mais oui, je sais que certains l'acquièrent, et d'autres non.
Je pense que cela poserait de grosses difficultés si l'on commençait à demander aux candidats dans quel sens pencherait leur jugement. C'est le sujet qu'il ne faut pas aborder, à mon avis. Comment trancheriez-vous un cas d'euthanasie, ou quelque chose de cette nature? Cela ne marcherait pas.
Vous essayez de vous faire une petite idée de la personnalité du candidat et vous voyez s'il répond bien aux questions. C'est une mécanique intéressante, car je vous l'ai dit moi-même tout au début, je suis un peu nerveuse en comparaissant ici. Je pense qu'il est bon de ressentir un peu cette nervosité comme juge, car ainsi vous savez ce que ressent le justiciable en face de vous.
M. Rob Moore: D'accord, je peux admettre que c'est là un avantage, mais faut-il chercher à déterminer autre chose encore? Vous avez mentionné la personnalité. Cela est-il pertinent?
Je me demande ce que peut apporter un entretien, hormis ce que l'on peut lire sur le CV du candidat, ses antécédents, que tout le monde aura en main de toute façon. Supposons que quelqu'un soit mal à l'aise face aux questions. Mais le juge n'aura plus à répondre à des questions. Il écoutera les réponses aux questions posées au tribunal, mais ce n'est pas lui qui sera interrogé.
Aussi, quelles sont les réponses concrètes ou pertinentes que l'on rechercherait chez les candidats?
º (1605)
L'hon. Constance Glube: C'est là un aspect auquel je n'ai pas totalement réfléchi moi-même et je vous prie de m'en excuser. J'ai abordé le sujet, et ensuite je n'ai pas nécessairement de réponse à vous donner. Mais j'ai occupé des fonctions où j'embauchais des employés et les entretiens m'aidaient à prendre les décisions d'embauche, et je suis donc moi-même accoutumée car je faisais cela dans le passé.
Il n'est pas indispensable d'entrer dans le détail de ce qu'ils feraient dans telle ou telle situation, du moment que vous obtenez quelques réponses générales.
M. Rob Moore: Vous avez mentionné une chose, qui est justement l'une des raisons pour lesquelles je m'intéresse à ce comité — à savoir que la liste soit révélée. On sait alors qui est dans la course, les gens en parlent entre eux dans le milieu des juristes. Les gens se font des clins d'oeil et tout le monde sait peu ou prou qui est le favori pour cette nomination.
Je me demande... Aucune de vos recommandations n'a jamais été acceptée. Vous avait-on demandé de faire ces recommandations?
L'hon. Constance Glube: J'ai été juge en chef, nommée en 1982, jusqu'à fin 1994 et nous avons eu beaucoup de nominations au fil des ans.
M. Rob Moore: Je trouve cela tout à fait fascinant.
L'hon. Constance Glube: Je sais, c'est fascinant pour moi aussi.
M. Rob Moore: Rien que par la loi des probabilités, par le fait du hasard, on pourrait penser que quelqu'un...
L'hon. Constance Glube: Eh bien, je ne devrais pas dire jamais. Je suppose que j'en ai eu quelques-uns — un ou deux. Mais c'était très rare. Mais il se trouve que les personnes que j'estimais les plus qualifiées n'étaient pas choisies. Lorsqu'on me demandait qui sur la liste je recommandais, je nommais les personnes que j'estimais les plus qualifiées, et elles n'étaient pas nécessairement celles qui étaient retenues.
Bien sûr, lorsque j'ai été nommée moi-même, ce processus n'avait pas cours du tout. Je n'avais pas idée que je serais nommée avant d'avoir l'appel téléphonique qui me l'annonçait.
M. Rob Moore: Vous avez mentionné que les relations de politiciens... pas les politiciens eux-mêmes, mais des gens qui étaient proches...
L'hon. Constance Glube: Eh bien, peut-être même des politiciens eux-mêmes.
M. Rob Moore: ... obtiennent la nomination. Quel effet cela a-t-il sur les gens?
Je sais que vous avez parlé aux gens qui siègent dans ces comités. Vous dites qu'ils travaillent très fort, ne sont pas rémunérés, font cela bénévolement. Si vous avez fait tout ce travail, avez formulé des recommandations comme juge en chef, mais que c'est un candidat qui ne figure peut-être même pas sur la liste hautement recommandée qui est choisi, quel effet cela a-t-il sur les membres?
L'hon. Constance Glube: Je crois avoir mentionné que j'en connais au moins un qui a démissionné du comité pour cette raison, car ce n'est pas normal. C'est très difficile pour eux. Ils consacrent beaucoup d'effort à dresser des listes des meilleurs candidats. Cela ne signifie pas toujours que ceux-là vont être nommés, mais je crois que dans quelques cas cela peut être très dur à avaler pour le comité.
M. Rob Moore: Je vais vous poser une question très précise et si vous n'avez pas de réponse, très bien. C'est juste une idée.
Si, en fin de compte, le ministre nomme de toute façon la personne qu'il veut, pourquoi ne pas alors se passer de tout ce processus au lieu d'avoir tout un mécanisme bidon, alors que tout est déjà décidé d'avance?
Je ne veux pas cela. Je veux un mécanisme véritable où le travail du comité est apprécié, et que lorsque celui-ci recommande ou recommande hautement — si l'on se limite à deux catégories — cela ait vraiment du poids et que cette personne en fin de compte soit la plus susceptible d'être nommée.
Avez-vous des recommandations spécifiques à formuler pour faire en sorte que le travail du comité soit pris plus au sérieux et qu'il y ait moins de latitude concernant la nomination finale?
L'hon. Constance Glube: Non. Je suis désolée, je ne puis rien vous dire à ce sujet.
M. Rob Moore: Merci.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, maître Moore.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Merci encore.
[Traduction]
J'ai vécu cette expérience à bien des reprises dans ma région, où des avocats qui ne sont pas affiliés ou n'ont pas de proches affiliés au parti au pouvoir ne se portent même pas candidats. Cela reste courant par chez moi. Avez-vous vécu la même chose, à savoir que des gens qui, peut-être parce qu'ils sont identifiés avec l'un des partis qui n'est pas au pouvoir, ne prennent même pas la peine de poser leur candidature?
º (1610)
L'hon. Constance Glube: C'était certainement le cas dans le passé et cela existe encore dans une certaine mesure mais peut-être moins qu'auparavant. Mais il en était ainsi jadis. Ils baissent les bras et disent que cela ne sert à rien, qu'ils ne seront pas choisis. Certains vont se présenter quand même et laisser leur nom, mais après quelques temps ils abandonnent.
M. Joe Comartin: Je parlais avec des témoins précédents de ce qu'il faudrait faire, si l'on parvenait à améliorer le processus pour en retrancher la politique partisane, pour convaincre les candidats potentiels que c'est bien le cas. Comment s'y prendrait-on pour expliquer: « Voici ce que nous avons fait et avec ces changements notables nous sommes assurés que la politique partisane n'aura plus de rôle. Si vous n'êtes pas membre du parti politique au pouvoir, ne vous inquiétez pas, la nomination sera faite presqu'exclusivement, voire totalement, sur le mérite »?
L'hon. Constance Glube: Eh bien, si vous parvenez à faire cela, vous pourriez l'écrire dans une courte lettre qui irait aux personnes qui demandent le formulaire de candidature. Elle accompagnerait le formulaire de candidature, en indiquant la procédure et les changements dont vous pensez... quelque chose du genre. Quelqu'un coucherait cela par écrit pour que ce soit fait dans les règles.
Vous pourriez donner une conférence de presse le moment venu, ou décider d'un autre moyen, mais il est important que les gens le sachent.
Il est arrivé que des membres d'autres partis soient nommés, mais c'est très rare. C'est très, très rare. Lorsque cela arrive, c'est une surprise. Moi-même, j'étais une surprise, mais ils cherchaient alors une femme, il leur fallait en nommer une à cette époque.
M. Joe Comartin: Une autre possibilité qui a été évoquée et sur laquelle j'aimerais votre avis est la suivante: en sus de ce que l'on pourrait faire pour transmettre le message par voie de conférence de presse ou autrement, faudrait-il envisager un recrutement plus proactif, lorsqu'on sait qu'il existe des personnes prometteuses mais qui ne se sont pas portées candidates. Ce serait presque un peu comme font les chasseurs de têtes. Est-ce que les comités devraient avoir ce pouvoir, d'aller eux-mêmes susciter la candidature de gens qu'ils jugent prometteurs?
L'hon. Constance Glube: Ce serait intéressant. Moi-même, comme juge, si je connaissais quelqu'un que j'estimais beaucoup et que j'aurais voulu voir dans la magistrature, je déjeunais un jour avec cette personne et lui glissais: « Pourquoi ne vous présentez-vous pas votre candidature à la cour? » C'est tout ce que je pouvais dire, je ne pouvais aller plus loin. Je ne vois donc pas de mal à cela.
M. Joe Comartin: Me reste-t-il du temps?
[Français]
Le président: Oui.
[Traduction]
M. Joe Comartin: Madame le juge Glube, nous avons des renseignements intéressants sur ce qui fait en Israël et dans certains pays européens appliquant le code civil. Israël a un programme très intensif de formation de juges. Il y a une espèce de période de probation — je crois que c'est de six mois. C'est une sorte de stage. Il n'y a pas de garantie qu'au bout de six mois vous soyez nommé juge, mais vous devez passer par ce stage. Vous suivez une formation et vous jugez quelques procès.
L'hon. Constance Glube: Est-ce tout de suite à la sortie de l'université?
M. Joe Comartin: Il s'agit d'avocats en exercice, donc qui ont terminé leurs études depuis quelques temps.
Je ne sais pas si vous avez réfléchi à ce genre de choses, où il y aurait une plus grande intervention. Je sais que les juges peuvent disposer d'une formation après leur nomination, mais ici ce serait avant la nomination, ou du moins avant qu'ils soient confirmés.
L'hon. Constance Glube: Nous avons une formation, comme vous l'avez mentionné, mais elle ne suffit pas. Ce serait bien d'en avoir plus.
C'est une idée intéressante, mais ce serait bien, si, à la fin de cette formation, il pouvait y avoir au moins une maîtrise ou quelque chose du genre, afin que si vous n'obtenez pas le poste de juge vous en retiriez au moins quelque chose.
J'ai quelques réserves parce que je suis allée une fois en Pologne et j'y ai rencontré un certain nombre de juges qui sortaient tout droit de l'école. Ils fréquentaient l'école de juges et, à la sortie, ils étaient nommés. Je trouvais qu'ils n'avaient pas assez d'expérience, pas assez de maturité.
Je ne sais pas comment cela fonctionnerait, parce que ces stagiaires devraient pratiquement abandonner leur poste ou leur cabinet, et comment pourraient-ils se le permettre financièrement?
Je ne sais pas comment ils font en Israël. Je ne savais pas que cela se faisait. Je ne crois pas que cela se fasse pour toutes les cours, ou bien si?
º (1615)
M. Joe Comartin: Je ne sais pas. Nous ne sommes pas entrés dans tous ces détails.
Je pensais que cela pourrait fonctionner un peu comme chez les enseignants. Chez nous, si vous voulez devenir vice-principal ou principal, vous pouvez suivre une formation pour cela. Une fois que vous l'avez, vous faites acte de candidature, toujours sans garantie d'obtenir un poste.
L'hon. Constance Glube: Oui, je suppose qu'on pourrait faire cela, à condition que ce soit en dehors des heures ou à temps partiel. Ce serait intéressant.
M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Macklin.
[Traduction]
L'hon. Paul Harold Macklin: Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir au concept de comité et vous demander qui, à votre avis, devrait y siéger. Qui devrait figurer au comité qui fait la présélection des candidats? Pensez-vous qu'il devrait y avoir, par exemple, un ou plusieurs juges retraités?
Si tel est le cas, pensez-vous que leur influence risque de dominer le comité, et que l'on aurait ainsi beaucoup de mal à obtenir une participation de membres non juristes?
L'hon. Constance Glube: À ma connaissance, il n'y a qu'un seul juge au comité, et c'est un juge en exercice. Dans le passé, en Nouvelle-Écosse, ce juge n'était pas nécessairement le président du comité; il pouvait l'être, mais pas forcément.
Je dois dire qu'à un moment donné, lorsque j'étais juge en chef, on m'a demandé de proposer des noms pour le comité. On m'a demandé trois noms. J'ai refusé de donner trois noms; j'ai dit que je ne donnerais qu'un seul nom, et c'est ce que j'ai fait.
Un juge à la retraite pourrait être une personne intéressante à avoir dans le comité, mais il ne faudrait pas qu'il y ait plus d'un juge en exercice et un juge retraité. Tout dépend de la personnalité des intéressés. S'ils vont écraser les autres, c'est qu'ils auront une forte personnalité. Dernièrement, comme je l'ai dit, la seule préoccupation dont on m'ait fait part c'est qu'il fallait veiller à ce que les membres non juristes s'intéressent au droit, connaissent quelques avocats, connaissent quelques personnes dans les localités, et que l'on ne place pas là simplement une personne amie de quiconque sera nommé.
Je ne vois donc pas de problème à la présence d'un juge. Au contraire, il est important d'avoir un juge.
L'hon. Paul Harold Macklin: Lorsque vous dites que le non-juriste doit « connaître quelques avocats », voulez-vous dire par là qu'il sache ce qu'est le métier d'avocat et le caractère général de...?
L'hon. Constance Glube: Connaître des gens en général. Souvent, cette personne vient d'une région différente de la province — nous n'avons qu'un seul comité en Nouvelle-Écosse — et il importe qu'elle connaisse pas mal de gens, non seulement dans sa localité, mais aussi ailleurs. Sinon, elle n'aura pas un grand rôle à jouer. Les membres du barreau et les avocats provinciaux habituellement voyagent pas mal et font connaissance d'avocats dans les autres régions.
L'hon. Paul Harold Macklin: On dirait que vous préconisez que les membres du comité aient une connaissance intime, dans une certaine mesure, des avocats de la région et de leur réputation générale dans la communauté, alors que, de façon générale, il m'apparaît important d'être simplement une personne ayant du discernement, pour pouvoir conduire un entretien avec ces candidats et évaluer leur capacité sur cette base.
L'un de nos témoins précédents nous a expliqué qu'il avait siégé à un comité et qu'il y avait déjà des recommandations. Il y avait une liste de candidats hautement recommandés et une autre de recommandés, et ils ont fait venir certaines de ces personnes pour un entretien. Après l'entrevue, le comité a conclu que leur classement dans les catégories respectives était erroné. Donc, la méthode de l'entretien semble réellement avantageuse.
S'agissant de ces entrevues, vous dites que certaines questions ne devraient pas être posées. Mais comment s'y prend-on stratégiquement pour déterminer les mécanismes de pensée et la qualité de jugement en général d'une personne sans poser ces questions un peu plus insidueuses, en un sens, qui mettent à jour le fond de cette personne qui veut accéder à la magistrature?
º (1620)
L'hon. Constance Glube: Vous m'avez posé là deux questions.
L'hon. Paul Harold Macklin: Oui, c'est vrai.
L'hon. Constance Glube: Pour ce qui est de la première, je suis d'accord avec vous. Une personne qui a de bonnes connaissances générales et du bon sens peut siéger à ce comité même si elle ne connaît pas grand monde. Cependant, c'est un atout si elle connaît également du monde dans les localités.
Pour ce qui est des questions à poser, ce n'est pas facile de conduire un entretien. Ce n'est pas facile de préparer des questions pour des entrevues. Tout ce que je dis, c'est qu'il ne faudrait pas demander en détail le jugement que les personnes rendraient dans tel ou tel cas, afin d'éviter les enjeux véritablement controversés qui risquent d'être toujours sur la table, qui n'ont pas encore été complètement tranchés. Sinon, la personne vous dira qu'elle est susceptible d'avoir à présider un tel procès dans l'avenir et qu'elle ne le pourra plus parce qu'elle aura dorénavant un préjugé, ou que nous lui avons suggéré une position qui va l'imprégner pour l'avenir; par conséquent, le candidat ne pourra répondre à la question.
C'est là le genre de question que je n'aimerais pas voir posée.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Macklin.
Si cela ne vous dérange pas, collègues, comme le vote est à 17 h 15, je poserai une ou deux questions avant de passer la parole au doyen du Osgoode Hall Law School.
Madame la juge, vous avez suggéré au tout départ qu'on se limite à la liste des candidats très recommandés et de ne pas piger dans la liste des candidats recommandés, afin de s'assurer d'avoir vraiment les meilleurs candidats. Il semble que beaucoup de témoins sont venus nous voir pour nous affirmer qu'ils préféraient une courte liste de trois ou cinq noms — cela reste à déterminer — à partir de laquelle le ministre devrait choisir.
Est-ce un processus sur lequel vous seriez en accord?
Toujours dans le cas où on utiliserait la formule de la courte liste, certaines personnes ont soulevé la possibilité que ce soit inconstitutionnel en vertu de l'article 96 de la Constitution, qui réserve au gouverneur en conseil le pouvoir de nommer des juges.
Limiter la discrétion du ministre, sans l'éliminer complètement, est-il, à votre avis, constitutionnel selon l'article 96 de la Constitution?
[Traduction]
L'hon. Constance Glube: Je ne puis répondre à cela. Je ne sais pas exactement ce que dit l'article 96.
Si c'est constitutionnel, je préférerais une liste restreinte. Je ne sais pas si ce serait constitutionnel ou non, mais il me semble qu'une liste de trois à cinq noms est beaucoup plus pratique qu'une longue liste.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, madame la juge, d'avoir pris le temps de nous rencontrer aujourd'hui.
Nous allons suspendre la séance pendant une ou deux minutes afin de permettre à Mme Glube de s'excuser, puis nous céderons ensuite la parole à Patrick Monahan, doyen du Osgoode Hall Law School.
Merci.
º (1623)
º (1625)
Le président: Nous avons comme témoin M. Patrick Monahan, qui est le doyen de la Faculté de droit de l'Université York à Toronto. Comme M. Monahan est un habitué, je ne crois pas qu'il ait besoin d'un dessin ni d'instructions ou d'explications.
Merci d'être ici. La parole est à vous.
M. Patrick Monahan (doyen, Osgoode Hall Law School, Université York, à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Je n'ai pas de texte écrit, et je m'en excuse d'avance. Je n'ai pas réussi à trouver le temps de rédiger quelque chose. J'ai cependant deux recommandations que j'aimerais soumettre au comité. Je pense que vous les avez déjà entendues. En fait, le président vient tout juste d'interroger le témoin précédent, Madame le juge Glube, au sujet d'une des questions dont je voulais vous entretenir.
Permettez-moi de commencer par dire, en guise d'introduction, que j'estime que l'actuel système de nomination des juges en vertu de l'article 96 comporte de sérieuses lacunes. Si je dis cela, c'est que, bien que les comités examinent les candidats en vue d'éliminer ceux qui ne sont pas jugés acceptables, il en résulte la création d'un vaste bassin de candidats, surtout dans ma province — en Ontario ou dans la région torontoise — , parmi lequel un nombre très important sont versés dans les catégories des candidats recommandés ou des candidats fortement recommandés. Il n'intervient aucune autre contrainte ni limite s'agissant du jugement du ministre quant aux personnes parmi ce bassin de candidats recommandés ou fortement recommandés qui devraient être nommées à la magistrature.
Je pense que cela permet, malheureusement, l'introduction de considérations autres que le mérite. Le mérite doit être la principale considération dans le choix des magistrats. Je n'entends aucunement commenter ou dénigrer la qualité des juges en place, mais simplement indiquer que tout le monde sait que toute une gamme de facteurs interviennent dans l'actuel processus et qu'ils ne sont pas tous liés au mérite.
Deuxièmement — et, encore une fois, je viens tout juste d'entendre la dernière partie de la comparution du témoin qui m'a précédé — la façon dont procèdent les comités est d'après moi insatisfaisante, étant donné surtout qu'ils n'interviewent pas les candidats. Les comités prennent leurs décisions sur la base de la documentation fournie et de leurs consultations, aussi imparfaites qu'elles puissent être.
Bien que je n'aie jamais siégé à l'un quelconque de ces comités, j'ai souvent eu l'occasion de discuter avec des membres de comité qui venaient demander mon avis au sujet de différents candidats à la magistrature. Il me semble qu'il y a dans l'actuel système une absence totale de transparence. Les membres des comités consultatifs solliciteront des opinions, bien sûr de façon confidentielle, et nous ne disposons d'aucun moyen de veiller à ce que les opinions fournies soient fondées et s'appuient sur les considérations appropriées, et nous n'exerçons ainsi aucun contrôle sur le comité et le candidat lui-même n'a aucune possibilité de réagir aux questions ou aux préoccupations pouvant avoir été soulevées. Je trouve que le processus ne fonctionne tout simplement pas très bien à l'heure actuelle.
Mes deux recommandations sont donc les suivantes. Premièrement, que l'on demande aux comités consultatifs de préparer des listes courtes, de trois à cinq noms, pour les postes vacants. Deuxièmement, le ministre, le premier ministre et le gouvernement devraient être tenus de choisir parmi cette liste ou alors, s'ils ne le font pas, de fournir une explication motivée au comité. Sans nommer les individus, il faudrait que soit fourni annuellement un rapport du nombre de fois dans l'année où le ministre n'a pas accepté les recommandations émanant d'un comité consultatif. Le comité, dans son rapport annuel, devrait pouvoir se prononcer sur la façon dont le ministre a ou n'a pas accepté les recommandations, sans identifier les personnes concernées, ce, bien sûr, pour éviter de causer de l'embarras à ces dernières.
º (1630)
Ce serait là ma première recommandation: la création d'un système de liste courte. Ma deuxième recommandation serait que le comité fasse subir une entrevue à tout candidat devant être inscrit sur une telle liste restreinte. J'imagine, d'ailleurs, que le comité voudrait avoir une liste longue de candidats à interviewer.
L'entrevue personnelle servirait plusieurs fins. Premièrement, cela permettrait aux membres du comité eux-mêmes de connaître un petit peu les candidats, de comprendre leur tempérament, leur approche. S'agissant des qualités que l'on recherche chez les membres de la magistrature, il importe d'avoir l'esprit ouvert, d'être prêt à entendre des opinions contraires, de chercher l'équilibre et d'être sensible aux différentes communautés. Ce processus d'entrevue serait une occasion pour le comité de se faire une idée du caractère et du tempérament du candidat et de son aptitude à la magistrature.
Deuxièmement, ce processus offrirait au candidat la possibilité de répondre aux questions qu'on voudra lui poser ou qui ont peut-être déjà été soulevées à son sujet. À l'heure actuelle, si un membre d'un comité consultatif me demande mon opinion sur un candidat potentiel et que je fournis cette opinion, le candidat en question n'a jamais l'occasion d'y réagir et ignore peut-être même ce qu'on peut lui reprocher.
Je trouve cela injuste. Je m'efforce d'être juste dans mes évaluations, mais il se peut, de temps à autre, que les renseignements dont je dispose ne soient pas justes ni fondés. Il peut arriver que l'on offre des conseils ou des commentaires qui ne soient pas tout à fait solides, et il serait possible que le candidat puisse alors dire: c'est faux; vous aviez l'impression que je m'étais comporté d'une certaine façon, mais c'est faux; je ne me suis pas comporté de cette façon. Cela permettrait aux candidats de se présenter tels qu'ils sont et peut-être de traiter de questions ayant pu être soulevées.
Je crois que ces deux changements aideraient. Je sais qu'il n'y a là rien de nouveau et que vous avez déjà entendu ces mêmes propositions de la bouche d'autres témoins. Mais on m'a demandé de venir vous exposer mon point de vue. Voilà donc, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, quelles seraient mes deux recommandations.
Quant à votre question, monsieur le président, au sujet de la constitutionnalité de la liste courte, tant et aussi longtemps que le ministre est libre de choisir un candidat qui ne figure pas sur la liste, tout en étant tenu d'en fournir une explication au comité, alors je n'y vois aucun problème, car vous ne contraignez ainsi pas légalement le pouvoir discrétionnaire du ministre; vous l'obligez simplement à fournir une explication s'il s'écarte de la liste. En fait, à l'heure actuelle, le ministre n'est pas autorisé à choisir une personne dont la candidature n'a pas été recommandée, alors nous aurions ainsi jusqu'à un certain point déjà traversé ce pont.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, voilà quelles sont mes observations générales, mes recommandations générales. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et d'avoir une discussion avec vous.
[Français]
Le président: Merci.
Ce sera au tour de M. Toews.
[Traduction]
J'aimerais être certain d'avoir bien compris: s'il n'y a aucune disposition l'autorisant à choisir quelqu'un qui ne figure pas sur la liste, cette limite de son pouvoir discrétionnaire compromettrait-elle la constitutionnalité du régime?
M. Patrick Monahan: Je pense que tout dépendrait de la façon dont cette limite est exprimée. Si le Parlement proposait l'adoption d'un texte réglementaire contraignant légalement le ministre, alors je pense qu'il y aurait de sérieuses questions quant à la validité constitutionnelle d'un tel texte. Si par contre le ministre annonçait que, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, il allait suivre la recommandation du comité, mais que cela n'était que l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, alors je pense que ce serait tout à fait admissible, et peut-être que cela produirait le même résultat. Mais je ne pense pas que le Parlement puisse adopter une loi disant qu'il faille que le ministre choisisse parmi un groupe proposé par le comité, car cela reviendrait à modifier l'article 96.
º (1635)
[Français]
Le président: Merci.
Monsieur Toews.
[Traduction]
M. Vic Toews: Je n'allais en fait pas vous interroger là-dessus, mais c'est là une proposition intéressante. Certaines des provinces ont en fait limité le lieutenant-gouverneur en conseil à choisir parmi cette liste même si, dans la Constitution, le pouvoir de nommer du lieutenant-gouverneur est contenu quelque part dans l'article 92, je suppose, par opposition à l'article 96, qui est un pouvoir fédéral. Mais dans ces situations, comme par exemple au Manitoba, il y a, je pense, pour chaque nomination, entre trois et cinq noms, et le ministre, en vertu de la loi, a l'obligation de choisir parmi cette liste. Cela suscite donc chez moi quelques inquiétudes.
Je me dis que le précédent sur lequel vous vous appuyez en la matière, et je pense que c'est une observation fondée, provient de certaines des lois populistes adoptées par les assemblées législatives au début du XXe siècle, au Manitoba surtout, où l'on voulait lier le pouvoir discrétionnaire du lieutenant-gouverneur en adoptant des lois référendaires que le lieutenant-gouverneur ou l'assemblée législative auraient alors été tenus de proclamer. Je ne me souviens pas du processus exact. C'est cette contrainte du pouvoir discrétionnaire du lieutenant-gouverneur qui a été jugée inconstitutionnelle; or, il semble que l'on fasse exactement la même chose dans les lois provinciales en vigueur. Il s'agit donc là d'une chose qu'il nous faut examiner de près.
J'aime cependant votre idée que si le ministre jouit d'un certain pouvoir discrétionnaire, cela revient à dire qu'il a volontairement indiqué que c'est là le processus qu'il suivra et que s'il y a une quelconque raison pour laquelle il ne le peut pas, alors il doit l'étayer par écrit. Cela me paraît très logique, et je vous en remercie. Et le simple fait que vous disiez ce que d'autres nous ont déjà dit souligne l'opportunité de votre comparution ici en tant que témoin. Cela ne constitue aucunement une indication que nous ne devrions pas vous entendre ou que votre comparution est moins importante. Vous ne devriez donc pas vous inquiéter de cela.
Votre commentaire au sujet du fait que non seulement les Canadiens ne savent pas ce qui se passe à cause du manque de transparence, mais que les Canadiens eux-mêmes... Je suppose que ce qui me préoccupe, et nous avons déjà entendu des témoignages en ce sens, est que les candidats peuvent en fait être blackboulés par un seul membre du comité. Si une personne dit « Je n'aime pas ce candidat », et du fait que certains de ces comités fonctionnent par consensus, le consensus est rompu et ce candidat potentiel est rayé de la liste. Et l'idée que le candidat doive se présenter devant le comité et répondre à certaines de ces questions ou allégations est, je pense, si essentielle dans notre conception de la justice fondamentale, que je ne vois pas comment nous pourrions ne pas faire cela.
Encore une fois, j'ai en tête mon expérience professionnelle, et chez nous les témoins étaient interviewés, en toute confidentialité. La question de la transparence est une autre chose, mais au moins le candidat était convoqué devant un comité composé de membres du système judiciaire, de la profession juridique ainsi que de simples citoyens, et pouvait donc réagir à n'importe quelle accusation. Encore une fois, cela me paraît tout à fait sain: avoir la possibilité de défendre sa propre réputation ou en tout cas de comprendre pourquoi vous avez été blackboulé, si tel est le cas.
Auriez-vous d'autres commentaires à ajouter à ce que je viens de dire?
M. Patrick Monahan: Oui. Merci, monsieur Toews.
Permettez-moi de dire simplement que je ne voudrais pas me prononcer sur les régimes provinciaux, car le pouvoir de nomination provincial est énoncé indirectement, en ce sens que les provinces sont, en vertu du paragraphe 92(14) habilitées à administrer la justice, ce qui englobe la constitution et le maintien des cours provinciales. Les provinces ne sont donc pas assujetties à un pendant de l'article 96.
º (1640)
M. Vic Toews: Vous avez raison, ce n'est pas tout à fait la même chose.
M. Patrick Monahan: Elles ont le pouvoir d'adopter des lois pour créer ces cours, et c'est ainsi qu'elles adoptent leurs lois sur les tribunaux judiciaires pour créer leurs tribunaux.
Je ne voudrais pas me prononcer sur ces dispositions, car pour ce qui est du fédéral, la Constitution accorde expressément au gouverneur général le pouvoir de nommer en vertu de l'article 96, et je pense qu'une loi qui chercherait à limiter ce que peut faire le gouverneur général reviendrait à apporter une modification à l'article 96.
Mais je suis tout à fait de votre avis en ce qui concerne l'aspect injustice envers le candidat. Je ne peux que vous dire que j'ai été consulté de temps à autre par des membres de comités au sujet de candidats potentiels et que l'on me disait alors des choses du genre: « Eh bien, nous nous penchons sur le dossier du candidat X, et nous avons entendu ceci, et on nous a dit que le candidat ne conviendrait pas pour telle ou telle raison ». Et les raisons données dans certains cas ont été, je peux vous le dire, quelque peu étonnantes. Certaines de ces questions appellent presque la possibilité que le candidat les entende.
M. Vic Toews: La possibilité que le candidat se fasse entendre.
M. Patrick Monahan: La possibilité que le candidat se fasse entendre.
En d'autres termes, il y a vraiment deux côtés au processus de l'entrevue. Il y a la possibilité pour le comité de mieux comprendre le candidat, mais il y a également la possibilité pour le candidat de répondre aux questions ou de réagir aux inquiétudes qui existent peut-être. En d'autres termes, quelqu'un pourrait dire que le candidat X est un vrai enragé ou une tête brûlée qui renverrait des gens du tribunal et ne conviendrait donc pas. Eh bien, qu'on le fasse venir et qu'on voie de quelle manière il se comporte en entrevue.
Je pense que ce que vous dites est tout à fait juste. L'actuel système n'offre pas cette possibilité.
[Français]
Le président: Merci.
Monsieur Lemay, vous disposez de sept minutes.
M. Marc Lemay: Monsieur Monahan, merci d'être présent parmi nous.
Vos propos rejoignent essentiellement ma position, sauf sur un point. Vous dites qu'il devrait y avoir des entrevues, des rencontres avec les candidats, etc., et que, à partir de ces entrevues, on devrait préparer une liste courte qui serait soumise au ministre et que ce dernier sélectionnerait une candidate ou un candidat à partir de cette liste.
Voici la raison pour laquelle j'ai un peu de difficulté à suivre votre raisonnement. Le ministre doit suivre les recommandations de cette courte liste, mais s'il décide de ne pas la suivre, il doit expliquer pourquoi il ne la suit pas. Or, si on fait une entrevue, que l'on crée un comité et que le ministre est d'accord pour suivre les recommandations du comité, comment pourrait-il choisir quelqu'un qui ne serait pas recommandé sur cette courte liste? Me comprenez-vous?
[Traduction]
M. Patrick Monahan: Oui, je comprends.
Eh bien, je pense qu'il serait très rare que le ministre agisse ainsi. Tout ce que je peux dire est qu'il y aurait ce pouvoir discrétionnaire résiduel autorisant le ministre à agir ainsi, mais il lui faudrait fournir par écrit au comité une explication des raisons pour lesquelles il a décidé de ne pas choisir parmi la liste courte. Pour les raisons que vous avez données — soit que le ministre n'a pas interviewé les candidats, mais qu'il a constitué le comité et que l'on en déduit donc qui lui fait confiance — , je pense qu'il serait tout à fait extraordinaire que le ministre ignore les recommandations fournies et donc les noms sur la liste courte.
º (1645)
[Français]
M. Marc Lemay: Je ne veux pas vous interrompre, mais si le ministre accepte de créer un comité, ce dernier n'est plus un comité consultatif mais un comité de recommandation de personnes aptes à être nommées juges. Il n'aurait devant lui que deux, trois, quatre ou cinq noms de candidats aptes à combler le poste de juge à la Cour supérieure de Rouyn-Noranda, par exemple.
Comment pourrait-il, dans ce cas, aller à l'extérieur? Dites-vous qu'il pourrait aller à l'extérieur parce qu'il en a le pouvoir en vertu de l'article 96 de la Constitution?
[Traduction]
M. Patrick Monahan: Non, je vais plus loin que cela, car j'estime qu'ultimement il doit y avoir exercice du jugement du gouverneur en conseil, qui est élu. Les membres du comité sont des experts ou en tout cas possèdent des connaissances en la matière, mais ils ne sont pas élus et ils n'ont en bout de ligne pas à rendre des comptes à la population.
J'aime la liste courte, et je pense qu'il faudrait qu'il y en ai une. Je ne dis pas que ce n'est pas une bonne chose d'avoir le comité, mais je ne voudrais pas simplement autoriser un comité à dire qu'un candidat peut être empêché d'être nommé par un groupe de non-élus désignés. Je trouverais cela troublant.
Je pense qu'il serait très rare que le ministre cherche à l'extérieur, mais j'estime que dans le cadre de notre système de gouvernement, en dernière analyse ce sont les personnes qui sont redevables à la population — c'est-à-dire les représentants élus — qui devront rendre des comptes et avoir le pouvoir décisionnel ultime. Peu importe ses compétences expertes, je ne pense pas qu'un comité soit en bout de ligne directement redevable à la population canadienne. C'est pourquoi je pense qu'il importe que le ministre et que le gouvernement retiennent ce pouvoir discrétionnaire résiduel.
[Français]
M. Marc Lemay: D'accord.
Avez-vous déjà siégé à des comités de sélection ou de nomination de juges?
[Traduction]
M. Patrick Monahan: Non.
[Français]
M. Marc Lemay: Même pas à titre de doyen?
M. Patrick Monahan: Non, mais il m'est arrivé de donner des avis.
M. Marc Lemay: Concernant des candidats?
M. Patrick Monahan: Oui.
M. Marc Lemay: En ce qui concerne l'entrevue, selon vous, quel genre de questions devrait-on poser aux candidats qui seraient invités à passer une entrevue?
[Traduction]
M. Patrick Monahan: Les questions dépendront de la nature du candidat et de la nature des préoccupations, mais il y aurait un certain nombre de questions génériques. L'on veut se renseigner et chercher à comprendre le tempérament du candidat. La compétence technique en matière de droit devant être implicite, je ne pense pas qu'il faille passer beaucoup de temps à interroger le candidat au sujet de règles juridiques de fond. Mais vous voudrez cerner la personnalité du candidat, la qualité de son jugement, la nature du travail qu'il a fait jusque-là, sa participation à la communauté et le genre de perspective qu'il apporterait à son travail en tant que juge.
Je suis d'accord avec Madame le juge Glube, qui a comparu avant moi, en ce sens que je ne pense pas que l'exercice doive viser à déterminer de quelle façon le candidat trancherait des affaires en particulier. Là n'est pas l'objet de l'exercice. Son objet est de comprendre la personne.
J'ai trouvé très juste une observation du juge Glube: embaucheriez-vous une personne pour un emploi sans lui faire subir d'entrevue? S'il s'agit d'un poste important, vous ne vous passeriez jamais de cette entrevue. J'embauche beaucoup de gens et je veux toujours les interviewer au préalable. C'est automatique. Comment pourrait-on envisager de nommer quelqu'un au poste de juge d'une cour supérieure ou de juge d'une cour d'appel — postes très importants — sans l'interviewer?
º (1650)
[Français]
M. Marc Lemay: Merci.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Vic Toews): Monsieur Lemay.
Une voix: C'est Joe.
Le président suppléant (M. Vic Toews): Oh, oui. Excusez-moi.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.
Je suis toujours si timide et réservé. Cela ne m'étonne pas qu'il ne m'ait pas vu.
Monsieur Monahan, merci beaucoup d'être venu.
J'aimerais parler du comité lui-même. L'une des préoccupations que j'ai, étant donné que c'est le ministre de la Justice ou le gouvernement qui va choisir les membres du comité — même si certains y seront nommés du fait d'être membres d'un barreau ou d'une association d'avocats — est que la majorité, ou presque, des membres sont nommés directement par le ministre de la Justice.
J'ai plusieurs questions. Devrait-on, par exemple, revoir le système en faisant en sorte que les membres du comité soient approuvés au préalable par un comité composé de représentants de tous les partis à la Chambre? Pourrait-on établir des critères définissant qui pourrait siéger au comité, ce pour dépolitiser le comité et pas simplement les nominations? La dépolitisation du comité faciliterait la dépolitisation du processus — alors nous pourrions peut-être régler cela pour commencer.
M. Patrick Monahan: Eh bien, j'estime que de façon générale les comités ne sont à l'heure actuelle pas hautement politisés; je ne pense pas qu'ils soient politisés. Je pense que là où il y aurait un danger ce serait si les comités consultatifs étaient, par exemple, examinés par un comité de la Chambre: cela pourrait bien politiser le processus de sélection des membres du comité. Je pense que ce serait dangereux de faire cela.
Je trouve que les comités consultatifs fonctionnent plutôt bien. Je ne devrais pas dire qu'ils fonctionnent bien, car il leur faut interviewer les candidats, et le processus n'est pas transparent, mais je pense que les membres de ces comités sont plutôt solides et plutôt utiles. C'est la structure à l'intérieur de laquelle ils travaillent qui est insuffisante.
Je serais donc très prudent s'agissant d'intervenir dans le processus ou de faire comparaître devant le comité ici réuni, par exemple, si c'était là votre suggestion, les membres potentiels d'un tel comité. Je pense que vous risqueriez alors de politiser le processus. Et vous ne devriez pas avoir au sein des comités consultatifs des représentants de différentes communautés; les membres des comités ne sont pas là et ne doivent pas se considérer comme étant là pour être les porte-parole ou les représentants de groupes particuliers de la société. Ils devraient être là pour choisir le meilleur candidat pour tout le monde. J'estime que c'est ce que s'efforcent de faire à l'heure actuelle les membres des comités.
M. Joe Comartin: La deuxième partie de ma question visait à savoir quels sont les critères quant au choix des personnes nommées à ces comités?
M. Patrick Monahan: Voulez-vous parler des critères qui devraient être en place, ou des critères qui sont déjà établis?
M. Joe Comartin: Non, qui devraient être en place.
M. Patrick Monahan: Je pense qu'il faut qu'il y ait des membres de la profession; il faut qu'il y ait des membres du corps judiciaire. Mais je pense également qu'il devrait y avoir des profanes représentatifs, pas forcément des avocats, mais des membres de haut rang de la collectivité, qui pourraient apporter une perspective de l'extérieur. Je pense que dans le contexte actuel vous voudrez peut-être envisager de mettre un petit peu plus de poids du côté des non-avocats ou des non-juges au sein de ces comités. Je sais qu'en Ontario la majorité des membres des comités ne sont pas du métier, si vous voulez, alors vous voudrez peut-être élargir la composition des comités par rapport à la situation actuelle.
M. Joe Comartin: J'ignore si vous avez lu l'article de Dworkin dans le New York Times. Il y parle de la récente nomination de Roberts à la Cour suprême des États-Unis. Le principal thème de l'article est qu'il est approprié de faire passer des entrevues et de poser des questions pour déterminer l'attitude des candidats, si je peux m'exprimer ainsi, et leur philosophie générale — sans parler de cas particuliers ou de domaines particuliers du droit substantiel.
À supposer que l'on opte pour la formule entrevues, pensez-vous que de telles questions seraient appropriées?
º (1655)
M. Patrick Monahan: Je pense que ces questions seraient appropriées.
Il nous faut également nous rappeler, cependant, lors du choix de juges de cour supérieure ou même de juges de cour d'appel, que ceux-ci seront en bout de ligne surveillés par un tribunal de niveau supérieur. La décision d'un juge de cour supérieure, même dans une affaire importante, risque de faire l'objet d'un appel devant une juridiction supérieure. Je ne pense donc pas qu'il faille se préoccuper autant de questions de philosophie judiciaire, comme c'est le cas s'agissant de la nomination de juges à la Cour suprême. Je suis certain que l'on s'y intéressera, mais il ne faut pas oublier que dans le cas de la nomination d'un juge à une cour de première instance, celle-ci comptera peut-être 200 juges ou plus. C'est pourquoi j'estime qu'il y aurait davantage lieu d'insister sur leur tempérament, la qualité de leur jugement et leur aptitude à la magistrature et d'autres choses du genre.
M. Joe Comartin: Pour ce qui est de votre recommandation que le ministre de la Justice fournisse des explications lorsqu'il n'accepte pas les recommandations données, pourriez-vous nous fournir un exemple de situation dans laquelle il serait approprié pour le ministre de ne pas accepter les recommandations? Auriez-vous en tête un scénario dans lequel le ministre choisirait une personne ne figurant pas sur la liste courte?
M. Patrick Monahan: Il se pourrait que dans l'esprit du ministre de la Justice il y ait un besoin pressant particulier — pour quantité de raisons que je ne pourrais pas vous exposer ici maintenant — de nommer un candidat donné, candidat qui ne figure pas sur la liste courte. Le ministre pourrait dire qu'il estime qu'il est important de nommer ce candidat particulier et qu'il va exercer son pouvoir discrétionnaire en ce sens et expliquer ses motifs.
Ce serait là une possibilité. Je devine qu'il serait très rare que le ministre agisse ainsi, car je suppose que cela ferait l'objet d'un rapport annuel.
M. Joe Comartin: J'aimerais revenir sur la courte discussion que nous avons eue au sujet de l'article 96 de la Constitution. Je ne suis pas un expert en ce qui concerne la Constitution, loin de là, mais serait-ce une situation dans laquelle, si un ministre de la Justice acceptait de suivre les recommandations, il exercerait son pouvoir discrétionnaire à l'intérieur de ces paramètres, avec cette seule exception qu'il lui faudrait fournir ses motifs en cas de choix autre? S'élaborerait-il au fil des ans une convention constitutionnelle qui les lierait, en fait, disons après une décennie ou deux?
M. Patrick Monahan: Non, à moins que le ministre n'ait exprimé l'opinion qu'il a pour obligation d'accepter les recommandations du comité. Une convention constitutionnelle exige plusieurs choses. Elle exige non seulement une pratique continuelle, ce qui correspondrait, je suppose, à votre exemple, mais également la croyance de la part du ministre qu'il est tenu d'accepter la recommandation.
Dans mon scénario, le ministre n'est pas tenu d'accepter; le ministre peut choisir et peut choisir de façon continuelle — des centaines de fois — de suivre les recommandations. Il continue cependant ce faisant de dire qu'il conserve ce pouvoir discrétionnaire résiduel. Dans ce contexte, il ne s'agit pas d'une convention constitutionnelle, car le ministre n'exprime pas l'opinion qu'il est tenu, bien qu'il ait adhéré à la pratique.
C'est comme l'exemple que voici: chaque matin, j'ouvre mon réfrigérateur, je sors la pinte de lait et je m'en verse. Je fais cela chaque jour. Cela ne veut pas dire que j'y suis tenu ou que je pense l'être. De la même façon, le ministre peut de façon continuelle suivre les recommandations, sans pour autant s'y croire tenu. Il n'y aurait donc pas dans ce cas de convention constitutionnelle.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Monsieur Macklin.
[Traduction]
L'hon. Paul Harold Macklin: Merci beaucoup.
Merci, monsieur Monahan, d'être venu.
Vous avez très tôt dans votre déclaration parlé du manque de transparence. S'agissant de cette question de transparence, je suppose que les questions qui se posent pour nous tous tournent autour de celles de savoir comment limiter la confidentialité et quelles limites imposer sur le plan confidentialité.
Par exemple, pour revenir à ce que vous avez dit au sujet de la possibilité pour un candidat d'avoir l'occasion de réagir à ce qui a pu être dit sur son compte et de subir une entrevue, pensez-vous qu'il serait approprié de lui dire, par exemple, que M. Monahan a dit de lui qu'il est une tête brûlée, pour ensuite laisser le candidat réagir, ou bien cela devrait-il demeurer anonyme? Où doit-on commencer à tirer un trait, tant pour ce qui est des questions que pour ce qui est de savoir, par exemple, où vous vous situez dans la liste et si vous êtes un candidat recommandé ou hautement recommandé?
» (1700)
M. Patrick Monahan: Pour ce qui est de la première question, c'est le bon sens qui devrait l'importer. Si je suis en train d'interviewer un candidat en vue de son recrutement en tant que membre du corps professoral, je ne vais pas donner ma source, mais je vais livrer l'essentiel. Je vais confronter — pas forcément confronter de façon négative, mais je vais soumettre le cas au candidat. Je vais lui dire qu'on m'a dit quelque chose du genre — je ne peux pas dire où... en définitive, dans le cas d'un futur membre du corps professoral, je dirais qu'on m'a raconté ceci: apparemment, vous ne contribuez pas à l'ambiance collégiale à l'école. Pourriez-vous réagir à cela? Le candidat aura ainsi la possibilité de donner son point de vue. Je n'ai pas à dire qui m'a raconté ce dont je viens de parler. Et je pense qu'il s'agit là d'une chose que nous avons tous vécue, assis d'un côté ou de l'autre de la table. Je ne pense pas que ce soit une difficulté pratique.
Quant à la question de savoir s'il faudrait dire au candidat où il figure sur la liste courte, je n'ai pas d'opinion ferme là-dessus. Je suppose que la pratique varierait selon les circonstances. Je n'ai pas de conviction ferme quant à la question de savoir si le candidat devrait être au courant. Les candidats devraient savoir s'ils figurent ou non sur la liste courte. Quant à la question de savoir s'il faudrait leur dire où ils se situent sur la liste, je ne suis pas convaincu que ce devrait être le cas. Mais je pense qu'ils devraient savoir si leur nom figure sur la liste courte.
L'hon. Paul Harold Macklin: Pensez-vous que le comité devrait établir un ordre de priorité, ou bien simplement fournir la liste avec des commentaires au sujet de certaines caractéristiques présentées par les candidats, sans forcément fournir de classement final?
M. Patrick Monahan: Je pense que le comité devrait avoir le choix de fournir un classement. Si, pour quelque raison, le comité disait qu'il ne pouvait vraiment pas choisir entre deux ou même trois candidats, il devrait être libre de le faire. Mais il devrait avoir la possibilité d'établir un véritable classement des candidats. Ce serait en fait là la meilleure façon de conseiller le ministre.
L'hon. Paul Harold Macklin: On a entendu parler d'autres façons dont les juges pourraient passer par ce processus. L'un des processus dont nous parlons souvent est celui d'Israël, où il existe en fait une école des juges pour ceux qui voudraient que leur nom soit retenu. En d'autres termes, il y a un processus d'éducation dans le cadre duquel les personnes intéressées peuvent faire examiner leurs compétences en vue de devenir juges.
Pensez-vous que cela présente un certain mérite, ou avez-vous envisagé cela comme ajout possible au processus?
M. Patrick Monahan: Je n'y ai pas réfléchi sérieusement. Le problème est que si vous établissiez une telle école et que des avocats s'y inscrivaient, ils donneraient ce faisant le signal qu'ils cherchent à être nommés à la magistrature. Dans certains cas, ce ne serait pas un problème, mais ce pourrait l'être dans d'autres, car si vous êtes associé d'un cabinet d'avocats — et si vous êtes associé principal ou en tout cas un associé important — et que vos collègues apprennent que vous êtes prêt à quitter le navire, alors on vous jettera peut-être à l'eau avant que vous n'ayez l'occasion de faire le saut. Ou encore, cela pourrait donner lieu à des conversations peu agréables autour de la fontaine réfrigérante.
Je ne suis pas certain que vous puissiez exiger des gens qu'ils suivent un tel cours. Mon instinct me dit qu'il est peu probable que la demande soit très forte. Je dis cela ayant offert un grand nombre de cours et de programmes à des avocats et à d'autres. Je devine qu'il serait difficile de convaincre quelqu'un de suivre un tel cours, mais je me trompe peut-être. Mon instinct me dit que vous auriez bien du mal à trouver des preneurs. Si vous obligiez les gens à s'y inscrire, ce serait injuste, car cela leur imposerait de faire cette déclaration publique sans garantie d'obtenir une nomination.
J'estime que la confidentialité est plutôt importante, et les entrevues et la liste courte serait donc confidentielles. L'on ne saurait même pas que le comité était en train d'interviewer un candidat. Tout cela demeurerait entièrement confidentiel.
» (1705)
L'hon. Paul Harold Macklin: Revenant à votre observation initiale au sujet de la transparence, qu'est-ce qu'il faudrait faire à votre avis? Faudrait-il éduquer le public quant au processus? Cela fait-il partie de ce que vous entendez s'agissant de rehausser la transparence? Qu'est-ce qui serait selon vous nécessaire pour faire de ce terme une réalité?
M. Patrick Monahan: Il importe d'établir un équilibre entre transparence et confidentialité, car le processus doit bel et bien demeurer confidentiel.
Il importe qu'il y ait de la transparence, tout d'abord s'agissant d'une certaine responsabilité envers le candidat, de la possibilité pour lui de faire une présentation, de discuter avec le comité et de réagir aux préoccupations soulevées. Cela constitue déjà une certaine transparence, car si vous ne comptez en ce moment pas me recommander, mais que je me présente et qu'il n'y a pas le moindre commentaire négatif — je n'entends rien, et pourtant on ne me recommande pas — alors je vais deviner qu'il y a un hic: ils m'ont recommandé, mais ils ont manifestement des inquiétudes et ils ne sont pas venus me demander des comptes. Je pense que cela obligerait le comité à en fait s'expliquer un petit peu, ce qui amènerait une certaine transparence vis-à-vis du candidat.
D'autre part, il y a le fait qu'un tel processus existe, et, compte tenu de la façon dont le pouvoir discrétionnaire du ministre est structuré, je pense que cela offre une certaine garantie au public que les considérations partisanes seront minimisées dans pareille situation et que l'on va réellement obtenir les meilleurs candidats.
L'avantage ultime de tout cela est que ce seront en fait les meilleurs candidats qui seront nommés. À l'heure actuelle, cela se fait un petit peu au bonheur la chance. Il se peut que l'on se retrouve de temps en temps avec les meilleurs candidats, mais il se peut également dans d'autres cas que les meilleurs candidats ne soient pas retenus.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Macklin.
[Traduction]
L'hon. Paul Harold Macklin: Merci.
[Français]
Le président: Monsieur Moore.
[Traduction]
M. Rob Moore: Merci, monsieur le président.
Le président: Cette ronde-ci sera la dernière, car nous allons bientôt entendre la sonnerie.
M. Rob Moore: Je vais commencer par une question générale, après quoi j'aurai quelques questions un petit peu plus précises. Ma question est donc: pourquoi? Vous avez dit que l'actuel système est largement insuffisant, et d'autres ont leurs propres raisons. Nous avons entendu beaucoup de témoins nous expliquer pourquoi ils pensent que le système pourrait être amélioré ou pourquoi ils y voient un problème. Vous avez mentionné plusieurs choses, notamment qu'il existe ce vaste bassin de candidats potentiels, même une fois qu'ils sont tous passés par un processus d'approbation — si vous voulez appeler cela ainsi — par le comité. En quoi la situation actuelle est-elle un problème?
M. Patrick Monahan: L'exercice du pouvoir discrétionnaire n'est, pour la plupart, soumis à aucune contrainte, et il existe donc un risque que des pressions abusives — et je ne veux pas vraiment dire « abusives » — viennent s'immiscer dans le processus, comme par exemple des considérations politiques ou des relations avec les décideurs, et nous ne pensons pas que ce soit ce qu'il y a de mieux. C'est plutôt le mérite qui devrait être la principale considération, d'où le problème.
M. Rob Moore: Si c'est le mérite qui est la principale considération —et je conviens que les gens sont nombreux à croire que le problème est qu'il y a trop de marge discrétionnaire — et si une partie de notre recommandation et la vôtre visent à ramener la liste à trois noms, alors est-ce que trois est le nombre parfait? Pourquoi pas un seul nom? Qu'en serait-il si le comité ramenait la liste à un seul nom, avec la possibilité — ou, comme vous l'avez dit, le pouvoir discrétionnaire — pour le ministre, en vertu de la Constitution, de nommer une personne autre que celle choisie en bout de ligne par le comité, mais avec explication à l'appui?
» (1710)
M. Patrick Monahan: Je ne serais pas favorable à une situation dans laquelle un comité fournirait une liste courte se résumant à un seul nom, car cela conférerait trop de pouvoir à ce groupe de personnes non élues. L'objet est d'assurer l'excellence, de veiller à ce que les meilleurs candidats soient nommés.
Je ne sais si trois est le bon nombre, ou cinq, mais il me semble que ce serait entre trois et cinq. Mais si vous avez un poste vacant et que vous recommandez un très petit nombre de personnes, alors je pense que l'on pourrait compter que ce sont les meilleurs qui vont constituer le bassin parmi lequel puisera le ministre, contrairement à ce que serait la situation s'il y avait un bassin de 100 personnes, comme c'est parfois le cas à l'heure actuelle.
Je ne serais donc pas favorable à la cession du pouvoir de nomination à un comité non élu. Je préfère que le ministre jouisse en bout de ligne de cette marge de manoeuvre quant au choix de candidats parmi une liste courte.
M. Rob Moore: L'autre question que j'ai concerne les entrevues, et le genre de questions à poser, ce sur quoi nous avons déjà interrogé d'autres témoins. Si l'on veut cerner le tempérament, la façon de réagir et ainsi de suite des candidats, comme vous l'avez mentionné, alors il me semble qu'il faudrait leur poser un certain nombre de questions difficiles, au lieu de ne faire que les inviter à régurgiter le contenu de leur CV. Il faudrait leur poser des questions plus difficiles.
D'autres témoins nous ont dit quels genres de questions seraient acceptables et quels genres ne le seraient peut-être pas. Disons qu'il y a une rumeur selon laquelle le candidat n'a pas un bon tempérament. D'après vous, quelles questions pourraient lui être posées pour voir ce qu'il en est?
M. Patrick Monahan: Je pense que les questions devraient, dans une certaine mesure, être taillées sur mesure pour le candidat, et en fonction de ses antécédents. Il me semble que vous voudriez avoir un scénario d'entrevue type, sur lequel vous appuyez pour le déroulement normal des entrevues de candidats. Vous conviendriez à l'avance des genres de questions qui seraient posées, mais, oui, vous voudriez vérifier certaines choses et mettre les candidats un petit peu à l'épreuve.
Le fait d'avoir l'occasion de rencontrer le candidat en personne ne va pas vous donner un tableau parfait, mais vous aurez une bien meilleure idée et une bien meilleure compréhension de la personne en tant qu'être humain et en tant qu'individu, que si vous vous contentez de lire un bout de papier ou d'écouter des commentaires de troisième ou de quatrième main à son sujet.
M. Rob Moore: Enfin, si nous options pour un modèle différent, je pense que le travail du comité serait plus apprécié, au lieu que l'on n'y recoure principalement que pour la forme. Nous avons ce comité. Au bout du compte, comme vous l'avez reconnu, il y a tous ces candidats potentiels qui sont recommandés ou fortement recommandés, et le ministre peut en choisir un, mais son pouvoir discrétionnaire est très vaste.
Si nous allons demander au comité d'éliminer une part importante de cet élément discrétionnaire et de limiter le champ aux personnes les plus fortement recommandées, alors il y a deux parties à la question.
Premièrement, nous avons entendu dire qu'il faut tenir compte de facteurs autres que le mérite. Dans certaines provinces et dans certaines régions, il faut tenir compte de la langue. Il faut tenir compte de la composition du tribunal. Est-ce à ce niveau-là que vous voyez intervenir le pouvoir discrétionnaire du ministre, ou bien ces considérations ne devraient-elles entrer en jeu que pour les trois finalistes? Est-ce là une chose dont on va charger le comité de s'occuper?
Deuxièmement, si l'on va demander au comité de faire toutes ces choses supplémentaires et de jouer ce rôle élargi, faudrait-il modifier la composition du comité ou faire autre chose en contrepartie pour les membres du comité, si l'on va leur demander de jouer un rôle dont je pense qu'il serait plus important?
M. Patrick Monahan: Vous posez une question très difficile et importante. Je suppose que cela dépend en partie de la définition du mérite. Qu'est-ce que le mérite?
Pour moi, le mérite évoque l'ouverture et la sensibilité à toute une gamme de communautés et à toutes sortes de perspectives différentes. Je ne pense pas qu'il faille nommer des personnes du fait qu'elles représentent un groupe particulier.
Les compétences linguistiques sont tout à fait autre chose. La capacité de travailler dans les deux langues est un atout. Cela fait partie du mérite. Si vous ne pouvez pas fonctionner dans les langues officielles requises, alors vous n'êtes pas aussi méritant que quelqu'un qui le peut.
Quant à l'idée de dire que nous allons nommer des personnes parce qu'elles viennent d'un groupe particulier ou autre, c'est là une chose qu'il faudrait aborder avec beaucoup de prudence.
J'estime que le mérite englobe certaines des qualités dont vous avez parlé. Quantité de qualités se rattachent au mérite. Par mérite, je n'entends pas simplement une certaine compétence technique. Il faut, pour être un juge, un certain tempérament et une certaine aptitude.
» (1715)
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Moore.
Monsieur le doyen, merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Bien que vous soyez arrivé vers la fin, soyez assuré que vos commentaires et vos suggestions ont été très bien notés par mes collègues autour de la table, si je me fie aux hochements de tête que j'ai vus.
[Traduction]
Collègues, je tiens à vous faire savoir que mardi prochain, après la comparution des témoins, nous aurons peut-être à donner certaines instructions à notre équipe de recherche. Si vous avez des idées là-dessus, je vous invite à y réfléchir pendant la fin de semaine.
Faisons comme s'il n'allait pas y avoir d'élections, et poursuivons notre travail. Si des élections sont déclenchées, alors nous verrons bien, mais poursuivons comme si de rien n'était et terminons notre travail.
[Français]
Merci beaucoup.
La séance est levée.