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Merci infiniment et je vous remercie de m'avoir invité à comparaître.
Comme vous le savez, c'est une année décisive pour les négociations de Doha. Aux États-Unis, le pouvoir de négociation accélérée expire en juillet 2007, si bien qu'en réalité, les pourparlers se termineront à la fin de cette année ou, au plus tard, au début de l'année prochaine. L'impasse au sujet de l'agriculture est, bien entendu, ce qui retient le plus l'attention, mais les services représentent aussi un élément important de l'agenda de Doha. Dans les négociations de l'AGCS, les principaux demandeurs visent encore des résultats ambitieux et je voudrais vous parler de certaines des répercussions de cette situation.
Si les négociations sur l'agriculture et sur l'AMNA sortent de l'impasse cette année, le Canada et les autres pays seront fortement incités à élargir la portée de l'AGCS et à accepter de nouvelles règles qui sont actuellement négociées et qui limitent la réglementation nationale. Par opposition aux biens pour lesquels, comme Rob Ready y a fait allusion, les principaux obstacles au commerce international sont des mesures comme les tarifs et les quotas qu'il est facile d'identifier et de quantifier, les obstacles au commerce des services soulèvent généralement des questions plus complexes de réglementation nationale, provinciale et locale.
Les règles de l'OMC concernant les services sont assez récentes et datent du milieu des années 90. Elles n'ont pas vraiment été mises à l'épreuve, leur portée est vaste, elles couvrent l'investissement en plus du commerce transfrontalier, elles appliquent le difficile critère de la non-discrimination et elles limitent même certaines mesures gouvernementales qui sont non discriminatoires. Par exemple, vous ne pouvez pas limiter le nombre de fournisseurs de services dans les secteurs visés et cela comprend les monopoles comme les régimes d'assurance publique, etc.
À mon avis, le Canada devrait être très prudent avant de prendre de nouveaux engagements dans le cadre de l'AGCS. À l'heure actuelle, le Canada a des engagements dans une centaine des 160 sous-secteurs des services. Un bon nombre des sous-secteurs restants comptent parmi les plus vulnérables. Il n'y a pas eu suffisamment de débats sur les répercussions politiques des engagements existants. Le Canada devrait cesser de presser les pays en développement de prendre des engagements qu'un grand nombre de ces pays hésitent certainement à prendre. C'était évident à Hong Kong. D'autre part, les répercussions politiques que cela peut avoir pour eux ne sont pas entièrement comprises.
Les pays en développement font l'objet de fortes pressions sur toutes sortes de fronts comme les services environnementaux, la poste et les messageries, les services financiers, les télécommunications, le transport, la distribution, le transport maritime, l'éducation et bien d'autres. Le principal enjeu n'est pas l'ouverture des marchés. Les entreprises étrangères, y compris les sociétés canadiennes, ont déjà accès à ces marchés dans la plupart des cas ou du moins un accès équivalent à celui que les entreprises étrangères ont, disons, au marché canadien. La question porte davantage sur les mesures et les politiques gouvernementales et la capacité des gouvernements à réglementer et modeler leur propre développement économique et à faire en sorte que la libéralisation du commerce soit bénéfique pour les citoyens de leur pays.
Je dirais qu'en exerçant des pressions trop fortes, le Canada risque même de nuire à ses propres intérêts et je vais vous en donner un petit exemple. Nous nous sommes joints à une des demandes multilatérales concernant les télécommunications. Nous étions codemandeurs. Une des exigences de cette demande était que les pays autorisent un contrôle majoritaire étranger des entreprises de télécommunications, ce que la loi canadienne ne permet évidemment pas. Selon moi, ou bien on fait deux poids deux mesures ou bien le Canada doit satisfaire lui-même à cette exigence à titre de destinataire de la demande. Même s'il est codemandeur, il est aussi destinataire de la demande. Donc, dans un certain sens, la position de négociation du gouvernement va à l'encontre de notre législation nationale. C'est une des raisons pour lesquelles je pense que les parlementaires devraient examiner soigneusement certains des détails de nos positions de négociation.
De nombreux Canadiens s'inquiètent de voir les règles régissant le commerce des services empiéter sur les services publics. Les exemptions que prévoit l'AGCS pour les services publics sont très spécifiques et n'ont pas encore été confirmées par une jurisprudence. Je peux entrer dans les détails si vous le voulez.
On craint, à juste titre, que l'accord ne bloque la commercialisation des services publics et qu'il soit beaucoup plus difficile d'élargir les services ou d'annuler leur commercialisation ou leur privatisation, le cas échéant. Il faut respecter la liberté de manoeuvre des gouvernements démocratiques.
Le gouvernement fédéral a promis de n'accepter aucun engagement dans le secteur de la santé, des services sociaux et de l'éducation publique -- ce qui laisse la porte ouverte pour l'éducation privée -- au cours du cycle de négociations actuel. Jusqu'ici, il a également résisté aux demandes concernant l'audiovisuel et les services reliés à la culture en attendant qu'un instrument international soit négocié pour protéger la diversité culturelle.
Je dois reconnaître que le Canada s'est aussi engagé à ne pas adresser de demandes à d'autres pays dans ces secteurs comme il aurait pu le faire. Vous pouvez faire une demande, même dans des secteurs dans lesquels vous n'êtes pas prêt à prendre des engagements. Néanmoins, le Canada a adopté ce que je considère comme une bonne attitude en renonçant à faire des demandes dans des domaines où il n'était pas prêt lui-même à prendre des engagements, à l'exception des demandes multilatérales dont je viens de parler.
Néanmoins, peu de Canadiens, et je me demande combien de parlementaires, savent que le Canada a déjà, lors du dernier cycle de négociations, inclut l'assurance santé et l'assurance automobile dans l'AGCS. Une fois qu'un pays a pris un engagement, la règle d'accès au marché de l'AGCS empêche les gouvernements à tous les niveaux, aussi bien provincial que fédéral, d'exploiter des monopoles. Les régimes existants d'assurance santé publique et d'assurance automobile provinciale de quatre provinces ont été exclus. Ils ont été exemptés dans les années 90. Mais pour la province dont je suis originaire, l'Île-du-Prince-Édouard, ou encore le Nouveau-Brunswick ou d'autres, ou si le Québec élargissait son système actuel, qui est un système mixte, cela deviendrait un sujet de litige devant l'OMC. C'est là encore un bon exemple de la façon dont ces traités sont allés plus loin que prévu et empiètent sur le champ de compétence des gouvernements élus.
Un autre aspect important des négociations actuelles ce sont les nouvelles règles concernant la réglementation nationale explicitement non discriminatoire. Ces règles font actuellement l'objet de négociations. Au moment où je vous parle, on est déterminé à établir ces règles qui s'appliqueraient à la réglementation non discriminatoire touchant les normes ainsi que le processus d'autorisation des services. Il pourrait s'agir de la délivrance de permis pour des installations si vous vouliez établir un dépotoir de déchets toxiques. Il pourrait s'agir de l'autorisation d'exercer une profession. Les normes pourraient s'appliquer à n'importe quoi allant de la qualité d'un service d'éducation à la sécurité des pipelines. C'est une question très délicate.
La majorité des pays en développement se sont tout récemment prononcés énergiquement contre l'application du critère de la nécessité. C'est arrivé à une réunion qui a eu lieu au début de mai. Les États-Unis se sont également exprimés énergiquement sur le sujet. Quoi qu'il en soit, le Canada est resté silencieux à cette réunion et cela m'inquiète. Je crois que le Parlement a pour rôle de demander au gouvernement et aux négociateurs canadiens d'expliquer les enjeux, leur position et la raison pour laquelle ils ne cherchent pas à mettre un terme à des règles que nous pourrions regretter.
Pour conclure, comme les règles touchant les services sont nouvelles et visent des questions de réglementation qui touchent au coeur des prises de décisions démocratiques, je crois particulièrement important que les parlementaires, et surtout votre comité, jouent un rôle actif dans la supervision de ces négociations. J'espère que vous irez fouiller au-delà des arguments indiscutables voulant que les services représentent la part la plus importante des économies industrialisées, que le commerce des services connaît une forte expansion et que les fournisseurs de services canadiens doivent être actifs sur les marchés internationaux.
Tout cela est vrai, mais le Canada et les autres gouvernements doivent quand même faire preuve de prudence. Le nouveau régime de commerce des services soulève de nombreuses questions au sujet des services publics, au sujet de la protection de l'intérêt public dans le contexte des services privés et surtout dans les pays sous-développés et les régions, y compris certaines régions du pays, en ce qui concerne le rôle que doivent jouer les gouvernements pour que la libéralisation des services soit profitable à l'ensemble de la société.
Merci.
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Merci, monsieur le président. Je vais faire quelques observations au sujet des négociations et je répondrai ensuite à vos questions.
J'envoie, de temps en temps, à certains d'entre vous, mes observations sur l'état des négociations. Je tiens à assurer à Mme Guergis que je crois l'OMC importante et que si les rapports sont négatifs, c'est parce qu'ils relatent fidèlement l'état de la question.
Je pense que c'est important et que même si nous devrions donner suite plus rapidement à notre position concernant la négociation d'accords bilatéraux et régionaux, nous ne pouvons pas oublier l'OMC. Nous devons exercer le maximum de pressions pour essayer de parvenir à une conclusion raisonnable.
Les négociations sur l'agriculture sont dans l'impasse. Elles sont aussi très importantes pour nous, car nous avons signé une sorte de chèque en blanc lors du Cycle d'Uruguay. Cela n'a pas été payant et notre secteur des céréales et des oléagineux en souffre. Il en subit les conséquences parce que l'Union européenne et les États-Unis ont des politiques agricoles qui subventionnent leurs secteurs des céréales et des oléagineux afin qu'ils n'aient pas à subventionner le bétail et les autres secteurs en aval. Tant que cette question ne sera pas réglée, nous allons devoir faire continuellement du rattrapage et nous serons forcés d'offrir une aide d'urgence à nos producteurs de céréales et d'oléagineux pour les empêcher de faire faillite.
Ces subventions sont très importantes aux États-Unis. Entre 800 000 et un million de familles d'agriculteurs en dépendent. Ne vous attendez pas à ce qu'elles disparaissent; les Américains vont seulement les placer dans une autre boîte. Ils les placeront dans la boîte bleue et ils établiront des plafonds, mais quiconque a déjà travaillé dans l'agriculture sait que ces plafonds ne veulent rien dire, car vous avez de toute façon une rotation des cultures et seuls un certain nombre de produits en bénéficieront.
Le découplage est un mythe. Nous allons présenter un document à ce sujet, d'ici la semaine prochaine, dans lequel nous disons qu'en fait le découplage n'est pas la solution pour éviter les subventions qui créent des distorsions au niveau de la production et du commerce. Nous devons examiner la question très sérieusement, mais il faut que nous nous battions pour nos producteurs de bétail, pour nos producteurs de boeuf, pour nos producteurs de porc afin de leur obtenir les marchés auxquels ils s'attendaient.
Nous visons un accès minimum de 5 p. 100. Nous n'en sommes pas là. Notre accès au marché du porc dans l'Union européenne n'est que de 0,20 p. 100. Nous n'avons pas beaucoup plus au Japon et les systèmes sont truqués. Nous devons pénétrer ces marchés. Si nous ne pouvons pas vendre notre grain, il faut que nous le transformions.
La meilleure façon de le transformer est de le faire manger par un animal que vous abattez et dont vous exportez la viande. Si nous ne sommes pas sur un pied d'égalité avec les autres pays qui le font, nous perdrons le principal avantage naturel dont nous disposons pour la production de produits agricoles parce que nous n'obtenons pas ce que nous devrions obtenir. Si nous ne pouvons pas l'avoir grâce aux négociations, je pense que nous allons devoir l'obtenir grâce à la contestation.
Je ne suis pas aussi inquiet au sujet des services, car d'après mes discussions avec le gouvernement, je sais qu'il ne va pas mettre ces secteurs sensibles sur la table. Le gouvernement n'a pas changé de position à ce sujet.
On se méfie toujours du gouvernement. Je crois que ce processus de consultation a été assez transparent et que les gens peuvent donner leur avis. Voilà pourquoi M. Sinclair est ici aujourd'hui pour faire connaître ses opinions. Il a des préoccupations légitimes. Je ne suis pas aussi inquiet a ce sujet, mais ses préoccupations sont légitimes.
En ce qui concerne l'AMNA, ce dont personne ne parle, c'est du gorille de 800 livres qui se trouve dans la salle. Ce gorille de 800 livres est la Chine. Personne ne veut réduire ses tarifs non agricoles avec la Chine.
Je reviens tout juste de Chine. Des gratte-ciels de 40 et 60 étages poussent comme des champignons à Pékin. Les Chinois disent en riant que leur oiseau national est la grue. Ce pays est en plein essor. Des gens vont s'installer là-bas pour fabriquer des produits. Qui serait prêt à abaisser ses droits de douane pour se laisser supplanter par les Chinois?
Si le Brésil ou l'Inde négocie avec vous au sujet d'un tarif, le véritable bénéficiaire sera sans doute la Chine. Et les tarifs que vous cherchez à faire baisser dans de nombreux domaines profiteront également aux Chinois étant donné leurs progrès sur le plan technologique. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire, mais il faut reconnaître qu'à Genève beaucoup de gens sont contents que les négociations sur l'agriculture ou d'autres sujets soient dans l'impasse, parce qu'en réalité ils ne veulent pas bouger sur le plan de l'AMNA.
Il y a beaucoup de pressions en faveur de nouvelles réductions pour l'AMNA. Ce n'est pas si important pour nous, car nous nous sommes déjà ajustés aux États-Unis. Mais quand vous voyez des pays où nous essayons d'entrer qui ont des droits de douane de 20 p. 100 et 30 p. 100, que nous essayons de baisser de 60 p. 100, cela représente pour eux une réduction importante compte tenu de la Chine, surtout tant que la Chine bénéficiera du même dollar à bon marché que les États-Unis en alignant sa monnaie sur la leur.
Si j'ai une chose à vous dire c'est que l'OMC n'est pas morte, mais que s'il n'y a pas beaucoup de progrès d'ici la réunion ministérielle de juin, cela reviendra au même. Je ne m'inquiète pas de l'expiration de l'autorisation de promotion du commerce aux États-Unis. C'est seulement un mécanisme qui permet aux Américains de soutirer davantage de concessions, parce que leur administration ne peut pas conclure une entente sans l'accord du Congrès. Si l'entente en vaut la peine, le Congrès prolongera l'autorisation. Si l'entente ne lui plaît pas, il ne donnera pas son accord.
Je me ferais un plaisir de répondre à vos questions.
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Je ne suis pas d'accord pour dire que ce serait la pagaille. Les traités de l'OMC resteraient en vigueur. Le système de règlement des différends continuerait de fonctionner.
On a l'impression qu'il faut constamment élargir le régime des traités commerciaux selon la théorie de la bicyclette qui tombe lorsqu'elle s'arrête. Cette dynamique est un des facteurs qui ont poussé les règles des traités commerciaux au-delà de leur fonction première, de plus en plus vers ces questions de réglementation.
Je voudrais également souligner que lorsque ce cycle de négociations a été lancé, on l'a baptisé, en toute sincérité ou dans un esprit cynique, l'Agenda de développement de Doha. C'était un cycle de développement. En réalité, c'est devenu un autre cycle sur l'accès aux marchés. Il est vrai, je pense, que la majorité des pays en développement sont très déçus et très inquiets de la direction qu'ont pris ces négociations, et je pense qu'un bon nombre d'entre eux aimeraient un temps d'arrêt, mais ils ne sont pas aux commandes.
C'est un groupe de gros joueurs qui s'est légèrement élargi. Ce ne sont plus seulement les Européens et les États-Unis. Maintenant, le Brésil et l'Inde, ainsi que la Chine qui joue un rôle plus discret, sont les principaux joueurs qui concluront un accord que pratiquement tous les autres devront accepter.
Je ne crois pas qu'un temps d'arrêt serait une catastrophe. Cela pourrait porter un coup au prestige de l'OMC. Ce serait décevant pour les négociateurs. Néanmoins, le système continuera de fonctionner.
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Monsieur le président, j'aimerais que vous m'avertissiez quand il restera deux minutes, parce que mon ami Guy André veut aussi poser une question.
Monsieur Sinclair, je voudrais savoir si vous avez réfléchi à une question qui me semble actuellement peu prise en compte.
M. Pettigrew était très clair quand il était ministre. Il affirmait que la santé et l'éducation publiques ne sont pas des éléments à négocier à l'OMC. Cependant, au sujet de l'école privée, il n'a jamais pu prendre d'engagement ferme. Il disait même que le Canada avait une belle expertise en éducation et en formation professionnelle, et que ce serait bien de pouvoir l'exporter. Étant donné que les écoles privées sont de plus en plus nombreuses, en tout cas au Québec, que nos universités sont pour la plupart privées et que les Américains seraient probablement intéressés à cela, ne devrait-on pas préciser que le domaine de l'éducation tout entier ne doit pas faire partie des négociations dans le cadre de l'OMC en vue de libéraliser des services?
Une économie sociale est en train de se développer. Prenons l'exemple des garderies au Québec. Il ne s'agit pas d'entreprises privées au sens traditionnel du terme parce qu'elles sont à but non lucratif. Cependant, elles sont privées dans la mesure où elles n'offrent pas des services publics à proprement parler. Elles sont autonomes et financées en grande partie par l'État, mais aussi par les usagers.
Lorsqu'il est question de services publics, on ne tient pas compte de ce secteur de l'économie sociale. Cela m'inquiète beaucoup parce que les services de garde et les services de maintien à domicile des personnes en perte d'autonomie, par exemple, constituent un marché qui se développera de façon incroyable au cours des prochaines années. Ces domaines ne sont pas vraiment identifiés comme des secteurs sensibles.
Avez-vous commencé à réfléchir à ces questions? Peut-être vous êtes-vous déjà fait une idée à leur sujet.
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Cette restriction selon laquelle le gouvernement ne prendra pas d'engagements concernant l'éducation publique m'inquiète, car les engagements couvrant l'éducation privée se répercuteraient certainement sur le système public. Les fournisseurs de services éducatifs comme les universités offrent des cours de formation qui concurrencent ceux des fournisseurs privés. Les engagements couvrant l'éducation privée auraient donc certainement des répercussions sur le système d'éducation publique.
Au cours des années, et en tout cas au début de ce dernier cycle, le gouvernement et les négociateurs se sont montrés très intéressés à rallier les intervenants canadiens, parce que les Canadiens, y compris les universités canadiennes, exportent des services d'éducation à l'étranger et forment des étudiants étrangers au Canada.
Il a été tout à fait impossible d'obtenir le soutien des parties prenantes. Les universités et les autres intéressés ont estimé que l'AGCS ne les aiderait pas et que le risque que les fournisseurs privés exigent d'obtenir des subventions publiques ou exigent une accréditation au même titre que les universités était trop élevé. Je trouve assez encourageant que dans le cas de cette demande multilatérale sur l'éducation, non seulement le Canada n'a pas été un codemandeur, mais il n'a pas non plus été visé comme destinataire. Cela me rassure un peu.
Je pense que les questions que vous soulevez au sujet des garderies sont très importantes, notamment pour comprendre comment fonctionnent les traités commerciaux. Souvent, il ne suffit pas de dire que les services publics sont exclus.
En ce qui concerne les garderies en particulier, je ne pense pas qu'elles soient directement menacées pour le moment. Le gouvernement canadien a dit clairement qu'il ne prendrait pas d'engagements visant les services sociaux, y compris les garderies... à moins d'un changement dans son mandat de négociation. Nous avons un nouveau gouvernement, ce qui crée quelques incertitudes.
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Monsieur André, les propositions des États-Unis et de l'Union européenne concernant les subventions sont intéressantes en ce qui concerne les chiffres, mais ils sont partis de chiffres très élevés. On se demande s'ils auraient même à réduire leur soutien. L'Union européenne a entrepris une réforme de sa politique agricole commune en vertu de laquelle elle a découplé son soutien et elle continuera dans cette voie. Mais nous pensons que le découplage n'a pas éliminé les distorsions sur le plan de la production ou du commerce. En fait, les Européens vont devoir poursuivre leurs subventions aux exportations laitières au-delà de 2013 parce qu'ils ne peuvent tout simplement pas se débarrasser de leur production.
Les États-Unis ont dit qu'ils incluraient une plus grande partie de leur soutien dans la boîte bleue, mais ils veulent placer dans la boîte bleue les paiements contracycliques qui créent des distorsions. Ils désirent les plafonner, mais ces plafonds ne veulent rien dire.
Le plus important, selon moi, en ce qui concerne le soutien à l'agriculture et les subventions agricoles, c'est de définir les subventions et de faire une analyse réaliste des mesures qui créent des distorsions. Nous ne l'avons pas encore fait. Nous préparons un rapport, qui sera publié à la fin de la semaine, sur le découplage, et un autre, que nous publierons sans doute au début de juillet, sur l'état des négociations après la prochaine réunion ministérielle, si elle a lieu, pour montrer combien nous sommes loin de l'objectif que le Canada devrait atteindre.
Malheureusement, si nous ne réglons pas cela, nous allons devoir soutenir nos propres producteurs de céréales et d'oléagineux à raison de 4 ou 5 milliards de dollars par année.
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Oui, il y a un document et quelques articles à ce sujet que je transmettrai au greffier.
En 1995, et plus tard dans un addendum à l'AGCS, en 1997, le Canada a couvert tout un éventail de services financiers, y compris l'assurance. Dans le cas de l'assurance automobile, le Canada s'est prévalu d'une exemption nationale particulière -- ce qu'on appelle une limitation -- pour les régimes d'assurance automobile publics qui existent actuellement dans quatre provinces, je pense.
Si une autre province comme celle d'où je viens, l'Île-du-Prince-Édouard, ou si les provinces maritimes, où on en discute actuellement, voulaient mettre en place un régime public d'assurance automobile, le Canada devrait retourner négocier sa liste d'exemptions de l'OMC-AGCS.
J'estime que ce n'est pas normal. Ce n'est pas vraiment une question commerciale. C'est dissuasif, et cela a peut-être contribué à dissuader le Nouveau-Brunswick de mettre en place un régime public d'assurance automobile même si un comité multipartite l'avait recommandé.
Je vais vous remettre quelques documents qui contiennent des explications supplémentaires.
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Merci, monsieur le président.
Et je vous remercie tous les deux pour vos observations.
Monsieur Clark, je crois qu'à un petit déjeuner auquel j'assistais il n'y a pas si longtemps, vous avez dit que l'OMC était morte, je m'en souviens. Vous dites maintenant qu'elle n'est pas tout à fait morte. Elle est mourante, mais tout espoir n'est pas encore perdu?
J'aimerais que vous nous en disiez plus. Mais je ne me contenterai pas de cette question à laquelle vous pouvez répondre en un ou deux mots. C'est une participation volontaire. Il y a actuellement 149 États membres. Le nombre d'adhérents ne diminue pas; il augmente. Par conséquent, tout le monde veut faire partie de ce groupe de pays. Bien entendu, la plupart des pays sont conscients des avantages que cela représente.
Qu'arrivera-t-il si nous perdons? Pourriez-vous expliquer au comité ce que nous devons faire pour préparer notre pays à la possibilité de ne pas obtenir une entente? Avons-nous suffisamment d'accords bilatéraux en place pour compenser un échec au niveau multilatéral?
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Clark et merci, monsieur Sinclair d'être venus ici aujourd'hui.
Monsieur Clark, je n'ai pas lu le document qui déplaît tant à Mme Guergis, mais je suis sûr qu'il vaut la peine de le lire et j'espère donc figurer à l'avenir sur votre liste de courriel.
Monsieur Sinclair, j'apprécie votre présence ici aujourd'hui, car j'ai lu certains des livres que vous avez écrits sur le sujet. Vous en connaissez sans doute plus sur la politique commerciale et l'OMC que pratiquement tous les autres Canadiens et nous apprécions donc que vous soyez ici aujourd'hui.
Je voudrais d'abord adresser mes questions à M. Sinclair, car les témoins qui ont participé à la réunion de 15 h 30 à 16 h 30 semblaient assez sûrs que l'exclusion des services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental comme les soins de santé et l'éducation permettra d'éviter des répercussions négatives sur ces secteurs. D'après votre déclaration préliminaire, j'ai l'impression que vous vous inquiétez largement de la façon dont se déroulent les négociations sur le secteur des services. Je voudrais donc que vous me donniez une idée des répercussions sur ce secteur.
Deuxièmement, vous avez mentionné spécifiquement deux exemples: d'abord les régimes provinciaux existants d'assurance-santé et d'assurance automobile pourraient être exclus de l'AGCS, mais si les électeurs, les citoyens de l'Île-du-Prince-Édouard décidaient de se doter d'un régime d'assurance automobile publique, ils ne pourraient pas le faire. Je voudrais savoir quelles en sont les conséquences concrètes. Cela veut-il dire que le litige sera interminable et qu'il faudra dépenser des millions de dollars pour que les citoyens aient le droit à l'assurance automobile publique, ou cela veut-il dire que l'OMC ne permettra pas aux citoyens d'avoir une assurance automobile publique parce que nous n'avons pas conclu d'entente en ce sens?
Vous avez aussi mentionné les télécommunications et la perte de nos intérêts majoritaires dans ce secteur. Quels en sont les conséquences? Là encore, si la politique publique... si les Canadiens veulent être propriétaires de ce secteur, cela va-t-il causer un litige qui coûtera des millions de dollars aux contribuables ou est-ce que cette possibilité disparaît tout simplement?
Je voudrais savoir quelles en sont les répercussions.
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Pour ce qui est de l'exclusion des services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental prévue à l'alinéa I(3)
c) de l'AGCS, je ne pense pas -- et c'est un avis que bien d'autres gens partagent -- que ce soit une exemption effective. Ce n'est certainement pas une exemption intégrale des services publics. Il est dit que les services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental sont exclus du traité, mais il est ensuite précisé qu'il s'agit de services qui ne sont fournis ni sur une base commerciale ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services.
Comme M. Paquette y a fait allusion à propos des garderies ou des services de garde d'enfants, la plupart des services que nous qualifions de publics sont des services mixtes et la ligne de démarcation entre le public et le privé change constamment. Souvent, les fournisseurs de services publics tels que les universités, concurrencent des fournisseurs de services privés et profitent de certains avantages par rapport à ces derniers parce qu'ils ont des responsabilités et l'obligation de fournir des services, ce qui n'est pas le cas des fournisseurs de services privés. Cette exclusion comme telle n'est donc pas vraiment rassurante.
Malgré les pressions, de nombreux gouvernements, surtout ceux des pays industrialisés qui poussent en faveur d'un élargissement de l'AGCS, hésitent à préciser davantage quelles en sont les conséquences. Ils préfèrent que cela reste vague. Autrement dit, ce sera tranché lors d'un règlement des différends à un moment donné, ce que je ne trouve pas satisfaisant.
Quant à savoir ce qui se passera si un gouvernement provincial, qui ne bénéficie pas d'une exclusion, décide de mettre en place un régime public d'assurance automobile, non, cela ne l'empêche pas absolument de le faire, mais cela créera un sérieux problème. Le Canada devra retourner devant l'OMC pour invoquer lun article de l'AGCS lui permettant de faire modifier sa liste d'exemptions et d'apporter un ajustement. Dans le contexte de l'OMC, cela veut dire que vous devez engager des secteurs équivalents dans le cadre du traité. C'est un important facteur de dissuasion et si vous examinez les documents de l'OMC, vous constaterez que parfois les engagements sont irréversibles pour cette simple raison. Si vous ne pouvez pas négocier une entente satisfaisante, vous pouvez être passible de sanctions commerciales qui pourraient toucher des secteurs autres que celui des services.
Enfin, en ce qui concerne les télécommunications, pour le moment, nos restrictions concernant la propriété étrangère sont inscrites dans notre liste d'exemptions de l'AGCS. Tant que cela ne changera pas, ce sera une protection efficace. Ceux d'entre nous qui appuient ces dispositions doivent bien veiller à ce qu'elles ne soient pas modifiées, car si elles le sont, nous les perdrons pratiquement pour toujours.
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Je voudrais proposer un petit amendement, monsieur le président, pour remplacer « tienne une séance supplémentaire » par « tienne des séances supplémentaires ». Je m'explique.
Je suis d'accord sur le principe de la proposition de M. Paquette. De toute évidence, nous avons beaucoup appris au sujet de l'accord sur le bois-d'oeuvre grâce à ce que les témoins nous ont dit jusqu'ici. Même si nous envisageons huit témoins, je crois qu'un certain nombre de maires ont dit qu'ils voudraient également pouvoir parler de cette question.
J'ai trouvé qu'il était difficile d'avoir les neuf représentants de l'industrie autour de cette table. Je ne pense pas que nous ayons eu le temps de vraiment les questionner à fond et nous aurions obtenu beaucoup plus de renseignements s'ils avaient été moins nombreux.
Je suggère que nous tenions deux réunions sur le sujet. Il y a sans doute déjà une date de disponible au cours des deux prochaines semaines, je crois. Il faudrait également que nous nous réunissions un soir, mais je suis certainement prêt à travailler le soir, car c'est une question très importante.
La motion de M. Paquette me paraît excellente.