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Je vous remercie de votre invitation.
En fait, je représente ici deux organisations, la B.C. Freedom of Information and Privacy Association et la B.C. Civil Liberties Association.
Le 9 février 1999, j'ai comparu devant le Comité permanent de l'industrie pour présenter mon point de vue sur le , la LPRPDE, au nom de Frontière électronique du Canada.
Nous avons appuyé le principe du projet de loi. Aujourd'hui, au nom de la BC FIPA et de la BCCLA, je voudrais renouveler notre appui à la protection de la vie privée au moyen de la LPRPDE. Cependant, il y a un certain nombre de questions à aborder si on veut s’assurer que les renseignements personnels des Canadiens continueront à être protégés par cette loi importante.
Dans la présente intervention, j'aborderai un certain nombre de questions liées à la loi même et au fonctionnement du Commissariat à la protection de la vie privée.
Il est important de souligner que le droit à la protection des renseignements personnels est de plus en plus menacé et que pour s’entourer des mécanismes de défense de ce droit, il faut à tout le moins une législation adéquate appuyée par un organisme prêt à le défendre et à attirer l’attention sur les problèmes actuels et futurs
La recommandation la plus importante est de remplacer le modèle actuel du protecteur du citoyen qui sert au règlement des conflits et est utilisé par le CPVP et d’octroyer au Commissaire le pouvoir de rendre des ordonnances.
J'attire votre attention sur un article paru au début de novembre dans les journaux au sujet de la British Broadcasting Corporation, BBC, qui signalait que Richard Thomas, le Commissaire à l'information de la Grande-Bretagne, avait dit de la Grande- Bretagne qu’elle « se réveille face à une société de surveillance qui est partout autour de nous ».
Voici quelques-unes des caractéristiques de cette société : d’ici 2016, les acheteurs pourraient bien être scannés à leur entrée dans les magasins, les écoles pourraient disposer de cartes permettant aux parents de surveiller ce que leurs enfants mangent et des emplois pourraient être refusés aux candidats qui sont considérés comme ayant un dossier médical à risque.
Le rapport susmentionné porte sur la société de la surveillance et je considère qu'il s'agit d'un rapport très sérieux. Bien sûr, la Grande-Bretagne a souvent été citée parmi les sociétés les plus surveillées.
Pour mettre en contexte certaines des remarques qui suivent, laissez-moi vous rappeler certains commentaires que j’ai livrés, il y a un peu plus de six ans au moment de l’approbation de la LPRPDE. J'avais donné quelques exemples d'atteinte à la vie privée. J'avais soutenu que le Canada s'était doté d'une telle loi notamment parce que les entreprises et le gouvernement devaient tous les deux faire preuve de responsabilité dans leurs activités liées à la vie privée, qu'il fallait permettre la remise en question de ces activités et que la loi pourrait et devrait porter sur ces questions.
Je vais vous faire part de certaines de mes enjeux, qui constitueront, à mon avis, l'essentiel de mes observations. J'ai neuf enjeux; le premier est la publicisation des plaintes.
Le Commissariat à la protection de la vie privée, le CPVP, a décidé de ne révéler qu’exceptionnellement le nom des plaignants et des organismes et compagnies à l’encontre desquels des plaintes ont été déposées. Il semble bien qu’en vertu du régime actuel, il n’en coûte pas grand-chose aux compagnies qui ne règlent pas leurs dossiers en matière de protection des renseignements personnels. Le fait de ne pas mettre en application comme il se doit un régime de protection obligatoire des renseignements personnels est tenu pour un des inconvénients minimes de la conduite des affaires. Attirer l’attention du public constituerait un moyen beaucoup plus efficace de forcer la conformité.
Deuxièmement, il est nécessaire d'éduquer le public de manière beaucoup plus efficace. Le CPVP pourrait jouer un rôle plus efficace qu’il ne l’a fait jusqu’ici, notamment en attirant l’attention du public sur le Commissariat et son rôle en vertu de la LPRPDE. Dans mes classes et dans mes conférences, j’ai rarement trouvé quelqu’un qui connaissait la Loi sur la protection des renseignements personnels du Canada, ses droits en vertu de la loi, l’existence du CPVP, le nom du commissaire actuel et les activités du Commissariat.
Selon un sondage commandé par le Commissariat à la protection de la vie privée en mars dernier, environ 8 p. 100 des Canadiens ont entendu parler de la LPRPDE. De toute évidence, si vous ne connaissez pas les lois qui vous protègent, il vous sera difficile de bénéficier de leur protection.
Le troisième enjeu est la réaction des entreprises aux manquements à leur sécurité. Que faudrait-il, le cas échéant, imposer aux entreprises lorsque leurs barrières de sécurité sont violées et lorsque des renseignements personnels sont divulgués? De tels événements sont devenus relativement fréquents, et celles qui retiennent le plus l'attention sont les entreprises dont l’activité première est la collecte, la compilation et le marketing des renseignements personnels.
Quand la LPRPDE est entrée en vigueur, on ne parlait guère de « vol d’identité ». Aujourd'hui, il s'agit d'un des crimes les plus importants associés à la technologie d'Internet. Dans le mémoire, j'inclus un tableau qui contient les nombres d'infractions à la sécurité commises aux États-Unis au cours des deux ou trois dernières années.
Le quatrième enjeu porte sur les flux transfrontière des renseignements personnels des Canadiens. Le CPVP a soumis la question à l’attention du public canadien, particulièrement en ce qui concerne l’accès possible à l’information personnelle des Canadiens détenue aux États-Unis par le FBI en vertu du Patriot Act. En 2004, la question s’est posée en Colombie-Britannique parce que le gouvernement avait transféré des dossiers médicaux à une filiale de la compagnie américaine Maximus. David Loukidelis, le commissaire à la protection de la vie privée de Colombie-Britannique, a dû tenir des audiences pour déterminer les dangers que ces activités pourraient engendrer. En bref, le gouvernement de la Colombie-Britannique a déposé et adopté un projet de loi imposant les exigences suivantes : interdiction d’accéder à distance aux données des Canadiens à partir d’un pays étranger; restrictions spéciales à l’accès aux données; exigences de supervision des employés américains. J'en ai énuméré plusieurs autres. Ce qui importe, c'est que le gouvernement fédéral doit également traiter ce genre de question.
Cinquièmement, il y a les questions relatives aux renseignements personnels en milieu de travail. À cet égard, la LPRPDE ne vise pas les renseignements recueillis par les employeurs sur les employés du secteur privé qui ne sont pas réglementés par le gouvernement fédéral. Les employés de trois provinces, la Colombie-Britannique, l'Alberta et le Québec, bénéficient d'une protection en milieu de travail, mais en général, il y a réellement un manque à cet égard. Pour tout dire, je devrais ajouter que, en collaboration avec un chercheur, j'ai effectué, pour le compte du Commissariat à la protection de la vie privée, un projet de recherche de six mois sur la protection des renseignements personnels en milieu de travail et que nous avons déposé un rapport au Commissariat dans lequel nous exprimions notre préoccupation concernant l'avenir des droits des travailleurs au Canada.
Le sixième enjeu concerne l'élaboration du dossier médical électronique (DME) et ses répercussions sur la protection des renseignements personnels. Nous rappelons que, lorsque la LPRPDE a été promulguée, son application à la protection des dossiers médicaux a été retardée d’un an en vue de permettre de nouvelles consultations visant à aborder toutes les questions particulières associées à de tels dossiers. Les données médicales sont les renseignements personnels les plus confidentiels de tous, et il convient de leur accorder le plus haut niveau de protection. Nous mettons en oeuvre, à l'échelle du pays, des systèmes d'information qui contiendront une partie du dossier médical de chaque patient ayant déjà consulté.
Il est crucial de se demander qui a accès à ces dossiers et dans quelle mesure les patients peuvent donner leur accord sur la communication de leurs renseignements. Un modèle très simplifié contient la plupart des renseignements sur les médicaments, notamment, ou sur les visites, ce qui ne constitue pas la plus confidentielle des informations et ne nécessite généralement aucune autorisation spéciale. Toutefois, les renseignements confidentiels pourraient être verrouillés, dans un « coffre-fort » et n'être consultés que si le patient donne directement son accord. À qui cette information pourrait être communiquée? Aux autres médecins, aux gestionnaires responsables de veiller au bon fonctionnement du processus médical et aux chercheurs qui voudraient avoir accès aux dossiers médicaux.
Le septième enjeu porte sur les défis posés par les technologies émergentes qui menacent la confidentialité des renseignements personnels. Généralement, la loi semble toujours dépassée par les nouvelles technologies, qui sont utiles et qui, tout d'un coup, commencent s'appliquer à des aspects auxquels on n'avait pas songé. Naturellement, la loi s'appliquera tout de même, mais la difficulté, c'est d'essayer d'en comprendre les conséquences. J'attire votre attention sur l’identification par radiofréquence (IRF) utilisée pour les passeports étatsuniens. Cette technologie sert au contrôle d'inventaire et aussi à des fins plus répréhensibles. Je ne pense pas que le terme est trop fort.
Permettez-moi de vous lire cette histoire parue plus tôt cette année :
Une compagnie de surveillance par caméra de Cincinnati (City Watcher.com) exige maintenant de ses employés qu’ils utilisent VeriChip, une micropuce implantable chez les humains, pour pouvoir pénétrer dans un centre de données sécurisé. Jusqu’ici, les employés avaient accès au centre de données grâce à une puce logée dans une case en plastique en forme de coeur attachée à la chaîne de leur trousseau de clés.
Le VeriChip est une étiquette d’IRF vitrifiée qui est injectée dans le triceps dans le seul but d’identifier la personne. L’étiquette peut être lue par ondes radio à quelques centimètres de distance.
Si elle était un peu plus puissante, elle pourrait être lue à quelques mètres.
Qu'est-ce que vous en pensez? Comment devrait réagir un commissaire à la protection de la vie privée à ce type d'activités? On parle maintenant de dossiers médicaux sur des puces implantables. Ce n'est qu'une des technologies auxquelles il faudra vraiment faire attention.
Le huitième enjeu concerne les points de vue actuels sur certains aspects du consentement. C'est une question très vaste qui suscite de vives craintes. Les différents aspects de l'accès font l'objet de la moitié d'un document publié par le commissaire à la protection de la vie privée dans le but de stimuler le débat. Qui a des droits? Existe-t-il un accès universel? Entre autres, on se préoccupait de l'accès autorisé en vertu de différentes lois fédérales visant le terrorisme et de la collecte de renseignements personnels sans en informer la personne en cause. La question générale qui se pose est de savoir combien de renseignements peut-on collecter sur les gens sans obtenir leur autorisation ou au moins les en informer. J'utilise le terme « accès » pour englober beaucoup de choses, mais je n'ai pas assez de temps pour les analyser en détail.
Je passe très rapidement à mon dernier commentaire, celui par lequel j'ai commencé. Le commissariat à la protection de la vie privée du Canada favorise le modèle de la médiation exercée par le protecteur du citoyen. Les plaintes sont entendues, des réunions sont organisées et des recommandations non exécutoires sont émises, sans que soit mentionné le nom des parties, du moins dans la grande majorité des cas. Si le plaignant est insatisfait, il peut porter la cause devant la Cour fédérale à ses propres frais.
Ce modèle est-il efficace? Les réponses du public à cette question ne s'accordent pas toujours. Assurément, le CPVP semble fidèle à son mode de fonctionnement actuel. Il est clair que le CPVP semble satisfait de son mode de fonctionnement actuel. Il est significatif de constater que, dans les trois autres provinces du Canada qui ont leur propre version de la LPRPDE, la Colombie-Britannique, l’Alberta et le Québec — bien sûr, le modèle québécois a été mis en place quelques années auparavant —, on confère le pouvoir de rendre des ordonnances. Cela veut dire que les plaintes sont entendues, que les décisions exécutoires sont rendues publiques et que les parties sont nommées. Ainsi, la totalité de la force de la surveillance publique jette un éclairage ininterrompu sur les pratiques de protection des renseignements personnels des entreprises et des organismes. La publicité négative ne joue pas en leur faveur. C'est la recommandation la plus importante que je fais dans mon mémoire.
Permettez-moi de vous remercier de m'avoir permis de me prononcer sur cette question très importante.
Pour ce qui est de cette loi, le premier point, et non le moindre, est qu'elle donne le droit aux particuliers de contrôler les renseignements à leur sujet. Depuis 30 ou 40 ans, on nous informe de la façon dont les organismes et les technologies recueillent les renseignements personnels, le processus se poursuit. Il s'agit d'une valeur et d'un droit de la personne extrêmement importants, que presque toutes les sociétés industrialisées ont maintenant inscrit dans la loi. Il s'agit d'un droit et d'une valeur que l'opinion publique appuie. Les Canadiens maintiennent qu'ils sont extrêmement préoccupés par les menaces à leur vie privée.
Toutefois, les objectifs de base de la LPRPDE ne diffèrent pas fondamentalement de ceux des autres sociétés occidentales. La loi s'appuie sur un ensemble de principes, lesquels sont énoncés à l'annexe 1 de la loi et lesquels ont également été adoptés par les pays de l'Europe de l'Ouest. Il est très important de souligner qu'il faut étudier la LPRPDE dans ce contexte international plus global. En fait, les accords internationaux, comme ceux de l'OCDE, du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne, ont influencé la rédaction de la LPRPDE et même sa mise en oeuvre.
Les forces qui ont fait de la question de la confidentialité une préoccupation au Canada dans les années 1970 et 1980 sont les mêmes qu'à l'étranger. Toutefois, une chose nous différencie des autres pays : nous avons tardé à promulguer des mesures de protection pour notre secteur privé. La plupart des autres pays avaient devancé le Canada. Je pense que cela a eu des répercussions. Premièrement, il a fallu que la loi tienne compte de ce qui se passait à l'étranger. L'Union européenne et d'autres pays ont exercé des pressions sur le Canada pour qu'il agisse et rejoigne la famille des nations qui avaient adopté des lois de protection de la vie privée pour leur secteur privé. Même si notre loi s'inspire de préoccupations et d'intérêts propres au Canada, il faut être conscient de l'influence inévitable que le contexte international a joué dans son élaboration.
À mon avis, la deuxième chose qu'il est important de comprendre au sujet de la LPRPDE est qu'avant que la loi ne soit promulguée, le secteur privé du Canada était très actif. De nombreux codes de pratique avaient été rédigés et la norme a même été négociée par un comité formé de représentants du secteur privé et d'organismes de défense des consommateurs. En conséquence, la théorie sous-jacente à la loi était qu'elle prendrait appui sur ce qui se faisait déjà sur le marché. La loi viendrait compléter les codes de pratique et la norme. Il s'agit là de deux éléments particuliers à retenir à propos de l'évolution de cette loi.
Quant à la surveillance et à l'application, les lois concernant l'application des principes de protection de la vie privée varient d'un pays à l'autre. Au Canada, nous avons opté, au niveau fédéral à tout le moins, pour le modèle de l'ombudsman; vous recevrez sans doute de nombreuses opinions quant à savoir si ce modèle fonctionne réellement. Mes sentiments sont mitigés à ce sujet. Je pense qu'il faut être extrêmement prudent avant de remplacer le modèle de l'ombudsman par celui qui existe en Alberta et en Colombie-Britannique et qui permet de prendre des ordonnances.
J'ai déposé une plainte en vertu de la LPRPDE et j'aimerais prendre quelques minutes pour vous relater cette histoire.
En novembre 2001, j'ai reçu par la poste une enquête sur un produit de consommation qui, selon moi, ne respectait pas la loi. Quelque temps auparavant, la même enquête avait fait l'objet de reportages dans les médias. J'ai contesté trois aspects du sondage. J'ai contesté le fait que le sondage semblait faire enquête sur les habitudes de consommation en indiquant à peine qu'il allait servir à des fins de publireportage; l'endroit où on avait placé la case d'option de non-participation au sondage; et le fait qu'il n'y avait aucune indication sur la façon de déposer une plainte — aucun site Web, aucun numéro sans frais. Il s'agissait de questions de conformité légale claires mais générales qui n'avaient vraiment rien à voir avec mes droits personnels. Je ne cherchais pas à obtenir réparation. Je voulais simplement que l'entreprise change ses pratiques et se conforme à la loi.
Le Commissaire à la protection de la vie privée a convenu que ma plainte était fondée et, en fait, il a même été plus loin à certains égards. Pourtant, il y avait eu de longues négociations, une résistance considérable, beaucoup d'argumentation. Il est difficile pour le plaignant de savoir que faire avec l'information qu'il détient et s'il doit ou non rendre public le nom de l'entreprise concernée. Par conséquent, les choses ont traîné et ce n'est qu'après la réception d'une autre plainte contre la même entreprise que la situation a pu se régler.
La leçon que je tire de mon expérience est que le modèle de l'ombudsman, qui est très utile pour la médiation et la résolution de différends entre des particuliers et des organismes, ne convient peut-être pas dans un cas comme celui-ci, quand il s'agit simplement de sensibiliser un organisme au fait qu'il doit respecter la loi ou la réglementation. En conséquence, je crois qu'il y a un décalage entre certains des buts de la loi et le modèle de l'ombudsman utilisé pour la faire appliquer.
Troisièmement, j'aimerais parler de la norme de la CSA. Il s'agit d'une innovation qui vaut la peine d'être mentionnée. Il existe une raison explicite pour laquelle les rédacteurs de la LPRPDE ont décidé de légiférer en se référant au code modèle pour la protection des renseignements personnels de la CSA. On a cru que, comme le secteur privé avait déjà négocié cette norme, la loi servirait uniquement à obliger les entreprises à respecter leurs propres règles.
Je pense qu'il est également important de souligner que cette loi comprend un mécanisme pour assurer la conformité. Il y a une norme. Chaque organisme peut se servir de cette norme, s'enregistrer en vertu de celle-ci, l'utiliser comme preuve s'il fait l'objet d'une plainte et l'utiliser pour prouver qu'il a adopté un code de bonnes pratiques. Bon nombre de façons permettent d'utiliser cette norme plus efficacement dans la mise en oeuvre de la loi. J'ai d'autres recommandations spécifiques à ce sujet, mais je constate que le temps passe.
Est-ce que la LPRPDE est efficace? Vous recevrez de nombreux conseils pour et contre cette question. On peut diviser les entreprises canadiennes en trois grandes catégories.
Premièrement, il y a les grandes entreprises réputées qui ont effectivement joué un rôle de chef de file en la matière. Ce sont les organismes qui ont élaboré sans tarder des codes de pratique par l'entremise de leurs associations professionnelles et qui, au milieu des années 1990, ont participé à l'élaboration du code de l'Association canadienne de normalisation. Selon moi, même si ces entreprises sont confrontées à des défis de taille et à des questions de protection de la vie privée, elles respectent en général la loi. Elles s'y conforment non pas en raison de l'existence de la loi, mais parce qu'elles avaient relevé leurs normes avant la promulgation de la loi.
À l'opposé ,une deuxième catégorie d'entreprises pourrait être qualifiée de parasitaire; ce sont les entreprises qui tentent délibérément de tirer un bénéfice financier du traitement des renseignements personnels, sans le consentement explicite des particuliers. J'ai l'impression que la LPRPDE a permis de divulguer l'identité d'un bon nombre de ces entreprises,ou de les obliger à fermer leurs portes.
La troisième catégorie, de loin la plus nombreuse, se situe entre les deux autres; elle réunit les entreprises qui traitent la gamme complète de renseignements sur les consommateurs et les employés, mais elles n'ont jamais vraiment été préoccupées par la question, ni invitées à faire plus que le strict minimum que ce soit par les médias, leurs associations professionnelles, le Commissaire à la protection de la vie privée ou les défenseurs de la protection de la vie privée. Elles ont pu, au début, se doter d'une politique de confidentialité et désigner un responsable, mais elles n'ont pas été confrontées davantage à la question.
Des enquêtes révèlent abondamment que la plupart des entreprises ne connaissent pas la LPRPDE ni leurs obligations en vertu de cette loi. Selon moi, c'est à cette importante catégorie d'entreprises qu'il faut expliquer l'intention de la loi.
Le comité va certainement entendre des témoins faire valoir que la LPRPDE est une mesure législative très sévère. Je ne partage pas cet avis. Elle est assez modérée par rapport à d'autres lois sur la confidentialité, comme celles en vigueur en France, en Allemagne ou dans d'autres pays européens. Cela dépend toutefois du mécanisme de conformité ascendant. En effet, le régime en entier se fonde sur le principe que la norme de la CSA s'inspire des codes de pratique existants et que le cadre législatif devrait s'inspirer de la norme de la CSA.
J'ai déjà fait valoir que ce type d'approche pouvait favoriser un système de protection de la confidentialité plus efficace qu'un modèle de contrôle et de sanction imposé d'en haut, et dont l'application reposerait seulement sur la loi. C'est toujours mon avis, mais je crois également qu'une refonte de la loi s'impose. En outre, je pense que le comité doit examiner attentivement les pouvoirs conférés au Commissaire à la protection de la vie privée pour faire appliquer cette mesure législative essentielle.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur la question de la distinction entre la protection des renseignements personnels et l'exemption à ce sujet dans le cas du produit du travail et des renseignements professionnels.
Monsieur Bennett, vous avez dit que le texte devrait être très soigneusement rédigé afin de s'assurer qu'il n'est pas trop général. Si vous vous y mettiez, seriez-vous en mesure de peut-être — pas nécessairement aujourd'hui — suggérer une définition qui permettrait de bien faire la distinction, pour que l'exemption ne soit pas trop large?
Monsieur Rosenberg, vous terminez votre mémoire par une série de recommandations. L'une d'entre elles propose que le commissaire à la protection de la vie privée ait le pouvoir de prendre des ordonnances. La British Columbia Civil Liberties Association a recommandé de conférer le pouvoir de prendre des ordonnances qui pourraient être déposées devant la Cour fédérale du Canada et qui seraient exécutoires sur-le-champ. J'imagine que vous approuvez cela.
L'autre point que vous avez soulevé dans votre mémoire est le manque de protection des renseignements personnels des employés en milieu de travail, ce règlement ou cette protection relevant de la compétence fédérale. Dans ce cas précis, dans les provinces et les territoires qui n'ont pas de loi sur la protection des renseignements personnels, c'est la réglementation fédérale qui s'applique, faute d'une réglementation provinciale.
Avez vous une préférence...? Vous connaissez mieux que moi les lois déjà en vigueur en Colombie-Britannique, au Québec et en Alberta. Croyez-vous que l'un des trois soit meilleure que les autres, ou assurent-elles une protection plutôt semblable? Parce que si notre comité doit se pencher sur la possibilité de renforcer la LPRPDE, pour offrir ces protections claires, qui n'existent pas, nous aurions besoin que vous nous disiez quels modèles nous devrions suivre.
Ensuite, monsieur Bennett, vous pourrez répondre, si vous voulez.
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Je crois que les lois de l'Alberta et de la Colombie-Britannique se ressemblent beaucoup et que celle du Québec est différente, mais je dois admettre que je ne suis pas aussi familier avec la loi du Québec que je devrais l'être.
J'ai essayé, dans mes recherches, de tenir compte des diverses situations dans lesquelles la vie privée des travailleurs est menacée. Il n'y a pas que la surveillance de la frappe, les activités sur Internet et les caméras de télévision ou les caméra vidéo en milieu de travail. N'oublions pas les séries de tests auxquels les gens doivent se soumettre pour différents emplois — tests de dépistage de drogues, tests génétiques, tests psychologiques — autant au moment de l'embauche qu'en cours d'emploi. Ces pratiques soulèvent de nombreuses questions. Il sera très difficile de déterminer comment les réglementer pour que les travailleurs soient traités avec humanité et ne se sentent pas constamment menacés.
Cette situation s'explique principalement par le fait qu'on fait beaucoup de choses avec la technologie — si c'est possible, pourquoi pas? Si la technologie permet de faire telle ou telle chose qui paraît utile, on l'adopte; c'est ce qui semble se produire.
Je dois dire aussi que la situation est terrible aux États-Unis, où il n'existe aucune protection des renseignements personnels. Les employeurs ont essentiellement le droit de faire tout ce qu'ils veulent.
À titre provisoire, on a tenté d'en arriver à une entente entre la direction et les travailleurs sur les règles générales concernant le fonctionnement de la technologie. L'employeur surveillera-t-il les moindres faits et gestes de ses employés? Lorsqu'il est en pause-repas, l'employé peut-il se servir de l'ordinateur de son employeur sans être surveillé? Toutes ces questions ont déjà été abordées à propos du téléphone. Un employé a t-il le droit d'appeler chez lui pour prendre des nouvelles de son enfant malade? Aucun gestionnaire n'interdirait cela. Pendant son heure de repas, un employé peut-il se servir de son ordinateur pour planifier ses prochaines vacances? Techniquement, il est en pause, mais ce n'est ni son ordinateur, ni ses logiciels; en fait, rien ne lui appartient. A-t-il le droit de le faire?
Il y a un nombre infini de questions de ce genre pour lesquelles on penserait qu'il est possible de s'entendre sans intervention de la loi, mais ce n'est pas le cas.
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Bien sûr,il y a une initiative fédérale — l'Inforoute Santé du Canada, je crois —, qui offre des fonds et des conseils, et qui tire profit du travail accompli dans différentes régions du pays.
C'est clairement un domaine où il faudrait adopter un système uniforme afin que tous puissent communiquer entre eux. De toute évidence, le dossier médical électronique offre notamment l'avantage de pouvoir être consulté n'importe où. Si votre dossier se trouve en Colombie-Britannique, que vous vous êtes blessé en Ontario ou qu'il vous est arrivé quelque chose et que vous avez besoin de votre dossier, il est vraiment important que ce dernier soit accessible. Ce serait l'un des principaux avantages.
Que vous essayiez de déterminer l'efficacité de certains médicaments, leurs coûts et les endroits où les prix sont les plus élevés, le dossier électronique de santé peut répondre à de nombreuses questions.
Les règles régissant l'accès posent encore problème. Souvent, elles seront simples. Si vous êtes médecin et si vous appartenez à une certaine catégorie, vous pouvez consulter certains aspects des dossiers.
Ainsi, les renseignements devront être catégorisés en fonction de leur sensibilité. Donc, le niveau d'accès variera selon qu'on sera médecin, fonctionnaire, ministre, ministre associé ou sous-ministre à la Santé.
Comme je l'ai dit plus tôt, toutes ces questions sont actuellement examinées.
Je crois que c'est vraiment important et que, de toute évidence, ça influera sur la LPRPDE, parce qu'on régira ces questions pour le compte des provinces dépourvues de loi sur la protection des renseignements personnels.
Je crois que cela nous ramène à la question de l'attente. En fait, je ne crois pas que nous attendrons étant donné l'urgence que posent les dossiers médicaux.
Quelles que soient les mesures prises par les provinces, je suppose que celles qui n'ont pas adopté de loi examineront de près ce qui se passe ailleurs au Canada lorsqu'elles élaboreront leurs politiques régissant l'utilisation de l'information.
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J'ai une autre question par rapport au consentement.
Je sais qu'une étude a été menée dans un institut. J'ai oublié le nom exact, mais l'Université d'Ottawa s'est penchée sur certaines pratiques utilisées par les entreprises en matière de consentement tacite et de consentement explicite ainsi que sur la protection des renseignements personnels et les politiques adoptées à ce chapitre par ces entreprises.
J'ai été consternée par les résultats, en partie parce qu'il y a eu un débat au comité de l'industrie quand nous avons pris connaissance de la loi à l'étape de la deuxième lecture. Je crois qu'il faut renforcer cette loi et la préciser.
Toute la question du consentement — même s'il s'agit d'un consentement explicite donné à une société pour qu'elle puisse utiliser les renseignements personnels d'une façon définie très clairement — pose le problème suivant : les filiales de cette société n'évoluent peut-être pas dans le même secteur tout en offrant le même service ou produit et partageant les renseignements. Le tout est transmis ensuite à des tierces parties qui ne relèvent pas de la société « mère ».
Voici mon expérience personnelle avec une société émettrice de cartes de crédit. Je voulais voir ce qui arriverait. C'est le genre de carte qu'on reçoit par courrier; j'ai rempli le formulaire. À la section traitant du consentement, j'ai tout coché et ai précisé que j'autorisais l'utilisation de mes renseignements personnels uniquement au sein de la société. Cette dernière ne pouvait donc pas les communiquer à leurs filiales qui n'étaient pas directement responsables de l'attribution du crédit autorisé et de l'établissement de ma cote de solvabilité. La société m'a littéralement renvoyé trois fois le même formulaire, précisant qu'il y avait un problème quelconque et me demandait de le remplir à nouveau.
Il m'apparaissait évident que, si je remplissais le formulaire, je révélais mes renseignements personnels, mes habitudes de consommation et mes loisirs. Peut-être ne dévoilerait-on pas mon nom, mais il serait vendu à des tiers pour de la publicité ou autre chose. La plupart des gens ne se rendent pas compte de cela, je crois.
J'aimerais que vous nous recommandiez comment préciser la définition de consentement et de ses différentes formes pour qu'il n'y ait que le consentement explicite. Vous pouvez le faire de vive voix aujourd'hui, mais si vous devez réfléchir à la question, vous pouvez transmettre le tout ultérieurement par écrit et par l'intermédiaire du président.
À mon avis, le consentement implicite ne devrait pour ainsi dire pas exister. Il ne devrait y avoir que le consentement explicite.