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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Mark Yakabuski, et je suis vice-président aux Affaires fédérales et de l'Ontario du Bureau d'assurance du Canada. Mon collègue Randy Bundus est vice-président, conseiller juridique en chef et secrétaire général du Bureau d'assurance du Canada.
Le BAC est heureux de pouvoir participer à l'examen de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, que j'appellerai loi fédérale sur les renseignements personnels pour abréger. Le BAC est l'association nationale qui représente les sociétés d'assurance habitation, automobile et entreprise.
Nous avons participé activement à l'élaboration des lois sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé depuis le début des années 1990. Le BAC et ses membres sont des partisans très convaincus de la loi fédérale sur les renseignements personnels et des lois sur la protection des renseignements personnels de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et du Québec.
Ce matin, nous aimerions attirer votre attention sur trois points du mémoire que nous avons présenté au comité.
[Traduction]
Nous avons trois points à vous présenter. Nous savons que votre temps est précieux. Le premier point concerne les renseignements relatifs au produit du travail, question qui, nous le savons, a déjà été abordée par d’autres personnes qui ont témoigné devant le comité. Notre position sur les renseignements relatifs au produit du travail comprend deux éléments distincts, qui peuvent être réglés par une seule recommandation.
La LPRPDE établit les règles régissant la collecte, l’utilisation et la communication des renseignements personnels, qui sont définis comme étant les renseignements concernant un individu identifiable. Toutefois, la Loi ne traite pas expressément des renseignements relatifs au produit du travail, c’est-à-dire les renseignements créés par une entreprise et ses employés au cours de leurs activités commerciales. Comme ce ne sont pas des renseignements personnels, ils ne sont pas assujettis à la LPRPDE. À notre avis, cependant, il est important de modifier la Loi pour reconnaître officiellement l’existence des renseignements relatifs au produit du travail. Permettez-moi de préciser pourquoi.
Dans une économie compétitive – et nous savons que le Parlement veut que notre économie soit compétitive –, il est essentiel que les sociétés aient accès aux renseignements relatifs aux produits et aux services qu’elles achètent à d’autres entreprises, de manière à pouvoir les utiliser pour innover et améliorer les produits et services qu’elles offrent elles-mêmes à leurs clients.
Sans accès aux renseignements relatifs au produit du travail, on freinerait l’innovation et la concurrence dans l’économie. Les compagnies d’assurance, par exemple, ont besoin d’avoir accès aux renseignements relatifs au produit du travail générés par les nombreuses entreprises dont elles achètent les produits et services. Nous devons ainsi pouvoir analyser la qualité, la durabilité et l’efficacité des réparations de véhicules que nous payons des milliards de dollars chaque année, afin d’être en mesure d’améliorer le service que nous offrons à nos clients. Si la LPRPDE n’est pas modifiée de manière à garantir l’accès aux renseignements relatifs au produit du travail, ce sont les Canadiens qui en feront les frais.
Je prendrai l’exemple des données contenues dans le dossier d’une réclamation d’assurance pour illustrer le second aspect des renseignements relatifs au produit du travail. Ces dossiers contiennent à la fois des renseignements personnels sur le réclamant et des renseignements relatifs au produit du travail en ce qui concerne la gestion de la réclamation. La personne concernée a des droits en ce qui a trait aux renseignements personnels contenus dans le dossier, mais ces droits ne devraient pas s’étendre aux renseignements relatifs au produit du travail créés par la compagnie d’assurance elle-même, dans le but de gérer la réclamation. Il importe de reconnaître que cette information ne s’inscrit pas dans la définition des renseignements personnels.
La question des renseignements relatifs au produit du travail est trop importante pour dépendre d’une interprétation de la LPRPDE. Elle devrait, à notre avis, être définie dans la Loi. Nous recommandons la solution adoptée par la Colombie-Britannique dans son Personal Information Protection Act, qui définit les renseignements relatifs au produit du travail et les exclut explicitement de la définition des renseignements personnels.
Je demanderai maintenant à M. Bundus de parler des deux autres points de notre mémoire.
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Notre deuxième point porte sur la question de savoir si une personne peut se prévaloir de la LPRPDE pour avoir accès à ses renseignements personnels pendant qu’elle intente un procès à la compagnie d’assurance. Ce problème concerne d’une façon particulière les assureurs multirisques qui traitent non seulement avec leurs propres clients, mais aussi avec des non-clients – ou tierces parties – qui disent avoir subi des dommages ou des préjudices causés par un client de l’assureur. La relation qui existe entre la tierce partie et l’assureur est souvent antagoniste.
Nos membres ont constaté que ces demandes d’accès ne sont pas faites dans le but de corriger des erreurs, comme c’est le cas dans le contexte de la LPRPDE, mais plutôt pour que la personne en question puisse utiliser les renseignements contenus dans le dossier de réclamation dans son procès contre l’assureur. Il faut mettre un terme à cette pratique car elle empêche les assureurs de s’acquitter de leur responsabilité juridique de défendre leurs clients en cas de procès.
Nous recommandons de réviser la LPRPDE de façon que les règles de la procédure civile qui régissent l’accès aux renseignements pendant les procès aient préséance sur la Loi une fois que des poursuites judiciaires ont commencé.
Notre troisième point reflète également la nature particulière du domaine des assurances multirisques, dans lequel les assureurs doivent enquêter sur les circonstances d’un accident. L’enquête consiste notamment à recueillir les déclarations des témoins de l’accident ou des gens qui ont des renseignements à cet égard. En général, la déclaration du témoin contient des renseignements le concernant, ses observations sur l’accident et des renseignements sur une autre personne impliquée dans l’accident. Cette autre personne est le sujet de la déclaration. La déclaration d’un témoin peut aussi bien confirmer la version des événements du réclamant que jeter un doute sur l’incident. Il est dans l’intérêt de tous que l’assureur recueille tous les faits et renseignements pertinents le plus rapidement et le plus exactement possible.
La LPRPDE ne mentionnant pas expressément les déclarations de témoins, leur traitement aux termes de la Loi reste flou. On peut se demander d’abord quels renseignements personnels sont contenus dans une déclaration de témoin. À notre avis, les observations du témoin constituent ses propres renseignements personnels. Par conséquent, le témoin est libre de faire une déclaration à l’assureur.
Selon certains, l’assureur devrait obtenir le consentement de la personne faisant l’objet de la déclaration avant de recueillir celle-ci. Cet argument est insensé. Il permettrait en fait au sujet de la déclaration d’empêcher le témoin de parler de ce qu’il a vu ou entendu.
Nous recommandons de réviser la LPRPDE pour établir clairement que les renseignements personnels donnés par un témoin constituent ses propres renseignements personnels. La LPRPDE devrait aussi permettre qu’au cours de l’examen et du règlement de différends contractuels ou de réclamations pour pertes ou dommages, une organisation puisse recueillir, utiliser et communiquer la déclaration d’un témoin à l’insu du sujet et sans son consentement.
Nous avons brièvement résumé ce matin trois questions qui nous intéressent particulièrement et avons proposé des solutions à leur égard. Nous serons heureux de répondre aux questions que vous pourriez avoir à ce sujet ou sur tout autre point de notre mémoire.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup de m’avoir invité aujourd’hui.
Je suis un consultant autonome spécialisé dans la protection de la vie privée. J’ai eu l’occasion de me familiariser avec tous les détails de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques ou LPRPDE depuis qu’elle a été déposée au Parlement en 1998. Je suis en quelque sorte un expert en protection de la vie privée. Du moins, c’est ainsi que les gens me considèrent. Bien que je ne sois pas avocat – mes clients me disent d’ailleurs qu’ils en sont très heureux –, je suis prêt à essayer de répondre à toute question que vous auriez au sujet de la Loi et à vous faire part de tout ce que je sais à ce sujet.
J’espère bien pouvoir engager un dialogue avec vous et avoir la possibilité d’aborder, du mieux que je peux, tout aspect de la Loi sur lequel vous voudriez m’interroger pour vous expliquer comment il fonctionne en pratique.
La LPRPDE est une mesure législative importante. Elle établit les règles de base de la protection de la vie privée dans le domaine commercial et définit un cadre permettant d’en arriver à un certain équilibre entre le droit des citoyens de contrôler leurs renseignements personnels et la nécessité pour les entreprises de recueillir, d’utiliser et de communiquer ces renseignements à des fins raisonnables.
Dans l’ensemble, cet équilibre entre les intérêts des citoyens et ceux des entreprises est bien maintenu. D’une façon générale, la LPRPDE est une bonne loi. En fait, ayant contribué à la rédaction du code de l’ACNOR sur lequel se base cette Loi, j’ai parfois trouvé tout à fait remarquable de noter à quel point cette mesure législative s’est révélée durable. Les principes de l’ACNOR étaient vraiment bien conçus et ont bien résisté à l’épreuve du temps, en dépit de la complexité de certains libellés.
Malgré son manque de clarté, la Loi se base sur des concepts généraux solides qui permettent à des gens raisonnables de porter des jugements raisonnables sur la façon dont leurs renseignements personnels devraient être protégés. Ce processus d’examen constitue néanmoins une très importante occasion de corriger quelques problèmes pour rendre la Loi encore plus efficace pour les entreprises à certains égards et plus équitable pour le public à certains autres.
Il y a des gens qui croient qu’il est trop tôt pour procéder à cet examen. À mon avis, ce n’est pas le cas. La Loi comporte des problèmes qu’il faut corriger tout de suite sur la base de l’expérience acquise au cours des six dernières années, des dispositions des lois de deuxième génération adoptées en Alberta et en Colombie-Britannique et des préoccupations croissantes suscitées dans le public par des questions telles que l’usurpation d’identité. Le travail qu’on fait actuellement à cet égard est extrêmement important et contribuera très sensiblement à faire de la LPRPDE une meilleure loi dans les années à venir.
Assis à l’arrière de la salle, j’ai suivi attentivement ce que les autres témoins ont déclaré au cours des dernières semaines. J’ai décidé pour le moment de limiter mes observations officielles à sept questions. J’ai cru comprendre que mon mémoire n’a pas encore été traduit, mais qu'il sera distribué sous peu.
Je crois que les sept questions abordées dans mon mémoire sont toutes importantes, même si certaines n’ont pas fait l’objet d’une grande attention. Je serais heureux de parler de n’importe laquelle d’entre elles. Elles portent sur les pouvoirs du commissaire, les obstacles à l’accès à la Cour fédérale, le consentement en situation d’emploi, la notification des intéressés en cas de perte de leurs renseignements personnels, la collecte de renseignements sans consentement, la collecte de renseignements à des fins de sécurité nationale et la collecte de renseignements à l’insu et sans consentement des intéressés aux fins du droit administratif.
J’ai l’intention d’aborder dans cet exposé trois de ces sept questions. La première est la notification des intéressés en cas de perte de renseignements personnels par suite d'une infraction à la sécurité.
L’usurpation d’identité est un grand problème qui touche l’ensemble du marché, et même les entreprises responsables qui protègent sérieusement leurs données et n’ont jamais eu de difficulté à cet égard. Le prix des infractions à la sécurité et de l’usurpation d’identité est assumé par l’ensemble du marché. Il entraîne une hausse du prix des biens et des services et réduit la confiance du public dans l’échange de données.
Les entreprises responsables peuvent croire que les règles de notification en cas de perte de renseignements personnels devraient être laissées à leur discrétion. Personnellement, je ne doute pas que les entreprises responsables agissent de façon responsable à cet égard parce qu’elles tiennent à leur réputation, assument des responsabilités fiduciaires et doivent tenir compte de différents autres facteurs. Toutefois, comme l’a noté John Gustavson, président de l’Association canadienne du marketing, lorsqu’il préconisait l’adoption d’une loi sur la protection des renseignements personnels, le monde ne se compose pas exclusivement d’entreprises responsables.
Nous avons donc besoin d’un mécanisme garantissant un comportement responsable sur le marché, surtout dans ce domaine.
En matière de notification, je propose un modèle en quatre points qui, je pense, est clair, équitable, solide et réaliste et qui protège l’intérêt public.
Premièrement, les entreprises auraient une obligation de notification qui s’appliquerait à tous les genres de renseignements délicats, et pas seulement aux données financières. Par exemple, la perte de dossiers médicaux peut causer autant de préjudice que la perte de renseignements pouvant entraîner l’usurpation d’identité.
Deuxièmement, les organisations auraient, dans certaines limites, le pouvoir de déterminer quand avertir le public, mais ce pouvoir serait basé non seulement sur leur propre évaluation de la situation, mais aussi sur une norme objective, comme le critère de la personne raisonnable actuellement inscrit dans la Loi, qui imposerait aux organisations d’agir avec prudence.
Elles auraient l’obligation d’informer le Commissariat à la protection de la vie privée chaque fois qu’une personne raisonnable le jugerait nécessaire et ce, dans un délai prescrit assez court après la perte des renseignements personnels. Dans mon modèle, lorsqu’une organisation informe le commissaire, elle décrit les répercussions de la perte, les efforts déployés pour les atténuer et la décision prise quant à la notification des intéressés. Si l’organisation décide de ne pas notifier les intéressés, ce qu'elle ne devrait pas faire dans la majorité des cas, elle doit expliquer les motifs de sa décision. Le commissaire à la protection de la vie privée pourrait alors contester cette décision.
Le plus important, cependant, en matière de notification, c’est que nous avons besoin de moyens de mise en vigueur. À cet égard, je crois que le défaut de notification devrait constituer une infraction en vertu de la Loi si une telle notification peut être jugée nécessaire par une personne raisonnable. L’infraction serait sanctionnée de peines semblables à celles que la Loi prévoit dans le cas des autres infractions.
Pour renforcer la mise en vigueur, je crois que la Loi devrait préciser que les droits accordés aux divulgateurs d’actes répréhensibles s’appliquent aux employés qui avertissent le commissaire à la protection de la vie privée de la perte de renseignements personnels.
Mon deuxième point porte sur le consentement en situation d’emploi. J’ai réuni suffisamment de renseignements dans les dossiers d’enquête sur les plaintes déposées en vertu de la LPRPDE et dans les décisions de la Cour fédérale pour être convaincu que l’exigence de consentement à de nouvelles fins raisonnables au travail impose un énorme fardeau administratif aux entreprises et peut mener à des situations dans lesquelles l’employé exerce d’une manière arbitraire son droit de refuser son consentement alors que la collecte d’information est tout à fait justifiée.
Les lois de l’Alberta et de la Colombie-Britannique prévoient ce problème, les législateurs de ces deux provinces ayant supprimé l’exigence de consentement en situation d’emploi et l’ayant remplacée par une norme imposant un motif précis qui soit raisonnable et lié à la personne en cause.
Jusqu’ici, je n’ai pas eu connaissance de circonstances dans lesquelles le modèle de l’Alberta et de la Colombie-Britannique n’a pas bien fonctionné ou a occasionné des violations du droit des employés à la protection de leurs renseignements personnels.
J’ai procédé à une analyse très détaillée de la question du consentement dans mon mémoire. J’espère que vous aurez l’occasion de l’examiner.
Mon dernier point porte sur un sujet qui n’a pas beaucoup retenu l’attention jusqu’ici. Il s’agit des modifications apportées à la LPRPDE lors de l’adoption de la Loi de 2002 sur la sécurité publique, pour permettre à des organisations du secteur privé de recueillir, de leur propre initiative ou à la demande d’un organisme de sécurité nationale, de nouveaux renseignements au sujet de leurs clients, de leurs employés ou d’autres personnes à des fins liées à la sécurité nationale, à la défense du Canada ou à la conduite des affaires internationales.
Après l’adoption de ces modifications au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, alors que la sécurité publique retenait particulièrement l’attention, la LPRPDE a commencé à s’appliquer dans un domaine très différent de l’activité commerciale ordinaire. Par suite de ces modifications, une organisation peut, de sa propre initiative ou à la demande de l’État, recueillir des renseignements habituellement réservés aux organismes de l’État et à l’égard desquels notre société a jugé bon de prévoir des protections constitutionnelles du niveau le plus élevé en vertu de la Charte des droits et libertés.
Par suite de ces modifications, qui permettent à une entreprise de recueillir de nouveaux renseignements sur une personne parce qu’elle la soupçonne de constituer une menace à la sécurité ou qu’elle en a reçu la demande de la GRC ou d’un autre organisme de sécurité, nous courons le risque d’assister à des violations de droits garantis par la Charte.
Comme vous le savez, les entreprises privées ne sont pas directement assujetties à la Charte. Dans certains cas, elles connaissent et comprennent mal les droits garantis et peuvent donc les violer en recueillant des renseignements d’une façon qui ne serait pas jugée raisonnable. De plus, si les entreprises privées sont sollicitées par des organismes de sécurité en vue de la collecte de tels renseignements en leur nom, nous risquons de voir ces organismes recourir à la LPRPDE pour se soustraire à leurs obligations en vertu de la Charte.
Je me suis efforcé, dans mon mémoire, d’expliquer en détail la nature de mes préoccupations. Cette question est complexe. J’espère que vous prendrez le temps de lire mes observations détaillées et de les examiner soigneusement.
Je dois souligner que je ne suis pas avocat et que je ne connais pas vraiment les subtilités du droit constitutionnel et des droits garantis par la Charte. Toutefois, à titre de consultant en protection de la vie privée qui a étudié très soigneusement les détails de la LPRPDE, je me suis rendu compte dès que j’ai vu les modifications apportées par la Loi sur la sécurité publique qu’il y avait un risque très réel de violation de la Charte, notamment de l’article 8 et peut-être de l’article 7, si les collectes prévues de renseignements se faisaient effectivement. Comme des droits constitutionnels sont en jeu, j’exhorte le comité à accorder à cette question l’attention qu’elle mérite et à recommander au Parlement de reconsidérer ces modifications en vue de les éliminer.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous présenter ces observations. Je dois dire, pour conclure, qu’à titre de consultant en protection de la vie privée, je suis fréquemment appelé à répondre à toutes sortes de questions concernant la Loi au cours des séances de formation. Je serai donc heureux de répondre à toute question que vous auriez à ce sujet.
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Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins.
Je voudrais aborder trois sujets. Tout d’abord, l’obligation de notification en cas d’infraction à la sécurité intéresse beaucoup les Canadiens à l’heure actuelle, compte tenu des incidents de Winners et de la CIBC. C’était vraiment effarant.
Compte tenu de ces événements, beaucoup d’entre nous, même au sein du comité, ne se rendent pas vraiment compte du fait qu’il y a chaque année 30 millions d’infractions à la sécurité aux États-Unis. Nous n’avons pas de nombres correspondants pour le Canada, mais comme nous avons un dixième de la population, nous pourrions peut-être supposer que nous avons 3 millions de cas de perte de renseignements sur les cartes de crédit. Nous ne parlons même pas ici des autres renseignements financiers détenus dans d’autres secteurs, comme celui de l’assurance. Nous n’avons pas d’obligation de notifier les clients, même si je remarque que des gens reçoivent de nouvelles cartes de crédit par la poste cette semaine. Un membre de mon personnel en a reçu une aujourd’hui, de même que d’autres à qui j’ai parlé.
Les sociétés de crédit découvrent des infractions et prennent souvent des mesures correctives sans que leurs clients en souffrent. Toutefois, elles ne nous disent rien. Je crois que je pourrais bien changer ma façon de faire si je savais que les données de ma carte ont été perdues une, trois ou sept fois. Je pourrais aller faire mes achats ailleurs, etc. Je crois que j’ai le droit de savoir.
Vous avez évoqué cette question, mais de quelle façon pouvons-nous remédier au problème? Chez nos voisins du Sud, 32 États ont inscrit dans la loi l’obligation de notification. Brièvement, monsieur Long, recommandez-vous que le Canada inscrive dans la loi l’obligation de notifier les intéressés de toute infraction à la sécurité?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Yakabuski, cela me fait plaisir que vous soyez ici aujourd'hui. J'ai lu attentivement votre document. Je pense que c'est M. Bundus qui l'a écrit. Votre employeur doit sûrement être heureux de ce qui y est écrit. Commençons par le premier point, qui traite du produit du travail.
À la page 4 de votre document, il est écrit :
Les renseignements relatifs au « produit du travail » ne sont pas des renseignements personnels étant donné qu'ils ne se rapportent pas à une personne identifiable; ce sont plutôt des renseignements d'affaires qui appartiennent à l'organisation. Par exemple, la stratégie mise en oeuvre par une société d'assurance pour traiter une réclamation particulière ne constitue pas un renseignement personnel étant donné qu'elle n'est pas assimilable à un renseignement sur une personne identifiable; [...]
Vous allez voir un témoin pour prendre sa déposition, puis vous pouvez aller voir le client ou la personne qui a subi un préjudice et lui dire qu'une personne, un témoin, vous a dit telle et telle choses. Cependant, ce n'est pas assimilable à la personne parce que c'est seulement un témoignage. Vous pouvez donc dire n'importe quoi à l'assuré, entre autres choses que vous avez des preuves accablantes contre elle, mais vous n'avez pas besoin de divulguer vos sources.
C'est vous qui décidez, parce qu'il s'agit de renseignements qui influenceront la façon dont l'assureur traitera la réclamation. Que l'affaire aille ou non devant les tribunaux, vous n'êtes pas obligé de le lui dire. Par contre, dès que cela ira devant les tribunaux, vous serez obligé de dévoiler vos sources. C'était la première chose.
Il y a une deuxième chose. Dans le même document, à la page suivante, vous allez plus loin. En effet, vous parlez du dossier médical de l'assuré. Admettons qu'un assuré ait un accident et que vous vouliez aller fouiller dans son dossier médical pour savoir si, antérieurement, il n'y a pas eu quelque chose sur le plan de son anatomie. Voici ce que le document dit :
« L'ordonnance individuelle, quoiqu'elle puisse révéler des renseignements au sujet du patient, n'est pas, de façon significative, un renseignement concernant le médecin prescripteur comme individu. Il s'agit plutôt d'un renseignement concernant le processus professionnel qui a débouché sur sa délivrance, et il faudrait considérer que l'ordonnance est un produit de travail, c'est-à-dire le résultat tangible de l'activité professionnelle du médecin. »
Si je comprends bien, cela veut dire que vous pouvez aller voir le médecin, lui demander de vous énumérer toutes les ordonnances que cette personne a eues dans sa vie, et que cela ne devrait pas être considéré comme un renseignement personnel parce que le médecin en fait la délivrance dans le cadre de son travail.
Allons plus loin. Vous faites souvent affaire avec la Colombie-Britannique et l'Alberta; on ne parle souvent du Québec dans votre document. On y dit aussi ceci :
Ces dispositions de la PIPA de la C.-B. font en sorte qu'une personne ne peut accéder aux renseignements relatifs au « produit du travail ». Nous sommes d'accord avec cette approche sensée et raisonnable.
Le médical excepté, d'après ce que je peux comprendre! J'aimerais avoir plus d'explications sur la proposition du document. Voici ce qu'elle dit :
Une définition du « produit du travail », qui engloberait les documents de travail qui ont été produits dans le cadre du travail d'un employé ou d'un homme ou d'une femme d'affaires, [...]
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Merci, monsieur le président. Je voudrais également remercier tous les témoins d’être venus aujourd’hui.
Nous avons une séance aussi intéressante qu’informative. J’ai l’impression que nos réunions successives deviennent de plus en plus intéressantes et de plus en plus informatives.
Je préfère être gentil. Je ne veux pas être méchant. En fait, nous voyons à quel point cette loi et ce projet de loi sont complexes. Lorsque j’ai été élu pour la première fois, j’ai eu la chance d’avoir Mme Stoddart comme voisine de table au cours d’un repas. Quand elle s’est présentée, je me suis dit : « Protection de la vie privée? C’est intéressant, je n’en ai jamais entendu parler auparavant. » Si le Canada compte 33 millions d’habitants, il est probable que 32 999 000 d’entre eux n’en ont jamais entendu parler non plus.
En fait, je me souviens d’en avoir parlé à un député qui était venu assister à une réunion et qui avait plus d’expérience que moi. Il a également été surpris car lui non plus n’en avait jamais entendu parler. Je ne sais pas s’il s’agissait du commissaire à la protection de la vie privée, mais c’était l’un des commissaires.
Je vais vous dire où je veux en arriver. Je l’ai déjà dit à certains d’entre vous et je l’ai répété en public au cours de la dernière réunion. Je crois vraiment que le secteur de l’assurance et celui des banques pourraient écrire un livre sur la protection de la vie privée. Je pense que vous avez fait du bon travail et qu’il est de votre intérêt de le faire.
Quand je considère tout ce processus, je crois cependant que ce qui commence à arriver, c’est que l’homme moyen de la rue... Avant d’être élu à la Chambre des communes, j’étais dans les affaires. Je vous félicite pour votre travail, mais si j’avais eu dans les mains un mémoire comme celui-ci parlant de la protection de la vie privée, j’en aurais été terrifié.
J’ai l’impression que les choses sont devenues tellement complexes que, sauf pour les banques, les compagnies d’assurance et peut-être les grands fabricants, comme Zellers, Wal-Mart et d’autres, cette mesure législative est presque incompréhensible. Elle nous entraîne dans des domaines dont je n’ai vraiment pas envie de m’occuper. C’est pour cette raison que j’ai bien aimé la recommandation proposant de laisser les choses telles quelles.
Y a-t-il un moyen de contourner cela? Serait-il possible pour les secteurs que j’ai mentionnés et quelques autres intéressés de faire ce qu’ils ont à faire dans ces domaines et de nous laisser tranquilles? Est-il vraiment nécessaire que nous soyons tous entraînés dans ce courant de complexité?
Je pose la question à quiconque veut y répondre.
D'abord, je m'adresserai à M. Yakabuski, qui représente le Bureau d'assurance du Canada.
Il y a quelque chose qui me turlupine beaucoup dans votre mémoire. C'est à la page 11 du document en français . Malheureusement, je ne sais pas à quoi cela correspond en anglais. Votre proposition dit que :
Le devoir qui incombe à une organisation d'aviser les personnes intéressées d'une violation à la vie privée constitue une pratique commerciale saine qui n'a pas besoin d'être assujettie à la Loi de la protection des renseignements personnels et des données électroniques.
Vous comprenez que si on se fiait toujours aux pratiques commerciales qu'on considère comme saines, on ne ferait aucune loi. C'est pour cela que je ne suis pas d'accord.
Vous dites que c'est une proposition, mais c'est plutôt un principe que vous énoncez. Je trouve cela assez particulier, d'autant plus qu'il me semble qu'une compagnie d'assurance possède beaucoup de renseignements personnels sur un individu. Je l'ai dit plus tôt: c'est le genre d'entreprise qui a le plus de renseignements personnels à notre sujet, autant sur notre santé financière que sur notre santé physique. Par conséquent, elle a encore plus de devoirs que n'importe qui d'autre, et il n'y a rien de mieux que de mettre cela dans une loi pour s'assurer que tout le monde s'y conforme.
Je dois indiquer que la loi actuelle ne prévoit pas que les contrevenants à la loi soient automatiquement connus. Quand j'ai appris cela, j'ai été sidérée. Je ne comprends pas qu'on protège l'identité des contrevenants et qu'on laisse à la commissaire le soin de décider s'il faut rendre public le nom des gens qui contreviennent à la loi.
À mon avis, le devoir d'une entreprise est non seulement d'aviser ses clients quand elle s'est fait voler des renseignements qui peuvent les concerner, mais aussi, comme l'a dit M. Long plus tôt, de réparer les torts. J'aimerais que M. Long nous donne des explications à ce sujet.
Normalement, ce genre de lettre est assez vague. On y dit qu'on s'est fait voler des renseignements, qu'on pense que notre nom en fait partie, qu'on ne croit pas cela puisse être très grave, mais qu'en raison d'une grandeur d'âme incommensurable, on tenait à nous en aviser, et c'est tout.
La personne qui reçoit cette lettre ne sait pas exactement quels renseignements ont été volés, quelles démarches elle peut entreprendre ou quels sont ses recours. La compagnie est responsable de nos renseignements personnels, à mon avis. Aussi, elle doit être responsable non seulement de nous aviser en détail, mais aussi de réparer les torts.
Je ne sais pas si vous voulez commenter, monsieur Yakabuski ou monsieur Long.