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Je vous remercie de m'avoir invité.
J'imagine que vos questions sont plus importantes que mon exposé, je vais donc essayer d'être bref.
Pour une raison que j'ignore, ma carrière a gravité autour de l'étude de la gestion des actifs publics, j'ai d'ailleurs publié un livre l'année dernière à Washington, en collaboration avec un de mes collègues. Nous avons étudié la gestion des actifs publics dans divers pays afin d'aider certaines des principales économies émergentes dans la gestion de leurs actifs. Comme vous le savez, beaucoup de pays, anciennement communistes ou socialistes ou à économie centralement planifiée possèdent beaucoup de biens. Leurs problèmes sont donc bien plus graves que les nôtres.
Je suis aussi conseiller d'un groupe formé il y a 10 ans appelé Congrès national des cadres en immobilier public et qui compte aujourd'hui 30 membres, 10 de chaque palier de gouvernement. Nous essayons d'échanger des idées.
Le fait est, je commence par cela, que tous les gouvernements ont très mal gérés leurs actifs. Dans ce domaine, nous ne valons pas mieux que la plupart des anciens pays communistes, les raisons pour cela ne manquent pas. La si mauvaise gestion de tellement d'actifs nous oblige à prendre des mesures pour corriger la situation. Les problèmes auxquels est confronté le Canada ne sont pas différents de ceux que connaissent l'Australie, le Royaume-Uni, la France, la Suisse, etc. En plus, ces problèmes apparaissent aujourd'hui dans les économies émergentes.
Une cession-bail est avant tout un instrument de financement. C'est un moyen de libérer des capitaux et de les redéployer dans le secteur privé, comme je l'ai souligné. Elle est bien utilisée dans le secteur privé et plus encore aujourd'hui car beaucoup d'industries ne veulent pas vraiment s'occuper de la gestion de biens immobiliers ni en posséder puisqu'elles fabriquent des gadgets et ce genre de choses. Ainsi, durant les 10 à 15 dernières années, la plupart des organisations, y compris nos principales banques, se sont débarrassés de leurs biens immobiliers. Cela est en partie dû aux fait qu'il y a tellement d'argent à la recherche de biens immobiliers aujourd'hui.
À l'examen d'une cession-bail, trois questions se posent: qu'allez-vous faire de l'argent? Quel est le prix? Quels sont les conditions et le taux du contrat de location? La difficulté liée à toute cette question, étant donné ma première appréciation de la situation, ressemble un peu à l'achat d'une voiture qui ne roule pas très bien, vous n'avez pas d'argent pour la réparer et vous demandez à quelqu'un de l'acheter, de faire les réparations et de vous la relouer. Je simplifie, mais cet exemple met en question la valeur de la voiture, combien de temps va-t-elle fonctionner et combien d'argent allez-vous dépenser pour la réparer? Tout revient aux détails, donc une grande partie de mon exposé porte sur des détails.
Le fait est que dans l'immobilier commerciale, on ne vend pas des immeubles. En fait, j'ai toujours dit que les locaux sont un passif. On vend des contrats de location et ces contrats se présentent sous forme d'ensemble aujourdhui. Ils sont vendus dans un marché secondaire sous forme de titres hypothécaires ou de ce que nous appelons des créances commerciales. Wall Street fait un excellent travail en les acquérant et en les divisant.
Les immeubles sont bien le dernier des soucis des personnes qui achètent des biens immobiliers aujourd'hui. Je ne sais même pas d'ailleurs si elles peuvent voir la différence entre un immeuble en bon état et un immeuble en mauvais état, car des millions et des milliards de dollars servent aujourd'hui rechercher dans le monde entier des biens immobiliers pour les acheter et tout est basé sur des contrats de location.
Est-ce une approche judicieuse pour le gouvernement? La réponse est à la fois oui et non. Il faut connaître les détails. Ce pourrait être de bonne affaire. Ce pourrait être une mauvaise. Je ne connais pas les détails. Je pourrais cependant dire que ce qui fait la distinction entre toutes ces affaires dans le secteur public et dans le secteur privé sont les deux variables auxquelles n'est pas confronté le secteur privé. La perception du public est l'une des ces variables.
C'est très intéressant. Nous avons appris, en étudiant divers pays pour écrire notre livre, que dans certains pays ne mettent tout simplement pas leurs actifs publics en vente, la Suisse en est un exemple. Et ils ne se soucient pas de l'état de ces actifs. Ils s'attendent à ce que le gouvernement les conservent. Le fait qu'ils pourraient ne pas en avoir besoin, que les immeubles sont en mauvais état ou qu'ils n'ont pas les moyens de les restaurer ne les préoccupent nullement.
La perception du public est bien là. Je me souviens qu'alors que le gouvernement s'apprêtait à vendre, il y a des années de cela, des petits ports de petites villes, le public avait très mal perçu cette action du gouvernement, etc. Il y a donc cet élément. Il s'agit pas d'une question d'immobilier; c'est une question qui se pose à vous les politiciens.
Vous vous devez de réaliser que pour des Canadiens, ainsi que pour des gens d'autres pays, les actifs publics sont sacro-saints. Quoi que vous fassiez, ils auront l'impression que vous vendez notre héritage. Je ne saurais quoi leur dire.
L'aspect politique est la deuxième variable. Nous aimons bien citer la phrase suivante qui se trouve dans notre livre: Ne pas tenir compte des politiques équivaut à retirer le sable d'une plage un grain à la fois. Quoi que vous fassiez, la politique entrera en jeu. Je ne le dis pas négativement, car il s'agit de décisions politiques. Je dis seulement que ce sont les deux variables dont il faudra tenir compte dans ce contexte. C'est une approche judicieuse qui peut être bien utilisée dans le secteur public. Je suppose que la perception du public et les politiques en limiteront les conditions d'application.
J'en ai fait l'expérience quand j'étais vice-président puis président de Ontario Realty Corporation durant une restructuration. Nous avons essayé deux contrats de cession-bail, un à Kingston me semble-t-il. C'était difficile. Il y a bien des années, je me souviens que le gouvernement fédéral, je crois, essayait d'appliquer cette idée ou quelque chose de semblable pour vendre l'immeuble de la rue Adelaide Street West, puis il s'est désisté à la dernière minute, encore une fois à cause de la perception du public. Donc, ces contrats peuvent être de très bonnes affaires, mais on rencontre ce genre de difficultés.
Ce que je veux dire, c'est qu'il y a vraiment une solution pratique à un dilemme politique, c'est-à-dire que pratiquement rien ne prouve que le gouvernement du Canada et ceux d'autres pays reconnaîtront que l'entretien d'un immeuble est un coût de fonctionnement. On peut utiliser l'argent des contribuables pour construire de nouveaux hôpitaux, de nouvelles écoles, mais il est très difficile de l'utiliser pour changer des ampoules, des moquettes, etc. Encore une fois, il s'agit d'un problème systémique. Je crois qu'il est juste de dire que la plupart des gouvernements en place admettent que, premièrement, il n'y a pas de volonté politique pour gérer des vieux immeubles, et deuxièmement qu'ils sont de mauvais gestionnaires; ils sont tout simplement incapables de le faire aussi bien que le secteur privé.
Nous examinons donc des immeubles de bureaux, dans ce cas, je crois qu'il y en a huit. En fait, c'est intéressant. L'immobilier commercial est un bon produit de remplacement des immeubles appartenant au gouvernement fédéral. Je crois qu'environ 43 p. 100 des locaux à bureaux occupés par les employés du gouvernement fédéral sont en fait loués au secteur privé. On peut penser que la perception du public en ce qui a trait aux immeubles à bureaux ne constitue pas un enjeu important dans ce cas.
Pourquoi vendre? la raison est que vous reconnaissez que vous gérez mal vos actifs. C'est aussi simple que cela. Je n'accuse pas un gouvernement en particulier. Je parle simplement des gouvernements en général. Les preuves abondent, il ressort de notre étude menée à travers le monde que des gouvernements reconnaissent qu'ils gèrent mal leurs actifs et qu'il est peu probable qu'ils soient en mesure de bien les gérer à l'avenir. Une grande partie des actifs sont détériorés au point que des mesures s'imposent.
Il est évident aussi que des gouvernements, comme l'industrie, disent que nous devons nous réorienter vers la prestation des services plutôt que vers la bonne gestion des immeubles.
Le temps est-il bien choisi pour vendre? Il ne pourrait être plus propice. Je ne crois pas que les prix de l'immobilier aient jamais été aussi ridiculement élevés. L'immobilier est entré aujourd'hui dans la classe d'actifs légitimes. Il produit beaucoup de recettes, ce qui le rend très intéressant sur le marché. Je ne dis pas que ce soit une raison pour vendre; je dis seulement que le marché est très sain aujourd'hui.
Que vend le gouvernement? Dans ce cas, je ne pense pas que ce soit des briques et du mortier, mais des contrats de location. À moins de connaître le contenu de ces contrats, il est difficile de savoir ce qui se passe. Quel montant êtes-vous disposé à payer pendant 25 ans? Qu'achetez-vous avec le contrat de location? Quelle est la qualité des locaux que vous allez occuper? Avez-vous le droit de réduire la superficie des locaux? Ces contrats contiennent une foule de détails.
Cette situation occasionnera-t-elle une augmentation des coûts? La réponse est oui. Vous ne pouvez pas transférer un risque à quelqu'un sans y payer le prix. Et vous êtes en train de transférer à quelqu'un d'autre le risque des actifs, de leur gestion. Vous devez aussi payer pour les rénover. Alors oui, le coût est plus élevé, mais encore une fois, s'appesantir sur les coûts et s'appesantir sur ce que vous allez avoir sont deux choses différentes.
Par exemple, dans l'industrie, nous savons que de 3 à 5 p. 100 de la totalité des coûts d'une entreprise seront consacrés à l'immobilier, pourtant le personnel est l'actif le plus important dans une organisation de services. Il est intéressant de noter que nous continuons à dire que nous vivons dans un environnement axé sur les connaissances, que nous devons recruter du personnel, et de finir par envisager de le faire travailler dans des bureaux plus petits. Nous devons être conscients du rôle que joue l'immobilier, nous devons aller de l'avant, améliorer la qualité du milieu de travail que nous mettons en place.
Il peut donc y avoir des coûts supplémentaires. Le gouvernement dit qu'il ne veut pas assumer ces coûts pour le moment. Encore une fois, la cession-bail comporte certains avantages. Des économies peuvent être faites, l'efficacité énergétique, etc., en fonction du réaménagement.
Pour ce qui est de la structure du contrat de location, dans l'industrie, il est généralement d'une durée de 15 à 20 ans... j'ignore pourquoi je dis toujours 25 ans. Je ne vivrai pas aussi longtemps, et aujourd'hui tant de choses se passent au niveau de l'effet de la technologie, de la façon dont travaillent les gens, etc. Tout ce que je peux dire, c'est qu'en général dans l'industrie, la durée est de 15 à 20 ans avec une option quinquennale.
Quels risques comporte un telle entente? Tout d'abord, il y a seulement le risque politique. C'est vraiment un actif imparfait, dans le sens où personne ne sait exactement ce que vaut une chose.
Prenons le célèbre exemple d'il y a bien des années après l'exposition de Vancouver, quand le gouvernement a vendu un terrain par appel d'offres. Le terrain a été acheté par un investisseur de Hong Kong qui, me semble-t-il, en a vendu une partie en l'espace de quelques mois au prix qu'il avait payé pour tout le terrain. Il n'y a pas eu de fraude. Autrement dit, le marché est imparfait et on ne peut pas y échapper.
Deuxièmement, il y a le risque du marché. Pour ma part, je ne crois pas que les loyers augmentent tout le temps. Je crois qu'ils diminuent aussi rapidement qu'ils augmentent. En 1993, j'avais signé un contrat de location pour 18 000 pieds carrés au centre TD à 98 ¢ le pied pour une durée de 10 ans. Le prix a augmenté aujourd'hui, mais en 1989, il était prévu que le pied serait à 65 $. Encore une fois, il y a le risque lié au marché. Vous constatez qu'à un certain moment, le loyer est plus cher et qu'il est moins cher à un autre moment.
Troisièmement, ce qui est peut être l'élément le plus important dans n'importe quel contrat de location, il s'agit du coût de renonciation lié au fait que l'affaire a été conclue. Tant que vous savez que vous allez rester à cet endroit pendant 25 ans vous pouvez alors signer pour cette durée. Mais encore une fois, vous devez veiller à ce que le contrat de location corresponde aux objectifs de votre entreprise.
Quand on signe pour une durée aussi longue, il y a un coût de renonciation; Il y a engagement de votre part. Cependant, le contrat de location comporte des façons de renoncer à certaines choses. Encore une fois, il faut voir les détails.
Où je vous en venir avec tout cela, c'est que la cession-bail n'est rien de plus qu'une assignation des risques et l'atténuation de ces risques. Il faut savoir ce que sont ces risques. Dans le secteur privé, c'est un peu plus facile. Dans le secteur public, il y a le risque politique qui dépend de la perception du public.
Que reçoit-il? La cession-bail apporte de très gros avantages. Si elle est satisfaisante, elle améliorera les conditions de travail des fonctionnaires. Elles assure une base de coûts a long terme. Elle permet de prévoir les coûts. Le risque politique lié à la résolution de ce problème chaque année est en quelque sorte contourné. Les risques liés au fait de gérer soi-même l'actif sont évités. Elle offre aussi une voie de sortie des années durant lesquelles le problème n'a pas pu être résolu. Ce n'est donc pas une mauvaise stratégie de sortie.
Comme je l'ai déjà indiqué, je considère que c'est une solution pratique à un dilemme politique. C'est une solution. Elle peut être une approche très efficace. Les résultats de la première étape seront vraiment fonction des détails de l'entente.
Et je n'ai aucune envie de connaître ces détails; je n'en ai aucune idée. Je me fie seulement à ce que je lis dans les journaux et dans les sites Web. En fin de compte, les détails permettront de déterminer si le contribuable en a eu pour son argent.
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Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur McKellar, pour votre excellent résumé de ce dossier. Je crois que vous avez réussi à faire ressortir de façon très claire à la fois les risques inhérents à la cession-bail et quelques-uns des avantages que l'on peut en tirer.
Vous soulignez à la page 2 de votre résumé que le principal problème réside dans l'incapacité de la plupart des gouvernements, à tous les paliers et dans tous les pays, à remplir leurs obligations quant à l'entretien de leurs immobilisations. Vous dites plus loin que le report des travaux d'entretien est un problème omniprésent, aussi bien dans les écoles que sur les sites patrimoniaux.
Je peux certes confirmer vos propos dans le cas des écoles, ayant été moi-même commissaire pendant plusieurs années. Au moment de l'établissement du budget, le moyen le plus simple de trouver quelques millions de dollars additionnels était de reporter des travaux d'entretien que nous savions tous nécessaires. Mais tous les travaux que nous avons ainsi remis, qu'il s'agisse de réfection de toiture, de lutte contre la moisissure ou de modifications structurelles, sont certes venus nous hanter par la suite en nous causant des difficultés épouvantables.
Vous faites ensuite valoir que nous devons reconnaître que nous gérons mal nos actifs. Vous signalez qu'il est difficile de trouver des gens compétents à cette fin étant donné la concurrence féroce du secteur privé.
Vous indiquez aussi que le moment ne pourrait être plus propice étant donné la valeur élevée qu'on attribue actuellement aux biens immobiliers. Vous faites en outre ressortir une possible amélioration des conditions de travail des fonctionnaires.
À la lumière de toutes ces observations, il m'apparaît, dans mon rôle de membre de ce comité, qu'il s'agit d'une solution très raisonnable pour notre gouvernement dans ses efforts pour optimiser l'utilisation des fonds publics.
Si nous devions signer un contrat de cession-bail, quelles sont les principales clauses ou dispositions dont le gouvernement du Canada devrait, selon vous, s'assurer de la présence dans ce bail?
Vous avez mentionné le risque que le propriétaire ne s'acquitte pas de ses obligations. Quels sont les éléments clés qu'il faut inclure dans le bail?