:
J'aimerais tout d'abord remercier sincèrement le comité de nous avoir invités à témoigner ce matin au sujet des problèmes liés au traitement des recrues et des étudiants francophones à la base des Forces canadiennes de Borden, un établissement d'instruction d'importance situé au nord de Toronto, en Ontario. Comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, je suis accompagné ce matin de Mme Margaret Brandon, qui est directrice générale des opérations au sein de notre bureau.
Au cours des prochaines minutes, je mettrai en évidence quelques-unes des expériences que nous avons vécues en ce qui a trait au traitement des recrues et des étudiants francophones à Borden. J'entends ainsi mettre en lumière des problèmes qui, à mon avis, sont très sérieux et qui sont au coeur des valeurs d'équité et de bien-être des membres des Forces canadiennes. Dans le dossier qui nous préoccupe, ces problèmes touchent potentiellement des centaines de militaires francophones.
J'aborderai également les difficultés auxquelles nous avons fait face lorsque nous avons tenté de faire appel aux hauts dirigeants militaires pour traiter rapidement et de façon tangible les problèmes que nous avions découverts à Borden. Il serait juste de dire qu'il s'agit probablement du dossier le plus frustrant dont j'aie eu à m'occuper depuis mon entrée en fonction à titre d'ombudsman militaire, il y a maintenant un peu plus de deux ans.
Lorsque je me suis rendu à Borden à la fin de l'année dernière, plus précisément en novembre 2006, dans le cadre d'une visite normale de sensibilisation, j'ai rencontré plus d'une quarantaine d'étudiants francophones qui m'ont informé de leur très sérieuse difficulté à obtenir des services et de l'instruction dans leur langue officielle maternelle.
Je vous donne ici quelques exemples. Entre autres problèmes mentionnés, certains étudiants francophones m'ont laissé savoir qu'ils recevaient souvent leurs ordres et leurs directives exclusivement en anglais, langue que plusieurs d'entres eux ne comprenaient tout simplement pas. De plus, on m'a dit qu'il n'était pas rare que les étudiants francophones reçoivent leurs devoirs exclusivement en anglais, devoirs qu'ils n'étaient pas en mesure de comprendre et qu'ils ne pouvaient donc pas faire adéquatement.
On m'a aussi informé que des étudiants francophones qui suivaient un cours d'entretien de véhicules s'étaient fait dire qu'un manuel, disponible en anglais seulement, ne serait pas traduit. De plus, la veille de ma visite, un gestionnaire de carrière d'Ottawa s'est adressé exclusivement en anglais à un groupe d'étudiants anglophones et francophones, sauf pour conclure ses remarques en disant, et je cite: « Pour les francophones, c'est la même chose ».
Comme en font foi ces exemples, il s'agissait de préoccupations très sérieuses liées aux valeurs fondamentales d'équité, de respect et de bien-être des nouveaux membres des Forces canadiennes.
[Traduction]
Peu après mon retour à Ottawa, j'ai écrit au Chef d'état-major de la Défense pour l'informer des problèmes dont on m'a fait part à Borden et lui demander de prendre des mesures immédiates et à plus long terme pour s'assurer que les étudiants francophones soient traités avec respect et que leur soit donné toutes les chances de réussir dans leurs nouvelles carrières.
Dans la réponse qu'il a fait parvenir à notre bureau, le général Hillier s'est engagé à produire un plan stratégique en matière de langues officielles renfermant un certain nombre de mesures correctives à moyen et à long terme afin de traiter les problèmes linguistiques sérieux à Borden. De plus, on nous a dit qu'un plan d'action à court terme serait élaboré et qu'il renfermerait notamment les mesures suivantes: du financement supplémentaire et la mise en oeuvre immédiate d'un programme de sensibilisation; la mise en place immédiate d'un mécanisme de rétroaction rapide qui permettrait aux étudiants de faire part de leurs préoccupations de nature linguistique sans passer par la chaîne de commandement et la nomination immédiate d'un défenseur des langues officielles faisant partie du corps des officiers supérieurs de la BFC Borden.
Il nous a fallu un certain temps pour obtenir une copie de ce plan d'action, plan que nous avons finalement reçu en mai. Quoi qu'il en soit, lorsque nous en avons pris connaissance, nous étions généralement satisfaits des mesures qui y étaient proposées. À première vue, ces mesures semblaient être un pas dans la bonne direction. Après avoir reçu une copie du plan, j'ai délégué deux de mes enquêteurs à Borden pour y effectuer un examen de suivi des progrès anticipés et une évaluation des résultats atteints pour les étudiants francophones. Cette visite a eu lieu en juin.
Après avoir organisé des assemblées ouvertes et mené des sondages auprès d'environ 200 étudiants francophones, nos enquêteurs ont constaté que le plan d'action n'avait en fait pas été mis en oeuvre tel qu'il nous avait été décrit. Ils ont également constaté que la situation s'était aggravée et que son ampleur était plus importante que je ne l'avais cru précédemment.
J'ai été profondément déçu d'apprendre que contrairement à ce qu'on m'avait dit, la grande majorité des mesures correctives à court terme promises et qualifiées de mesures immédiates et en cours d'exécution n'avaient, en fait, pas été mises en oeuvre à Borden. En général, les étudiants francophones n'étaient toujours pas au courant de leurs droits linguistiques. La plupart d'entre eux ne savaient pas comment ou à qui signaler leurs problèmes ni comment obtenir de l'aide efficace. De plus, les services fournis sur la base, y compris les soins médicaux, étaient souvent dispensés exclusivement en anglais aux étudiants francophones incapables d'exprimer leurs préoccupations en anglais.
En bref, les recrues et les étudiants francophones se heurtaient à des obstacles linguistiques inacceptables et se sentaient isolés et marginalisés. De plus, il était clair que le moral de ces étudiants s'en ressentait et leur développement professionnel risquait sérieusement d'en souffrir.
À la lumière de ces faits, il était évident qu'aucune mesure tangible n'avait été prise pour traiter les véritables problèmes à Borden et j'ai officiellement demandé l'intervention du ministre de la Défense nationale d'alors, M. Gordon O'Connor. Je suis heureux du fait que, après avoir tenu cette réunion en juillet dernier, et grâce aux directives claires émises par l'ancien ministre, il semble maintenant que l'on agit pour traiter les problèmes à Borden. Même si je suis encouragé par ces mesures, je reste déçu du fait que l'on ait mis tant de temps avant de commencer à traiter ces questions fondamentales de justice et de bien-être.
[Français]
J'aimerais mentionner que j'ai discuté de ce dossier avec M. Graham Fraser, le commissaire aux langues officielles, et que je continuerai, bien sûr, de le tenir au courant des développements dans ce dossier. On a cru comprendre que M. Fraser pourrait lancer une nouvelle initiative concernant le dossier des langues officielles au sein des écoles et des établissements d'instruction militaire.
En ce qui a trait aux prochaines étapes, je noterai ce qui suit. Je reste tout à fait déterminé à suivre le progrès réalisé à la base BFC Borden, afin de m'assurer que tous les étudiants des Forces canadiennes sont respectés. C'est avec grand intérêt que j'examinerai le rapport que j'ai demandé au chef du personnel militaire au plus tard pour le début du mois de décembre, donc dans deux semaines environ, rapport dans lequel on fera état des résultats atteints sur le terrain à Borden. Mes enquêteurs retourneront à Borden au début de l'année prochaine, soit au début de 2008, afin de vérifier sur le terrain les résultats qu'on aura atteints.
Je compte également suivre de très près tout problème linguistique soulevé par les autres membres des Forces canadiennes, anglophones ou francophones, au cours de mes prochaines visites sur les bases militaires, dans les escadres et, bien sûr, dans les écoles partout au pays.
[Traduction]
Monsieur le président, nous sommes maintenant disposés à répondre aux questions des députés.
:
Monsieur le président, à titre d'ombudsman des Forces canadiennes, une partie de mon travail consiste à visiter périodiquement les bases et les escadres des Forces canadiennes dans tout le pays, de même qu'en Afghanistan, où j'ai eu le plaisir de me rendre il y a environ un an.
Dans le cadre de ces visites, j'essaie de rencontrer des militaires de tout grade et de toute origine. Dans ce contexte, j'ai pris la parole devant un groupe de recrues francophones à Borden. Certaines m'ont mentionné éprouver des difficultés. J'ai rencontré trois groupes de 12 à 15 personnes, soit une quarantaine de personnes, et je leur ai demandé de m'expliquer ce qu'était leur vie quotidienne à Borden.
Les commentaires d'un homme d'environ 34 ans originaire de Chicoutimi, au Saguenay—Lac-St-Jean, ma région d'origine, m'ont énormément frappé. Il m'a dit qu'il était à Borden et qu'il ne comprenait pas un mot d'anglais. Lorsqu'il se retrouvait sur un terrain de parade ou en compagnie et que les gens s'adressaient à lui pendant 25 à 30 minutes en anglais, c'était comme s'ils lui parlaient en chinois, car il ne comprenait rien. Il m'a dit avoir tenté de leur faire comprendre qu'il avait de la difficulté et qu'il aimerait qu'on lui parle dans une langue qu'il comprend, mais qu'on l'avait regardé comme si c'était à lui de s'adapter. Des gens lui ont même dit d'apprendre l'anglais et de revenir les voir plus tard.
C'est de cette façon que j'ai pris connaissance du problème la première fois, à Borden même. Ensuite, au mois de juin, on a procédé de manière beaucoup plus systématique et poussée. On y a envoyé deux enquêteurs qui ont rencontré 185 recrues.
:
Monsieur le président, on n'est pas retourné sur le terrain pour vérifier l'état de la situation depuis le 23 ou le 24 juin dernier. En fait, après la rencontre que nous avons eue avec le ministre O'Connor, à laquelle assistait un haut gradé militaire, des instructions très claires ont été données selon lesquelles on voulait que ça change.
Nous avons été informés que deux très hauts gradés se sont rendus à Borden suite à ces instructions. On nous a donné les notes d'allocution qu'ils ont utilisées, apparemment, pour s'adresser tant aux étudiants qu'aux instructeurs et aux leaders militaires. Il ressort de ces notes que les messages ont été donnés d'une façon très claire, qu'on voulait que ça change.
Par ailleurs, la semaine dernière — je pense que c'était vendredi —, un article a été publié dans un journal qui s'appelle The Barrie Examiner, faisant état d'une entrevue que le journaliste local avait eue avec le commandant de l'Académie canadienne de la Défense. Il en est ressorti, parmi les propos attribués à ce général, que le problème n'était pas aussi sérieux que ce que j'avais décrit. Il s'est dit aussi d'avis, apparemment, que j'avais fait erreur lorsque j'avais accusé la chaîne de commandement d'avoir réagi avec peu d'enthousiasme et de s'être peut-être un peu traîné les pieds. Donc, il disputait jusqu'à un certain point certaines choses que j'avais faites.
Alors, quand je vois de telles choses, qui ont eu lieu la semaine dernière, encore une fois, vendredi, je me dis que c'est un peu malheureux. Donc, d'une part, on semble tenir un discours correct quant aux communications officielles, etc., mais lorsque je vois quelqu'un comme lui, qui occupe un tel poste et qui détient un tel grade, je trouve un peu regrettable et peut-être un peu inquiétant ce qui a été rapporté dans l'article du journal.
Nous avons une photocopie de cet article, qui a été écrit en anglais seulement. On pourrait la déposer auprès du greffier, si cela vous intéresse.
:
Merci, monsieur le président. Je remercie aussi M. Côté et Mme Brandon d'être ici aujourd'hui. J'aimerais vous féliciter du travail que vous avez fait jusqu'à maintenant et de l'avoir présenté au public.
Ce n'est pas quelque chose de nouveau. Les études du Comité permanent des langues officielles ont établi que le ministère de la Défense nationale est celui qui a le plus violé la loi sur le bilinguisme. Ils battent des records dans le domaine. Je pense que vous avez raison quand vous dites qu'il s'agit d'une question de culture et que ce n'est pas facile à changer. Ils doivent se demander qui sont ces gens qui osent venir vouloir changer le système à Borden. Cela vient peut-être des hauts gradés. Le gouvernement a la responsabilité de s'assurer que, lorsqu'il fait des nominations, les gens nommés soient responsables du respect des lois du Canada.
Je vais vous donner un exemple, dont j'ai déjà parlé, je crois. C'est un exemple de problème d'attitude. L'année dernière, ou il y a deux ans, nous sommes allés en Roumanie. Au retour, nous étions dans un avion des Forces canadiennes. Ce n'est qu'un tout petit exemple, mais il démontre un grand manque de respect. Au moment de monter à bord, il ne fallait pas parler et se contenter de regarder la photo, parce qu'il n'y avait rien d'autre à voir. Quand je suis monté à bord de l'avion, ils ont montré un film. Normalement, le premier est en anglais et le deuxième est en français. Il n'y a pas de problème à ce que le film en français passe en deuxième lieu, puisqu'on ne peut pas passer les deux en même temps. À ma grande surprise, le deuxième était aussi en anglais. Ils ne sont même pas capables de montrer un film en français à nos soldats francophones qui partent du Canada pour aller en Afghanistan, avec toute la technologie dont on dispose aujourd'hui. On ne demande pas au grand général d'apprendre le français, on demande seulement de mettre la technologie en place. On peut voir le problème d'attitude dans cet exemple.
En ce qui a trait à ce que vous avez découvert, je ne voudrais pas être pessimiste, mais je le suis quand j'entends ce que vous dites. Une culture ne se change pas du jour au lendemain. Ne pensez-vous pas qu'en fin de compte, il faille recommander que la formation de nos soldats francophones se fasse dans leur propre institution? Je ne peux pas comprendre comment on va y arriver autrement.
Au Nouveau-Brunswick, on a finalement décidé qu'il y aurait des écoles francophones et des écoles anglophones. On ne peut pas mettre les deux groupes linguistiques dans la même institution. Quelqu'un va prendre le dessus et mettre de la pression sur l'autre. C'est surtout le cas à la Défense nationale, car ça fonctionne à coups de yes, sir et de don't question what I say. Si tu veux rester, qu'on ne prenne pas de mesures disciplinaires à ton endroit et qu'on ne te mette pas dans un trou où tu ne seras pas bien traité. Il faut que tu suives les règles.
Vous pouvez continuer vos études et regarder vers le futur, mais je crois que vous devez vous mettre dans la tête que c'est une mission impossible, que cela n'arrivera pas. On ne pourra pas réunir les deux groupes et faire en sorte que les francophones soient respectés. On ne pourra pas réussir.
J'aimerais avoir votre opinion sur cela, car je suis pessimiste.
:
Merci, monsieur le président.
M. Côté et Mme Brandon, je vous remercie de comparaître devant nous ce matin.
La question que vous avez soulevée lors de votre présentation est très inquiétante. J'aimerais l'aborder sous un angle assez spécifique. Je vais faire un bref historique. Il y a quelques mois, l'ancien ministre de la Défense nationale a comparu devant le comité pour discuter de certains dossiers. Il a été question de ne pas obliger les hauts gradés à devenir bilingues. Autrement dit, ils pourraient se permettre de demeurer unilingues anglophones, et ça conviendrait aux francophones.
Dans le cadre de cette rencontre, j'ai posé une question au ministre qui, je l'imagine, avait recours à l'interprétation. Je lui ai demandé de répondre en français, mais il en a été incapable. J'ai alors souligné le fait que si j'étais un militaire francophone ne comprenant pas l'anglais et que cette personne me communiquait ses ordres en anglais sur le champ de bataille, les choses iraient mal pour moi. Ma qualité de vie, ma santé et ma sécurité pourraient en être atteintes. Il s'agit là d'un problème sérieux.
Monsieur l'ombudsman, si ces élèves ne sont pas capables de comprendre l'anglais — et ce n'est pas une obligation de leur part —, pensez-vous que cette situation nuit à leur formation, à leur sécurité et, dans les cas où ils ont besoin de se faire soigner, à leur santé? Ils ne sont peut-être même pas en mesure de recevoir les services auxquels ils ont droit. Nous vivons dans un pays où le gouvernement fédéral se vante d'être bilingue, mais ces paroles sont du vent. En effet, quand vient le temps d'agir, il fait le contraire de ce qu'il prétend faire sur le terrain. Croyez-vous qu'une telle situation porte atteinte aux militaires ou aspirants militaires francophones?
:
Il est clair que les gens que nous avons rencontrés et qui nous ont parlé avaient été atteints à plusieurs égards. Le député a donné des exemples qui touchent la formation. Comme je l'ai dit plus tôt, on leur demande de faire des devoirs dans une langue qu'ils ne comprennent pas, alors ils font ce qu'ils peuvent. Quelqu'un me disait qu'il faisait ce qu'il pouvait, mais qu'il arrivait régulièrement qu'il n'ait pas vraiment compris et qu'il s'en rende compte après coup. Ce qu'il remettait comme devoir n'était pas ce qu'on attendait, et le personnel enseignant se demandait comment il se faisait qu'il n'ait pas compris.
Ensuite — et c'est aussi très important —, les cours en français sont offerts avec beaucoup moins de régularité à Borden. Il arrive fréquemment qu'une recrue francophone doive attendre plusieurs mois pour avoir accès à un cours dont elle a besoin pour progresser, alors que ces cours sont offerts plus souvent aux anglophones. Ceux-ci peuvent donc y arriver plus vite.
Sur le plan des soins de santé, comme le député le mentionnait, j'ai parlé de l'hôpital. La situation est la même pour les gens qui veulent voir leur dentiste. Dans le domaine de l'administration, une des recrues nous disait que, lorsqu'elle a voulu vendre sa maison, les services qu'on lui offrait n'étaient donnés que par des anglophones. Or, cette recrue ne parlait pas anglais.
On trouve également ce genre de problème à l'accueil. Je parle des gens responsables de l'accueil, en d'autres termes, de la première personne que vous voyez. Certaines personnes nous ont dit que lorsqu'elles se sont présentées à Borden pour la première fois, la personne qu'ils ont vue ne parlait pas français du tout. Imaginez comment on se sent « accueilli » lorsqu'on se retrouve dans de telles situations.
:
Je suis surtout originaire de Saint-Jean, monsieur le président. Je veux en profiter pour assurer mes collègues qu'à la base militaire de Saint-Jean, il n'y a aucun problème. Il s'y produit même le contraire, puisqu'on commence à se plaindre du fait que l'anglais est beaucoup trop parlé à la base militaire de Saint-Jean. Imaginez, le jour où on parlera trop français à la base de Borden, on aura réglé le fond du problème.
En ce qui a trait au collège militaire, il faut aussi voir comment le fait français est considéré dans l'armée. Il y a d'abord eu une fermeture. On se vante maintenant de la réouverture, mais je veux rappeler à mes collègues que cette réouverture est partielle. Auparavant, Saint-Jean avait un statut universitaire; maintenant, il a un statut collégial. Il faut lui rendre un statut universitaire. Il faut reconnaître toutes les lettres de noblesse du collège militaire. Ça, ce sera un signe en faveur du fait français.
Je veux aussi vous rappeler qu'il y a une école de langue à Saint-Jean, précisément pour les recrues. Avant la nouvelle politique de bilinguisme, ces recrues, une fois terminées leurs 13 semaines, comme vous l'avez dit plus tôt, passaient une vingtaine de semaines à apprendre les rudiments de la langue seconde avant de faire leur spécialisation. C'est terminé depuis la nouvelle politique de bilinguisme. Le ministère a décidé de créer des unités anglophones, des unités francophones et des unités bilingues. Récemment, j'ai d'ailleurs demandé au bureau du ministre s'il pouvait nous donner la liste de ces unités. Ce n'est même pas encore fait. Il y a donc des problèmes.
Monsieur Côté, j'ai toujours admiré la façon dont vous dirigez votre dossier, mais j'aimerais que vous m'indiquiez la portée légale de l'intervention de l'ombudsman comparativement à la portée légale de l'intervention du commissaire aux langues officielles. À votre avis, avez-vous tous les deux le mandat d'intervenir dans l'étude de ce dossier?
:
Compte tenu des directives ministérielles qui sont à l'origine de la création du bureau et qui nous indiquent ce qu'on doit faire et comment on devrait le faire, jusqu'à un certain point, il est absolument clair dans mon esprit qu'on a le mandat pour se pencher sur ces questions. Les directives ministérielles mentionnent spécifiquement que nous devons nous pencher sur les questions qui ont trait au traitement juste et équitable des membres des Forces armées canadiennes. Or, quand on voit comment des gens, comme ceux qu'on a rencontrés à Borden, sont traités, il est très clair pour moi que la justice et l'équité sont remises en question de façon fondamentale. De mon côté, je n'ai aucun doute qu'on a un rôle important à jouer.
Avant de parler du commissaire aux langues officielles, j'ajouterais que nous ne sommes qu'un ombudsman. Un ombudsman — et c'est vrai de tous les ombudsmans que je connaisse, y compris le Protecteur du citoyen du Québec — n'a aucun pouvoir exécutif. On peut émettre des recommandations, comme je l'ai fait dans ma correspondance et comme je le fais régulièrement, assurer le suivi et, si besoin est, rendre les dossiers et les questions publics si on a besoin que des gens de l'extérieur fassent pression, afin de faire en sorte que la machine bouge. Il faut que cela soit présenté. C'est notre mandat, c'est ainsi que nous le remplissons.
En ce qui a trait au commissaire aux langues officielles, il va sans dire qu'il est responsable de l'application de la Loi sur les langues officielles et de faire les études et vérifications appropriées pour voir où en sont les différentes institutions, y compris la Défense nationale et les Forces armées canadiennes, et d'émettre le genre de rapport et de prendre le genre de mesures que lui permet la Loi sur les langues officielles.
:
J'aimerais faire deux commentaires. Je ferai d'abord une précision, monsieur le président. Techniquement, je ne relève pas du ministère de la Défense nationale, mais plutôt du ministre. J'ai été nommé par le gouverneur en conseil. Je relève du ministre, oui, et je l'ai mentionné. Il vaut peut-être la peine de le souligner de nouveau. Quand j'ai soulevé la question en présence de l'ancien ministre O'Connor, à la fin juillet, j'ai vu sa réaction. J'étais là lorsqu'il a émis les directives, les ordres et les instructions aux militaires. C'était très clair qu'il voulait que les choses changent, et cela a changé.
En ce qui a trait à M. MacKay, Mme Brandon et moi l'avons rencontré à la fin de septembre et nous avons parlé d'un certain nombre de dossiers, y compris celui-ci. Je lui mentionnais combien c'était un dossier important. Je peux vous dire que le ministre s'est dit extrêmement intéressé par la situation. Je lui ai promis de le tenir au courant des développements à mesure que le dossier avancerait.
Le dernier point que je voudrais souligner, monsieur le président, est le fait qu'on a commencé au plus bas niveau, en un sens. Lorsque j'ai quitté la base de Borden au mois de novembre, je suis allé voir le commandant dans son bureau, en présence de son adjudant-chef, qui est le non-officier le plus haut gradé, et je leur ai dit qu'ils avaient un problème sérieux et que j'allais certainement suivre le dossier car, selon ce que j'avais entendu, le traitement des francophones laissait énormément à désirer. Ils ont été saisis de la question tout de suite et c'est la raison pour laquelle j'ai écrit environ un mois plus tard au chef d'état-major de la Défense. Vu l'importance et le sérieux de la question, j'ai cru bon de lui faire part de cette question.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Côté, je vous remercie pour votre témoignage, et il me fait plaisir de vous rencontrer.
[Traduction]
Je voudrais faire un commentaire et j'aimerais bien que vous me disiez ce que vous en pensez.
Je crois qu'une des choses qu'il nous faut absolument reconnaître est que les Forces canadiennes sont déjà utilisées pratiquement au maximum. Notre mission en Afghanistan monopolise une bonne partie du facteur opérationnel des forces. Je lisais les documents présentés dans le cartable qu'on nous a remis. Plus précisément, je prenais connaissance des commentaires qu'a fait le Major-général Daniel Gosselin, chef du personnel militaire, en août dernier à la base des Forces canadiennes à Borden.
En parlant du fait que les forces armées sont utilisées pratiquement au maximum en raison de la mission en Afghanistan, il a dit:
Il y a aussi le fait que la cadence opérationnelle crée un besoin considérable de personnel militaire bilingue pour travailler au quartier général et dans les services de soutien à l'étranger. Cela limite le nombre de militaires pouvant être affectés aux écoles et à la BFC Borden.
J'aimerais également signaler que l'autre élément important touchant le problème qu'on a noté à la BFC Borden, comme vous l'avez d'ailleurs remarqué, est que pendant les années 1990 les Forces canadiennes ont subi d'importantes réductions, c'est ce qui explique la difficulté aujourd'hui à assurer les services dans les deux langues officielles. Permettez-moi encore une fois de citer le major-général:
Vous devriez savoir que la plupart des retards dans la dispense de l'instruction ne sont pas dus à des problèmes de langue... ce retard général résulte d'une vaste campagne de recrutement menée dans le cadre des activités d'expansion de la Force, sans une augmentation comparable des capacités d'instruction. Nous avons subi d'importantes réduction des effectifs au milieu des années 1990 et nous n'avons jamais retrouvé l'équivalent du personnel d'instruction que nous avions auparavant.
Je crois que nous devons reconnaître ces deux facteurs. Tout d'abord, des réductions importantes ont été apportées aux forces armées pendant les années 1990, et nous n'avons toujours pas atteint les niveaux précédents. Il y a en ce moment une importante expansion qui s'accompagnera bien sûr de certains problèmes.
De plus, il ne faut pas oublier que nous participons aujourd'hui à l'une des plus grandes opérations de combat à l'étranger depuis la guerre de Corée. Cela aussi vient exploiter au maximum l'habilité des Forces canadiennes à régler rapidement certains des problèmes dont on a fait état à la BFC Borden. Je crois que ce débat doit tenir compte de ces deux facteurs, soit les réductions apportées aux forces armées et notre participation à la guerre à l'étranger.
Cela dit, je crois que vous avez très bien su défendre les droits des minorités linguistiques dans des endroits comme Borden. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le défi que doivent relever les Forces canadiennes afin de rétablir dans une certaine mesure cette capacité en cette période d'expansion.
:
Merci, monsieur le président.
Essayons d'y aller rondement, monsieur Côté.
Je vais commencer par un commentaire. Je suis d'accord avec mon collègue M. Godin à propos du régime de plaintes. Avec un régime de plaintes, je me sens comme un citoyen de deuxième classe parce que la tâche de se plaindre pour faire respecter leurs droits revient trop souvent aux francophones du pays. Je veux bien comprendre qu'il y a les contextes dans lesquels on fonctionne, mais la Loi sur les langues officielles a été adoptée en 1969. Va-t-on remonter jusqu'à 1969 pour trouver des excuses à la Défense nationale? Va-t-on remonter jusqu'à 1969 pour expliquer le manque de respect des Forces canadiennes envers la francophonie canadienne? C'est malheureusement vrai, et j'en sais quelque chose, ayant été responsable du dossier lorsque j'étais ministre associé. On s'en était parlé à ce moment-là, monsieur Côté.
Vous savez, cela se traduit même dans l'expression « vandooze ». Je trouve qu'on manque de respect lorsqu'on dit les « vandooze », alors qu'on sait fort bien qu'on parle du Royal 22e Régiment. C'est comme quand on parle de « Big Joe Mufferaw » au lieu de Joe Montferrand. Il y a aussi une question de culture et de respect qui semble avoir peine à rester dans l'esprit des officiers et des chefs d'état-major présents et passés. C'était mon commentaire.
À qui revient la responsabilité première? Est-ce le commandant de la base qui a vraiment le pouvoir de décider de faire mieux? Faut-il monter dans la hiérarchie? Cela revient-il au chef d'état-major?
:
J'ai un commentaire à faire à ce sujet. Étant minoritaires, les francophones ne font pas souvent de plaintes, parce qu'ils sont en quelque sorte gênés de ne pas parler anglais. C'est comme une honte de ne pas parler la langue de la majorité. Même au Québec, on vit cette situation. On est minoritaires par rapport à l'ensemble du Canada.
J'ai étudié en Italie, à Rome, ville où se trouvait le collège canadien. Les francophones y étaient majoritaires. Il n'y avait que quelques anglophones. Or, quand on était un groupe de six prêtres francophones et qu'un anglophone arrivait, la conversation passait à l'anglais. On a alors demandé pourquoi il en était ainsi. On nous a répondu qu'ils pratiquaient leur anglais parce qu'étant minoritaires, ils considéraient qu'il fallait absolument parler anglais dans ce pays, que c'était un défaut ou un carence que de ne pas parler anglais. C'est pourquoi la minorité anglophone est très bien traitée au Québec. Plus tôt, mon collègue a dit qu'à Saint-Jean, on parlait tellement anglais que des plaintes étaient déposées. L'inverse n'est pas vrai.
Le fait d'être francophone est comme une tare, et les anglophones le savent assez bien. C'est pourquoi il faut prendre les devants. Dans le cas qui nous occupe, si on attend d'avoir des plaintes pour changer les choses, on va attendre longtemps.
Il faut être attentif à cette réalité pour intervenir. Si on n'intervient pas, les gens vont s'écraser et ne parleront pas.
:
J'ai quelques commentaires à faire là-dessus, monsieur le président.
Premièrement, comme je l'ai mentionné, quand on est un étudiant ou une recrue des Forces canadiennes, on est nouveau et au bas de l'échelon. Le fait de déposer une plainte auprès d'une autorité ou d'un bureau comme le nôtre n'est pas nécessairement évident. Deuxièmement, certains ignorent l'existence de notre bureau, et c'est peut-être pour cela qu'ils ne sont pas venus nous voir.
On a mené des sondages en juin 2007. Des 185 francophones qui ont répondu à notre questionnaire, 85 p. 100 ont dit ne pas savoir où aller pour obtenir de l'aide, 81 p. 100 nous ont dit ne pas croire que l'aide dont ils avaient besoin serait disponible. Cela confirme certainement la perception de ces gens voulant qu'on ne sache pas quoi faire ni où aller, et que même si on le savait, on n'était pas certain d'y arriver.
À mesure que mes enquêteurs et moi-même allons visiter des bases et des escadres, nous allons certainement porter une attention accrue à la situation linguistique. Encore une fois, je n'exclus pas du tout la possibilité que des unilingues anglophones se retrouvent dans une situation semblable. Évidemment, notre bureau se doit d'être impartial et objectif: il doit garder les oreilles et les yeux ouverts à l'égard de cette question de façon générale au sein des Forces canadiennes.
:
Je vous remercie de votre présentation.
Vous avez parlé de problèmes, de défis et vous avez aussi parlé de culture.
[Traduction]
Il s'agit d'un problème de leadership, d'attitude, mais je crois qu'il nous faut absolument trouver des solutions à ces problèmes.
Je ne crois pas qu'il y ait de solution magique ou facile, et un investissement plus important ne réglera pas nécessairement le problème. Il nous faut du personnel d'instruction bien formé et compétent.
[Français]
Ils doivent être bilingues et capables d'offrir les services d'éducation et de formation en français, dans ce cas-ci.
J'ai été dans les Forces armées canadiennes pendant 20 ans. Comme M. Chong l'a dit, il faut rappeler que les Forces canadiennes ont connu une grande diminution du nombre de leurs membres au cours des derniers 20 ans, et cela, pas seulement en termes d'équipements. On connaît bien la situation des équipements, mais il y a aussi le personnel. Quand j'ai joint les rangs des Forces canadiennes, il y avait 85 000 soldats, et quand j'ai pris ma retraite, en 2000, il y en avait 63 000. On parle d'une diminution de plus de 20 000 personnes, soit une diminution de 25 p. 100 à 30 p. 100.
Les Forces canadiennes ont des engagements opérationnels, de vrais engagements, envers le quartier général de la Défense nationale, ainsi qu'avec les Nations Unies, sur le plan de l'entraînement. Ce sont beaucoup d'obligations.
[Traduction]
Les Forces canadiennes sont vraiment utilisées au maximum. Elles ont plusieurs engagements, mais malheureusement pas suffisamment de personnel formé.
Je crois que le premier défi à relever est celui des ressources. Quand j'emploie le terme « ressources », j'entends du personnel compétent formé qui est capable d'enseigner mais qui est aussi bilingue.
Le deuxième défi sera la formation bilingue.
[Français]
Les Forces canadiennes ont eu une politique de bilinguisme, et elle s'est soldée par un échec. Notre commissaire l'a qualifiée d'échec. Ils sont en train de mettre en oeuvre une nouvelle politique, mais ça vient de commencer; c'était en avril, je pense. On vit maintenant avec les conséquences de l'ancienne politique. On ne peut pas régler le problème du bilinguisme d'un seul coup. Cet échec a eu des répercussions. On vit maintenant avec les conséquences de cette politique. J'aimerais être clair, la situation à Borden doit être améliorée.
[Traduction]
Nous nous devons de faire ces efforts pour nos soldats francophones et tout particulièrement pour ceux qui veulent une formation de techniciens, par exemple.
Je pense que nous sommes sur la même longueur d'onde.
[Français]
Vous aimeriez avoir des solutions pratiques, de vraies solutions.
[Traduction]
Je crois cependant qu'il faut tenir compte des aspects pratiques.
Par exemple, les Forces canadiennes devront trouver un personnel d'instruction bilingue, mais elles ont accepté toutes sortes d'autres rôles secondaires. Ce n'est pas n'importe qui qui peut enseigner, il faut que ce soit quelqu'un qui connaisse le métier comme il faut, ils doivent suivre un cours pour apprendre comment enseigner, il s'agit d'exigences.
La base militaire de Borden est énorme. Il y a toutes sortes de formations qui sont offertes. Mais lorsque vous pensez à l'aspect logistique, trouver du personnel d'instruction bien formé et bilingue, écoutez imaginez-vous ce qui se passe si vous vous rendez à une unité et que vous dites que vous enlevez 15 de leurs membres... Qu'arrive-t-il si cette unité reçoit une formation pour partir pour l'Afghanistan? Que se passe-t-il si cette unité a des engagements opérationnels? Si elle a une autre responsabilité, qui va les remplacer? Quand partiront-ils? Quand ceux qui les remplaceront seront-ils envoyés dans une unité?
Il y a un défi logistique de taille, et je crois que nous aurions tort de l'oublier.
[Français]
Dans une de vos lettres, vous avez écrit, et je cite:
Je suis d’avis que ces initiatives représentent une étape positive et qu’elles contribueront de façon importante au traitement des problèmes qui ont été portés à mon attention par les membres des Forces canadiennes à l’occasion de ma visite à la BFC Borden à la fin de l’année dernière.
Cela me porte à croire que vous êtes satisfait des solutions proposées, mais que ce n'est pas assez rapide.
[Traduction]
Tous ces aspects pratiques, ces obstacles, doivent être surmontés si nous voulons pouvoir vraiment trouver une solution au problème.
Qu'en pensez-vous. Vous semblez satisfait de ce qu'on a proposé, cependant, vous trouvez qu'on prend beaucoup trop de temps à mettre ces nouvelles propositions en oeuvre. Cependant, compte tenu du contexte que je viens d'expliquer, je comprends personnellement pourquoi cela prend du temps. Il s'agit d'une base militaire énorme, on y offre toute une kyrielle de cours, et trouver le personnel d'instruction prend du temps.
En avez-vous tenu compte?
:
Je serai fort heureux de répondre à cette question, monsieur le président.
[Français]
Le député a parlé de dimensions pratiques, et on pourrait peut-être ajouter à l'ensemble de la problématique des Forces canadiennes le fait qu'il devient très difficile d'affecter à Borden des francophones qui seraient en mesure d'y suivre une formation. Bien des gens stationnés à Bagotville, Saint-Jean ou Montréal disent ne pas être intéressés à aller à Borden ou Barrie, en Ontario, par crainte que leur famille se retrouve isolée dans un milieu anglophone et que ce soit très difficile. Il s'agit donc d'un autre problème. En ce qui concerne les dimensions pratiques, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y en a beaucoup.
Monsieur le président, je vais démentir l'optimisme que me prête le député. J'ai en effet écrit que des pas dans la bonne direction semblaient avoir été faits, mais lorsque nous avons fait une vérification sur les lieux au mois de juin dernier, après que le plan d'action sommaire nous a été transmis, nous nous sommes rendu compte qu'en termes pratiques, rien ne semblait avoir été fait. Mon optimisme s'en est ressenti.
Par ailleurs, dans l'article du Barrie Examiner que nous allons vous remettre à la fin de la séance, cet officier haut gradé déclare pour sa part que le problème n'est peut-être pas aussi sérieux que je le prétends et qu'il pourrait être exagéré de penser que la chaîne de commandement n'a pas réagi avec toute la diligence voulue. Quand je vois des réactions semblables, ça me rend un peu moins optimiste.
:
Monsieur le président, je viens d'entendre la réaction du gouvernement.
Je trouve regrettable d'entendre M. Lemieux dire que la Défense nationale a des engagements envers l'OTAN et l'ONU comme s'il s'agissait là de vrais engagements alors qu'il en va autrement pour le bilinguisme. De la même façon, M. Chong vient de dire que par le passé, aucune somme n'a été consacrée à cette question. Mais on ne parle pas de ça. Le fait que le professeur chargé d'enseigner la mécanique parle le français et l'anglais ne coûte pas plus cher.
En ce qui me concerne, je n'accepte pas qu'on essaie de trouver des excuses. On ne parle même pas d'argent. Quand vient le temps d'engager du personnel pour offrir des services, il faut choisir des gens qui parlent les deux langues. Il s'agit ici d'un manque de respect, d'une entorse à la loi canadienne. Affecter des employés bilingues à la réception du collège de Borden ne coûte pas plus cher que d'y affecter du personnel unilingue anglais. Va-t-on s'en laisser conter? Pas en ce qui me concerne. Je ne veux pas que le gouvernement essaie de faire marche arrière. Le fait est que le ministère de la Défense nationale a une culture et que, de ce fait, il n'accepte tout simplement pas qu'il existe deux peuples reconnus et deux langues officielles. Les services doivent être dispensés dans ces deux langues.
Monsieur Côté, vous sembliez être d'accord avec ces gens pour dire que ça entraîne des coûts, que c'est difficile à la Défense nationale et qu'il faudrait prendre notre temps. Je ne suis pas d'avis que nous devrions prendre notre temps.
Merci, monsieur le président.
Monsieur l'ombudsman, lorsqu'on entend des commentaires voulant qu'on ait des obligations vis-à-vis l'OTAN en Afghanistan, au quartier général de la Défense, etc., je considère que ce sont des excuses. Je trouve cheap de donner des excuses pour ne pas permettre aux francophones d'être servis dans leur langue.
Cela signifie que pour le reste de leur vie, les francophones devront vivre avec des excuses, comme on semblait le dire du côté du gouvernement, que parce qu'on se trouve à tel endroit, qu'on fait telle chose ou qu'on veut aller ailleurs, c'est bien dommage, mais on n'aura pas accès à des services en français.
C'est cheap pas à peu près de la part du gouvernement d'oser même dire de telles choses. C'est comme si on était des moins-que-rien et que selon ce qui se passera au ministère de la Défense nationale, on n'aura pas accès à des services en français.
Trouvez-vous ça cheap, vous aussi?
:
Merci, monsieur Côté. Vous direz à votre mère de voter pour moi, puisqu'elle réside dans mon comté.
Des députés: Ah, ah!
M. Daniel Petit: J'aimerais aborder avec vous un sujet un peu plus délicat. Je vais débuter par une introduction, afin d'être bien compris. Je suis un nouveau député de cette législature. La moitié de la base de Valcartier est située dans mon comté. Je suis donc très au fait de ce qui se passe dans l'armée, avant même que des situations comme celle dont nous parlons aujourd'hui se soient produites.
Dans certains journaux, comme Le Soleil de Québec, on a écrit que lors de la période libérale — par le passé, nous n'étions pas là — il n'y avait pas d'équipements, pas d'hommes, pas d'argent. On a écrit que les sous-marins achetés étaient rouillés, que les hélicoptères tombaient, que les équipements étaient verts en plein désert, qu'il y avait des pénuries d'armes et un manque de soutien au niveau de l'équipement.
Vous êtes ombudsman, vous avez à vous occuper de deux grands dossiers, dont celui de la langue, mais aussi des gens qui reviennent en souffrant de syndrome de stress post-traumatique. Vous êtes alors obligé d'intervenir, et Dieu sait que c'est délicat. On en entend parler continuellement dans notre région. De plus, on parle de la langue, mais il y a eu du sous-financement et une sous-représentation. On a considéré l'armée comme un déchet pendant presque 13 ans, et aujourd'hui, on vous demande ce que vous avez fait ou ce qui se passe au niveau de la langue!
Je viens d'une province francophone. On enseigne la mécanique à Borden, car il ne s'agit pas nécessairement d'élèves officiers. À Borden, on enseigne des métiers, de la mécanique. Dans mon comté, dans les écoles de mécanique, on parle de raban de ferlage. Savez-vous ce que c'est? C'est ce que l'on appelle en anglais un crankshaft. Si on leur demande de réparer un pare-brise, ils ne comprennent pas. Si on dit de réparer le windshield, ils comprennent. Si on dit de réparer un muffler, ils comprennent, mais si on parle de tuyau d'échappement... Quel est le problème?
Nous, les francophones, avons un problème relativement à notre langue. J'aimerais savoir une chose. Vous avez étudié le problème à Borden. Il s'agit d'un milieu extrêmement anglophone, et le gouvernement a une institution qui doit être bilingue. Vous avez, à un moment donné, écrit ce qui suit à M. Hillier — est-il commandant général? Je vous cite:
J’ai été heureux que nous ayons pu en venir à une entente sur ces mesures à court terme. J’ai également eu le plaisir d’apprendre que l’on semblait maintenant procéder à la mise en place de certaines mesures concrètes.
Qu'est-ce qui vous a fait écrire cela? Avez-vous constaté quelque chose de visu? J'aimerais que vous soyez un peu plus explicite.
:
Monsieur le président, voilà ce qui s'est produit.
Au mois de juillet , j'ai rencontré le ministre de l'époque, , de même que le chef du personnel militaire, qui occupe ce poste encore aujourd'hui. Le ministre a exprimé ses attentes de façon très claire et a donné effet aux recommandations très concrètes que j'avais faites. Par la suite, on a cru voir que des choses commençaient à se passer. Comme je vous l'ai mentionné, deux hauts gradés, soit deux majors-généraux, se sont rendus à Borden pour s'exprimer sur le sujet et prendre la parole devant les troupes. C'est dans ce contexte que nous nous sommes entendus pour qu'un rapport sur l'état de la situation soit soumis le 1er décembre.
Les engagements pris à ce moment-là ont suscité chez moi l'optimisme qui se reflète dans cette lettre. Mais je rappellerai encore une fois au député que l'entrevue de la semaine dernière m'amène à penser que pour un pas en avant, on en fait peut-être un demi en arrière.
J'aimerais aussi préciser ce qui suit. Le député a dit qu'on travaillait à deux dossiers. Or, pour des fins de compte rendu, je voudrais simplement préciser qu'on travaille à un très grand nombre de dossiers, notamment le traitement du trouble de stress post-traumatique, l'aide aux familles et tout le reste.
Il y a un dernier point dont je veux faire part au député: les conversations que je tiens avec ma mère sont hautement confidentielles.
:
Monsieur le président, je sais que M. Bachand pense que tout va bien à Saint-Jean, mais je pense que ce serait bon de mener une étude pour comparer. Si tout va effectivement bien, cela pourrait servir d'exemple. Je ne pense pas que ce soit à M. Bachand de nous dire que cela va bien. Ce sera à vous, M. l'ombudsman, de rendre compte aux Canadiens et d'utiliser cet exemple.
Je trouve regrettable que le gouvernement pense que le problème a commencé il y a seulement 13 ans, à l'automne de 1993. Je pense qu'il existe depuis longtemps.
Je termine en vous félicitant du travail que vous avez fait et d'avoir le courage de le poursuivre. Votre responsabilité, c'est de le montrer aux autorités ainsi qu'au public. Il est regrettable que des gens ne se sentent pas des membres à part entière d'une communauté mais des membres de deuxième ordre. Je ne dis pas qu'il n'est pas important d'aller dans d'autres pays, mais en fait, il est plus important de respecter nos Canadiens, quelle que soit leur langue. C'est regrettable, et des excuses du genre ne doivent pas être acceptées. Eux, ils peuvent se donner des excuses, mais cela ne veut pas dire que les Canadiens sont obligés d'accepter ce qu'ils disent. Cela démontre vraiment le respect qu'ils ont pour l'autre langue. Jamais je n'ai entendu le gouvernement faire des recommandations pour que cela s'améliore, mais je l'ai entendu invoquer le fait qu'il n'y avait pas assez d'argent. Or, le surplus a été de 14 milliards de dollars cette année. Si la volonté était là, je pense que le problème pourrait être réglé.
Je finis là-dessus et je vous remercie.