CIIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent du commerce international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 8 octobre 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Silence, s'il vous plaît. C'est la vingt-neuvième séance du Comité permanent du commerce international.
Nous accueillons aujourd'hui le ministre du Commerce international, l'honorable Stockwell Day. En raison des motions présentées à la Chambre, bien sûr, nous commençons la réunion 35 minutes en retard. Malheureusement, le temps dont le ministre dispose devant nous en sera diminué. Il devait comparaître de 11 heures à midi, et il doit prendre l'avion peu après midi; nous changerons donc un peu notre formule en fonction du temps disponible.
Je demanderais au ministre de faire une brève déclaration, le comité posera ensuite des questions, et je crois que nous devrons nous limiter à une question chacun. Nous ferons seulement la première série, soit sept minutes pour les questions et réponses. Nous entendrons les libéraux, ensuite le Bloc, et pour finir le NPD; nous aurons donc seulement les trois séances de questions et réponses aujourd'hui, et chacune durera sept minutes.
Cela dit, monsieur le ministre, merci d'être venu. Je suis désolé du changement à l'horaire, mais nous apprécions beaucoup votre présence. Je vous demanderais de commencer par de brefs commentaires.
[Français]
Merci, monsieur le président. J'étais prêt à être ici pendant une heure, mais comme vous le savez, il y a eu un vote. Nous vivons en démocratie et il est très important d'être présent pour le vote. Je vais suivre votre conseil et je vais abréger mes commentaires à deux ou trois minutes.
Je tiens à préciser que nous sommes très préoccupés par les négociations avec l'Union européenne. Bien sûr, nous nous concentrons sur le travail le plus important, celui auprès de l'OMC. Cependant, comme vous pouvez le comprendre, il y a 154 pays et, parfois, les progrès ne sont pas très rapides.
C'est pourquoi nous allons continuer à conclure, là où c'est possible, des ententes pour des échanges bilatéraux avec d'autres pays ou des régions de pays. Nous allons continuer à faire tout ce que nous pouvons pour favoriser la concrétisation de possibilités d'affaires, compte tenu, surtout, du climat créé par la récession mondiale au moment où certains pays adoptent malheureusement des mesures protectionnistes. Nous sommes contre cette approche et nous allons continuer à étudier la possibilité d'étendre les accords de libre-échange. Nous avons commencé les discussions et les négociations avec les fonctionnaires de l'Union européenne. J'espère qu'elles vont continuer.
Je fais remarquer aux membres du comité que les Européens ont indiqué, il y a trois mois, qu'ils espéraient que les négociations prendraient moins de deux ans. C'est ambitieux, mais j'apprécie leur approche.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions. Je vous assure que nous sommes très engagés auprès des industries canadiennes, et nous avons indiqué aux provinces que nous voulons qu'elles soient avec nous pendant les négociations. Des représentants de certaines provinces m'ont dit qu'elles sont impliquées à un niveau sans précédent. Nous allons continuer ce processus.
[Traduction]
Merci, monsieur le ministre.
Nous allons commencer immédiatement. Je vais surveiller le temps de près, de manière à s'en tenir à sept minutes pour les questions et réponses.
M. Cannis commencera.
Merci, monsieur le président.
Je ferai seulement un bref commentaire et je céderai ensuite la parole à mon collègue Wayne Easter.
Monsieur le ministre, tout d'abord, au nom des libéraux, j'aimerais vous remercier encore de comparaître devant notre comité.
Je commencerai, monsieur, en reprenant les paroles sur lesquelles vous avez fini, quand vous avez dit être très engagé auprès des industries canadiennes. Je vous remercie de ce commentaire, parce qu'aussi bons que nous puissions être comme pays producteur de biens et services de qualité, c'est inutile si nous ne sommes pas proactifs sur la scène internationale. Tout ce que j'ai à vous dire, monsieur — et je sais que vous êtes proactif, mais je veux seulement le répéter pour le compte rendu — c'est que nous avons besoin de vous et nous avons besoin que le gouvernement soit très proactif sur la scène internationale afin que le Canada obtienne sa juste part du gâteau.
Vous avez parlé de l'Union européenne. Je pense que c'est un marché : elle est stable et solide, elle a les fonds et elle a le besoin. Nous devrions être là et dans d'autres secteurs.
Cela dit, je cède la parole à mon collègue Wayne Easter, à moins que vous n'ayez des observations.
J'apprécie ce qui vient d'être dit, monsieur le président, parce que cela nous aide à maintenir cet élan. Quand je peux dire que le comité est en accord avec la démarche que nous adoptons, cela nous aide à soutenir nos efforts. Merci pour vos conseils à cet égard.
Merci, monsieur le président et monsieur le ministre.
J'ai deux questions, en fait, si on a le temps, monsieur le ministre, une sur l'étiquetage du pays d'origine et l'autre sur la mesure commerciale; et deux, sur la Commission canadienne du blé en tant qu'entreprise commerciale d'État à l'OMC.
D'abord, je pense qu'il va sans dire que l'opposition officielle est extrêmement déçue de l'inaction du gouvernement qui ne conteste pas l'étiquetage du pays d'origine des États-Unis d'un point de vue global. Les conséquences sont très graves. Je ne sais pas si les Canadiens s'en rendent vraiment compte, mais nos exportations de porc aux États-Unis ont diminué de 60 p. 100, nos exportations de bovins de boucherie ont diminué de 20 p. 100, et nos exportations de bovins d'engraissement ont diminué de 50 p. 100. Nous perdons l'industrie porcine dans ce pays. Les éleveurs de porc vont faire faillite.
C'est une restriction commerciale flagrante de la part des Américains, et hier le ministre a demandé la formation d'un groupe spécial. Tandis que nous, nous sommes de bons boy-scouts dans le secteur du commerce international, parce que nous nous conformons aux règles, les Américains augmentent leurs exportations sur notre marché. Cela veut donc dire que, chaque jour, nos producteurs voient accroître leurs difficultés financières.
La question que je vous pose, concernant le groupe spécial de règlement des différends, que nous respectons, c'est quel est le délai dont il dispose pour faire avancer le processus? Je crains que si le processus est long, les Américains seront alors vraiment récompensés de ne pas avoir respecté la mesure commerciale. Nous savons tous que même si le groupe spécial sur le commerce décide, les Américains observent rarement les règles internationales.
Tout d'abord, c'est sur l'ordre de l'industrie elle-même, et en particulier l'industrie porcine, que nous avons fait cela. Vous êtes probablement au courant des observations formulées par leurs représentants ces dernières 24 heures; ils sont très heureux de la démarche que nous adoptons. Le ministre de l'Agriculture est en lien constant et étroit avec eux.
Nous espérions que le problème soit résolu. Comme vous le savez, nous avons mis beaucoup de pression pour obtenir des précisions sur les règles d'étiquetage du pays d'origine, et quand c'est arrivé, on aurait cru que les précisions que nous avions demandées allaient être là. Ensuite, comme vous le savez, il y avait une autre lettre jointe à cela, dans laquelle on proposait des secteurs de conformité volontaire. Cela a semé la confusion dans tout le dossier, surtout du côté des États-Unis, même au niveau de la production et de la transformation. En fait, des transformateurs ont même commencé à refuser les produits canadiens à cause de l'incertitude.
Tout cela se déroulait alors qu'une nouvelle administration se mettait en place aux États-Unis. Celle-ci avait plusieurs dossiers à démêler. Elle commençait à nommer les personnes clés. C'était un fort mauvais moment. Nous devions leur laisser un peu de temps pour s'organiser et aborder la question. J'en ai fait part au nouveau représentant au commerce des États-Unis dès qu'il est entré en fonction, le ministre de l'Agriculture a fait de même avec son homologue, et le Premier ministre en a parlé au Président. Nous frappions à tous les niveaux.
Lorsqu'on a appris qu'il semblait ne pas avoir de précisions, particulièrement au sujet des questions soulevées dans la lettre, nous y avons consacré autant de temps que ce que nous croyions possible de faire, parce que comme vous le savez, Wayne, il aurait été préférable de pouvoir résoudre ce problème dans des rencontres informelles. Quand on entame un processus officiel, comme votre question sur le délai l'indique, une fois que cette voie est empruntée — et c'est une voie importante si vous avez choisi de la suivre — tout peut vraiment ralentir.
Ce n'est pas comme si c'était le dernier recours, mais presque, et c'est pourquoi nous avons décidé de ne pas attendre plus longtemps. La phase de la consultation dure 90 jours; nous mettrons les gens en place tout de suite.
Monsieur le président, nous en saurons plus à la fin de la semaine pour ce qui est de la mise en place du groupe spécial lui-même. Ce sera une longue période de plus à ajouter au processus de consultation de 90 jours; nous informerons le comité de la situation dès que nous en saurons plus. Ce qui devrait être le cas d'ici la fin de la semaine.
Je sais qu'on a fait preuve de leadership. Ce matin, j'ai parlé à quatre producteurs sur le terrain, et l'un d'eux m'a parlé du leadership, dans des propos qui semblent aller dans le même sens que vous. Il a dit qu'il était acculé à la faillite. Les dirigeants n'osent pas être d'accord sur ce fait, et nous avons besoin d'un plan pour mettre l'argent dans les poches des producteurs, et non leur accorder plus de prêts. C'est ce que disent les cultivateurs sur le terrain.
À propos de la Commission canadienne du blé, quelle est la position du gouvernement à l'égard du document sur les modalités, maintenant à l'OMC, qui risque de nuire à la Commission canadienne du blé en tant qu'entreprise commerciale d'État? Demandez-vous que cette modalité soit retirée du texte?
Tout d'abord, pour clore votre conversation sur les éleveurs de porc, nous écoutons ce que certains éleveurs ont à dire. Nous devons composer avec le leadership. D'aucune façon nous n'avons entendu les membres dire qu'ils sont préoccupés par leur propre leadership. Si c'est le cas de certains membres, je suggère qu'ils en parlent avec eux parce que nous devons suivre leurs orientations.
Comme vous le savez également, le ministre de l'Agriculture continue de faire avancer les plans de manière proactive pour les éleveurs de porc. Au risque d'avoir l'air partisan, nous croyons que ces plans seront plus efficaces que les précédents. Nous pouvons débattre de celui-ci toute la journée, mais le ministre de l'Agriculture a été très proactif en ce qui a trait aux programmes qui visent notamment à aider les éleveurs qui, en raison de l'état actuel du cycle du marché et des prévisions pour les prochaines années, peuvent se retirer de l'élevage s'ils le souhaitent. Par conséquent, il y a donc eu une grande partie des programmes qui a été mise en oeuvre, et cela aidera les éleveurs.
Pour ce qui est des dossiers ou des discussions en lien avec la Commission du blé, nous avons établi clairement que c'est au Canada que sera décidé ce qui arrivera et comment nous traiterons la question de la Commission du blé. Nous ne serons pas forcés, pressés ou poussés par des forces extérieures à cet égard. Nous l'avons établi très clairement. C'est notre position et nous y tenons.
Merci à vous, monsieur le ministre et monsieur Easter.
Monsieur Cardin, vous avez sept minutes. Nous devons respecter cette période de sept minutes.
[Français]
Oui, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec mon collègue André Bellavance, qui est porte-parole du Bloc québécois en matière d'agriculture et agroalimentaire.
Nous avons reçu MM. Gauthier et Stephenson mardi dernier. En parlant de la gestion de l'offre, M. Gauthier nous a dit ce qui suit:
Sur cette question, le Canada a adopté une position très ferme dans les négociations, en s'opposant à toute réduction tarifaire et à tout élargissement des contingents tarifaires pour nos produits soumis à la gestion de l'offre. Cette position est plus rigide que celle de tout autre membre de l'OMC.
Par contre, on sait qu'on ne voulait pas faire de concessions. D'ailleurs, dans le Rapport du Canada en matière d'accès aux marchés internationaux de 2009, le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international avaient des objectifs. Ils ont déclaré ceci:
Le gouvernement cherche également à s'assurer que le système canadien de régulation de l'offre pour certains produits agricoles n'est pas compromis.
Le Canada s'engageait à ce moment-là à ne réduire ni les tarifs hors contingents ni la taille des contingents. Par contre, lors des récentes négociations bilatérales, le Canada a fait des concessions à l'égard des tarifs intracontingents visant les produits soumis à la gestion de l'offre. On dit que le Canada a offert un accès préférentiel à son marché dans le cadre de ses engagements relatifs aux tarifs intracontingents, mais que ça a malgré tout laissé intacte l'essence même du système de gestion de l'offre. Il y a quand même eu une ouverture à ce moment-là.
Lors de la conclusion de notre collègue M. Keddy, il nous a dit que le Canada avait adopté une position ferme concernant les produits sensibles et la gestion de l'offre, et qu'il l'avait défendue à l'OMC ainsi que dans les autres négociations bilatérales dans le monde. Cependant, il s'est assuré de préciser que personne ne pouvait dire ce que le futur nous réservait. Dans un document réalisé pour le Cabinet par les ministres des Finances, du Commerce international et de l'Industrie en 2002, on note que la décision de protéger coûte que coûte la gestion de l'offre n'est pas évidente. Ça laissait même présager qu'à un moment donné, ce serait un élément de négociation.
Je voudrais que vous me disiez aujourd'hui si vous allez protéger la gestion de l'offre et ne faire aucune concession à ce sujet.
Je ne veux pas répondre en ce qui concerne le document de 2002 parce que c'est un document du gouvernement libéral.
Comme M. Keddy l'a dit, notre position est très claire. Nous convenons de la direction très claire, très ferme qu'a prise le Parlement canadien en 2005: il faut que nous protégions notre système de gestion des approvisionnements. C'est là notre position, et nous allons continuer à la maintenir.
Une des difficultés réside maintenant dans le fait que le processus continue. Comme vous le savez, les négociations sont maintenant en cours et vont peut-être durer encore un an ou deux, mais j'espère que ce ne sera pas aussi long. Voilà pourquoi c'est difficile de faire un commentaire chaque fois, sur chaque position, parce que c'est la position finale qui est très importante. Et c'est pourquoi je suis d'accord avec vous, monsieur.
Notre position sur notre système de gestion des approvisionnements est très claire, et nous allons la maintenir. Nous avons reçu des commentaires, à savoir qu'il y aurait peut-être une réduction de 23 p. 100, ce qui est inacceptable. Il y avait une autre suggestion: le pourcentage des lignes tarifaires que nous pouvons protéger ne devrait être ni moins ni plus de 4 p. 100, mais ce n'est pas là notre position. Selon nous, cela doit rester à 6 p. 100. Et il n'y a pas de réduction pour ce qui est des 23 p. 100.
Parfois, nous avons des suggestions, des positions, des possibilités, et vous avez raison de poser des questions. Cependant, je peux vous assurer que nous sommes dans un processus, mais que nous allons maintenir très fermement notre position.
Monsieur le ministre, merci de votre présence.
Dans votre commentaire, vous avez parlé de l'entente qui fait en ce moment l'objet de discussions avec l'Union européenne, et c'est à ce sujet que j'aimerais vous poser quelques questions.
J'ai une question assez précise. J'ai fait faire une recherche par la Bibliothèque du Parlement à qui j'ai demandé si, historiquement, quand le Canada amorce ce genre de discussions en vue d'ententes de libre-échange, on dit nommément dans un texte préliminaire qu'on exclut des choses. Par exemple, on me dit que, historiquement, on exclut le système de la gestion de l'offre dans ce type d'ententes.
Malheureusement, dans ce qu'on appelle le « Rapport conjoint sur la définition du périmètre d'un accord économique approfondi entre l'Union européenne et le Canada », au deuxième paragraphe de la section 3.1, on constate que tout est sur la table, incluant la gestion de l'offre. En fait, la gestion de l'offre n'a pas été exclue. Est-ce un oubli? Est-ce volontaire?
J'aimerais entendre de votre part — et sans doute que les producteurs agricoles sous la gestion de l'offre, non seulement du Québec mais aussi du Canada, aimerait vous entendre également — si vous avez bel et bien l'intention, à titre de ministre du Commerce international, de faire en sorte que la gestion de l'offre ne fasse pas partie de ces discussions relatives à l'entente négociée en ce moment avec l'Union européenne.
En tout respect, ma réponse à la question de votre collègue était très claire: nous allons continuer à défendre notre système de gestion des approvisionnements. Nous n'avons pas accepté les recommandations visant à changer les pourcentages.
Quant à savoir si tout était sur la table, la réponse est oui, absolument. En ce qui a trait au maintien de notre position, nous voulons avoir l'occasion d'expliquer aux 27 pays pourquoi le système de gestion des approvisionnements est si important pour nous. S'il n'était pas là en ce moment, ce serait comme s'il y avait un éléphant dans la pièce et que personne ne voulait en discuter.
Nous voulons en discuter et expliquer clairement notre position. Nous négocions avec l'Union européenne en même temps qu'avec d'autres pays ne faisant pas partie de l'Union européenne en vue de conclure des accords bilatéraux. Ils peuvent également connaître notre position. La position canadienne est très claire pour tous, et nous la maintiendrons. Nous en sommes fiers et nous voulons en discuter.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Merci d'être venu, monsieur le ministre Day. J'apprécie qu'un ministre se présente sans son entourage. Ça démontre plus de confiance. Cependant, il se peut que nous vous posions certaines questions auxquelles vous ne serez pas en mesure de répondre. Nous espérons que votre ministère assurera un suivi.
Pour commencer, j'ai trois questions sur la gestion des approvisionnements — en fait, j'en ai quatre — qui font suite aux questions de MM. Cardin et Bellavance parce que nous ne comprenons pas pourquoi le Canada refuse tout marché qui n'assure pas une protection complète de la gestion des approvisionnements. En fait, un négociateur de votre ministère, M. Stephenson, a agi de telle sorte que les négociations de l'OMC ressemblaient à une lutte sumo. Bien sûr, notre préoccupation réside dans le fait qu'à la fin du jeu, à la fin des négociations, il est fort possible que la gestion des approvisionnements et la commercialisation à comptoir unique soient anéanties, à moins que le Canada n'adopte une position très ferme.
La question que je souhaite vous poser est donc la suivante: Êtes-vous en train de nous dire que le Canada n'acceptera pas de dispositions agricoles qui ne protègent pas entièrement la gestion des approvisionnements? Êtes-vous également en train de nous dire que le Canada n'acceptera pas de dispositions agricoles qui ne protègent pas entièrement la commercialisation à comptoir unique?
Ma troisième question est la suivante. Avec les négociations...
Je suis désolé, mais je crois que ces deux questions n'en formaient qu'une. La première était accepterons-nous de...? Et la seconde était...?
Je faisais référence à la Commission canadienne du blé et au fait que la signature d'un accord pourrait ne pas protéger entièrement la Commission canadienne du blé.
Puis, ma troisième question, qui concerne les négociations avec l'Union européenne, est la suivante: Est-ce que la position du gouvernement canadien consiste à ne pas signer d'accord qui ne protègerait pas entièrement ces secteurs agricoles avec l'Union européenne?
Je ne suis pas très heureux de vos commentaires concernant les observations de M. Stephenson. Je les ai examinées et, à mon avis, il n'aurait pu être plus clair. Lorsqu'on lui a posé la question à savoir s'il y aura une réduction, une dilution ou un quelconque recul de la protection du domaine de la gestion des approvisionnements, sa réponse tenait en un mot: non. Je crois qu'il a appris que nous, en politique, pouvons apprendre également: répondre d'une manière très directe afin de ne pas aborder d'autres sujets. Il a été très clair en disant non. Il a toujours clairement défendu ce point.
J'apprécie votre inquiétude concernant les engagements solides parce que vous avez peut-être eu à composer avec le gouvernement précédent. Je ne sais pas d'où vous vient cette paranoïa. Tout ce que je peux dire, c'est que nous sommes très clairs à cet égard.
Le gouvernement n'acceptera pas de dispositions agricoles qui ne protègent pas entièrement la gestion des approvisionnements?
Absolument. Nous avons été très clairs sur ce point.
Vous l'avez comparé à une lutte sumo. J'ai eu l'occasion d'assister à une séance d'entraînement de sumo. Pas moi, évidemment. On m'a expliqué qu'un lutteur sumo peut, à tout moment, sortir du ring et ainsi mettre fin au match. Si ça en vient à ça... Je n'aime pas penser que nous en viendrions au point où nous serions incapables de négocier cet élément, mais j'ai pris part à un certain nombre de discussions liées à la gestion des approvisionnements dans d'autres pays et dans d'autres situations multilatérales, et lorsque le sujet est soulevé, tout le monde hausse des épaules, parfois avec réticence, et dit: « Nous connaissons la position du Canada à cet égard ». Par conséquent, la discussion ne dure habituellement que deux ou trois secondes. Nous avons été très clairs à cet égard.
Nous avons également été clairs sur la relation avec la Commission du blé. Nous avons dit que nous respections ce qui pourrait être déposé ou suggéré à Genève, mais que les décisions sont prises à la Commission canadienne du blé. Les décisions seront prises à cette table. Les décisions seront prises au Parlement. Nous avons été très clairs sur ce point.
Ça fait deux, mais pour votre troisième question, je ne comprends toujours pas très bien. Elle portait sur la gestion des approvisionnements, la Commission du blé, et...
Les négociations entre le Canada et l'Union européenne. Nous parlions de l'OMC, mais en ce qui a trait au Canada et à l'Union européenne, ce n'est pas clair...
Donc, en ce qui a trait aux négociations de l'OMC, le Canada n'acceptera pas les dispositions agricoles.
D'accord. J'aimerais maintenant passer à la question du bois d'oeuvre résineux. Comme vous le savez, nous avons présentement des dizaines de millions de dollars qui vont...
Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
M. Peter Julian: Merci.
Nous les citerons à la Chambre dans quelques semaines, donc je ne crois pas que vous devriez applaudir si tôt.
Pour ce qui est du bois d'oeuvre résineux, nous avons des sanctions qui ont été imposées à la frontière dans ce que le NPD appelle « une mauvaise affaire attirante ». J'aimerais partager deux choses avec le comité.
Dans l'affaire qui commence ce mois-ci et qui concerne les supposées subventions octroyées à l'industrie forestière de l'Ontario et du Québec, combien sommes-nous susceptibles de perdre?
Voici la question à laquelle vous ne serez peut-être pas en mesure de répondre, je le conçois: Combien les contribuables canadiens ont-ils payé en frais juridiques depuis que l'accord du bois d'oeuvre résineux, ou la trahison, a été mis en oeuvre?
Vous avez d'abord parlé d'un « accord », puis vous avez utilisé le terme « trahison ».
Je ne peux faire de prédiction sur la question concernant l'Ontario et le Québec. Manifestement, nous menons une chaude lutte. Il faudra voir comment cela tournera.
En ce qui a trait à la question du bois d'oeuvre résineux — je sais qu'il y aura des délibérations à cet égard —, il ne faut pas oublier que dans pratiquement toute l'industrie, dans toutes les provinces du pays, on dit qu'il faut s'en tenir à la décision qui a été prise, et ce, chaque fois que nous abordons la question du règlement des différends. C'est ce qui est arrivé également avec cette décision. Il ne faut pas donner la chance aux Américains de faire du lobbyisme pour annuler le marché. Nous voulons que l'accord sur le bois d'oeuvre résineux soit mis en oeuvre. Il est possible qu'il ne soit pas parfait. L'industrie connaît des moments très difficiles avec l'écroulement du marché, particulièrement aux États-Unis, et on entend dire avec force et vigueur que l'accord est bon. Nous le voulons. Nous voulons le conserver. C'est ce que j'entends partout, dans toutes les provinces.
Je ne sais pas exactement à combien s'élèvent les frais juridiques, Peter. Je vous fournirai les chiffres à jour.
Gardez à l'esprit que pendant ce conflit, en 2007, l'industrie nous a conseillé quant aux modalités d'une réattribution, que tout le monde avait acceptées. Tout le monde avait accepté le paiement de cette taxe. L'industrie et d'autres entités avaient laissé entendre qu'il n'était pas nécessaire que la taxe soit perçue avant le 1er juillet 2007, alors que les autorités nous avaient informés qu'elles croyaient que ce serait à compter du 1er janvier. Il y avait une zone grise. Nous nous sommes donc fiés à la date qui nous semblait la plus raisonnable, c'est-à-dire le 1er juillet. Les Américains ont contesté et une décision a été rendue en leur faveur. Bref, selon cette décision, il aurait fallu commencer à percevoir cette taxe en janvier. On avait donc six mois de retard et la somme due s'élevait à 68 ou à 70 millions de dollars.
Nous n'avons pas apprécié cette décision et nous avons interjeté appel. Nous avons même offert de verser un montant inférieur, comme vous le savez. L'industrie américaine a indiqué à combien s'élevaient les dommages causés et nous avons offert de payer pour réparer ces dommages. Nous avons demandé au groupe spécial s'il comptait accueillir l'appel. Comme vous le savez, le groupe est tout juste de retour. Il n'aurait pas pu être plus clair. Il a refusé notre appel et notre acompte. Il a exigé que nous payions le montant en entier, à savoir l'ensemble des taxes dues depuis le 1er janvier. Il nous a dit de rembourser et il — je parle ici du groupe spécial et non du gouvernement des États-Unis — nous a même expliqué de quelle façon les taxes seraient perçues: par l'intermédiaire des producteurs qui exportent de l'autre côté de la frontière, jusqu'à ce que les 68 millions de dollars aient été récupérés. Jusqu'à maintenant, les États-Unis ont recueilli environ 12 millions de dollars parce que, comme vous le savez, ils ont commencé à percevoir une taxe alors que nous étions en instance d'appel. La somme s'élève à environ 12 millions de dollars. Nous sommes justement en pourparler. Est-ce que cette somme nous sera remise sous la forme d'un chèque ou d'un rabais? Est-ce qu'elle sera déduite de la somme de 68 millions de dollars? C'est ce que nous négocions à l'heure actuelle.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir permis de dépasser quelque peu le temps qui m'était alloué. Je dois bel et bien partir. Comme je l'ai mentionné plus tôt, je peux rester avec vous jusqu'à midi.
Je serais très heureux de revenir vous voir si vous me le demandez, et je tiens à vous remercier sincèrement. Je sais qu'il arrive que les choses prennent une tournure partisane — et c'est justifié —, mais vous, mesdames et messieurs les membres du comité, me donnez de bons conseils. Nous les écoutons tous et nous nous efforçons même d'en mettre une large part en pratique. Donc merci pour votre bon travail.
Merci, monsieur le ministre.
Des voix: Bravo!
Le président: Nous vous remercions de votre temps. Merci de votre visite.
Nous allons prendre une pause d'environ trois minutes, le temps de changer de place et d'accueillir nos témoins.
À venir, le Syndicat national des cultivateurs.
Je vous prie de prendre place au bout de la table, qui est réservé aux témoins. Merci.
Nous reprenons nos travaux. Merci.
Nous continuons notre discussion sur la gestion de l'offre à l'Organisation mondiale du commerce.
Notre prochain témoin est M. Stewart Wells, président du Syndicat national des cultivateurs.
Nous entamons ce tour avec un peu de retard parce que nous avons eu un contretemps tout à l'heure. Si tout le monde est d'accord, j'aimerais que nous terminions à 12 h 55. Trois d'entre nous devons assister à une réunion du Comité de liaison dans l'édifice du Centre.
Je crois que nous aurons le temps de poser toutes les questions que nous souhaitons, mais nous devrons encore une fois respecter le temps qui nous est alloué.
Monsieur Wells, pourriez-vous commencer par votre déclaration préliminaire pour ouvrir le bal? Présentez-nous votre point de vue, et nous passerons ensuite aux questions.
Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité de m'avoir invité ici aujourd'hui pour parler au nom du Syndicat national des cultivateurs. Pour commencer, j'aimerais remercier tous les membres de la Chambre des communes pour leur appui dans le domaine de la gestion de l'offre, qui a été très important.
Je crois qu'on a remis à tous les membres une copie de notre note d'information, sur laquelle se fondera la déclaration préliminaire. Un résumé des cinq points figure au bas de la première page. Je n'aurai évidemment pas le temps de tous les aborder, donc j'aimerais me concentrer sur les deux premiers.
J'ai rencontré M. Gauthier ce matin pour discuter de ces points importants. Nous estimons que pour défendre la gestion de l'offre, on doit d'abord et avant tout connaître les raisons essentielles pour lesquelles nous voulons la défendre.
Il y a quelque temps, quelqu'un ici a employé l'expression « un éléphant dans la pièce ». Le premier graphique de notre courte note d'information met en lien les exportations agro-alimentaires à l'étranger et le revenu par ferme. C'est la réalité des cultivateurs canadiens, et les négociations de l'OMC et de l'Union européenne se font dans ce même contexte.
Les données montrent que nos exportations agro-alimentaires à l'étranger ont grimpé alors que le revenu des cultivateurs a diminué. Le revenu net par ferme des cultivateurs — représenté par la ligne rouge au bas du graphique — a diminué. La ligne juste au-dessus représente le revenu net par ferme si on inclut les paiements et les transferts du gouvernement. Ces transferts d'argent des contribuables ramènent en moyenne les revenus à zéro, après tout le travail qu'ils ont accompli. Les dépenses liées à la main-d'oeuvre familiale et à la gestion ne sont bien entendu pas prises en considération.
Nous avons donc un graphique qui nous révèle que lorsque les exportations agro-alimentaires à l'étranger augmentent, le revenu net des cultivateurs canadiens diminue. Observons la situation sous un autre angle: si la ligne du bas représentait le salaire des gens de la Colline du Parlement par rapport aux exportations agro-alimentaires, vous ressentiriez la tension que les cultivateurs ressentent en regardant ce graphique. Nous cherchons évidemment à trouver des moyens de hausser le revenu net des cultivateurs.
Si on observe les deux graphiques suivants, qui se rapportent au point numéro un et qui illustrent pourquoi le Syndicat national des cultivateurs appuie si fortement la gestion de l'offre et les systèmes de commercialisation ordonnés de toutes sortes, on constate que de tous les secteurs agricoles, ce sont ceux qui sont soumis à la gestion de l'offre qui obtiennent les meilleurs résultats en terme de revenu net par ferme. D'après le deuxième graphique, vient ensuite le secteur des céréales et oléagineux, où la Commission canadienne du blé joue un rôle prépondérant.
Le troisième graphique met encore plus cet aspect en évidence parce qu'il porte uniquement sur les fermes d'élevage. Si on compare les fermes d'élevage entre elles, on constate que les éleveurs soumis à la gestion de l'offre, qui sont représentés par les deux lignes du haut, ont un revenu net positif. Les deux secteurs qui ont soutenu et défendu le plus ardemment et ouvertement les accords de commerce international font piètre figure sur le graphique. Les éleveurs de porc et de bovin éprouvent de grandes difficultés.
On constate donc une énorme dichotomie; ils sont complètement distincts. Visiblement, ce sont les industries soumises à la gestion de l'offre qui s'en tirent le mieux.
On pourrait évidemment parler encore longtemps des revenus et des graphiques, mais il faut retenir qu'il s'agit là du contexte dans lequel se trouve le Syndicat national des cultivateurs. Ces chiffres ne sont pas contestés; ce sont les chiffres d'Agriculture Canada.
J'en arrive au point numéro deux, examiner les outils de marketing inscrits dans les lois en général. Nous ne consacrons qu'une demi-page à cet aspect; les systèmes de commercialisation — les offices de commercialisation du porc, les offices de commercialisation du tabac, la Commission canadienne du blé et les systèmes de gestion de l'offre — sont tous des exemples d'outils de marketing inscrits dans les lois. Les politiciens canadiens ont pris le temps d'élaborer ces outils et d'adopter des lois qui aident les cultivateurs à tirer profit du marché le plus possible. C'est donnant, donnant.
La situation est exactement la même en ce qui concerne la protection conférée par un brevet et les droits d'auteur. Par contre, on ne voit pas, pendant les négociations de l'OMC, tellement d'autres pays tenter d'affaiblir la protection conférée par un brevet et les droits d'auteur ou de nous y faire renoncer. Nous estimons donc qu'il existe une énorme disparité; les cultivateurs canadiens sont soumis à une règle de deux poids, deux mesures, c'est-à-dire que nos outils de marketing inscrits dans les lois font constamment l'objet d'attaques, alors que ce n'est pas le cas de ceux des autres secteurs.
J'en resterai là pour cette allocution d'ouverture, mais je vous ai présenté une description exacte du contexte qui sous-tend la position du Syndicat national des cultivateurs.
J'aimerais ajouter que les membres du Syndicat national des cultivateurs ont joué un rôle d'une importance considérable dans la mise au point des systèmes de commercialisation ordonnés au Canada et que le Syndicat national des cultivateurs estime avoir un droit de propriété tant à l'égard des systèmes de gestion de l'offre que de la Commission canadienne du blé, parce que nombre de ses membres ont contribué à leur mise sur pied et à leur essor au début.
Merci.
Merci, monsieur Wells.
Nous allons amorcer la première série de questions. Sept minutes seront accordées à la fois pour la question et la réponse.
Je donne la parole à M. Easter.
Merci, monsieur le président.
Merci, Stewart.
Les graphiques que vous nous avez présentés brossent un consternant tableau d'une tragédie financière. Le rapport de la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire à l'Île-du-Prince-Édouard, intitulé Growing the Island Way, examinait le revenu net réalisé par ferme selon leur valeur brute en dollars de 1929 jusqu'à aujourd'hui — vous avez dû en prendre connaissance, Stewart — mais le graphique que vous nous avez présenté révèle un recul et le revenu est maintenant négatif.
Votre mémoire présente beaucoup d'information... et j'aimerais m'exprimer là-dessus. À voir la situation générale au Canada, avec la dette qui augmente et qui oscille maintenant entre 58 et 60 milliards de dollars, les cultivateurs sont dans une position telle qu'on peut se demander comment nous allons nous sortir de cette dette, même avec des taux d'intérêt peu élevés. Mais si on examine les choses sous l'angle de la gestion de l'offre, on peut savoir à quoi s'attendre du côté des prix, on peut rencontrer son banquier, faire financer son exploitation et démontrer clairement qu'on est capable de gérer sa dette, de payer ses factures et de pourvoir aux besoins de sa famille et de sa communauté.
Voilà un des avantages incontestables du système, la stabilité qu'il procure, et nous l'appuyons fortement.
Au début de votre présentation, vous avez dit que le plus important pour notre discussion sur le maintien de la gestion de l'offre au Canada est de connaître les raisons pour lesquelles elle existe. Pourriez-vous préciser votre pensée? Est-ce que c'est une question de sécurité du revenu pour les cultivateurs? Est-ce une question de sécurité alimentaire et de salubrité des aliments pour le pays? Quels sont les enjeux en l'occurrence? De quoi avons-nous besoin pour étayer notre argumentation sur le plan international?
L'un de nos échecs sur le plan international est, à mon avis, notre incapacité de convaincre d'autres pays de se doter d'un régime semblable au nôtre pour qu'ils en comprennent mieux la nature.
Merci.
En un mot, la réponse est oui aux deux éléments que vous avez mentionnés, la sécurité du revenu et la sécurité alimentaire. Le mouvement en faveur de la souveraineté alimentaire est en croissance dans le monde entier. La souveraineté alimentaire est une expression qu'on entendra de plus en plus dans l'avenir. Le Syndicat international des cultivateurs est membre d'une organisation internationale appelée La Via Campesina, qui représente des millions de cultivateurs du monde entier. C'est nous qui avons la meilleure définition de la notion de souveraineté alimentaire.
L'un des exemples qui cadrent bien avec notre discussion est donné par la situation absolument absurde que nous avons connue il y a 18 mois, au printemps de 2008, tandis que des émeutes de la faim éclataient dans les rues d'une trentaine de pays dans le monde et que le FMI — dont le siège est aux États-Unis mais qui représente des pays comme le Canada — disait publiquement à ces pays qu'ils devaient continuer d'exporter leur production alimentaire, même si leurs propres citoyens manifestaient violemment dans les rues parce qu'ils n'avaient pas de nourriture. Je ne peux imaginer de situation plus rapidement déstabilisatrice que celle-là pour un gouvernement fédéral qui préconise l'exportation de la production alimentaire du pays tandis que la population a faim. On nage en plein ridicule.
Vous avez parlé de la dette des cultivateurs. Dans le Cycle de Doha, on parle beaucoup de développement; c'est le thème principal. L'idée serait qu'il faudrait réserver aux agriculteurs des pays en développement un traitement particulier dont ne bénificieraient pas ceux d'autres pays comme le Canada. Naturellement, il n'existe pas de définition bien établie de ce qu'est un pays en développement. D'après les négociateurs commerciaux, ils se désignent eux-mêmes comme tels. On peut soutenir que tous les agriculteurs du monde, y compris les agriculteurs canadiens, sont des agriculteurs d'un monde en développement, parce que ce qui nous distingue d'autres agriculteurs dans le monde — que ce soit en Afrique ou ailleurs où on pourrait croire que la situation des agriculteurs est différente — c'est une dette d'un montant de 60 milliards de dollars. Les cultivateurs canadiens doivent composer avec une dette s'élevant à 60 milliards de dollars. En arrondissant pas mal, ça représente des paiements d'intérêt de 3,5 milliards de dollars par année.
Au Canada, la moyenne à long terme du revenu net par ferme provenant des activités sur les marchés s'élève à 125 millions de dollars. Les agriculteurs doivent rembourser le principal de la dette de 60 milliards de dollars à partir de ce revenu de 125 millions de dollars par année. En chiffres d'aujourd'hui, il faudrait 500 ans aux agriculteurs pour liquider cette dette grâce au revenu de leur ferme. C'est une bulle. Les prêteurs continuent de prêter sur le marché agricole parce qu'ils croient que les transferts opérés par le gouvernement, les contribuables, augmenteront avec le temps, et ils pensent pouvoir maintenir leur position même s'ils ne récupèrent que l'intérêt, et pas forcément le principal.
On nous dit constamment de considérer l'agriculture comme une simple activité commerciale que rien ne distingue des autres. Du commerce, un point c'est tout. Ceux qui pratiquent cette activité commerciale qu'est l'agriculture essaient de rembourser une dette de 60 milliards de dollars avec un revenu net de 125 millions de dollars par année. Ça ne marche pas.
Alors je serai bref. L'une des critiques que l'on entend au sujet de la gestion de l'offre est qu'elle mène à une augmentation du prix des aliments. Je ne suis certainement pas d'accord avec cette idée, mais qu'est-ce que vous répondez à cela?
C'est absolument faux. Elle mène à la stabilité des prix et permet aux agriculteurs d'obtenir une part juste et constante sur le marché.
Sur le total des sommes consacrées à la nourriture, la part revenant aux agriculteurs a connu une décroissance constante avec le temps. Ce phénomène est moins évident dans les secteurs de gestion de l'offre. Beaucoup d'études et de données révèlent que les consommateurs canadiens retirent beaucoup des systèmes de gestion de l'offre du Canada. Les images qu'on a pu voir dans les journaux de producteurs laitiers étrangers qui jettent leur lait sont révélatrices du marasme dans lequel ils se trouvent. C'est très pénible à voir. Nous pouvons remercier le ciel que les Canadiens aient été plus intelligents.
Les pays du G8 et du G20 ont félicité publiquement le Canada d'avoir choisi une autre voie pour son développement qui a assuré une stabilité accrue à son secteur bancaire. Il en va exactement de même pour la gestion de l'offre et les systèmes de commercialisation ordonnés ainsi que la Commission canadienne du blé. Nous bénéficions d'une stabilité accrue que d'autres pays nous envient. Nous n'avons pas intérêt à y renoncer.
[Français]
Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Wells, de votre témoignage.
Comme moi, vous avez entendu un peu plus tôt le témoignage du ministre du Commerce international. On pourrait peut-être se satisfaire de ce qu'il nous dit concernant la gestion de l'offre. En effet, il dit que le gouvernement a l'intention de respecter à la lettre la motion du 22 novembre 2005. Pour ma part, je pourrais m'en satisfaire puisque j'ai déposé cette motion.
Cependant, en politique il ne faut rien tenir pour acquis. Ce n'est pas parce que l'on tient un certain discours à un moment donné qu'il ne faut pas vérifier quels gestes a posés le gouvernement concernant ce dossier. Comme je l'ai mentionné au ministre tout à l'heure, je suis inquiet relativement aux négociations à l'OMC ou aux négociations bilatérales avec l'Union européenne car on peut parfois entendre des ministres du gouvernement tenir des discours contradictoires.
Par exemple, il a failli y avoir une entente à l'OMC en juillet dernier. Dans les textes, on trouvait carrément une baisse des tarifs hors contingents et une baisse des contingents qui protègent les produits soumis à la gestion de l'offre. Heureusement, il y a eu une mésentente entre les sept pays qui avaient commencé à négocier, mais le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada, M. Ritz, et l'ancien ministre du Commerce international, M. Michael Fortier, ont tous deux déclaré publiquement qu'ils étaient déçus du fait qu'il y ait eu une mésentente et qu'il n'y ait pas eu d'entente à l'OMC sur le dossier agricole.
Du même souffle, on nous dit qu'on veut protéger à tout prix la gestion de l'offre à la vie, à la mort. C'est contradictoire. D'ailleurs, un autre ancien ministre, M. Chuck Strahl, avait déclaré au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire que le Canada, si tous les autres pays prenaient une décision et concluaient une entente à l'OMC, ne voulait pas être isolé et seul.
Pensez-vous que, pour le bien de l'agriculture canadienne et québécoise dont les producteurs en grande majorité sont soumis à la gestion de l'offre, il serait légitime que le Canada se retire de la table des négociations si jamais on en vient à une entente qui ne protège pas les acquis concernant le système de gestion de l'offre?
[Traduction]
Merci beaucoup pour la question, monsieur Bellavance.
Premièrement, je pense qu'il faut effectivement rester vigilant, parce que toutes ces questions changent de jour en jour et de minute en minute, et même au milieu de la nuit, parfois.
Quand le ministre a pris la parole un peu plus tôt, il a dit qu'il fallait trouver un moyen de louvoyer dans les négociations touchant ces questions lorsqu'elles sont toujours à l'ordre du jour. Voilà une proposition discutable. En fait, il faut faire preuve d'une grande fermeté et de volonté politique parce que la situation peut changer très rapidement, du jour au lendemain ou au milieu de la nuit. C'est difficile de maintenir une telle volonté politique pendant de longues négociations qui peuvent durer des nuits entières ou des semaines entières. Il vaudrait mieux que les négociateurs disent carrément qu'ils vont quitter la table de négociations si on apporte dans le texte des modifications susceptibles de nuire à la gestion de l'offre et à la commercialisation ordonnée à la Commission canadienne du blé.
Je le répète, il faut rester vigilant. Je suis inquiet d'entendre des déclarations comme celle que le ministre a faite précédemment, quand il a dit que le reste du monde connaissait notre position, que les négociateurs connaissaient la position du Canada. J'ai entendu ces mots ce matin de la bouche de notre négociateur en chef en matière d'agriculture, M. Gauthier.
J'ai déjà participé en tant que représentant du Syndicat national des cultivateurs, aux appels de négociation entre le comité sur le commerce agricole extérieur et le négociateur commercial, cette affirmation revient à répétition: les autres pays connaissent notre position. Et bien soit ils ne la connaissent pas, soit ils ne la respectent pas, parce qu'ils persistent à apporter dans le texte des modifications qui feront du tort aux cultivateurs canadiens et qui ne correspondent pas à la position du gouvernement du Canada telle qu'elle nous est présentée ici.
À la fin de l'année dernière à peine, le président de l'époque, M. Falconer, faisait sauter des parenthèses dans le texte, ce qui menaçait de réduire à néant les avantages que procure la Commission canadienne du blé; et pourtant, la réaction du gouvernement du Canada sur le plan international revenait presque à dire très bien, d'accord, nous allons reprendre les négociations à partir de ce texte.
Naturellement, le Syndicat national des cultivateurs préconise que le Canada écrive dès maintenant à l'OMC par l'intermédiaire des responsables politiques, les ministres et le premier ministre, pour dire non, nous ne sommes pas d'accord avec le texte de novembre, le dernier texte produit par M. Falconer, et nous voulons qu'il soit modifié, parce qu'il y a incompatibilité quelque part: cette affirmation selon laquelle les autres pays connaissent notre position n'est pas compatible avec ce qu'ils font par rapport aux textes.
[Français]
C'est la raison pour laquelle je m'explique mal la position du gouvernement concernant l'entente dont on discute actuellement avec l'Union européenne.
Le ministre nous dit qu'il veut laisser la gestion de l'offre sur la table parce qu'il veut en discuter et prouver à l'Union européenne que c'est une bonne chose. Cependant, il n'est pas sans savoir que l'Union européenne, les États-Unis et d'autres pays vont toujours s'attaquer à nos outils de mise en marché collective. Créer ce précédent est le meilleur moyen qu'il a choisi pour que les discussions tournent en rond autour d'un sujet dont on ne devrait même pas discuter normalement.
L'Union européenne, sachant que la gestion de l'offre est sur la table, va sans aucun doute dire qu'elle veut ouvrir ses marchés et que nous devrions ouvrir également les nôtres. C'est sur la gestion de l'offre et sur la Commission canadienne du blé qu'elle va nous attaquer. Ce sont les deux outils de mise en marché collective du Canada qui sont constamment remis en question par les autres pays. Je m'explique mal ce précédent que l'on a créé en laissant cela de côté.
Historiquement, dans les échanges bilatéraux au sujet des accords de libre-échange avec d'autres pays, on exclut tout simplement ce dont on ne veut pas parler, nommément la gestion de l'offre. C'est ce qu'on aurait dû faire. J'ai bien peur qu'on ait créé un précédent qui va se reproduire chaque fois qu'on discutera d'ententes bilatérales.
Avez-vous été étonné par cette déclaration du ministre? Est-ce la bonne attitude à adopter au début des négociations, qui peuvent durer deux ans — voire davantage —, que de dire qu'on est prêt à laisser sur la table le système de la gestion de l'offre?
[Traduction]
Ces choses me préoccupent également, tout à fait, et je pense qu'il faut retirer cette option de la table. La discussion porte sur le sens du mot « non ». Le mot « non » a-t-il le même sens au Canada qu'ailleurs? Comment ce « non » est-il interprété? Dans cette salle, nous avons entendu que « non » veut dire non, mais sur la scène internationale, cela ne semble pas être le cas. « Non » signifie laisser d'autres pays modifier le texte, les laisser retirer les crochets du texte. Sans jamais rien dire. Sans jamais aller au-devant de ces gens pour leur dire : « Non, c'est inacceptable pour le Canada. Passons à autre chose ».
Je suis tout à fait convaincu, sans toutefois pouvoir vous en fournir la preuve, que bien d'autres pays respecteraient le Canada pour une telle prise de position; ces mêmes pays disent appuyer notre position dans bien des cas. Mais ils doivent nous l'entendre dire. Ils doivent entendre le Canada énoncer sa position. Ces autres pays n'iront pas défendre un par un le maintien des programmes canadiens; ce sont des pays étrangers qui ont leurs propres intérêts à défendre. Dès que le Canada fera preuve d'un peu de fermeté sur la scène internationale, je suis convaincu que ces autres pays diront « D'accord, passons à autre chose ».
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Wells, d'être des nôtres aujourd'hui.
J'aimerais en revenir à la question de la gestion et de la protection de l'offre par le gouvernement. Je pense qu'à l'issue de cette séance de comité, le ministre devra joindre le geste à la parole; à nous de voir si ses propos sont acceptés comme parole d'évangile à la table des négociations. Les déclarations des négociateurs nous ont quelque peu troublés en début de semaine. Ceux-ci ne cessaient de répéter que la position actuelle est de défendre la gestion de l'offre, sans savoir ce que réserve l'avenir.
Vous avez pris part aux consultations. La stratégie du gouvernement visant à protéger la gestion de l'offre, à protéger la Commission canadienne du blé, est-elle claire? Cette stratégie est-elle claire pour vous et pour vos collègues qui ont été consultés?
Pour vous donner une réponse courte, non. La compétence des négociateurs commerciaux ne fait pas de doute, mais ceux-ci sont tenus d'agir selon les directives qui leur sont données, selon la volonté des dirigeants politiques du Canada. Ce n'est pas à eux de déterminer la volonté politique et, d'une certaine manière, il serait injuste de leur confier ce mandat. Les négociateurs doivent faire ce qui leur a été demandé.
Une fois de plus, nous demandons au gouvernement du Canada d'exiger clairement des négociateurs qu'ils s'opposent aux modifications que l'OMC propose d'apporter au système de gestion de l'offre du Canada et de dire à l'OMC que le Canada souhaite le retrait des crochets du texte qui concerne la Commission canadienne du blé et qui a été modifié à la fin des pourparlers de novembre — si ce n'est son abolition pure et simple.
J'ai appelé le négociateur commercial du Canada, M. Gauthier, il y a quelques semaines pour lui demander ce que faisait le Canada sur la scène internationale pour manifester son désaccord à l'égard des négociations et du texte en question. À tout cela, il n'a cessé de répondre que les autres pays comprenaient clairement la position du Canada. Il n'a pas répondu à ma question.
Donc, vous êtes d'avis que le Canada n'a été ni assez clair ni assez catégorique dans sa prise de position à l'égard du groupe de travail et de l'information diffusée par l'OMC.
Rien ne permet de croire — ni du côté des négociateurs ni du côté des dirigeants politiques — que le Canada a exprimé clairement et fermement sa position sur la scène internationale.
Cela nous ramène à la métaphore du lutteur sumo. À la toute fin du combat, la gestion de l'offre et la Commission canadienne du blé se font écrabouiller. Le rôle du comité est d'attirer l'attention sur cette question qui pose un grave danger, à la lumière de l'ambiguïté qui plane, c'est-à-dire que les directives données aux négociateurs semblent diverger des déclarations publiques du gouvernement.
Il est très intéressant de noter que le ministre a parlé tout à l'heure de la capacité des lutteurs sumo de sortir du ring. Si vous regardez ce qui s'est passé pendant les pourparlers de novembre tandis que M. Falconer était encore président, vous constaterez qu'il a lui-même créé ce nouveau texte à la toute fin. Il a créé un nouveau texte qui, par hasard, prévoyait une exception pour un exportateur de catégorie unique de la Nouvelle-Zélande, soit une dérogation à la nouvelle réglementation. Ainsi, la nouvelle réglementation ne s'appliquera qu'à la Commission canadienne du blé.
À première vue, on semblait avoir affaire à un conflit d'intérêts, puisque que le président du comité est néo-zélandais. À l'aide d'un crayon bien aiguisé, ils ont créé des clauses en vertu desquelles leur propre vendeur de catégorie unique se trouvait à l'abri de la réglementation, mais pas la Commission canadienne du blé.
Tout cela a été fait hors du ring. Voilà le lutteur sumo dont on parlait tout à l'heure, sorti du ring pour effectuer ce changement.
Oui, et voilà l'arbitre fermant les yeux sur le sumo néo-zélandais, qui quitte l'estrade alors que le lutteur canadien s'y trouve toujours.
Quelle a été la réaction du gouvernement à cette mise en garde très claire comme quoi on s'attaquait à la Commission canadienne du blé?
À ma connaissance, le gouvernement n'a pas réagi. Dans toutes les manchettes, on pouvait lire : « Échec de Les négociations de Doha; aucune nouvelle rencontre n'est prévue. » Voilà comment ça s'est terminé.
La situation a atteint son apogée le mois dernier, alors que les intéressés ont cessé de se réunir en vue de relancer les discussions. Les pays et les négociateurs visés devaient déterminer quel texte utiliser pour redémarrer les pourparlers. Certains pays ont dit qu'il fallait tout reprendre du début et réécrire le texte. D'autres, y compris le Canada, étaient d'avis qu'il fallait reprendre à partir de la dernière version du texte.
Le Canada était prêt à sacrifier la Commission canadienne du blé. Pendant les négociations, pendant les discussions à propos du libellé du règlement, le gouvernement du Canada ne dit qu'une chose, cette chose étant qu'il est prêt à sacrifier à la table des négociations la Commission canadienne du blé.
D'après ce que nous savons, le Canada était prêt à reprendre les pourparlers même si, dès le départ, ces pourparlers étaient fondés sur un texte excluant la Commission canadienne du blé et lui enlevant l'avantage dont il bénéficie côté mise en marché. À cette occasion, le gouvernement du Canada aurait facilement pu s'opposer au texte, énoncer clairement sa position et exiger de reprendre les négociations à partir de la version antérieure du texte, en l'occurrence celle qui était sur la table juste avant que Falconer n'apporte les dernières modifications pendant qu'il s'apprêtait à quitter ses fonctions.
Vous n'avez aucune preuve de tout cela? Nous devrons convoquer de nouveau le ministre pour répondre de ces allégations, car il apparaît assez clairement que les déclarations qu'il a faites ici-même devant nous tranchent nettement avec les agissements du gouvernement dans le dossier des négociations.
Selon vous, que devrait faire le gouvernement d'ici la reprise des négociations la semaine prochaine? Que doit-il faire pour établir clairement sa position, chose qu'il n'a pas encore faite, du moins à l'extérieur du Parlement?
Le gouvernement pourrait écrire une lettre aux négociateurs du Canada et la présenter publiquement à la Chambre des communes, dans laquelle il serait indiqué que le gouvernement s'oppose aux modifications apportées au texte de l'OMC car elles minent la gestion de l'offre ou font disparaître les avantages dont bénéficie la Commission canadienne du blé du point de vue de la mise en marché. Les négociateurs pourraient apporter cette lettre à Genève ou ailleurs, peu importe où se tiendra la prochaine série de réunions, et dire : « Voilà la position du gouvernement du Canada. »
On en revient donc à votre question. Nous n'accepterons pas de signer une entente qui vienne porter atteinte aux agriculteurs canadiens en affaiblissant de la sorte les outils de mise en marché qui sont prévus dans la loi.
Pourquoi pensez-vous que le gouvernement n'a pas encore énoncé sa position, étant donné qu'il tente, du moins au Parlement, d'envoyer un message comme quoi il compte défendre la gestion de l'offre? Clairement, ce message n'a pas été communiqué. Pourquoi?
Bien, je ne connais pas la façon de penser du gouvernement. Libre à nous d'émettre des hypothèses. Mais, si le gouvernement en croit véritablement sa propre rhétorique, j'estime qu'il devrait prendre cette mesure.
Merci, monsieur Julian.
Nous mourons tous d'impatience d'entendre M. Harris, mais...
Monsieur Keddy.
Merci, monsieur le président.
Cette discussion intéressante avec M. Julian n'a rien à voir avec la réalité que je connais, ce qui me fait supposer que j'ai peut-être tort.
Ma question s'adresse au témoin. Tout d'abord, merci d'être présent aujourd'hui. Vous avez dit que rien n'indiquait clairement que des mesures énergiques étaient prises sur le plan international. Avez-vous pris part aux négociations internationales en tant qu'intervenant?
Alors d'où tenez-vous votre information? Si vous n'êtes pas à la réunion — vous avez entendu ce que le ministre a dit — où allez-vous chercher vos renseignements?
En posant des questions directement à M. Gauthier, par téléphone au cours des dernières semaines, pour ce qui est du comité du commerce agricole, et dans le cadre d'une rencontre que j'ai eue avec lui ce matin.
Eh bien, c'est intéressant, parce que j'ai pris part à quelques-unes des réunions internationales. Et j'estime en fait que M. Gauthier de même que M. Stephenson ont présenté de bons exposés au comité. Ce n'est pas juste de leur faire porter toute la responsabilité. Ils représentent bel et bien le gouvernement, et ils ont des instructions très claires à respecter, à savoir que nous devons protéger la gestion de l'offre et que toute décision concernant la Commission canadienne du blé — il n'y a jamais eu de doute à ce sujet, le ministre vient de nous le dire — seront prises par des Canadiens, et non pas dans le cadre de négociations internationales.
Vous savez, nous ne rédigeons pas le texte. Il ne s'agit pas d'intervenir pour rédiger le texte qui est présenté. Dans n'importe quelle série de négociations, de façon générale, le président propose un texte regroupant les idées les plus extrêmes avec lequel, vous serez peut-être même de cet avis — j'aimerais avoir une réponse à cette question — personne à la table, à l'exception peut-être de quelques extrémistes, serait d'accord, parce qu'il ne conviendrait pas aux pays en développement. Franchement, ce texte ne conviendrait pas à la plupart des soi-disant pays développés en raison de la différence d'opinion. Chaque pays — chaque pays — a des produits sensibles.
Pensez-vous que tous les pays accepteraient le texte proposé? C'est là que les négociations commencent. Personne ne l'accepte. Les négociations débutent à partir de ces idées extrêmes. Le président les propose. On travaille alors pendant plusieurs années pour couper l'excédent et en arriver à quelque chose qui convient à tout le monde.
Pensez-vous que n'importe quel pays, et je ne parle pas du Canada, accepterait le texte proposé au début? Nous ne l'acceptons pas; nous l'utilisons comme point de départ pour nos négociations.
C'est un document de négociation évolutif.
M. Gerald Keddy: Absolument.
M. Stewart Wells: Mais dans le texte de novembre — l'avant-dernier texte —, il y avait des crochets autour du passage où l'on attaquait la Commission canadienne du blé et il n'a pas été accepté. Aucun des pays ne l'a accepté, évidemment. Le texte entre crochets a disparu. Et, pour autant que je sache, sur la scène internationale, le Canada n'exprime pas d'objection.
Quand la discussion a eu lieu...
Non, je vous arrête un instant. Comment pouvez-vous parler ainsi, si vous n'êtes pas présent aux négociations? Notre négociateur en chef en matière d'agriculture y était, notre négociateur en chef à l'OMC y était, le ministre du Commerce international y était, et tous ont dit que nous...? J'ai participé moi-même à certaines séances de négociation. Nous avons très vigoureusement...
Je suis très irrité par ce que vous dites — que quelque chose « pourrait » se produire — parce que nous défendons très vigoureusement le rôle du Canada dans la gestion de l'offre. Toutes les décisions qui seront prises concernant la Commission canadienne du blé seront prises par des Canadiens, non pas par le marché international, non pas par l'OMC.
La question qui sous-tend mes observations est pourquoi, alors, le Canada ne s'est-il pas opposé à la reprise des négociations à partir de ce dernier texte?
Comme l'a dit notre négociateur ce matin — à moi — maintenant que les crochets ont été retirés du texte, ce n'est plus une question à laquelle les autres pays prévoient revenir. Le Canada devrait peut-être en effet y revenir, mais les autres pays estiment que c'est une affaire réglée, et la question ne fait pas partie de leur liste restreinte des points à négocier au cours de la prochaine année.
Vous dites « Le Canada devrait peut-être ». Ce dont vous parlez est hypothétique. Personne ne peut répondre à une question hypothétique.
Le fait que nous pourrions y revenir ou pas est hypothétique. Vous faites des suppositions, alors que tout ce que notre gouvernement a dit — et très franchement, tout ce que le gouvernement précédent a dit — c'est que nous allions défendre la gestion de l'offre. Nous l'avons défendue chaque fois à la table de négociation, et je ne vois pas comment vous pouvez mal interpréter cela. Je ne vois pas comment vous pouvez penser que ce n'est pas clair. Je ne vois pas comment vous pouvez penser qu'il y a une ombre ou un nuage quelconque dans ce dossier, à moins qu'il ne s'agisse d'un nuage de paranoïa, parce que nous avons été très clairs. Et je vous le dis, il est très difficile dans le cadre de négociations internationales de partir d'une position établie à l'égard de laquelle il n'y a pas de place pour la négociation. Nos négociateurs le savent, et ils font très attention de ne pas s'écarter des instructions qui leur ont été données.
Je pense que la difficulté que vous et moi avons, c'est que nous avons chacun une stratégie différente. J'essaie de faire valoir que le moment aurait été très bien choisi pour déposer une plainte concernant le texte que nous avons entre les mains, pour reprendre le processus à partir de ce texte. Nous aurions pu simplement indiquer à côté de cette ligne que « nous n'approuvons pas le texte qui a été produit à l'issue des dernières discussions en novembre ».
Je dirais que c'est semblable à l'achat d'une voiture. Le meilleur moment pour en négocier le prix, c'est avant de la payer. Une fois que vous l'avez payée, si vous retournez voir le concessionnaire pour lui dire « eh bien, vous savez, je voulais vraiment quelque chose de différent » —
Ce n'est pas ce que vous avancez. Vous laissez entendre que le Canada ne soutiendra pas la Commission canadienne du blé et qu'il n'appuiera pas la gestion de l'offre, et j'en suis très irrité. Je n'ai jamais eu d'indication en ce sens de la part de nos négociateurs commerciaux ou de notre ministre.
Merci.
Nous allons procéder rapidement à une série de questions, quelques minutes chacun, s'il y a d'autres questions. Je suis certain que nous allons trouver quelque chose.
Pour en revenir à ce que Gerald disait, monsieur le président, le fait que le Canada n'ait manifesté aucune opposition à l'égard de ce texte est un enjeu extrêmement important, Gerald. Il s'agit peut-être d'une négociation, mais on aurait dû s'objecter au texte, et cela réduit clairement l'efficacité de notre système de gestion de l'offre. C'est pourquoi, de ce côté-ci de la table, il nous est difficile de vraiment avoir confiance en ce que le ministre dit maintenant. Le gouvernement du Canada avait l'occasion d'élever une objection contre le texte, et il ne l'a pas fait. Ce texte réduit clairement l'efficacité du système de gestion de l'offre.
Ma question ne porte peut-être pas vraiment sur la gestion de l'offre, Stewart — je sais que vous êtes aussi producteur de céréales. À mon avis, l'une des difficultés que nous avons tous, pour être juste envers le gouvernement, c'est que la collectivité agricole est vraiment divisée. D'une part, certains membres disent « bon sens, nous avons besoin de cet accord de l'OMC »; ils disent pratiquement « nous allons être millionnaires pour toujours ». Vos graphiques ne montrent certes pas que le marché ouvert va dans ce sens. D'autre part, il y a l'industrie de la gestion de l'offre, les faits jouant manifestemment en sa faveur, mais d'aucuns disent qu'il faut compromettre l'efficacité du système pour en arriver à un accord sur l'essentiel.
Ce que dit essentiellement la Commission du blé, c'est que le texte actuel permet une réduction des tarifs. La réduction des tarifs s'applique aux droits tarifaires consolidés; il s'agit de plafonds ou de limites et non de droits effectifs. Par conséquent, le changement ne réduit pas sensiblement les taux effectivement appliqués aux céréales. Et par-dessus le marché, les céréales que l'on considèrent être visées par l'exportation ne le sont pas. Par ailleurs, les États-Unis et d'autres pays semblent se protéger en protégeant le fait qu'ils peuvent utiliser les crédits à l'exportation et l'aide alimentaire à titre exceptionnel. Nous ne le permettons pas.
Qu'en pensez-vous?
Eh bien, en ce qui concerne la première question, je dirais comme vous que l'avis des agriculteurs est partagé. Leur avis semble partagé, mais c'est un peu différent. Il existe toujours cette idée tenace selon laquelle les agriculteurs doivent parler d'une seule voix; on peut résumer la situation comme cela. Mais aussi longtemps qu'il y aura des fonds privés dans les organisations agricoles, ou d'autres intérêts monétaires dans celles-ci, on ne parlera jamais d'une seule voix, car les entreprises ou les gouvernements peuvent financer des organisations à leur guise afin d'obtenir leur appui.
Pour ce qui est de la deuxième question, je crois qu'il est très évident que les agriculteurs canadiens, de nouveau, ont été désavantagés par les résultats de ces discussions sur le commerce international. Nous avons fait des concessions programme après programme, et nous n'avons rien reçu en retour. Au Canada, les revenus nets de nos agriculteurs illustrent ce résultat, et il est difficile d'imaginer de quelle façon quiconque peut faire la promotion de ces ententes commerciales, ou de ces types de changements dans les ententes commerciales, tout en affirmant que cela aidera réellement les agriculteurs canadiens.
Notre ancien négociateur commercial, Steve Verheul, pour qui j'ai conservé un respect profond tout au long du processus, a déclaré que nous ne pouvions considérer aucune de ces ententes commerciales comme une réussite à moins que nous commencions à constater une hausse des revenus des agriculteurs canadiens. Ce n'est pas ce qui se produit actuellement. Si ce texte devait être mis en oeuvre aujourd'hui, les revenus des agriculteurs canadiens baisseraient immédiatement, ils n'augmenteraient pas, et nous perdrions nos outils législatifs de mise en marché, comme la gestion de l'offre et la Commission canadienne du blé.
[Français]
Merci, monsieur le président.
On fait bien des comparaisons depuis quelques jours. On a parlé des lutteurs de sumo et des éléphants. Pourquoi ne pas faire une troisième comparaison? Si on met quelque chose sur la table lors d'un combat entre lutteurs de sumo, la seule chose qui peut arriver c'est que cette chose soit complètement écrasée.
Selon ce que disent le ministre et M. Keddy, tout le monde, tous les négociateurs connaissent la position du Canada. Pourquoi la remettre sur la table chaque fois et risquer que recommencent les discussions? S'ils veulent encore convaincre des gens de leur position, ils risquent alors de connaître une certaine adversité et de se heurter à une volonté —, quant à modifier la gestion de l'offre au Canada.
À certains égards, je me pose de sérieuses questions, et ce, au risque de me faire traiter de paranoïaque. Cela ne me dérange pas outre mesure. On a appris avec le temps que le taux de confiance n'est pas toujours là. Les députés du Parti conservateur ont clairement dit que les négociateurs reçoivent les directives du gouvernement. Je ne critique pas les négociateurs parce que je crois que ce sont des gens compétents, mais ils négocient ce qu'on leur dit de négocier. Si un jour on leur disait qu'on pourrait peut-être faire des concessions en ce qui a trait à la gestion de l'offre, ils négocieraient en ce sens. Ils mettraient en oeuvre toutes leurs qualités pour négocier dans le sens demandé par le gouvernement, comme je suis persuadé qu'ils mettraient tous les efforts pour la défendre et même dire que cela ne fait pas partie des négociations. C'est clair. Dès le début des négociations, les gens savent à quoi s'attendre, et s'ils n'ont pas d'autres intérêts dans d'autres secteurs, cela peut peut-être mettre fin aux négociations rapidement. Toutefois, je suis persuadé que dans la multitude de domaines d'échanges potentiels, il faut être ferme. Ce sont là mes commentaires.
En outre, on a souvent tendance à faire certains compromis lors de négociations bilatérales ou à faire des choses qu'on ne ferait peut-être pas dans un contexte multilatéral — potentiellement. Des dimensions aussi importantes que la souveraineté et la sécurité alimentaires devraient toujours faire partie des négociations. Les négociations, c'est comme une bicyclette. Si vous arrêtez de pédaler, elle se renverse et tombe. C'est le Sommet de Doha tout craché. C'est ce qui se passe. Le ministre espère régler cela en 2010, mais on sait très bien que les gens n'auront d'autre choix que de recommencer sur d'autres bases.
Quelle place pourrait prendre l'agriculture dans une autre négociation? Après avoir dit n'avoir pas réussi au Sommet de Doha, on recommencerait sur d'autres bases. Quelles bases devraient alors être fixées en ce qui a trait à l'agriculture?
[Traduction]
Je partage tout à fait vos préoccupations concernant les négociations bilatérales. Elles sont très importantes, car beaucoup de décisions adoptées lors de ces négociations bilatérales sont soudainement proposées à l'OMS en tant qu'orientation à suivre par cette organisation.
En ce qui concerne les négociations commerciales auxquelles participe le Syndicat national des cultivateurs, les autorités canadiennes nous ont déclaré que ces négociations bilatérales avec l'Europe ont tendance à aller encore plus loin que les dispositions actuelles de l'ALENA. Nous ne savons pas exactement ce que cela signifie, mais lorsqu'on parle de services et de tout ce qui peut avoir des répercussions sur les agriculteurs, nous nous sentons concernés.
Toute personne qui entre dans le ring pour y affronter un lutteur sumo devrait avoir peur de se faire écraser. Si quelqu'un n'a pas peur de monter sur un ring avec un lutteur sumo, je ne voudrais pas que cette personne aille négocier en mon nom, car je ne crois pas que cette personne agit de façon responsable. Si on ne veut pas se faire écraser dans le ring, on ne doit pas y monter.
Merci, et merci pour votre participation d'aujourd'hui, monsieur Wells.
Cela met fin à la séance d'aujourd'hui. Nous nous reverrons dans environ 12 jours. Nous ne sommes pas tout à fait certains des sujets qui seront abordés ce mardi, ni de ce qui sera inscrit à l'ordre du jour. Nous avons certaines personnes qui pourraient témoigner pendant une autre journée à ce sujet, mais je resterai en contact avec vous pendant l'intersession en ce qui concerne les prochaines séances. Actuellement, il est probable que nous poursuivions la discussion sur la gestion de l'offre le mardi qui suit immédiatement l'intersession.
Monsieur le président, à la suite de cette discussion sur l'agriculture et les dindes, je vous souhaite une bonne Action de grâces.
Gardons un oeil là-dessus pour voir si cela viendrait des industries de gestion de l'offre.
Une voix: Restez ferme à propos des dindes.
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