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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 033 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 octobre 2009

[Enregistrement électronique]

(1310)

[Traduction]

[Français]

    Le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international tient sa 33e séance.

[Traduction]

    Nous sommes le 27 octobre 2009. Nous poursuivons notre étude des droits de la personne en Iran. Aujourd'hui, nous avons deux témoins: Mojtaba Mahdavi, professeur au Département des sciences politiques de l'Université de l'Alberta, et Renee Redman, directrice générale de l'Iran Human Rights Documentation Center.
    Je vous invite tous les deux à commencer votre témoignage. Celui ou celle d'entre vous qui veut commencer peut le faire.
    Nous sommes ici pour voir comment nous pouvons venir en aide au mouvement démocratique iranien. C'est là la préoccupation et la question fondamentales. Pour cette raison, laissez-moi dire brièvement quelques mots sur la nature du mouvement démocratique iranien tel que je le vois. Ensuite, je serai très heureux d'avoir un dialogue avec vous dans la partie réservée aux questions et réponses.
    Ce qui se produisit ces jours-ci est un mouvement social et politique authentique de la base, du bas vers le haut, en faveur de la démocratie et des droits de la personne. C'est un mouvement des droits civils. Ce n'est pas une révolution de velours; ce n'est même pas une révolution. C'est véritablement un mouvement socio-politique authentique, et un mouvement populaire. Ce mouvement existe depuis au moins un siècle en Iran. Il a débuté par la Révolution constitutionnelle de 1905. Puis, dans les années 1950 est arrivé le mouvement Mossadegh prônant la création d'une démocratie parlementaire et la nationalisation de l'industrie pétrolière; en 1979 est apparu le mouvement anti-despotisme et ensuite, le mouvement de la réforme en 1997 et, tout récemment, en juin 2009, le mouvement vert, unique et sans précédent.
    Nous sommes tous au courant de cette grande histoire, mais laissez-moi dire quelques mots sur les principales leçons que nous devons tirer d'une continuité aussi impressionnante du mouvement démocratique.
    La première leçon, c'est que l'Iran a toujours été à l'avant-garde du mouvement progressiste au Moyen-Orient et je pense que c'est très important. L'Iran a toujours été un pionnier du changement, un changement de paradigme radical, dans cette région. En 1905, l'Iran a été le premier pays de la région à lutter pour une monarchie constitutionnelle. Dans les années 1950, sous la direction de Mohammad Mossadegh, on assiste au premier mouvement nationaliste anticolonialiste de la région et à la création d'une démocratie libérale séculière. En 1979, la grande révolution a canalisé toutes les forces contre le despotisme et l'impérialisme du shah.
    Évidemment, les politiques de l'après-révolution étaient différentes. À bien des égards, ces politiques ont trahi les véritables objectifs de la révolution. En 1997, les enfants de la révolution ont effectivement défié l'autorité, la République islamique d'Iran; essentiellement, ils ont défié l'autorité dans le cadre du processus électoral. C'était la première tentative, une tentative très pacifique, pour défier les purs et durs de la république islamique. Récemment, en juin 2009, encore une fois, les gens ont utilisé la seule voie possible pour exprimer leurs demandes minimales, et nous connaissons la suite.
    C'est simplement pour souligner le fait que nous avons un mouvement pour la démocratie, les droits de la personne et la justice sociale en Iran depuis au moins un siècle; alors, ce n'est pas quelque chose qui vient juste d'apparaître.
    La deuxième leçon, très brièvement, que nous devons tirer des vagues de démocratie et de démocratisation en Iran, c'est qu'à mon avis, la solution vient de l'intérieur. Nous devrions vraiment faire confiance aux gens. Si nous regardons l'histoire de l'Iran, nous constatons que malheureusement, dans presque tous les cas, sinon dans la totalité, les forces extérieures ont joué un rôle qui, sans être destructeur, n'a pas vraiment aidé les vagues successives du mouvement démocratique en Iran. Il y a eu la Russie et l'Angleterre en 1905; l'Angleterre, les États-Unis et les soviets dans les années 1950; les États-Unis dans les années 1970; les États-Unis du président George Bush et les néoconservateurs en 1997; et en 2009, il y avait d'autres forces extérieures.
    La réalpolitik de certains pays occidentaux pour qui la démocratie et les droits de la personne ne sont pas au premier rang des priorités lorsqu'il s'agit de défendre leurs propres intérêts économiques et politiques constitue certainement un obstacle majeur. Il est bon de savoir que ce ne sont ni les politiques du régime du président George Bush, ni les sanctions économiques, ni même le boycottage des élections qui ont contribué à ce mouvement démocratique. C'est la participation des gens et c'est la participation des gens de l'intérieur qui assurera le succès de ce mouvement.
    Alors, si tel est le cas, nous devrions dire non à toute attaque militaire de l'Iran par les pays occidentaux ou même par les partisans de la ligne dure israéliens. Nous devrions dire non aux sanctions économiques contre l'Iran, parce qu'elles ne constitueraient qu'une punition collective. Dans toute attaque militaire, les premières victimes seraient le peuple iranien et le mouvement démocratique, parce que les partisans de la ligne dure profiteraient simplement de cette militarisation de la politique pour jouer la carte nationaliste.
    Nous devrions dire oui au fait de mettre la question des droits de la personne au programme des négociations et du dialogue avec l'Iran. L'accent et l'attention ne devraient pas porter sur les ambitions nucléaires de l'Iran ni la rhétorique du régime à l'égard d'Israël ni même de l'Holocauste, parce que c'est exactement ce que les partisans de la ligne dure souhaitent. Ils veulent détourner l'accent et l'attention du mouvement démocratique et des droits de la personne au profit d'un programme plus nationaliste.
    À mon sens, l'Ouest ne devrait pas s'engager sur ce terrain et faire le jeu des purs et durs. Je comprends que c'est difficile, mais c'est la toute première chose à faire en Iran. Le mouvement démocratique iranien a besoin de l'appui social, moral et spirituel des gouvernements et des ONG des sociétés occidentales, mais toute attaque militaire et toute sanction économique lui feraient du tort.
    Je devrais m'arrêter ici. Je serai heureux de partager mes vues sur les questions posées.
(1315)
    Merci beaucoup, professeur.
    Madame Redman, voulez-vous commencer?
    Je suis directrice générale de l'Iran Human Rights Documentation Center. J'ai présenté une déclaration, mais je veux également dire quelques mots.
    Nous sommes actuellement au beau milieu d'une enquête pendant que nous préparons un rapport sur les abus des droits de la personne qui ont suivi les élections présidentielles du 12 juin en Iran. Bien que la situation des droits de la personne ne fasse plus la manchette et que nous ne voyons plus de manifestations de masse — dans l'Ouest, du moins —, la situation se poursuit et, en fait, il y a des raisons de croire qu'elle s'est aggravée depuis juin et juillet.
    Il n'y a pas beaucoup d'information fiable à l'heure actuelle, comme vous le savez, j'en suis sûre. Les journalistes étrangers sont essentiellement interdits sur le territoire iranien. Les journalistes du pays sont arrêtés et nous avons appris qu'un grand nombre d'entre eux tentent de quitter le pays. Certains y sont déjà parvenus. Ce n'est pas bon signe.
    En septembre, trois organismes qui faisaient enquête sur les abus dont sont victimes les prisonniers ont fermé leurs portes: l'Association pour la défense des droits des prisonniers ainsi que les bureaux de campagne des deux principales figures de l'opposition, Mousavi et Karoubi.
    Nous voyons quatre domaines de préoccupation à l'heure actuelle. Ils ne sont pas nouveaux dans le cas de l'Iran et c'est une chose que j'aimerais dire, à savoir que la façon dont le gouvernement iranien réagit aux formes d'expression de la dissidence et aux appels pour une plus grande démocratie n'étonne pas. Ce sont des méthodes qu'il utilise depuis la révolution — et probablement avant. Les quatre domaines sont les manifestations, les arrestations et les emprisonnements, les procès et les exécutions.
    Les manifestations, évidemment, se sont poursuivies jusqu'à la fin juillet. Il y en a eu quelques-unes après cela. Elles ont été réprimées brutalement: des personnes ont été tuées, des personnes ont été blessées. Le gouvernement iranien affirme que 27 personnes ont été tuées dans le cadre des manifestations. Des sources fiables portent ce chiffre à 72. Nous croyons qu'en fait, c'est probablement beaucoup plus que cela.
    De nombreux manifestants ont été arrêtés. Cependant, d'autres personnes ont également été arrêtées et continuent de l'être. Des journalistes, des avocats, des dirigeants d'organismes de défense des droits de la personne, des droits des femmes et des droits des Kurdes sont arrêtés; des étudiants sont arrêtés. Récemment, plus tôt cette semaine, 60 membres du Front de participation islamique iranien ont également été arrêtés. Or, ce n'est même pas un parti, mais un mouvement d'opposition. Alors, nous continuons d'être témoins de ces arrestations.
    Les gens emprisonnés en Iran, les prisonniers politiques sont soumis à des conditions très difficiles, comprenant souvent la torture. Ils sont interrogés. Ils passent de longues périodes de temps en isolement. Souvent, on leur interdit de parler à leur avocat ou aux membres de leur famille. Récemment, nous voyons beaucoup de requêtes et de manifestations de la part des familles et des avocats qui veulent pouvoir prendre contact avec leurs clients.
    Je regrette d'avoir à le dire, mais les gens meurent de façon assez régulière dans les prisons en Iran à cause du manque de soins médicaux et à cause du traitement qu'on leur inflige.
    On force de nombreuses personnes à faire des aveux. C'est le but de beaucoup de ces traitements. Et, évidemment, on a pu voir à la télévision iranienne une série de manifestants et d'autres activistes passer aux « aveux ». Même après avoir confessé leurs crimes, un grand nombre de ces personnes sont gardées en prison.
    À partir du 1er août, nous avons vu des simulacres de procès collectifs. Le 1er août, le procès d'environ 11 hommes a été montré à la télévision d'État. On voyait des hommes en uniforme de prisonnier, ayant l'air amaigris, hébétés et confus. On a lu un document appelé acte d'accusation. Il ne s'agissait pas d'un acte d'accusation légal que notre système de justice ou le système de justice iranien reconnaîtrait, mais plutôt d'une déclaration politique où on les accusait d'avoir planifié des révolutions de velours, d'avoir correspondu avec des organismes étrangers de défense des droits de la personne et avec des gouvernements étrangers.
    Le deuxième procès a eu lieu le 8 août. C'était sensiblement la même chose. Il y a eu une deuxième mise en accusation.
    Apparemment, les simulacres de procès n'ont pas eu l'effet escompté et les procès n'ont plus été présentés publiquement depuis. Nous croyons qu'il y a eu trois autres séances après les séances initiales du début août. Toutefois, des personnes ont reçu leur sentence.
    Les premières sentences ont été prononcées la semaine dernière. Les quatre premières étaient des condamnations à mort et ces sentences n'ont pas été prononcées contre des manifestants. Trois des hommes avaient été arrêtés avant les élections présidentielles. Les trois premiers ont été condamnés à mort parce qu'ils auraient été membres d'un mouvement monarchiste. L'un d'entre eux, un homme appelé Ali-Zamani, a fait une longue confession à la télévision iranienne affirmant qu'il s'était rendu à l'étranger où il avait rencontré des monarchistes et était revenu en Iran dans le but de fomenter des troubles et ainsi de suite. Mais il n'a jamais rien fait et a été arrêté avant même de faire quoi que ce soit.
(1320)
    La quatrième personne a été condamnée pour son appartenance présumée au Mojahedin, un mouvement qui lutte contre le gouvernement iranien depuis la révolution, parfois en ayant recours à la violence.
    Je crois qu'il y a environ 20 autres personnes qui ont reçu leur sentence jusqu'ici, d'après ce que nous savons. On parle de différentes peines d'emprisonnement et de peines du fouet. Évidemment, l'une d'entre elles est l'universitaire irano-américain Kian Tajbakhsh qui a été condamné à 15 ans de prison en grande partie parce qu'il a reçu à un moment donné de l'argent de George Soros.
    Enfin, je veux dire quelque chose que l'on oublie parfois dans la discussion au sujet des troubles post-électoraux, à savoir que les exécutions ne sont pas nouvelles en Iran. L'Iran arrive au deuxième rang, après la Chine, pour ce qui est du nombre d'exécutions. Mais ces dernières ont vraiment augmenté entre les élections présidentielles du 12 juin et l'inauguration du président Ahmadinejad le 5 août. Le gouvernement a annoncé qu'il avait exécuté 115 personnes à ce moment- là. Il n'a pas donné les noms; alors, nous ignorons de qui il s'agit. À ce moment-là, ou peu après, un moratoire aurait été décrété sur les exécutions. Toutefois, plus tôt ce mois-ci, un jeune homme a été exécuté pour un crime qu'il a commis alors qu'il n'avait pas encore 18 ans. On a rapporté qu'en fait, il a été pendu par la mère du jeune homme qu'il avait tué dans une bagarre.
    Alors, je prie le comité ainsi que les gouvernements canadien et américain de ne pas oublier la question des droits de la personne dans les discussions avec le gouvernement iranien. Cette situation n'a pas disparu; elle est simplement plus clandestine.
     Merci.
    Merci beaucoup à tous les deux.
    Il nous reste 35 minutes et si nous faisons diligence pour respecter notre limite de temps, tout le monde aura l'occasion de poser une question, sept minutes pour le premier tour et cinq, pour le second.
    Nous allons commencer par les libéraux. Monsieur Cotler.
    Ma question s'adresse aux deux témoins, bien que je pense que la question a été traitée plus directement par le professeur Mahdavi dans son exposé, dans un sens plus conceptuel, à savoir qu'une grande partie des témoignages devant le présent comité et une grande partie des discussions à l'extérieur de ce comité par les décideurs, les responsables des orientations politiques, les universitaires, les activistes en matière des droits de la personne iraniens, et les autres personnes du genre, ont révélé qu'il y a quatre menaces distinctes, mais interreliées, émanant de ce qu'on appelle l'Iran d'Ahmadinejad. Je veux distinguer ce dernier des gens et du public en Iran qui sont victimes d'une répression intérieure à grande échelle. Je pense que ce que vous avez dit, professeur Mahdavi, au sujet des fondements de la civilisation en Iran, vieux d'un siècle, et même davantage, et du rôle historique important de ce pays, est important.
    La question, en ce qui concerne ces quatre menaces interreliées, est la suivante: que doit-on faire? Je serais d'accord avec vous pour dire que l'option militaire ne devrait pas être envisagée. Et je serais également d'accord avec vous — mais peut-être pas entièrement — et peut-être avec Mme Redman également, par inférence, qu'il s'agit d'une erreur du président Obama, dans son dialogue avec l'Iran, que j'appuie, de se concentrer sur la question nucléaire. Bien que je comprenne l'accent et que je comprenne pourquoi la menace nucléaire, pour toutes les raisons que vous connaissez, et que je n'ai pas besoin de répéter, est perçue comme étant suffisamment sérieuse pour qu'on y mette l'accent, je pense que cela a pour effet de marginaliser, sinon d'occulter, les autres menaces, en particulier la répression intérieure à grande échelle.
    Ayant dit tout cela, nous arrivons à la question de savoir ce que l'on doit faire. De nombreuses personnes actives dans le domaine des droits de la personne en Iran avec qui je parle et travaille — dont certaines ont comparu devant le présent comité — ont dit que, même si initialement elles n'appuyaient pas les sanctions, elles avaient maintenant changé d'avis, disons, depuis le 12 juin. Même si initialement, elles estimaient que l'Iran avait le droit, comme n'importe quel autre pays, d'exploiter l'énergie atomique à des fins pacifiques, elles sont préoccupées par le fait que ce que l'on pourrait appeler les violations « à répétition » des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et la tricherie qui s'ensuit, aient en fait invité les sanctions qui, autrement, n'auraient pas été adoptées pour faire mal à l'Iran.
    Juste ce matin, j'ai participé à une conférence où deux personnes qui s'intéressent aux droits de la personne en Iran disaient que l'Iran était maintenant arrivé à un seuil critique. À leur avis, du fait que les changements doivent venir de l'intérieur, ce changement de régime pourrait être facilité par des sanctions ciblées, dirigées non pas contre le peuple iranien, mais contre les Gardes révolutionnaires iraniens, par exemple, qui contrôlent maintenant 80 p. 100, disons, du commerce iranien et de l'infrastructure énergétique, l'industrie pétrolière, et le reste. Alors, elles sont favorables à des sanctions ciblées dirigées contre les Gardes révolutionnaires iraniens et les entreprises qui aident ces derniers dans leurs activités, que ce soit la vente de matériel de surveillance ou d'autres choses semblables. Ce genre de sanctions ciblées pourraient aider à amener ce que tout le monde ici aimerait voir, à savoir un mouvement intérieur du peuple qui parviendrait à rapprocher l'Iran des racines mêmes de sa civilisation.
    C'est là ma question.
(1325)
    Que voilà une question intéressante qui nous porte à réflexion. Je vous en remercie.
    Je vous propose quelques éléments de réponse: sachez d'abord que je comprends votre point de vue sur les sanctions ciblées. Nous sommes loin, en tout cas, des sanctions sans nuance que les pays occidentaux, les États-Unis au premier chef, ont imposé à l'Irak et à d'autres pays, et qui se sont révélées on ne peut plus néfastes. Mais une question demeure: comment peut-on être certains que la Russie et la Chine adhéreront à ces sanctions ciblées? Parce que je vous rappelle que, si ces deux pays ne coopèrent pas, toutes les sanctions du monde ne donneront jamais rien.
    Vous nous demandiez ensuite ce que l'on pouvait faire à propos de ceux qui se font appeler les gardiens de la révolution, des entreprises et des ressources financières. Or, la véritable question est: « Quelle source d'information fiable nous permettrait d'obtenir les renseignements requis pour répondre à cette question et pour faire en sorte que les sanctions visent bien les bonnes cibles, et personne d'autre? »
    Je vous dirais enfin que peu importe leur nature, les sanctions économiques serviront toujours les gardiens de la révolution, parce que ces derniers ont déjà créé une sorte d'économie interlope parallèle. C'est pourquoi j'ai bien l'impression qu'une nouvelle série de sanctions économiques ne ferait qu'ajouter foi aux propos des gardiens de la révolution, qui réussiront toujours à exploiter les ressources économiques de leur pays et à contourner ces pseudo-sanctions. Par contre, si l'on pouvait, grâce à des sources d'information vraiment fiables, mettre le doigt sur le nom de certains individus ou de certaines institutions, alors là, nous pourrions peut-être avoir un certain effet sur le mouvement démocratique en Iran.
    Pour ce qui est de la politique nucléaire, j'aimerais, si vous me le permettez, vous donner un bref aperçu de la position iranienne et de la manière dont réfléchissent les autorités d'Iran. Ces dernières estiment en fait avoir le droit de poursuivre leur politique nucléaire pour trois grandes raisons, la première étant le prestige de la nation. L'Iran demeure la première puissance régionale du Moyen-Orient, peu importe qui dirige le pays: shah, cheikh, ayatollah ou zellolah, islamistes ou post-islamistes. L'Iran demeure une puissance régionale de premier ordre. C'est pour ça et rien d'autre. Le nucléaire représente la fine pointe de la technologie de notre époque, et il faut bien, pour une question de prestige national, que l'Iran se mette à la page.
    La deuxième raison est l'alimentation en énergie. Nous savons qu'à l'heure actuelle, l'Iran importe du pétrole raffiné, ce qui, semble-t-il, couvrirait de honte une bonne partie des Iraniens. L'Iran est un des grands pays exportateurs, mais à cause des sanctions économiques et, dans une certaine mesure, des sanctions ciblées en vigueur depuis une trentaine d'années, il a désespérément besoin de pétrole raffiné. C'est pourquoi le nucléaire est le premier choix des autorités, qui veulent à tout prix trouver une autre source d'énergie.
    La troisième raison qui justifie la politique nucléaire d'Iran est la sécurité, qui se divise elle-même en trois sous-raisons. Primo, il faut se rappeler que le plus long conflit armé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, c'est-à-dire la guerre Iran-Irak, a duré huit ans au total. Le pays a été la cible d'armes chimiques de toutes sortes, mais à l'époque, personne n'écoutait les doléances de l'Iran, puisqu'on comptait trop sur Saddam Hussein pour se débarrasser des ayatollahs, sans compter que de nombreux pays occidentaux, et même l'Union soviétique, ont délibérément fait la sourde oreille parce qu'ils étaient mécontents du gouvernement au pouvoir.
    Secundo, on a beaucoup entendu parler qu'à l'époque où le président Bush était à la Maison-Blanche, les États-Unis pratiquaient une politique de changement de régime — toute la question de l'axe du mal — et menaçaient constamment de renverser le régime iranien. Bien sûr, on a toujours argué que l'Irak avait été envahi même s'il ne figurait pas au nombre des puissances nucléaires, alors que la Corée du Nord, qui est une puissance nucléaire, n'a jamais été envahie et peut dormir sur ses deux oreilles. Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour que l'Iran réagisse de manière rationaliste, réaliste et adopte un raisonnement à la réalpolitik.
    Tertio, toujours sur la question de la sécurité...
(1330)
    Je vais devoir vous demander d'être bref, car nous avons déjà dépassé le temps alloué.
    D'accord, j'ai presque terminé.
    L'Iran est situé dans un coin plutôt dangereux du monde. En effet, presque tous ses voisins sont des puissances nucléaires: la Russie, la Chine, le Pakistan, Israël, les États-Unis.
    Les autorités iraniennes soutiennent que la bombe nucléaire ne fait partie de leurs intentions et qu'elles entendent suivre ce qu'on appelle la « voie japonaise », comme la trentaine d'autres pays, dont le Japon, le Canada, le Brésil et l'Afrique du Sud, qui ont les moyens de la fabriquer mais qui ne la fabriquent pas pour autant. La logique et le raisonnement des autorités iraniennes est différent, mais c'est leur argument.
(1335)
    Madame Thi Lac, s'il vous plaît.

[Français]

    Bonjour à vous et merci d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Mahdavi, vous avez parlé de façon assez exhaustive du nucléaire et j'aimerais vous poser une question à ce sujet. Dans le document intitulé « L'Iran dans le monde: la crise nucléaire en contexte », à l'écriture duquel vous avez participé, M. Huntley nous parle de la dynamique interne spéciale de l'Iran et de la source des ambitions du pays de développer un programme nucléaire. Il aborde cette question en prenant seulement en considération le discours étatique et sous-estime l'importance que ce programme représente en termes de politique régionale pour ce pays. Il aborde la question du lien entre ce programme et le nationalisme iranien.
    On comprend que le programme est un symbole fort pour les Iraniens. Je sais que vous en avez parlé longuement, mais j'aimerais que vous nous expliquiez brièvement pourquoi il en est ainsi.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    En fait, la réponse tient en un mot: nationalisme. Comme je le disais, l'Iran est une grande civilisation et une puissance régionale, et il tient à demeurer à l'avant-garde de la scène technologique, scientifique et politique. C'est pourquoi une partie des autorités politiques jouent la carte de la nationalisation de l'industrie pétrolière (il suffit de se rappeler Mohammad Mossadegh, dans les années 1950), et tracent un parallèle entre la nationalisation du pétrole et l'actuelle politique nucléaire. Elles laissent entendre que le prestige de toute la nation est en jeu, tout comme l'identité nationale et la sécurité de l'État.
    La quasi-totalité de la population iranienne — y compris l'opposition — estime que la capacité nucléaire est un droit national. C'est en tout cas ce que croient les réformistes comme les partisans de la ligne dure et une partie de l'opposition, articles du traité de non-prolifération à l'appui. Ils affirment que leurs revendications sont légitimes et que c'est une question de nationalisme.
    En fait, l'Iran a légitimement le droit d'enrichir de l'uranium, mais l'Iran a aussi légitimement le droit d'enrichir ses valeurs et ses institutions démocratiques. Nous ne devrions jamais sacrifier l'un pour l'autre. L'enrichissement d'uranium devrait se poursuivre, car il s'agit d'un droit national, mais il devrait se faire parallèlement à l'enrichissement des valeurs démocratiques et à l'institutionnalisation de la démocratie.
    Il y a même certains réalistes, aux États-Unis, qui croient que, tôt ou tard, l'Iran sera une puissance nucléaire. Je ne vous dis pas que c'est ce que je pense. Personnellement, je suis plutôt partisant de l'option pacifiste pour tout ce qui touche la question du nucléaire. En fait, dans l'idéal, le nucléaire devrait être totalement absent du Moyen-Orient. Vous savez, pour le peuple iranien, et même pour une bonne partie de l'opposition, le nucléaire est loin d'être la priorité de l'heure. Sauf qu'il demeure un enjeu national et qu'il constitue, à ses yeux, un des droits légitimes de l'Iran.

[Français]

    Ma question s'adresse aux deux témoins. De façon réaliste, quelle influence le Canada peut-il avoir sur le gouvernement iranien, en matière de droits humains, dans le contexte actuel des négociations au sein de la communauté internationale sur le nucléaire iranien?

[Traduction]

    Je ne suis pas au courant de la teneur des négociations entre le Canada, l'Occident et l'Iran, mais je suis fermement convaincue, mon organisme est fermement convaincu que les droits de la personne doivent être à l'ordre du jour. On ne peut négocier avec un pays et passer outre le fait que la moindre forme de dissidence y est réprimée brutalement.
(1340)
    Je crois qu'il est temps d'avoir une bonne discussion avec l'Iran. L'attaque militaire n'est pas une option; les sanctions économiques non plus, du moins pas sans une certaine forme de nuances. Mais le boycottage du dialogue n'est pas non plus une bonne option.
    Il faut être réalistes et, entre deux maux, choisir le moindre. Le dialogue demeure un mal en soi, mais il serait bien pire de le boycotter. Au moins, le dialogue permet d'exercer une certaine pression sur le gouvernement iranien. Et les droits de la personne devraient être une priorité absolue.
    Monsieur Marston, je vous prie.
    Je tiens à vous souhaiter personnellement la bienvenue à tous les deux. C'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons écouté votre analyse de la situation et du contexte dans lequel elle se place.
    Les membres du comité en ont probablement assez de m'entendre toujours répéter la même chose, mais sachez que j'étais en Arabie saoudite pendant la révolution de 1979. À l'époque, où qu'on soit, on pouvait lire la peur dans les yeux des élites du pays. Dès que le roi se déplaçait, on triplait le nombre de gardes. Je suis sûr qu'ils en tremblent encore aujourd'hui.
    Vous nous avez dit que le chef suprême n'allait pas bien. Ou j'aurai entendu ça quelque part. Après tout, j'ai reçu 11 courriels depuis le début de la séance. Ça commence à être intéressant.
    Toujours est-il que vous avez abordé un point crucial: si Khameini est malade, y a-t-il un autre chef naturel qui va réussir à s'élever et à galvaniser la population?
    D'après les images et les renseignements qui parviennent jusqu'à nous, les jeunes semblent prêts à agir. On le voit bien. Seule la violence peut les contenir, parfois au prix de leur vie. Mais y a-t-il un autre chef naturel en Iran?
    Vous avez parlé des sanctions ciblées et des gardiens de la révolution, ce qui soulève une autre question. Quand j'entends parler des gardiens de la révolution, je pense automatiquement à des militaires. Mais il n'y a pas que des militaires, non? Ils proviennent également de la couche professionnelle de la population, n'est-ce pas?
    Je vais vous laisser répondre, puis j'aurai une dernière question.
    Je vais laisser mon collègue vous dire s'il y a ou non un chef naturel en Iran.
    Quant à moi, je vous dirais que ce ne sont pas que les étudiants qui veulent du changement. Mais les gens qui ne veulent pas nécessairement renverser le gouvernement pour autant; ils voudraient que le changement vienne de l'intérieur de la structure gouvernementale actuelle.
    Je le répète: nous ne connaissons pas tous les détails. Mais c'est un fait que nous assistons actuellement à une lutte de pouvoir avec les autorités religieuses. La plupart des doléances et des différends perdurent depuis au moins 30 ou 40 ans. Les rumeurs entourant l'état de santé de Khameini ont probablement mis le feu aux poudres.
    Ce qui se passe actuellement en Iran doit être analysé selon deux angles bien distincts: l'angle de l'État et l'angle de la société. L'appareil étatique est le théâtre de toutes sortes de divisions et de luttes de pouvoir entre les factions politiques, les réformistes, les conservateurs, etc. Même ces derniers sont divisés entre les conservateurs traditionalistes et les néo-conservateurs, dirigés par M. Ahmadinejad, l'ayatollah Khameini, le chef, dont il est très proche, et les gardiens de la révolution. Alors que, du côté de la société, les velléités de démocratie et de démocratisation remontent à plus d'un siècle.
    Ce qui se passe actuellement en Iran est unique à plus d'un égard. À commencer par le discours du peuple, qui s'est transformé radicalement. Les citoyens réclament désormais que l'évolution se fasse de façon démocratique et ne veulent plus de la violence. Ils sont très civilisés et emploient des méthodes encore inédites. J'ai beaucoup appris de la nouvelle génération. Bien sûr, les jeunes ne se réclament d'aucun leader charismatique, comme ceux de ma génération et de la génération avant moi. Ils n'ont pas besoin de leader charismatique.
    J'ai reçu une lettre d'Iran, et j'aimerais vous en lire une phrase. Mes interlocuteurs parlent de la nouvelle génération, du mouvement actuel et des jeunes qui en font partie. Ils sont convaincus que le premier chapitre des manuels d'histoire du XXIe siècle leur sera consacré à eux, les Iraniens. Peut-être parlera-t-on d'abord des événements qui ont marqué l'histoire avant eux, comme le 11 septembre et les guerres d'Irak et d'Afghanistan, mais en précisant que ce sont les vestiges d'un autre siècle, d'un discours maintenant disparu et de moyens — les avions, les bombes et les balles — tombés en désuétude. Mes interlocuteurs poursuivent en disant que ce sont eux, les Iraniens du XXIe siècle, les véritables enfants de leur époque. Ils prétendent qu'on écrira d'eux qu'ils étaient l'âme des mouvements sociaux où chacun était un leader et un organisateur. Ils soulignent enfin la manière admirable dont un mouvement sans réel centre de commande réussit à survivre.
    Les mouvements démocratiques sociaux qui secouent actuellement les bases de l'Iran n'en sont déjà plus à MM. Mousavi et Karoubi, deux de ses leaders. Remarquez, je ne nie pas le rôle positif que jouent ces deux hommes ni le fait qu'ils méritent toute notre admiration.
    Pour le moment, je ne crois pas que nous abritions dans nos rangs un chef unique, charismatique. Mais qui sait ce que l'avenir nous réserve. Nous aurons des leaders, et il viendront de l'intérieur, ça c'est certain. C'est le but. Évidemment, l'ayatollah Montazera — le grand ayatollah qui ose défier les élites en place — demeure un irritant important. Peut-être se révélera-t-il le moment venu.
    Selon ce que je comprends de l'actuel mouvement social, il faut être patient. Les problèmes ne se régleront pas en quelques semaines, ni même en quelques mois. Avec le temps, le mouvement continuera de gagner en maturité. Voilà pour votre première question.
    Quelle était la deuxième?
(1345)
    En fait, c'était bien plus un commentaire qu'une question à proprement parler.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Il vous reste une minute très exactement.
    J'aimerais aborder la question des luttes intestines au sein du gouvernement. Cherche-t-on à se débarrasser des représentants religieux ou s'agit-il tout simplement d'une façon de faire plus agressive?
    Depuis l'élection présidentielle de 2005, une nouvelle génération de gardiens de la révolution, des militaires pour la plupart, arrive au pouvoir. Certains vous diront qu'ils veulent simplement changer la structure politique du régime et se débarrasser des représentants religieux, ce qui laisserait le pays avec un régime autoritaire à la pakistanaise.
    Or, selon moi, l'Iran ne sera jamais le Pakistan. Penser le contraire serait illusoire. Ça n'arrivera jamais, à cause justement du riche passé démocratique de la société. Pourtant, une bonne partie de la société souhaite sincèrement que ça arrive. Par contre, on connaît aussi tout le pouvoir qu'ont certains de ces représentants religieux et les luttes de pouvoir entre les néo-conservateurs, dirigés par Ahmadinejad et M. Khameini, et les conservateurs traditionalistes, Hashemi Rafsanjani et les autres.
    Ils ne réussiront pas à se débarrasser des religieux de sitôt.
    Monsieur Hiebert, qui sera suivi de M. Sweet.
    Merci à vous d'eux d'être ici aujourd'hui. Merci également pour vos témoignages.
    Vous nous avez parlé de ce que nous ne devions pas faire, en tant qu'État, mais une partie du travail du comité consiste à voir ce que nous pouvons faire. Nous souhaitons, dans notre rapport, faire un certain nombre de recommandations au gouvernement. Nous avons entendu un certain nombre de suggestions, dont les sanctions faisaient partie. On nous a alors répondu que l'Iran réussit toujours à se procurer tout ce dont il a besoin en s'appuyant sur des sociétés fictives et en important ses produits par l'entremise des pays voisins. On nous a également parlé du dialogue, qui semble être la voie privilégiée par les États-Unis. Certains prétendent cependant que le dialogue est inefficace et qu'il s'agit d'une manoeuvre dilatoire de la part de l'Iran. On nous a suggéré de tirer parti des leviers que nous offrent les Nations Unies, ce qui a aussi été qualifié de manoeuvre dilatoire. On a enfin proposé que le Canada invoque les dispositions relatives aux génocides devant le Tribunal pénal international. Peut-être pourrions-nous favoriser le mouvement démocratique d'une autre manière.
    À la lumière de toutes ces suggestions, je serais curieux de savoir ce que vous recommanderiez au Canada de faire pour résoudre le problème des droits de la personne en Iran.
(1350)
    Cette question n'est pas facile. Ma réponse courte, c'est d'apporter un appui moral et spirituel aux mouvements démocratiques et, si possible, de faire pression pour que les autres gouvernements occidentaux incluent les droits de la personne dans leur programme. Ce sont vraiment les droits de la personne qui devraient passer en premier, et non la situation nucléaire en Iran, ni même les propos tenus par Ahmadinejad contre Israël ou d'autres. Ils ne font que jouer leurs cartes dans la partie.
    Je suis d'accord. Je n'ai pas ce qu'il faut pour vous dire si vous devriez, oui ou non, encourager des sanctions. Cependant, nous savons que, pour convaincre les pays de respecter les droits de la personne de leur population, il faut faire des efforts à long terme.
    Selon moi, une des choses les plus importantes que le Canada peut faire en ce moment, c'est de faire en sorte que la question continue à être considérée comme une priorité. Il faut l'aborder continuellement. Je pense qu'il faut l'aborder au cours des négociations et qu'il faut aussi en parler avec les Nations Unies. Je ne suis pas assez naïve pour croire que tout d'un coup, un discours ou un essai fera toute la différence. Je pense qu'il s'agit d'un effort à long terme et que le Canada est bien placé pour le poursuivre.
    Merci beaucoup de votre présence et de vos témoignages. Je veux simplement concilier deux idées.
    M. Cotler a mentionné qu'il discutait avec des gens qui s'y connaissent sur la question de l'Iran et qui sentent que le pays est près d'un point tournant. Je veux vous poser une question à ce sujet, mais je veux d'abord comprendre quelque chose. Vous avez dit qu'il y avait une mentalité qui ne voulait pas renverser le gouvernement; or, vous travaillez activement tous les deux à un mouvement démocratique. En matière de démocratie, le gouvernement actuel n'a rien de légitime. Aidez-moi à concilier ces idées, qu'il ne s'agirait pas d'un renversement. Il faudrait certainement une réforme. C'est la question que je vous pose.
    Aussi, sommes-nous à un point tournant de l'histoire en ce qui concerne le peuple iranien?
    J'aimerais apporter une précision. Mon organisme ne travaille pas pour le mouvement démocratique. Ce que nous maintenons, c'est que quiconque dirige l'Iran doit respecter les droits de la personne, et que c'est au peuple iranien de choisir la forme de gouvernement qui lui convient.
    Il peut vous parler de l'histoire de l'Iran. Je dirais simplement qu'il y a eu beaucoup de révolutions en Iran au cours des 100 dernières années. Il s'agit peut-être d'un autre point tournant.
    En fait, c'est une très bonne question. Si vous la posez à l'opposition, surtout à l'opposition en exil, aux monarchies, aux moudjahidines ou à certains des gauchistes, ils répondront qu'ils veulent simplement renverser le régime, s'en débarrasser. Or, ils n'ont pas réussi à le faire au cours des 30 dernières années environ et, évidemment, ils n'y arriveront pas d'ici. Cela se passe à des milliers de kilomètres d'ici.
    Or, lorsque vous posez la question à la nouvelle génération en Iran, aux enfants de la révolution, ils répondent qu'ils n'aiment pas les mesures sociales, économiques et politiques de la République islamique d'Iran. La révolution en tant que tel et certaines conséquences involontaires de la République islamique ont permis la création d'une nouvelle génération, un énorme changement démographique, un changement systématique de paradigme; cette nouvelle génération est au courant de tout ce qui se passe dans le monde.
    Or, ce sont des réalistes. Ils font des analyses coûts-avantages. Ils veulent voir ce qu'ils peuvent faire et ils veulent se fixer des objectifs. À ce point-ci, ils ne voient pas les choses en noir et en blanc, ou de zéro à cent. Ils sont prêts à travailler à l'intérieur du système. C'est pour cette raison qu'ils ont voté deux fois pour Mohammad Khatami en 1997. Nous savons que les réformistes n'ont pas tenu leur promesse, en raison de la structure de la République islamique d'Iran.
    En 2009, ils étaient prêts à jouer dans les limites serrées du système. Ils ont voté pour un des candidats de l'établissement. Aucun des quatre candidats n'était révolutionnaire ou radical. Toutefois, ils ont compris que le régime ne tolérerait pas même M. Mousavi ou M. Karoubi. Pour eux, la situation est donc la suivante: ils veulent qu'il y ait un changement radical, mais ils savent que c'est impossible en ce moment. Voilà le premier point que je voulais aborder.
    Le deuxième point, c'est que la République islamique d'Iran est un régime hybride. C'est un système très compliqué. Ce n'est pas un régime totalitaire comme la Corée du Nord ou l'Irak de Saddam Hussein. Ce n'est pas non plus un régime stalinien, fasciste ou nazi. C'est une combinaison de totalitarisme et d'autoritarisme, à laquelle s'ajoutent certains éléments quasi démocratiques. Ce que M. Mousavi, M. Karoubi et certains réformistes, dont l'ancien président, M. Khatami, veulent faire en réalité, c'est de renforcer la nature pluraliste et démocratique de la constitution. Est-ce faisable? Je ne suis pas optimiste, car la plus grande partie du pouvoir revient au Vali-e Faghih, au dirigeant suprême; les réformistes, eux, n'ont pas beaucoup de pouvoir. Or, c'est ce qu'ils voulaient tenter de faire, et c'est ainsi qu'ils résolvent cette présumée contradiction.
(1355)
    Je voulais vous poser une question; je crois que vous y avez répondu en partie, mais je veux être certain d'avoir bien compris. Vous avez mentionné que certaines personnes avaient été accusées de tenter de déclencher une révolution de velours. Je présume que cette expression renvoie à ce qui s'est passé en Tchécoslovaquie.
    Un témoin que nous avons entendu il y a quelques mois nous a raconté qu'il avait été arrêté, emprisonné et forcé à avouer qu'il avait tenté de déclencher ce qu'il a appelé une « révolution de couleur ». Je n'étais pas certain s'il faisait allusion à ce qui s'est passé en Ukraine, à la révolution orange.
    Est-ce ce qui se passe dans ce cas-ci? Nous sommes témoins d'une opposition qui tente d'accomplir des choses qui ont été faites dans d'autres pays. Ils ont une constitution démocratique et ils veulent qu'elle soit appliquée. C'est une révolution dans le sens d'expulser un groupe de gens, mais est-ce une révolution dans le sens de remplacer ou de renverser la constitution?
    Si une révolution de velours signifie une révolution artificielle soutenue par les États-Unis plutôt qu'une révolution authentique, si cela signifie un soulèvement conçu par des pays étrangers, alors ce qui se passe en Iran n'est pas une révolution de velours. C'est un mouvement social authentique de protection des droits civils.
    Cependant, si une révolution de velours signifie un processus évolutif pacifique qui a horreur de la violence et qui veut renforcer le bon côté de la constitution, alors le terme convient peut-être. Ce qui se passe en Iran n'est pas coloré, mais c'est bien vert. Ce n'est pas une révolution de velours, mais c'est bien un mouvement pacifique de protection des droits civils. C'est un mouvement authentique.
    Merci.
    Monsieur Silva.
    Peut-être que Dr Mahdavi peut nous donner plus de détails sur ce qu'il pense.
    Je suis d'accord que la réforme doit venir de l'intérieur et qu'elle doit être menée par les Iraniens. Je constate aussi le changement de paradigme, surtout parmi les jeunes. Je pense qu'en grande partie, l'Internet a beaucoup contribué à leur fournir des renseignements sur ce qui se passe sur le terrain, renseignements que leur gouvernement ne leur donne pas.
    Or, je ne suis pas d'accord que les seuls gestes que nous puissions poser soient de nature morale et spirituelle. Je pense plutôt que nous pouvons agir avec plus d'efficacité si nous faisons autre chose que de proférer simplement des prières sur la scène internationale. Selon moi, le Canada doit adopter une position morale qui va au-delà des simples mots.
    Mise à part l'option militaire — qui, en fait, n'est pas du tout une option —, on peut déployer des efforts diplomatiques et multilatéraux. Or, vous avez renoncé à cela, en quelque sorte. Je ne sais pas trop bien pourquoi. Je ne suis pas certain de ce qui vous pousserait à ne pas même tenir compte des efforts multilatéraux et diplomatiques que le Canada peut déployer sur ce front.
(1400)
    Je souhaiterais que la politique internationale ne soit pas basée sur la réalpolitik, mais le fait demeure qu'elle l'est, ce qui veut dire que les intérêts politiques et économiques ont toujours la priorité. J'aimerais plutôt que la politique internationale soit basée sur les droits de la personne, la démocratie et toutes ces choses-là, mais, pour être honnête, ce n'est pas le cas. La démocratie et les droits de la personne passent toujours après les intérêts politiques et économiques.
    Comme je l'ai dit à un de vos collègues, il faut véritablement de l'appui moral et spirituel; or, si le Canada peut prendre de nombreuses mesures pour faire passer la question de la démocratie et des droits de la personne au premier plan, par exemple, en exerçant une pression sur des pays comme les États-Unis, des pays qui ont engagé un dialogue quelconque avec l'Iran, alors c'est sûr qu'il doit le faire.
    Pour ce qui est du boycottage diplomatique, je veux bien, mais regardez ce qui se passe actuellement entre l'Iran et le Canada. Leur relation n'est pas bonne. Je ne sais pas à quel point le Canada a le pouvoir de faire pression sur le gouvernement iranien en ce moment étant donné l'absence d'un dialogue significatif ou de relations diplomatiques. Je ne sais pas non plus ce que nous pouvons faire d'autre que de tenter de convaincre les gouvernements et les États-Unis — qui ont un dialogue quelconque avec l'Iran — de faire passer la question de la démocratie et des droits de la personne au premier plan.
    Je vais dire qu'il est 13 h 55 afin que M. Sweet puisse poser une question supplémentaire.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne pense pas avoir besoin de cinq minutes. Je veux juste poser une question, mais elle est difficile, celle-là aussi. Je me suis dit que je tenterais d'explorer un peu ce point.
    Certains témoins ont déjà mentionné qu'ils s'inquiétaient un peu de la nature manipulatrice du régime en Iran. Ce qui les inquiète, c'est que le régime se serve du dialogue sur la situation nucléaire pour distraire les pays qui aborderaient la question des droits de la personne, que ces pays seraient si heureux de dialoguer avec l'Iran au sujet du nucléaire que le régime iranien pourrait s'occuper impunément de l'opposition et poursuivre son attaque violente contre les droits de la personne. C'est ce qui m'inquiète.
    Je sais que vous êtes en faveur du dialogue, ou du moins vous avez dit que c'est le moindre des maux. C'est la question qui m'inquiète, et j'aimerais savoir si vous avez des conseils sur la façon de traiter de ce genre de chose et de la nature manipulatrice du régime.
    Oui, vous l'avez bien dit, c'est une autre question difficile. Dans un dialogue dur, le premier point abordé serait les droits de la personne.
    Sur le plan de la situation nucléaire, je ne sais pas, en fait. Selon certains, si l'Iran avait une bombe nucléaire, le pays serait immunisé, dans le sens que personne ne pourrait vraiment le renverser s'il était nucléarisé. Personnellement, je n'y crois pas; prenez l'Union soviétique: le dynamisme interne a essentiellement renversé l'ensemble du système et du régime.
    Selon certains réalistes — même certains qui se trouvent aux États-Unis, comme Brzezinski et d'autres —, l'Iran deviendra tôt ou tard une puissance nucléaire, et, admettons-le, c'est là la vraie question. Je ne pense pas qu'ils agiront de façon irrationnelle, c'est-à-dire qu'ils commettront des gestes stupides.
    La lutte au Moyen-Orient porte sur l'équilibre du pouvoir et sur le détenteur du monopole, ou sur la question du nucléaire. Or, sur le plan du dialogue, si la question est de savoir si l'Iran veut en fait se servir du dialogue pour faire avancer sa politique nucléaire, et qu'il attire l'attention sur la question des droits de la personne et de la démocratie, alors je présume que les gouvernements occidentaux peuvent prendre la question des droits de la personne et de la démocratie et en faire le premier point à l'ordre du jour. Faites-en votre premier point à l'ordre du jour et parlez-en. Or, je sais bien qu'en raison de la réalpolitik, cela ne se produira pas. Selon moi, la question du nucléaire ne devrait pas être le point faible du dialogue entre l'Iran et l'Ouest. Bien sûr, je comprends qu'ils en abuseront. Il n'y a rien que nous puissions faire pour essentiellement arrêter le processus, mais s'il faut choisir entre le mal et le pire, disons que nous dialoguerions pour exercer une pression quelconque sur l'Iran. Imaginez ce qui se produirait si nous ne faisions que boycotter l'Iran et qu'il n'y avait pas de dialogue. Dans ce cas, quel instrument ou quel outil nous permettrait de poursuivre les questions de politique? Une attaque militaire? Des sanctions économiques? En fait, certains membres de l'opposition, y compris l'Iranien Akbar Ganji, demandent simplement que les tribunaux internationaux interviennent pour crimes contre l'humanité.
    Est-ce faisable à ce point-ci? Est-ce possible? Quels genres de faits avons-nous en ce moment? Ce qui se passe en Iran, est-ce vraiment un génocide? Il y a différentes façons d'agir. Je ne suis pas avocat. À ce point-ci, je ne sais pas, car la loi interprète ces termes selon des crimes précis, et le terme « crimes contre l'humanité » a sa propre définition. C'est certain qu'il y a eu des violations systématiques des droits de la personne et que des crimes contre l'humanité ont été commis, même si on tue une personne; or, à ce point-ci, je ne connais même pas la réalpolitik. Est-ce faisable, au moins à court terme? Je ne suis pas vraiment optimiste.
    Le mouvement démocratique en Iran est pris dans un dilemme. Dans un sens, à l'échelle nationale, ces gens sont passés maîtres dans l'art de manipuler les cartes pour consolider leur puissance, ainsi que les politiques réelles et la diversité de la politique internationale. La Russie et la Chine ont chacun des intérêts particuliers en Iran. Parmi les pays occidentaux, l'Europe — par opposition aux États-Unis — a aussi des intérêts particuliers. En ce moment, nous savons que la priorité des États-Unis, c'est la sécurité en Afghanistan et en Irak, et ils ont besoin de l'Iran pour ce dossier. Dans un sens, ils subissent aussi les pressions des lobbyistes israéliens sur la question du nucléaire parce qu'il est certain qu'Israël veut être la seule puissance nucléaire au Moyen-Orient. Tout cela signifie que les questions liées aux droits de la personne et à la démocratie sont secondaires et marginales. Voilà la difficulté que connaît le mouvement démocratique en Iran.
(1405)
    Je vous remercie tous, car les droits de la personne et la démocratie sont importants pour vous, et je remercie le gouvernement canadien, qui est un des rares gouvernements occidentaux qui considèrent vraiment les droits de la personne et la démocratie comme une question importante.
    Merci.
    Cela met fin à la séance. Notre temps est écoulé.
    Au nom des membres du sous-comité, je vous remercie de vous être dérangés pour venir ici aujourd'hui. Merci à tous les deux.
    La séance est levée.
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