La Chambre reprend l'étude, interrompue le 9 octobre, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, ainsi que de l'amendement.
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Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-23, et mes collègues néo-démocrates et moi-même sommes fiers de nous y opposer.
Le projet de loi vise le libre-échange avec un gouvernement qui refuse de reconnaître les droits de la personne, qui se fait complice des violations des droits de la personne, qui refuse de reconnaître la nécessité de protéger notre planète et notre environnement et qui se fait complice de ceux qui tiennent nos ressources naturelles pour acquises.
Le 21 novembre 2008, le Canada a signé un accord de libre-échange et le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui mettrait en oeuvre ce dernier, qui a été signé par les deux pays.
Même si l'accord a été signé, il n'est pas trop tard, raison pour laquelle nous prenons la parole à tour de rôle à la Chambre pour parler de ses lacunes. Nous essayons de sensibiliser le gouvernement au fait qu'il s'agit d'une très mauvaise entente. Elle est mauvaise tant pour le Canada que pour la Colombie.
Le 25 mai, le Bloc québécois a présenté un amendement important au projet de loi . Aujourd'hui, j'estime pertinent d'en faire lecture à la Chambre. En voici donc le libellé:
Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot « Que », de ce qui suit:
« la Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-23, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, de l'Accord sur l'environnement entre le Canada et la République de Colombie et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République de Colombie, parce que le gouvernement a conclu cet accord alors même que le Comité permanent du commerce international était en train d’étudier la question, démontrant ainsi son mépris des institutions démocratiques. »
Cet amendement est fort important et son libellé très précis. Il est important parce qu'il réitère l'objectif du projet de loi et indique que les députés refusent de faire la deuxième lecture de cette mesure législative. Nous refusons en effet de passer à l'étape de la deuxième lecture parce que ce projet de loi ne sert ni les intérêts du Canada, ni ceux de la Colombie.
J'ai précédemment souligné à la Chambre certains des aspects les plus inacceptables de cet accord de libre-échange. Comme on le sait déjà, l'accord de libre-échange Canada-Colombie comprend trois parties, soit l'accord proprement dit ainsi que les ententes parallèles sur le travail et l'environnement.
Voici les éléments préoccupants de cet accord. Premièrement, il n'assure pas la protection des droits des travailleurs. La Colombie est l'un des pays les plus dangereux du monde pour les syndicalistes qui sont régulièrement victimes de violence, d'intimidation, voire d'assassinat par des groupes paramilitaires liés au gouvernement colombien.
L'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie ne comporte pas de normes du travail rigoureuses. Comme je l'ai déjà dit, le fait d'inscrire ces dispositions sur la main-d'oeuvre dans un accord parallèle sans prévoir de mécanisme d'exécution rigoureux n'encouragera pas la Colombie à améliorer l'épouvantable situation des droits des travailleurs sur son territoire et justifiera même le recours à la violence.
Le projet d'accord est également inacceptable en ce qui a trait à la protection environnementale. La question de l'environnement fait elle aussi l'objet d'un accord parallèle dépourvu de mécanisme d'application. Quiconque a examiné le droit, la loi ou les politiques sait fort bien que, à défaut de mécanisme d'application, toute mesure législative est futile. Or, le projet de loi ne prévoit aucun mécanisme d'application pour forcer le Canada ou la Colombie à respecter les droits environnementaux.
Nous avons pu constater par le passé que ce genre d'accord est pratiquement inapplicable. J'attire notamment l'attention sur un accord que nous connaissons tous, en l'occurrence l'ALENA. Pas une seule poursuite intentée en vertu de l'accord sur la main-d'oeuvre parallèle à l'ALENA n'a été fructueuse.
Le chapitre sur les investisseurs, qui est une reprise du chapitre 11 de l'ALENA sur les droits des investisseurs, est un autre aspect de l'accord qui laisse à désirer. L'Accord de libre-échange Canada-Colombie accorde aux entreprises privées un pouvoir considérable pour intenter des poursuites contre les gouvernements, et ce droit est exécutoire par l'entremise de groupes spéciaux d'arbitrage. Ces dispositions sont particulièrement inquiétantes parce que de nombreuses multinationales canadiennes du secteur pétrolier et minier sont présentes en Colombie.
Le mécanisme d'arbitrage prévu dans le chapitre 11 donne aux entreprises étrangères le droit de contester les mesures de protection légitimes que le Canada a prises à l'égard de l'environnement, des travailleurs et de la société. Le fait de donner une telle possibilité à des entreprises privées de la Colombie ou d'autres pays ne ferait qu'éroder davantage la capacité du Canada et de la Colombie à adopter des lois et des règlements visant l'intérêt public.
Les droits de douane sur les produits agricoles sont un autre aspect problématique. En Colombie, la pauvreté a un rapport direct avec l'exploitation agricole, car 22 p. 100 des emplois sont en agriculture. La suppression des droits de douane sur les céréales, le porc et le boeuf du Canada entraînera un arrivage massif de produits bon marché, ce qui signifiera pour les Canadiens des milliers d'emplois perdus.
Le projet de loi déstabiliserait également le secteur canadien du sucre. Importer du sucre de Colombie pourrait entraîner la fermeture d'au moins une des usines de sucres de l'Ouest canadien et des pertes d'emplois pour quelque 500 employés et 250 producteurs de betterave à sucre. Et n'oublions pas que la Colombie n'est pas un de nos principaux partenaires commerciaux; elle arrive au cinquième rang des pays latino-américains. N'oublions pas non plus que 2 690 syndicalistes ont été assassinés en Colombie depuis 1986, dont 31 cette année seulement. Et n'oublions pas que près de 200 000 hectares de forêt naturelle disparaissent chaque année en Colombie, cédant la place à l'exploitation agricole, forestière ou minière ou encore à des constructions ou à des installations de production d'énergie. Et nous sommes complices de tout cela.
Le libre-échange ne fonctionne pas dans ce contexte. Quelle est la solution?
J'aimerais faire part à la Chambre d'un concept que bien des Néo-Écossais connaissent bien: le commerce équitable. La coopérative de torréfaction de café Just Us! a vraiment lancé le concept de commerce équitable en Nouvelle-Écosse. Le commerce équitable est un partenariat commercial qui repose sur le dialogue, la transparence et le respect et qui vise un meilleur équilibre dans le commerce international. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions aux producteurs et aux travailleurs et en protégeant leurs droits, surtout dans les pays du Sud.
Les organisations de commerce équitable qui sont appuyées par les consommateurs soutiennent activement les producteurs, et elles s'emploient activement à faire de la sensibilisation et à faire changer les règles et les pratiques du commerce international conventionnel. C'est ce que nous voyons avec cet accord.
Le commerce équitable vise un objectif stratégique triple: premièrement, collaborer délibérément avec les producteurs et les travailleurs marginalisés pour les aider à passer d'une position de vulnérabilité à une position de sécurité et d'autonomie financière; deuxièmement, habiliter les producteurs et les travailleurs en faisant d'eux des parties prenantes de leur entreprise; troisièmement, jouer un rôle actif plus large sur la scène mondiale pour assurer plus d'équité dans le commerce international.
Pour dire les choses plus simplement, le commerce équitable est une alliance entre producteurs et consommateurs, sans intermédiaire. Il permet ainsi de renforcer la position du producteur et lui donne plus de dignité et un meilleur prix pour ses produits. Les consommateurs achètent des produits d'une qualité élevée qu'ils savent être durables d'un point de vue social et écologique.
Just Us! Coffee Roasters est la première entreprise de torréfaction équitable au Canada. Elle est située à Wolfville, en Nouvelle-Écosse. Il y a deux magasins Just Us! Coffee Roasters à Halifax, ma circonscription: un sur la rue Barrington, qui se trouve au coeur du quartier d'affaires, et l'autre sur la rue Spring Garden, qui est très proche du campus de l'Université Dalhousie.
Ces deux cafés sont d'une importance vitale pour notre collectivité. Ce sont des endroits où l'on peut rencontrer des amis et acheter des produits éthiques. Ils font partie de notre économie locale, et ils appuient également cette dernière. En effet, ils offrent des aliments préparés par des fournisseurs locaux, tels que Terroir Local Source Catering et Unique Asian Catering, qui sont de petites entreprises situées à Halifax.
Je félicite Just Us! Coffee Roasters d'avoir donné l'exemple et d'avoir montré au Canada que le commerce équitable était possible. J'espère que le projet de loi sera rejeté et que, au lieu de récompenser les pays qui ne reconnaissent pas les droits de la personne, nous travaillerons avec eux pour assurer un commerce juste et équitable.
Ce sont là les raisons pour lesquelles je m'oppose au projet de loi .
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Madame la Présidente, je pourrais dire que je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui, mais je ne le suis pas.
Je ne comprends pas qu'un gouvernement puisse déposer à la Chambre des communes un projet de loi qui vise la mise en oeuvre d'un accord de libre-échange avec la Colombie. C'est stupéfiant. Il est aberrant qu'un gouvernement favorise l'industrie minière aux dépens des droits humains en Colombie.
Tout d'abord, des gens ici ont pris la parole pour dire que l'industrie minière était favorisée à plusieurs égards par cette entente. Les dispositions de l'entente ont d'ailleurs été expliquées dans une foule de documents. La Colombie est l'un des principaux pays où l'industrie minière peut extraire du charbon.
Si on implante des mines en plein milieu d'un village, on ne se gênera pas pour déplacer la population. Vous savez comme moi que ceux qui vont résister seront tués. Est-ce cela que l'on veut? Le Canada veut-il dire au monde entier qu'il encourage davantage l'industrie que la population? On veut protéger cette population. C'est une situation que l'on n'endure pas au Canada.
Les êtres humains ont des droits, les travailleurs ont des droits et les enfants ont des droits, comme celui de ne pas travailler et de ne pas se faire exploiter. On ne tolère pas d'écart chez nous, mais on est prêts à favoriser cela ailleurs. Je suis stupéfait d'entendre cela. D'autant plus que le taux d'impunité qui règne en Colombie amène ces groupes de droits de la personne à croire qu'il existe bel et bien collusion entre la classe politique colombienne et les paramilitaires. En effet, plus de 30 membres du congrès sont sous arrêt en Colombie. À mon avis, les parlementaires colombiens forment un groupe de personnes peu recommandables. Je risque de me répéter, mais je ne peux comprendre comment un pays comme le Canada favorise le libre-échange avec la Colombie sans penser à la population colombienne. C'est époustouflant.
Selon les dires du gouvernement conservateur, la situation est beaucoup mieux qu'elle ne l'était. Pourtant, ce n'est pas ce qu'on lit et ce qu'on entend au sujet de ce qui se passe en Colombie. Ce qu'on entend, c'est qu'en 2008, les crimes commis par les groupes paramilitaires ont grimpé de 41 p. 100 en comparaison de 14 p. 100 l'année précédente. Cela veut dire qu'en 2008, il y a eu une recrudescence des crimes commis par un groupe paramilitaire de l'ordre de 55 p. 100. Est-ce ce qu'on veut faire? Est-ce ceux qu'on veut aider?
Si tout est beau et tout est parfait en Colombie, expliquez-moi une chose. Les conservateurs devraient être attentifs à ce que je dirai, car je ne l'invente pas, c'est inscrit sur le site Web du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Ce dernier recommande d'éviter tout voyage non essentiel dans la ville de Cali et dans la plupart des régions rurales de la Colombie en raison des changements constants dans les conditions de sécurité et de la difficulté qu'éprouvent les autorités colombiennes à assurer la sécurité sur tout leur territoire. À quel endroit les industries minières font-elles affaire? Dans les régions rurales.
On nous dit que tout va bien, qu'il faut faire affaire avec la Colombie, mais encore là, Affaires étrangères et Commerce international Canada nous dit de ne pas y aller parce que c'est dangereux. Si c'est dangereux pour la population du Canada et pour la population colombienne, les seuls pour lesquels ce n'est pas dangereux, ce sont les industries minières. Pour elles, il n'y a pas de danger parce que ce sont elles qui engagent des paramilitaires et qui font justement affaire avec eux. Je reviendrai aux Affaires étrangères plus tard.
On va nous dire, à un certain moment, que oui, le Canada fait affaire avec la Colombie et qu'on fait de bonnes choses. Je vais dire ce qu'on fait avec la Colombie? Le Canada n'achète que des matières premières de la Colombie. Les produits énergétiques comptaient pour 31 p. 100 des exportations en 2007, alors que les produits agricoles et agroalimentaires comptaient pour 58 p. 100. L'industrie minière est l'industrie qu'on veut protéger. Donc, le Canada achète du charbon et des produits connexes pour une valeur monétaire de 138 millions de dollars; du café pour 115 millions de dollars; des bananes pour 72 millions de dollars; des fleurs coupées pour 62 millions de dollars. C'est le commerce qu'on fait avec la Colombie. Est-ce que c'est rentable pour nous? Non, ça ne l'est pas. Peut-on s'en passer? Oui, on le peut.
Encore une fois, je le dis, et c'est le point important dans l'accord de libre-échange avec la Colombie, la seule affaire qu'on ne veut pas, c'est que le Canada prenne en otage les gens de la Colombie pour favoriser l'industrie minière. C'est ce qu'on essaye de faire. Or, je suis en complet désaccord avec le fait qu'on puisse penser deux minutes à aider une industrie au détriment des personnes. C'est inégal, ce n'est même pas pensable.
Je reviens aux exportations colombiennes. Elles ne proviennent pas des régions urbaines, mais bien des régions rurales les plus reculées de Colombie. Ce sont dans ces régions éloignées qu'on retrouve les plus grandes richesses en termes de ressources naturelles, mais c'est aussi dans ces régions qu'on retrouve le plus de violence. Pour continuer sur ce sujet, c'est là qu'on retrouve 87 p. 100 des déplacements forcés de population, 82 p. 100 des abus des droits de la personne et du droit international humanitaire et 83 p. 100 des assassinats des chefs syndicaux. On ira plus loin. Selon le Conseil canadien pour la coopération internationale, cela fait croire qu'il existe des preuves importantes que les investissements canadiens dans ces régions colombiennes sont complices des violations aux droits de la personne.
Ce n'est pas moi qui invente cela. C'est extrait d'un rapport du Comité permanent du commerce international de juin 2008 traitant des préoccupations relatives aux effets environnementaux et aux droits humains en vue de l'accord de libre-échange avec la Colombie. Je peux même aller plus loin que cela. C'est simple et clair. Un groupe du Comité permanent du commerce international a mener des enquêtes pour savoir si, avec l'accord de libre-échange, on pourrait faire quelque chose de correct pour les droits humains ou l'environnement. Or, savez-vous que la démocratie ici, en cette Chambre, n'est même pas une démocratie qui devrait être répétée un peu partout au monde, parce qu'on n'en a pas de démocratie. Je m'explique.
Ce gouvernement a autorisé le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international à aller voir ce qui se passait en Colombie pour rédiger un rapport incluant des conclusions sur l'accord de libre-échange. Les députés n'ont même pas eu le temps de rédiger le rapport que ce gouvernement avait déjà signé l'entente de libre-échange avec la Colombie. Est-ce cela la démocratie qu'ils veulent ici en cette Chambre? On demande à des gens de faire une étude et on passe outre. Est-ce ce gouvernement que les Canadiens, que les Québécois veulent se donner ici? Je ne pense pas que ce soit une bonne solution.
Je veux continuer là où j'en étais tout à l'heure. On parlait des zones où assurer la sécurité en tout temps. On parlait de café et certaines zones productrices de café sont situées à Bogota. Font exception aussi des centres de villégiature pour les touristes. Il ne faut pas aller en Colombie.
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Madame la Présidente, je remercie mon collègue de son excellent exposé sur la situation qui prévaut présentement en Colombie et sur celle qui prévaut également en cette Chambre.
Cela fait déjà quelques mois que nous discutons du pour et du contre du projet de loi . De ce côté-ci de la Chambre, on retrouve beaucoup plus de contre que de pour. Je pense que c'est normal.
Comme toujours, le Bloc québécois s'oppose à toutes les injustices, non pas seulement au Québec et au Canada, mais partout dans le monde. Ce projet de loi, malheureusement, cautionnerait plusieurs injustices.
Quand le gouvernement parle du fait qu'il ne faut ignorer aucune victime de crime ni aucune personne qui aurait été lésée dans ses droits ici même et qu'il a un agenda très chargé par rapport à la loi et à la justice, je pense que ce gouvernement oublie qu'il y a ailleurs dans le monde des endroits où les gens n'ont pas la capacité ni la possibilité de pouvoir se défendre.
On sait fort bien que, présentement en Colombie, 30 p. 100 des gens qui font partie du gouvernement sont sous enquête sérieuse relativement à la corruption, à la collusion — tout type d'enquêtes —, et que 60 p. 100 des autres gens du gouvernement sont aussi soupçonnés de faire des activités qui ne sont pas tout à fait légitimes par rapport au poste qu'ils occupent ou à leurs responsabilités.
Tous les jours en cette Chambre, il y a un député d'une formation ou d'une autre qui se lève pour faire l'éloge d'une personne de sa communauté, d'une personne qu'il ou elle connaît pour nous rappeler — parce cette personne est décédée —, l'importance qu'elle avait tant au niveau de sa famille, de ses enfants, de ses collègues de travail et des personnes qui vivaient près d'elle tous les jours.
À ce moment-ci, je pense qu'il serait important que nous arrêtions de traiter comme des statistiques les victimes, les syndicalistes colombiens, les victimes de meurtres, malgré ce que la Colombie veut bien en dire et qu'elle essaie de minimiser ces crimes. Nous savons qu'il y en a eu 109 entre janvier 2007 et juin 2008. Je vais en énumérer quelques-unes et je voudrais que mes collègues de l'autre côté de la Chambre commencent à les regarder comme des êtres humains, des pères, des mères de famille, des personnes qui avaient des responsabilités sociales. Ce sont des personnes qui sont mortes aujourd'hui à cause de leurs convictions, à cause de leur travail. Mentionnons les noms suivants:
Maria Teresa Jesus Chicaiza Burbano, tuée le 15 janvier 2007; Maria Theresa Silva Reyes, tuée le 28 mars 2007; Ana Silvia Melo Rodriguez, tuée le 19 mai 2007; Marleny Berrio de Rodriguez, tuée le 11 juin 2007; Leonidas Sylva Castro, tué le 2 novembre 2007; Maria del Carmen Mesa Pasochoa, tuée le 8 février 2008.
Au nombre d'autres personnes victimes d'assassinats, il y a aussi Maria Teresa Trujillo, tuée le 9 février 2008; Carmen Cecilia Carvajal Ramirez, tuée le 4 mars 2008; Leonidas Gomes Rozo, tué le 8 mars 2008; Victor Manuel Munoz, tué le 12 mars 2008; Ignacio Andrade, tué 15 mars 2008; Manuel Antonio Jiminez, le 15 mars 2008; Jose Fernando Quiroz, le 16 mars 2008; Jose Gregorio Astros, le 18 mars 2008; Julio Cesar Trochez, le 22 mars 2008; Adolfo Gonzales Montes, le 22 mars 2008; Luz Mariela Diaz Lopez, le 1er avril 2008; Emerson Ivan Herrera, le 1er avril 2008; Rafael Antonio Leal Medina, le 4 avril 2008; Omar Ariza, le 7 avril 2008; Jesus Heberto Caballero Ariza, le 16 avril 2008; Marcello Vergara Sanchez, le 5 juin 2008; Vilma Carcamo Bianco, le 9 mai 2009.
Je pourrais en nommer encore pendant 20 minutes. Combien de victimes faudra-t-il en Colombie pour que ce gouvernement se réveille et constate que ce n'est pas une bonne idée de négocier présentement un traité de libre-échange avec un pays qui ne respecte pas plus les humains que cela?
Les personnes que j'ai nommées étaient toutes et tous des syndicalistes. Toutes et tous travaillaient à améliorer les conditions de vie des gens qui demeurent en Colombie et qui essaient de se faire une vie meilleure jour après jour. Pourtant, ce gouvernement n'entend pas le nom des personnes mortes et assassinées. Il ne les entend que quand cela fait son affaire, quand il peut faire de la propagande et quand il peut les utiliser.
Que ce gouvernement arrête d'utiliser à mauvais escient ce qui se passe de mauvais dans ce monde et qu'il commence à respecter les gens qui travaillent pour gagner leur vie!
Présentement, les gens qui travaillent en Colombie sont soumis tous les jours à des exactions, à des meurtres et à des crimes. Nous ne pouvons pas cautionner ce genre d'événements. Si nous acceptons ce traité de libre-échange aujourd'hui, nous acceptons que continuent ces meurtres et ces assassinats d'hommes, de femmes et d'enfants.
Je ne sais pas si mes collègues sont comme moi, mais je crois que nous devons tous et toutes regarder à l'intérieur de nos coeurs, arrêter de penser seulement aux profits — ce sont évidemment des profits à court terme — et arrêter de penser que nous pouvons imposer notre loi à tout le monde. Ce n'est pas comme cela que ça fonctionne et ce n'est pas comme cela que ça va fonctionner en Colombie, où la presque entièreté du gouvernement est corrompue.
Croyons-nous que le gouvernement colombien sera soudainement nettoyé de toutes ses impuretés parce que nous signons un traité de libre-échange aujourd'hui avec la Colombie? Il faudrait être un peu naïf.
Effectivement, ma chère collègue de a raison. Il faut être un peu naïf ou de bien mauvaise foi pour croire quelque chose de semblable. Il faut être un peu naïf ou de bien mauvaise foi pour vouloir imposer à cette Chambre de voter en faveur d'un projet de loi qui n'a pas été réfléchi et pour lequel aucune consultation sérieuse n'a été faite. Comme l'a si bien dit mon collègue de , les seules consultations qui ont été faites n'ont pas été prises en considération afin d'élaborer un traité de libre-échange qui se tiendrait debout et qui prendrait en considération les droits et les vies des personnes qui sont en Colombie.
Si nous adoptons ce traité, si nous adoptons ce projet de loi, j'aurai honte en tant que Québécoise et en tant que Canadienne. J'ai honte que nous puissions adhérer à un tel projet de loi. J'ai honte que nous essayions tous les jours, par l'entremise du , de mettre en place des projets de loi qui mettront des bandits en prison en vertu de peines minimales, sans aucune considération pour la discrétion des juges. J'ai honte que nous essayions de mettre en place des projets de loi qui essaieront de mettre en prison une grande partie de la population, des Autochtones pour la plupart, sans pour autant lui donner l'occasion de se réhabiliter. J'ai honte qu'on permette à un gouvernement corrompu de continuer à cautionner des crimes et l'assassinat de ses citoyens qui font tout ce qu'ils peuvent pour que les personnes qui vivent là-bas aient une meilleure vie.
Je ne peux pas croire cela. Je ne peux pas croire cela! Je ne peux pas croire que des députés d'autres partis d'opposition le cautionneront également. Je ne le crois pas! Si nous nous tenons debout pour les droits des personnes que nous représentons, nous devons nous tenir debout, de par notre statut de député, pour les droits des personnes que nous représentons partout dans le monde et pour le droit des êtres humains.
Les syndicalistes sont venus nous rencontrer et nous ont fait part de ces crimes odieux commis envers leurs soeurs et leurs frères. Nous savons fort bien qu'ils n'ont pas été entendus par le gouvernement.
Je n'ai plus de temps, madame la Présidente? C'est correct.
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Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir une nouvelle fois au sujet du projet de loi.
J'aimerais tout d'abord donner suite aux observations qu'a faites le député de avant de poser sa question à la députée du Bloc. Effectivement, en 2008, le Comité permanent des affaires étrangères a recommandé de ne pas signer d'accord avec la Colombie tant qu'il n'y aura pas amélioration de la situation des droits de la personne dans ce pays. Il a également recommandé une évaluation des répercussions d'un accord commercial sur les droits de la personne pour en déterminer l'effet réel. Bien évidemment, le gouvernement a fait fi du rapport.
À la lumière de ces recommandations et du fait qu'elles ont été faites il y a un an et que les députés en sont très conscients étant donné qu'on en parle sans arrêt à la Chambre, il reste à savoir pourquoi le Parti libéral ne s'oppose pas à l'accord commercial. Pourquoi les libéraux se font-ils complices du gouvernement en l'aidant à adopter la mesure à toute vapeur?
Je remercie le député de . Je sais que, dans ce dossier comme dans d'autres, il n'est pas tout à fait sur la même longueur d'onde que son caucus. En effet, quand son collègue, le député de , a pris la parole, le ton et le contenu de son intervention ne concordaient pas vraiment avec les siens. À mon avis, ils sont diamétralement opposés. On dirait qu'une mini-guerre fait actuellement rage au sein du caucus libéral et j'espère vraiment que le député de en sortira vainqueur en ce qui concerne cette question. Nous faisons notre possible, de ce côté-ci, pour bloquer le projet de loi aussi longtemps que possible, ce qui lui donnera peut-être le temps nécessaire pour gagner la guerre et convaincre les députés de son caucus de se ranger derrière lui. Le député est très conscient que, ensemble, nous sommes une force irrésistible à la Chambre. Les trois partis d'opposition détiennent la majorité. L'appui des libéraux dans ce dossier nous aiderait grandement à faire obstacle à cette initiative.
Sur cette question et bien d'autres le Parti libéral dit tout et son contraire, mais il ne fait aucun doute qu'il y a au sein du Parti libéral un noyau qui, selon moi, a beaucoup de difficultés à appuyer cet accord de libre échange.
Le projet de loi a été présenté à la Chambre par le le 26 mars 2009. Le projet de loi met en oeuvre trois accords, y compris leurs annexes respectives, qui ont été signés par le Canada et la République de Colombie le 21 novembre 2008. Le premier est un accord bilatéral de libre-échange entre le Canada et la Colombie.
L'Accord de libre-échange Canada-Colombie prévoit la libéralisation de divers types d'activités économiques, notamment le commerce de biens et de services, les investissements étrangers et les marchés publics. Les députés du Bloc et du NPD ont déjà fait remarquer combien ces échanges sont limités. En effet, le député du Bloc qui a pris la parole avant moi a mentionné que l'accord ne concerne en fait que les compagnies minières, le secteur minier et le soutien aux compagnies minières sans aucun égard au bilan actuel de la Colombie en matière de droits de la personne.
Les deux autres accords sur lesquels porte le projet de loi sont des accords parallèles à l'accord de libre-échange, soit l'Accord sur l'environnement entre le Canada et la République de Colombie et l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre la Canada et la République de Colombie.
L’Accord sur l’environnement vise à faire en sorte que chaque partie veille à observer ses propres lois sur l’environnement. Cependant, quand un pays ne dispose pas de telles lois, il lui est forcément difficile de les faire observer.
L’Accord sur le travail, quant à lui, vise à faire en sorte que le droit de chaque pays respecte les droits fondamentaux des travailleurs et soit appliqué. Ce dernier accord prévoit également la possibilité de recourir à un groupe spécial pour régler d’éventuels différends commerciaux associés à des violations répétées des obligations contractées en vertu de l’Accord sur le travail, option qu’on ne retrouve pas dans l’Accord sur l’environnement.
Le libellé de ces accords peut paraître irréprochable, mais en fin de compte, leur réussite dépendra de la façon dont ils seront mis en œuvre et exécutés. Il n’est pas question pour nous de ratifier un accord de ce genre en l'absence de l'infrastructure de base et des fondations nécessaires en vue d’atteindre le genre de résultats qu’il est censé donner.
Notre parti veut élaborer des accords de libre-échange qui favorisent la promotion du commerce équitable. De ce côté-ci de la Chambre, nous sommes en faveur de l’élimination des barrières et nous appuyons le commerce équitable plutôt que le libre-échange. Au fil des ans, nous avons vu passer toutes sortes d’accords élaborés par les gouvernements qui se sont succédé à la tête de notre pays. Je me rappelle du Parti libéral, en 1988, et de son chef à l’époque, John Turner, qui avait mené toute sa campagne électorale contre l’accord de libre-échange que le gouvernement Mulroney avait conclu avec les États-Unis, en disant qu’il l’éliminerait s’il était élu premier ministre. Bien sûr, dans leur Livre rouge de 1993, les libéraux avaient aussi annoncé qu’ils supprimeraient la TPS et qu’ils feraient bien d’autres choses, mais ils se sont empressés d’oublier tout ça après leur arrivée au pouvoir.
Pour l’heure, le Canada est partie à cinq accords de libre-échange qui ont tous fait l’objet de lois de mise en œuvre. Il y a l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis, l’Accord de libre-échange nord-américain, l’Accord de libre-échange Canada-Chili et les Accords de libre-échange Canada-Israël et Canada-Costa Rica. Les deux derniers dont nous avons été saisis récemment concernaient le Pérou et l’Association européenne de libre-échange.
Le projet de loi met en œuvre les trois accords entre le Canada et la Colombie au moyen d’un ensemble de dispositions qui constitueront une loi nouvelle, la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-Colombie. Il modifie par ailleurs certaines lois existantes, à savoir la Loi sur le tribunal canadien du commerce extérieur, la Loi sur l’arbitrage commercial, la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, la Loi sur les douanes, le Tarif des douanes, la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, la Loi sur les licences d’exportation et d’importation et la Loi sur la gestion des finances publiques.
J'ai mentionné qu'actuellement, il y a relativement peu d'échanges commerciaux entre le Canada et la Colombie. En 2008, le commerce bilatéral entre le Canada et la Colombie s'est chiffré à un peu plus de 1,3 milliard de dollars et les exportations canadiennes ont atteint 703 millions de dollars. Le Canada a surtout exporté des produits agricoles comme le blé, l'orge, les lentilles, ainsi que des produits industriels, des produits de papier et des machines lourdes. Le Canada a importé pour 643 millions de dollars de marchandises colombiennes, dont du café, des bananes, du charbon, du pétrole, du sucre et des fleurs. Cela étant dit au sujet de ces chiffres, je crois que la Colombie arrive au cinquième rang des partenaires commerciaux du Canada en Amérique latine. Elle n'est même pas l'un de nos quatre principaux partenaires commerciaux dans cette région.
Comme nous l'avons fait remarquer et continuons à faire remarquer, le projet de loi a suscité beaucoup d'attention. La raison pour laquelle des groupes et des particuliers sont opposés à la mise en oeuvre de l'accord de libre-échange est le bilan épouvantable de ce pays en matière de droits de la personne. La députée du Bloc a lu les noms de personnes qui ont été tuées et je possède également une liste similaire. Des gens sont tués quotidiennement en Colombie et le gouvernement semble ne pas tenir compte de ce fait. En fait, le président a été invité à témoigner devant le comité et les conservateurs ferment allégrement les yeux sur le bilan de ce pays, tout simplement parce qu'ils ont une vision étroite et pensent pouvoir signer ces accords de libre-échange qui vont miraculeusement améliorer le sort de tout le monde. Pourtant, cela ne marche pas. Au contraire, nous avons plutôt vu une dégradation de l'environnement en Colombie et dans d'autres pays, après la mise en oeuvre des accords de libre-échange.
C'est pour cette raison que nous avons besoin d'un accord commercial équitable. Par conséquent, je pense que nous devrions vraiment envisager une approche différente, et seulement une fois que le bilan de la Colombie en matière de droits de la personne se sera amélioré.
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Madame la Présidente, je remercie mon collègue de ses propos avisés et de ses observations.
La question des politiques commerciales qu'appliquent les pays est un peu comme celle de l'oeuf et de la poule. Lorsqu'il établit des échanges commerciaux avec les autres pays du monde, le Canada a une capacité unique en ce sens qu'il peut mettre de l'avant sa propre réputation. D'ailleurs, quand le Canada conclut une entente de libre-échange avec un pays, c'est comme s'il approuvait le rôle que joue ce pays dans la région.
Depuis de nombreuses années, la Colombie est aux prises avec des affrontements paramilitaires, une augmentation du trafic de drogue et tout ce qui s'en suit. Elle est actuellement au beau milieu d'une course à l'armement, ce que nous devons, selon moi, prendre en considération.
J'ai soulevé auprès de mes collègues libéraux de l'autre bout — qui ne semblent toujours pas en tenir compte —, le fait que, après presque deux décennies, l'Amérique du Sud est actuellement aux prises avec une recrudescence des armes. Des milliards de dollars en armes y sont expédiés, ce qui crée une situation explosive dans quelques régimes très instables, en particulier en Colombie, actuellement.
Les Colombiens qui luttent pour la paix et qui sont en quête de mesures pacifiques auprès de leurs voisins au sud et au nord s'inquiètent de voir le Canada se jeter dans la mêlée en créant un programme de libre-échange qui, de surcroît, ne fait même pas mention des armes.
Je me demande quel est l'avis de mon collègue à propos de certains libéraux. Je sais qu'ils forment une belle bande, mais ils sont une drôle de bande s'ils permettent qu'on puisse à la fois appuyer et rejeter quelque chose d'aussi explosif qu'une entente commerciale avec un pays qui souhaite conclure un marché en vue de l'achat d'armes.
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Madame la Présidente, il me fait plaisir de prendre part à ce débat extrêmement important. Avant toute chose, qu'on me permette de féliciter la députée de qui est grand-mère depuis dimanche. C'est sa première petite-fille. Je pense que ça vaut la peine d'être souligné à la Chambre. C'est une jeune souverainiste en devenir. Bravo!
Je vais maintenant parler du projet de loi. Je pense que c'est tout à fait le genre de projet de loi qui pose un problème important à la société canadienne, québécoise ou à toute société occidentale quant aux rapports qu'elle entretient avec une société en développement ayant d'importants problèmes économiques et politiques. Il pose également un problème quant à l'attitude qu'elle doit adopter dans ses rapports commerciaux qui ont des effets sur les plans politique, social, environnemental et culturel.
C'est une chose extrêmement importante que ce gouvernement nie, malheureusement. Il faut dire que les libéraux la niaient aussi à l'époque, lorsqu'ils étaient au pouvoir. Ces accords de libre-échange ont des répercussions tant sur les plans commercial et économique que social, environnemental et culturel.
À notre avis, cet accord ne contient rien qui garantisse que la population colombienne en bénéficiera. C'est vrai aussi pour le Canada et le Québec, mais dans une moindre mesure. Notre responsabilité morale est de nous assurer que les accords que le Canada négocie avec d'autres pays sont à l'avantage des deux parties. Je pense ici à la Colombie, mais la même chose peut se poser à propos du Costa Rica, avec lequel on a négocié un accord de libre-échange qui était strictement à l'avantage du Canada. Est-ce moralement acceptable pour les parlementaires d'endosser ce genre d'accord et de démarche du gouvernement canadien?
Encore une fois, les conservateurs ont pris le relais des libéraux.
Prenons par exemple la protection des investissements. Cet accord de libre-échange avec la Colombie donne des droits aux multinationales canadiennes. On dira qu'on les donne aussi aux multinationales colombiennes, mais ces multinationales existent-elles et combien font affaire avec le Canada? On leur donne le droit, comme à un État, de porter devant les tribunaux des dispositions prises par les gouvernements fédéral, provinciaux, dont celui du Québec, ou municipaux. Sur la base de cet accord, les multinationales peuvent contester la légalité de certaines décisions au nom du droit à la propriété privée, du droit au profit et à l'investissement tous azimuts.
Cette nouvelle disposition est apparue dans l'Accord de libre-échange nord-américain alors qu'on négociait avec le Mexique. Elle n'existe absolument pas dans l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Il semble qu'on ait introduit une telle disposition pour se défendre contre des formes de nationalisme économique, comme celles qu'on a connues au Mexique. C'est comme si on mettait en tutelle le gouvernement de ces pays. Je parle du Mexique, mais cela a été vrai aussi pour le Costa Rica et, maintenant, pour la Colombie.
C'est un accord totalement inadmissible et c'est pour cela qu'il y a une résistance assez forte au sein du Parlement à l'adopter sans tenir un débat de fond. Ce n'est pas que nous soyons contre la protection des investissements. Par exemple, dans les démêlés commerciaux entre Bombardier et Embraer, les règles de l'Organisation mondiale du commerce sont mises à mal. Dans un tel cas, il y a un tribunal d'arbitrage où le Canada représente Bombardier et le Brésil, Embraer. Ce n'est pas Embraer ou Bombardier qui se présente directement devant les tribunaux spéciaux s'occupant des causes liées à l'ALENA ou à cet accord pour contester une décision prise de façon démocratique et tout à fait légale pour le bien-être de la population que les parlementaires devraient représenter. Et cela, c'est sans compter le dossier tragique de la Colombie au chapitre du respect des droits de la personne.
On aura beau nous dire qu'il y a eu des améliorations, mais il y a beaucoup de chemin à faire avant qu'on puisse, comme société, s'associer impunément à ce qui se passe là-bas. Je l'ai mentionné, il y a des abus au niveau des droits de la personne. Il y a des gens qui sont soit harcelés, soit carrément tués par des organisations paramilitaires. Je peux en témoigner parce que nous avons dans la circonscription de Joliette, particulièrement autour de Joliette même, une communauté colombienne de réfugiés venus ici à cause de la situation politique en Colombie. Encore aujourd'hui, plusieurs Colombiens viennent rejoindre leur famille dans la grande région de Joliette parce que leur vie est menacée là-bas par les forces paramilitaires ou encore par les FARC. Il y une situation sur le plan des droits de la personne qui n'est absolument pas compatible avec l'État de droit que le Canada devrait mettre de l'avant sur le plan international.
Les droits des travailleurs, le droit à la syndicalisation, le droit d'association, le droit de grève, le droit à la libre négociation, rien de cela n'est respecté en Colombie. Je peux en témoigner moi-même puisque, comme secrétaire général de la CSN, j'ai eu, pendant de nombreuses années, à travailler avec des syndicalistes colombiens qui voyaient leur vie menacée. Il y a des gens qui sont venus au Canada et au Québec pour témoigner de la situation d'abus dans laquelle se trouvait le monde du travail et qui, de retour chez eux, ont malheureusement été soit encore une fois victimes de harcèlement ou, pire, carrément assassinés. On ne peut pas accepter cela.
On parle de déplacements de populations. Là encore, malheureusement, certaines entreprises canadiennes ont des responsabilités qu'elles ne prennent pas. Elles sont coupables de certains déplacements de populations, en particulier, de populations autochtones.
Le gouvernement nous répond, comme le faisait d'ailleurs les libéraux, qu'on a des accords parallèles sur l'environnement et sur le travail. Ces accords, qui existent depuis la signature de l'ALENA, ont été repris pour les accords de libre-échange avec le Chili, le Costa Rica. Ils n'ont aucune nature contraignante et n'ont pas apporté d'améliorations substantielles sur le plan des droits du travail, des droits environnementaux et, plus généralement, des droits de la personne. Cela prend une intégration de certaines dispositions dans l'accord de libre-échange ou un éventuel accord de libre-échange avec la Colombie. Il faut rendre conditionnels les avantages prévus à l'accord au respect des grandes conventions internationales de l'Organisation Internationale du Travail, des grandes ententes sur le plan environnemental et au respect des droits de la personne.
Tout cela est absent de ce traité. Je pense que cela vient, en grande partie, de l'indifférence du gouvernement, de l'insensibilité des conservateurs à ce que sont les droits de la personne. Quand on pense que le secrétaire parlementaire du est allé dire que si la Cour suprême décidait que la Cour fédérale avait raison et qu'il fallait que le gouvernement canadien prenne toutes les dispositions nécessaires pour rapatrier le jeune Omar Khadr — et je le rappelle, c'est un enfant soldat arrêté à l'âge de 15 ans et qui vit depuis ce temps à Guantanamo —, il n'était pas sûr que le gouvernement allait respecter la décision de la Cour suprême. Quand c'est rendu que le gouvernement conservateur — parce que dans ce cas-ci, c'est de lui dont il s'agit — nous annonce à l'avance qu'une décision de la Cour suprême ne sera peut-être pas respectée, on est dans le trouble.
Ce n'est pas le seul dossier où les conservateurs méprisent les règles. Je pense par exemple à la situation qui se vit actuellement avec le directeur général des élections où, suite à l'interprétation du directeur général des élections, qui est l'arbitre des règles démocratiques sur le plan électoral, le Parti conservateur décide de lui intenter une poursuite. On poursuit l'arbitre. On n'est pas d'accord avec sa décision, donc on intente une poursuite. Je pense aussi aux nominations partisanes et à l'utilisation des fonds publics à des fins de propagande conservatrice.
J'ai pu moi-même voir dans la circonscription de Rivière-du-Loup—Kamouraska—L'Islet—Montmagny — je l'ai dit à l'envers, mais c'est la même circonscription — des tactiques qu'on ne croyait plus qu'elles existaient sur le plan électoral. Il y a eu des annonces bidon faites par des ministres conservateurs et l'utilisation de certains moyens de façon douteuse. Je pense à des publicités faites aussi bien à la radio que dans les maisons. De plus, le jour de l'élection, étrangement, il y avait un message qui circulait auprès des sympathisants du Bloc québécois qui créait une confusion certaine.
Je ne dis pas que ce sont les conservateurs, mais comme disait Sherlock Holmes, et je termine avec cela: « À qui profite le crime? ». À qui a profité le crime qui s'est passé le 9 novembre dans Rivière-du-Loup? Je donne le choix de la réponse.
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Madame la Présidente, je remercie ma collègue de sa question. Cela me permet de parler un peu plus avant des droits fondamentaux qui sont bafoués en Colombie. S'il adopte un accord de ce type, le gouvernement canadien sera complice du fait que l'on bafoue les droits de la personne, les droits du travail, les droits environnementaux et les droits culturels.
Il ne faut pas être dupe. Les populations canadienne et québécoise ne sont pas dupes. La série de lois proposées par le gouvernement conservateur relève d'une opération de relations publiques et de poudre aux yeux. Lorsque l'on creuse un tant soit peu, on réalise que la plupart de ces projets lois traitent d'éléments qui existent déjà dans le Code criminel ou comportent des modifications qui n'auront aucun effet sur la prévention du crime.
Pendant que ce gouvernement mène cette opération de relations publiques, il encourage ses députés à voter en faveur d'éléments qui mènent au démantèlement du Registre canadien des armes à feu, un instrument qui, selon les policiers, les intervenants et les criminologues, est essentiel à la prévention du crime.
Je rappellerai qu'à trois reprises, l'Assemblée nationale du Québec a voté unanimement une motion demandant le maintien intégral du Registre canadien des armes à feu. Il y a une incohérence dans la position du gouvernement. Or l'accord de libre-échange avec la Colombie fait preuve de la même incohérence. D'une part, on a un discours très généreux, mais en réalité, ce qui compte, c'est d'abord les grands lobbys, comme en matière d'environnement: le pétrole, les minières et un certain nombre de compagnies canadiennes qui opèrent à l'étranger. On leur donne les coudées franches, et cela se fait au prix de l'abandon des grandes positions que le Canada a pu prendre au cours de l'histoire.
Je terminerai en donnant l'exemple du Protocole de Kyoto. Le Canada a apposé sa signature au bas dudit protocole, mais ce gouvernement a renié la signature du Canada, des Canadiens. À mon avis, sur la scène internationale, l'image du Canada en a pris pour son rhume.
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Madame la Présidente, j'aimerais souligner quelques points.
Tout d'abord, je suis persuadé que tous les députés reconnaissent que si le projet de loi d'initiative parlementaire était adopté à la Chambre, il fournirait le cadre nécessaire pour établir que les entreprises qui font des affaires à l'extérieur du pays devraient respecter les lignes directrices internationales visant la protection des droits de la personne, ainsi que des normes commerciales éthiques. J'aimerais d'ailleurs que ce projet de loi soit déjà en vigueur, ce qui faciliterait ce débat pour bon nombre de personnes.
Dans ce débat, nous présumons que le libre-échange mènera à une plus grande influence sur la situation des droits de la personne en Colombie. C'est un espoir. C'est une présomption. Il n'y a pas de garantie, mais c'est une possibilité qui permettrait d'aller dans la bonne direction.
Toutefois, d'autres pays connaissent les faits et retirent leur appui au régime colombien. Le Royaume-Uni vient de suspendre son aide militaire à ce pays à cause des crimes systémiques commis contre le peuple colombien, et le Canada n'est donc pas le seul pays à se demander quoi faire. Il est évident que s'il n'y avait pas de problèmes au niveau des droits de la personne, l'entente commerciale entraînerait des avantages bilatéraux. Cette entente est utile et si le Canada en était signataire, cela aiderait certainement.
J'ai mentionné plus tôt le rapport de 2009 d'Amnistie Internationale sur les Amériques. Permettez-moi de lire un extrait du chapitre intitulé « Insécurité ». Voici:
En Colombie, de nombreuses atteintes aux droits humains (y compris des homicides et des disparitions forcées) commises dans le cadre du conflit armé qui déchire le pays visent à déplacer les populations civiles de zones revêtant une importance particulière au plan économique ou stratégique. Un grand nombre de communautés indigènes vivent dans des régions riches en ressources naturelles, notamment minières, sur des terres qui leur appartiennent légalement et collectivement. Ces populations sont régulièrement victimes d’agressions qui s’inscrivent dans une stratégie destinée à les faire fuir, afin d’ouvrir la région à un développement économique à grande échelle.
L'organisme analyse la question, mais il est catégorique quant à la nécessité d'adopter des mesures telles que le projet de loi , faisant valoir que ces déplacements représentent aussi une forme d'atteinte aux droits de la personne. Nous devons régler cette question.
Enfin, pour ajouter au débat, j'aimerais lire des extraits d'une lettre ouverte que des membres de la Chambre des représentants de la Colombie, émanant de Bogota, ont adressée au Parlement du Canada. Ils tenaient à nous faire connaître leur opinion en tant que législateurs. Voici ce qu'ils nous ont dit:
D'abord, nous désirons vous informer du fait que [...] que le contrôle politique du gouvernement et de l'administration nous incombe. Il nous appartient également, en faisant adopter une loi, d'approuver ou de rejeter les accords que le gouvernement désire conclure avec d'autres États.
En tant que membres de l'organe législatif national et représentants du peuple colombien, nous considérons l'Accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie comme un facteur important de stabilité et de transparence dans le commerce et les investissements, ce qui créera de l'emploi, favorisera l'amélioration des conditions de vie de nos concitoyens et barrera la route au trafic de stupéfiants.
Je crois qu'en nous donnant leur point de vue les membres de la Chambre des représentants de la Colombie nous montrent leur force. Il n'existe pas de solution simple à un problème quand on pense qu'on viole les droits de la personne aux quatre coins de la planète. Nous pourrions examiner la situation dans d'autres pays, et selon moi il faudrait probablement inclure la Chine et d'autres pays qui sont nos partenaires commerciaux et avec lesquels nous ne cessons pas d'explorer des possibilités d'échanges commerciaux.
Nous ne sommes pas que des boy-scouts. Notre identité et nos valeurs font du Canada un modèle pour le monde. La Chambre des représentants de la Colombie va jusqu'à dire que la Colombie doit être davantage comme le Canada. Elle comprend. Il faut stimuler les échanges commerciaux et accroître le libre-échange entre nos deux pays afin de protéger les droits dans un esprit de collaboration. Cela signifie qu'il faut travailler ensemble.
Dans la lettre, on mentionne également que l'accord commercial comporte un chapitre sur le renforcement de la capacité commerciale et des éléments fondamentaux pour garantir qu'il a été tenu compte des avantages et des possibilités offerts par l'accord et par les deux accords parallèles en vue de l'accroissement du libre-échange.
Il y a également un accord sur la collaboration dans le domaine environnemental où les parties s'engagent à souscrire au développement durable et à se soutenir mutuellement dans l'adoption de pratiques écologiques dans les politiques commerciales. Il y a aussi un accord de collaboration dans le domaine de la main-d'oeuvre qui prévoit l'adoption effective des droits fondamentaux des travailleurs et des lois internationales.
Je me suis personnellement beaucoup inquiété de la situation des droits de la personne en Colombie et je me suis demandé si nous pouvions faire quelque chose de constructif et de positif. Demander une évaluation de la situation des droits de la personne en Colombie est inutile. Il est clair qu'il y a des problèmes en Colombie. Cependant, avec le projet de loi , nous avons le moyen d'affirmer que les entreprises canadiennes présentes à l'étranger doivent adopter un comportement éthique. De plus, la Chambre des représentants de la Colombie a affirmé qu'elle comprenait les problèmes et qu'elle ne les niait pas.
Il est vrai qu'il y a en Colombie des atteintes aux droits de la personne, mais après avoir évalué la situation sous tous ses angles et en dépit de ma grave inquiétude au sujet de ces atteintes aux droits de la personne en Colombie et ailleurs dans le monde, je crois que la seule mesure positive que le Canada peut prendre, c'est d'être là et de montrer comment on peut faire des affaires à l'étranger en respectant les règles d'éthique.
Cela étant dit, je ne peux pas avoir le beurre et l'argent du beurre, mais je crois que nous devons adopter une attitude constructive et responsable et apporter ce que nous pouvons de positif dans nos relations avec la Colombie. Par conséquent, j'ai décidé d'appuyer le projet de loi.
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Madame la Présidente, en tant que porte-parole du Bloc québécois en matière de droits de la personne, je suis très heureuse de prendre la parole aujourd'hui sur un sujet aussi important que le projet de loi concernant l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie.
Ce n'est pas la première fois que mes collègues du Bloc québécois et moi-même nous levons en cette Chambre pour dénoncer l'entêtement du gouvernement conservateur à favoriser l'industrie sans tenir compte des droits des travailleurs et même faire fi des droits humains. On n'a qu'à penser au programme d'assurance-emploi qui, au cours des dernières années, est devenu une taxe supplémentaire imposée aux travailleurs et aux employeurs. Pensons aussi au projet de loi qui vise à abolir l'obligation d'enregistrer les armes longues au registre canadien des armes à feu, aux compagnies minières qui ignorent les droits de l'homme lorsqu'elles sont à l'extérieur du Canada, au non-respect des droits d'Omar Khadr et à la question du retour de Nathalie Morin et de ses enfants d'Arabie Saoudite. Je dois m'arrêter à ces quelques exemples, car la liste est beaucoup trop longue et le temps qui m'est alloué est beaucoup trop court.
Dans un communiqué diffusé le 9 juin 2009 et signé par un regroupement important d'organismes québécois et canadiens de défense des droits humains, dont la Ligue des droits et libertés, on peut lire l'indignation de ces groupes quant à l'engagement cynique du gouvernement canadien pour les droits de la personne.
Le gouvernement conservateur a rejeté totalement ou partiellement 29 des 68 recommandations qui lui ont été adressées par les membres du Conseil des droits de l'homme, dont les plus significatives. En agissant de la sorte, le gouvernement canadien a démontré, encore une fois, sa complaisance, voire son mépris envers les obligations qu'il a contractées en vertu de différents traités internationaux auxquels il a adhéré.
Il ne fait aucun doute que les valeurs sociales ne font pas partie des priorités des conservateurs, et encore moins de leurs préoccupations. Par contre, soutenir les entreprises trône au sommet de leur idéologie, au mépris des droits de l'homme et, souvent, de l'environnement.
Le projet de loi , soit l'Accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie, est une preuve supplémentaire de la triste réalité que démontre le gouvernement conservateur. Pour lui, l'argent vaut bien plus que le sort humain. Signer un tel accord, c'est aussi cautionner les injustices sociales qui se déroulent en Colombie.
Pourquoi ratifier un tel accord, alors qu'on sait très bien que la Colombie présente l'un des pires bilans d'Amérique latine en termes de droits de la personne? Lors de son passage au Comité permanent du commerce international, Pascal Paradis, d'Avocats sans frontières, affirmait que l'ONU et l'Organisation des États américains jugeaient que la pire crise humanitaire se déroulait toujours en Colombie.
De nombreux groupes de défense des droits de la personne se soucient des liens qui peuvent exister entre le gouvernement colombien et les organismes paramilitaires qui sont responsables de la plupart des violations. Le taux d'impunité qui règne en Colombie amène ces groupes des droits de la personne à croire qu'il existe bel et bien collusion entre la classe politique colombienne et les paramilitaires. Les chiffres parlent d'eux-mêmes.
En 2008, les crimes commis par les groupes paramilitaires ont grimpé de 41 p. 100, en comparaison de 14 p. 100 l'année précédente. La proportion de crimes commis par les forces de sécurité de l'État a pour sa part grimpé de 9 p. 100, ce qui est inadmissible. Malgré la hausse des crimes commis, l'impunité demeure: seulement 3 p. 100 des crimes commis ont abouti à une accusation.
Plus de 30 membres du Congrès sont en état d'arrestation en Colombie, parmi lesquels des membres de la famille immédiate du président, et plus de 60 font l'objet d'une enquête quant à leurs liens avec les paramilitaires.
Les conservateurs radotent que la situation des droits de la personne s'est grandement améliorée, mais il faut faire attention. Elle est moins catastrophique, mais il faut aussi constater qu'elle est loin d'être idéale.
Permettez-moi de donner encore quelques statistiques. Depuis 1986, 2 690 syndicalistes ont été assassinés. Si les meurtres de syndicalistes ont connu une certaine baisse depuis 2001, ces assassinats ont repris depuis 2007. Cette année-là, il y a eu 39 meurtres de syndicalistes et 46 en 2008, ce qui représente une hausse de 18 p. 100 en seulement une année.
Selon Mariano José Guerra, président régional de la Fédération nationale des travailleurs et des travailleuses du secteur public de Colombie, « des milliers de personnes ont disparu et la persécution syndicale se poursuit. »
Nul besoin de dire à quel point la Colombie est l'un des pires endroits au monde quant au respect des droits des travailleurs. Les syndicalistes sont ciblés en raison de leurs activités. Ils sont victimes de menaces, d'enlèvements et de meurtres.
De ce côté-ci de cette Chambre — ou plutôt de cette partie de cette Chambre, parce que je suis abasourdie de voir les libéraux cautionner ce genre d'entente —, on s'explique mal pourquoi les conservateurs, avec l'appui des libéraux, s'obstinent à négocier un accord avec la Colombie quand on sait que les syndicats sont plus que souvent la cible de violence dans ce pays.
Une autre problématique à laquelle fait face la population colombienne est le déplacement de la population. Bien que le gouvernement colombien affirme que ces déplacements internes ont chuté de 75 p. 100, ce chiffre est contredit par plusieurs. Le Département d'État américain et Amnistie internationale affirment que plus de 305 000 personnes ont été déplacées en 2007. En 2008, ce sont plus de 380 000 personnes qui ont dû fuir leur résidence et leur milieu de travail en raison de violences.
Toujours en Colombie, le Centre for Human Rights and the Displaced a affirmé qu'il y aurait eu une hausse de 25 p. 100 en 2008 en ce qui a trait au nombre de déplacements de population. Depuis 1985, ce serait plus de 4,6 millions de personnes qui auraient été obligées de quitter leur résidence et leurs terres. Je parle de leurs terres car, effectivement, les droits des agriculteurs et agricultrices en Colombie sont également très menacés. Je suis très inquiète de cette situation, moi qui représente une circonscription qui vit grandement de l'agriculture.
En terme de proportions, on estime le nombre de personnes qui ont été déplacées en Colombie à plus de 7 p. 100 de la population. Chaque jour, 49 nouvelles familles arrivent à Bogota. Les autochtones représentent 4 p. 100 de la population colombienne, mais représentent plus de 8 p. 100 de la population déplacée.
Lorsqu'on regarde ces chiffres, il est difficile de ne pas s'inquiéter de l'impact qu'aurait un accord de libre-échange avec la Colombie. Les déplacements économiques sont de plus en plus nombreux. Les petits agriculteurs de subsistance et les petits mineurs sont parfois forcés de quitter leurs terres en faveur de grosses sociétés agroalimentaires ou minières, ce que favoriserait considérablement cet accord. La situation est loin d'être acceptable quand on sait que pour arriver à leurs fins, les responsables de ces déplacements utilisent des moyens de pression, des menaces, des meurtres et des inondations de terres.
Nous, au Bloc québécois, nous ne sommes pas contre le commerce, mais pas à n'importe quel prix. Il faut privilégier une mondialisation équitable. Dans le cas qui nous préoccupe, aucune mesure significative n'a été avancée dans les accords commerciaux afin d'y inclure des clauses prévoyant le respect de standards internationaux en termes de droit du travail, de respect de droits de la personne ou de l'environnement. Il est à se demander si la principale motivation du gouvernement conservateur n'est pas d'investir plutôt que d'aborder tout ce qui a trait aux droits de la personne.
En tant que porte-parole de mon parti en matière des droits de la personne, je suis grandement inquiète de la situation.
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Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir dans ce débat sur l'accord de libre-échange Canada-Colombie. Dès le départ, ce débat a clairement mis en évidence une sérieuse lacune dans la démarche du gouvernement en matière de commerce international.
Je félicite mon collègue néo-démocrate de Burnaby de mener l'opposition à ce projet de loi. Je remercie aussi les députés du Bloc québécois de nous appuyer sans relâche. J'ai été profondément ému ce matin d'entendre la députée de Laval parler avec autant d'éloquence et de passion de la situation en Colombie. Elle a mis un nom et une voix sur ceux qui ont été assassinés par un régime profondément répressif. En appuyant directement ou indirectement les paramilitaires, ce régime a fait assassiner des milliers de civils, dont de nombreux militants syndicaux. Selon l'Organisation internationale du travail, au cours des 10 dernières années, 60 p. 100 de tous les syndicalistes assassinés dans le monde l'ont été en Colombie.
Il faut bien souligner que le président Uribe a été accusé par des organisations de défense des droits de l'homme de corruption, de fraude électorale, de complicité dans des assassinats extrajudiciaires par l'armée, de liens avec les paramilitaires et les escadrons de la mort de droite et d'utilisation de ses propres forces de sécurité pour espionner la Cour suprême de la Colombie, des politiciens de l'opposition et de la majorité et des journalistes. De nombreux membres de son gouvernement, y compris des ministres, et des membres de sa propre famille ont dû démissionner ou ont été arrêtés.
Ce régime est qualifié de paria par de nombreux pays à cause de la façon dont il traite son peuple et ne tient aucun compte des intérêts de ses citoyens. Donc, en concluant cette entente, le Canada cautionne en fait la démarche de M. Uribe et de son régime en Colombie.
D'autres députés, notamment le député libéral de , ont prétendu que c'était une bonne entente parce qu'elle allait non seulement écarter toute possibilité de protectionnisme mais aussi faire progresser les droits de la personne. C'est un argument qui ne tient pas la route. Il n'existe aucun précédent d'accord de libre-échange qui ait entraîné des améliorations des droits de la personne. Ce qu'il faut, c'est une entente apportant la garantie que des mesures importantes vont être prises pour renverser la vapeur en Colombie et que le gouvernement cessera d'appuyer le genre d'activité qui y est perpétré.
Le NPD n'a rien contre les échanges commerciaux ni contre un régime qui pratique un commerce équitable. Nous serions favorables à un accord commercial qui impose, comme condition préalable, le plein respect des droits de la personne. L'absence d'une telle condition est une lacune fondamentale de l'accord de libre-échange Canada-Colombie. Cet accord ne fait que donner l'impression qu'on se préoccupe des graves dommages qu'il pourrait provoquer en Colombie en ce qui a trait aux droits de la personne, puisqu'il admet la légitimité d'un régime dangereux et violent impliqué dans l'assassinat de certains de ses citoyens.
On dit qu'une fois que le gouvernement Uribe aura eu le libre-échange en cadeau, plus rien ne l'incitera à améliorer le respect des droits de la personne dans son pays. Cet accord ne comporte aucune mesure fondamentale de protection des droits de la personne. En fait, l'accord parallèle sur les droits des travailleurs prévoit simplement le versement de 15 millions de dollars à un fonds international. Ce n'est certainement pas une mesure à la hauteur de la situation désespérée que l'on constate en Colombie.
Non seulement de graves violations des droits de la personne sont commises dans ce pays, mais près de 3 000 syndicalistes y ont été assassinés depuis 1986. Seulement cette année, on a identifié 34 syndicalistes assassinés en raison de leur militantisme.
On dénombre en Colombie près de quatre millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays, et 60 p. 100 d'entre elles viennent de régions où se trouvent des exploitations agricoles, minières ou autres. Des entreprises privées et leurs défenseurs au sein du gouvernement et du Parlement forcent les gens à quitter leur foyer. Le gouvernement de la Colombie et ses partenaires commerciaux appuient cette forme de développement économique. Le Canada a l'intention d'appuyer ce régime, mais nous ferons tout ce que nous pouvons pour l'en empêcher. Nous espérons que les députés, qui auront suivi le débat, écrit à leurs électeurs sur la question et pris connaissance de leurs réactions, et entendu les arguments du Congrès du travail du Canada et d'autres organismes, changeront d'idée et d'attitude à l'égard de cette mesure législative.
Comme l'a fait ma collègue du Bloc québécois un peu plus tôt, je veux nommer quelques-unes des personnes qui ont été tuées en Colombie au cours des derniers mois: Rodriguez Garavito, un enseignant et militant syndical d'Arauca, a été assassiné le 9 juin; Carbonell Pena Eduar, du syndicat des instituteurs et professeurs, a été kidnappé à son lieu de travail et assassiné; Ramiro Israel Montes Palencia, un membre de l'association des enseignants de Cordoba, a été arrêté sur la route par deux hommes non identifiés qui l'ont tué. Il y aussi Cortes Lopez Zorayda, activiste du syndicat des enseignants, qui a été assassiné la semaine dernière, le 13 novembre, par deux hommes armés chevauchant une motocyclette.
Cette violence perpétrée à l'endroit des syndicalistes et des militants est omniprésente, semaine après semaine, mois après mois, depuis des années. Pourtant, le gouvernement conservateur propose de conclure un accord de libre-échange avec le gouvernement colombien et son régime. Notre relation commerciale avec la Colombie n'est même pas importante. En effet, la Colombie vient seulement au cinquième rang de nos principaux partenaires commerciaux d'Amérique latine.
Pourquoi le gouvernement juge-t-il qu'il est pertinent de conclure cet accord avec le régime colombien, surtout quand on sait que cet accord viendra appuyer, ratifier et encourager l'action de ce régime envers son peuple? Nous ne souhaitons pas que le Canada projette ce genre d'image sur la scène internationale. Nous souhaitons que le Canada fasse vigoureusement la promotion des droits de la personne. Nous ne souhaitons pas que le Canada aide les pays qui agissent négativement envers leurs citoyens. Nous souhaitons que le Canada prenne des mesures importantes pour prendre ses distances par rapport aux activités de ce genre. En fait, de nombreux groupes internationaux le tiennent responsable de cette situation.
Il est stupéfiant de constater que le Parti conservateur et le Parti libéral du Canada appuient le projet de loi, l'accord de libre-échange et le gouvernement colombien, qui agit de façon si négative contre sa population et qui tolère et encourage, directement et indirectement, le genre d'activités dont il a été question au cours de ce débat.
Le présent débat revêt une importance considérable. Le Congrès du travail du Canada a exposé des objections substantielles devant le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes au sujet de cet accord. Voici un extrait du témoignage présenté par cette organisation:
L'Accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie n'a pas été rédigé dans l'optique de protéger les droits des travailleurs et les droits de la personne. C'est plus qu'un accord « commercial ». Il s'agit d'un accord sur le commerce et l'investissement fondé sur l'appui tacite du Canada à l'égard d'un programme en matière de sécurité qui défend les industries extractives, les cartels de la drogue et les forces de sécurité interne de la Colombie.
Il s'agit d'une déclaration très musclée de la part de l'organisation qui représente tous les travailleurs syndiqués du Canada. Cet accord ne représente un choix judicieux ni pour le Canada, ni pour la Colombie. Il ne sert pas non plus l'économie mondiale, ce qu'a malheureusement dit le .
Cet accord pose un problème de taille. Le gouvernement du Canada appuie tacitement le gouvernement de la Colombie. Or, les Colombiens vivent dans la peur à cause des opérations des paramilitaires et des agences de sécurité privées et des tueries commises par des gangs criminels ou mafieux qui s'en prennent aux gens qui tentent de faire changer les choses et d'améliorer leur sort et celui de leurs concitoyens. Ce sont notamment les syndicalistes qui visent cet objectif d'amélioration.
Le gouvernement colombien s'attaque aux défenseurs des droits de la personne et aux syndicalistes qu'il qualifie de terroristes. Voilà le nouveau qualificatif qu'on utilise pour blâmer. On invoque dorénavant le prétexte du terrorisme pour justifier des assassinats, des enlèvements et des attaques contre des gens qui ne cherchent pourtant qu'à améliorer le sort des travailleurs, de leurs concitoyens et de la Colombie en général.
Je serais heureux de répondre à des questions et observations, mais je soutiens qu'il faut s'opposer à cet accord et c'est précisément ce que nous faisons.
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Monsieur le Président, il y a un vif débat sur le sujet. Selon notre perception et selon les lunettes qu'on porte sur les conditions de vie en Colombie, on peut constater que du côté du gouvernement, tout semble rose en Colombie. Concernant ce projet de loi qui est débattu et qui vise à mettre en oeuvre l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie, c'est plus précisément l'amendement du Bloc québécois qui fait que le débat rebondit ici en cette Chambre.
Nous regardons ce projet de loi et trouvons qu'il faut refuser de l'adopter en deuxième lecture. Le gouvernement a conclu cet accord alors même que le Comité permanent du commerce international était en train d'étudier la question. Il a démontré un mépris envers les institutions démocratiques.
Cette semaine, Le Devoir publiait un long article de Manon Cornellier dénonçant une crise de la démocratie au Parlement. L'article disait que: « [...] les comités n'ont plus la cote et les débats sont ignorés. Négligé, méprisé, le Parlement en arrache. » Je pourrais parler longuement au sujet de ce manque de démocratie depuis que les conservateurs sont au pouvoir.
On sait très bien qu'il est difficile de garder une certaine démocratie et un certain respect de l'opposition. Mais depuis que les conservateurs ont été élus, cela s'est vraiment intensifié. Le travail en comité n'est plus ce qu'il était. Il a même empiré en ce qui a trait au travail des parlementaires.
Pendant que le comité était en train de se pencher sur le dossier de l'entente avec la Colombie, le gouvernement a fait fi du travail des parlementaires ainsi que des institutions démocratiques. C'est une des raisons pour lesquelles nous nous opposons à ce projet de loi. Si on n'est pas capables de démontrer au monde que nous avons un Parlement élu démocratiquement, que des voix contraires s'expriment et qu'on fait fi du travail des parlementaires, comment peut-on avoir confiance dans les lois qu'on veut adopter, surtout quand ces lois auront des conséquences graves sur la Colombie?
Alors que planait la possibilité de la signature d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie, le Comité permanent du commerce international s'est penché sur la question et s'est rendu, à cet effet, en Colombie. Il est allé en Colombie afin d'y rencontrer des représentants du gouvernement, des gens de la société civile, des syndicats et des gens qui travaillent pour des groupes de défense des droits de la personne. Ce comité devait produire un rapport contenant des recommandations à l'intention du gouvernement quant à la conclusion d'un éventuel accord de libre-échange avec la Colombie.
Or, il n'était même pas de retour de son voyage que déjà le gouvernement avait terminé ses négociations avec la Colombie et était prêt à conclure une entente. Le comité a tout de même produit un rapport. Bien sûr, le gouvernement n'a pas tenu compte des recommandations du rapport. Maintenant, même les libéraux se défilent malgré le fait qu'ils étaient en accord avec ces recommandations. Je le dis parce qu'il était déjà difficile de garder un certain respect pour le travail en comité, mais cela s'est intensifié avec la venue des conservateurs.
Une deuxième raison soulevée par le Comité permanent du commerce international est à la base même de l'opposition du Bloc québécois à la conclusion de cette entente. Il importe de dire que nos inquiétudes sont partagées par plusieurs groupes de pression, notamment des groupes de défense des droits de la personne ici au Canada et au Québec, mais aussi en Colombie. J'aimerais en citer quelques-uns. Par exemple, ici au Canada, il y a Amnistie internationale, Développement et Paix, le Conseil canadien pour la coopération internationale et le Congrès canadien du travail. Plusieurs syndicats se sont aussi prononcés contre cet accord.
En Colombie, on retrouve l'Organisation nationale des indigènes de Colombie, l'Organisation populaire féminine, le Coordonnateur national agraire, le Mouvement des chrétiens pour la paix avec justice et dignité, le mouvement national pour la santé et la sécurité sociale, le mouvement afro-américain des traces africaines, le processus des communautés noires — Black community process — ainsi que la COMOSOC, un regroupement d'organismes colombiens.
Comme on peut le constater, le comité a entendu plusieurs témoins qui l'ont éclairé sur cette entente et sur le fait qu'elle soulevait plusieurs questions. Par exemple, elle ne permettrait pas d'améliorer les conditions de vie des Colombiens si un investisseur canadien se trouvait floué.
On peut comprendre qu'on veuille mettre en place des mesures pour protéger les investissements des compagnies canadiennes ou québécoises. Cependant, si un investissement était menacé par des décisions gouvernementales qui ne permettraient pas à la compagnie de faire autant de profits qu'elle le souhaiterait, celle-ci pourrait alors réclamer des dédommagements et se faire entendre des tribunaux.
Par conséquent, selon l'étude qu'a faite le Bloc québécois, ce projet de loi est très désavantageux pour les conditions de vie des Colombiens.
En outre, la Colombie n'est pas un des principaux partenaires commerciaux du Canada. On se demande pourquoi le gouvernement veut aller de l'avant si rapidement avec cet accord. Les importations étaient de 644 millions de dollars en 2008, et les exportations, d'une valeur de 704 millions de dollars pour la même année. Les échanges commerciaux entre les deux pays sont visiblement très limités. Par conséquent, on veut protéger les investissements et les transactions d'affaires qui se font entre la Colombie et les investisseurs canadiens. On voit que la hauteur des investissements ne suit pas la logique de l'application de cette loi qui concerne la Colombie.
La majorité de ces investissements se font dans le secteur minier et celui de l'industrie extractive. Il est important de considérer cette donnée si on veut mesurer l'importance de la clause de protection des investisseurs contenue dans l'accord de libre-échange entre la Colombie et le Canada. On veut d'abord faciliter la vie des investisseurs miniers en Colombie. Il faut bien comprendre que l'incorporation d'une clause de protection des investisseurs dans accord de libre-échange est normale — le Bloc en convient —, de façon à créer un environnement prévisible pour l'investisseur afin d'éviter qu'il soit dépossédé de son bien ou qu'il y ait nationalisation sans compensation.
Le Bloc québécois est très conscient de cet enjeu pour les investisseurs. Or il y a eu une dérive à ce sujet. Le Canada intègre dans les accords de libre-échange qu'il négocie un chapitre de protection des investisseurs calqué sur le chapitre 11 de l'ALENA. Que prévoit ce chapitre 11 de l'ALENA? Les investisseurs étrangers peuvent s'adresser eux-mêmes aux tribunaux internationaux, passant outre les gouvernements. La notion d'expropriation y est tellement vaste que toute loi qui aurait pour effet de diminuer les profits d'un investisseur peut équivaloir à une expropriation et générer une poursuite. Le montant de la poursuite n'est pas limité à la valeur de l'investissement, comme je le disais tout à l'heure, mais inclut l'ensemble des profits potentiels dans l'avenir, ce qui est complètement abusif à notre avis. Ainsi, dès qu'une loi diminue les profits d'un investisseur étranger, le gouvernement du pays où se font ces investissements s'expose à des poursuites faramineuses.
On voit bien là l'intention du gouvernement conservateur par rapport à cette entente. Sous les libéraux, la pratique d'intégrer aux accords de libre-échange bilatéraux une clause de protection des investissements calquée sur celle du chapitre 11 de l'ALENA, ce qui répond clairement aux demandes des multinationales, était devenue monnaie courante. C'est pour cela que j'ai dit tout à l'heure qu'on pensait que les libéraux allaient nous appuyer et ne pas donner leur accord, mais on voit bien qu'ils reviennent à leurs anciennes habitudes et qu'ils sont peut-être maintenant prêts à reconsidérer leur façon de voter sur ce projet de loi.
En Colombie, 47 p. 100 de la population vit sous le seuil de la pauvreté, et 12 p. 100 dans la pauvreté absolue. Le taux de chômage est le plus élevé en Amérique latine. Au lieu de mettre des lunettes roses comme l'a fait tout à l'heure le ministre qui a pris la parole pour le gouvernement conservateur, si on regarde les conditions de vie des Colombiens, tout nous porte à croire que ce gouvernement se fout bien de la façon dont les gens vivent ailleurs et de la façon dont on pourrait améliorer leurs conditions de vie.
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Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir l'occasion, à mon tour, de me prononcer sur le projet de loi qui est actuellement à l'étude à la Chambre. Je suis contente d'avoir l'occasion d'exprimer moi aussi mon désaccord, qui trouve son fondement principal dans les questions relatives aux droits humains, comme nous l'avons suffisamment répété depuis quelques semaines.
Comme dans toute chose, avant de prendre une décision, il importe de soupeser les pour et les contre, les arguments favorables et défavorables, et, ensuite, de faire intervenir les nuances fines qui échappent aux arguments primaires. Ce n'est pas par obstination idéologique que le Bloc québécois s'est opposé à ce projet de loi. Je connais bien le porte-parole du Bloc québécois en matière de commerce international: c'est un homme sérieux qui ne saurait laisser son travail parlementaire être teinté ou, devrait-on dire, empoisonné par des carcans idéologiques restrictifs et contraignants. Je peux donc avancer avec assurance que la position de notre parti concernant le projet de loi aujourd'hui à l'étude est bien davantage le fruit d'une mûre réflexion que celui d'un entêtement irrationnel, ce que certains parlementaires n'ont pas manqué de laisser entendre, dans leur élan habituel de basse partisanerie.
Il faut avoir la vue bien courte pour ne pas réaliser que la position que nous défendons est d'ailleurs partagée par des dizaines d'organismes, notamment des syndicats, des groupes de défense des travailleurs et des travailleuses, ainsi que des groupes qui luttent pour le respect des droits humains, tant au Canada qu'en Colombie. « Nous ne sommes pas seuls », disait le poème de Michèle Lalonde, « we are not alone ». Nombreux sont ceux qui croient, comme nous, que de voter en faveur du projet de loi serait « se tirer dans le pied », et ce, pour plusieurs raisons.
En effet, l'accepter, c'est entériner des manquements graves, très graves aux droits de l'homme, à leurs droits sociaux, économiques et même à leurs droits les plus fondamentaux. Les exemples ici sont légion.
Par exemple, depuis 1986, on estime que près de 2 700 syndicalistes ont été assassinés. En 2007 uniquement, ce sont 38 syndicalistes qui ont trouvé la mort à cause de leur engagement.
Selon l'Institut national d'études démographiques français, en 2000, la Colombie détenait la palme internationale, et haut la main, du taux de mortalité violente par 100 000 habitants. Il se chiffrait à 60,8 morts violentes par 100 000 habitants, loin devant la Russie, bonne deuxième, qui affichait un taux de 28,4 homicides par 100 000 habitants.
À titre de comparaison, la même année, au Canada, ce taux était de 1,78 par 100 000 habitants. On parle donc ici d'un taux 34 fois supérieur à celui du Canada.
Prétendre qu'un traité peut améliorer les conditions humanitaires est complètement illusoire. C'est plutôt le contraire qui devrait se produire, à savoir que l'amélioration de la situation sociale devrait être une condition sine qua non à la conclusion d'un traité de libre-échange.
Sans avoir à jouer le rôle de policier mondial de la rectitude morale, le Canada a néanmoins le devoir de refuser que l'on fasse ailleurs ce que l'on ne saurait nous-mêmes accepter ici. C'est au nom de ce même principe que l'on ne saurait accepter que le transfert des prisonniers afghans se fasse inconditionnellement, sans preuve que les détenus ne seront pas maltraités. Sinon, on est ni plus ni moins dans un régime de sous-traitance en matière de violation des droits fondamentaux, opération par laquelle le gouvernement se dégagerait de ses responsabilités sous prétexte que ces violations n'ont pas lieu sur son territoire. Le gouvernement devrait savoir que les devoirs moraux ne s'embarrassent pas de frontières territoriales.
Au-delà de la réalité humanitaire qui prévaut en Colombie, ainsi que des bonnes et des moins bonnes raisons qui devraient nous amener à accepter ou à refuser ce projet de loi, une chose demeure profondément inacceptable: le mépris profond des institutions démocratiques qu'a témoigné ce gouvernement conservateur en signant l'accord de libre-échange, sans même avoir attendu la publication du rapport du comité.
Voilà une corde de plus à ajouter à la harpe de l'hypocrisie des conservateurs. Le n'était-il pas celui qui reprochait justement aux libéraux de Paul Martin de ne pas respecter la volonté des parlementaires? N'est-ce pas lui qui a clamé haut et fort que s'il était élu, il se ferait un point d'honneur de ne pas aller à l'encontre de la volonté de cette Chambre?
Visiblement, il s'agissait là de paroles creuses qui ont été vite remplacées par des gestes qui parlent plus fort encore et qui démontrent trop bien le vrai visage de ce gouvernement qui n'accepte pas sa condition minoritaire.
Ainsi, quand bien même aurions-nous été d'accord avec l'esprit du projet de loi, ce qui n'est pas le cas, nous aurions été obligés d'en condamner la réalisation pratique.
Le Devoir de samedi dernier en faisait d'ailleurs sa une — ma collègue l'a déjà mentionné tout à l'heure — , et je cite: « La démocratie est en crise ». Dans cet article dévastateur, l'excellente journaliste Manon Cornellier écrivait ceci en guise d'introduction: « Stephen Harper règne en maître: les ministres jouent les seconds violons, les comités n'ont plus la cote et les débats sont ignorés. Négligé, méprisé, le Parlement en arrache. » Puis, elle poursuit en citant Peter Russell, professeur émérite de l'Université de Toronto, qu'on ne pourra donc pas qualifier de vilain séparatiste. Celui-ci est sans équivoque. Il disait: « Le ne prend pas la Chambre des communes au sérieux pour la tenue des débats publics nationaux, ce qui favorise la marginalisation du Parlement. »
La liste des exemples qui viennent étayer cette affirmation est très longue: distribution de manuels à l'usage des présidents de comité pour donner des techniques pour saborder et ralentir leurs travaux lorsque ceux-ci ne vont pas à leur goût; mépris total des projets de loi émanant des députés qui, pourtant, passe toutes les étapes du cycle législatif; refus d'accorder la recommandation royale à ces mêmes projets de loi; utilisation des fonds publics à des fins partisanes; contestation constante des décisions prises par les tribunaux canadiens. J'aurais pu continuer longtemps.
Et c'est ce même gouvernement qui enjoint constamment les partis d'opposition à collaborer avec lui. Visiblement, il faut avoir une compréhension plutôt particulière de la coopération pour penser qu'on l'encouragerait lorsqu'il court-circuite les travaux d'un comité.
Quel genre de message une telle attitude envoie-t-elle aux parlementaires? Essentiellement, que leur travail est inutile, que l'on se moque bien des recommandations et des conclusions qu'ils ont à formuler. Autrement dit, qu'en dehors du gouvernement, ou devrait-on dire en dehors du bureau du , point de salut.
Ainsi, accepter ce projet de loi, accepter ce traité, reviendrait à entériner, homologuer, enregistrer, ratifier ou sanctionner une manière de faire, une vision du parlementarisme qui est si restrictive qu'elle pose un problème sérieux aux valeurs démocratiques des Québécoises et des Québécois.
Le chemin qui mène à la vertu est peut-être aussi important que sa finalité.
Cela me rappelle un autre exemple flagrant du manque d'écoute de ce gouvernement, autant à l'égard des parlementaires que des tribunaux de ce pays, soit celui du jeune Omar Khadr. J'aimerais ici tracer un parallèle avec un cas dont l'importance historique devrait nous porter à la réflexion. Je pense ici à ce qui est connu en France comme l'Affaire Dreyfus.
Rapidement, si vous me le permettez, monsieur le Président, j'aimerais en rappeler les grandes lignes.
Alfred Dreyfus, capitaine dans l'armée française, d'origine alsacienne et de religion juive, a été au coeur d'un scandale politique et social extrêmement important à la fin du XIXe siècle. On l'accusait alors du crime le plus grave pour un officier, celui de haute trahison, après qu'une note eut été trouvée et donnait des détails sur l'emplacement des troupes françaises lors de la guerre franco-prusse de 1870. D'abord condamné au terme d'un procès expéditif, il fera par la suite appel de cette décision, se sachant victime d'un complot juridique. Et de fait, la suite de l'histoire lui donnera raison. Des preuves accablantes ont appuyé la thèse du complot. Visiblement, la France cherchait à faire payer quelqu'un, à trouver un bouc émissaire pour la débâcle française. Il fallait trouver un coupable.
Ainsi, l'État français, en cherchant à rétablir une certaine forme de justice, était prêt à condamner un innocent, qu'elle savait innocent qui plus est.
Une des voix les plus puissantes dans cette affaire fut certainement celle de Charles Péguy, auteur aujourd'hui largement méconnu, mais dont l'oeuvre est immense. Dans Notre jeunesse, il écrira ceci au sujet de l'affaire Dreyfus et de ce qu'il considère être un « crime » commis à son endroit:
[...] une seule injustice, un seul crime, une seule illégalité, surtout si elle est officiellement enregistrée, confirmée, une seule injure à l'humanité, une seule injure à la justice, et au droit surtout si elle est universellement, légalement, nationalement, commodément acceptée, un seul crime rompt et suffit à rompre tout le pacte social, tout le contrat social, une seule forfaiture, un seul déshonneur suffit à perdre d'honneur, à déshonorer tout un peuple.
J'aurais pu continuer encore. Dix minutes, cela passe très vite à la Chambre. J'irai à ma conclusion, car je pense que j'ai dit l'essentiel de mon message.
La manière dont ce projet de loi a été mis de l'avant contribue au travail de sape que mène depuis longtemps ce gouvernement à l'endroit de cette Chambre. On comprendra donc pourquoi le Bloc québécois ne pourra jamais se résoudre à voter en faveur du projet de loi , Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie.
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Monsieur le Président, à mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole au sujet du projet de loi , une loi aux termes de laquelle les conservateurs forceraient le Canada, si leur souhait était réalisé, à conclure une entente de libre-échange avec la Colombie.
Plusieurs intervenants avant moi ont clairement démontré que, contrairement à ce qui existe dans la plupart de ces ententes de commerce international, ici, il n'y a pas de parité en ce qui concerne la reconnaissance de l'importance de faire respecter les droits de la personne.
Les conservateurs ont réussi à se convaincre qu'en signant une entente de libre-échange avec la Colombie, on serait par miracle en train de créer une nouvelle série de conditions qui feraient en sorte que la Colombie respecterait dorénavant les droits de la personne.
Force est de constater qu'il n'en est rien. Même les Américains, les émules des conservateurs en ce qui concerne les questions internationales, sont en train de dire que jamais, à tout jamais, ils ne vont signer avec l'actuel gouvernement de la Colombie une entente de libre-échange pour la simple et bonne raison qu'ils reconnaissent, comme nous au sein du Nouveau Parti démocratique, que c'est un pays qui, malheureusement pour les gens qui y habitent, ne respecte pas les droits fondamentaux et surtout les droits de liberté d'association et les droits des syndicats. On a vu des centaines de membres et de dirigeants syndicaux abattus, tués, sans conséquence de toute évidence au sein de cette société, et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
Sur les décombres de la Seconde Guerre mondiale, des pionniers tels Jean Monnet, Konrad Adenauer ou encore Robert Schuman ont construit une des plus grandes réussites de l'histoire de la Terre en allant chercher les pays qui étaient en guerre depuis des centaines d'années sinon des millénaires pour construire ce qui est aujourd'hui l'Union européenne. Mais avant de courir, il faut apprendre à marcher. Ils avaient au moins une base commune dans leur désir de respecter les droits de la personne. Cela a commencé avec une entente qui couvrait le charbon et l'acier. C'est devenu un marché commun, pour ensuite devenir une communauté économique, pour devenir aujourd'hui véritablement l'union que l'on connaît. Mais c'est une union qui continue de respecter les droits de la personne, parce que cela faisait partie des valeurs de base de sa construction.
Ici, il n'y a pas de similitudes possibles. On est en train de parler d'un pays que les conservateurs souhaiteraient voir s'améliorer en termes de son bilan en matière de droits de la personne, mais il n'en est rien.
Par ailleurs, j'ai des petites nouvelles pour le conservateur qui a décidé, il y a quelques semaines, de nous faire une leçon de morale disant qu'apparemment, cela l'offusque parce que l'opposition ose jouer son rôle d'opposition. Il nous a fait une leçon de morale, index à l'appui, disant que ce n'est pas cela faire fonctionner le Parlement. Si je décode bien les mots qui sortent de la bouche du whip en chef du Parti conservateur, faire fonctionner le Parlement, cela veut dire donner aux conservateurs tout ce qu'ils réclament. Cela ne fonctionne pas ainsi dans une démocratie, mais cela en dit long sur l'attitude de ce gouvernement et les raisons pour lesquelles les conservateurs ne voient aucun problème à proposer un traité de libre-échange avec la Colombie, une chose que les Américains ne feraient jamais.
Justement, en débattant des amendements et des sous-amendements au projet de loi , on est en train de respecter entièrement, à tous égards, les règles de nos institutions parlementaires. On n'accepterait aucunement de se faire donner des leçons de morale de la part d'un gouvernement qui tente de forcer l'adoption d'un projet de loi qui aurait pour effet de signer une entente de libre-échange avec un pays qui ne respecte pas les droits de la personne.
Nous, nous ne mangeons pas de ce pain. Ils peuvent continuer à faire leurs remontrances, à montrer qu'ils sont insatisfaits du résultat, mais ils sont minoritaires. Il y a aussi là-dedans une sérieuse leçon pour toute personne qui songerait à changer une telle situation pour le pire si jamais ils devaient avoir droit à une majorité. Les conséquences de cela s'illustrent bien à la lecture de ce projet de loi . C'est pour nous une indication de l'idéal des conservateurs, à savoir que même si un pays ne respecte pas les droits de la personne, si le commerce trouve son compte, le reste leur importe peu.
Alors, tous les discours creux en ce qui concerne le respect des droits de la personne de la part des conservateurs sont mesurés, compris et lus à la lumière de ce qu'on a devant nous aujourd'hui.
Les masques tombent. C'est un gouvernement qui parle du respect des droits de la personnes mais qui, dans les faits, propose une entente de libre-échange avec un pays qui ne respecte pas les droits de la personnes de manière systémique.
Au Nouveau Parti démocratique, nous disons qu'il faut d'abord bâtir, à l'intérieur de la Colombie, la capacité de faire respecter les droits de la personnes. Utilisons, sans aucune difficulté, l'expérience de nos institutions démocratiques pour apporter notre aide si la Colombie la recherche.
Toutefois, en proposant d'ores et déjà la signature d'une telle entente, on envoie le message que le gouvernement colombien n'a même pas besoin de faire d'efforts pour améliorer son bilan en termes de droits de la personne, parce qu'on est prêt à signer avec un gouvernement tel que celui qui existe en Colombie en ce moment.
C'est un signal qu'il ne faut absolument pas envoyer. Si le Canada est sérieux et si le Canada veut redevenir une voix pour les valeurs démocratiques, il faut se tenir debout et dire qu'une telle entente avec un pays qui ne respecte pas les droits de la personne ne passera jamais la rampe de ce Parlement.
[Traduction]
Quoi de plus étonnant, dans le débat actuel sur le projet de traité de libre-échange avec la Colombie, que d'entendre le whip du Parti conservateur essayer de nous faire la leçon en agitant l'index comme si nous étions ses élèves. Selon lui, nous ne comprenons pas la démocratie. Si nous la comprenions, nous écouterions le gouvernement au doigt et à l'oeil. Il nous reproche de nuire au fonctionnement du Parlement parce que nous refusons d'approuver l'accord de libre-échange que le gouvernement veut conclure avec un gouvernement qui, en Colombie, ne respecte pas les droits de la personne. J'ai des petites nouvelles pour lui. Nous respectons entièrement les règles de notre Parlement, en tant qu'institution démocratique de notre pays.
Nous croyons qu'il ne faut pas conclure un accord de libre-échange avec un gouvernement qui ne respecte pas les droits de la personne. Nous allons nous servir des moyens dont nous disposons en tant que joueur important au Parlement pour faire ce que les libéraux ne font pas, c'est-à-dire défendre les droits de la personne, la démocratie et nos principes.
J'ai une série de lettres provenant de groupes d'un peu partout au pays qui se plaignent que les libéraux n'agissent pas comme ils prétendent le faire, c'est-à-dire qu'ils ne défendent pas les droits de la personne. Heureusement, le NPD et d'autres députés des Communes ont su faire valoir la nécessité d'accroître les relations avec tous les autres pays, d'utiliser les institutions parlementaires canadiennes, de tirer profit de notre expérience et de notre tradition de respect des droits de la personne pour aider les peuples à se doter des moyens nécessaires pour respecter les droits de la personne, au lieu de conclure un accord de libre-échange qui sera mal interprété.
On croira qu'il n'y a pas de problèmes en Colombie, que nous sommes prêts à accepter le meurtre de milliers de syndicalistes, alors que c'est complètement inacceptable selon les principes internationaux régissant les droits de la personne, selon l'interprétation qu'on en fait et selon les valeurs démocratiques répandues dans le monde.
Les conservateurs devraient avoir honte, eux qui sont de grands moralisateurs devant l'éternel et qui passent leur temps à donner des leçons aux autres en leur reprochant leur comportement. Ils devraient avoir honte de nous proposer un accord de libre-échange plutôt que d'exiger de la Colombie qu'elle fasse un effort pour resserrer ses règles concernant les droits de la personne, pour respecter les gens et pour respecter les droits sociaux. Il y a une différence énorme entre la Colombie et notre pays.
Les libéraux devraient avoir honte, avec leur air pitoyable, eux qui disent comme d'habitude chaque chose et son contraire et qui osent affirmer que le Canada devrait redevenir un phare dans le monde. Ils sont pitoyables. Toute la correspondance dans ce dossier démontre que les groupes qui appuyaient autrefois le Parti libéral se rendent compte aujourd'hui qu'il n'y a plus aux Communes qu'une seule voix solidement ancrée dans le principe du respect des droits de la personne. C'est la voix du Nouveau Parti démocratique du Canada.
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Monsieur le Président, je prends la parole sur le projet de loi .
Tout d'abord, le Bloc québécois votera contre ce projet de loi car il constitue une insulte aux droits humains. Le Parti conservateur devrait avoir honte de se mettre derrière ce projet de loi pour nous faire croire qu'il va en Colombie créer de l'emploi, alors qu'il y va pour aider des narcotrafiquants, dont un grand nombre sont au pouvoir, à faire de l'argent sur le dos des travailleurs. C'est une honte. Nous sommes à la Chambre aujourd'hui pour rappeler à ces gens, qui se veulent tough on crime, qu'ils veulent simplement faire affaire avec un gouvernement qui ne fait rien de moins que permettre à des paramilitaires d'assassiner des membres de son propre peuple, des travailleurs syndiqués, tout comme des travailleurs qui oeuvrent dans les mines pour enrichir des criminels qui sont à la tête de cet État. C'est un scandale.
La principale motivation du gouvernement canadien pour conclure cette entente de libre-échange ne concerne pas le commerce. Elle concerne les investissements. Parce que cette entente contient un chapitre sur la protection des investissements, elle viendra faciliter la vie des investisseurs canadiens, particulièrement dans le domaine minier, qui investiront en Colombie. Qu'est-ce que cela veut dire? En 1995, la compagnie canadienne Columbia Goldfields signait, avec une riche famille locale de Colombie, un contrat d'exploitation d'une mine d'or jusque-là exploitée artisanalement par les habitants de la région de Rio Viejo. Simultanément, les paramilitaires massacraient 400 personnes et faisaient fuir plus de 30 000 personnes de cette région. C'était pour faire de l'argent sur le dos des travailleurs. Ils l'ont fait en prenant les armes pour tuer des gens et pour faire fuir 30 000 citoyens et citoyennes de la région. Tout cela pour permettre à une compagnie canadienne de faire de l'argent. Cet argent est entaché du sang de ces personnes. Est-ce cela qu'on veut adopter ici à la Chambre? C'est scandaleux. Il ne faut pas signer une telle chose.
Si l'on se fie à tous les accords sur la protection des investissements que le Canada a signés au fil des ans, celui qui lierait la Colombie et le Canada serait mal conçu. En effet, tous ces accords contiennent des dispositions qui permettraient aux investisseurs de poursuivre un gouvernement étranger dès lors qu'il adopterait des mesures diminuant le rendement de son investissement. De telles dispositions sont particulièrement dangereuses dans un pays où les lois relatives au travail et à la protection de l'environnement sont, au mieux, aléatoires. Un tel accord, en protégeant un investisseur canadien contre toute amélioration des conditions de vie en Colombie, risque de retarder les progrès sociaux et environnementaux dans ce pays qui en a pourtant bien besoin.
La Colombie connaît un des pires bilans au monde en termes de droits de la personne. Avec la conclusion de cette entente de libre-échange, le Canada se priverait de toute capacité de faire pression sur le gouvernement de la Colombie pour obtenir un meilleur respect des droits de la personne.
Le gouvernement conservateur nous répète qu'il assortit l'accord de libre-échange d'un accord parallèle sur le travail et d'un autre sur l'environnement. Or ces accords sont notoirement inefficaces. Ils ne font pas partie de l'accord de libre-échange, ce qui fait que les investisseurs pourraient impunément détruire le riche environnement colombien, procéder à des déplacements de population pour faciliter l'établissement de leur mine ou continuer à assassiner les syndicalistes.
Quant à l'accord de libre-échange lui-même, le Bloc québécois n'accepte pas de troquer la capacité du gouvernement de faire pression en faveur du respect des droits humains contre des capacités d'investissement à l'étranger de sociétés canadiennes, qui iraient faire de l'argent dans le sang des Colombiens. C'est tout à fait révoltant.
Le Bloc québécois et le NPD ont de très bonnes raisons d'être contre ce projet de loi. Au Canada, non seulement l'opposition est contre ce projet de loi, mais le Congrès canadien du travail et le Conseil canadien pour la coopération internationale le sont aussi, tout comme le sont Amnistie internationale, la FTQ, Développement et Paix, KAIROS, l'Alliance de la fonction publique du Canada, Avocats sans frontières, le Syndicat des communications, de l'énergie et du papier du Canada, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, le Syndicat de la fonction publique et le Syndicat national des employées et employés généraux et du secteur public.
En Colombie, la Coalition des organisations et mouvements sociaux de la Colombie regroupe l'Organisation nationale indigène de Colombie, l'Organisation populaire féminine, le Coordonnateur national agraire, le Mouvement des chrétiens pour la paix avec justice et dignité, le Mouvement national pour la santé et la sécurité sociale, le Mouvement afro-américain des traces africaines et le Processus des communautés noires ou le Black Community Process. Tous ces organismes sont contre cette entente tout à fait inacceptable.
La Colombie connaît l'un des pires bilans d'Amérique latine en ce qui a trait aux droits de la personne. Écoutez bien ceci. Les statistiques quant aux crimes commis laissent voir un visage très sombre de la Colombie. En 2008, les crimes commis par les groupes paramilitaires ont grimpé de 41 p. 100 en comparaison de 14 p. 100 l'année précédente. La proportion des crimes commis par les forces de sécurité de l'État a pour sa part augmenté de 9 p. 100. Malgré la hausse des crimes commis, l'impunité demeure. Seulement 3 p. 100 des crimes commis ont abouti à une condamnation.
Le Canada ira investir dans ce pays, sous prétexte qu'il aidera l'économie? C'est faux. Le cas échéant, le Canada aidera les riches à s'enrichir davantage en écrasant le peuple. Au Moyen Âge, on avait plus de respect envers les citoyens qu'en a ce parti politique qui veut nous amener sur un terrain ignominieux. Aucun gouvernement de la Terre ne peut accepter ce genre de situation, d'autant plus que notre pays est dit démocratique. Une démocratie possède des principes de droit. J'espère que ces gens entendront raison. Ils le feront s'ils ont une conscience. Monsieur le Président, je sais que vous avez une conscience et que vous raisonnerez ces gens.
Depuis 1986, 2 690 syndicalistes ont été assassinés en Colombie. Si les meurtres de syndicalistes ont connu une certaine baisse depuis 2001, ces assassinats ont repris depuis 2007. Cette année, il y a eu 39 meurtres de syndicalistes et 46 en 2008, ce qui représente une hausse de 18 p. 100 en un an. On tue des syndicalistes, des gens qui défendent les travailleurs. Qui les tuent? Ce sont des paramilitaires soutenus par l'État colombien.
Tout à coup, l'État colombien serait devenu angélique? Il ne faut pas croire que l'on est dupes. Ces gens n'ont que l'argent dans le coeur et dans la tête. Ils n'ont aucun respect envers les Colombiens et envers les droits humains. En outre, ils n'ont aucun respect envers les Québécois et les Canadiens qui n'acceptent pas cette façon de penser. Au risque de me répéter, je dirai que c'est tout à fait inacceptable.
Selon Mariano José Guerra, président régional de la Fédération nationale des travailleurs et des travailleuses du secteur public de Colombie, des milliers de personnes ont disparu et la persécution syndicale se poursuit.
Pour toutes ces raisons et bien d'autres encore, il faut voter contre le projet de loi .
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Monsieur le Président, je veux féliciter à nouveau mon collègue de pour sa plaidoirie, mais surtout pour le travail quotidien qu'il fait pour les citoyennes et citoyens de son comté qu'il représente non seulement avec éclat mais avec beaucoup d'efficacité.
Je vais poursuivre dans la même foulée que mon collègue, avec des illustrations statistiques.
Le département d'État américain et Amnistie Internationale affirment que 350 000 personnes de plus ont été déplacées en Colombie en 2007.
En 2008, plus de 380 000 personnes ont dû fuir leur résidence et leur milieu de travail en raison des violences. Selon le Centre for Human Rights, en 2008, il y aurait eu une hausse de 25 p. 100 du nombre de déplacements des population. Toujours selon ce même organisme, 2008 serait la pire année depuis 2002 en ce qui a trait au déplacement des populations.
Depuis 1985, près de 4,6 millions personnes auraient été obligées de quitter leur résidence et leur terre. On estime que le nombre de déplacés représentent 7 p. 100 de la population colombienne. Chaque jour, 49 familles arrivent à Bogota, la capitale de la Colombie, forcées de quitter leur terre. Les Autochtones représentent la moitié de la population colombienne ainsi déplacée. En effet, 8 p. 100 de toute la population est déplacée, et 4 p. 100 sont des Autochtones. Ces chiffres sont très révélateurs.
Ces personnes sont déplacées parce qu'elles sont expulsées de leur terre à cause des exploiteurs terriens, des grands propriétaires, des conglomérats terriens et miniers.
On procède par pressions, menaces et meurtres. On inonde les terres. Lorsque la population est forcée de se déplacer, elle doit se réfugier dans les villes qui deviennent ainsi des bidonvilles. Je suis allé à Bogota en Colombie. En plein centre, il y a une montagne, ce qu'on appelle les maisons de carton. Chaque jour, 49 familles arrivent dans ces endroits. Les conditions de vie dans lesquelles vivent ces personnes sont tout à fait inimaginables. Elles avaient une petite propriété terrienne, elles avaient leur espace à cultiver pour faire vivre leur famille, pourtant, on les a déracinés de ces terres. En effet, les entreprises, y compris les entreprises canadiennes, ont le droit d'exproprier les gens.
L'entente qui nous est soumise confirme et accrédite les règles du marché qui font en sorte qu'on exploite les gens.
Comme mon collègue de l'a dit tantôt, c'est carrément du vol et c'est un système de l'État. Avec des paramilitaires et tous les abus qui s'ensuivent, on force ces gens à quitter leurs terres. Cela engendre pauvreté, chômage, crimes, absence d'école, manque d'eau, manque d'électricité, etc. La ville dont je vous parle est un bidonville à même la montagne principale au centre de Bogota. Il n'y a pas d'électricité. Quand il y en a, c'est grâce à des rallonges. Les gens vont chercher cela en bas de la montagne et là encore, souvent on les débranche. Lorsqu'arrivent de grandes pluies, la montagne se lave et les gens perdent souvent leur maison. Ce sont des maisons faites de carton, je le répète, ou encore faites de bouts de bois.
Il faut voir cette pauvreté pour réaliser son ampleur. Le gouvernement sait qu'elle existe. Le Parti libéral sait que cette pauvreté existe.
Un comité s'est rendu là-bas, en Colombie, et devait faire rapport à cette Chambre pour donner une opinion au gouvernement avant qu'il ne présente sa loi. Cependant, le gouvernement s'en est foutu et n'a même pas attendu le rapport de ce comité qui est allé se rendre témoin de la situation pour déposer son projet de loi. C'est une situation tout à fait inacceptable pour les Colombiennes et les Colombiens, mais c'est aussi inacceptable sur le plan du processus démocratique en cette Chambre.
D'abord, l'opposition est contre et le parti qui forme l'opposition officielle n'est même pas foutu de faire son travail d'opposition officielle. La population a donné un mandat majoritaire à l'opposition pour que nous empêchions des actes comme ceux qui sont actuellement en train d'être commis en termes de législation. Les libéraux ne sont même pas foutus de faire leur travail d'opposition avec le mandat qu'ils ont reçu avec nous de la population, soit de justement surveiller ce gouvernement. La population n'avait pas suffisamment confiance en ce gouvernement et a donné une majorité à l'opposition pour qu'elle agisse avec vigilance afin de nous protéger et de protéger les peuples avec qui nous faisons affaire.
C'est assez scandaleux de voir le comportement des libéraux à cet égard et cela vient aussi briser une tradition qui commence à être pas mal lointaine, dans le temps du premier ministre Lester B. Pearson. Celui-ci, à cause de ses positions humanitaires, entre autres, pour la paix et l'humanité, avait reçu un Prix Nobel. On est loin de cela. C'est assez honteux. On vient salir la réputation de ces gens qui ont eu un comportement exemplaire sur le plan des droits humains, même s'ils n'étaient pas de la même allégeance politique que nous. À cet égard, je dirais que le comportement de l'actuel Parti libéral face à ce projet de loi est assez honteux.
Sur le plan de la protection des droits des travailleurs — mon collègue en a parlé —, depuis 1986, c'est 2 686 syndicalistes qui ont été assassinés. Comme je l'ai dit tantôt, je suis allé en Colombie à deux reprises, soit en 1974 et en 1976, pour des missions de coopération visant la mise sur pied de coopératives alimentaires, agricoles et de logements. J'ai donc eu l'occasion de travailler avec ces gens. À l'époque, en 1974 et en 1976, j'avais trouvé la situation abominable et je croyais que la situation avait aujourd'hui évolué.
Or, plus je me penche sur le dossier depuis quelques mois, plus je réalise que non seulement la situation n'a pas évolué, mais que les accrocs qu'on fait aux droits humains se sont raffinés. Souvent, ils sont moins visibles et ils donnent des prétextes à des gens comme les conservateurs et les libéraux pour venir justifier que la situation s'est améliorée. Or, la situation ne s'est pas améliorée et les statistiques sont là pour le démontrer avec 2 686 syndicalistes qui sont morts. Il suffit que ce soit des syndicalistes le moindrement revendicateurs et ils passent au « bat ». Les meurtres, il y en a encore en 2007. Il y a eu 39 meurtres de syndicalistes, ce qui représente une hausse de 18 p. 100 en un an.
Je pourrais continuer ainsi, mais on m'indique qu'il ne me reste qu'une minute. Les collègues vont sûrement me poser des questions et je pourrai donc compléter un peu plus. C'est sûr que le Bloc québécois ne cautionnera pas un projet de loi semblable. Le projet de loi est un projet de loi indigne d'être voté par une Chambre comme la nôtre et nous ne jouons pas dans ces plates-bandes. On se respecte trop pour faire cela et on respecte trop nos électrices et nos électeurs pour faire cela.
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Monsieur le Président, nous avons débattu du projet de loi à plusieurs reprises. On devrait féliciter le député de pour son travail de collaboration continue visant à trouver une solution à l'impasse entourant cet accord de libre-échange. Plusieurs éléments de cet accord commercial sont inappropriés.
Ces débats nous ont également permis de constater ce qui s'est produit à la Chambre des communes. Essentiellement, le Parti libéral encourage l'adoption de cette politique, par l'entremise des conservateurs, et les moyens qu'il a utilisés à cette fin sont très intéressants. Les libéraux ont retiré leur représentant qui siégeait au Comité du commerce international où ils avaient déjà émis certaines réserves à propos de ce projet de loi. Le NPD et le Bloc québécois ont maintenu leur position demandant la tenue d'une évaluation approfondie menée par une tierce partie avant de procéder dans ce dossier, mais les libéraux ont remplacé leur représentant par un ancien député conservateur qui a changé de parti. Ce député partage l'idéologie du nouveau chef libéral, qui consiste à appuyer inconditionnellement le gouvernement conservateur.
Il est inacceptable à la Chambre de ne pas discuter du fait que ce narco-État se voit récompensé. Le pays mène une campagne meurtrière contre les membres des syndicats colombiens. Il fait le commerce de la cocaïne, ce qui a un impact sur plusieurs populations dans le monde. Malgré cela, le Canada veut lui donner un accès privilégié aux marchés canadiens. C'est ce qui se produira si on adopte cet accord sans y ajouter certaines conditions. Il renferme des exceptions en matière de travail et d'environnement, ainsi que des exceptions qui permettent aux entreprises de violer les droits de la personne. En fait, la Colombie pourrait poursuivre d'autres pays dans son propre intérêt plutôt que celui de la population.
C'est inacceptable. Les dés sont pipés pour assurer un équilibre contre le reste de la société civile, les élus du pays et des assemblées législatives des deux côtés, au Canada et en Colombie. C'est également un signal qui fait savoir au reste du monde que nous sommes prêts à faire affaire avec un narco-État qui assassine des activistes syndicaux. Nous ne parlons pas uniquement des activistes du domaine minier qui luttent pour les droits des travailleurs. Les gens qui sont tués en Colombie viennent des syndicats des infirmiers et infirmières, des professeurs et même des employés des prisons. Ils viennent de divers organismes de la société civile qui se sont unis, conformément aux lois de ce pays, mais des membres de ces groupes continuent de disparaître ou d'être assassinés. Il y a une tendance qui se dégage et que des analyses indépendantes menées au niveau international ont liée aux paramilitaires, au parti au pouvoir et au président. Tout cela revient à l'État.
Dans le cadre de ce processus, j'ai eu la chance de poser des questions sur certains de ces cas lorsque l'ambassadeur et d'autres représentants de ce pays ont comparu devant le comité. J'ai pris connaissance de quatre cas particuliers dans lesquels des gens ont été tués, des hommes et des femmes qui étaient récemment devenus activistes syndicaux. J'ai lu leur histoire et j'ai posé des questions. Les représentants ont affirmé qu'ils n'avaient pas de réponse à me donner, mais qu'ils m'en donneraient une, ce qu'ils ont fait. Ils ont prétendu que dans chacun de ces cas, le meurtre était un crime passionnel attribuable à une personne de l'entourage de la victime. C'est un non-sens. Les tribunaux qui ont été mis sur pied ne suffisent pas.
Le Canada est en train de dire au reste du monde que nous sommes prêts à faire des affaires avec ces gens, malgré les actes criminels, la corruption et les problèmes qui sévissent dans ce pays. Nous commencerons par les récompenser et nous leur donnerons un accès privilégié au commerce avec notre pays. Les États-Unis ont freiné le processus. Ils ont compris, et c'est également un pays commerçant, qu'un gouvernement a la responsabilité d'apporter des correctifs avant de donner aux Colombiens un accès privilégié à ses marchés.
Et nous, que faisons-nous pendant ce temps? Nous baissons les bras. Le gouvernement conservateur se complaît à nous parler de criminalité. Combien de fois ai-je entendu le nous dire que les conservateurs vont sévir contre le crime, qu’ils vont produire toutes sortes de projets de loi et de politiques. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer qu’ils ne financent pas suffisamment le système pour mettre toutes ces politiques en œuvre. C’est fallacieux. Il est impossible au Comité de la justice d’étudier tous les projets de loi qui ont été déposés, qu’ils émanent du gouvernement ou des députés. Les conservateurs nous en annoncent et en présentent à tire-larigot, même s’ils savent qu’ils ne pourront pas traverser toutes les étapes du système et qu’ils n’aboutiront jamais. Et pourtant, les conservateurs sont censés sévir contre le crime.
Qu’y a-t-il de différent à l’échelle internationale? Comment se fait-il que les conservateurs et les libéraux ne se rendent pas compte que, par leurs actions, ils sont en train de dire à beaucoup de gens, ailleurs dans le monde, que c'est correct. La contradiction est totale, mais les Canadiens ne se laissent pas abuser par les conservateurs ou par les libéraux.
Par exemple, 50 éminents Canadiens ont signé une lettre qu’ils ont envoyée au lors de la réunion des libéraux à Vancouver. C’est à cette occasion qu’on a vu apparaître un nouveau chef sans qu’il y ait eu de discussion ni de politique. Après tout, ça les regarde, pas nous. Quoi qu’il en soit, ces 50 éminents Canadiens n’ont même pas reçu une réponse digne de ce nom.
C’est très important. Les Canadiens savent où les libéraux ont dérapé. Ils ont dérapé sur ces bancs, là-bas. D’ailleurs, les néo-démocrates sont assis de part et d'autre de la Chambre et il faudrait que certains libéraux passent de l’autre côté pour que notre formation soit regroupée. Ils pourraient même allonger le banc.
Je vais vous lire cette lettre qui donne une très bonne idée de ce dont il est question. Tique Adolfo, syndicaliste du domaine agro-minier, a été tué le 1er janvier. Alexander Pinto, du syndicat des gardiens de prison, a été tué par un tireur inconnu. Au fil des ans, c’est ainsi plus de 2 000 activistes qui ont été abattus par des tueurs dont on ignore tout. Milton Blanco, de la fédération des enseignants, a été tué le 24 avril, et il y en a bien d’autres encore.
C’est triste, parce que s’il est un pays qui devrait faire preuve de leadership sur ce plan, c’est bien le Canada. Nous avons été connus pour cela à bien des égards, parce que nous avons été un pays progressiste, un pays qui parlait franchement aux pouvoirs en place pour leur dire que, s’ils voulaient travailler avec nous, c’était possible. Cela a d’ailleurs souvent été le cas, mais nous n’avons pas pour autant consenti à ces pays un accès inconditionnel à nos marchés et à nos compatriotes et nous n’avons pas conclu de relations privilégiées sans rien attendre en retour.
Voilà. Cela est peut-être dû à l'influence de l'industrie minière au Canada. Cela est peut-être dû simplement à un engouement pour les ressources agricoles. Tant mieux si nous travaillons avec la Colombie en vue de changer les choses. Toutefois, il est essentiel de trouver un juste équilibre, ce que nous n'avons pas à l'heure actuelle.
C'est l'annonce de cet accord qui a lancé le débat en 2008. Un comité permanent s'est rendu en Colombie afin de discuter avec les représentants de l'État et d'évaluer la situation sur place. À son retour, le député de était encore plus convaincu que, dans le cadre de notre approche, il s'imposait que nous fassions pression sur le gouvernement de la Colombie plutôt que d'établir avec lui, d'entrée de jeu, une relation commerciale privilégiée. Nous commerçons avec la Colombie à l'heure actuelle. Cela ne changera pas. Nous avons des liens avec ce pays, mais je trouve inacceptable que le Canada soit prêt à établir une relation commerciale privilégiée sans assortir ce privilège de conditions.
De quoi le gouvernement et le Parti libéral ont-ils peur? Ont-ils peur qu'on procède à une analyse indépendante de l'ensemble de l'accord commercial, de la relation et de la situation alors qu'on assassine des gens dans ce pays? Ont-ils peur qu'on remonte la filière et qu'on trouve des liens entre les paramilitaires, le gouvernement, des caïds de la cocaïne et certains secteurs de l'industrie? Ont-ils peur que les Canadiens se réveillent et constatent que leur gouvernement qui sévit contre le crime, le gouvernement conservateur du Canada, est tellement laxiste à l'égard de la criminalité à l'échelle internationale qu'il se moque bien qu'un narco-État ait accès à une relation commerciale privilégiée? Le gouvernement ne se soucie guère que les drogues de la Colombie puissent se retrouver dans nos rues. En effet, quoi qu'il arrive nous aurons des échanges commerciaux avec ce pays. Nous n'imposerons aucune condition. Nous nous contenterons d'espérer que les Colombiens changent. Entre-temps, ils peuvent continuer d'agir comme ils le font, car nous ne voulons pas attiser la dissension. Nous ne voulons pas non plus que le Canada prenne les rênes, qu'il s'impose en exigeant le respect de principes de justice sociale. Pourtant, en fondant le commerce sur de tels principes on peut construire un meilleur monde pour tous.
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Monsieur le Président, j'interviens à nouveau sur le projet de loi .
On le sait, c'est en 2007 que le gouvernement conservateur a intensifié les négociations avec la Colombie afin de conclure un accord de libre-échange et ainsi faire la promotion de sa politique étrangère et commerciale dans les Amériques. Ironiquement, le gouvernement canadien intensifiait ses discussions avec le gouvernement colombien alors que — on s'en rappelle — les négociations des États-Unis avec la Colombie venaient d'être bloquées en raison des nombreuses violations des droits humains dans ce pays et de l'absence de mesures concrètes en matière de travail et d'environnement.
Ces enjeux sont d'ailleurs les raisons pour lesquelles le Bloc québécois s'oppose à ce projet de loi car nous estimons que la conclusion d'un accord de libre-échange avec ce pays soulève des problèmes très inquiétants, dus au fait notamment que la Colombie affiche le pire bilan de l'hémisphère en matière de droits de la personne. Ce n'est pas rien! Ces enjeux expliquent également les raisons qui ont motivé les parlementaires du Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes — dont je faisais partie à l'époque — à procéder à un examen complet de la pertinence d'un accord avec la Colombie.
Mais coup de théâtre, et je crois qu'il est important de le rappeler aux députés de cette Chambre, le 7 juin 2008, après seulement cinq rondes de négociations, le gouvernement conservateur annonçait officiellement qu'un accord de libre-échange avait été conclu avec la Colombie. Le confirmait l'accord de libre-échange alors même que le Comité permanent du commerce international, qui étudiait pourtant la possibilité d'un tel accord, n'avait pas encore entendu tous les témoins prévus ni produit de rapport et présenté ses recommandations finales à la Chambre.
Le gouvernement conservateur a investi plusieurs milliers de dollars pour envoyer le Comité permanent du commerce international rencontrer différents intervenants en Colombie. Nous avons rencontré des représentants des syndicats, des membres du gouvernement, des groupes de la société civile. Après avoir rencontré l'ensemble de ces personnes, le comité était censé faire rapport de cette mission et de l'ensemble des démarches de consultation. Or, l'accord a été signé avant que le comité ne fasse ce rapport à la Chambre. C'est une honte.
Samedi dernier, je lisais un article en première page du Devoir qui démontrait que le Parti conservateur ne respectait pas le travail fait en cette Chambre ou au sein des différents comités. Finalement, le était le seul à avoir un pouvoir. Les ministres semblaient ne pas être très présents et ne semblaient pas être très au courant de l'ensemble de leurs dossiers. Donc, le premier ministre et son cabinet ont pris tout simplement l'initiative de signer cet accord en ne respectant pas le processus parlementaire qui est de consulter les études, les rapports de comité et les rapports à la Chambre.
Donc, encore une fois, je crois que la population québécoise est de plus en plus consciente du fait que le Parti conservateur ne respecte pas la volonté de la Chambre des communes ni les règles parlementaires. Il agit tout à fait à sa guise. Il agit sans aucun sens éthique par rapport aux projets de loi. Il ne respecte aucune valeur. Il ne se soucie pas que l'ensemble des députés en cette Chambre puisse se prononcer sur un accord ou un projet de loi. Dans ce cas-ci, on parle du projet d'accord avec la Colombie.
Nous avons constaté, lors de ce voyage, qu'il y avait des problèmes importants eu égard aux droits de la personne. Les meurtres à l'endroit des défenseurs des droits de la personne, les syndicalistes et les gens qui cherchent simplement à obtenir une meilleure vie sont toujours présents en Colombie.
En Colombie, c'est par la force et la répression que le gouvernement colombien impose l'implantation de son modèle économique néo-libéral. Depuis les 10 dernières années, la Colombie est déchirée par une violence sans pareil: des milliers de disparitions, plus de 2 500 syndicalistes assassinés, soit 64 p. 100 des syndicalistes assassinés dans le monde.
Actuellement, nous avons un gouvernement conservateur qui est prêt à signer un accord commercial avec le gouvernement Uribe. Or, Uribe lui-même et plusieurs de ses parlementaires sont poursuivis pour des activités qui ne seraient pas très saines, c'est le moins qu'on puisse dire.
Le gouvernement conservateur et les libéraux savent que la réalité colombienne n'est pas idéale. Il y a de la pauvreté et de la violence. De plus, les services sont difficilement accessibles. Seulement sur la question des déplacements de population, j'ai été heurté et atterré devant l'ampleur de cette tragédie. Des populations entières sont déplacées en banlieue de la capitale parce que des entreprises minières viennent s'installer sur des territoires et balaient tout simplement les populations qui y sont présentes. Ces entreprises prennent leurs maisons, leurs terres et les envoient vers des bidonvilles pour pouvoir procéder à l'extraction minière et, finalement, exploiter les travailleurs. On s'organise justement pour que ces travailleurs ne puissent pas défendre leurs droits, leurs conditions et leur qualité de vie pour ainsi pouvoir les exploiter davantage.
Cet accord de libre-échange est malheureux pour le Québec et pour l'ensemble du Canada. Nous signons ici un accord avec la Colombie qui ne fait que protéger ces entreprises minières et qui permet à ces entreprises de s'enrichir au détriment de l'environnement en Colombie et des travailleurs, en exploitant des milliers de personnes et en déplaçant des milliers de gens qui y vivent pour les envoyer dans des bidonvilles. Cet accord sert beaucoup à cela. Il faut le dire, parce que c'est honteux. C'est inconcevable que ce gouvernement agisse de cette façon.
Nous avons préparé un rapport et présenté des recommandations en comité. Maintenant, même si le gouvernement conservateur n'a pas pris connaissance de ce rapport, il n'en demeure pas moins qu'un travail important a été fait à l'intérieur du comité pour analyser les impacts de cet accord.
Mais voilà, le gouvernement a choisi de conclure cet accord avant même que le comité présente son rapport. C'est dans cette perspective que l'amendement du Bloc québécois, présenté aujourd'hui, est énoncé. Le message du gouvernement aux parlementaires est le suivant: peu importe ce que vous pensez et dites, je ne ferai qu'à ma tête. Le ne fait qu'à sa tête. Pire encore, il a dit la même chose aux nombreux témoins qui sont venus nous faire part de leurs observations sur cet accord.
Nous ne pouvons cautionner un tel mépris et un tel entêtement de la part de ce gouvernement. Il procède d'une façon autoritaire que nous condamnons et ne pouvons accepter. Mais fondamentalement, on ne peut accepter un accord avec un pays qui ne respecte pas les droits fondamentaux de sa propre population.
En effet, malgré les nombreuses violations des droits de la personne, voilà que le gouvernement canadien veut, avec l'appui des libéraux, endosser un accord de libre-échange avec la Colombie.
Les nombreux assassinats de syndicalistes ne semblent pas affecter la conscience des conservateurs et des libéraux. Le non-respect de l'environnement ne semble pas toucher la conscience sociale des conservateurs et des libéraux.
Le Bloc québécois ne peut accepter que les droits de la personne soient laissés de côté simplement à cause de la promotion du libre-échange.
Contrairement au Parti conservateur, le Bloc québécois n'est pas un parti d'idéologues étroits d'esprit. Contrairement au Parti libéral, le Bloc québécois n'est pas opportuniste et n'hésite pas à se tenir debout pour défendre les valeurs des Québécoises et des Québécois.
Nous nous opposons à l'accord de libre-échange entre le Canada et la République de la Colombie car c'est un mauvais accord, et j'invite tous les parlementaires à le rejeter.