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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 025 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 octobre 2010

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

    Bienvenue à la 25e séance du Comité permanent du Patrimoine canadien, en ce mardi 26 octobre 2010.

[Traduction]

    Nous nous réunissons en vertu du paragraphe 108(2) du Règlement pour étudier les possibilités et défis des médias numériques et émergents.
    Nous accueillons aujourd'hui des témoins de trois organisations: M. Hennessy, vice-président principal, Affaires réglementaires et gouvernementales, chez Telus Communications; M. Coates, professeur d'histoire et doyen des Arts, et M. Wilson, conseiller stratégique, de l'University of Waterloo; enfin, Mme Moore, directrice exécutive de l'Association canadienne des bibliothèques.
    Je vous souhaite à tous la bienvenue.
    Nous entendrons tout d'abord la déclaration de M. Hennessy.
    Monsieur le président, madame et messieurs les membres du comité, j’aimerais vous remercier d’avoir permis à TELUS de s’exprimer sur l’avenir des médias numériques au Canada.
    Je n'ai pas eu le temps de préparer un exposé, étant donné le court préavis reçu. Je vous suis néanmoins reconnaissant de m'avoir invité. Nous ferons traduire les propos dont je vous ferai part aujourd'hui et nous vous ferons parvenir le tout demain.
    Je vous remercie encore une fois de nous permettre de vous entretenir de l'avenir des médias numériques au Canada et des défis en matière de politique publique que les changements majeurs, provoqués par Internet, posent quant à l’atteinte d’objectifs culturels.
    Nous le savons tous, Internet est un système ouvert qui a changé à jamais le monde de l’information et du divertissement. Ce qui n’était autrefois accessible que par le système de radiodiffusion ou les clubs vidéo l’est maintenant pour tous les Canadiens et des gens de partout dans le monde. Cette situation représente une occasion unique pour nos industries culturelles.
     Les entreprises comme Apple, Google et Netflix réinventent le monde du divertissement en utilisant Internet comme courroie de transmission et elles ne sont pas les seules. Sony et Panasonic commencent à offrir des téléviseurs qui se branchent directement à Internet et, de leur côté, d’importants radiodiffuseurs américains offrent de la programmation sur le site web Hulu, à laquelle les clients accèdent directement.
    TELUS réagit en injectant des milliards de dollars dans ses services mobiles à large bande, qui sont à l’avant-garde sur la scène internationale, et son nouveau service Télé OPTIK basé sur le web, de façon à ce que les Canadiens et les entreprises canadiennes, y compris les entrepreneurs du domaine numérique, puissent saisir les occasions qu’offre l’accès aux marchés mondiaux au moyen de services à large bande.
    Cela m’amène à discuter de la notion de propriété étrangère. Le gouvernement évalue actuellement la possibilité de lever certaines restrictions pour les fournisseurs régis par la Loi sur les télécommunications, et non pour ceux assujettis à la Loi sur la radiodiffusion. Cette distinction établie par le gouvernement ne reflète pas les réalités de la technologie numérique. De notre point de vue, une libéralisation limitée aux télécommunications créerait des avantages juridiques dont pourraient profiter les grandes entreprises étrangères et non les entreprises canadiennes. On ne peut juger que cette situation serait juste.
    Pourquoi? Eh bien aujourd’hui, presque tous les fournisseurs de communications transmettent ou distribuent de la vidéo sur le même réseau physique que celui qu’ils utilisent pour offrir des services de télécommunications traditionnels. Les réseaux numériques ne transmettent que des octets et sont entièrement libres lorsqu’il s’agit de comptabiliser le trafic. En fait, ils doivent le rester pour réaffirmer le principe de libre-accès à Internet. De nos jours, tous les réseaux transmettent de la voix, de la vidéo et des données, et il est impossible de classifier ce trafic. Toutefois, il demeure relativement simple de protéger et de séparer le commerce de la production et de l’exploitation de contenu de la transmission numérique, même en cas de libéralisation de la distribution.
    Dans le domaine de la distribution ou de la transmission de radiodiffusion, nous croyons qu’il est possible d’atteindre des objectifs en matière de radiodiffusion sans tenir compte de la propriété. Les distributeurs de radiodiffusion possèdent peu ou pas de latitude quant à l’application des règles de radiodiffusion. Les priorités culturelles et les tarifs sont établis par le CRTC, et les distributeurs doivent s’y conformer. Il en serait de même si des étrangers se mettaient à exploiter les réseaux physiques de distribution.
    D’autre part, les radiodiffuseurs comme CTV, Global ou TVA prennent des décisions quant aux programmes à produire, accordent des licences à des producteurs indépendants et exploitent leurs chaînes. Ces activités ont un intérêt culturel considérable et devraient rester protégées. Mais pour le moment, permettez-moi de vous faire valoir que la propriété étrangère ne devrait pas être au premier rang de vos préoccupations lorsqu’il est question d’atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Selon TELUS, la plus grande menace pour l’accès, la diversité et le choix émane de l’intégration verticale sans précédent à laquelle nous assistons dans l’industrie de la radiodiffusion, et ce, que les fournisseurs canadiens ou étrangers distribuent de la vidéo en vertu des mêmes règles ou non. Lorsque l’entente entre Bell et CTV sera approuvée par le CRTC au début de l’an prochain, les quatre distributeurs de radiodiffusion les plus importants contrôleront pratiquement tous les radiodiffuseurs au pays. Il s’agit d’un regroupement majeur qui s’est réalisé en moins de cinq ans. Cette intégration verticale entraîne des risques énormes d’abus de pouvoir sur le marché sur le plan de l’accès.
    C’est pourquoi nous sommes heureux que le CRTC compte tenir une audience le printemps prochain afin d’aborder les enjeux relatifs à l’intégration verticale et que votre comité ait voté la semaine dernière afin que ces enjeux fassent l’objet d’une prochaine étude. La propriété étrangère représente une réelle préoccupation, mais la transmission et la distribution du contenu peuvent être facilement réglementées afin que les priorités en matière de transmission soient respectées, peu importe qui est propriétaire du réseau.
(1535)
    Le fait que seuls quatre joueurs se partagent le contrôle de ce contenu devrait vous préoccuper davantage, car si le gouvernement n’est pas en mesure d’assurer le libre-accès des producteurs de contenu, des distributeurs indépendants et, surtout, de tous les Canadiens au système, alors nous sommes tous perdants.
    Selon nous, si nous perdons la diversité et le choix du système afin de créer de plus grandes entreprises canadiennes, le débat autour de l’incidence de la propriété étrangère et de l’atteinte des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion devient presque non pertinent.
    Monsieur le président, madame et messieurs les membres du comité, c’est ce qui met fin à mon allocution. Je serais heureux de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Hennessy.
    Nous entendrons maintenant la déclaration du représentant de l'University of Waterloo.
    Monsieur le président, madame et messieurs les membres du comité, je vous remercie infiniment de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous.
    Comme vous le savez, notre université est très active dans le domaine des médias numériques et des technologies émergentes. Mes observations porteront sur trois aspects: les perspectives, les problèmes et les mesures que nous devrons envisager.
    Je vous dirai sans ambages qu'il faudra maîtriser les médias numériques et être concurrentiels dans ce domaine pour prospérer au XXIe siècle, ce qui n'est pas une mince tâche.
    Les médias numériques ont permis aux pays et aux régions de se concurrencer comme jamais auparavant. Nous sommes témoins de changements phénoménaux qui se produisent là où l'on s'y en attend le moins. Par exemple, personne n'avait prévu il y a 15 ans l'arrivée du cellulaire en Afrique, ce qui est aujourd'hui une réalité.
    Nous observons également une transformation remarquable. Nous délaissons la technologie des médias numériques au profit du contenu numérique et des services en découlant. Ce n'est plus la capacité d'utiliser Internet, mais la capacité d'employer son contenu. Les choses ont évolué très rapidement. Nous sommes passés de ce que nous appelons le Web 1.0, qui permettait simplement afficher l'information, au Web 2.0, qui intégrait l'interactivité, et au Web 3.0, qui mise sur le modèle sémantique pour effectuer des analyses exhaustives. Ces transformations ont un effet très significatif
    Quelles sont donc les perspectives?
     Premièrement, il faut reconnaître que sa production culturelle procure au Canada tire un avantage concurrentiel important. Nous tirons très bien notre épingle du jeu dans la production du contenu, qu'il s'agisse notamment d'animation, de jeux vidéo ou de films.
    Deuxièmement, les perspectives sont énormes en éducation. Notre système d'éducation est de qualité supérieure, et nous finirons par nous rendre compte que nous pourrions en tirer un avantage concurrentiel sur le plan international. Partout dans le monde, les grandes universités offrent des cybercours. Un tel établissement peut compter de deux à trois millions d'étudiants. Si nous pouvions pénétrer ce créneau, la matière grise du Canada se disséminerait dans le monde.
    De toute évidence, les médias numériques peuvent servir à surmonter le problème de la distance et de l'isolement. Et j'estime que la promotion de la culture canadienne offre de formidables perspectives. Christie Digital, une entreprise établie à Waterloo, est réputée internationalement pour sa technologie immersive de construction de pièces de réalité virtuelle. Utiliser cette technologie pour les lieux patrimoniaux et les parcs nationaux permettrait instantanément les échanges d'un bout à l'autre du Canada.
    Au chapitre de la gouvernance et de la primauté du droit, nous avons un avantage concurrentiel fort appréciable. Le Canada pourrait tabler sur ses compétences en matière de propriété intellectuelle et de protection du droit d'auteur. Je pense que le Canada pourrait servir de modèle à cet égard.
    Enfin, le bilinguisme et le multiculturalisme offrent de vastes perspectives au Canada comme dans les autres pays.
    Quels sont les problèmes?
    M. Hennessy et les autres sont au courant qu'il est difficile de suivre le rythme en ce qui concerne l'infrastructure. C'est un problème très important. J'estime cependant que ce problème est davantage conceptuel que technique. Nous devons apprendre à réagir beaucoup plus rapidement et efficacement dans le domaine des médias numériques. En fait, nous sommes trop lents, contrairement à des pays comme Taïwan, la Corée — plus précisément, la Corée du Sud —, le Japon et la Malaisie.
    Restons en Asie encore un instant. Un phénomène très intéressant se produit dans le domaine des médias numériques en Asie orientale et en Asie méridionale. Pour la première fois depuis de nombreuses années, les pays de cette région ont adopté une vocation plus régionale. Le contenu numérique qu'ils produisent est destiné à leur marché et non pas à celui de l'Amérique du Nord. Leur marché est immense — plus d'un milliard de Chinois ainsi que les centaines de millions de personnes dans les autres pays de la région. Et c'est un marché que nous n'avons pas encore pénétré.
    J'ignore si certains d'entre vous connaissent Matthew Lien. C'est un musicien très intéressant du Yukon. À ma connaissance, fort peu en ont entendu parler au Canada. Pourtant, il est très célèbre à Taïwan et en Chine.
    Un nombre relativement important de Canadiens ont fait fi de notre marché et réussissent très bien à l'étranger. Nous devons de toute urgence resserrer nos liens avec l'Asie, alors qu'ils sont, au contraire, de plus en plus faibles. À cet égard, les médias numériques offrent d'énormes perspectives.
    Il faut tenir compte de deux autres aspects. Le premier est peut-être un peu surprenant. Nous accusons du retard au chapitre de la technologie du cellulaire — en fait, j'aurais dû parler des applications et non de la technologie. Nous aurions pu agir plus rapidement à cet égard.
     Ce qui est paradoxal, c'est que nous avons de la difficulté à conserver nos entreprises et nos employés. C'est devenu un problème fondamental au Canada. Nous perdons notre personnel hautement qualifié au profit d'autres pays. C'est notamment devenu une habitude pour nos jeunes entreprises de médias numériques de démarrer au Canada pour ensuite aller s'établir à l'étranger ou être vendues à des intérêts étrangers.
    Contrairement à d'autres pays — et je vous citerai encore une fois Taiwan, la Corée du Sud et l'Inde —, nous déployons très peu d'efforts pour ramener ces entreprises et ces employés au Canada.
(1540)
     Quelles mesures devrons-nous prendre?
     Je préconiserais d'intégrer plus énergiquement le contenu numérique à notre stratégie nationale en matière d'innovation. Le Canada consacre des centaines de millions de dollars à cette stratégie, mais n'a pas saisi que le contenu culturel et le contenu numérique sont un levier économique important. Ils le sont aujourd'hui, et ils le seront encore demain.
    Je crois que le Canada a besoin d'une percée dans ce domaine, d'un grand projet national montrant que nous sommes en mesure d'être un chef de file international. Nous devons être plus rapides. Nous devons mieux cibler nos objectifs. Dans le marché des médias numériques, les premiers et les derniers changent très rapidement de place, et nous réagissons trop lentement. Des changements très importants sont survenus. Le Conseil de recherches en sciences humaines a réussi magnifiquement à transformer ses activités, mais je vous avouerai franchement que le système de subventions de tous nos ordres de gouvernement — fédéral, provincial et municipal — ne permet pas de prendre rapidement des décisions. Cela peut nécessiter jusqu'à deux ans. Par comparaison, à Taïwan ou à Singapour, quelques personnes seulement peuvent prendre une décision en deux ou trois jours. Deux ans, c'est l'équivalent de toute une vie dans le monde des médias numériques. C'est trop lent. Il faut que ça change.
    Nous devons mettre l'accent sur la loyauté. Il n'y a rien de mal à ce que nous soyons fiers d'être canadiens et à ce que nous demandions à nos entrepreneurs et à nos créateurs de demeurer ici ou d'y revenir s'ils sont allés s'établir ailleurs. C'est ce que font d'autres pays. Des personnes et des entreprises établies au Canada retournent dans leur pays. Nous devons inviter les nôtres à revenir.
    Enfin, je pense que nous devons faire notre marque sur la scène internationale dans le domaine numérique. Nous devons montrer au monde entier qu'il faudra compter avec nous. Quelques-uns le font déjà. Research in Motion and Open Text sont deux excellents exemples, mais le Canada ne s'est pas encore taillé une place parmi les grandes nations numériques.
    Je vous remercie de m'avoir invité.
    Merci, monsieur Coates.
    Nous entendrons maintenant monsieur Wilson.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je vous suis très reconnaissant de m'avoir invité et de votre intérêt pour cette question.
    Je m'adresse à vous aujourd'hui au nom de l'Institut Stratford, un nouvel organisme créé dans le cadre d'un partenariat avec l'Université de Waterloo, la municipalité de Stratford, Open Text Corporation et le Canadian Digital Media Network.
    J'ai été mandaté par l'ancien président de notre université pour travailler au carrefour entre le milieu des affaires, le gouvernement et le secteur de la création. C'est la raison pour laquelle nous sommes établis à Stratford, une communauté bouillonnante sur le plan de la création, avec son festival Shakespeare soutenu par des entreprises et plusieurs ordres de gouvernement.
    Pour développer de nouveaux échanges et nouer des liens entre ces trois secteurs, nous avons organisé à Stratford, deux fois déjà, la conférence CANADA 3.0. Début mai de cette année, 2 000 représentants de gouvernements, d'entreprises, du secteur privé et des milieux universitaires se sont réunis dans un stade de hockey, à Stratford, pour se pencher sur l'avenir du numérique au pays. Il n'y a qu'au Canada qu'on peut discuter du numérique dans un stade de hockey. L'honorable Tony Clement a participé à cet événement et lancé le document de travail sur l'économie numérique au Canada. L'honorable Diane Finley était aussi là pour amorcer le débat entourant une politique en matière de ressources humaines.
    Le consensus qui est ressorti clairement et de façon remarquable, au terme des deux journées de discussion, était que le Canada doit se fixer un objectif national vaste et impérieux — qui pourrait s'appeler : « Le Canada, une nation numérique » —, objectif que nous atteindrions d'ici 2017, année de notre 150e anniversaire, tout en faisant preuve de leadership visionnaire, au plan national et régional. Il faut que ce soit un objectif ambitieux et impérieux dans lequel tout le monde, l'ensemble de nos secteurs, pourra s'engager.
    Par ailleurs, pour réussir dans ce domaine, il faut un niveau inégalé de collaboration entre le gouvernement, les universités, le secteur privé et les ONG. Les participants à cette conférence ont rappelé cette nécessité en insistant sur l'urgence de la situation.
    Le document de discussion a permis de se rendre compte que les difficultés auxquelles est confronté le Canada ne concernent pas l'économie numérique — qui n'est qu'une partie du problème. Le véritable enjeu, c'est la société numérique. À quoi va-t-elle ressembler? Comment la gérer? Comment utiliser cette technologie? Nos milieux de travail changent. Nos familles évoluent. Nos enfants vivent dans une sphère nouvelle, la sphère numérique. Il s'agit d'une technologie qui a un pouvoir de transformation; ce n'est pas simplement une mode. Et nous ne sommes qu'aux premiers balbutiements de cette technologie.
    Comme vous l'avez reconnu dans vos audiences ainsi que dans votre rapport préliminaire, cela a une incidence significative sur tous les aspects des politiques et initiatives culturelles. Je vais concentrer mon intervention sur le domaine que je connais le mieux, soit celui des bibliothèques et des archives.
    Le gouvernement du Canada a déjà pris des mesures pour répondre aux exigences et attentes du monde numérique. En 2004, il a fusionné la Bibliothèque nationale et les Archives nationales. Ces deux institutions avaient elles-mêmes proposé d'unir leurs forces pour satisfaire aux ambitions des Canadiens face au monde numérique. Le Québec a emboîté le pas très rapidement au gouvernement fédéral, et ma collègue, Mme Lise Bissonnette, a créé la Bibliothèque et les Archives nationales du Québec, selon le même modèle, avec une vision élargie, comme nous l'avions fait à Ottawa, afin d'avoir et d'utiliser tous les médias documentaires permettant de conserver des témoignages et des documents sur la société, de les préserver correctement, et de donner à tous les citoyens un accès adéquat aux archives historiques.
    De 2006 à 2009, nous avons également géré la Stratégie canadienne sur l'information numérique. Cela a donné lieu à l'organisation d'ateliers partout au pays, à la préparation de documents de recherche et, pour finir, à l'organisation d'un sommet national à Montebello, au Québec, sans parler de la coalition des bibliothèques de recherche réunies sous Canadiana.org et de l'engagement de plusieurs organismes privés qui se sont investis dans des initiatives connexes.
    L'un des éléments clés de tout ceci consiste à mobiliser les ressources existantes en matière de savoir au Canada. Je pense qu'il est devenu très clair que le gouvernement ne peut réglementer les contenus sur Internet. Nos façons traditionnelles de garantir l'espace pour du contenu canadien dans la radiodiffusion, la publication et la distribution de livres, le publipostage de magazines et de journaux ne sont plus efficaces dans un monde axé sur Internet. La seule stratégie viable, comme d'autres gouvernements nationaux en ont fait la preuve, consiste à rendre disponible en ligne une très grande partie de notre contenu de savoir national, de le rendre facile d'accès et attrayant, et d'encourager tous les citoyens à utiliser ce contenu dans les bibliothèques, les écoles, à la maison, dans tous leurs travaux de recherche ainsi que dans le cadre de la formation continue.
(1545)
    Pour ce qui est des ressources en matière de savoir national tirées de documents imprimés, la meilleure estimation que l'on puisse faire, à ce stade-ci, indique que moins de 4 p. 100 de ce que le Canada a publié est actuellement disponible en ligne. C'est quand nos jeunes vont sur le Web et s'imaginent que tout ce qui peut avoir une importance quelconque est déjà disponible. Les meilleures estimations dont disposent les bibliothèques révèlent que ce serait moins de 4 p. 100 de ce que nous avons publié dans ce pays. La première imprimerie a été créée à Halifax en 1751, mais nous avons moins de 4 p. 100. Pour ce qui est du matériel audiovisuel, cela représente moins de 1 p. 100 pour les télédiffuseurs éducatifs et nos cinéastes.
    Dans un récent sondage, 95 p. 100 des Canadiens interrogés ont indiqué qu'ils s'attendaient à avoir accès en ligne à leur bibliothèque et aux archives. Donc, je récapitule, 4 p. 100 et 1 p. 100 — autant dire que c'est négligeable —, à un moment où l'Europe, les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie investissent massivement pour que leur contenu national soit disponible en ligne.
    Dans le même ordre d'idées, il conviendrait d'insister sur la nécessité de se doter d'une politique en matière de préservation et de moyens pour conserver le matériel électronique. Comme quelqu'un l'a dit un jour, dans un environnement de travail moderne, les enregistrements électroniques durent pour toujours ou pendant cinq ans, selon la première échéance à survenir. Il est certain que de réelles menaces pèsent sur la préservation et l'entretien de notre mémoire nationale, pour ce qui est des documents gouvernementaux, je veux parler des archives officielles de notre société, celles produites par les gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que les administrations municipales. Nous devons donc nous doter de moyens pour préserver ces ressources à l'ère de l'électronique.
    En même temps, il convient de se demander quoi conserver dans l'intérêt public. Il est clair que nous devons garder des sites Web d'intérêt — comme ceux se terminant par gc.ca, mais qu'en est-il de sites comme Twitter, Facebook, YouTube et autres médias sociaux?
    En guise de conclusion, je dirais qu'il est très clair, selon ce qui ressort de vos délibérations et de ce bref tour d'horizon de ce que nous avons déjà accompli dans le monde des bibliothèques et archives, que les technologies numériques ont une incidence majeure, pour ne pas dire un pouvoir de transformation, sur notre culture et la préservation de l'accès à notre patrimoine documentaire. Nous avons modifié la base institutionnelle. Nous avons repensé la méthodologie et poussé le monde du travail à s'adapter au numérique. D'ailleurs, nous continuons de conserver toutes les données analogiques parce qu'elles n'ont pas disparu; il faut les préserver aussi. Nous permettons à des institutions d'atteindre un public que nous n'aurions jamais imaginé avoir il y a 10 ans.
    Dans cet environnement, et les tendances se dessinent très clairement, chacun est à la fois créateur et consommateur de contenu. Nous passons d'une époque de rareté à une ère d'abondance en matière de connaissance. Le leadership est passé des fabricants aux utilisateurs d'outils.
    Que voulons-nous faire avec cette technologie? L'accès dans les régions rurales est beaucoup moins répandu que dans les zones urbaines. La technologie permet l'établissement de modèles de gestion fondés sur les micropaiements, le contenu captif, les licences de regroupement d'auteurs, le partage des connaissances et la collaboration. C'est le partage, et non l'accumulation, qui est le fondement de l'innovation et de la créativité. Il y a actuellement beaucoup d'expériences et de projets pilotes. Le secteur culturel dans son ensemble évolue et change très rapidement, comme vous pouvez le constater.
    J'aimerais simplement donner un conseil, faire une suggestion et demander au comité permanent d'envisager la possibilité, s'il juge le moment opportun, de recommander la réalisation d'une étude d'envergure sur la politique culturelle du Canada, incluant les politiques qui régissent l'information, les sciences humaines et sociales ainsi que le savoir, une étude qui pourra inspirer et guider les gouvernements et les institutions canadiennes tout au long du 21e siècle. Il faudrait y faire participer les natifs de l'ère numérique, adopter une vision inclusive de son rôle pour intégrer toutes les formes d'expression de la culture et du savoir dans une société complexe et plurielle. L'étude devra se pencher sur les implications pour l'ensemble des secteurs et des institutions de la culture dans une société très informée et avancée technologiquement.
    Elle devra proposer une vision et être une source d'inspiration. J'imagine que pour ce faire, il faudra repenser en profondeur et revoir le rôle de nos modèles dans le domaine des arts et du savoir, reconnaître que leurs talents et leur créativité sont désormais vitaux. Ces gens sont essentiels à la réussite du Canada, comme nation numérique, dans l'économie mondiale du savoir.
    Au début des années 1950, la Commission Massey-Lévesque avait établi les grandes lignes de la culture pour soutenir, orienter et promouvoir le développement culturel du Canada dans les années d'après-guerre. Je pense qu'après 15 ans d'économie numérique, il est temps pour nous de revoir et de repenser ces politiques, nos institutions et nos approches, mais de confier cela à une nouvelle génération et de permettre aux natifs du numérique de s'engager pleinement dans cette aventure.
    Je crois que ce serait amusant. Je trouve que ce serait fascinant. Cela nous donnerait des bases solides, une orientation réelle et de l'inspiration pour les 50 années à venir.
    Merci beaucoup.
(1550)
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Wilson.
    Nous allons maintenant entendre la représentante de l'Association canadienne des bibliothèques.
    Merci, monsieur le président, et merci aussi de me donner l'occasion de participer à cette étude que réalise votre comité sur les médias numériques et émergents.
    Je m'appelle Kelly Moore et je suis directrice exécutive de l'Association canadienne des bibliothèques. L'ACB est l'association nationale des bibliothèques la plus importante et la plus vaste au Canada, représentant les intérêts des bibliothèques, des milieux universitaires et scolaires, des bibliothèques spécialisées, des bibliothécaires, des employés de bibliothèques, des fiduciaires et de tous ceux qui cherchent à améliorer la qualité de vie des Canadiens au moyen de l'information et de la littéracie.
    Toutes les bibliothèques, quelles qu'elles soient, servent deux grands objectifs: donner accès à de l'information, peu importe le format dans lequel elle est produite ou utilisée, et préserver cette information pour la rendre accessible dans le futur. La révolution numérique a provoqué une explosion, tant de la quantité d'information que de la variété des formats dans lesquels elle est produite, et le rythme d'évolution de la technologie a une incidence sur l'information, dans des proportions que nous ne sommes même pas capables d'appréhender. Il est évident que si nous ne nous dotons pas de politiques rigoureuses en matière de numérique et d'information, nous risquons de perdre du matériel, simplement parce que nous ne pourrons plus y avoir accès dans le format dans lequel il aura été créé.
    Les bibliothèques s'efforcent de suivre le rythme des changements nécessaires dans les modes d'accès à l'information, la compilation du matériel et la conservation des supports. Elle est depuis longtemps révolue l'époque où l'information, dans les bibliothèques, se mesurait par le nombre d'étagères de livres et de tiroirs remplis de catalogues sur fiches. Aujourd'hui, les bibliothèques sont de véritables centres d'information établis au sein des communautés, dans les écoles, les centres de recherche ainsi que dans les environnements de travail des secteurs public et privé. Pour ce qui est de l'information numérique, les bibliothèques donnent accès non seulement à Internet, mais aussi aux bases de données et aux journaux électroniques, aux ensembles de données et à d'autres ressources que les gens ne peuvent conserver pour des raisons pratiques ou même se payer.
    Au Canada, les bibliothèques ont connu un certain succès auprès des médias numériques et émergents. J'en veux pour exemple l'utilisation de métadonnées qui permettent de récupérer des images numériques, un système qui a été mis au point par des bibliothécaires. Avec des initiatives comme Canadiana.org, dont a déjà parlé M. Wilson, et le projet OurOntario.ca, on utilise ces métadonnées afin d'aider les chercheurs à accéder à des fichiers numériques conservés dans plusieurs collections différentes, grâce à une recherche unique. Il n'est désormais plus nécessaire de rechercher certaines données dans les collections d'une institution en particulier; on peut retracer des documents connexes classés dans différents lieux, simplement grâce à un point d'accès virtuel unique.
    J'aimerais vous faire part de quelques-unes des propositions que l'ACB considère utiles pour aider les Canadiens à relever les défis et profiter des occasions qu'offrent les médias numériques et émergents. Pour la plupart, ces propositions concernent les questions 4, 5 et 6 du mandat que s'est fixé le comité dans le cadre de cette étude. Je vais parler plus précisément de la nécessité d'adopter une stratégie nationale numérique, des conséquences sur les droits d'auteur, de l'accès aux services à large bande et de l'importance du libre accès à de l'information du domaine public.
    Alors, quelles politiques le gouvernement fédéral doit-il adopter pour s'assurer que les Canadiens ont accès aux médias numériques et émergents, et qu'ils disposent des compétences nécessaires pour faire le meilleur usage des possibilités que leur offrent ces médias? La première chose à faire, c'est de mettre au point une stratégie nationale numérique. Comme on l'a mentionné avant moi, plusieurs pays ont investi dans des stratégies nationales pour tirer parti des initiatives numériques. Le Canada ne dispose pas d'un tel plan pour numériser stratégiquement du matériel analogique afin de le rendre disponible en ligne, de le conserver et de donner un accès continu à du matériel numérisé ou né numérique. Actuellement, il n'existe pas de vue d'ensemble précise des projets de numérisation en cours au pays. Il est nécessaire de développer et de mettre en oeuvre une stratégie numérique nationale pour que toute l'information ayant une valeur archivistique pour les Canadiens soit et continue d'être accessible.
    Une telle stratégie numérique doit également prendre en compte la nécessité d'avoir accès à l'information à tous les stades de la vie. Les salles de classe, dans les écoles partout au Canada, ont maintenant accès à une gamme sans précédent de ressources protégées par des droits d'auteur, disponibles sur Internet et en format électronique, qui permettent un excellent accès à l'information. Toutefois, trop souvent, l'accès à ces ressources est limité aux étudiants et, dans bien des cas, il est rare que ces étudiants bénéficient des mêmes niveaux d'accès après qu'ils ont obtenu leurs diplômes. Ainsi, ces ressources doivent demeurer disponibles pour les gens, tout au long de leur carrière et sans condition. Pour ce faire, il faudra appuyer la création et l'achat de contenu numérique, qui sera mis à la disposition des Canadiens par les bibliothèques publiques et scolaires ainsi que par les employeurs. Bref, ce n'est pas parce que quelqu'un cesse d'étudier que sa capacité d'apprentissage est limitée pour autant.
    Nous devons adopter et appliquer une mesure législative équilibrée en matière de droits d'auteur. Il est important de souligner combien les décisions que nous prenons aujourd'hui en matière de droits d'auteur auront une incidence sur l'accès aux ressources dans l'avenir. L'ACB a produit un mémoire au sujet du projet de loi C-32, et nous croyons que ce comité, d'une façon ou d'une autre, s'en occupera dans les mois à venir; mais il est important d'insister sur la nécessité d'adopter des mesures équilibrées en matière de droits d'auteur pour favoriser véritablement les médias numériques et émergents.
(1555)
    Même si ce projet de loi comporte d'excellents éléments, nous considérons que, dans sa forme actuelle, il n'est pas équilibré. Il confère aux détenteurs de droits d'auteur de matériel en format électronique des pouvoirs presque illimités pour déterminer les conditions dans lesquelles les gens pourront utiliser ce matériel.
    Les bibliothèques existent parce que la plupart des esprits créateurs et innovateurs ne peuvent se permettre d'acheter tout le matériel qu'ils doivent consulter tout au long de leur vie. Tout le matériel protégé par des droits d'auteur devrait être raisonnement disponible dans les bibliothèques, et les détenteurs de droits d'auteur ne devraient pas être autorisés à en empêcher la consultation publique. L'utilisation de verrous numériques aura pour effet de freiner le développement de nouvelles applications et de nouveaux services. Permettre aux détenteurs de droits d'auteur de déterminer comment leurs produits seront utilisés freine le développement de contenu pour les nouveaux médias numériques.
    Par ailleurs, il faut garantir l'accès à une largeur de bande suffisante. Compte tenu de l'incidence des médias numériques, il est important que nous réfléchissions à la façon dont l'information parvient réellement aux utilisateurs. Il faut veiller à ce que tous les Canadiens aient les moyens d'accéder aux services et au contenu culturel. Certes, l'accès à Internet à large bande dans les régions rurales est un défi qui peut avoir une incidence sur la capacité de tirer profit des médias numériques. Il est tout aussi important de reconnaître que même si la plupart des villes canadiennes ont une largeur de bande suffisante, les centres urbains sont aussi des endroits où les moins nantis, les nouveaux Canadiens et les personnes ayant des besoins spéciaux et nécessitant certains services ont tendance à se concentrer. Ces Canadiens n'ont souvent pas les moyens de se payer l'accès large bande, même si celui-ci est physiquement disponible pour eux. Pour profiter de l'environnement numérique, beaucoup de résidents des zones urbaines doivent aussi pouvoir accéder à Internet haute vitesse dans des lieux publics.
    Les bibliothèques sont là pour jouer ce rôle. Plus le Canada développera de contenus numériques, plus il y aura de Canadiens, aussi bien dans les zones rurales que dans les régions urbaines, qui se tourneront vers les bibliothèques. Les raisons sont claires. Les bibliothèques offrent de l'encadrement, de l'aide et l'accès aux technologies dont les gens ont besoin. Par exemple, il est pratiquement impossible pour les Canadiens au chômage de trouver des emplois appropriés sans consulter régulièrement des sites en ligne ou avoir la possibilité d'envoyer leur curriculum vitae par voie électronique. Le programme d'accès communautaire offre un certain accès rudimentaire à cet égard, mais il ne bénéficie pas de financement assuré pour l'instant. À l'avenir, il serait important de renforcer et de garantir ce programme.
    Enfin, il faut mettre en oeuvre des politiques favorisant le libre accès à l'information et aux données du domaine public. Les médias numériques et émergents ont besoin de contenu, et le contenu de qualité peut être développé au moyen du libre accès à l'information et aux données du secteur public au Canada. Nous invitons le gouvernement à rendre l'information qu'il produit disponible gratuitement sur des formats lisibles par machine en se fondant sur les normes communes que l'on peut exploiter sans avoir recours à un logiciel particulier.
    Il faudrait également que tous les grands organismes subventionnaires fédéraux demandent le libre accès à la recherche financée par l'État. Tous les chercheurs qui bénéficient du soutien des contribuables canadiens devraient avoir pour obligation de rendre publics les résultats publiés de leurs recherches ainsi que les données de recherche, au terme d'une période d'embargo ne devant pas excéder six mois. Cette initiative a déjà été mise en oeuvre dans d'autres pays.
    Je tiens à vous remercier, une fois de plus, de m'avoir permis de comparaître devant vous aujourd'hui, et je suis maintenant prête à répondre à toutes vos questions. Merci.
(1600)
    Je vous remercie madame Moore.
    Nous disposons d'environ 55 minutes pendant lesquelles les membres du comité feront des commentaires et poseront des questions.

[Français]

    Nous allons commencer avec M. Rodriguez.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Moore, en ce qui concerne le projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, on va en discuter dans un autre comité que celui-ci. Ce ne sera pas le Comité de l'Industrie qui en fera l'étude, mais un comité législatif. Donc, bien que ce soit vraiment lié au sujet qui nous occupe aujourd'hui, c'est un autre comité qui en fera l'étude. Je vous dis cela à titre d'information.
    Bonjour à tous et merci d'être ici. Monsieur Hennessy, on a eu des discussions, dans le passé, sur ce dossier. Vous êtes venu nous voir, aujourd'hui, pour parler des médias numériques et émergents, des possibilités et défis, des cadres de référence. Plusieurs éléments sont indiqués ici. Vous aviez le choix d'en aborder un ou plusieurs, mais vous avez choisi de concentrer vos commentaires sur la propriété étrangère.
    Selon votre logique, si on ouvre l'accès à la propriété étrangère, dans le cas des télécommunications, il faut premièrement décider si ça se fait et, si oui, dans quelle mesure. Et si ça se fait, il faudrait aussi que ça se fasse dans le broadcasting.
    Pour moi, ça soulève de nombreuses inquiétudes, parce que j'ai l'impression qu'il n'y a plus de limites, à ce moment-là. J'ai l'impression que vous êtes prêt à ouvrir à des intérêts étrangers nos entreprises régies par la Loi sur les télécommunications. Vous êtes aussi prêt à ouvrir aux acquéreurs étrangers les entreprises qui sont régies par la Loi sur la radiodiffusion.
    Évidemment, comme vous l'avez vous-même mentionné, je crois, tout est intégré. Il y a une intégration verticale énorme. À peu près tout le monde, aujourd'hui, fait de la téléphonie, de la radiodiffusion, du contenu, etc. Je suis très mal à l'aise face à l'idée d'ouvrir de cette façon, parce que je me demande ce qui va rester au Canada. Que va-t-il nous rester en termes de compagnies qui travaillent dans la diffusion et, éventuellement, des compagnies qui travaillent au niveau de la création, au niveau du contenu? Si je suis votre logique d'ouvrir, il n'y aura plus aucune limite et on ouvrira à peu près à tout. À mon avis, ça risque de porter préjudice aux industries culturelles canadiennes.
    Alors, j'aimerais savoir si vous voyez des limites, dans votre approche. Par exemple, vous dites que ça devrait se faire en partie ou dans tous les secteurs du broadcasting. Si tel est le cas, est-ce que ce devrait être une ouverture jusqu'à 49 p. 100, par exemple, ou une ouverture complète? Est-ce qu'il devrait y avoir des tests à passer pour que ça soit accepté ou non? J'aimerais donc vous entendre un peu plus là-dessus, s'il vous plaît.
(1605)
    Merci, monsieur Rodriguez.

[Traduction]

    Tout d'abord, j'y vois effectivement des limites, alors comme je l'ai dit, il faudrait établir une distinction claire entre la transmission et le commerce de production et d'exploitation du contenu qui est diffusé de nos jours — CTV, TVA, Astral.
    Un témoin de Rogers a laissé entendre plus tôt que les fournisseurs de services forment à bien des égards la tuyauterie. C'est par eux que sont acheminés les signaux et, vous l'avez dit, les signaux, de nos jours sont vraiment inséparables. Nous ne pouvons pas vraiment décider de permettre la propriété étrangère des services de transmission voix-données seulement, et d'exclure les services vidéo, parce qu'ils utilisent tous les mêmes tuyaux. Je pense qu'ils sont inséparables.
    Vous devez, pour commencer, voir comme nous qu'il n'est pas approprié que le gouvernement modifie ses politiques sur la propriété étrangère de manière à ne favoriser, dans son esprit, que les fournisseurs indépendants, comme peut-être les nouveaux venus du marché sans fil. Je soutiendrais même qu'alors qu'actuellement la technologie de l'accès sans fil très large bande se répand, les signaux vidéo qu'elle diffuse seront transmis par les réseaux Internet par satellite de la prochaine génération comme ils le sont aujourd'hui par les réseaux de câblodistribution et de télécommunication.
    Notre prémisse, si vous devez modifier la loi, c'est qu'il ne faudrait pas, ce faisant, donner aux fournisseurs étrangers des avantages sur les fournisseurs canadiens, parce qu'alors, même si vous pensez n'avoir affaire qu'à de nouveaux venus modestes, nous avons pu constater que... Prenez l'exemple de Globalive, aujourd'hui. Orascom, son actionnaire égyptien, est en train de passer aux mains d'une société russe, Orascom-VimpelCom, qui aura 174 millions d'abonnés. C'est le genre de concurrents que nous devons affronter. Alors si vous comptez modifier le moindrement la loi, vous devez le faire de manière à donner au moins autant aux fournisseurs canadiens qu'aux étrangers.
    C'est par là qu'il faudrait commencer. Nous pouvons aussi séparer les services du contenu, puisque les radiodiffuseurs intégrés de nos jours le font déjà dans leur structure d'entreprise.
    Merci, monsieur Hennessy.

[Français]

    Merci, monsieur Rodriguez.
    Je donne maintenant la parole à M. Pomerleau.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Je m'excuse de mon retard, j'ai eu quelques imprévus.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Wilson. Pour commencer, vous nous avez fait remarquer que dans la digitalisation de notre patrimoine écrit, on se situe seulement à 4 p. 100, par rapport à bien d'autres dans le monde. Dans le vidéo, on se situe à 1 p. 100. Vous avez fait des comparaisons à l'échelle internationale, avec l'Australie et d'autres pays.
    La semaine dernière, je discutais avec un député de Halifax. Présentement, dans le port de Halifax, les Mi'kmaqs sont en train de construire un bateau en écorce, comme ceux qu'on construisait il y a 400 ans. Je ne sais pas si quelqu'un filme cela, mais ce sera peut-être fait pour la dernière fois et ce sera perdu.
    Dans mon comté, par exemple, il y a la tribu des Abénakis, une des 11 nations du Québec. Dans tout ce groupe, seulement deux personnes parlent encore la langue abénaquise. Dès qu'elles vont partir, ce sera terminé, on n'entendra plus jamais cette langue. En ne faisant pas le travail requis, c'est ce que l'on est en train de perdre.
    Si d'autres nations dans le monde arrivent à faire beaucoup mieux que nous, comment expliquer que l'on en soit seulement là?
    Je ne sais pas comment l'expliquer. Les bibliothécaires et les archivistes en parlent depuis huit ans. Il y a huit ou neuf ans, nous étions en avance dans ce domaine. Lise Bissonnette et moi, ainsi que d'autres collègues, étions en avance. Malheureusement, les gouvernements n'ont pas entendu les suggestions des bibliothécaires. Nous avons développé une stratégie nationale, après avoir tenu des consultations et des ateliers, pour discuter de choses très détaillées. Nous avons établi une base professionnelle pour avancer dans ce domaine. Malheureusement, il n'y a pas de programme pour la numérisation de notre patrimoine.
    Dans la situation que vous avez décrite, concernant les habitudes et les langues des premières nations qui disparaissent rapidement, on doit les enregistrer de manière permanente et les rendre disponibles sur le Web. On peut le faire, ce n'est pas difficile. Ce que je veux dire, c'est que maintenant, la question n'est pas la technologie. La technologie canadienne est très avancée, c'est magnifique. C'est une technologie que nous pouvons utiliser pour notre patrimoine documentaire. Bibliothèque et Archives Canada, nos musées et l'Office national du film du Canada essaient de le faire, mais les budgets sont vraiment très limités. Or selon moi, ce serait un projet de nature capitale. Ce n'est pas une dépense.
(1610)

[Traduction]

    Combien , encore, venons-nous d'investir dans les programmes de stimulation de l'économie, pour construire des édifices? Quelqu'un a fait une analogie entre nos projets de réseau du savoir, en vue de mettre en ligne le savoir et le contexte canadiens, et la construction du Chemin de fer Canadien Pacifique. Il s'agit de construire le chemin de fer transcanadien, mais pour une société du savoir, pour notre capital intellectuel. C'est un monde tout nouveau que celui-ci, et nous employons encore des modèles qui étaient très bien dans les années 1980 — à n'en pas douter — mais c'est maintenant le 21e siècle. Les méthodes de travail ont changé du tout au tout et l'environnement est des plus compétitifs.
    Aux dernières nouvelles, la Bibliothèque du Congrès des États-Unis investissait plus de 100 millions de dollars dans la numérisation. Le gouvernement français a envoyé des sénateurs à l'Université de Waterloo pour discuter avec nous et avec Open Text. Il envisage d'investir 780 millions d'euros sur les cinq prochaines années dans un projet de numérisation du matériel qu'a accumulé

[Français]

la Bibliothèque nationale et, je l'espère, les archives nationales. C'est essentiel pour nous, pour le Québec.

[Traduction]

    Mais nous ne sommes pas de la partie. Ce que nous décrivons, ce que décrivent l'Association canadienne des bibliothèques, Canadiana.org, notre réseau de grandes bibliothèques du pays, c'est un pilier essentiel de l'infrastructure d'une société du savoir. Nous disons qu'il faut le faire une fois, et le faire bien. Il faut les préserver.
    Nous devrions y mettre un moteur de recherche canadien très puissant, et nous l'avons. Il y a Open Text, et aussi une compagnie de Montréal appelée Nstein, dont la technologie du Web sémantique et d'exploration de données est extraordinaire. Pourquoi n'avons-nous pas un moteur très puissant...? C'est ainsi qu'on intéressera les Canadiens à leur passé, à leur expression créative, et qu'on les amènera à en tirer parti pour l'avenir.
    Merci, monsieur Wilson.

[Français]

    Merci, monsieur Pomerleau.
    C'est à votre tour, monsieur Angus.

[Traduction]

    Je vous remercie pour cette discussions fascinante. Elle pourrait se poursuivre des heures, mais nous devrons malheureusement limiter nos questions.
    Monsieur Hennessy, en lisant l'entente entre Google et Verizon sur le contenu et la non-interférence du contenu, j'ai été troublé par la notion soudaine d'Internet « public », comme si la technologie avec fil était l'Internet public, ce qui sous-entend que la diffusion sans fil est exclue de l'entente. Et pourtant, une part de plus en plus grande de notre contenu, vous pouvez certainement le confirmer, est diffusée sans fil, au moyen de nouvelles plateformes.
    Au Canada, maintenant, les créateurs de contenu, forts de l'appui des centaines de millions de dollars en fonds publics qu'ils obtiennent par l'intermédiaire du FMC, sont en fait sous la coupe d'une compagnie de téléphone et de deux ou trois compagnies de câblodistribution. Comment pouvons-nous faire en sorte qu'un certain genre de contenu ne l'emporte pas sur un autre, ou que les nouveaux marchés numériques ou les nouveaux joueurs du monde numérique puissent accéder au contenu que pourrait contrôler le compétiteur, disons, Bell-CTV? Comment pouvons-nous nous assurer que ces géants verticalement intégrés n'useront pas de leur pouvoir de manière anticoncurrentielle pour restreindre l'accès au contenu pour vos abonnés qui voudraient voir un film de CTV sur Telus?
    C'est une bonne question, et je pense que vous avez raison: il n'y a pas que les fils qui donnent accès à Internet; il y a aussi la technologie sans fil.
    Pour commencer — et le CRTC s'y est déjà mis —, vous décrétez en vertu des pouvoirs conférés par l'article 27 de la loi que l'exclusivité, l'octroi d'un privilège à une société affiliée sur ses compétiteurs, et autres manoeuvres du genre constituent une préférence indue. Le grand défi toutefois est de donner du mordant à cette règle. Il faut donc une règle contre l'exclusivité qui s'applique à toutes les plateformes, parce que ce contenu a été créé grâce aux fonds publics, ou il est utilisé... Vous savez, les programmes américains ou étrangers — tout cela en fait partie. Donc, il faut que les Canadiens y aient accès.
    Le plus simple est une règle ex ante interdisant l'exclusivité du contenu des émissions du réseau, qu'elles soient diffusées avec fil, sans fil ou par satellite. C'est la règle générale. Comment ensuite s'assurer que le fournisseur verticalement intégré qui convient de diffuser une émission n'impose pas des modalités tellement prohibitives que l'exclusivité ne sert à rien? Il faut que les ententes antérieures, avant l'exclusivité, soient transparentes. Il faut un processus d'arbitrage prévisible, sur le plan des délais, parce que comme je le dis souvent, il ne sert à rien de remporter le droit de diffuser la saison de hockey sur le réseau téléphonique sans fil si la décision n'est rendue qu'alors que commence la saison de baseball. Donc la rapidité est cruciale. Ensuite, il faut que la commission ou l'arbitre qui a rendu la décision puisse la faire respecter rapidement. Si elle n'est pas vite respectée, la décision devra être déposée devant la Cour fédérale pour que le fournisseur verticalement intégré sache que s'il ne s'exécute pas immédiatement, il risque d'être reconnu coupable d'outrage au tribunal.
    Si rien de tout cela ne réussit, vous pourrez commencer à parler d'amendes, mais je pense que la plupart des compagnies, à ce point-là, auront déjà abandonné la partie. Il faut toutefois des règles ex ante pour confirmer que certaines choses ne sont pas acceptables et ne passeront tout simplement pas, et l'exclusivité en est un parfait exemple.
(1615)
    Je vous remercie.
    Nous avons entendu cette comparaison du grand monde numérique avec le Chemin de fer Canadien Pacifique, mais j'ai tout de même l'impression que nous agissons encore comme si la culture numérique est quelque chose qu'il faut contenir, comme si nous craignons que la voie ferrée fasse concurrence aux chevaux d'attelage et estimons devoir restreindre le nombre de voies que nous allons construire.
    Madame Moore, c'est à vous que je m'adresse maintenant. Le concept d'apprentissage permanent par voie électronique me semble primordial, et pourtant il est question de poser des serrures numériques. Les droits dont jouiraient normalement les éducateurs et les étudiants peuvent être supprimés, et le projet de loi C-32 comporte même une clause de destruction des notes de cours au bout de 30 jours sous prétexte que leur conservation poserait une espèce de risque.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Nous voyons nos compétiteurs respecter les règles de l'OMPI, dont les dispositions relatives à la serrure numérique sont très claires. L'article 10 du Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur dispose qu'on ne peut user de dispositifs comme les serrures numériques pour porter atteinte à l'exploitation normale d'une oeuvre. En quoi, selon vous, est-ce que le fait de permettre un code logiciel conçu par une société pour limiter, refuser ou exclure de façon arbitraire n'importe quelle espèce d'accès nous empêchera de créer un régime du savoir véritablement axé sur l'avenir?
    Merci, monsieur Angus.
    En deux mots, je vous prie, madame Moore.
    Ce sera très difficile si vous ne pouvez accéder au matériel, le convertir en d'autres formats au besoin pour en ouvrir l'accès, pour le préserver. Le cycle de vie de cette information sera très court et son applicabilité très limitée. Alors, oui, les serrures numériques entraveront le maintien de l'information dans l'avenir, et nous ne serions certainement pas en faveur de ce que cet outil puisse dicter ce qui sera accessible aux utilisateurs de l'information, que ce soit maintenant ou plus tard.
    Merci, madame Moore.
    Monsieur Del Mastro.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être des nôtres. Le sujet est des plus intéressants.
    Monsieur Hennessy, j'aime à penser que peu de choses m'échappent, que je vois tout. C'est du moins ce qu'il me plaît de croire. C'est la première fois depuis un certain temps que j'ai l'occasion de voir Telus devant notre comité, et j'en profite pour dire ce que j'ai à dire. Je tenais à vous féliciter, vous et votre compagnie, en particulier pour la reconnaissance à l'échelle mondiale de vos activités philanthropiques.
    Je ne sais pas combien ici le savent, mais Telus a été reconnue à l'échelle mondiale pour les efforts qu'elle déploie notamment pour soutenir nos soldats et leurs proches, et pour tellement d'autres nobles causes. Je tenais à vous en remercier, parce que les entreprises se font souvent malmener ici, mais je pense que vos efforts sur ce plan méritent un coup de chapeau.
(1620)
    C'est très aimable, je vous remercie.
    Je vous en prie.
    Maintenant, pour revenir à votre témoignage, vous avez parlé d'intégration verticale et moi-même, je vois dans l'intégration verticale un débouché. Elle présente, c'est certain, bien des problèmes, mais n'offre pas moins de possibilités faramineuses, parce que nous franchissons — et bien du monde dirait que nous l'avons franchi il y a déjà un certain temps — le cap de l'époque où l'accès au contenu était limité par la distance qu'on pouvait faire parcourir à un signal. Vous avez parlé de fournisseurs de services Web qui diffusent du contenu littéralement partout sur la planète. La scène n'a quasiment plus de limite. Vous évoluez maintenant sur une scène mondiale. Ce n'est plus qu'un simple marché. Je pense que c'est M. Coates qui, en parlant du contenu canadien, disait que nous sommes vraiment très forts sur ce plan.
    Puisqu'il en est ainsi, je trouve que le contenu prend tellement d'importance, non pas tant où il sera diffusé, mais le contenu lui-même, que c'est sur lui que le Canada et le gouvernement devraient vraiment se concentrer. Est-ce que vous en convenez?
    Oui, absolument. Nous ne sommes pas contre l'intégration verticale, mais nous pensons néanmoins, comme je l'ai dit, qu'il faudrait garantir à tous les Canadiens, producteurs indépendants et concurrents un plein accès aux plateformes. C'est probablement peu cher payer pour ce degré d'intégration. C'est une ouverture phénoménale sur le monde, mais je pense qu'il y a dans tout cela quelque chose d'essentiel. Je retire un petit moment mon chapeau d'entrepreneur pour me faire le porte-parole de mes amis du secteur de la production indépendante. Avec la concentration, les possibilités de diffusion sur les plateformes traditionnelles se font plus rares pour un producteur indépendant de films ou de télévision. Ce sont encore actuellement les plateformes traditionnelles qui génèrent la plus grande partie des revenus et qui, ainsi, contribuent à financer la capacité de distribution de ces produits sur Internet. S'ils ne sont pas diffusés à la télévision d'abord, il n'obtiennent jamais de temps d'antenne. C'est donc essentiel.
    Je suis fermement convaincu qu'il faudrait renverser la vapeur, dans la réglementation, et admettre qu'avec Internet, nous avons un mode de diffusion à large bande; nous avons la possibilité d'atteindre des marchés si vastes que nous pourrions ne plus jamais avoir besoin de subventionner des entreprises. Il faut toutefois commencer par notre propre marché et nous assurer que les producteurs de contenu ont accès aux réseaux dont nous disposons sans que les fournisseurs de services Internet eux-mêmes y fassent obstacle pour des motifs d'ordre concurrentiel ou stratégique.
    Il me semble un peu avoir trouvé un allié dans ma quête personnelle d'une refonte en profondeur de la Loi sur la radiodiffusion, de sorte que nous puissions la moderniser et voir comment nous pourrions au mieux exploiter ces possibilités. C'est du moins ce que je pense, que nous devrions sérieusement réfléchir aux moyens de tirer le meilleur parti des possibilités et du soutien.
    Je ne sais pas ce que vous en pensez. Les producteurs indépendants me disaient la semaine dernière que la difficulté pour eux — vous en avez aussi parlé —, c'est en partie que les diffuseurs décident de ce qu'il faut produire, et ils aimeraient pouvoir en faire autant. Autrement dit, le Fonds des médias du Canada qui a été créé l'année dernière et qui, je pense, a été un grand succès, verse de l'argent aux diffuseurs qui alors chargent les producteurs de produire une émission. Ce que disent les producteurs, c'est que s'il pouvaient aussi bénéficier du Fonds, ils pourraient conclure une entente avec les diffuseurs; cela pourrait changer les droits des producteurs. Que dites-vous de cette proposition?
    J'ai bien connu le Fonds Canadien de télévision, le prédécesseur du FMC. Les droits de permis seront toujours un sujet de discorde entre les producteurs et les diffuseurs.
    Ce qui tient le plus à coeur aux producteurs — parce que je ne crois pas que quiconque soit tenté de réformer encore le Fonds des médias canadiens —, c'est ce qu'on appelle les modalités d'échange. Il leur faut une espèce de garantie d'accès, comme celle qu'ont les producteurs britanniques. Ils devront s'accrocher ferme à leurs droits à l'Internet et à d'autres plateformes, sinon ils n'arriveront jamais à s'épanouir et exploiter leur contenu.
(1625)
    Merci, monsieur Hennessy.
    Laissons maintenant la parole à Mme Crombie.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins et je les remercie pour leurs exposés.
    Je commencerai par M. Coates. J'ai été vivement intéressée quand vous avez dit que Taïwan et Singapour sont des chefs de file en matière de création de médias numériques. J'ai eu la chance d'aller à Taïwan l'année dernière, en fait, et ses énormes parcs industriels m'ont époustoufflée. J'y ai aussi visité un institut des arts numériques. J'ai pu constater que le gouvernement choisit des secteurs gagnants et leur fournit des incitatifs, sous forme de subventions ou au moyen de structures fiscales favorables. Et évidemment, il insiste beaucoup sur le niveau d'instruction de la population et sur l'acquisition de certains groupes de compétences.
    Les Taïwanais portent un vif intérêt à ce que nous faisons au Canada en matière de médias numériques et voudraient tisser des liens avec les fournisseurs canadiens. J'ai essayé de leur trouver une porte d'entrée au Collège Sheridan et même à Electronic Arts, en Colombie-Britannique. Ils disent que nous sommes des spécialistes dans ce qu'ils appellent l'anime, un concept de bandes dessinées nouveau pour moi, mais apparemment c'est vrai.
    J'aimerais connaître votre perspective d'une stratégie nationale. Est-ce que vous recommandez le choix d'un secteur — les médias numériques par exemple — sur lequel seraient concentrées des mesures de stimulation et de financement, ainsi que des incitatifs?
    C'est de toute évidence une mesure que je vois d'un très bon oeil. Je crois que nous devons prendre de vrais risques nationaux. Pour l'instant, nous tâtonnons à la recherche de la solution garantie à 100 p. 100, et nos efforts resterons vains. Le domaine évolue très rapidement.
    Prenez Taïwan, par exemple, qui a décidé, il y a une quinzaine d'années, que le gouvernement mettrait l'accent sur ce qui est littéralement le coeur de la technologie. Maintenant, presque tous les appareils — qu'il s'agisse d'ordinateurs, de téléphones cellulaires ou d'autres gadgets — ont des pièces fabriquées à Taïwan à l'intérieur. Ce pays fabrique toutes sortes de semi-conducteurs, de processeurs et de dispositifs électroniques. La seule entreprise taïwanaise dont vous avez entendu parler est probablement Acer, qui fabrique les appareils au complet. Mais une grande partie des appareils que vous achetez, sous la marque « Toshiba », par exemple, comportent souvent des produits d'origine taïwanaise.
    Ce n'est que depuis un an et demi que les Taïwanais ont décidé de s'intéresser au contenu numérique; voilà pourquoi des centres d'arts numériques fleurissent un peu partout. Ils investissent dans de nouveaux instituts, qui visent essentiellement à former des concepteurs, des artistes, du personnel de création et toutes sortes d'employés. Mais ce qu'il faut comprendre avec Taïwan, c'est que juste de l'autre côté d'un mince détroit vivent un milliard et demi de personnes qui s'expriment en chinois et ne destinent pas leur contenu numérique au Canada. Ils ont maintenant la possibilité d'exploiter ce remarquable accès à la Chine, qui leur était fermé il y a 10 ans.
    Ce qui est également intéressant dans le modèle taïwanais, c'est la mobilité des personnes entre les universités, le gouvernement et le secteur privé, qui serait difficile à reproduire avec autant de bonheur au Canada. Un simple contact avec un organisme gouvernemental suffit pour constater que la moitié du personnel vient du milieu universitaire et l'autre, de l'industrie. Mais ce qui est vraiment frappant à Taïwan, c'est l'importance accordée à la loyauté. Les Taïwanais se font pour ainsi dire qu'ils doivent revenir dans leur patrie pour y travailler et renforcer l'économie; on promet d'investir dans les gens.
    En fait, ils sont venus en Amérique du Nord, davantage aux États-Unis qu'au Canada, pour dire aux entrepreneurs d'implanter leur entreprise à Taïwan, leur faisant miroiter des usines et une exemption d'impôt pendant trois ans.
    Oui, exactement. Même dans les parcs industriels, ils hébergent leurs employés dans des dortoirs et leur offre des incitatifs pour les conserver à leur emploi.
    Merci beaucoup.
    Je veux poser quelques brèves questions à M. Hennessy également. Je tiens aussi à le féliciter pour le fait que Telus ait reçu le titre de meilleure multinationale philanthrope de la part de l'Association of Fundraising Professionals. J'ai également fait parvenir mes félicitations par écrit à votre directeur général, M. Entwistle.
    En vous écoutant, j'ai remarqué que Telus est l'une des seules sociétés de médias numériques que je n'aurais pas crues intégrées verticalement dans le secteur de la radiodiffusion. Mais vous avez également parlé d'un nouveau réseau mis sur pied par Telus et IPTV. Qu'est-ce qui différencie IPTV, et quelle incidence ce nouveau réseau sans fil aura-t-il sur les médias numériques en émergence? Quelles seront les retombées économiques de cette initiative pour les Canadiens?
    Permettez-moi d'essayer de décortiquer le langage technique tout en ayant M. Chong à l'oeil, pour avoir l'heure.
    Alors laissez-moi caser une autre question, parce qu'il va m'interrompre, je le sais. Or, vous avez plus de temps pour répondre que j'en ai pour poser des questions.
    Rapidement, quelles répercussions l'entente intervenue entre Bell et CTV aura-t-elle sur vous, sur les Canadiens et sur le contenu diffusé sur le marché?
    Enfin, quelle menace Globalive représente-il sur le marché canadien? Quels effets son arrivée aura-t-elle sur vos activités? Quelques irréductibles ou avocats du diable affirment que l'arrivée de ce nouveau joueur permettra aux consommateurs de jouir d'un choix accru et peut-être de meilleurs prix.
    Et voilà: trois questions en rafale.
    Je dirais brièvement que le service d'Optik TV s'apparente à la câblodistribution. Ce n'est pas un service de contenu, mais de distribution. Mais il utilise la technologie d'Internet et est titulaire d'un permis du CRTC; il doit donc satisfaire aux obligations imposées au Canada en matière de contenu. On compte actuellement 300 000 abonnés à cette technologie en Alberta et en Colombie-Britannique; c'est donc un très bon service.
    La deuxième question portait sur l'association entre Bell et CTV, ce qui me ramène à dire qu'elle n'a aucune incidence substantielle si nos clients ont accès aux émissions protégées par le régime de radiodiffusion du Canada, comme c'est le cas pour Shaw-Global, TVA-Quebecor et Rogers-City. Si nous ne pouvons avoir accès à ces émissions, alors nous ne pouvons concurrencer les câblodistributeurs. Cette situation, en plus de nous faire du tort, favoriserait probablement le maintien de prix élevés dans le domaine de la câblodistribution.
(1630)
    Et le choix des prix...
    Il est évident que les prix continuent de descendre, une baisse principalement attribuable aujourd'hui au fait que Bell et Telus ont adapté leurs réseaux aux normes internationales. Nous pouvons donc importer des appareils de toutes origines et les lancer sur le marché. Nous devenons ainsi une société bien plus axée sur la téléphonie intelligente.
    Merci beaucoup, madame Crombie et Monsieur Hennessy.
    Monsieur Pomerleau.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Coates, vous avez dit trois choses qui m'ont frappé. Premièrement, vous avez dit qu'il y avait une série de facteurs qui avantageaient la production canadienne: le fait qu'on ait une production culturelle importante, un grand nombre de gens assez éduqués et le bilinguisme, que vous avez souligné comme étant un atout. D'abord, je vous remercie de le souligner. C'est rare qu'on souligne que le bilinguisme constitue un atout, mais je sais que c'en est un.
    Vous nous avez parlé de deux autres choses; c'est là-dessus que mes questions vont porter. D'abord, vous nous avez dit qu'on n'était pas assez rapide dans le domaine du numérique. J'aimerais que vous développiez un peu plus votre point de vue et que vous nous disiez en quoi et comment on peut agir pour devenir plus rapide.
    Deuxièmement, vous nous avez parlé de nos liens avec l'Asie ou les pays asiatiques en émergence qui, selon vous, ne sont pas assez solides ou ne répondent pas aux objectifs que vous voudriez voir se rattacher à cela. J'aimerais que vous expliquiez comment on peut solidifier ces liens et que vous nous disiez ce qu'on peut faire pour améliorer les choses dans ce domaine?

[Traduction]

    Je suis désolé de ne pouvoir m'exprimer efficacement en français.
    Nous possédons sans contredit des points forts. C'est intéressant: le Canada fait actuellement des merveilles dans la production de culture et de contenu. Notre production est, proportionnellement, de loin supérieure à ce qu'elle devrait l'être. Notre pays compte de talentueux cinéastes, romanciers et musiciens. Nous réussissons très bien dans ce domaine, que nous ne considérons pas comme un secteur économique autant que nous le devrions. Si l'on prend le Cirque du Soleil, par exemple, cette extraordinaire organisation offre une manne de plusieurs centaines de millions de dollars au Canada; pourtant, pour je ne sais quelle raison, on ne lui accorde pas le même statut de puissance économique que Research in Motion. Nous devrions commencer à le faire. Le bilinguisme et le multiculturalisme ont des avantages bien réels, nous permettant de nous illustrer loin de nos frontières comme peu de pays peuvent le faire.
    Vous vouliez savoir si on est assez rapide. Il faut avant tout se demander ce que c'est d'être assez rapide. C'est réussir à financer une bonne idée dans un délai d'un mois au lieu de prendre 18 mois de procédures réglementaires ou d'examens interminables. Je suis désolé pour le gouvernement présentement. Toutes ces attentes en matière de responsabilisation vous ralentissent, à dire vrai. Comment tout le monde est sur le qui-vive, le processus décisionnel traîne en longueur.
    Singapour est un pays minuscule, mais qui n'a pas les deux pieds dans la même bottine. La personne qui prend des décisions en matière de contenu numérique travaille avec deux ou trois employés et tranche dans un délai d'une semaine. Dans notre processus de réglementation et de prise de décision, la même démarche tourne au cauchemar. Devinez ce qui se passe. Les gens se tournent vers d'autres pays pour trouver l'argent dont ils ont besoin, et parfois, ils partent avec armes et bagages. Nous laissons partir trop de gens ainsi.
    Pour accélérer les choses, il faut essentiellement faire davantage confiance aux fonctionnaires qui gèrent ces processus et implanter un mode de surveillance sans procédure de demande longue et extrêmement compliquée. Notre université excelle dans l'art de remplir des demandes de subvention. Or, cette institution, qui est l'une des universités les plus novatrices au pays, l'une des meilleures au monde, s'embourbe littéralement dans le processus de demande de subvention. Préférez-vous que la crème de nos chercheurs fasse des demandes de subvention ou progresse dans ses travaux? Il en va de même pour les créateurs: voulez-vous que nos citoyens passent maîtres dans l'art de remplir des formulaires de demande? Avec ce genre de talent, on ne stimulera pas tellement notre économie. Ce que je remets en question, ce ne sont pas les gouvernements fédéral, provinciaux ou municipaux, mais la lenteur avec laquelle on bouge au Canada. Il faut donner tout un coup de barre, et ne pas y aller de main morte.
    Je serai plus cinglant encore en parlant de nos liens avec l'Asie. Le Canada est complètement déconnecté de l'Asie. Nous ignorons ce qui s'y passe. Je ne parle pas des personnes qui s'y trouvent; je suis certain que plusieurs d'entre vous y êtes allés. L'ampleur des changements est impressionnante. À l'extérieur de Hanoï, on édifie une ville de sciences et de technologie qui abritera 1,2 million d'habitants. Voyant sur la carte une petite indication montant l'emplacement d'une université à venir, je me suis informé sur la taille de l'établissement. On m'a répondu 13, alors je me suis dit qu'une université accueillant 13 000 étudiants ne pouvait pas être bien grosse. Ce à quoi je me suis fait répondre que c'était en fait 13 universités qui devaient être construites à cet endroit. En Asie, les choses ont une ampleur tout simplement hallucinante.
    Prenez l'exemple de la ville des médias numériques de Sangam, aux portes de Séoul, en Corée, où se concentrent 25 000 chercheurs, ou de Z-Park, à Beijing, qui compte 400 000 employés. Comment pouvons-nous leur faire concurrence? Mais en plongeant au coeur de l'action afin de comprendre ce qui se passe, notamment sur le plan culturel. Comment y parvenir? Regardez ce que nous étudions. Nous ne nous intéressons pas suffisamment à l'Asie à l'université ou dans les écoles primaires et secondaires. Nous devons connaître nos concurrents, et pas plus tard que maintenant. Cette méconnaissance me préoccupe beaucoup, largement parce que nous laissons échapper des occasions. Prenez l'Australie, par exemple. Le gouvernement au pouvoir il y a plusieurs années a décidé que l'Australie deviendrait un pays asiatique. Le Canada peut le faire. La Colombie-Britannique nous offre une porte ouverte sur le Pacifique, et nous comptons sur une population multiculturelle de plusieurs millions de Canadiens qui ont accès à l'Asie, autant de ressources que nous n'exploitons pas.
(1635)
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Coates.
    Merci, monsieur Pomerleau.
    Monsieur Armstrong.
    J'aimerais tout d'abord vous remercier tous de témoigner aujourd'hui et de nous faire part de votre point de vue.
    Monsieur Wilson, après vous avoir écouté, je conviens avec vous qu'il est inutile de tenter d'endiguer le flot d'information qui nous arrive de l'étranger. Ce serait comme essayer d'arrêter les vagues de l'océan: c'est impossible. Nous devons donc chercher à augmenter la numérisation du contenu canadien, et je suis d'accord.
    Ce qui me préoccupe, ce sont les chiffres de 4 p. 100 de contenu écrit et de 1 p. 100 de contenu vidéo que vous nous avez présentés aujourd'hui. Je ne les connaissais pas. Si nous devions nous fixer un objectif pour la date que vous avez proposée, soit le 150e anniversaire du Canada, en 2017, où en sont nos concurrents à l'heure actuelle? Quelle est la situation des autres pays qui font comme nous? Quels sont leurs pourcentages à cet égard? Quel pourcentage réaliste pourrions-nous viser pour la numérisation de l'histoire du Canada?
    Merci de me poser la question.
    Comme il s'agit d'un objectif ambitieux, les autres pays n'ont pas publié de chiffres pour montrer où ils en sont, mais compte tenu des investissements qu'ils effectuent dans ce domaine, il est évident qu'ils vont progresser à pas de géant, et nous en profiterons. Si le Royaume-Uni et la France numérisent massivement leurs documents, nous en bénéficierons tous, car ce contenu nous intéresse.
    Je crois que nous devrions nous fixer un objectif national ambitieux et lancer ainsi un défi à nos gouvernements.
    Mais avant tout, réglons la question du droit d'auteur de la Couronne. Pourquoi le défendons-nous encore? Qui le défend? Pourquoi ne pas ne pas mettre en ligne tout ce que les gouvernements — fédéral, provinciaux et municipaux — ont publié au Canada? C'est simple: on publie tout ce que tous les gouvernement ont publié. C'est déjà publié, prêt à être consulté. Toutes ces études de consultants, que nous avons déjà payées, ramassent la poussière sur les tablettes et dans les tiroirs de nombreux gouvernements.
    Pourquoi ne pas mettre les gouvernements du pays au défi d'agir, un peu comme dans ParticipACTION? Demandons-leur de bouger. Lançons une campagne nationale de numérisation, formons nos jeunes à cette fin et développons des compétences. Cette initiative fera des merveilles pour les compétences futures. Faisons-le au gouvernement.
    Mais qu'en est-il des universités et de leurs publications? Pourquoi ne sont-elles pas publiées intégralement en ligne?
    Pourquoi ne publions-nous pas en ligne tout le contenu dont le droit d'auteur est expiré, tous ces documents datant du XIXe siècle et du début du XXe siècle?
    Pourquoi ne collaborons-nous pas ensuite avec les producteurs de films et d'émissions éducatives du Québec, de l'Alberta et de l'Ontario afin de diffuser en ligne le contenu dont ils détiennent les droits d'auteur?
    Je crois que tous les intervenants du milieu, qu'il s'agisse des archivistes ou des bibliothécaires, respectent les droits des créateurs. Mais comment pourrions-nous éventuellement élaborer de nouveaux modèles d'affaires? Après tout, il existe bien le droit de prêt au public, qui permet l'utilisation de livres dans les bibliothèques publiques. Comment pourrions-nous maintenant appliquer ce droit à la publication en ligne? On peut surveiller l'utilisation en ligne — c'est assez simple. Pourquoi ne pas modifier le droit de prêt au public afin de verser une contrepartie aux auteurs pour la publication de leurs oeuvres en ligne? Il existe aussi d'autres modèles de publication. Nous pouvons être très ambitieux.
    Dans l'univers du Web et du contenu numérique, 2017, c'est dans une éternité. Je crois que si nous avions, comme dans le cadre de Canada 3.0, une vision nationale, une stratégie enlevante auxquelles nous pourrions tous adhérer et qui nous permettraient d'avancer, et si nous convenions tous d'agir, et d'agir efficacement, afin de numériser le contenu une fois pour toute — c'est simple — et de le conserver comme il se doit, cette oeuvre surpassera tous les édifices et toutes les autoroutes construits cette année, si nous en faisons un projet d'immobilisation.
    Faisons appel aux villes, aux municipalités, aux universités, aux organisations non gouvernementales: rallions-les tous. Offrons-leur un soutien quelconque pour les aider à numériser leurs documents. Devenons un pays numérique. Ce sera un cadeau que nous nous ferons en 2017, pour notre 150e anniversaire. C'est un objectif ambitieux. Si nous ne bâtissons pas d'édifice, pourquoi ne pas édifier une structure monumentale à laquelle tous les Canadiens peuvent accéder, mais pas dans un endroit ou une ville quelconques. Sachez que quand Bibliothèque et Archives Canada a publié le recensement de 1911 en ligne, on a enregistré 17 téléchargements par seconde. C'est ce qui s'appelle l'accessibilité. Nous pouvons publier autre chose, comme les documents du premier ministre. L'intérêt est phénoménal.
    Les Canadiens cherchent de l'information authentique sur notre vécu, sur notre expression nationale, et c'est là, comme je l'ai fait remarquer, le fondement de notre créativité. L'innovation et la créativité ne sortent pas des nuages: elles s'inspirent de notre passé et des oeuvres d'autrui. Tous les grands auteurs que je connais ont probablement consulté des bibliothèques et des archives comme source d'inspiration.
    Quoi qu'il en soit, il existe certainement des solutions nous permettant d'agir tout en respectant les droits d'auteur. Mais intéressons-nous d'abord aux documents qui ne sont pas protégés et, enfin, au droit d'auteur de la Couronne. Pourquoi nous y accrochons-nous? Il existe une montagne de documents d'une valeur inestimable pour nous et les autres pays, des documents de recherche qui doivent être accessibles, et accessibles en ligne.
    Merci.
(1640)
    Je vous remercie beaucoup, MM. Armstrong et Wilson.
    Monsieur Simms.
    Monsieur Coates, j'ai particulièrement aimé votre exemple, qui évoquait la situation en Asie du Sud-Est et les occasions commerciales qu'elle offre. J'ai particulièrement goûté votre observation sur la nécessité de se mêler de tout. Sur la côte Est, mais à une échelle beaucoup plus modeste, particulièrement dans l'île d'où je viens — Terre-Neuve, pas l'Île-du-Prince-Édouard —, nous essayons de nous brancher sur le géotourisme avec les Européens. Nous l'offrons sous un angle inconnu d'eux, c'est-à-dire que nous leur présentons une partie de leur patrimoine. En effet, ils ont traversé de nombreuses périodes de forte immigration, contrairement à nous. Nous leur présentons donc une image à laquelle l'Irlande ressemblait, dans certaines localités. Cependant, cela remonte à de nombreuses années en arrière, quand l'Office national du film du Canada a produit des films sur ces collectivités, dans le cadre de l'expérience dite de l'île Fogo. Ces films semblaient destinés uniquement à une consommation locale. Pourtant, ne voilà-t-il pas que, plusieurs années plus tard, grâce à la technologie numérique, nous les montrons aux Européens et que nous avons le plaisir d'assister à une sorte de renaissance du tourisme. Vous avez vu la publicité.
    Cela dit, comment profitons-nous de la situation? Investissons-nous davantage dans le contenu de ce que nous produisons ou davantage dans le réseau de distribution? Étendons-nous ce réseau à l'Europe?
    Eh bien, c'est intéressant. Je pense que je privilégie davantage le contenu. Le réseau de distribution est une affaire très complexe, et M. Hennessy est en mesure d'en dire davantage à ce sujet.
    Nous avons réussi de vraiment beaux coups. Vous avez probablement entendu parler de Corus Entertainment, qui exporte ses produits dans quelque 75 pays. Il a trouvé une manière de l'élaborer dans plusieurs dizaines de langues. Plusieurs de nos entreprises, comme la Banque Scotia, un exemple très intéressant parmi d'autres, sont parvenus à adapter à leur clientèle de l'étranger les services qu'elles fournissent dans un contexte canadien.
    Le Canada est en fait un produit vendable dans les histoires qui nous arrives, les expériences que nous avons eues, ainsi de suite, mais aussi dans le contenu culturel que nous créons. Je ne pense pas que nous aurons trop de difficultés à vendre dans d'autres parties du monde ce que nous produisons, tant que nous saurons effectivement à quoi ressemblent les marchés, comment y accéder et comment ils fonctionnent dans différents contextes.
    La Chine n'est pas un marché facile. Aucune surprise là. Beaucoup de pays y éprouvent des difficultés. Il ne suffit pas de l'existence du marché et d'un claquement des doigts pour y entrer. À l'étranger, il faut trouver réponse à une foule de questions en matière de technologie, d'octroi de permis, de droits d'auteur.
    Mais, avant tout, nous devons comprendre ces pays et effectivement nous fondre dans ce monde, comme vous dites, nous y plonger, pour être plus conscients de ce que s'y passe. L'Europe, où nous réussissons assez bien, est un bon exemple du temps qu'il nous a fallu pour bien la connaître. Je continue d'insister sur notre méconnaissance de l'Asie. Nous ne sommes pas branchés sur les réalités des médias numériques de là-bas et nous devons nous attaquer beaucoup plus énergiquement à cette carence.
(1645)
    Je cherche à maîtriser deux concepts. Est-ce qu'on investit dans le contenu dès le départ? Je veux dire qu'il cherche le nouveau modèle actuel d'entreprise.
    Monsieur Hennessy, j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, parce que le débat ou le discours du jour, quand il porte sur la nature du nouveau modèle d'entreprise, consiste à se demander si on préfère les droits de paiement à l'utilisation, un processus collectif ou un genre d'hybride des deux?
    Faisons un pas en arrière. Au cours des quelques dernières années, nous avons produit quelques articles pour le Festival mondial de télévision de Banff, sur ce sujet général.
    Pour répondre à votre première question, je dirais qu'il faut investir dans le contenu et non dans la distribution. Nous construisons les réseaux; le marché nous y autorise. Dans un monde numérique, on ne peut pas seulement investir dans la création de contenu, comme nous faisons aujourd'hui, avec, par exemple, le Fonds des médias du Canada. Il faut d'abord comprendre que les médias numériques sont différents. Ils sont issus du mariage des technologies Internet. Il s'agit autant de développement d'applications et de logiciels que de contenu lui-même, parce qu'ils constituent l'habillage interactif qui entoure effectivement le contenu. Il faut développer des compétences dans ce domaine. On a vraiment besoin que les spécialistes du contenu commencent à penser « technologie » et vice-versa. Cela débute à l'université. Ensuite, où obtient-on l'argent qui permet de faire tout cela, puis de promouvoir, grâce à Internet, ce contenu dans les marchés mondiaux, de manière à ce que, comme je dis, on n'ait pas à le subventionner?
    D'après moi, nous pourrons toucher très bientôt le pactole. Ce sera aux prochaines enchères fédérales du spectre de fréquences, quelque part, probablement, au début de 2012. Si le passé est garant de l'avenir, le magot pèsera de 1 à 2 milliards de dollars et plus. Il est sûr qu'une partie de cet argent qui provient de la sphère des communications peut retourner à la création d'oeuvres qui vogueront sur les réseaux dont la construction a été mise aux enchères.
    Merci beaucoup, messieurs Simms et Hennessy.
    Monsieur Del Mastro.
    Merci.
    Monsieur Wilson, j'ai écouté à quelques reprises vos observations. M. Galipeau est prêt à bondir de son siège, mais, pour ma part, j'opte pour poser des questions.
    Pour être tout a fait franc, je dirai que quelques-unes de vos observations m'ont en quelque sorte rendu perplexe. J'ai de la difficulté à comprendre comment, quand il faut construire des systèmes de transport, on peut conseiller au gouvernement de ne pas investir dans leur construction, même si, manifestement, de grandes municipalités en ont besoin. Nous avons investi dans le transport ferroviaire des passagers ainsi que dans le transport ferroviaire des passagers et les trains de banlieue au pays davantage que tout autre gouvernement de l'histoire récente, et dans le transport en commun davantage que tout autre gouvernement fédéral de l'histoire.
    Je ne sais pas comment on peut: sortir les sans-abri de la rue ou fournir des maisons aux familles qui ne peuvent pas se les offrir, sans construire de maisons abordables; mettre sur pied un système de santé qui répond aux besoins des Canadiens sans y investir; appuyer le commerce international sans développer la porte d'entrée du Pacifique; financer la recherche et l'innovation sans être disposé à investir pour stimuler la science et la recherche; brancher les gens à Internet, sans investir dans la large bande rurale; donner du travail aux ouvriers canadiens sans avoir de projets de construction.
    Je m'offusque donc de ce que vous laissiez entendre que le programme de stimulation du gouvernement est mal orienté. Je ne suis absolument pas d'accord. Je pense également que vous négligez de tenir compte du témoignage des fonctionnaires des Archives nationales, par exemple, devant le comité, selon lequel ils ont numérisé toutes les archives. L'Association des musées canadiens, dans son témoignage, a affirmé que la plupart de ses membres ont numérisé presque toutes leurs pièces d'exposition.
    Contrairement à ce que vous laissez entendre, je ne crois pas que le Canada soit un traînard. Est-ce que nous pourrions faire davantage? Absolument, l'occasion est là. En outre, je n'irai pas jusqu'à dire que, d'une façon ou d'une autre, ce travail est aussi important, pour le pays, que la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique, qui était la réalisation d'un rêve impossible et qui a donné naissance à la Confédération tout en permettant à la Colombie-Britannique de se joindre à notre pays.
    Je m'offusque de certains de vos propos. Je suis d'accord avec vous, d'excellentes occasions s'offrent à nous, mais je pense que nous devrions décrire les occasions avec précision et nous devrions faire le point, non pas sur la situation où le Canada pourrait se trouver, mais sur celle où il se trouve réellement, qui n'est pas aussi retardataire que vous le laissez entendre.
(1650)
    Allez-y, monsieur Wilson.
    Permettez-moi de préciser que je n'établis pas de comparaison avec le transport, les chemins de fer ni avec toutes les autres facteurs de pression, les soins hospitaliers, l'éducation, qui figurent au programme du gouvernement. Je dis simplement qu'il y a de la place, partout, dans tous ces éléments et, espérons-le, dans un programme de stimulation, pour faire appel davantage à un projet d'équipement plutôt que, simplement, un programme de simple débours. C'est quelque chose qui doit nous avantager à long terme, et si on s'y prend bien, les effets seront très durables. Je pense, avec les bibliothécaires canadiens, que ce que nous avons durera.
    Je pense qu'il importe pour nous de tenter d'aménager cette place, à cette fin, pour reconnaître cette vérité. Je pense que vous êtes peut-être dans l'erreur, quand vous affirmez que toutes les archives nationales sont numérisées. Si oui, un véritable miracle est survenu pendant l'année qui vient de s'écouler, depuis que je suis parti. Actuellement, le taux de numérisation est peut-être de 1 p. 100, et cela représente des millions de pages en ligne. En fait, au moment de mon départ, l'alimentation électrique suffisait à peine pour faire fonctionner les serveurs, en raison de la forte demande. Vous avez peut-être mal compris, d'après moi, les propos de mon successeur concernant la numérisation de notre collection. Il y a encore énormément à faire.
    Je préconise simplement de faire de la place, de reconnaître que c'est un projet d'immobilisations, dont l'impact sera considérable. Dans une économie du savoir, pour mobiliser notre capital intellectuel, cela aura toute une gamme de répercussions: des gens qui consacrent leur vie à l'étude et le genre de recherche et de développement dont nous avons besoin. L'innovation et la créativité rejailliront de cette expérience. Je dis que nous avons un seul coup à donner, mais que ce soit le bon. Ce n'est pas un projet à long terme.
    Je suis absolument d'accord avec vous. Je pense que les gouvernements responsables examinent toutes leurs responsabilités et investissent en conséquence. C'est ce que je tenais à dire.
    Maintenant, en ce qui concerne la fourniture d'électricité, j'écris sans tarder à Dalton McGuinty et je propose de faire quelque chose.
    En fait, le bâtiment principal se trouve à Gatineau.
    Oh mon Dieu! C'est scandaleux. Hydro-Québec.
    Cela montre simplement l'ampleur de la demande pour accéder à ce type de documents. Les Canadiens en sont avides. J'espère que nous pourrons trouver du temps, l'occasion... Nous pouvons mobiliser le secteur privé. Je suis intéressé, maintenant que je suis parti. Le secteur privé aidera volontiers dans ce domaine. On peut trouver réellement de l'aide.
    Merci beaucoup, messieurs Del Mastro et Wilson.
    M. Angus est le dernier intervenant.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poursuivre dans le même veine que mon collègue, parce que je pense qu'il s'est peut-être trop mis sur la défensive pour décrire l'élaboration de notre stratégie, particulièrement en ce qui concerne la stimulation économique.
    Le CRTC se trouve dans ma ville natale de Timmins, où il examine la question de l'obligation de fournir le service. Certains secteurs ont l'accès commuté; d'autres n'ont absolument pas accès à Internet. On me dit que, pour le nord de l'Ontario, la norme de 1,5 mégaoctet est un bon standard pour la large bande. Notre collège du Nord ne peut pas fournir de ressources en éducation à moins de 5 mégaoctets de capacité. Ensuite, je découvre que des pays comme l'Australie — pays très vaste, très rural — visent un taux de branchement en ligne de 93 p. 100, le reste, 7 p. 100, étant branché par téléphone portable. Les Australiens parlent d'une capacité de 100 mégaoctets par seconde. En Suède...
    Pour faire le point où nous en sommes dans le monde du numérique, pouvons-nous nous contenter, vu l'étendue du Canada, de supposer qu'il est commercialement logique de passer aux vitesses que les meilleurs de nos concurrents utilisent? Ou encore, avons-nous besoin d'un investissement majeur, d'un plan majeur et de fixer des balises majeures pour nous assurer que, dans notre pays, les régions rurales, le Nord, les régions isolées, ne seront pas seront pas laissées à la traîne, loin derrière nos concurrents? C'est une question que je lance à tout le monde.
(1655)
    C'est une balle que j'aimerais saisir au bond.
    La beauté des audiences d'aujourd'hui, à Timmins, pour commencer, c'est que la société Barrett Xplore, qui lance un nouveau service à compter de 2011, a promis que ses nouveaux satellites auront suffisamment de capacité pour tous les ménages non desservis et mal desservis du pays, à des vitesses de 3, 5, 10 et 25 mégaoctets par seconde, pour les ménages et les entreprises. Ce n'est pas 100 p. 100, mais c'est très bon. Je pense donc que c'est essentiel.
    Le sans-fil commence à procurer une capacité mobile. Je pense que nous détecterons dans les réseaux de fibres optiques ou les connexions satellites ou sans-fil entre les villes des différences dans le pays, parce que, d'après moi, cela répondra à beaucoup de besoins résidentiels. Je pense que c'est le principal obstacle. La construction en ville est peu coûteuse, si on peut amener les installations à pied d'oeuvre, et je pense que ce sera probablement le principal obstacle à vaincre.
    Merci, monsieur Hennessy.
    Je pense que M. Coates a quelque chose à ajouter. Allez-y.
    Je suis originaire de Waterloo et j'ai été élevé au Yukon, de sorte que je me sens interpellé par la question de l'accès.
    Le Canada a une population relativement nombreuse de ruraux et de gens qui vivent dans de petites villes. Je conseillerais une prudence très grande, parce qu'Internet fait très mal aux petites villes et aux régions rurales, particulièrement sur le plan commercial. C'est vraiment intéressant à observer, car, à mesure qu'Internet gagne les collectivités, on peut effectivement y acheter des produits de Canadian Tire et de Future Shop. Nous commençons à observer une véritable saignée des petites villes. Le processus est déjà entamé, et vous en aurez pleinement connaissance.
    Nous devons nous informer amplement plus au sujet des répercussions totales d'Internet sur les petites villes. Il y a 10 ans, on disait qu'Internet permettrait aux professions libérales de s'établir n'importe où. Les artistes pourraient vivre dans ces petites collectivités, et les petites villes seraient revitalisées. Statistiquement, ce n'est pas ce qui se passe. En fait, les gens vivent à une heure de distance d'une ville importante, par exemple, à Waterloo et ils descendent à Toronto deux fois par semaine, à peu près. Il ne déménagent pas à Moosonee pour exercer leur métier beaucoup plus loin de la ville grâce à Internet.
    Je vous suis donc sur la nécessité de fournir le service, mais je pense que nous devons avoir l'esprit vraiment ouvert en ce qui concerne l'éventuel impact et ses répercussions.
    En ce qui concerne l'éducation, c'est un aspect qui est potentiellement d'une richesse phénoménale. On peut transformer toute l'expérience de l'éducation secondaire et élémentaire dans les petites collectivités, si nous nous y prenons de la bonne manière.
    Merci beaucoup, MM. Angus et Coates.
    Avant de lever la séance, je tiens à attirer l'attention des membres sur le fait que, vendredi, nous avons reçu avis de deux nominations approuvées par décret. Il s'agit d'abord de celle de Daniel Jean, qui devient le nouveau sous-ministre du Patrimoine canadien, puis de celle de Nicholas Offord, qui devient le nouveau vice-président du conseil d'administration du Musée canadien de la nature. Les membres ont jusqu'au 18 février 2011 pour examiner ces nominations, en vertu des articles 110 et 111 du Règlement. Il suffira de soulever la question à notre prochaine discussion sur les travaux futurs du comité.
    Je tiens à remercier les témoins pour leurs témoignages et leur présence parmi nous.
    Sans plus de cérémonie, je déclare que la séance est levée.
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