Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 5 mai 2010, nous examinons le projet de loi , Loi portant sur la mise en oeuvre des recommandations du Groupe de travail sur l'équité salariale et modifiant une autre loi en conséquence.
Nous accueillons plusieurs témoins aujourd'hui, soit Mme Mary Cornish, de l'Equal Pay Coalition of Ontario; Mme Gisèle Pageau, du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier; M. John Farrell et Mme Barbara Gagné, des Employeurs des transports et communications de régie fédérale (ETCOF); M. Paul Durber, conseiller en chef d'Opus Mundi Canada; et Mmes Marie Drolet et Sylvie Michaud, de Statistique Canada.
Votre exposé devra durer au plus cinq minutes, puis nous passerons aux questions. Je crois que la plupart d'entre vous ont déjà comparu devant nous, alors vous connaissez notre façon de fonctionner.
Nous commencerons par l'Equal Pay Coalition of Ontario.
Merci.
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Je vous remercie de m'avoir invitée.
Je suis en quelque sorte une experte des droits de la personne. J'aimerais consacrer le peu de temps que j'ai à mon exposé, qui sera traduit, je crois, car il n'est qu'en anglais.
L'équité salariale est une norme internationale qui fait partie des plus vieilles normes en matière de droits des travailleurs et de la personne. De plus en plus, ces normes, que le Canada a ratifiées, exigent une mise en oeuvre proactive de la part des employeurs et l'adoption de mesures visant à protéger l'équité salariale par les gouvernements. Mon rapport de recherche pour le groupe de travail passe en revue les obligations nationales et internationales qui nécessitent une protection proactive.
Selon les recommandations du groupe de travail, dont le projet de loi demande la mise en oeuvre, les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne — qui, à ce stade, s'appliquaient aux secteurs public et privé — devaient être modifiées pour tenir compte de ce genre d'approche proactive et pour veiller à ce que l'application soit étendue à tous les types d'employés, notamment en raison de la nature précaire des emplois occupés par des femmes.
Les recommandations du groupe de travail abondaient donc dans le sens des nombreux rapports produits à l'étranger, soit que l'écart salarial joue un rôle important à l'échelle mondiale dans l'érosion du développement économique et de l'égalité des femmes, et qu'il est important que les gouvernements prennent des mesures à cet égard.
Par contre, ce qui se passe ici, c'est qu'au lieu de prendre des mesures pour mettre en oeuvre le rapport — qui s'appuie sur une vaste consultation — nous nous retrouvons dans une situation où le secteur privé, à l'échelle fédérale, est toujours assujetti au processus inefficace de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et où la fonction publique fédérale est en quelques sorte dans les limbes, parce que la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public n'est pas encore en vigueur et que les droits des fonctionnaires selon la Loi canadienne sur les droits de la personne ont été retirés.
C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Voici un aperçu des contradictions entre les recommandations du groupe de travail et les exigences de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public: le groupe de travail reconnaît que l'équité salariale est un droit fondamental et que, pour cette raison, il faut veiller à ce qu'elle soit mise en oeuvre et à ce que le processus soit accessible. Les dispositions de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public disent le contraire. Elles ne garantissent pas le droit fondamental à l'équité salariale; en fait, elles minent la notion de droit de la personne dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, et elles placent l'équité salariale, premièrement, dans une loi de restriction budgétaire — preuve que l'orientation principale est la réduction budgétaire —, et, deuxièmement, dans une loi sur les relations de travail, où l'équité salariale dépend de la négociation collective. C'est tout à fait contraire à ce que recommande le groupe de travail, soit que l'équité salariale ne dépende pas de la négociation collective, et aux normes internationales, qui exigent l'accès à un mécanisme fondé sur les droits de l'homme.
En deuxième lieu, comme je le disais, le groupe de travail a parlé d'étendre le champ d'application, alors que la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public mine le droit à l'équité salariale. Elle réduit le bassin d'employés qui aurait accès à la Loi sur les droits de la personne en redéfinissant le travail des femmes, le type d'établissement auquel la loi s'applique et, surtout, en introduisant la notion de marché et en disant que les conditions du marché seront désormais prises en compte dans la manière dont nous évaluons le travail des femmes, alors que, justement, les lois sur l'équité salariale étaient là pour redresser les pratiques du marché à l'origine de la discrimination systémique. Voilà, en substance, ce qu'est le droit à l'équité salariale.
La deuxième partie, c'est que les recommandations du groupe de travail visaient la mise sur pied d'un processus d'accès plus efficace, plus accessible, une commission spécialisée et un mécanisme d'application spécialisé. Au lieu de ça, on se retrouve avec un mécanisme de négociation collective.
La troisième partie, c'est que le groupe de travail sur l'équité salariale a parlé d'essayer de garantir des mesures correctives efficaces. La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public limite les mesures correctives en restreignant la rétroactivité pouvant être versée, puisqu'elle place l'équité salariale dans un contexte de négociation collective.
En somme, nous dirions qu'en matière de progrès, la Loi portant sur la mise en oeuvre des recommandations du Groupe de travail sur l'équité salariale est conforme aux obligations internationales et nationales du Canada.
Je vous remercie.
J'ai préparé une déclaration pour ne pas dépasser les cinq minutes allouées. Je crois qu'elle a trois secondes de trop, mais j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
Le SCEP est reconnaissant au comité de lui donner l'occasion de comparaître devant lui afin de donner son avis sur le projet de loi . Le SCEP est un des principaux syndicats du secteur privé au Canada. Il représente 120 000 personnes exerçant un vaste éventail de métiers au pays au sein des secteurs privé et public. Le SCEP défend depuis longtemps les droits fondamentaux de ses membres et il s'intéresse vivement à l'équité salariale. Il a été le premier à faire adopter par des comités mixtes des mesures visant l'équité salariale dans plusieurs sociétés de téléphonie canadiennes privées et publiques. Nos téléphonistes ont vécu un cauchemar qui a duré 15 ans en raison d'une loi inadéquate. Le SCEP a lutté d'arrache-pied pour donner accès à l'équité salariale à 4 700 femmes, dont 18 p. 100 sont mortes sans avoir reçu d'indemnité.
Nous appuyons le projet de loi , qui abrogera la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, mettra en oeuvre, comme il y aurait eu lieu de le faire il y a longtemps, les recommandations soumises en 2004 par le Groupe de travail sur l'équité salariale et fera en sorte que l'équité salariale demeure un droit fondamental pour toutes les femmes.
L'iniquité fondée sur le sexe est une atteinte aux droits de la personne. Elle découle de la discrimination systémique et de la perception par la société de la valeur du travail accompli traditionnellement par les femmes. Par conséquent, considérer l'équité salariale comme une question liée au travail qu'il faut régler à la table de négociation a un effet dommageable et dépeint de façon erronée l'iniquité salariale. Il est de la plus haute importance que l'équité salariale demeure une question de droits de la personne et qu'elle ne soit pas reléguée à la négociation collective.
L'équité salariale ne doit pas être considérée comme un simple aspect des lois sur le travail ou l'emploi pour plusieurs raisons. Premièrement, la présenter ainsi compromet le respect de l'engagement du Canada à l'égard des droits de l'homme à l'échelle internationale, y compris sur un salaire égal à travail de valeur égale. Dans le contexte syndical, les droits de l'homme sont d'une importance cruciale, et les parties ne peuvent pas légalement se dérober à leurs obligations en la matière. Si l'équité salariale était reléguée à la négociation collective et soustraite des droits de la personne, les gains réalisés par les femmes en matière d'équité salariale risqueraient d'être marchandés ou de s'éroder. Les droits des groupes défavorisés et des minorités ne devraient jamais être soumis aux caprices de la majorité.
Deuxièmement, reléguer l'équité salariale à la négociation collective, c'est négliger le caractère systémique et global de l'iniquité salariale. La discrimination systémique est présente non seulement dans l'organisation des lieux de travail, mais aussi dans la structure et la force des unités de négociation et des syndicats. Les unités de négociation à prédominance féminine peuvent favoriser la reproduction des tendances et des perceptions, la ségrégation des sexes et la sous-évaluation du travail. Cette situation entraîne un déséquilibre des forces inhérent, bien qu'il soit parfois inconscient, à la table de négociation, compromettant ainsi le respect des principes que l'équité salariale est censée promouvoir.
Nous préconisons l'adoption d'une loi proactive, exhaustive et fondée sur la collaboration qui serait applicable à tous les lieux de travail. Le SCEP estime que les travailleurs doivent avoir accès à un mécanisme leur permettant de porter plainte, mais qu'un système fondé sur les plaintes ne suffit pas à lui seul à assurer le respect des normes visant l'équité salariale. Ce système imposerait aux employeurs l'obligation positive d'examiner les structures salariales de leur organisation et de rectifier les pratiques de rémunération empreintes de discrimination fondée sur le sexe. Les vérifications doivent être exhaustives et effectuées de manière uniforme afin de garantir l'équité salariale dans l'ensemble du domaine fédéral. De plus, les employeurs doivent disposer de délais réalistes et concrets dans lesquels ils devront établir des structures salariales équitables et des dédommagements compensant les pratiques discriminatoires antérieures.
Le SCEP est d'avis que l'équité salariale ne doit pas être examinée de façon ponctuelle, mais plutôt régulièrement en milieu de travail. Soulignons qu'on ne saurait interpréter la participation des syndicats comme une responsabilité syndicale à l'égard du dédommagement. Ce sont les employeurs qui versent la rémunération, et eux seuls ont la responsabilité d'adopter des pratiques de rémunération non discriminatoires. Le déséquilibre des forces inhérent à la relation entre un employeur et un syndicat et le fait que ce sont les employeurs qui tiennent les cordons de la bourse dégagent les syndicats de toute responsabilité en matière d'équité salariale.
Comme vous le savez tous, le Groupe de travail sur l'équité salariale a étudié la question en profondeur. Près de 200 témoins ont comparu. Soixante mémoires ont été déposés par des groupes des quatre coins du pays. Cinq tables rondes ont été tenues avec des groupes. Le groupe de travail a examiné les lois proactives sur l'équité salariale en vigueur dans plusieurs provinces et territoires du Canada pour en dégager des pratiques exemplaires.
Le SCEP appuie les recommandations du groupe de travail. Il n'est pas nécessaire que l'actuel gouvernement réinvente la roue dans ce dossier. Il est tout simplement temps de le fermer, d'agir pour le bien des femmes du Canada comme on aurait dû le faire il y a longtemps.
Je vous remercie.
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Merci, madame la présidente.
Je m'appelle John Farrell et je suis directeur exécutif des Employeurs des transports et communications de régie fédérale. Je suis accompagné aujourd'hui d'une conseillère en équité salariale, Mme Barbara Gagné, gestionnaire, Relations de travail et classification, à NAV Canada, société membre de l'ETCOF.
J'ai remis à la greffière du comité un rapport complet sur notre point de vue. Il sera traduit et fourni au comité. Étant donné le temps limité dont nous disposons, je me contenterai de commenter les aspects du projet de loi qui, de l’avis des membres de l’ETCOF, sont les plus importants.
Avant toute chose, précisons que l'ETCOF appuie sans équivoque l'équité salariale. La grande majorité des membres de l'ETCOF sont des entrepreneurs fédéraux qui se conforment à l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et aux autres lois sur l'emploi, y compris le Code canadien du travail et la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Le défi est de concevoir et de mettre à exécution un plan juste et pratique pour atteindre la plus grande équité possible dans un délai raisonnable.
L'ETCOF a témoigné devant ce comité au sujet de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public. Nous avons affirmé alors être d'avis que certains aspects de cette loi étaient bénéfiques, notamment l'obligation pour les employeurs et les syndicats de partager la responsabilité de la rémunération équitable. Elle propose aussi, selon nous, un processus plus efficient, efficace et équitable pour résoudre les problèmes et régler les différends.
Concernant les recommandations du Groupe de travail sur l'équité salariale, je souhaite réaffirmer le point de vue de l'ETCOF, qui l'a fait connaître au groupe de travail avant 2004, puis dans les commentaires sur le rapport du groupe à l'époque.
Tout d'abord, l'ETCOF appuie une approche proactive pour la résolution des problèmes d'équité salariale. Cependant, l'équité salariale fait partie intégrante de la détermination des salaires et des autres formes de rémunération de l'emploi, tout comme de nombreux autres facteurs qui influent sur les salaires et la rémunération dans une économie de marché. Le niveau de compétence, d'effort et de responsabilité et les conditions de travail associés à un emploi ou à une carrière influencent le salaire. Comme le fait l'offre de personnes disponibles et la demande d'employés sur un marché du travail donné. La situation économique de l'entreprise ou de l'organisation influence l'équité salariale, et la situation économique de l'industrie dans laquelle évolue l'entreprise influence les salaires. Le niveau de syndicalisation de la main-d'oeuvre et la capacité relative du syndicat ou de l'unité de négociation à négocier des hausses de salaires et d'avantages influencent aussi les pratiques salariales. Les priorités de la main-d'oeuvre en matière de salaires, d'avantages, de conditions de travail, d'équilibre vie-travail et de durée des conventions collectives influencent les pratiques salariales.
Par conséquent, une compréhension globale de tous les facteurs qui influent sur la paie et les autres formes de rémunération est nécessaire à l'élaboration d'un plan et à la correction des inégalités. Les personnes qui participent au règlement des litiges et à l'arbitrage des différends visant l'équité salariale doivent, en plus de connaître les aspects liés aux droits de la personne, comprendre la rémunération sous forme de salaire et d'avantages, les relations de travail, les relations avec les employés et l'économie de l'entreprise.
Une loi sur l'équité salariale doit être examinée à la lumière des dispositions du Code canadien du travail. Les employeurs et les syndicats doivent être tenus conjointement responsables de l'atteinte de l'équité salariale. Cette responsabilité doit être partagée, et non incomber seulement à l'employeur, comme c'est le cas à l'heure actuelle. C'est un des principaux points sur lesquels nous voulons insister. Dans un milieu syndiqué, l'employeur et le syndicat s'entendent ensemble sur la rémunération à verser aux employés. En fait, le syndicat joue un rôle très important dans la répartition de l'enveloppe globale consacrée à la rémunération. L'équité salariale et la négociation collective visent la même activité: le niveau, la structure, la nature et le montant de la rémunération. Dans un milieu syndiqué, ces activités doivent être intégrées.
Le processus actuel permet aux syndicats de négocier une convention, puis de déposer une plainte alléguant qu'il y a eu infraction à l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il obtient alors un autre rajustement des salaires. En fait, certains syndicats utilisent l'équité salariale comme moyen de cumuler les gains. Cet abus de l'équité salariale est une des principales raisons pour lesquelles le règlement de certaines plaintes en matière d'équité salariale a été litigieux et a demandé beaucoup de temps. Ce cumul des gains doit cesser.
Un autre élément très important lié à la capacité de réaliser l'équité est la définition des mots « établissement » et « unité d'équité salariale ». Nous croyons que l'unité la plus appropriée pour déterminer l'équité salariale est l'unité de négociation, définie par l'accréditation accordée en vertu du Code canadien du travail.
Bien sûr, les employeurs n'établissent pas unilatéralement les salaires, les avantages et les conditions de travail de leurs employés syndiqués. Ainsi, chaque convention collective constitue une unité d'équité salariale appropriée. L'ETCOF est d'avis qu'il ne faudrait pas changer cette formule.
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Merci, madame la présidente.
Je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de discuter avec vous ce matin.
Je souhaite essentiellement donner mon avis sur les lacunes des deux lois, soit la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public et la Loi canadienne sur les droits de la personne. Deux lois qui, selon moi, ne favorisent pas l'équité salariale, malgré ce qu'a dit Mary Cornish sur nos obligations internationales et, pourrait-on ajouter, sur la Charte.
Je crois que la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, malgré son titre quelque peu orwellien d'ailleurs, et son préambule épousant le principe d'un salaire égal pour un travail de valeur égale, éliminent en fait l'équité salariale du secteur public par des dispositions empêchant les comparaisons entre le salaire et le travail des hommes et le salaire et le travail des femmes, comme j'ai pu le constater en tant que directeur de l'équité salariale à la Commission canadienne des droits de la personne.
À l'opposé, la Loi canadienne sur les droits de la personne, du fait qu'elle s'applique en réaction à une plainte, ne rend pas raisonnablement exécutoire le principe de l'équité salariale dans le secteur privé. Comme certains l'ont constaté, il existe deux normes d'équité salariale: une pour le secteur public qui, selon moi, n'existe pas, et une pour le secteur privé, soit la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Le fait que deux cadres législatifs accordent des droits différents à des groupes différents est en soi inacceptable. L'expérience de l'Ontario et du Québec montre qu'une seule loi proactive peut être efficace, un peu à la façon, comme vous l'avez entendu, de certains principes adoptés par l'ETCOF. Elle garantit un traitement uniforme des femmes dans l'ensemble d'un territoire, soit le territoire fédéral.
Ce que j'ai à dire au comité, c'est que la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public doit être abrogée, et qu'une seule loi proactive sur l'équité salariale doit être adoptée, comme l'a recommandé le Groupe de travail sur l'équité salariale.
Je vois plusieurs lacunes dans la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, que je n'expliquerai pas en profondeur. J'ai mentionné que cette loi ne permet pas de faire de comparaison en matière d'équité salariale. On y trouve une définition de la « prédominance féminine », soit une façon de parler d'équité salariale pour les emplois occupés par des femmes. Dans une loi sur l'équité salariale, on devrait aussi parler de « prédominance masculine », or, ce n'est pas le cas. Par conséquent, le principe d'équité salariale n'existe plus.
Malgré le titre, malgré le préambule, malgré le fait qu'elle appuie le principe d'un salaire égal pour un travail de valeur égale, je ne crois pas que la loi soit un instrument efficace pour y parvenir.
La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public comporte une autre lacune, peut-être moins sérieuse, en ce qu'elle change la définition de « prédominance féminine ». Dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, une échelle permet de déterminer le pourcentage nécessaire pour parler de prédominance féminine ou masculine: 55 p. 100, 60 p. 100 et 70 p. 100. Le nouveau seuil en vertu de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public est de 70 p. 100, de toute évidence plus élevé pour certains groupes. Par conséquent, dans la fonction publique, quelque 42 000 personnes faisant partie de groupes à prédominance féminine perdent le droit à l'équité salariale, parce que ces groupes ne seront plus considérés comme à prédominance féminine selon ce nouveau seuil. Il y a donc un problème, notamment parce que la plupart de ces groupes, qu'on retrouve dans le secteur privé et sur le marché du travail en général, réunissent des métiers à prédominance féminine.
La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public comporte de nombreuses autres lacunes, comme l'absence d'échéanciers et le fait qu'elle ne permettra pas vraiment aux parties d'en venir à une réelle entente, des lacunes que vous constateriez probablement vous aussi.
Les lacunes de la Loi canadienne sur les droits de la personne ont été bien cernées par le Groupe de travail sur l'équité salariale. Je ne les exposerai donc pas en détail, sauf pour réitérer ce que nous avons entendu de l'ETCOF, soit qu'une loi fondée sur les plaintes n'est pas efficace. Elle ne crée pas des conditions équitables, et je ne crois pas que le comité doive continuer de recommander que l'article 11 serve de texte législatif principal pour le secteur privé.
En gros, nous ne disposons pas d'une loi efficace sur l'équité salariale.
Merci.
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Je voudrais d'abord remercier le comité de nous avoir invitées à faire une présentation sur l'état de la situation.
Statistique Canada a fait des recherches sur l'aperçu des écarts entre le salaire des hommes et des femmes. Vous devriez tous avoir, avec vous présentement, une présentation qui servira à la discussion.
Pour des fins de simplicité, on va présenter seulement six acétates, mais on a des acétates supplémentaires. Alors, si vous avez des questions sur le contenu principal ou sur les acétates supplémentaires, il nous fera plaisir d'y répondre.
[Traduction]
Veuillez noter que Statistique Canada ne prend pas position sur les amendements proposés au projet de loi. Nous sommes ici pour présenter divers points de vue pouvant servir à examiner les différences salariales entre les sexes.
Marie.
Le fait que les hommes continuent de gagner plus que les femmes n'est pas nouveau. Mon objectif n'est pas de fournir une explication unique et définitive sur l'écart salarial, mais plutôt de présenter les mesures couramment utilisées pour décrire les écarts salariaux et de montrer que les méthodes de mesure et la méthodologie comptent.
Première diapositive. La statistique la plus citée sur l'écart salarial entre les sexes est fondée sur les gains annuels. Les femmes qui travaillent toute l'année à temps plein gagnent 72 ¢ pour chaque dollar gagné par les hommes. Il s'agit de données publiques de 2008 accessibles sur le site de CANSIM.
On peut aussi mesurer l'écart selon le salaire horaire. On constate que les femmes gagnent en moyenne 84 ¢ pour chaque dollar gagné par les hommes.
Pourquoi les rapports sont-ils si différents? D'abord, une réserve: le rapport des gains ne tient pas bien compte de l'écart dans le volume de travail. En 2007, en moyenne, les hommes à temps plein ont travaillé quatre heures de plus que les femmes à temps plein. Alors l'écart dans les gains pourrait s'expliquer simplement par le fait que les hommes et les femmes n'ont pas travaillé le même nombre d'heures.
De plus, le rapport des gains exclut une partie importante de la main-d'oeuvre. Environ 65 p. 100 des femmes travaillent toute l'année à temps plein comparativement à 75 p. 100 des hommes.
Le rapport basé sur le salaire horaire est moins influencé par ces deux problèmes et a l'avantage d'être propre à l'emploi, alors la comparaison entre les emplois occupés par des hommes et ceux occupés par des femmes est plus facile.
Dans la diapositive suivante, on voit les tendances des divers rapports de rémunération. Le rapport des gains est une série chronologique qui commence en 1976, tandis que le rapport des salaires est une série chronologique qui commence en 1997. De 1976 à 1992, on constate que le rapport des gains augmente de 11 p. 100, et qu'après 1992, il est à peu près constant.
C'est quelque peu différent pour la série sur les salaires. De 1997 à 2009, on constate que le rapport des salaires a augmenté de 3,2 p. 100.
Passons à la diapositive suivante. Quels facteurs expliquent l'écart? Lorsqu'ils décrivant les différences de salaire, les chercheurs examinent habituellement la contribution des hommes et des femmes au marché du travail. Cette approche — c'est-à-dire partir du principe que le salaire est lié au travailleur lui-même — est influencée par le type de données dont disposent les chercheurs, soit les données tirées d'une enquête à grande échelle auprès des ménages. C'est ce qui a dominé la documentation empirique jusqu'ici.
Ici, on voit les différences dans l'expérience de travail. On constate que les hommes possèdent, en moyenne, quatre ans d'expérience de plus que les femmes, et que cette différence est attribuable aux arrêts de travail, aux restrictions au nombre d'heures travaillées par semaine ou au nombre de semaines travaillées par année. Le fait que le salaire augmente avec l'expérience et le fait que les hommes et les femmes n'ont pas le même nombre d'années d'expérience expliquent un écart entre les salaires de 11 p. 100.
On sait aussi que le niveau d'instruction des hommes et des femmes a augmenté au cours des dernières années, mais qu'ils choisissent encore des domaines traditionnels. Les salaires varient par domaine d'études, et les hommes et les femmes étudient dans des domaines différents; ces différences représentent 4 p. 100 de l'écart entre les salaires.
La puce suivante de la diapositive nous apprend que les hommes et les femmes appartiennent à des milieux de travail différents. C'est une analyse qui ressort d'un ensemble de données sur le lien entre les employeurs et les employés; elle nous apprend que le lieu de travail représente une plus grande partie de l'écart salarial que le travailleur.
Donc, lorsqu'on songe au rapport de rémunération et qu'on tient compte des éléments qui nous semblent importants, comme l'expérience, les études et le lieu de travail, on constate que, en moyenne, les femmes gagnent un peu plus de 90 ¢ pour chaque dollar gagné par les hommes.
Lorsque l'ONU a été fondée, il y a longtemps… Un traité des nations datant de 1917 fait référence à l'équité salariale; c'est pourquoi on dit qu'il s'agit d'une des premières normes.
La Convention 100 de l'OIT, que le Canada a ratifiée en 1972, est la principale norme sur un « salaire égal à travail de valeur égale ». Cette norme fait aussi partie de ce qu'on appelle les « normes fondamentales du travail » que les gouvernements du monde entier et l'ONU ont déclaré être les normes de base à mettre en oeuvre.
De plus, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU cite le salaire égal à travail de valeur égale comme un des principaux points de cet ensemble de droits économiques, sociaux et culturels.
La Déclaration de Beijing de la Conférence mondiale sur les femmes de l'ONU, qui est mise à jour tous les 5 ans et tous les 10 ans par les gouvernements, parle aussi de salaire égal à travail de valeur égale.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie beaucoup de votre présence. Ma première question s'adressera à vous, madame Michaud. J'aimerais d'abord vous faire part de notre reconnaissance pour tout le travail que vous faites à Statistique Canada.
Pourquoi les données que vous nous avez présentées sont-elles aussi anciennes? Vous nous avez présenté des données qui datent de 1997. Je crois que la situation et les données par rapport à l'éducation des femmes, entre autres, ont beaucoup changé. Je ne suis donc pas certaine que ces données, par rapport à l'image graphique qu'on a des femmes sur le marché du travail, sont encore les mêmes. Cela a peut-être changé, au cours des 13 dernières années. Les données que nous avons présentement sur la scolarité datent de 1997, ce qui est très vieux.
Madame Pageau, j'aimerais savoir si vous craignez des répercussions si nous ne parvenons pas à faire adopter le projet de loi assez rapidement. Pensez-vous qu'il y aurait des répercussions pour les employés du secteur public si, par hasard, il y avait une prorogation ou si le Parlement devait tomber avant que nous puissions faire adopter le projet de loi C-471 et que, malheureusement, la loi , qui a été adoptée, était mise en application au mois de janvier, tel que prévu?
J'aimerais entendre Mme Michaud d'abord, et Mme Pageau ensuite.
Les conséquences sont très claires, d'après moi. Depuis combien d'années attend-on des mesures sur l'équité salariale? Si ceci tombe à l'eau d'ici quelques mois, les femmes du Canada, au fédéral, n'auront pas l'équité salariale. Vous aurez deux systèmes d'équité salariale pour deux différents groupes de personnes, vous allez enlever l'équité salariale des droits de la personne. Je ne peux pas m'imaginer une situation pire que celle-là. Les conséquences sont donc énormes. Au fédéral, les femmes, comme vous le savez, n'auront pas de moyens pour se défendre, parce que leurs syndicats seront punis si jamais ils essaient d'appuyer une plainte. Quand c'est le temps de payer les salaires, le syndicat est égal à l'employeur. Je ne peux pas comprendre les raisons qui justifient cela. Comme je l'ai déjà dit, ce ne sont pas les syndicats qui contrôlent les budgets et qui dirigent les entreprises, alors, il faut séparer les négociations sur l'équité salariale, parce que c'est un droit de la personne, des négociations normales, qui continuent.
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Je pose cette question en particulier parce que nous savons que de plus en plus de femmes étudient en médecine, par exemple. À l'heure actuelle, plus de la moitié des personnes inscrites en médecine au Canada sont des femmes, ce qui fait que l'écart salarial changera très rapidement.
Par exemple, si une jeune avocate travaille dans un cabinet comptable et un jeune comptable, dans un cabinet d'avocats, ils n'auront pas le même salaire que leurs pairs qui travaillent dans leur domaine puisqu'il ne s'agit pas de l'activité principale de l'entreprise. Si une avocate travaille dans un cabinet comptable, l'activité principale de l'entreprise est la comptabilité, et les clients veulent des services de comptabilité. Ils ont besoin de conseils juridiques. De la même manière, si vous avez un comptable qui travaille dans un cabinet d'avocats, il y a peu de chances qu'il ait le même salaire qu'un comptable qui travaille dans un cabinet comptable puisque le cabinet d'avocats est spécialisé dans le droit, même s'il a besoin des services d'un comptable.
Comprenez-vous ce que je veux dire? Merci.
Maintenant, je voudrais m'adresser à M. Farrell.
Une des choses que j'ai entendues aujourd'hui est que l'équité salariale est un droit de la personne. Par contre, j'ai aussi entendu qu'il s'agit d'un droit dont on se préoccupe seulement quand quelqu'un dépose une plainte. Or, je dirais que ma sécurité est aussi un droit de la personne, mais il ne s'agit pas d'un droit seulement quand je porte plainte après une agression. Êtes-vous d'accord avec moi?
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Laissez-moi éclaircir quelques points.
J'entends souvent dire qu'on ne peut pas négocier les droits de la personne. Premièrement, en tant qu'employeurs, nous comprenons et nous croyons que l'équité salariale est un droit fondamental. Ce que nous tentons de déterminer, c'est la manière appropriée d'y arriver, de combler l'écart existant dans le contexte dans lequel nous devons fonctionner.
C'est un contexte imparfait, difficile. Par conséquent, ce que nous devons faire, c'est trouver une manière de régler efficacement la question de l'équité salariale. Nous ne nions pas qu'il s'agisse d'un droit, et nous ne nions pas non plus que la Commission des droits de la personne et la Loi canadienne sur les droits de la personne aient un rôle très important à jouer, mais nous sommes d'avis qu'une des choses qui nous empêchent de combler l'écart dans la rémunération est de ne pas admettre que nous ne pouvons le faire qu'avec les syndicats et les employés. Il est impossible de continuer à négocier comme d'habitude sans que tout le monde soit présent à la table pour tenter de trouver un moyen de combler l'écart.
Des compromis devront être faits. Par exemple, si vous avez un budget fixe à respecter, il se peut que vous deviez réduire le taux d'augmentation salariale pour les emplois à prédominance masculine et augmenter le taux d'augmentation salariale pour les emplois à prédominance féminine dans les secteurs où il y a un écart, mais les deux parties concernées doivent être d'accord. Si les syndicats disent qu'ils ne sont pas prêts à accepter le budget, s'ils ne sont pas réalistes et qu'ils ne sont pas prêts à comprendre les conditions du marché et les facteurs influant sur la rémunération — s'ils se contentent de dire que les choses doivent demeurer comme elles sont et que c'est l'employeur qui doit combler les écarts —, alors le problème ne sera jamais réglé.
Nous ne rejetons pas l'équité salariale proactive, mais ce que nous devons trouver, c'est une manière appropriée de travailler avec les syndicats de façon continue — pas seulement lors des négociations collectives — pour régler les problèmes actuels et réduire les écarts, tout en gardant à l'esprit que nous vivons dans une économie de marché.
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Prenons cet exemple. La Loi canadienne sur les droits de la personne instaurait un système fondé sur les plaintes dans lequel les employeurs fédéraux, comme ceux représentés par M. Farrell, devaient littéralement être traînés de force devant les tribunaux. Ils n'étaient pas vraiment en train de soutenir l'équité salariale, en faisant ce qu'il fallait d'eux-mêmes. Ils devaient être traînés de force. Ça a pris 15 ans. Bell Canada est allée plusieurs fois devant les tribunaux. C'est ce que les employeurs font lorsque personne ne leur dit ce qu'ils doivent faire. Ils ne le font pas tant que les syndicats ne déposent pas de plainte. Les syndicats ont les ressources nécessaires pour porter plainte, pour mettre de la pression sur les employeurs pendant ce temps. Nous reconnaissons tous que cette façon de faire n'est pas efficace.
À mon avis, le problème est que rien ne bouge en ce moment. Le gouvernement a retiré aux femmes les droits que leur garantissait la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il n'a pas mis en oeuvre la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public. Rien ne se passe en ce moment, alors les employeurs continuent de verser des salaires inéquitables. Voici un autre exemple, qui touche un autre aspect du problème de l'écart salarial. Les lois sur l'équité salariale ne traitent que d'une partie du problème, c'est-à-dire la sous-évaluation du travail des femmes. Comme l'a mentionné Mme Drolet, un ensemble de causes, certaines discriminatoires et d'autres non, expliquent l'écart salarial. Les aspects discriminatoires peuvent aussi être traités dans des lois sur l'équité en matière d'emploi dans les cas où les femmes n'avaient pas accès à des emplois bien rémunérés, ou devaient surmonter des obstacles pour y parvenir.
En Ontario, lorsque la Loi de 1993 sur l’équité en matière d’emploi a été abrogée, un processus de planification proactif devait être amorcé. Les employeurs devaient s'asseoir avec leurs employés et commencer le travail. À la seconde où la Loi a été abrogée, tout a cessé. Les comités ont été démantelés. Les employeurs n'ont rien fait. C'est ce qui arrive quand aucune loi ne dit voici ce qu'il faut faire, vous le ferez dans le cadre d'un processus distinct, vous allez vous concentrer sur ça et voici l'échéancier.
Le problème, si on relègue ça à la négociation collective, c'est que lorsqu'on sera incapable d'en arriver à une entente durant la négociation, sous le régime de la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public, il n'y aura que deux solutions possible. Soit il y aura une grève, soit il y aura arbitrage des différends. Les femmes devront donc déclencher la grève pour faire respecter un de leurs droits, ce qui ne devrait pas être le cas. Les femmes ne devraient pas avoir à abandonner d'autres demandes, comme la sécurité au travail, pour obtenir le respect d'un droit de la personne. C'est pour cette raison que les processus sont distincts, c'est-à-dire pour ne pas devoir abandonner quelque chose pour obtenir un droit. C'est essentiellement ce que M. Farrell fait. Les hommes devront oublier les augmentations salariales pour que les femmes obtiennent leur droit. C'est une partie du problème.
Si vous décidez de ne pas déclencher une grève, il y aura arbitrage des différends. En cas d'arbitrage, la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public dit que l'employeur peut décider, selon la situation économique, s'il a les moyens de payer ce droit aux femmes. C'est l'autre partie du processus. Les normes internationales sur les droits de la personne ne vous permettent pas de vous demander si vous avez les moyens de les payer. En tant qu'employeur, vous êtes supposé avoir établi des pratiques salariales dès le départ. L'équité salariale n'est pas une révélation pour les employeurs fédéraux. Ils auraient pu mettre en place ces pratiques salariales au cours des 30 dernières années. Ils ne s'en rendent même pas compte. Ils n'ont pris aucune mesure avant que les syndicats les poursuivent en justice, et ça a duré une éternité. C'est ridicule de dire que les syndicats ont cumulé des gains. Ils ont dû dépenser une fortune pour faire respecter la loi.
Voici la situation, et c'est pourquoi quiconque sait ce qu'est l'équité salariale considère qu'il est ridicule de dire que la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public est proactive.
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Merci. Voilà qui nous éclaire grandement.
Nous avons entendu dire au cours des témoignages que l'employeur gère le recrutement, détermine le lieu du travail et pourrait en effet déclarer que le seuil de 70 p. 100 n'est jamais atteint. Il est donc fallacieux de mettre sur un pied d'égalité le pouvoir de l'employeur et celui du syndicat, étant donné que c'est l'employeur qui décide. Vous avez aussi fait référence au fait que les syndicats avaient dû traîner de force les employeurs devant les tribunaux... Maintenant, s'ils tentent de représenter leurs travailleurs, ils ont une amende de 50 000 $, ce qui vient encore réduire leur budget.
J'ai une autre question. Il semble contradictoire que le gouvernement qui établit les règles visant les travailleurs assujettis aux lois fédérales soit celui qui y sera soumis. N'est-ce pas là une situation contradictoire? Comment pourrions-nous régler ce problème?
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C'est une des raisons pour lesquelles les normes internationales exigent que les gouvernements montrent l'exemple. Ils doivent être des leaders. Ils ne doivent pas se contenter de suivre. Ils doivent être des leaders.
En réalité, le plus déroutant, c'est que la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public est une loi budgétaire. Elle a été créée pour contrôler les dépenses. Je crois que M. Farrell a dit plutôt franchement que les employeurs voulaient contrôler leur budget, n'est-ce pas? Soumettre l'équité salariale à la négociation collective est une manière de tenter de le contrôler, puis, si vous n'obtenez pas ce que vous voulez, vous pouvez déclencher une grève, c'est le contraire qui est censé se produire. Du point de vue du gouvernement, il s'agit de prendre l'initiative, et dans le cadre des obligations internationales, c'est certainement censé être un moyen de s'assurer que ses employés — ce qu'il fait actuellement avec la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public, puisque celle-ci vise les personnes qu'il finance et emploie...
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Merci, madame la présidente.
Je voudrais remercier les témoins présents aujourd'hui. Les exposés étaient très informatifs. Les autres témoins que nous avons entendus, sans exception, je crois, ont dit exactement la même chose: l'équité salariale est un droit de la personne. On s'entend pour dire que la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public représente un pas en arrière plutôt qu'en avant.
Si c'est un droit de la personne non négociable, compte tenu de ce que dit la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public, lorsque celle-ci entrera en vigueur, est-il exact de dire que nous aurons consacré dans une loi une violation des droits de la personne dans notre pays? J'aimerais que vous me répondiez et que vous me disiez si ce que je viens de dire est juste.
Madame Drolet, puisque vous n'avez pas pu répondre à cette question, j'en ai une pour vous. Elle découle des questions de Mme Brown. Vous étiez d'accord pour dire que l'écart salarial diminue, et Mme Brown a affirmé qu'il devrait maintenant diminuer plutôt rapidement.
Pourriez-vous définir ce qu'on entend par « rapidement »? Je pose la question parce que je n'ai pas l'impression que les choses bougent rapidement. Par exemple, il y a 10 ans — il se peut que vous n'ayez pas le chiffre — quel était l'écart salarial, et quel progrès avons-nous accompli depuis?
Ce que vous nous dites est très intéressant. Évidemment, tout le monde sait que l'équité salariale est un droit fondamental pour toutes les femmes. Nous, les parlementaires, avons quand même une occupation où, pour un travail égal, on touche un salaire égal.
J'ai plusieurs questions, étant donné que je ne viens pas du domaine syndical. Ce sont des questions que je pose souvent, parce que je veux qu'on allume une lumière chez moi.
Les syndicats sont là d'abord et avant tout pour défendre leurs membres. Jusque-là, j'ai raison. Une chose me tracasse un peu. Quand c'est le temps, pour des membres féminins, de s'asseoir avec les employeurs, comme vous le faites, les syndicats, afin de s'assurer que, dans la convention collective, les femmes aient les mêmes droits et le même salaire que les hommes, cela pose problème. C'est ce que j'entends dans les témoignages.
Je n'ai jamais été syndiquée, alors je vous pose la question afin que vous me répondiez. Pourquoi, quand on est membre d'un syndicat, est-ce si difficile de s'asseoir avec les employeurs et de dire qu'une femme qui fait le même travail, ou peu près, qu'un homme qui gagne 15 $ de l'heure, par exemple, a le droit, elle aussi, de toucher 15 $ de l'heure, et d'ajouter que cela doit être inclus dans une convention signée, pour qu'on soit certain qu'il n'y ait pas de dédoublement?
Quelqu'un peut-il répondre à cela, s'il vous plaît?
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Selon moi, le problème, c'est que nos lois ne facilitent pas l'équité salariale. C'est aussi le cas dans le secteur privé. Puisque la Loi canadienne sur les droits de la personne ne demande aucune action proactive, il faut attendre qu'il y ait des plaintes.
Personnellement, j'ai pris part à une plainte que la Commission des droits de la personne a refusé de représenter devant le tribunal. Donc, vu le nombre de femmes impliquées, c'est-à-dire environ deux douzaines, il fallait abandonner cette cause. C'est difficile à comprendre.
Dans le cas d'Air Canada, que j'ai mentionné, il n'y a aucune possibilité, selon toute probabilité, de poursuivre cette cause, parce que les enquêteurs manquent d'information sur le travail. Les employeurs, sous le régime actuel, ne doivent probablement pas fournir de données sur le travail. Donc, on ne peut pas arriver à en déterminer la valeur ni, conséquemment, arriver à une estimation de l'écart salarial. Par contre, au Québec, comme vous le savez très bien, il y a un régime où les deux parties doivent coopérer, doivent arriver à une entente de bonne foi. Il faut agir.
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Merci, madame la présidente.
Je dois dire que je ressens une certaine frustration. Les termes « égalité » et « équité » sont galvaudés, et il semble que la différence entre un salaire égal pour un travail égal et un salaire égal à travail de valeur égale, qui est considérable, ne soit pas bien comprise.
Je reviens sur l'exemple de Bell, parce que j'y ai travaillé pendant que j'étais aux études. En tant que téléphoniste à l'interurbain, j'avais un horaire épouvantable. Je travaillais parfois toute la nuit et souvent les fins de semaine. Il était reconnu à l'époque que les téléphonistes de Bell recevaient une formation intensive. La formation était à la hauteur de l'emploi, à la hauteur des employés masculins de Bell. Pourtant, le salaire n'était pas du tout le même.
Si nous étudions la situation... En ce qui concerne les médecins, des femmes médecins sont venues parler devant notre comité des emplois traditionnellement réservés aux hommes et du fait que, en raison de la situation à laquelle les femmes sont confrontées, leur travail n'était pas perçu comme étant aussi important que celui des hommes. Selon moi, ça revient à ça, à la dépréciation du travail des femmes.
Je sais que c'est bien enraciné, mais il me semble que nous devons oublier ce qui se faisait il y a 100 ans — ou même 200 ans — et dire que les femmes font un travail important et que les compétences qu'elles possèdent doivent être reconnues. Et laissons tomber l'idée d'économie de marché, parce qu'elle fait baisser les salaires non seulement des femmes, mais aussi des hommes. C'est une excuse que les employeurs donnent depuis des lustres pour faire baisser les salaires.
J'aimerais connaître votre opinion par rapport à la dépréciation du travail des femmes et aux mesures que nous devons prendre pour entrer dans le XXIe siècle.
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Le meilleur exemple que je puisse vous donner... Ce n'est pas seulement un travail égal pour un travail égal. On parle de valeur égale.
Prenons l'exemple de la façon dont nous percevons le travail des gardiens de zoo, qui prennent soin des animaux, par rapport à celui des femmes, qui prennent soin des enfants. Les gardiens de zoo gagnent environ 30 p. 100 de plus que les éducatrices en garderie. Dans le cas de l'équité salariale chez Bell, par exemple, les téléphonistes, en particulier les téléphonistes du service d'urgence 911, qui subissent un stress considérable, n'avaient pas la même rémunération qu'une personne qui dresse des poteaux dans le bois et qui installe des lignes téléphoniques. Il faut examiner les différences entre ce qu'on fait et en comparer la valeur.
Il est plutôt décourageant de voir que nous ne comprenons toujours pas ça. L'équité salariale est une notion très complexe. Je ne prétends pas tout savoir sur l'équité salariale ni sur la façon de l'atteindre, mais ce n'est pas normal qu'un gardien de zoo gagne beaucoup plus qu'une éducatrice en garderie, qui prend soin de nos enfants, peut-être d'un de nos futurs dirigeants. C'est vraiment décourageant.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais m'adresser à Statistique Canada, si vous me le permettez. J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit, soit que beaucoup de nouveaux médecins sont des femmes. Il est évident qu'elles ne gagnent pas le même salaire qu'un médecin qui a 30 ans d'expérience.
Si je reviens à votre graphique — il n'est pas numéroté, il porte le titre « Proportion de la population âgée entre 25 à 54, travail à plein temps » — je vois qu'en 1976, la proportion était de 89 p. 100 d'hommes contre 37 p. 100 de femmes. En 2009, nous avons 78,8 p. 100 d'hommes contre 62 p. 100 de femmes. Ça explique en grande partie la diminution graduelle de l'écart entre les salaires. Au fil du temps — et c'est là où je voulais en venir plus tôt — nous voyons de plus en plus de femmes se diriger vers des emplois beaucoup plus techniques. Je pense à certains emplois du secteur de la santé, par exemple, beaucoup de femmes qui occupent des postes dans nos hôpitaux sont des technologues, qui sont hautement qualifiées. Au fil des ans, avec l'expérience qu'elles auront acquise, l'écart entre les salaires devrait diminuer de plus en plus, non?
Ma question s'adresse à vous, monsieur Durber, parce que vous avez été conseiller en matière d'équité salariale dans le secteur public.
Les questions posées me laissent un peu perplexe, parce que je croyais avoir compris que l'équité salariale signifiait que vous étiez payé également pour le travail que vous faites, que vous soyez dessinateur débutant ou principal. Si je suis partenaire dans un cabinet d'avocats, je gagne autant qu'un autre partenaire masculin. C'est le principe directeur. Il ne s'agit pas de savoir si vous êtes débutant ou à l'échelon le plus élevé — il y aura toujours une différence — mais bien de comparer à l'échelle de la profession.
Dans la fonction publique, combien y a-t-il de membres de minorités visibles? Le savez-vous? Les minorités visibles sont, dit-on, toujours moins bien payées que les autres. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
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Je pense que le problème de la discrimination structurelle et systémique à laquelle les femmes font face en raison du rôle qu'elles jouent dans la reproduction est un problème mondial. Je sais par expérience que le fait d'avoir des enfants est une des principales causes de discrimination auxquelles les travailleuses sont confrontées. À l'heure actuelle, les femmes médecins en début de carrière ont presque immédiatement des problèmes si elles décident d'avoir des enfants.
C'est une tout autre question, qui est déjà traitée dans les lois sur l'équité en matière d'emploi qui tentent de trouver comment les femmes et les employeurs peuvent répondre aux besoins des femmes. Je dirais que c'est un choix de société que d'avoir des enfants et de fonder une famille.
La question est cependant distincte de celle qui nous occupe aujourd'hui, et c'est la raison pour laquelle la question du choix ne doit pas être mêlée à la question du salaire égal à travail de valeur égale. Le salaire égal à travail de valeur égale n'a rien à voir avec le choix de tel ou tel emploi par une femme. Il s'agit de l'emploi que les femmes occupent — le travail qu'elles font, le poste qu'elles occupent : c'est ce travail qu'il faut évaluer. Le problème, c'est que d'après certaines recherches, le fait que les femmes soient associées à certains types d'emplois a entraîné une sous-estimation de ce travail.
Donc, la technique du salaire égal à travail de valeur égale repose sur un mécanisme d'évaluation des compétences, des efforts, des responsabilités et des conditions de travail, soit les aspects que les employeurs évaluent habituellement. L'évaluation des emplois est d'ailleurs un outil d'employeur. Utilisons cet outil et comparons le travail — l'emploi qu'une femme occupe, pas celui qu'elle aurait pu avoir, qu'elle aurait dû avoir ni autre chose, mais l'emploi qu'elle occupe — et voyons s'il est comparable au travail d'un travailleur masculin sur le marché du travail. Dans l'affirmative, quelle est la différence de salaire?
C'est une technique plutôt précise, et l'outil sert à cerner la discrimination par laquelle un travail de valeur égale est moins bien rémunéré. Il est considéré ainsi parce que vous avez fait l'analyse: vous avez déterminé que le travail était égal et que les femmes étaient moins bien payées par les employeurs.
Il a été établi que si les employeurs ne sont pas tenus de combler cet écart, ils ne le font pas. En fait, ils ne font même pas l'analyse. Lorsqu'une loi proactive sur l'équité salariale est en vigueur, ça ne veut pas dire que le syndicat ne s'assoit pas avec l'employeur, comme le disait Mme Gagné. Il le fait. J'ai le nez là-dedans depuis 20 ans. Vous vous assoyez — le syndicat est là, l'employeur est là — vous analysez les emplois, et si vous constatez qu'il y a un écart, la loi dit que vous devez le combler.
Voilà, les trois séries sont terminées.
J'aimerais remercier les témoins.
Je dois dire que le soutien de l'équité salariale est un dossier très important. En fait, la question qui nous occupe est de déterminer la meilleure avenue à emprunter pour y parvenir, entre le projet de loi et la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public.
Je peux cependant vous garantir que nous avons tous à coeur de réaliser l'équité salariale. Vraiment, le débat porte sur la meilleure façon d'y parvenir. Alors, merci, encore une fois.
Je crois que nous devons maintenant discuter d'une motion de Mme Demers.
Nous allons suspendre la séance pour 30 secondes.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aurais vraiment aimé pouvoir inclure les revendications d'autres provinces, dans ma motion. Cependant, après avoir fait le tour, les seules revendications qui étaient disponibles étaient celles du Manitoba. Toutefois, dans les revendications du Manitoba, il y en avait certaines auxquelles je ne pouvais pas adhérer. Par exemple, le Manitoba, dans ses revendications, demandait au gouvernement du Canada de décriminaliser la prostitution, ce que je ne peux pas faire. Je ne pouvais donc pas inclure les revendications de la Marche des femmes du Manitoba dans ma motion. Les seules revendications de la Marche des femmes que je pouvais inclure étaient les quatre revendications universelles de la Marche des femmes du Québec qui s'adressaient au gouvernement du Canada, mais qui étaient également des revendications de l'ONU. Je pouvais donc les endosser. C'est la raison pour laquelle je n'ai inclus que les revendications de la Marche des femmes du Québec.
Il n'y avait pas de revendications, pour les autres provinces, qui s'adressaient au Canada, les seules étant les revendications du Manitoba. Je peux vous les lire, si vous le voulez, madame la présidente, mais vous verrez, lorsque vous en ferez la lecture, que c'étaient des revendications beaucoup plus larges.