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Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis ravie de vous voir tous ici ce matin pour discuter de cet important sujet.
Je tiens en particulier à souhaiter la bienvenue à nos invités. Nous sommes impatients de connaître votre point de vue sur le sujet à l'ordre du jour aujourd'hui.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous procédons à l'étude de la consommation de sodium dans le régime alimentaire canadien. Nous accueillons à cette occasion des Producteurs laitiers du Canada Nathalie Savoie, directrice adjointe de la nutrition, Programmes nationaux. Soyez la bienvenue, madame.
Nous accueillons également M. Reaman, de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. Il n'est pas encore arrivé, mais il ne devrait pas tarder.
De Produits alimentaires et de consommation du Canada, nous avons Phyllis Tanaka, vice-présidente des Affaires scientifiques et réglementaires, Politique alimentaire. Vous semblez avoir une lourde tâche, Phyllis.
De la Fondation canadienne des maladies du coeur, nous avons Stephen Samis, directeur de la Politique de la santé. Et de l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa, nous avons le Dr Andrew Pipe, chef de la Division de prévention et de réhabilitation, et professeur à la Faculté de médecine. Soyez le bienvenu.
De l'Université de Toronto, nous avons la Dre Mary L'Abbé, professeure et présidente du département des sciences de la nutrition à la Faculté de médecine.
Mesdames et messieurs, je vais vous demander de nous faire chacun, à titre de représentants de vos organisations, un exposé de cinq minutes. Nous aurons ensuite une période de questions, très utile, pour permettre aux membres du comité d'obtenir les réponses dont ils ont besoin.
Nous allons commencer par les Producteurs laitiers du Canada. Nous vous écoutons, Nathalie.
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Merci, madame la présidente.
Les producteurs laitiers du Canada reconnaissent que la réduction de l'apport en sodium dans l'alimentation de la population canadienne constitue un enjeu de santé publique important, et nous sommes heureux d'avoir la possibilité de nous adresser au comité sur cette importante question.
Nous sommes l'organisme national qui représente les producteurs laitiers canadiens qui produisent l'ingrédient de base utilisé dans la fabrication des produits laitiers. Les aspects santé et de nutrition des produits laitiers revêtent une grande importance pour nous. C'est pourquoi nous considérons prioritaire de suivre l'élaboration de cette politique, de même que d'autres politiques menées par Santé Canada.
[Traduction]
De plus, à titre d'organisme intéressé et engagé dans la recherche en nutrition et dans la promotion d’une saine alimentation et d’un mode de vie sain, nous avons fourni des commentaires aux représentants de Santé Canada relativement aux cibles proposées de réduction en sodium et leur avons transmis les résultats de nos recherches. Nous collaborons et continuerons de collaborer avec les transformateurs de produits laitiers, particulièrement les fabricants de fromage, afin d'évaluer les cibles de réduction en sodium de Santé Canada.
Le Service de nutrition des Producteurs laitiers du Canada est composé d'environ 20 diététistes comme moi, dont l'objectif est de sensibiliser la population au sujet de la valeur nutritionnelle et des bienfaits santé associés aux produits laitiers dans le cadre d'une alimentation saine et équilibrée, et d'encourager les Canadiennes et les Canadiens à bien manger et à consommer le nombre de portions de produits laitiers recommandées par Santé Canada.
Les résultats de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, publiés en 2006, indiquent qu’une grande proportion des Canadiens de tous les groupes d’âge ne consomment pas le nombre minimum recommandé de portions de produits laitiers. Par conséquent, si la réduction du sodium dans le fromage a des répercussions sur l’acceptation par les consommateurs et mène à une réduction de la consommation de fromage, le problème de sous-consommation de produits laitiers s’aggravera et engendrera des conséquences négatives sur l'apport global en éléments nutritifs de la population canadienne, notamment en calcium.
II est important de mentionner que bien que le sodium soit un constituant naturel du lait et des autres produits laitiers, du sel ou chlorure de sodium est également ajouté au cours du procédé de fabrication du fromage afin de lui conférer de nombreuses propriétés fonctionnelles, telles le contrôle enzymatique et microbien, le contrôle de l’humidité, le goût et la texture. De plus, le sel constitue un ingrédient essentiel pour assurer l’innocuité des aliments. Après avoir consulté des chercheurs spécialisés dans les domaines de la science de l'alimentation et de la microbiologie propres à la fabrication du fromage, nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il n’existe pas suffisamment d’information pour déterminer si les cibles proposées pour les fromages sont atteignables et si elles présentent des problèmes en ce qui concerne l’innocuité.
Afin de fournir des données scientifiques permettant de s’attaquer à la question de la teneur en sodium des fromages, nous finançons actuellement de la recherche portant sur des aspects techniques et relatifs à l’innocuité qui sont en lien avec la réduction du sel dans les fromages. Depuis mai 2008, l’industrie laitière soutient la recherche menée par l’Université Laval qui porte sur l’impact des variations du sel dans le fromage Cheddar sur les propriétés organoleptiques et la prolifération microbienne.
De plus, avec l’aide des fonds récemment obtenus de l’initiative des grappes agroscientifiques, nous financerons également, conjointement avec Agriculture et Agroalimentaire Canada, une importante étude de deux ans qui débutera cette année et dont l'objectif sera d'évaluer la réduction du sel dans différents types de fromage, tout en maintenant la qualité des produits et leur innocuité.
Ces deux études combinées représentent un investissement de 750 000 $ dans l’avancement de la science dans ce domaine. La première étude sera achevée en avril 2011, et la seconde, au début de 2012. Lorsque les résultats de ces deux études seront connus, l’industrie laitière sera en meilleure position pour évaluer le niveau de réduction en sodium qu’il est possible d’atteindre et qui est sans danger pour les différents types de fromages.
Nous sommes déterminés à offrir des produits laitiers nutritifs qui respectent les plus hautes normes de qualité et d’innocuité ainsi que la demande des consommateurs. Nous croyons fermement que ces normes élevées de qualité et d'innocuité doivent être maintenues dans toute initiative visant à réduire le sodium. Afin de veiller à ce que la réduction du sel dans les fromages soit accomplie en maintenant la qualité du produit et sans mettre la population à risque de contamination alimentaire, nous demandons à Santé Canada de donner à l’industrie laitière suffisamment de temps pour effectuer les recherches nécessaires avant d’établir des cibles de réduction en sodium pour les fromages, et un échéancier pour atteindre ces cibles.
Nous croyons que des règles spéciales devraient être établies pour des produits comme les fromages, pour lesquels le sel est nécessaire pour des aspects importants tels que la conservation et le vieillissement. Dans le cas contraire, le processus doit prévoir des révisions ou des réajustements des cibles si les objectifs fixés se révèlent inatteignables ou dangereux sur le plan de l’innocuité. Nous serons enchantés de fournir au comité les commentaires que nous avons fournis à Santé Canada sur les cibles de réduction du sodium.
Pour ce qui est des aspects techniques et relatifs à l’innocuité qui ont trait à la réduction de la teneur en sel des fromages, nous nous sommes tournés vers l’expertise scientifique de M. Paul Paquin, Ph. D., et de M. Steve Labrie, Ph. D., de l’Université Laval, qui ont fourni une opinion scientifique écrite basée sur leur expertise de longue date en matière de science de l'alimentation et de microbiologie liées à la fabrication du fromage. Leur document a été joint en annexe à la réponse des Producteurs laitiers du Canada qui a été envoyée à Santé Canada. Nous serons enchantés de le fournir au comité.
[Français]
Encore une fois, nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de partager l'engagement des producteurs laitiers du Canada sur cet important enjeu de santé. Merci.
Produits alimentaires et de consommation du Canada est heureux de pouvoir vous rencontrer à nouveau pour discuter des efforts visant à réduire la consommation de sodium au pays. Lors de notre comparution en octobre dernier, nous avons mentionné que nous appuyions les travaux du Groupe de travail multi-intervenants. Nous continuons d'appuyer ses travaux, et je continue de jouer un rôle actif comme membre.
Le Groupe de travail multi-intervenants joue un rôle moteur dans l'élaboration d'une stratégie globale visant à réduire la consommation de sodium au Canada. Les membres de Produits alimentaires et de consommation fabriquent la majorité des produits alimentaires transformés qui sont commercialisés au Canada. Ils sont soucieux d'offrir des produits sains et diversifiés. Ils s'emploient depuis de nombreuses années à offrir aux consommateurs de nouveaux produits à teneur réduite en sodium, ainsi qu'à réduire la teneur en sodium des produits existants. Ce faisant, ils continueront d'améliorer leurs produits.
Toutefois, comme nous l'avons déjà mentionné, il est important pour le comité de comprendre que réduire la teneur en sodium dans les aliments et les boissons est un processus complexe qui demande du temps. Je ne vous apprends rien en vous disant que le sodium joue divers rôles dans la fabrication des produits alimentaires, et qu'on ne peut pas, par conséquent, l'éliminer sans trouver une solution de remplacement valable. Il n'existe pas un produit qui peut, à lui seul, remplacer le sodium en jouant tous ses rôles dans la fabrication des produits alimentaires. C'est pourquoi il faut du temps pour réussir à modifier la formule d'un produit. À titre indicatif, on estime qu'il faut environ deux ans pour apporter une modification simple à un seul produit.
Il ne faut pas oublier, en outre, que l'acceptation par le consommateur est un élément déterminant du succès de tout nouveau produit, ou de toute nouvelle formule d'un produit, à teneur réduite en sodium. Il faut que le consommateur soit informé de la raison des changements, et qu'il accepte les changements apportés.
Le groupe de travail a adopté une stratégie à trois volets pour réduire la quantité de sodium dans les produits, qui tient compte de ces éléments complexes. Ces trois volets sont: l'éducation, la réduction volontaire de la teneur en sodium des produits alimentaires transformés et des aliments vendus dans les établissements de restauration, et la recherche. Tous les intervenants s'entendent pour dire que l'objectif de réduire le sodium dans l'approvisionnement alimentaire et de réduire la consommation globale de sodium des Canadiens ne sera atteint que si on procède par étapes.
L'industrie a besoin de temps pour réussir à réduire la teneur en sodium de ses produits. Les consommateurs ont besoin de temps pour s'habituer au nouveau goût des produits. Et il faut avant tout se rappeler une règle connue mondialement, à savoir que toute initiative dont les objectifs ne sont pas réalistes, réalisables et viables est vouée à l'échec.
Produits alimentaires et de consommation du Canada participe aux travaux du groupe de travail depuis sa création, par l'entremise de son comité sur le sodium, formé de représentants techniques et scientifiques de ses sociétés membres. Nos sociétés membres ont participé aux consultations publiques du groupe de travail en février 2009 afin de bien sensibiliser les intéressés aux défis que doit relever l'industrie pour atteindre l'objectif visé. Actuellement, elles participent activement au dialogue avec Santé Canada pour déterminer les cibles de réduction du sodium en vue d'atteindre l'objectif transitoire du groupe de travail de réduire la consommation moyenne de sodium des Canadiens à 2 300 milligrammes par jour.
En terminant, j'aimerais ajouter que le Canada n'est pas le seul pays à vouloir réduire sa consommation de sodium. Il s'agit d'un problème mondial. De nombreux pays cherchent une façon de le faire. Certains ont commencé à s'intéresser au problème avant le Canada, mais aucun n'a progressé autant que nous. Ils en sont presque tous arrivés à la conclusion, comme le Canada, que le processus prendra du temps, qu'il nécessite la collaboration de tous les intervenants, et qu'il doit reposer sur des objectifs réalistes et réalisables.
À mon avis, la stratégie canadienne se distingue par son orientation et sa bonne gouvernance.
Merci.
:
Merci, madame la présidente.
Au nom de la Fondation des maladies du coeur du Canada, j'aimerais vous remercier de nous donner l'occasion de venir témoigner aujourd'hui pour vous faire part de notre point de vue sur la consommation de sodium dans le régime alimentaire canadien.
La Fondation des maladies du coeur est l'un des organismes de bienfaisance bénévoles dans le domaine de la santé les plus importants au pays. Nos activités liées à l'avancement de la recherche et de ses applications, à la promotion d'un mode de vie sain et à la sensibilisation font de nous un chef de file dans l'élimination des maladies du coeur au Canada et dans la réduction de leurs répercussions.
Voici quelques données sur les maladies cardiovasculaires et le sodium.
Les maladies du coeur sont la principale cause de décès, d'hospitalisation et de consommation de médicaments au Canada et coûtent à l'économie canadienne, en frais directs et indirects, environ 22 milliards de dollars par année.
Quelque cinq millions d'adultes au Canada ont des problèmes d'hypertension artérielle, le premier facteur de risque pour les ACV, et un facteur de risque important pour les maladies du coeur.
Plus de 80 p. 100 des hommes et 60 p. 100 des femmes âgés de 19 à 70 ans ont une consommation de sodium qui excède la limite supérieure recommandée.
Environ un décès sur sept liés à un ACV et un décès sur onze liés à une coronaropathie pourraient être évités si les Canadiens réduisaient leur consommation alimentaire de sodium d'environ 1 800 milligrammes par jour.
Selon des études récentes, en réduisant la consommation moyenne de sodium aux limites recommandées, on pourrait réaliser des économies directes d'environ deux milliards de dollars par année. Cela permettrait en outre d'éliminer l'hypertension chez plus d'un million de Canadiens, et de réaliser des économies additionnelles d'au moins 430 millions de dollars par année en frais directs de gestion. Les économies sont donc importantes.
La Fondation des maladies du coeur s'emploie à réduire la consommation de sodium chez les Canadiens, en continuant de mettre à leur disposition de l'information, des ressources et des recettes pour les aider.
La fondation fait partie des 14 organisations de santé qui ont signé l'énoncé de politique sur la réduction du sodium de Blood Pressure Canada, qui vise à réduire la consommation de sodium des Canadiens à entre 1 200 et 2 300 milligrammes par jour d'ici 2020.
Dans le cadre de notre programme Visez santé, nous continuons de travailler directement avec les entreprises alimentaires et les restaurants pour améliorer la qualité nutritive de notre approvisionnement alimentaire en rehaussant les critères. Depuis 2007, nous avons annoncé dans le cadre de ce programme des changements aux critères nutritifs qui ont permis de réduire de 25 à 70 p. 100 la teneur en sodium des produits inscrits.
Depuis lors, 14 entreprises ont supprimé à elles seules, en répondant à ces nouveaux critères, 500 000 kilogrammes de sel de leurs produits. Cela équivaut à environ 20 camions à benne de sodium de moins dans notre approvisionnement alimentaire. Et en continuant de resserrer les critères relatifs à la teneur en sodium du programme Visez juste pour atteindre les objectifs de 2020, nous pourrons remplir d'autres camions à benne de sodium.
La fondation est également membre du Groupe de travail multi-intervenants sur la réduction du sodium alimentaire. Nous sommes maintenant impatients de prendre connaissance de son rapport et de ses recommandations qui devraient être publiés en juin prochain.
Que peut faire le gouvernement fédéral? La Fondation des maladies du coeur aimerait profiter de l'occasion pour lui recommander quelques mesures à prendre pour réduire la quantité de sodium présente dans l'approvisionnement alimentaire des Canadiens.
Premièrement, continuer d'appuyer les travaux du groupe de travail sur le sodium de Santé Canada, et surtout, veiller à répondre rapidement à son rapport et à mettre en oeuvre rapidement ses recommandations.
Deuxièmement, mener régulièrement des enquêtes nationales sur la nutrition afin de mettre en place un système de surveillance efficace et opportun de la quantité de sodium présente dans le régime alimentaire des Canadiens, et de faire rapport sur les progrès réalisés en vue d'atteindre l'objectif de 2020.
Troisièmement, améliorer la réglementation de l'étiquetage alimentaire pour harmoniser la taille des portions indiquées sur le tableau de la valeur nutritive des produits similaires, afin d'aider les Canadiens à mieux comparer les produits et à faire des choix judicieux et sains.
Quatrièmement, sensibiliser les Canadiens aux risques pour la santé associés à une forte consommation de sodium et aux façons de réduire leur consommation dans le cadre d'un régime sain.
Que peut faire l'industrie? En plus du soutien et de l'encadrement offert par le gouvernement, la fondation recommande que l'industrie alimentaire canadienne continue à jouer un rôle moteur en réduisant la teneur en sodium de tous les produits vendus au pays, à soutenir les efforts de sensibilisation de la population aux avantages pour la santé de consommer des aliments à faible teneur en sodium, et à afficher les renseignements nutritionnels, notamment la teneur en sodium, des aliments à la caisse dans les établissements de restauration.
En terminant, la Fondation des maladies du coeur remercie le comité de continuer à faire de la réduction de la consommation de sodium une priorité. Nous pressons le gouvernement fédéral de répondre rapidement au rapport du groupe de travail lorsqu'il sera publié, et de mettre en oeuvre rapidement ses recommandations. Et nous vous remercions encore une fois de nous avoir permis aujourd'hui de vous faire connaître notre point de vue sur cette question.
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Bonjour, madame la présidente. C'est un grand plaisir pour moi d'être présent ce matin.
[Traduction]
Bonjour.
Il s’agit probablement d’un des entretiens cliniques les plus importants pour moi cette année. Je dis cela parce que j'aimerais m’entretenir avec vous. Je ne parlerai pas à partir de notes.
En tant que médecin, une des contributions les plus utiles que je puisse probablement faire, c’est d’accélérer la mise en place d’un environnement qui favorise l’adoption de comportements propices à la bonne santé. En tant que clinicien, une des contributions les plus importantes que je puisse probablement faire, c’est de vous regarder dans le blanc des yeux et de vous dire que vous avez la capacité — grâce à vos stylos, à vos signatures et à vos lois — d’améliorer radicalement la santé de notre population de façon que, même moi, je ne puis imaginer.
Il suffit d’une délibération fructueuse pour transformer, en l’espace d’un jour, l’environnement et, par le fait même, améliorer considérablement la santé de la population canadienne.
Nous savons, depuis plus de 40 ans, que le sodium entraîne des conséquences délétères pour la santé. Je dirais, sur un ton peut-être un peu provocateur, que pendant 40 ans, nous avons haussé les épaules et nous nous sommes arraché les cheveux à essayer de déterminer ce que nous pouvions bien faire. Et c’est malgré le fait que, dans le monde entier, tout laisse croire que des collectivités très semblables à la nôtre ont réglé ce problème par des moyens réfléchis, éclairés et constructifs qui ont sensiblement amélioré l’innocuité — et j’insiste sur ce mot — et la qualité de notre approvisionnement alimentaire.
Tous les jours, dans le cadre de mes fonctions à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, je vois des gens souffrir de maladies cardiovasculaires. La façon dont cette maladie se manifeste est en train de changer. Nous avons fait un excellent travail pour ce qui est de réduire les risques de maladies du cœur depuis les années 1960, et j’en profite pour féliciter les gens de ma profession — et j’inclus la Dre Bennett. Par contre, il reste encore un très grand nombre de Canadiens qui souffrent d’une maladie du coeur et, à mesure qu’ils vieilliront, les risques d’une insuffisance cardiaque augmenteront énormément.
Pourquoi cette question est-elle cruciale à notre discussion d’aujourd’hui? C’est simple: un de mes patients peut, à sa sortie de ma clinique à l’Institut de cardiologie, décider de prendre l’escalier ou l’ascenseur pour descendre se chercher un petit quelque chose à manger, une collation qu’il juge santé, auprès d’un restaurant-minute situé dans le foyer de l’institut. Toutefois, huit heures après avoir mangé le sandwich et la soupe, il peut se retrouver dans la salle d’urgence parce que la teneur en sodium dans ce simple repas aurait déclenché chez lui une insuffisance cardiaque. En raison de sa condition instable, il pourrait même être obligé de rester à l’hôpital pendant plusieurs jours.
Je suis également conscient du fait que, quand je vous parle de ces questions, je ne parle non seulement de la santé des Canadiens, mais aussi, à certains égards, de la viabilité de notre système de santé.
On me fait sans cesse rebattre les oreilles sur la nécessité de la prévention. Toutefois, la prévention ne se limite pas aux aimants de réfrigérateur ni aux petites affiches accrocheuses. Il faut plutôt mettre en place un environnement qui favorise l’adoption de comportements propices à la bonne santé — et je me répète, je sais.
Vous pouvez deviner à mes cheveux gris que je suis à l’aube de la retraite. Tout au long de ma carrière, j’ai participé à plusieurs projets destinés à améliorer la santé des Canadiens. Chaque fois, j’ai entendu dire que nous ne pouvions pas faire telle ou telle chose, qu’il faudra du temps, que le public n’est pas prêt, qu’il faudra y réfléchir longuement pendant plusieurs années. L’adoption de la loi sur le port de la ceinture de sécurité, la réduction du taux d'alcoolémie pour réduire le nombre des accidents liés à la conduite avec facultés affaiblies, le temps qu’il nous a fallu pour faire adopter une loi sur le tabac — voilà en quoi consiste un peu mon parcours.
La consommation de sodium contribue largement à l'hypertension, ce qui, comme mes collègues de la Fondation des maladies du cœur vous l’ont expliqué, augmente sensiblement les risques d’accident vasculaire cérébral et d’insuffisance coronaire, voire de décès. Par ailleurs, l’apport en sodium contribue nettement à un problème émergent et pressant en matière de santé publique: l’insuffisance rénale terminale. Personne ne parle de la façon dont on va s’y prendre pour offrir des services de dialyse aux nombreux Canadiens qui en auront besoin, dans les années à venir, à cause d’une insuffisance rénale. Ils auront besoin de dialyse parce que leurs reins seront détruits, comme conséquence de leur hypertension.
Nous savons que le sel est un problème, et la plupart des Canadiens sont d'accord pour dire qu'il s'agit d'une importante question de santé publique. J'aurais bien voulu partager avec vous un article que mes collègues et moi allons publier dans le Journal canadien de cardiologie dans quelques semaines. Pour l'instant, l'article est — c'est quoi déjà le mot? — sous embargo. Mais cela montre...
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Merci, madame la présidente.
Je suis ici aujourd'hui à titre de professeure à l'Université de Toronto et doyenne du Département des sciences de la nutrition. Je suis également vice-présidente du Groupe de travail canadien sur le sodium.
Il s’agit d’un groupe de travail multi-intervenants qui s’est vu confier le mandat de surveiller la mise en œuvre d’une approche axée sur la santé de la population en vue de réduire la teneur en sodium dans le régime alimentaire des Canadiens. En tant que scientifique en nutrition et membre du groupe de travail sur le sodium, je suis préoccupée par les niveaux de sodium élevés dans le régime alimentaire. J’ai cru bon de vous présenter quelques chiffres, histoire de quantifier le problème.
D’après les résultats de l’Enquête sur la santé des collectivités canadiennes, menée en 2004, les Canadiens ont consommé, en moyenne, plus de 3 400 milligrammes de sodium par jour. La limite supérieure est établie à 2 300 milligrammes. Vous voyez donc où nous en sommes. Plus de 90 p. 100 des hommes et 66 p. 100 des femmes dépassent la limite supérieure.
Toutefois, le sodium n’est pas un problème qui touche uniquement les adultes. Les enfants n’y échappent pas non plus: 76 p. 100 des enfants de 1 à 3 ans, 90 p. 100 des enfants de 4 à 8 ans et 97 p. 100 des garçons adolescents dépassent la limite supérieure en sodium.
Plus des trois quarts du sodium proviennent d’aliments manufacturés et transformés, que nous consommons à la maison ou à l’extérieur. Une très petite quantité provient de façon naturelle ou est ajoutée à table ou durant la cuisson.
Quand j’ai témoigné devant le comité l’automne dernier, j’ai fait part de deux chiffres pour vous donner un aperçu des sources alimentaires du sodium pour les Canadiens. Il y a deux principales caractéristiques concernant les sources alimentaires du sodium. Tout d’abord, certains aliments, comme le pain, ont une teneur modérée en sodium, mais ils peuvent constituer une grande source de sodium parce que nous en consommons beaucoup. Nous en mangeons tous les jours, en assez grande quantité. D’autres aliments — et l’année dernière, je vous ai parlé d’aliments comme les soupes, les repas congelés, les hot-dogs, certains sandwichs préparés — ont une teneur très élevée en sodium. Pour certains aliments, une seule portion fournit presque la totalité de l’apport quotidien recommandé, et certains frôlent même la limite supérieure. Par exemple, dans le cas du sous-marin que je vous avais montré, il suffit d'une seule portion par jour pour atteindre presque la limite supérieure.
Deuxièmement, je crois qu’il est important non seulement de connaître la teneur en sodium dans les aliments, mais aussi de savoir qu’il n’y pas un seul aliment ou un seul groupe alimentaire qui contient le plus de sodium. Il faudra apporter des changements à presque tous les groupes alimentaires et à presque tous les produits alimentaires dans notre régime si nous voulons réduire de façon importante notre apport en sodium. Par ailleurs, comme le goût est un facteur primordial pour les consommateurs, ces changements devront se produire à peu près en même temps, dans tous les aliments, pour que les consommateurs canadiens s’habituent aux niveaux réduits de sodium. Nous nous attendons à ce qu’une telle approche nécessite un certain nombre de mesures prises graduellement sur un certain nombre d’années.
C’est en gardant ces chiffres à l’esprit que le groupe de travail sur le sodium a examiné des façons de réduire l’apport en sodium chez les Canadiens. Notre rapport, qui devrait paraître sous peu, met l’accent sur les réductions volontaires des niveaux de sodium dans les aliments; un vaste programme de sensibilisation pour informer les consommateurs, les fabricants, les distributeurs, les exploitants de services d’alimentation et les décideurs au sujet du besoin de réduire le sodium; et la recherche nécessaire pour justifier ces changements.
Nous avons annoncé notre premier objectif provisoire, à savoir une réduction de l’apport moyen en sodium de la population canadienne à 2 300 milligrammes comme limite maximale tolérable d’ici 2016. Ce premier objectif est jugé vigoureux et audacieux, mais nous sommes persuadés que les intervenants du secteur canadien de l’alimentation seront à même de l’atteindre collectivement. En fait, nous sommes encouragés par certains des progrès qui ont déjà été réalisés.
En dernier lieu, je tiens à vous expliquer ce que nous entendons par une réduction ciblée et volontaire, expression dont vous avez entendu parler. Nous espérons et nous comptons publier ces objectifs pour pratiquement tout le secteur des aliments préemballés et manufacturés, ainsi que pour les aliments vendus dans les restaurants, les cafétérias et les autres établissements de services alimentaires. Non seulement nous publierons ces objectifs, mais nous élaborerons aussi un plan de surveillance, comme l’exige notre mandat. Autrement dit, nous nous attendons à ce que la teneur en sodium dans les aliments canadiens soit régulièrement mesurée et que les résultats soient régulièrement publiés pour que nous, et toute la population canadienne, puissions surveiller les progrès que nous réaliserons au fil du temps.
Nous sommes maintenant au début de mai, et notre rapport est sur le point d'être terminé. Nous devrions le soumettre à la ministre de la Santé au début de l'été. Nous espérons avoir établi une voie claire pour réduire l'apport en sodium des Canadiens, et nous attendons avec impatience l'occasion de partager notre rapport avec vous dans un avenir immédiat.
Merci beaucoup.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie les membres du comité de nous avoir invités ici aujourd'hui.
Je m'appelle Ron Reaman, et je représente l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. Nous représentons environ 33 000 restaurants partout au Canada. J'ai eu le plaisir de comparaître devant le comité l'automne dernier, alors je vais faire une déclaration très brève pour ne pas me répéter.
Aujourd’hui, je veux tout simplement souligner que l’Association des restaurateurs et des services alimentaires et ses membres sont tout à fait déterminés à participer au dossier de la réduction du sodium. Notre association est membre du groupe de travail sur le sodium de Santé Canada, et nous avons continué d’appuyer les efforts du groupe pour élaborer une stratégie nationale de réduction du sodium en vue de réduire, au bout du compte, l’apport total en sodium chez la population canadienne. Nous appuyons les trois volets clés du mandat qui sont, comme vous le savez sans doute, la recherche, la réduction volontaire de la teneur en sodium dans les produits alimentaires et une vaste campagne d’éducation et de sensibilisation du public.
Je tiens à rappeler au comité que bon nombre des entreprises d’alimentation sont déjà à l’œuvre et procèdent à la reformulation de leurs produits et de leurs menus. Nous reconnaissons notre rôle dans la réduction de l’apport général en sodium des Canadiens. Mais nous devons aussi reconnaître certaines réalités opérationnelles propres à notre industrie. Comme certains de mes collègues l’ont déjà mentionné, ce qui importe le plus, c’est de s’assurer que nous travaillons à élaborer une stratégie graduelle et réaliste qui permet de réduire le sodium consommé par les Canadiens.
Un des défis dans le contexte des restaurants, c’est la crainte que le goût de ces produits ne plaise pas à nos clients. Au bout du compte, notre secteur est tributaire de la demande des consommateurs. Nous vendons ce que les consommateurs nous demandent. Il est vraiment crucial de faire en sorte que le palais des Canadiens évolue de sorte qu'ils commencent à demander des produits vendables. Après tout, les consommateurs ont le dernier mot, et ils font des choix tous les jours dans nos opérations.
Nous faisons notre part grâce à la réduction volontaire du sodium dans les menus.
L’autre argument clé que je tiens à faire valoir au comité concerne la campagne d’éducation et de sensibilisation du public. À notre avis, il s’agit d’un élément primordial auquel le gouvernement doit consacrer des fonds pour appuyer le résultat en matière de santé publique que nous visons tous, soit celui d’essayer de réduire l’apport général en sodium des Canadiens.
Je m'arrête là-dessus, et je suis disposé à répondre à vos questions.
Merci.
:
Merci à tous d'être venus.
Je partage la frustration du Dr Pipe. Son histoire à propos de patients qui ignorent vraiment ce qu'ils consomment et qui se retrouvent à l'hôpital est aussi celle de mon père. Au cours d'un été, il a été hospitalisé à trois reprises même si sa fille est médecin. Je n'avais aucune idée que les céréales All-Bran vendues au Canada qu'il mangeait chaque matin contenaient trois fois plus de sel que celles offertes aux États-Unis; j'ignorais aussi que sa soupe renfermait autant de sodium. Nous l'avons réprimandé sévèrement, puis nous avons réussi à le tenir hors de l'hôpital durant trois ans, jusqu'à sa mort, en étant très stricts avec lui.
Je suis sa fille et j'ai souffert de toxémie durant ma grossesse. Après avoir avalé la même soupe, je me suis dit « je crois que je n'aurais pas dû en manger ». Deux heures plus tard, l'accouchement a été provoqué parce que je souffrais de prééclampsie.
C'est tellement grave. Voici pourquoi je suis médecin: en 9e année, j'ai souffert d'une glomérulonéphrite aiguë et j'ai dû adopter un régime sans sel pendant trois mois. Je me suis dit que personne d'autre ne devrait avoir à vivre cela.
Madame L'Abbé, je voulais d'abord devenir nutritionniste, parce que, quand la doyenne de la faculté, Barbara McLaren, m'a apporté un sablé sans sel, j'ai cru qu'elle était un ange m'apportant des aliments délicieux qui ne contenaient vraiment pas de sel.
Pour commencer, madame L'Abbé, j'aimerais juste dire qu'étant donné la frustration que vous devez ressentir à cause de ce qui s'est produit dans le cas des gras trans, comment se fait-il que le mandat du Groupe de travail sur le sodium ne lui permette même pas d'instaurer une réglementation obligatoire; qu'il lui autorise seulement de demander une réduction volontaire? C'est assez consternant. Il n'y a aucun programme de sensibilisation à l'horizon.
Qu'est-ce que le gouvernement attend? Doit-il attendre votre rapport pour lancer une campagne de sensibilisation disant aux gens de réduire la quantité de sel qu'ils consomment, notamment en n'utilisant plus de sauce soya? Je constate que peu d'argent est investi dans la recherche. La situation a assez duré. Comment peut-on parvenir à diminuer ce problème quand on sait que ce que dit le Dr Pipe est tout à fait vrai? Nous avons déjà entendu parler de tout cela. Je doute que les goûts des Canadiens soient différents de ceux des Américains. Qu'attendons-nous?
Je préférerais que le Dr Pipe pose la question à ceux qui disent « Oui, mais... ». Peut-être que le Dr Pipe pourrait terminer son exposé, puis s'adresser aux autres experts?
:
Permettez-moi d'intervenir.
Ce qu'il faut faire, c'est tirer profit de l'expérience des autres. La Finlande, par exemple, avait l'un des plus hauts taux au monde de maladies cardiovasculaires et d'autres maladies liées au sodium. Pourtant, la situation s'est renversée en quelques années grâce à des programmes de sensibilisation, à des initiatives volontaires entreprises par l'industrie alimentaire — au Canada, nous avons des exemples de chef de file de l'industrie alimentaire qui ont transformé la nature de leurs produits pour devenir numéro un — et à des lois appropriées en matière de santé publique. Habituellement, les mesures de santé publique qui sont efficaces englobent tous ces aspects. Toutefois, à mon humble avis, si on ne compte que sur la sensibilisation et les initiatives volontaires, on ne fait que retarder l'inévitable — d'autres disent poliment « tergiverser » — et, pendant ce temps, davantage de Canadiens vont mourir.
Si des personnes devaient être hospitalisées à cause d'infections causées par certains produits alimentaires qu'ils ont mangés, nous aurions droit à une tempête de protestations et nous réglerions le problème très rapidement. La question qui nous préoccupe est un autre problème de qualité et de salubrité des aliments. Nous devons faire preuve de sensibilité, de réflexion, mais aussi de détermination pour nous en occuper conformément à notre tradition de politiques judicieuses en matière de santé publique.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vous remercie beaucoup d'être avec nous aujourd'hui pour discuter de ce dossier fort important.
Quand j'entends les gens de l'industrie de la restauration ou des produits de consommation — alors qu'on sait que la portion de sel ingéré par la population vient essentiellement de ces deux secteurs — se réjouir de cibles volontaires, je me pose vraiment la question: pourquoi? Est-ce parce que, depuis la mise sur pied du groupe de travail sur la réduction du sel dans l'alimentation — donc depuis 2007 —, ils ont établi chez eux une stratégie pour réduire véritablement le sel dans les produits qu'ils offrent à la population? Ou, au contraire, est-ce parce que, comme on a semblé l'entendre, il faut s'assurer que tous les joueurs travaillent ensemble car c'est ce que souhaite la population? Est-ce aussi pour retarder la mise en place d'une véritable stratégie?
En effet, on le sait, des mesures volontaires— cela le dit —, ce n'est pas contraignant. C'est si on veut et si cela nous tente. Cependant, la cible que s'est donnée le groupe de travail est de réduire la consommation de sel d'à peu près 1 000 à 1 200 milligrammes d'ici 2016. C'est dans six ans. On va donc passer d'une consommation de 3 400 à 2 300 milligrammes en six ans.
Mme Tanaka nous dit que ça prend du temps avant de réaliser véritablement cette modification dans la production de leurs produits. Or j'aimerais poser une question aux restaurateurs et aux gens des produits alimentaires. Depuis 2007... Ça fait quand même trois ans. C'est quand même passablement de temps. Vous nous disiez, madame Tanaka, que cela prenait deux ans pour modifier vos produits et vos façons de faire. Depuis 2007, qu'est-ce qui a déjà été véritablement fait pour entreprendre les modifications? Est-ce que bientôt, dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, on va véritablement voir sur nos tablettes, dans les menus de nos restaurants, une véritable révolution quant à la réduction du sel?
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Je vais me référer aux autres spécialistes qui sont aussi assis à cette table. Les deux exemples classiques seraient ce qui a été fait en Finlande, dont j'ai parlé plus tôt, et aussi les mesures prises plus récemment au Royaume-Uni.
Le Royaume-Uni a adopté une méthode d'étiquetage des produits très claire, qui permet aux consommateurs de savoir exactement quelle quantité de sodium contiennent les aliments qu'ils achètent. On utilise là-bas un code semblable aux feux de circulation. Donc, on trouve sur le devant de l'emballage des aliments des symboles rouges, verts ou jaunes, qui indiquent très clairement la quantité de sodium contenue dans ces aliments.
Cette initiative fonctionne très bien. Le Royaume-Uni s'est basé sur l'expérience de la Finlande, qui a opté pour une combinaison de sensibilisation, de réglementation et d'un engagement volontaire de la part de l'industrie alimentaire. Et on a des exemples très précis d'initiatives prises par l'industrie alimentaire, même ici, au Canada.
Ce que la réglementation permet de faire, c'est de s'assurer que les règles du jeu sont équitables pour tous. Cela simplifie grandement les choses, et ainsi on ne pénalise pas les intervenants de l'industrie alimentaire qui font preuve d'une grande innovation dans la façon dont ils décident de reformuler leurs produits.
Je crois qu'il faudrait examiner de très près ce qui se fait dans ces deux pays pour avoir une idée de la façon dont on peut élaborer judicieusement ce genre d'initiative.
Mon collègue de la Fondation des maladies du coeur du Canada voudra sans doute ajouter quelque chose. Stephen.
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Nous avons annoncé notre objectif préliminaire afin d'activer les choses, pour entamer le processus alors que nous en étions encore au stade des délibérations.
Et ce n'est pas tout. Comme je l'ai indiqué plus tôt, le groupe de travail a formé trois sous-comités, tous chargés d'élaborer des stratégies pour notre approche à trois volets. L'un d'eux a établi des cibles pour l'approvisionnement alimentaire, et depuis l'automne, Santé Canada discute de cibles préliminaires avec l'industrie alimentaire. L'idée, c'est que si ces cibles sont atteintes, les aliments consommés par les Canadiens pourraient satisfaire aux objectifs fixés par le groupe de travail. Nous avons donc travaillé à raffiner les cibles en question. L'industrie laitière nous a fait part de certaines inquiétudes, mais le travail se poursuit.
Notre groupe de sensibilisation a contribué à l'élaboration d'un programme d'éducation, qui porterait sur la nécessité de réduire la teneur en sodium des aliments pour les consommateurs, mais aussi pour l'industrie.
Pour le troisième groupe, nous avons collaboré avec les Instituts de recherche en santé du Canada, mais aussi avec le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le secteur agricole, ainsi que l'industrie alimentaire, pour déterminer les recherches qu'il faudrait mener, parce que nous n'avons pas encore toutes les réponses à nos questions.
Les trois sous-comités travaillent ensemble, et tout le groupe de travail a aussi formulé ses recommandations. Nous en sommes à l'étape finale de ce rapport, que nous espérons pouvoir remettre au ministre au début de l'été.
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Excellent. Je crois que tout le monde assis à cette table a hâte de consulter votre rapport.
En ce qui a trait à ma prochaine question, je vous dirais que je suis le dossier depuis un bon moment. J'ai remarqué que lorsque nos enfants étaient plus jeunes, les aliments pour bébé, par exemple, contenaient une quantité très élevée de sodium. Mon épouse et moi-même cuisinions nous-mêmes nos aliments pour bébé. Il semble que les compagnies ont déjà fait beaucoup de travail pour rendre leurs aliments beaucoup plus sains pour les consommateurs canadiens.
J'ai remarqué la même chose pour les croustilles. J'ai la dent salée et j'aime bien la contenter à l'occasion. J'ai vu qu'on avait réduit volontairement la quantité de sel dans les croustilles.
J'aimerais poser ma prochaine question à M. Reaman et à Mme Tanaka. Qu'est-ce qui complique le plus les choses pour réduire la teneur en sodium des aliments? Pouvez-vous me nommer quelques-uns des défis que nous devrons relever pour y arriver?
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous nos témoins d'avoir accepté notre invitation.
Docteur Pipe, j'ai beaucoup apprécié vos commentaires sur la qualité et la sécurité du système alimentaire. Je pense que M. Reaman et vous n'avez pas employé le terme « sécurité alimentaire » de la même façon.
Je ne voudrais pas qu'on se serve de la sensibilisation, des réductions volontaires et de la recherche pour retarder la prise de mesures concrètes. Nous savons depuis une quarantaine d'années que le sel peut être néfaste pour la santé. Nous savions depuis un siècle que le tabac était cancérigène, et nous savions que les rayons du soleil l'étaient aussi, avant de passer réellement à l'action. Nous sommes intervenus et des mesures ont été mises en place.
Nous savons que le sel pose problème, et 90 p. 100 des patients le savent aussi. Ils sont au courant que les aliments transformés peuvent être néfastes.
Docteur Pipe, outre la Finlande, y a-t-il un autre pays qui a fait des efforts importants en ce sens et sur lequel ce comité pourrait prendre exemple?
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Je pense que c'est une option totalement envisageable pour le Canada, notamment parce qu'il y aura inévitablement des traînards dans l'industrie de l'alimentation. J'aimerais revenir à la question de la sécurité alimentaire. Selon moi, les gouvernements ont la responsabilité fondamentale en matière de santé publique d'assurer la sécurité de l'approvisionnement alimentaire.
Si je dois aborder le sujet aux alentours de minuit, je deviens un peu plus grincheux, et je parle alors de contamination des aliments au sodium, et non pas de teneur en sodium des aliments. Le vocabulaire change quelque peu à ce moment-là. Je me rends compte que ce n'est peut-être pas juste d'employer ces termes, mais on comprend bien le message.
Malgré les très importantes raisons qui justifient la présence de sodium dans nos aliments (la stabilisation des aliments, la durée de conservation à l'étalage, etc.), je pense que l'objectif général devrait être de veiller à ce que les aliments contribuent au bout du compte à la santé des consommateurs. Quand la teneur en sodium devient néfaste pour la santé, on ne peut qu'en conclure que nous devrions réduire la quantité de sodium contenue dans notre alimentation.
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Donc, on n'en rajoute que très peu consciemment. Le reste se trouve déjà dans les produits que nous mangeons, que ce soit dans des aliments préparés ou à la suite d'un processus naturel. D'accord.
Cela m'amène à ma prochaine question, qui s'adresse à M. Reaman. Actuellement, il n'existe aucune réglementation qui oblige les chaînes de restaurants à faire les choses différemment, et pour les inciter à réduire la teneur en sodium des aliments, nous envisageons peut-être des mesures de réduction volontaire, d'après le rapport qui a été publié. Docteur L'Abbé, on dit que dans votre rapport, vous recommandez un système fondé sur des mesures volontaires.
Monsieur Reaman, pourriez-vous nous donner des exemples de ce que votre groupe pourrait faire maintenant pour réduire volontairement le niveau de sodium? Vous avez déclaré, si je ne m'abuse, qu'on travaille déjà dans ce sens, qu'il y a eu certains progrès; pourriez-vous nous dire lesquels?
Pourriez-vous également me donner votre point de vue sur la différence entre normes obligatoires et mesures volontaires, et m'expliquer comment votre groupe voit les choses? Est-ce qu'il serait davantage favorable à la possibilité de réduire volontairement le sodium, parce que ce serait moins contraignant que des normes obligatoires et tout ce qui vient avec? Dans l'affirmative, comment faisons-nous pour nous assurer qu'il y a effectivement réduction des niveaux, en l'absence de règlement imposé?
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Si je comprends bien la question, elle comporte plusieurs volets.
Premièrement, il faut comprendre qu'environ 20 p. 100 des aliments consommés dans une journée par un Canadien moyen vient du secteur des services alimentaires. Donc, lorsque vous dites qu'environ 77 p. 100 du sodium tire sa source des aliments transformés et de ce qu'on vend dans les restaurants, il ne faut pas perdre de vue que les services alimentaires représentent environ 20 p. 100 des aliments que mangent chaque jour les Canadiens.
Pour ce qui est de l'approche volontaire par rapport à l'approche obligatoire, je ne peux pas parler pour chaque compagnie, mais je peux vous dire — d'après mes contacts directs et mes discussions avec nos membres — que beaucoup d'entreprises de services alimentaires se sont pleinement engagées dans la réduction, la reformulation et la mise à l'essai de produits reformulés auprès des consommateurs. Par conséquent, le processus est en cours, cela ne fait aucun doute.
Tous ceux avec qui je travaille directement, dans mon industrie, sont parfaitement au courant de ce que fait le groupe de travail sur le sodium et de notre engagement à faire partie de la solution afin de réduire et de faire reculer les niveaux de sodium pour le bien des Canadiens. Je peux donc vous dire qu'il y a un véritable engagement à l'égard d'une stratégie de réduction volontaire, et je pense que c'est pour nous, comme pays, la meilleure stratégie. Je crois véritablement que c'est la voie à suivre.
Est-ce que cela répond à votre question?
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Parfait, merci beaucoup.
Madame Tanaka, vous nous disiez plus tôt que chaque entreprise a sa propre stratégie pour la réduction du sodium. J'aurais quelques petites questions à vous poser.
Premièrement, au sein de votre organisation, avez-vous un mécanisme pour surveiller ce qui se fait à l'intérieur des entreprises? Avez-vous une petite idée de la manière dont fonctionnent les stratégies par rapport à cela? Y a-t-il des entreprises qui n'ont justement pas de stratégie de réduction du sodium? Que faites-vous dans le cas où une entreprise n'en a pas? Offrez-vous de l'aide à ces entreprises pour qu'elles soient en mesure d'avoir un plan crédible en ce qui a trait à la réduction du sodium? Avez-vous une idée des sommes que les entreprises peuvent investir dans la recherche pour trouver des substituts, pour diminuer le sodium?
Finalement, j'aimerais savoir ce que vous pensez de ce que M. Pipe nous a expliqué plus tôt par rapport à un système d'étiquetage quelque peu basé sur celui de la Finlande ou celui de la Grande-Bretagne. Les entreprises au Canada seraient-elles prêtes à un tel système d'étiquetage?
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Le rôle d'une association professionnelle n'est pas de surveiller chacun de ses membres. Toutefois, dans le cadre du groupe de travail multi-intervenants, la quatrième étape de notre stratégie consiste à surveiller l'évolution des progrès dans l'industrie alimentaire en fonction des cibles de réduction du sodium. Cela fait partie du plan de match du groupe de travail. Mais en tant qu'association professionnelle, il ne nous incombe pas de contrôler nos sociétés membres.
Cependant, nous aidons nos membres. Nous avons mis sur pied un comité sur le sodium, comme je l'ai indiqué précédemment. Grâce à ce comité, je tiens les membres informés des activités du groupe de travail. Ce comité nous a permis aussi de prendre part aux consultations publiques qu'a organisées le groupe de travail afin de discuter de la mise en oeuvre de la stratégie. Nous avons un rôle de facilitateur très important à jouer pour que nos membres soient au courant de ce qui se passe et puissent agir en conséquence. Grâce à PACC, nous avons pu faire en sorte que nos membres soient au fait des échanges entre Santé Canada et l'industrie au sujet de la révision des cibles pour les différentes catégories alimentaires. C'est le rôle que nous avons joué.
J'ignore à combien se chiffrent les investissements nets des différentes sociétés. En revanche, je sais, d'après des discussions informelles, que la reformulation d'un produit est une entreprise coûteuse qui draine beaucoup d'argent. Il en est d'ailleurs aussi question dans le rapport de l'IOM paru récemment. Mettre en oeuvre ce genre d'initiative requiert un important investissement de la part des gouvernements et aussi de l'industrie.
En ce qui concerne l'étiquetage, le Canada s'est doté de tableaux de valeur nutritive des aliments très bien faits. À mon avis, et du point de vue de l'industrie, le plus judicieux est de construire le message autour de ce que nous avons déjà mis en place pour aider les Canadiens à prendre des décisions éclairées.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Pour commencer, j'aimerais faire une observation d'ordre général. Nous parlons de l'importance de la sensibilisation du public. De fait, je ne pense pas que quiconque ait été plus sensibilisé que nous l'avons été durant les deux premières audiences; mais ce qui marque mon esprit, ce sont les commentaires du Dr Pipe, pour qui des modes de vie sains facilitent la prise de décisions.
Je vais vous faire une confidence. Tout de suite après notre première série de rencontres, j'ai commencé à vérifier chaque étiquette que je voyais, mais je dois vous dire que j'ai progressivement perdu cette habitude, au fil des mois, depuis notre dernière discussion. À certains égards, les tableaux donnent de bons renseignements, mais ils ne sensibilisent pas vraiment ceux qui les lisent.
Plus important encore, j'aimerais comprendre quelques-unes des priorités en matière de recherche entourant la consommation de sodium. De plus, pour compléter ce que je disais au début, il faut s'intéresser à toute la question du changement des habitudes de vie et voir quoi faire en matière de recherche là-dessus également.
Je suis prête à entendre les observations de tout le monde sur la question.
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Si la présidente me le permet, j'aimerais intervenir brièvement.
Dans mon travail quotidien, comme chef de la division de prévention et de réhabilitation de l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa, nous parlons toujours de la nécessité de faire en sorte que les choix sains deviennent des choix faciles pour que les Canadiens n'aient pas à réfléchir aux options qui s'offrent à eux et aient la garantie que les aliments qu'ils achètent sont sains, salubres, etc.
Dans le cadre des travaux cliniques que nous menons, nous passons un temps fou à informer nos patients au sujet de l'énorme quantité de sodium que l'on retrouve dans toute une variété de produits alimentaires, un fait qu'ignorent la plupart des Canadiens.
Une certaine quantité de sodium demeure absolument nécessaire, nous en convenons, mais la mesure dans laquelle nous pouvons commencer à améliorer et à rehausser la qualité de l'approvisionnement alimentaire, en minimisant ou en modérant la consommation de sodium, fera qu'il sera plus facile pour les Canadiens de faire des choix bons pour la santé.
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L'une des choses que le gouvernement fédéral pourrait faire, pour faciliter la recherche et notre compréhension de ces problèmes, c'est d'améliorer considérablement le système de surveillance de la santé au Canada, ainsi que les types de plateformes de recherche à notre disposition. Je vais vous donner un exemple.
Nous n'avons aucune idée du nombre de crises cardiaques qu'il y a dans ce pays chaque année. Nous l'ignorons complètement. Il n'existe pas de registre pour répertorier les arrêts cardiaques. Nous avons très peu de données sur la surveillance de la santé cardiovasculaire au Canada. Nous avons passé 30 ans, entre 1970 et 2000, sans faire d'étude nationale sur la nutrition.
Nous avons encouragé le gouvernement à nous aider à consolider les indicateurs et les mesures de la santé concernant la nouvelle cohorte canadienne pour l'étude du cancer, le projet Tomorrow, afin de nous assurer que nous disposons de mesures vraiment bonnes et fiables, qui nous serviront non seulement pour le cancer, mais aussi pour les maladies chroniques.
Pour mener à bien cette entreprise, il nous faut notamment réaliser une étude approfondie sur la nutrition auprès des personnes qui entreront dans cette cohorte. On ne le fait pas actuellement, et si cela continue, nous allons manquer une occasion en or d'en apprendre davantage sur la façon dont les régimes alimentaires et l'environnement influent sur la santé des Canadiens à la longue. Le gouvernement fédéral a un rôle central à jouer pour s'assurer que les scientifiques canadiens disposent de plateformes de recherche et de données de qualité supérieure pour effectuer leurs travaux, car cela n'existe pas pour le moment.
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Je ne me rappelle pas si c'est obligatoire en Finlande. Je sais qu'au Royaume-Uni, c'est volontaire.
Il est important de savoir, également, dans le cas de ces deux pays, que la Finlande a pris bien plus que 20 ans pour modifier la consommation moyenne de sodium de sa population. Dans les dernières données que je me souviens avoir regardées — et Mme L'Abbé pourra le confirmer —, actuellement, la consommation moyenne demeure toujours supérieure à ce qu'était la nôtre au début.
Au Royaume-Uni, en 2004 ou 2006, ils ont commencé à vouloir diminuer la consommation de sodium. Ils sont partis de 3 800 et, en 2008, ils avaient reculé à 3 400. Ils sont encore loin des 2 300. Alors même si ces pays ont pris l'initiative de réduire le sodium dans l'alimentation, leur expérience nous montre qu'ils font face à de sérieux obstacles.
Permettez-moi de faire un commentaire personnel. Quelqu'un a déjà dit qu'il faudrait que chaque Canadien s'abstienne pendant un mois de manger des produits portant une étiquette ou provenant d'une bouteille, d'une cannette, d'un emballage ou d'un restaurant. Nous perdrions ainsi, en l'espace d'un mois, notre goût pour le sel. C'est une recommandation qui n'est peut-être pas applicable.
Je veux dire que le problème est d'une complexité frustrante. Je comprends qu'il soit essentiel que l'industrie prenne part aux discussions. Je reconnais les bonnes intentions et les efforts considérables du groupe de travail sur le sodium. Cependant, je ne peux m'empêcher de me demander, à la vue du mandat donné à ce groupe de travail par le gouvernement fédéral, s'il ne s'agit pas quasiment d'une tactique pour gagner du temps, plutôt que d'une approche visant à prendre des mesures concrètes. Je m'interroge d'autant plus qu'on exclut de prime abord la possibilité d'avoir recours à la réglementation.
Je cherche encore à obtenir des réponses claires quant aux recommandations que pourra formuler ce comité. Je ne veux pas vous mettre dans l'eau chaude, Stephen ou monsieur Pipe, mais que pouvons-nous attendre de la part d'un comité où sont lourdement représentés les fabricants dont les produits contiennent un énorme quantité de sodium et constituent 75 p. 100 des aliments consommés? Un tel comité pourrait-il vraiment recommander la consommation d'aliments frais ou d'aliments non transformés, sans étiquette? Une telle recommandation ne serait-elle pas hautement improbable, vu la composition du comité?
Recevrons-nous des recommandations exigeant que l'on agisse rapidement et efficacement? Compte tenu de la nature du comité, n'est-il pas plutôt susceptible de remettre un rapport préconisant la temporisation pour cause d'incapacité à changer le goût des gens autrement que sur de nombreuses années?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'allais demander à M. Reaman de nous parler des difficultés auxquelles pourrait faire face son industrie si nous agissons trop vite. Quelles sont les difficultés pour votre industrie et peut-être aussi pour celle des aliments préparés?
Nous étudions divers modèles ailleurs dans le monde, par exemple, en Finlande et au Royaume-Uni, des pays qui affichaient des statistiques aberrantes lorsqu'ils ont commencé leur progression et qui ne sont même pas encore parvenu au niveau du Canada. Nous avons mis le train en marche et nous, au Canada, assumons le rôle de chef de file, mais je vois venir les difficultés auxquelles devront faire face les restaurants. Par exemple, un restaurant pourrait offrir des plats à faible teneur en sodium, mais si, en fin de compte, ce sont des plats qui n'ont pas bon goût et qui coûtent cher, il pourrait avoir de la difficulté à attirer des clients. Son modèle d'affaires serait chancelant et il aurait de la difficulté à se maintenir à flot. En fin de compte, c'est le consommateur qui choisit quelle nourriture il achète et à quel endroit il mange.
Y aurait-il des risques pour la santé si, par exemple, le gouvernement appliquait telle ou telle mesure dans un certain délai? Existe-t-il des solutions de rechange que nous devrions tout de suite commencer à envisager dans la catégorie des agents antibactériens et des agents de conservation que vous avez mentionnée?
Mme Tanaka et Mme L'Abbé auraient peut-être un mot à dire là-dessus, mais nous allons commencer par vous, monsieur Reaman.
Nous risquons au premier chef que les consommateurs ajoutent du sel à nos produits s'ils ne les aiment pas tels quels. Je rejoins ainsi ce que vous disiez tout à l'heure, madame Davidson. Puisqu'il s'agit d'obtenir, comme résultat, une réduction de la consommation de sel par les Canadiens, nous devons avoir recours à une approche globale. Nous n'arriverons pas au résultat voulu en demandant du jour au lendemain à l'industrie alimentaire de réduire abruptement la teneur en sodium de ses produits, parce qu'il y aura un effet de balancier et une réaction en sens inverse des consommateurs qui n'accepteront pas une telle réduction. Ce serait le premier problème.
Par ailleurs, le secteur des services alimentaires étant largement tributaire de la demande des consommateurs, comme je l'ai dit plutôt, sa marque de commerce est la personnalisation et la substitution des produits. Si nous mangeons au restaurant, vous et moi, et commandons le même plat, nous ne mangerons pas tout à fait la même chose parce que nous avons quand même chacun nos préférences. Nous demanderons un peu plus de ceci et un peu moins de cela. La personnalisation et les substitutions définissent littéralement l'univers de la restauration. Si nous ne donnons pas au client ce qu'il demande, nous verrons notre chiffre d'affaires en pâtir. Alors, il y aurait bel et bien un risque.
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Merci, monsieur Carrie.
Puis-je vous poser une autre question à ce sujet? Le comité me le permettrait-il?
Dr Pipe, je fais partie des homo sapiens dont vous avez parlé, qui broutent en liberté dans divers pâturages. Je me demande pourquoi nous n'utilisons pas un autre procédé pour remplacer le sel. Si nous le faisions, ce procédé serait-il aussi dangereux pour la santé que le sel?
À l'issue du débat sur la margarine et le beurre, il a été décidé qu'il valait mieux manger de la margarine. Aujourd'hui, on nous dit qu'en fait, c'est le beurre qui est le plus sain. Alors, je ne suis pas certaine que nous faisons toujours le bon choix scientifiquement.
Qu'en pensez-vous?
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Je le ferai volontiers.
Je serais d'accord avec vous: le tableau de la valeur nutritive manque de clarté. Le gouvernement fédéral devrait intervenir immédiatement pour normaliser les portions de ce tableau afin d'aider les Canadiens à acheter des produits meilleurs pour leur santé, ce que nous avons déjà proposé aujourd'hui.
Le tableau manque de clarté pour l'instant. Il n'y a pas de normalisation. Nous devons faciliter la tâche aux consommateurs canadiens. Lorsqu'ils comparent deux produits similaires, les portions indiquées devraient être les mêmes. C'est une mesure que le gouvernement peut prendre, selon nous.
Le symbole Visez santé ne peut être apposé que sur les produits qui répondent à des critères précis concernant la teneur en sodium, en gras et en fibres, ou encore la teneur en sucre et en sodium. Cela varie. Certains ont rapport avec la valeur nutritive, mais pas tous. Les ingrédients ne sont pas tous les mêmes.
Pour les matières panifiables notamment, ces critères concerneraient entre autres les teneurs en sodium et en fibres. Ces critères sont assez complexes. On en dénombre environ 80. C'est fonction du produit et c'est forcément logique. Par exemple, la teneur en fibres apparaît lorsque cela est pertinent, ce qui est certes le cas pour les matières panifiables notamment.
Les critères sont clairement définis. Ils sont modifiés en fonction des changements apportés dans le Guide alimentaire. Nous avons modifié ceux concernant le sucre lorsque le guide a préconisé d'éviter le sucre ajouté, malgré que le gouvernement fédéral n'ait rien indiqué à cet égard. Ils sont donc constamment modifiés, et nous devons en informer correctement les fabricants pour qu'ils puissent adapter leurs produits en conséquence.
C'est là un des réels avantages du symbole Visez santé. Lorsque nous réduisons par exemple la teneur en sodium, nous accordons généralement aux fabricants 14 mois pour adapter leurs produits en conséquence. La teneur en sodium a fait l'objet de réductions passablement importantes ces derniers temps. Incapables de respecter ces nouveaux critères, certains fabricants ont retiré leurs billes du jeu. D'autres ont adapté leurs produits pour s'y conformer.
Ce qui nous apparaît très intéressant notamment, c'est que plusieurs fabricants nous demandent préalablement quelles sont les teneurs visées pour pouvoir se conformer aux critères établis afin que le symbole Visez santé soit apposé sur leurs produits.
L'Influence est donc certes manifeste sur la valeur nutritive des aliments.
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Volontiers. Merci de m'en donner l'occasion.
Certains témoins nous ont répété que l'établissement de normes obligatoires met tous les fabricants sur un pied d'égalité. Pour que la teneur en sel soit modifiée dans tous les produits de façon à ce que les consommateurs s'habituent à un goût différent, il ne faut pas recourir à des normes facultatives. C'est le message que nous ont transmis certains témoins experts.
Le groupe de travail sur le sodium alimentaire s'est servi des recommandations formulées par l'Institute of Medicine de la National Academy of Sciences. Ce n'est pas lui qui a établi les teneurs acceptables. Dans votre rapport, vous vous appliquerez à élaborer une stratégie pour notamment déterminer quelles mesures prendre et quels délais fixer.
À la suite du rapport, le groupe de travail sur le sodium alimentaire poursuivra-t-il son mandat? Constituera-t-il le seul outil important du gouvernement à ce chapitre? Y aura-t-il des mesures pour remplacer ce mécanisme volontaire si le seul groupe habilité par le gouvernement fédéral se retrouve ainsi pieds et poings liés? Le groupe de travail peut-il recommander le montant des fonds nécessaires à la recherche et à la sensibilisation, ainsi que les moyens d'en arriver ultérieurement à des normes obligatoires?
Ma question n'est pas simple, mais j'essaie d'envisager ce qui adviendra après le rapport et la façon dont nous...