:
Merci, monsieur le président.
Je serai bref. Je crois qu'il importe que nous parlions aux témoins présents ici aujourd'hui.
Je veux commencer en remerciant mes collègues de poursuivre l'étude du projet de loi , malgré le départ du parrain initial, Judy Wasylycia-Leis. Je tiens à les remercier d'honorer leur engagement à tenir des audiences en comité. Je vous en suis reconnaissant.
J'aimerais donner un peu de contexte. Sans entrer dans les détails du projet de loi, j'expliquerai peut-être un peu pourquoi il est important et rappellerai les faits à l'intention des membres qui n'étaient pas là à l'époque.
J'ai été réélu en 2002. À mon arrivée sur la colline du Parlement, il existait déjà un mouvement en faveur d'un projet de loi ou d'une loi afin d'aider les pays qui sont défavorisés ou en développement à accéder à des produits pharmaceutiques ou à des médicaments, puisque le simple statu quo n'était pas acceptable.
Un an plus tard, le Canada a pu, dans le cadre de l'OMC et d'une série d'initiatives internationales, s'illustrer parmi les pays ayant réellement instauré un système afin de produire des médicaments génériques avant la délivrance des brevets afin de venir en aide aux personnes atteintes de la tuberculose, du paludisme, du VIH-sida et d'autres maladies et problèmes de santé terribles. Le projet de loi C-56 a été déposé à la Chambre des communes, et un gouvernement subséquent a déposé le projet de loi C-9, connu sous le nom de projet de loi de l'engagement de Jean Chrétien envers l'Afrique.
À l'époque, le comité a tenu moult audiences, convoquant plusieurs groupes de témoins à comparaître et réalisant des examens fort exhaustifs. Sachez que j'ai proposé 100 amendements concernant ce projet de loi, le trouvant bancal à ce moment-là. Sans dire que j'avais raison, au bout du compte, tous les partis politiques de la Chambre des communes ont convenu à l'unanimité d'un projet de loi.
Tout un chacun ici présent et à la Chambre des communes souhaitait explicitement que le Canada mette en place un système pour pouvoir fournir des médicaments aux enfants et aux personnes qui souffrent dans le monde. À l'heure actuelle, quelque 14 000 personnes meurent du VIH ou du sida chaque jour dans le monde; des enfants atteints de cette maladie, le tiers meurt avant l'âge d'un an et la moitié avant l'âge de deux ans. Or, nous disposons des outils nécessaires pour corriger la situation.
À ce jour, un seul brevet a été traité en vertu de ce régime. Il s'agir d'une demande d'Apotex, d'une portée très restreinte, visant le Rwanda. Certaines compagnies de médicaments génériques ont affirmé qu'elles enverraient davantage de médicaments à l'étranger si nous modifions la loi, et c'est ce que nous proposons de faire.
Je le répète, je suis fier de parrainer cette mesure législative; par contre, j'ai honte de mon attitude dans ce dossier, car j'ai voté en faveur d'un projet de loi, et nous avons promis au monde de prendre des mesures, qui ne se sont jamais concrétisées. Le projet de loi n'a certainement pas permis de réaliser ce qu'on avait laissé miroiter à la Chambre des communes et devant le comité. Je veux donc chercher des solutions pour remédier à ce problème.
J'ai voté en faveur du projet de loi même si je le pensais imparfait, parce que nous, en notre qualité de parlementaires, voulions unanimement essayer d'aider les pays dans le besoin. Nous avons mis de côté nos différends pour voir si le projet de loi allait atteindre ses objectifs et nous assurer que les problèmes que nous envisagions ne surgissent pas. Mais dans les faits, ces problèmes se sont présentés.
Je suis donc de nouveau ici aujourd'hui pour tenter de corriger cette situation et pour collaborer avec tout le monde, car je crois que tous les membres et tous les partis ont honnêtement et sincèrement débattu de la question pour que notre pays ait une véritable solution, puisse faire une contribution et montrer la voie à suivre. Mais nous avons manqué à notre engagement envers le monde, sans l'ombre d'un doute. Des gens souffrent, meurent et sont privés de traitement. Nous nous sommes énormément investis dans cette initiative et nous devons résoudre le problème. Nous en avons l'obligation morale et éthique, et je crois que le Canada dispose des outils pour faire de nouveau figure de chef de file dans ce domaine.
Je vous remercie à nouveau de tenir votre engagement à débattre de cette question ici, en comité et, espérons-le, au Parlement également.
Merci, monsieur le président.
Nous entendrons également Louise Clément, directrice principale, Programmes régionaux et géographiques, Afrique Australe et du Nord; Christine Reissman, directrice, Programmation du SIDA et de la tuberculose et des institutions de santé; Brigitte Zirger, directrice, Bureau de la politique, Direction des produits pharmaceutiques, Direction générale des produits de santé et des aliments; ainsi que Robert Ready, négociateur en chef des accords aériens, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Nous commencerons par vous, madame Downie. Si j'ai bien compris, l'exposé durera environ 20 à 25 minutes pour l'ensemble des ministères. Est-ce juste?
:
Je crois que vous avez tous un exemplaire de notre diaporama en main...? Fantastique. C'est le document que nous allons parcourir.
Je commencerai par vous remercier de m'avoir invitée à parler aujourd'hui du Régime canadien d'accès aux médicaments, que l'on appelle aussi souvent RCAM, et des répercussions que pourrait avoir le projet de loi d'initiative parlementaire , qui prévoit d'importants changements à cet égard.
Ensemble, mes collègues et moi-même traiterons du RCAM et du projet de loi . Dans notre exposé, nous interviendrons en fonction de nos diverses responsabilités, mais nous examinerons, je l'espère, les aspects suivants.
Tout d'abord, il y a le problème de l'expédition de médicaments aux pays en développement et des mesures que le gouvernement du Canada prend en ce sens. Un régime d'accès aux médicaments, comme le RCAM mis en place par le Canada, ne peut à lui seul éliminer les principaux obstacles à l'accès aux médicaments, qui sont en fait le résultat de la pauvreté et non des lois sur les brevets.
Il existe certains risques à éliminer les conditions que prévoit le RCAM afin d'accorder ce qui serait essentiellement une licence générale dépassant de loin ce qui serait nécessaire pour résoudre certains des problèmes humanitaires à l'origine de ce projet de loi d'initiative parlementaire. En particulier, cette élimination permettrait d'exporter pratiquement n'importe quel médicament breveté fabriqué au Canada autant de fois qu'on le souhaiterait à bien des pays qui s'en sortent relativement bien, comme la Pologne, le Mexique et le Brésil. Aucun mécanisme de surveillance ne garantirait la bonne foi de ceux qui font ces expéditions, qui pourraient nuire à l'accès des Canadiens à de nouveaux médicaments novateurs et à des emplois en recherche et développement. C'est du moins ce que nous craignons.
Ainsi, non seulement le projet de loi présente-t-il les risques que je viens de mentionner, mais le gouvernement doute qu'il atteigne ses objectifs, fort louables au demeurant, qui consistent à accroître les exportations de médicaments dont les pays en développement ont un criant besoin.
Après notre exposé commun, tous les représentants ici présents répondront avec plaisir à vos questions.
Je laisserai maintenant Louise Clément faire la première partie du diaporama.
:
Je vous remercie beaucoup. J'aimerais également remercier le comité de me donner l'occasion de témoigner et de parler du soutien que le Canada offre pour améliorer la santé dans les pays en développement, notamment l'accès aux médicaments.
Comme on vous l'a indiqué, je m'appelle Louise Clément, de la Direction de l'Afrique Australe et de l'Est, à l'ACDI.
Les besoins et les défis en matière de santé varient considérablement d'un pays en développement à l'autre. L'amélioration des soins de santé, notamment l'accès aux médicaments, constitue un défi à multiples facettes, dont certaines figurent à la première diapositive de notre diaporama. Nous devons recourir aux moyens les plus efficaces, les plus économiques et les plus responsables pour améliorer la santé et les soins de santé pour ceux qui vivent dans la pauvreté dans les pays en développement.
Par l'entremise de l'ACDI, le Canada collabore avec la communauté internationale afin de combler les besoins en matière de santé de ces pays. Nous nous sommes engagés à le faire de manière efficace et responsable. Des millions de vies dépendent du Canada et de ses partenaires internationaux, qui s'efforcent d'améliorer la santé et de réduire la mortalité. Des millions de gens meurent par manque d'accès aux médicaments qui préviennent les maladies et la mort. Il faut donc accroître la quantité de médicaments offerts et l'accès aux médicaments adéquats, en plus de garantir l'expédition et l'administration sécuritaires des traitements médicaux nécessaires.
La politique de l'ACDI consiste à améliorer la santé de la manière la plus efficace et la plus économique possible. Pour garantir l'expédition et l'administration sécuritaires des médicaments et des vaccins, nous travaillons avec des organisations qualifiées et expérimentées qui agissent comme partenaires.
Le Canada, président du G8 en 2010, a parrainé l'initiative de Muskoka, un énorme effort international visant à améliorer la santé et à sauver la vie des mères, des nouveau-nés et des enfants. Le Canada octroiera 80 p. 100 de sa contribution à l'Afrique subsaharienne, qui affiche le taux de mortalité maternelle et infantile le plus élevé.
Le a récemment annoncé que le Canada verserait 540 millions de dollars sur trois ans au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. On estime qu'environ 45 p. 100 des subventions de ce fonds serviront à procurer des produits de santé, comme des médicaments.
Le Canada est également un donateur fondateur du dispositif mondial pour l'approvisionnement en médicaments et est le pays qui s'est montré le plus généreux sur le plan des antituberculeux majeurs depuis le début de l'initiative, en 2001. Cette installation, qui s'inscrit dans le partenariat Halte à la TB, vise à améliorer l'accès, l'approvisionnement et la distribution concernant les antituberculeux dans les pays en développement. Il s'agit du seul grossiste mondial d'antituberculeux.
Il y a également l'Alliance GAVI, un partenariat international réunissant des intervenants des secteurs privé et public de l'immunisation, qui unissent leurs efforts pour accélérer l'accès des pays en développement à des vaccins nouveaux et existants. L'alliance s'efforce de renforcer les systèmes de santé des divers pays et de rendre le financement des programmes d'immunisation plus prévisible et viable.
Hier, le Canada a annoncé une contribution de 50 millions de dollars répartie sur cinq ans, qui porte à 238 millions de dollars notre soutien total aux efforts que déploie l'alliance pour améliorer l'accès aux vaccins salvateurs contre l'hépatite B, la fièvre jaune, le rotavirus et les maladies pneumococciques.
Le Canada a constamment appuyé les mesures devant améliorer l'expédition de médicaments nécessaires à l'appui des soins de santé afin de favoriser la santé des populations dans les pays en développement.
Ces dernières années, l'ACDI a entrepris des démarches importantes dans le but de mettre en oeuvre son plan d'action pour accroître l'efficacité de l'aide afin d'offrir des résultats concrets à ceux qu'elle est mandatée pour aider.
Pour réduire la pauvreté, une population doit jouir d'une bonne santé. Pour apprendre et s'instruire, un enfant doit être bien portant. Pour améliorer son sort, il faut être en santé.
Nous voulons nous assurer que l'aide financière du Canada se traduise par une augmentation des médicaments offerts, un meilleur accès à des soins de santé sécuritaires et de qualité, et, au final, une population mondiale en santé et prospère.
Merci.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je traiterai de la quatrième diapositive. Ce volet de notre exposé vise en fait à mettre en lumière trois grands points: tout d'abord, que l'objectif et la portée du RCAM sont limités; ensuite, que le RCAM ne constitue pas un fardeau administratif pour les pays et les demandeurs; et enfin, que l'élimination des exigences administratives du RCAM peut laisser le Canada vulnérable à des plaintes portées devant l'OMC. Je prendrai quelques minutes pour expliquer ces trois points.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'objectif et la portée du RCAM, j'aimerais peut-être faire remarquer quelques aspects de nature générale.
Environ 95 p. 100 des médicaments qui figurent sur la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé ne sont plus visés par des brevets. Sachez également que le RCAM ne peut faciliter l'approvisionnement international de médicaments à faible coût que s'il existe une demande externe de médicaments génériques fabriqués au Canada.
Le RCAM, ainsi que la décision ou la dérogation de l'OMC sur laquelle il s'appuie, ne visent pas à résoudre à eux seuls le vaste problème de l'accès aux médicaments. L'initiative s'inscrit dans une stratégie internationale plus vaste de lutte contre des maladies qui touchent les pays en développement: le VIH-sida, la tuberculose et le paludisme. Dans le cadre du RCAM, on applique efficacement la décision de l'OMC, qui est un élément infime d'un effort plus large visant à faciliter l'accès aux médicaments. Cette décision est le résultat d'intenses négociations au sein de l'OMC, dont l'objectif consistait à unifier les opinions disparates des divers intervenants et de réagir à des problèmes de santé publique précis, tout en assurant la protection de la propriété intellectuelle. Le RCAM, qui a à son tour fait l'objet de moult consultations au Canada afin de concilier les points de vue divergents des parties intéressées, cherchait essentiellement à assurer un sain équilibre entre les démarches facilitant l'accès aux médicaments et le maintien des incitatifs à l'innovation dans le domaine des technologies et des médicaments nouveaux.
Étant l'un des premiers pays membres de l'OMC à se prévaloir de la dérogation, le Canada avait devant lui un certain nombre d'objectifs contradictoires: faciliter l'accès à des produits pharmaceutiques à faible coût dans les pays aux prises avec des problèmes de santé publique; respecter ses obligations en vertu de l'Accord sur les ADPIC de l'OMC, concernant les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, et d'autres traités internationaux; respecter le régime de brevet du Canada; encourager les fabricants des médicaments génériques à participer au RCAM; et veiller à ce que les produits exportés aux termes du RCAM satisfassent aux mêmes normes de sécurité et de qualité que ceux vendus sur le marché canadien. Il s'agit, au bout du compte, d'un instrument équilibré et ciblé constitué d'importants éléments spécifiques qui assurent la clarté et des mesures de contrôle.
Le deuxième aspect où je m'arrêterais, monsieur le président, est celui du fardeau administratif, autrement dit, le temps qu'il faut pour expédier les médicaments. Ici, je crois qu'il faut examiner le déroulement de deux processus. Il y a d'abord le processus en général, qui s'est amorcé en 2003 quand l'OMC a adopté sa décision ou accordé la dérogation. Le RCAM est entré en vigueur en 2005, Santé Canada recevant en décembre de cette même année une demande concernant le médicament appelé Apo-TriAvir. En juin 2006, Santé Canada a terminé l'examen de cette demande, ce qui lui a pris essentiellement six mois plutôt que douze, le délai autorisé.
C'est grâce au déroulement particulier du RCAM, dont je traiterai maintenant. Le traitement de la demande dans le cadre du régime a essentiellement commencé le 13 juillet 2007, quand la compagnie concernée, Apotex, a envoyé des lettres pour obtenir des licences volontaires de trois sociétés pharmaceutiques afin d'utiliser leurs brevets pour produire l'Apo-TriAvir et l'exporter au Rwanda.
Le 19 juillet 2007, en vertu des règles de l'OMC, le Rwanda est devenu le premier pays à faire part de son intention de se prévaloir de la dérogation, indiquant qu'il importerait ce médicament.
Le 4 septembre 2007, Apotex a déposé une demande auprès du commissaire aux brevets pour être autorisé, aux termes du RCAM, à produire le médicament et à l'exporter au Rwanda.
Le 19 septembre 2007, le commissaire lui a accordé son autorisation, mettant ainsi fin au rôle du gouvernement dans le processus.
Ce que je tiens à souligner, c'est qu'il a fallu environ deux mois pour terminer les éléments obligatoires dans le volet du processus qui font intervenir le RCAM, après quoi le Canada a entrepris quelques démarches pour aviser l'OMC qu'il avait accordé la première autorisation d'utiliser la dérogation.
Un peu plus tard, en mai 2008, Apotex a annoncé qu'il avait remporté un marché public au Rwanda afin de fournir le médicament. Le premier chargement est parti en septembre 2008.
Pour résumer la situation concernant le deuxième point, les défis et les délais qu'Apotex a rencontrés quand il a voulu exporter des médicaments au Rwanda sont dissociables du processus du RCAM en soi.
L'année qui s'est écoulée entre l'approbation de Santé Canada relativement au médicament Apo-TriAvir, en juin 2006, et l'avis du Rwanda à l'OMC peut être attribué au fait qu'aucun pays n'a présenté de demande pour obtenir des médicaments en vertu de la dérogation.
[Français]
Les préoccupations éventuelles de l'OMC constituent le troisième point.
En négociant la dérogation, les membres de I'OMC ont adopté certaines mesures de protection afin de prévenir le détournement de médicaments génériques vers des bénéficiaires non visés. Les procédures administratives du RCAM se fondent sur ces mesures de protection requises.
Pour conclure, il convient de rappeler que la portée et l'objet de la dérogation de l'OMC ainsi que les objectifs qu'elle vise étaient très limités et qu'il en a été de même pour la conception du RCAM.
Élargir la portée du RCAM au-delà des exigences de l'OMC pourrait compromettre les éléments actuels du RCAM qui permettent d'assurer que le Canada se conforme à ses obligations commerciales internationales.
En outre, depuis l'adoption de la dérogation par l'OMC, l'environnement mondial de l'approvisionnement en médicaments s'est beaucoup transformé, avec I'établissement de divers autres mécanismes et alliances mondiaux qui donnent aux pays un plus grand choix pour se procurer des médicaments.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
J'en suis maintenant à la cinquième diapositive. Je reviendrai en arrière un instant pour dire que le régime des brevets du Canada récompense l'investissement substantiel nécessaire à la mise au point de nouveaux produits novateurs, y compris les médicaments, en accordant aux titulaires de brevet les droits exclusifs de vendre les fruits de leurs recherches pendant un certain nombre d'années. Cette durée est de vingt ans au Canada. Une fois le brevet expiré, les autres sont évidemment libres de vendre le produit, comme le font les fabricants de médicaments génériques qui copient des produits auparavant brevetés.
Le régime d'accès aux médicaments constitue une dérogation à notre régime des brevet, qui permet au gouvernement du Canada d'autoriser quelqu'un d'autre que le titulaire du brevet, qui en est le propriétaire, de fabriquer un médicament breveté ou un service médical afin de l'exporter dans des pays particulièrement démunis, dont on a dressé une liste. Pour récompenser l'investissement considérable qu'il faut effectuer pour développer ces produits, et comme nous voulons continuer d'inciter les sociétés à mettre au point de nouveaux produits novateurs, des médicaments en particulier, le Régime canadien d'accès aux médicaments, appelé RCAM, a été conçu de telle manière qu'il définit clairement ses propres limites.
Si le processus de demande d'autorisation spéciale du RCAM est assez simple — et si le comité est intéressé, je pourrais lui remettre les formulaires qu'il faut remplir, car une fois qu'on les a vus, on constate qu'ils sont somme toute assez simples —, le régime prévoit des dispositions importantes en matière de divulgation, dont le but premier consiste à favoriser la transparence, à prévenir les abus, comme le détournement des produits au Canada ou vers d'autres marchés à des fins qui ne sont peut-être pas humanitaires, et, comme je l'ai indiqué, à garantir que les médicaments sont utilisés pour des motifs d'ordre humanitaire et pour la santé publique, et non à des fins commerciales. Ce mécanisme permet également au gouvernement ou à la cour fédérale d'annuler une licence si, par exemple, le titulaire en fait mauvais usage, ne l'utilise pas de bonne foi ou s'en sert à des fins commerciales. Sachez toutefois que c'est aux titulaires de brevet et non au gouvernement que l'on se fie pour surveiller l'usage des produits visés pas le RCAM.
Ce que l'on propose de faire avec le projet de loi , c'est d'éliminer certaines des mesures importantes visant à contrer le détournement et à favoriser la transparence afin de rendre le programme applicable. Par exemple, on envisage d'alléger la quantité de renseignements que doit fournir le demandeur avant d'obtenir l'assentiment du gouvernement — des informations de base comme les brevets visés, le nom du titulaire du brevet, la quantité expédiée et le pays destinataire. De plus, les autorisations seraient illimitées sur les plans de la durée et de la quantité, et il ne serait plus obligatoire d'aviser le titulaire du brevet de la date d'expédition du médicament, de la quantité expédiée, de l'endroit où il est envoyé et du responsable du transport. En outre, il ne serait plus nécessaire que les produits visés par la licence arborent une indication, une couleur et une étiquette particulières pour les distinguer des versions brevetées vendues au Canada. Qui plus est, le gouvernement aurait une capacité bien plus restreinte de retirer une autorisation, et les titulaires de brevet ne pourraient plus contester en cour l'envoi de produits à des fins commerciales.
Ainsi, n'importe qui pourrait demander une licence au gouvernement afin de vendre des quantités illimités de produits à l'étranger, et le gouvernement devrait délivrer une licence sur la foi de quelques bribes d'informations, sans qu'il n'existe, en aval, un mécanisme permettant de vérifier si les produits sont en fait expédiés à des fins commerciales ou s'ils sont envoyés dans le pays prévu.
Les sociétés pharmaceutiques qui effectuent de la R-D jouissent d'une portée et d'une perspective mondiales, et disposent de la souplesse nécessaire pour décider du pays où elles investiront en R-D. Elles favorisent naturellement les pays qui ont un régime de propriété intellectuelle solide et prévisible. Nous craignons que si l'on réduit les mécanismes de contrôle du RCAM, ces sociétés hésiteront à investir au Canada, puisqu'elles ne seront pas certaines que leur argent est protégé. Si elles croient que les produits brevetés qu'elles vendent au Canada pourraient également être vendus en quantité illimitée à d'autres pays, ou même être détournés vers les pays que j'ai mentionné plus tôt, comme le Mexique, la Pologne ou la Hongrie, elles hésiteront peut-être à investir le temps, l'argent et les ressources nécessaires à la conception de nouveaux produits novateurs au Canada.
Le projet de loi est également préoccupant en ceci qu'il instaure une double norme: en effet, il ne serait plus obligatoire, mais plutôt facultatif, de soumettre les médicaments fabriqués et exportés en vertu du régime à l'examen en matière de santé et de sécurité de Santé Canada.
De nombreux pays en développement ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour garantir la sécurité et l'efficacité des médicaments qu'ils achètent. Le processus d'examen de Santé Canada dans le cadre du RCAM nous permet de veiller à ce qu'ils bénéficient du même degré de protection que celui offert aux Canadiens.
Je laisserai la parole quelques instants à Brigitte qui peut vous en dire un peu plus à ce sujet.
Nous en sommes à la fin de la cinquième diapositive et arriverons à la sixième dans un instant.
:
Je m'efforcerai d'improviser, alors.
[Français]
Comme Mme Downie l'a mentionné, Santé Canada joue un rôle triple, en ce qui concerne le Régime canadien d'accès aux médicaments.
Premièrement, notre ministère doit procéder à l'examen réglementaire d'une présentation de médicament afin de vérifier si le produit répond aux mêmes exigences, sur le plan de la sécurité, de l'efficacité et de la qualité, que les médicaments accessibles aux Canadiens.
Deuxièmement, Santé Canada doit s'assurer qu'on peut distinguer le produit pharmaceutique de la version brevetée disponible au Canada afin d'empêcher le détournement ou la réimportation.
[Traduction]
Troisièmement, Santé Canada est chargé des inspections préalables à l'exportation pour vérifier, entre autres choses, les caractéristiques distinctives et les quantités à exporter. Ces détails seraient inscrits sur la demande de licence obligatoire du fabricant qui est envoyée au commissaire aux brevets.
Les produits qui suscitent le plus d'intérêt dans le cadre du RCAM sont les antirétroviraux utilisés pour le traitement du VIH/sida. Au Canada, la vaste majorité de ces médicaments bénéficie encore de la protection conférée par un brevet, ce qui signifie que les versions génériques canadiennes n'ont pas encore été mises au point. C'était le cas de l'Apo-TriAvir.
Je voudrais ajouter que les présentations qui ont été reçues en vertu du RCAM ont été examinées immédiatement après leur réception et que leur examen a été terminé bien à l'intérieur du délai fixé. De plus, ces examens ont été entrepris avec la même diligence que n'importe quel autre examen de présentation de produits destinés au marché intérieur, principalement parce que, lorsque le brevet vient à échéance, ces médicaments peuvent être exportés au Canada.
Les fabricants de produits originaux ou génériques ne mettent pas toujours au point un produit sans risque. S'ils le faisaient, Santé Canada n'aurait jamais à rendre une décision négative. Le ministère est d'avis qu'il ne devrait pas y avoir deux poids, deux mesures, et que l'innocuité d'un médicament expédié hors du Canada pour des fins humanitaires ne devrait laisser aucun doute. Le projet de loi pourrait être dangereux à cet égard. Sans examen obligatoire, il ne serait plus clair quelles normes d'innocuité, d'efficacité et de qualité auraient été appliquées aux produits exportés du Canada en vertu d'une licence obligatoire délivrée par le gouvernement.
Une fois que les médicaments ont été reçus dans le pays bénéficiaire, il faut continuer d'assurer la qualité. Le commerce des médicaments inférieurs aux normes, faussement étiquetés, contrefaits et falsifiés est un grave problème de santé publique. Le problème est de taille pour les pays en développement, qui les reçoivent de nombreuses sources différentes, notamment du Canada, et dont la capacité des organismes de réglementation varie considérablement. Éliminer l'examen par Santé Canada des médicaments exportés dans le cadre du RCAM ne fait que transférer l'évaluation de ces médicaments à des organismes encore plus dépourvus de ressources dans les pays en développement ou à l'OMS, qui elle-même doit s'en remettre à des agences de réglementation comme Santé Canada pour les évaluations.
Santé Canada, ses homologues en matière de réglementation et des organisations comme l'OMS travaillent en étroite collaboration au renforcement de la capacité de réglementation dans les pays en développement. Par exemple, Santé Canada participe à un certain nombre de projets d'harmonisation internationale, que j'ai déjà mentionnés, qui visent à aider dans leur développement les organismes de réglementation moins nantis.
En 2009, Santé Canada a remplacé les nombreuses visites ad hoc annuelles d'organismes de réglementation moins pourvus en ressources par un forum international de réglementation, dont le but est la formation. Le forum a lieu deux fois cette année, et près de 27 pays y participent. Un forum se tiendra la semaine prochaine.
L'initiative canadienne de vaccin contre le VIH, une collaboration du gouvernement du Canada avec la Fondation Bill et Melinda Gates, vise à faire avancer la recherche de vaccin contre le VIH et la prévention de la transmission materno-infantile du VIH. Un élément de cette collaboration est le renforcement de la capacité en matière de réglementation des vaccins.
De façon plus importante, Santé Canada travaille avec le programme de préqualification de l'Organisation mondiale de la santé, dont on fait d'ailleurs mention dans le projet de loi et qui vise à donner l'assurance que les médicaments et les vaccins pour les maladies les plus lourdes répondent aux normes mondiales d'innocuité, d'efficacité et de qualité. La liste de médicaments préqualifiés est utilisée par les agences d'achat des Nations Unies ainsi que par les pays en développement pour prendre des décisions d'achat. Santé Canada et de nombreux autres pays procèdent à des examens de produits pour ce programme. C'est grâce à ce genre de travail que l'Apo-TriAvir a pu être ajouté à la liste de médicaments préqualifiés, sur la base de l'examen du produit par Santé Canada.
En résumé, le Canada est déterminé à accroître l'accès à des médicaments et à des soins de santé de haute qualité dans les pays en développement. Le rôle de Santé Canada dans le RCAM est un aspect de cet engagement, comme le sont les contributions de Santé Canada au renforcement de la capacité des organismes réglementaires moins pourvus en ressources.
En conclusion, le RCAM ne permet de régler qu'une petite partie du problème en rendant accessible la version générique de médicaments brevetés selon certaines conditions strictes, comme je l'ai expliqué.
[Français]
Les changements proposés ne régleront pas les autres aspects du problème mondial d'accès aux médicaments, ce qui comprend la prestation de soins de santé et la prévention des maladies dans les pays en développement. Sans solution à ces autres problèmes clés, il est possible que les problèmes de nombreux pays, en matière de santé, ne soient pas réglés.
[Traduction]
Par conséquent, il est peu probable que davantage de pays demandent le recours au RCAM. Il existe déjà de nombreux mécanismes qui permettent d'obtenir des médicaments peu coûteux dont le brevet est expiré pour traiter des maladies qui touchent la santé publique dans les pays en développement. Il est donc peu probable que ces pays aient recours au RCAM puisqu'il existe des moyens moins onéreux d'obtenir des médicaments génériques.
Modifier le RCAM n'aura pas pour effet de diminuer les stocks de médicaments et les coûts de main-d'oeuvre au Canada et ne permettra pas de rendre les médicaments produits ici plus concurrentiels que ceux fabriqués, par exemple, en Inde ou en Chine. C'est d'ailleurs ce qu'a affirmé l'Association canadienne du médicament générique durant l'étude du RCAM. De même, certains témoins, que vous entendrez peut-être et qui ont comparu devant le comité du Sénat au sujet du projet de loi S-232, l'ont également souligné.
Le Canada est le seul pays à posséder un régime d'accès aux médicaments qui fonctionne.
[Français]
Dans l'exemple du Rwanda et d'Apotex, le régime a permis d'atteindre cet objectif, ce qui a permis l'envoi en Afrique de plus de 14 millions de comprimés du médicament contre le sida. Pour le moment, nous estimons que les changements proposés risquent trop de nuire au fonctionnement du Régime canadien d'accès aux médicaments sans présenter de possibilités suffisantes de rendement, tout en affaiblissant le régime canadien de brevets pour les médicaments et en rendant notre climat d'investissement moins favorable.
[Traduction]
Je vais m'arrêter là.
Je voudrais simplement vous signaler deux choses. Aux diapositives que nous vous avons remises, nous avons joint une annexe qui, nous l'espérons, vous donnera des renseignements utiles au sujet du RCAM. Aussi, la diapositive 10 comporte un schéma du processus, que nous croyons simple.
Nous vous avons également remis un document qui présente les principaux évènements qui ont mené à l'envoi de médicaments au Rwanda. J'espère que vous en avez tous une copie. C'est une feuille assez longue, qui vous montre les différents évènements, qui sont indiqués en noir. Tout ce qui est lié au régime d'accès aux médicaments en tant que tel paraît en rouge.
Il nous fera très plaisir de répondre à vos questions.
:
Quand on parle d'améliorer la prestation des services de santé dans les pays en développement très pauvres, il faut savoir qu'il s'agit là d'une entreprise très complexe parsemée d'obstacles, notamment, l'inaccessibilité aux soins de santé. Dans certains pays, les gens doivent marcher pendant plusieurs milles pour pouvoir avoir accès à des services de santé de base. C'est l'un des problèmes. Un autre problème est le fait qu'on ne peut pas compter sur des ressources prévisibles pour mettre en place un plan solide en matière de santé. Il y a aussi, bien entendu, l'accès aux médicaments et bien d'autres enjeux. Certaines difficultés sont liées à la capacité dont disposent les gouvernements.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, le Canada collabore avec des partenaires clés qui possèdent l'expérience nécessaire afin d'adopter une approche globale destinée à favoriser l'amélioration des services de santé dans les pays en développement. J'ai donné quelques exemples, notamment l'Initiative de Muskoka, le Fonds mondial et l'Alliance GAVI, mais il y en a d'autres.
Un autre exemple est l'Initiative sur les systèmes de santé en Afrique, annoncée par le premier ministre en 2006. Dans le cadre de cette initiative, 450 millions de dollars sur 10 ans seront donnés à l'Afrique pour qu'elle puisse mettre sur pied des systèmes de santé. Précisément, trois objectifs sont visés. Le premier est d'accroître le nombre de travailleurs de la santé, dont la pénurie constitue un des principaux problèmes. Le deuxième est d'améliorer l'accès afin de faire en sorte que des services de santé soient fournis aux personnes qui habitent dans les régions où la situation est particulièrement difficile. Le troisième est de concevoir des systèmes d'information en matière de santé en vue d'améliorer la planification et la prestation des services par les systèmes de santé.
Ce sont là des objectifs très difficiles à réaliser et qui nécessitent la participation d'un grand nombre d'États — dont le Canada — ainsi qu'une meilleure coordination avec les pays où nous travaillons. Essentiellement, nous essayons de leur donner la capacité, à long terme, d'être en mesure d'assurer eux-mêmes les services de santé.
J'espère que cela répond à votre question.
:
Oui. Il est vrai qu'il s'agit d'un problème complexe; cela ne fait aucun doute.
On a mentionné que certains pays d'Afrique obtiennent leurs médicaments à un coût moindre auprès d'autres sources et qu'il est difficile à plusieurs égards pour le Canada, en raison des coûts de main-d'oeuvre, entre autres, de faire mieux quant aux prix.
Un autre problème concerne la réputation de notre régime de propriété intellectuelle. Nous ne pouvons pas ignorer cela. J'ai lu certains des témoignages portant sur le projet de loi S-232, du Sénat, qui est très similaire au projet de loi .
Un des témoins était Richard Dearden. Il représentait Gowling Lafleur Henderson. Il est allé jusqu'à déclarer ceci:
Premièrement, le régime de licence unique prévu par le projet de loi S-232 n'est pas autorisé par les mesures d'assouplissement contenues dans l'Accord sur les ADPIC. Deuxièmement, les exceptions limitées énoncées dans l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC n'autorisent pas le Canada à abroger ses obligations en matière de licence obligatoire.
Je vais m'arrêter là. Je sais que ce n'est pas l'avis de ceux qui pensent qu'on ne contrevient pas à l'Accord sur les ADPIC, mais j'aimerais savoir si le représentant du ministère des Affaires étrangères estime que le projet de loi C-393 risque d'aller à l'encontre de l'Accord sur les ADPIC.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Tout comme Mme Wasylycia-Leis l'était, je suis le porte-parole de mon parti en matière de santé. Dans le fond, le constat qu'elle a fait est celui que nous pouvons tous faire. Depuis la mise en place du régime, un seul médicament a été envoyé à des fins humanitaires grâce à ce régime. Sa solution est de présenter le projet de loi . Toutefois, vous avez analysé cette option et vous avez indiqué pendant votre présentation que vous avez décelé, comme nous, un certain nombre de risques. À vrai dire, la solution qu'elle propose, selon vous, n'est pas la bonne.
Cependant, monsieur le président, au moment où on étudie le projet de loi , il faut aussi se demander pourquoi plusieurs ONG considèrent que le régime ne fonctionne pas. Il faut voir si des assouplissements peuvent y être apportés. C'est la raison pour laquelle on a soumis le nom d'une vingtaine de témoins, justement pour faire une étude beaucoup plus en profondeur et ne pas se limiter au projet de loi C-393. J'espère, monsieur le président, que ce sera la volonté des membres de ce comité. En effet, il faut véritablement se pencher sur le régime et se poser les questions qui sont peut-être nécessaires. On a vu que le régime a été en place durant un certain temps et on constate qu'il n'y a que le cas du Rwanda et d'Apotex qui peut être soumis pour analyse.
Madame Downie, dans votre conclusion, vous avez dit que le régime fonctionne. À cela, plusieurs ONG vous diront qu'il ne fonctionne pas puisqu'un seul médicament a pu être acheminé grâce à celui-ci. Comment, de votre côté, pouvez-vous affirmer que le régime fonctionne?
:
Je vous remercie de votre question.
Je pense avoir mentionné quelques exemples lors de mon introduction. Le gouvernement du Canada, par l'intermédiaire de l'ACDI, est impliqué dans un grand nombre d'initiatives qui visent à appuyer la santé et l'accès aux médicaments dans les pays en voie de développement. J'ai mentionné, par exemple, l'Initiative sur les systèmes de santé en Afrique, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, de même que le GAVI Alliance. Il y a d'autres exemples.
On travaille en étroite collaboration avec un grand nombre de partenaires sur le plan international, y inclus avec des pays en voie de développement, pour améliorer la santé. Mais vous avez raison, c'est un grand défi qui va exiger d'importants efforts internationaux et pas seulement de la part du Canada. Le leadership que le Canada a pris, lors du dernier sommet, en ce qui concerne l'initiative pour les mères, les enfants et les nouveau-nés est un autre exemple de ce qui est fait à ce chapitre.
Je ne sais pas si ma collègue voudrait ajouter quelques exemples concrets.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui devant nous et d'avoir fait de très bons exposés au début. C'est très instructif. J'ai entendu mon collègue, M. Garneau, utiliser le mot « atroce ». Je crois qu'il s'agit d'un qualificatif très approprié. Je pense que les députés de ce côté-ci de la table se sont tous entretenus avec bien des gens qui plaident pour qu'on aide les Africains à régler certains problèmes très graves auxquels ils sont confrontés, non seulement en ce qui a trait à la santé, mais aussi dans d'autres domaines.
Vous avez parlé de la pauvreté et de toutes les difficultés qui y sont reliées. Beaucoup d'entre nous savent très bien qu'il y a eu de nombreuses discussions sur ce sujet, surtout dans le cadre des sommets du G8 et du G20. Bien entendu, il ne s'agit pas d'une question partisane. Nous cherchons tous à trouver une solution. Je suis heureux que nous ayons l'occasion d'en discuter.
J'ai cru remarquer qu'au cours de la discussion, on a souvent parlé des conséquences imprévues de cette mesure législative. Tout le monde admet que ce projet de loi part d'une bonne intention, mais il semble qu'on craigne qu'il aura des conséquences imprévues. Pouvez-vous nous en parler? Précisément, le premier élément qui me vient en tête, ce sont les mesures anti-détournement. Vous pourriez commencer par ce point-là.
:
Je vais essayer de faire un survol rapide, car il y en a probablement un certain nombre. Essentiellement, les modifications proposées dans le projet de loi visent à élargir ce qui est actuellement assez restreint en ce qui a trait à l'acheminement de médicaments dans les pays en développement qui en ont besoin pour des raisons humanitaires ou dans des situations d'urgence. Elles visent à permettre l'expédition de médicaments en quantités illimitées, sans marquage, et à éliminer les exigences à respecter en vertu du RCAM et qui sont destinées à permettre l'identification des médicaments advenant qu'ils soient réexpédiés au Canada, de manière accidentelle ou délibérée.
Ce qui risquerait de se produire, c'est que des médicaments seraient détournés vers d'autres pays pour des raisons commerciales, notamment vers le Mexique, la Hongrie, la Pologne ou Singapour, là où ils ne sont pas nécessaires pour des raisons humanitaires, ou bien les médicaments pourraient peut-être être réexpédiés au Canada, et il serait alors impossible de les distinguer des médicaments canadiens.
Si on rend optionnel l'examen effectué par Santé Canada, il se pourrait que des médicaments qui n'ont pas fait l'objet de cet examen soient expédiés dans d'autres pays, des pays en développement, sans garantie qu'ils répondent aux mêmes critères rigoureux en matière d'innocuité que les médicaments offerts aux Canadiens.
:
Merci, monsieur le président.
La question est très importante. Je trouve intéressant qu'on soit arrivé à la conclusion que le projet de loi ne permettrait pas de régler les problèmes systémiques qui existent sur le plan de la prestation des soins de santé et de la prévention des maladies dans les pays en développement.
Il s'agit d'une affirmation pratiquement absurde. Je ne connais aucun organisme, aucun groupe ni aucune partie intéressée qui ait prétendu que ces problèmes seraient réglés. Personne n'a prétendu que cette mesure législative constitue la seule solution à la souffrance humaine. En même temps, nous avons une loi qui a été adoptée par le Parlement et qui n'a été utilisée qu'une seule fois. Je suppose que le Parlement aime bien élaborer des lois qui ne fonctionnent pas ou qui ne sont pas utilisées. Nous y avons consacré beaucoup de temps et d'argent, alors il faut bien avouer qu'il y a un problème.
Madame Downie, vous avez pratiquement affirmé que si les modifications proposées sont adoptées, on se retrouvera dans une situation où toutes sortes de médicaments génériques seront expédiés partout dans le monde sans que nous puissions en faire un suivi. Mais le fait est que les médicaments génériques doivent avoir un emballage et des marquages différents. Il faut indiquer à quel pays ils sont destinés et quelle est la quantité.
Quels autres mécanismes est-il nécessaire de protéger? Quel est le véritable risque qu'une société agisse ouvertement de manière frauduleuse? Je ne comprends pas, surtout étant donné la situation concernant le Rwanda, où nous avons expédié un médicament. Quelle est la menace? Les médicaments continueront d'être identifiés, car les sociétés seront encore tenues d'indiquer la destination, et on pourra faire un suivi.
:
Je vous remercie d'être ici.
Je vais donner une petite explication avant de poser ma question.
En 1999, j'ai parlé au premier ministre et à notre caucus de la nécessité d'assurer l'accès... étant donné la hausse, en Afrique subsaharienne, de la prolifération du sida et d'autres maladies, comme la malaria. À cette époque, cela paraissait être la meilleure approche que le Canada pouvait prendre étant donné sa très grande contribution à l'aide internationale. J'en suis très fier. C'est l'une des raisons pour lesquelles notre parti, le Parti libéral, tient à tout prix à aider l'Afrique chaque fois qu'il le peut.
Je sais que, malgré les meilleures intentions... J'ai travaillé un certain temps aux Affaires étrangères, et cela fait au-delà d'une dizaine d'années que je siège au comité, alors j'ai pu observer toutes les tentatives du comité et des parlementaires d'améliorer les choses, mais honnêtement, je dois dire qu'elles n'ont pas réussi.
Il me semble qu'aucun d'entre vous ne soit parvenu à faire quoi que ce soit pour régler le problème du régime actuel, c'est-à-dire qu'il n'est pas convivial. Le processus entourant les négociations qui ont eu lieu en vue de permettre, par l'attribution d'un contrat, l'acheminement d'un médicament générique à un pays en particulier est complexe et enlisé dans des détails juridiques et des considérations néanmoins importantes. Je me demande si les représentants des trois ministères, Santé Canada, Industrie Canada et en particulier Affaires étrangères, peuvent expliquer quel objectif a été fixé et pourquoi il n'y a eu aucune tentative, selon vous, d'effectuer une coordination en vue de s'assurer que le processus pourrait être simplifié de telle sorte que, par exemple, le gouvernement canadien pourrait s'attribuer le contrat pour fournir à un pays donné des antirétroviraux pour traiter le sida, entre autres, ce qui correspond en fait à l'intention de la mesure législative?
:
Quoi qu'il en soit, c'était avant le succès qu'a connu au moins un médicament expédié en Afrique.
Toutefois, j'ai l'impression— et je ne crois pas que ce soit seulement une impression, mais l'évidence même — que c'est comme si nous essayions de donner une infrastructure à un pays en disant « ces gens ont besoin de trains », puis que nous leur envoyions un tas de trains alors qu'il n'y a pas de voie ferrée. Nous parlons de toutes ces choses et nous posons la question: « Est-ce efficace? Peut-on changer certaines choses? La situation serait-elle meilleure pour autant? »
Certains parmi vous ont affirmé dans vos déclarations préliminaires qu'il y a d'autres problèmes graves. Avant d'administrer ces médicaments, avant de pouvoir les mettre sur le marché, avant de pouvoir donner aux gens ce dont ils ont besoin, il faut régler certains autres problèmes.
Je crois que nous devons saisir pleinement cet enjeu. Il n'y a personne ici qui n'a pas le coeur déchiré en voyant ce qui se passe en Afrique. L'autre soir, j'ai vu un programme sur le Congo à TV Ontario. C'est une problématique différente, mais nous souhaitons tous pouvoir faire quelque chose, pouvoir être plus efficaces.
J'aimerais toutefois que nous comprenions bien la situation, et je vais vous donner la possibilité de parler simplement des autres choses qui sont nécessaires. Avant que nous puissions administrer ces médicaments, quelles sont les conditions préalables?
Vous pourriez peut-être nous en dire davantage à ce sujet.
:
Grâce au Fonds mondial, par exemple, auquel le Canada vient de s'engager à contribuer davantage, 2,8 millions de personnes atteintes du VIH-sida reçoivent présentement des traitements; 7 millions de personnes ont reçu un traitement contre la tuberculose; 142,4 millions de traitements contre le paludisme ont été prodigués.
Dans le cadre de l'initiative « 3 millions d'ici 2005 » de l'OMS, à laquelle le Canada contribue également, nous avions aidé, à la fin de 2007, 3 millions de personnes à recevoir des traitements contre le VIH. Grâce à l'Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite, une autre initiative à laquelle le Canada contribue, l'incidence annuelle de la maladie a reculé de 99 p. 100. Grâce à l'Alliance GAVI, on estime qu'entre 2000 et 2001, 4,4 millions de décès ont été évités dans des pays en développement, grâce à des programmes d'immunisation.
J'ai un dernier exemple, le Dispositif mondial pour l'approvisionnement en médicaments, qui a permis de traiter plus de 60 millions du tuberculeux dans 100 pays.
Voilà quelques exemples où les types d'intervention qui sont soutenus donnent des résultats.
:
Je vais utiliser les 10 secondes supplémentaires de M. Lake.
Je veux simplement essayer de faire un petit condensé de ce qu'on a dit relativement à l'OMC. Je crois savoir que le régime canadien et tous les autres régimes similaires dans le monde sont calqués sur les ententes de l'OMC, afin de se prémunir contre des plaintes potentielles. C'est pourquoi vous avez des craintes si des modifications sont apportées au régime canadien.
Nous avons appris que 85 p. 100 des médicaments pour le sida fournis à l'Afrique proviennent de l'Inde. M. Masse nous a aussi appris que l'Inde risque d'être l'objet d'un certain nombre de plaintes à l'OMC. Vous nous avez également dit un peu plus tôt que, depuis la mise sur pied du régime, l'environnement mondial avait évolué.
Je me demande donc si, dans le cadre des négociations à l'OMC qui ont cours, comme on le sait, depuis plusieurs années, ces questions liées à l'accès à des médicaments moins chers pour les pays en développement sont abordées dans le contexte dont on a discuté ce matin.