LANG Réunion de comité
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CANADA
Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 27 avril 2010
[Enregistrement électronique]
[Français]
Messieurs, mesdames, bonjour. Bienvenue à la 12e réunion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes. Je remplace le président, à sa demande, pendant quelques minutes.
Ce matin, nous entreprenons l'étude sur la grande et vaste question de l'immigration. Nous croyons qu'il est utile et certainement agréable de commencer en faisant un tour d'horizon sur le plan statistique. Deux experts de Statistique Canada sont parmi nous, soit M. Jean-Pierre Corbeil et M. René Houle.
Messieurs, je vous cède la parole.
Je vous remercie de l'invitation faite à Statistique Canada. Je suis accompagné de M. René Houle, analyste principal à la section des statistiques linguistiques et coauteur de l'étude intitulée « Portrait statistique de la population immigrante de langue française à l'extérieur du Québec (1991 à 2006) ».
Je vais présenter brièvement un certain nombre d'éléments. Cela prendra une dizaine de minutes. Par la suite, nous pourrons répondre à des questions.
En septembre 2006, le comité directeur Citoyenneté et Immigration Canada — Communautés francophones en situation minoritaire a rendu public le Plan stratégique pour favoriser l'immigration au sein des communautés francophones en situation minoritaire. Les principaux objectifs de ce plan sont d'accroître le nombre d'immigrants d'expression française dans les communautés francophones en situation minoritaire et de faciliter leur accueil et leur intégration sociale, culturelle et économique au sein de ces communautés.
En juin 2008, le gouvernement du Canada rendait public le second plan d'action quinquennal sur les langues officielles, intitulé Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013: Agir pour l'avenir. Cette feuille de route s'appuie sur deux piliers: la participation de tous les Canadiens à la dualité linguistique et l'appui aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. L'investissement y est réparti dans cinq secteurs prioritaires, dont celui de l'immigration.
À cet égard, la feuille de route indique que l'allocation de fonds à la recherche et à l'analyse de données permettra de mieux cibler les enjeux de l'immigration de langue française hors Québec afin de répondre aux divers besoins des communautés, des provinces et territoires et des employeurs. C'est à la lumière de ces objectifs que Citoyenneté et Immigration Canada a mandaté Statistique Canada pour la réalisation d'un portrait statistique de la population immigrée d'expression française à l'extérieur du Québec.
Ce portrait, diffusé le 6 avril dernier, présente de l'information sur les caractéristiques démographiques, linguistiques, sociales et économiques de l'immigration de langue française en milieu francophone minoritaire, et ce, à partir des données des recensements canadiens de 1991 à 2006.
Avant d'amorcer cette recherche, Statistique Canada a dû se pencher sur la définition des groupes linguistiques à adopter dans ses documents d'analyse. La question portait donc sur le choix des critères utilisés ici pour définir ce qu'est un immigrant de langue française. Bien qu'il n'existe pas de définition canonique ou universelle de qui est francophone, le portrait statique réalisé par Statistique Canada sur les immigrants de langue française qui résident à l'extérieur du Québec repose surtout sur la notion de première langue officielle parlée, laquelle est maintenant beaucoup utilisée comme critère de définition linguistique dans les travaux sur les minorités de langue officielle.
En effet, les mutations qu'a connues, au fil des ans, la composition de la population canadienne tendent à entraîner une redéfinition ou un élargissement de la notion de groupe ou de communauté francophone, dans la mesure où un nombre significatif de personnes dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais font tout de même une utilisation prédominante ou courante du français dans leur quotidien.
Mentionnons quelques faits saillants. Dans l'ensemble, les communautés francophones en situation minoritaire à l'extérieur du Québec ont peu bénéficié de l'apport démographique de l'immigration internationale, et ce, en raison de la forte propension de ces immigrants à s'intégrer aux communautés majoritaires d'expression anglaise. En outre, l'intérêt porté au phénomène de l'immigration de langue française à l'extérieur du Québec est relativement récent, tout comme l'est celui pour la problématique de son apport au développement de l'épanouissement des minorités de langue officielle.
La population immigrée francophone à l'extérieur du Québec est constituée de deux groupes: ceux qui ont uniquement le français comme première langue officielle parlée et ceux qui ont le français et l'anglais. D'un point de vue statistique, la population immigrée francophone vivant à l'extérieur du Québec est relativement peu importante, tant en nombre absolu que par rapport à l'ensemble des personnes de langue française ou par rapport à l'ensemble de la population immigrée. En effet, le poids relatif des immigrants francophones au sein de l'ensemble de la population de langue française s'est toutefois accru, passant de 6 p. 100 à 10 p. 100 entre 1991 et 2006, alors que son poids au sein de l'ensemble de la population immigrée a connu une variation plus modérée, se situant tout au plus à moins de 2 p. 100 en 2006. À titre de comparaison, mentionnons par ailleurs que la population immigrée anglophone à l'extérieur du Québec comptait un peu moins de cinq millions de personnes en 2006 et représentait 22 p. 100 de l'ensemble de la population anglophone, comparativement à 18 p. 100 en 1991. C'est en Ontario que se concentre la majorité des immigrants francophones à l'extérieur du Québec, soit 70 p. 100 de ceux-ci. Notons à cet égard que les deux tiers des immigrants de langue française vivent dans trois agglomérations urbaines, soit Toronto, Ottawa et Vancouver.
Pour l'ensemble du Canada à l'extérieur du Québec, lors du recensement de 2006, les quelque 76 000 immigrants ayant et le français et l'anglais en tant que premières langues officielles parlées sont légèrement plus nombreux que les immigrants dont le français est l'unique première langue officielle parlée et dont l'effectif est de près de 61 000. J'ai distribué des tableaux de statistiques qu'on pourra consulter un peu plus tard.
Dans certaines villes, notamment à Toronto, Vancouver et Calgary, cette caractéristique est plus marquée. Le nombre d'immigrants qui ont et le français et l'anglais comme premières langues officielles parlées est près du double de celui des immigrants qui n'ont que le français comme première langue officielle parlée. L'étude réalisée par Statistique Canada montre que ces deux groupes d'immigrants ont des caractéristiques démographiques et socioéconomiques qui sont parfois très contrastées.
L'immigration internationale vers le Canada s'est rapidement transformée au cours des dernières décennies. Les immigrants d'origine européenne ont eu tendance à céder leur place aux immigrants en provenance d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. À cet égard, les immigrants dont le français est la première langue officielle parlée se distinguent des autres immigrants par la proportion importante qui provient du continent africain. Ainsi, en 2006, les Africains représentaient 30 p. 100 de l'ensemble des immigrants de langue française comparativement à 20 p.100 en 1991. Cet accroissement s'est fait au détriment des immigrants en provenance de l'Europe, dont la proportion est passée d'un peu plus de 50 p. 100 à 40 p. 100 au cours de cette période.
À l'extérieur du Québec, la migration interprovinciale est très différenciée selon que l'on est un francophone ou un non-francophone. Alors que les francophones tendent à s'établir au Québec lorsqu'ils migrent à l'intérieur du Canada, les non-francophones choisissent plutôt une des neuf autres provinces, surtout l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta. Au Québec, on observe les tendances exactement inverses. Les francophones du Québec, qu'ils soient natifs ou immigrants, migrent relativement peu vers les autres provinces alors que les non-francophones quittent la province dans une proportion beaucoup plus élevée.
En outre, mentionnons que l'analyse des formes d'occupation de quatre zones urbaines, c'est-à-dire Ottawa, Toronto, Winnipeg et Vancouver, telle que nous l'avons effectuée dans l'étude, révèle que les natifs francophones tendent à s'établir davantage dans les banlieues éloignées que les immigrants, ce qui pourrait traduire un peuplement plus ancien de la part des natifs francophones. En d'autres mots, les immigrants ne s'établissent pas exactement au même endroit que les natifs francophones.
L'examen des comportements langagiers à la maison et au travail chez les immigrants francophones établis à l'extérieur du Québec montre l'existence d'une concurrence entre le français et l'anglais parlés à la maison et utilisés en milieu de travail. Chez les immigrants qui ont le français comme première langue officielle parlée, environ la moitié déclare parler le français le plus souvent à la maison alors que 32 p.100 d'entre eux déclarent parler l'anglais et 10 p.100 une langue non officielle. Cette utilisation du français à la maison atteint cependant près de 73 p. 100 lorsqu'on inclut les personnes qui déclarent parler le français régulièrement, bien qu'elle ne soit pas la principale langue d'usage.
Quant aux immigrants qui ont et le français et l'anglais en tant que premières langues officielles parlées, l'utilisation du français à la maison est très peu répandue, soit chez 13 p. 100 d'entre eux, et ce, même en tenant compte du nombre de locuteurs qui déclarent le parler à la maison sur une base régulière plutôt que le plus souvent.
La transmission du français est d'abord le fait des couples où les deux partenaires sont uniquement ceux qui ont le français comme première langue officielle parlée. La majorité des enfants d'âge mineur ont, par le fait même, le français comme langue maternelle, le parlent le plus souvent à la maison et l'ont comme première langue officielle parlée. La situation est complètement différente chez les autres types de couples où c'est la transmission de l'anglais ou d'une langue non officielle qui domine. Notons cependant que chez les couples formés d'immigrants qui ont les deux langues officielles en tant que premières langues officielles parlées, les enfants ont au moins le français en tant que première langue officielle parlée dans une proportion de près de 40 p. 100.
En guise de conclusion, le rapport de recherche produit par Statistique Canada a distingué les immigrants dont le français est la seule première langue officielle parlée de ceux pour lesquels on ne peut attribuer parmi le français ou l'anglais cette première langue officielle. Il effectue une redistribution de la catégorie français-anglais, comme le fait le Secrétariat du Conseil du Trésor dans l'application du Règlement sur les langues officielles — Communications avec le public et prestation des services.
Quelles que soient les variantes utilisées dans l'une ou l'autre des différentes parties de cette étude, et à la suite de l'examen comparé de ces deux sous-populations d'immigrants, force nous est de constater que ceux qui ont et le français et l'anglais comme premières langues officielles parlées présentent des caractéristiques et des comportements aussi différents de ceux des immigrants dont le français est l'unique première langue officielle que ceux du reste des autres immigrants, c'est-à-dire les immigrants non francophones.
Autrement dit, les immigrants qui ont et le français et l'anglais comme premières langues officielles parlées partagent beaucoup plus de comportements et de caractéristiques avec les immigrants non francophones qu'avec les immigrants dont le français est la première langue officielle parlée.
Ces résultats donnent à penser que l'inclusion au sein de la population immigrée francophone des immigrants qui ont une double première langue officielle parlée constitue un enjeu problématique et pose des défis fort différents de ceux liés à l'insertion des immigrants qui ont le français comme seule première langue officielle parlée.
Merci de votre attention.
Merci, monsieur le président.
Ne vous inquiétez pas, je ne parlerai pas de traduction ce matin, mais bien d'immigration, et ça me fait plaisir.
Vous avez mentionné plusieurs éléments. Chez nous, dans ma circonscription, nous avons ce qu'on appelle le Carrefour d'immigration rurale. Il a été financé, en 2005, pour pouvoir établir des bases permettant aux francophones vivant ailleurs qu'au Canada de s'établir dans les régions rurales.
Plus tôt, vous avez mentionné un élément qui donne matière à réflexion. On trouve bien des communautés francophones partout au pays, et pas nécessairement juste dans des régions urbaines. Bon nombre d'entre elles se trouvent dans des régions rurales.
Je me pose une question, et peut-être pourrez-vous éclaircir la situation. Serait-ce à cause d'une mauvaise connaissance des régions rurales? Les régions rurales ne feraient-elles pas assez de promotion auprès des immigrants francophones? Cela expliquerait que, à leur arrivée au Canada, ils se dirigent naturellement vers de plus grands centres qui jouissent d'une plus grande visibilité. N'allez pas penser que c'est seulement parce qu'il y a plus de centres commerciaux. Cela s'explique peut-être par une plus grande visibilité ou autre chose.
Cela découle-t-il d'un manque d'information ou d'un manque de visibilité? Avez-vous certaines données à ce sujet?
Votre question est évidemment très pertinente. On sait que la question de la régionalisation de l'immigration constitue un débat depuis plusieurs décennies. Le Québec, en particulier, a tenté à plusieurs reprises, depuis les 30 dernières années, de régionaliser l'immigration, avec des résultats variables et mitigés.
On cherche toujours à comprendre les raisons qui incitent les immigrants à s'établir dans les régions urbaines plutôt que rurales. En général, les immigrants voient dans les milieux urbains une probabilité plus élevée de pouvoir dénicher un emploi. Parfois, c'est aussi la question de la réunification avec des membres de leur propre communauté qui incite les immigrants à aller s'établir en région urbaine. On l'observe particulièrement dans la région d'Ottawa: on remarque très bien que les francophones se situent surtout dans l'est de la ville, alors que les immigrants sont beaucoup plus cantonnés dans le centre-ville et à Vanier, dans les quartiers très près du centre-ville.
Il est aussi beaucoup question des réseaux déjà en place qui peuvent faciliter l'insertion de ces immigrants. Pour vous donner un exemple rapide, des études ont démontré que les membres francophones du clergé à Ottawa jouent un rôle central dans l'intégration des immigrants de langue française qui font partie de leur paroisse, et ce, grâce au soutien et aux services qu'ils leur offrent.
Les milieux ruraux sont beaucoup plus homogènes. La compréhension des enjeux de l'immigration n'est pas la même et n'est certainement pas aussi aiguisée que ce qu'on retrouve en milieu urbain.
On peut réussir à convaincre les immigrants francophones de venir dans une communauté rurale, mais l'autre défi est de les conserver dans la communauté rurale. Lorsque ces gens venus s'établir dans des communautés rurales se dirigent ailleurs, est-ce vers des communautés francophones urbaines ou vers des communautés anglophones, pour diverses raisons? Le savez-vous?
Je vous répondrai de façon un peu simpliste, même si votre question ne l'est pas du tout. Nous tâchons de déterminer si une communauté est francophone ou non, et où celle-ci se situe. Souvent, les gens décident d'immigrer pour des raisons liées à l'emploi, sans lien nécessairement avec l'intégration à une communauté francophone. Les motifs qui les poussent sont d'abord économiques. Par la suite, s'il y a visiblement une offre de services en français, ils auront plus naturellement tendance à s'y diriger. On a observé ça à Toronto.
Bonjour messieurs.
Personnellement, je m'intéresse d'abord et avant tout à l'arrêt, voire au recul de l'assimilation et à la perte du fait français dans l'ensemble du territoire canadien où l'assimilation est plus grande, exception faite du Québec. On sait que plus on est proche du Québec, sur le plan géographique, moins grande est l'assimilation, et plus on s'en éloigne, plus grande est l'assimilation. Par conséquent, on comprend que, pour les Franco-Ontariens près de la frontière du Québec et pour les Acadiens et les Néo-Brunswickois francophones près du Québec, l'assimilation est moins grande. Il y en a, mais elle est moins importante.
Ma question est peut-être hypothétique. Je ne sais pas ce qui a été étudié sur le plan statistique, mais l'établissement d'immigrants francophones dans des milieux minoritaires francophones canadiens à l'extérieur du Québec a-t-il une incidence sur l'augmentation de l'assimilation? Cela aide-t-il à combattre l'assimilation et la perte du fait français? Y a-t-il des choses que vous pouvez nous dire à ce sujet?
Bien sûr, tout dépend du plan géographique qu'on utilise. Sur le plan provincial, les résultats peuvent être différents de ceux qu'on aura si on utilise une échelle plus régionale. Par exemple, à Saint-Boniface, au Manitoba, des efforts importants ont été faits pour accueillir et intégrer des immigrants de langue française. Sur le plan local, ils ont connu des succès assez importants.
Par contre, les résultats de l'enquête ont montré que les immigrants qui vont s'établir en milieu francophone minoritaire sont défavorisés face au marché du travail s'ils ne connaissent pas l'anglais, car cela arrive. Par conséquent, il y a malgré tout le besoin assez important de connaître les deux langues officielles pour pouvoir bien s'intégrer, économiquement parlant.
Je ne dirais pas que l'immigration hausse ou baisse le taux d'assimilation. Il est clair qu'on ne peut pas demander aux immigrants de faire ce que les francophones n'arrivent pas à réaliser eux-mêmes. Cela étant dit, on doit faire attention à la façon dont on définit la question de l'assimilation, parce qu'on se rend compte qu'une proportion importante de francophones parlent l'anglais à la maison. Par contre, le français est utilisé de façon régulière à la maison, ce qui peut d'une certaine façon permettre l'utilisation du français dans la communauté.
La question de l'assimilation n'est pas nécessairement claire. Ça ne se passe pas seulement dans le milieu familial, ça se joue aussi dans la communauté. S'il y a des centres communautaires ou des centres de services dans la langue, on pourra valoriser l'importance et l'utilisation du français.
J'ai visité le Pavillon Gustave-Dubois de l'École canadienne-française de Saskatoon en janvier dernier. Il faut dire que j'ai enseigné là-bas, à un moment donné. Il y a une dizaine ou une douzaine d'années que je suis parti. Or j'ai remarqué qu'il y avait au sein de la population scolaire des gens qui étaient francophones même s'ils n'étaient pas nés au Canada. Cet exemple est très pointu. Je ne parle pas de l'ensemble de la Saskatchewan, mais d'un endroit que je connais bien et où je suis allé.
Par contre, dans le Pontiac québécois, qui est l'une des 125 circonscriptions de l'Assemblée nationale, le français est en perte de vitesse. On constate même que l'assimilation fait son œuvre. Ce débat est plus proche de moi, sur les plans politique et géographique. Vous avez parlé plus tôt de l'apprentissage du français dans le cas de gens qui l'utilisaient avant mais l'ont oublié, ainsi que de néo-Canadiens qui veulent l'apprendre. Par contre, il ne faut pas oublier que les choses se passent souvent en anglais quand on s'intègre à un milieu de travail, par exemple à bien des endroits dans la fonction publique fédérale ou dans l'entreprise privée, lorsqu'on sort de Gatineau et qu'on va à Ottawa. Je ne dis pas que c'est partout pareil à Ottawa, mais c'est la situation actuelle à plusieurs endroits.
Y a-t-il moyen de coordonner des efforts pour permettre à ces nouveaux arrivants de conserver ou d'apprendre le français et de fonctionner, bien que le marché du travail soit surtout anglophone?
Monsieur Corbeil, je vais vous demander de garder la question en tête. Nous pourrons y revenir plus tard.
Merci, monsieur le président.
Bienvenue, messieurs Corbeil et Houle.
Pour les immigrants, au Nouveau-Brunswick, on indique 11,7. S'agit-il d'un nombre ou d'un pourcentage? Est-ce qu'on parle de 11,7 p. 100 par année?
Il s'agit du recensement de 2006. On ne fait pas la vérification chaque année, mais en 2006, on a calculé la proportion d'immigrants pour qui le français était la première langue officielle parlée, et on a déterminé qu'il s'agissait de 12 p. 100 d'entre eux. Grosso modo, on parle d'environ 3 000 personnes. Si on ajoute les 600 personnes qui utilisent les deux langues officielles, ça totalise 3 600 immigrants. Bref, au Nouveau-Brunswick, le français est la première langue officielle parlée pour environ 3 600 immigrants.
Vous dites que 70 p. 100 des immigrants francophones vivant à l'extérieur du Québec s'installent en Ontario.
Les deux tiers des immigrants francophones vivent dans l'une des trois villes suivantes: Toronto, Ottawa et Vancouver.
Avez-vous déjà vérifié pourquoi ils s'établissaient dans ces villes?
Le fait que Toronto soit l'une de ces villes n'est pas très étonnant, étant donné qu'elle accueille déjà la plus grande partie des immigrants en général. Les immigrants qui parlent le français et l'anglais tentent, comme tous les autres immigrants, de s'établir à Toronto. Pour ce qui est d'Ottawa, le fait que ce soit la capitale fédérale et qu'elle soit proche du Québec fait que les immigrants de langue française ont fortement tendance à s'y établir.
Je sais que des efforts sont déployés par l'Agence de promotion économique du Canada atlantique pour hausser le nombre d'immigrants de langue française au Nouveau-Brunswick. Bien sûr, l'arrivée des immigrants est un phénomène relativement récent, au Nouveau-Brunswick. C'est en évolution. Il est clair que la plupart des immigrants s'établissent à Vancouver, Toronto et Ottawa parce que ces trois villes accueillent déjà la plupart des immigrants, peu importe leur langue.
Vérifiez-vous ce qui se passe dans les ambassades, savez-vous quel type de promotion est faite pour les régions autres que Toronto, Vancouver et Montréal?
Les gens de Citoyenneté et Immigration Canada seraient mieux placés que moi pour répondre à cette question.
C'est bien.
C'est vrai, le Nouveau-Brunswick fait des efforts, présentement. La province est moins bien positionnée que le Québec, par exemple, que je félicite. Il ne faut pas oublier que le Québec a déjà des postes d'immigration dans les autres pays de la Francophonie, ce qui lui donne la chance d'attirer des gens au Québec. Le Québec ne fera pas de promotion pour le Nouveau-Brunswick, je ne l'en blâme pas. C'est à Citoyenneté et Immigration Canada de le faire.
Par contre, il est surprenant de constater que 70 p. 100 des gens vont ailleurs. Expliquent-ils pourquoi? Est-ce parce qu'on a plus de chance d'avoir de l'emploi à Toronto?
En ce qui a trait à Toronto, je dois souligner qu'à l'extérieur du Canada, quand on pense à une ville au Canada, on ne pense pas nécessairement à Moncton. C'est malheureux, car j'aime beaucoup Moncton.
Je suis d'accord avec vous. Quand Industrie Canada fait de la publicité afin d'attirer des immigrants au Canada et que quelqu'un dit de ne pas aller à Val-Comeau, au Nouveau-Brunswick, et que ce serait bien mieux à Toronto si on a une entreprise, ça n'encourage pas vraiment les immigrants à venir chez nous.
... à l'extérieur du Québec. L'Ontario en compte à peu près 500 000. Étant donné qu'il y a quand même beaucoup de francophones au Nouveau-Brunswick et qu'ils sont essentiellement concentrés dans le nord, cela devient parfois un enjeu moins crucial. En tous cas, c'est moins le cas qu'en Ontario, par exemple, où la proportion des francophones est inférieure à 5 p. 100.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux d'être venus ce matin, et merci pour votre déclaration.
Il ne fait aucun doute que ce rapport nous fournit une mine de statistiques et d'informations pour nous permettre d'examiner et de comprendre les nombreuses régions où s'établissent les immigrants.
Ma question est la suivante. L'auteur du portrait statistique a choisi la PLOP comme critère de définition. Pourquoi avoir choisi ce critère, et quels sont les avantages et les désavantages de procéder ainsi?
Merci pour vos questions.
Par le passé, nous utilisions le critère de la langue maternelle. L'une des raisons, c'est qu'avant 1971, la question sur la langue maternelle était la seule question qu'on posait dans le recensement, en plus de la question sur la connaissance des langues officielles. En réponse à la recommandation de la commission Laurendeau-Dunton dans les années 1960, Statistique Canada a ajouté, dans le recensement, une question sur la langue parlée le plus souvent à la maison.
Nous utilisions le critère de la langue maternelle parce que c'était facile de faire des comparaisons diachroniques, du moins à partir des années 1950. Toutefois, à partir du milieu des années 1980, à cause des niveaux d'immigration sans cesse croissants, de plus en plus d'immigrants avaient tendance à adopter l'anglais ou le français comme langue principale. De l'avis général, le fait de se limiter à la variable de la langue maternelle — c'est-à-dire, l'anglais, le français ou la catégorie « autre » ou « allophones », utilisée au Québec dans les années 1970 — était quelque peu restrictif. On voulait tenir compte de ceux dont la langue maternelle n'était pas le français mais qui utilisaient le français tous les jours au travail ou dans la vie quotidienne. Voilà pourquoi le Conseil du Trésor a demandé à Statistique Canada d'élaborer une variable appelée « première langue officielle parlée » à la fin des années 1980 — plus précisément, en 1989. Nous avons mis au point deux méthodes, dont l'une a été adoptée par le Conseil du Trésor.
En gros, dans certaines régions, cela fait toute une différence. Si on examine le Canada hors Québec, de façon générale, il n'y a pas beaucoup de différence, que l'on utilise la variable de la langue maternelle ou la variable de la première langue officielle parlée; en effet, 4,1 p. 100 des gens ont le français comme langue maternelle et 4,2 p. 100 ont le français comme première langue officielle parlée. Par contre, au Québec, il y a une grosse différence: 8 p. 100 de la population a l'anglais comme langue maternelle, comparativement à 13 p. 100 pour qui l'anglais est la première langue officielle parlée. Ces résultats montrent l'attrait que peut exercer l'anglais, ou l'attrait qu'il exerçait autrefois, sur les immigrants au Québec.
Quand on examine des villes en particulier — prenons, par exemple, Toronto —, si on tient compte de la variable de la « première langue officielle parlée », plus de 40 p. 100 de la population francophone a le français comme langue première officielle parlée. Si on utilise la variable de la langue maternelle, le taux sera beaucoup plus faible, à environ 10 p. 100 ou même moins. Pour vous donner un autre exemple, à Ottawa, ce taux est d'environ 15 p. 100.
Somme toute, la variable de la « première langue officielle parlée » est beaucoup plus inclusive, si vous voulez. Elle tient compte de l'adoption de l'une ou l'autre des langues officielles par les récentes vagues d'immigrants au Canada.
Le profil statistique nous informe que le groupe immigrant francophone a deux composantes: les immigrants de PLOP français et les immigrants de PLOP français-anglais. Pourquoi fait-on cette distinction, et le comité doit-il toujours tenir compte de cette distinction dans son étude sur l'immigration?
Votre question est très pertinente. D'habitude, le Conseil du Trésor divise les immigrants francophones en deux groupes, et cette approche a été adoptée au début des années 1990 parce qu'on ne pouvait pas vraiment attribuer le français ou l'anglais à un nombre assez important d'immigrants à l'extérieur du Québec. Autrement dit, le Conseil du Trésor a décidé de classer la moitié de ces immigrants dans la population francophone et l'autre moitié dans la population anglophone. Évidemment, selon l'approche adoptée, si on inclut toutes ces personnes, on obtient une population de près de 130 000 personnes; si on les divise, on obtient une population de 100 000 personnes.
Pour élaborer des stratégies visant à intégrer les immigrants dans la population francophone à l'extérieur du Québec, on s'est rendu compte que cette distinction était importante parce que ces deux groupes — les immigrants de PLOP français et les immigrants de PLOP français-anglais — ne viennent pas des mêmes pays et n'ont pas les mêmes comportements et caractéristiques linguistiques. Comme le gouvernement fédéral tient à accroître le nombre d'immigrants francophones à l'extérieur du Québec, dans l'espoir qu'ils contribueront à la vitalité des minorités de langue officielle, il est important de faire cette distinction parce que ces immigrants ne présentent pas les mêmes comportements et caractéristiques.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs.
J'aimerais parler de migration interprovinciale. Je sais pertinemment que beaucoup d'immigrants, après leur arrivée dans une province, décident que cela ne répond pas à leurs attentes sur le plan de la qualité de vie. En fait, ils viennent surtout pour des raisons économiques et de qualité de vie. Par conséquent, l'employabilité est d'une grande importance pour eux.
Avez-vous fait des études sur ce type de migration et sur ce qui en est la cause? Cela crée-t-il un déséquilibre? Que pourrions-nous faire pour nous assurer qu'il n'y aura pas cette migration qui défavorise la dualité linguistique?
Dans l'ensemble, la migration interprovinciale est un phénomène relativement limité, si on considère la population francophone en général. Bien sûr, comme on l'a vu d'un recensement à l'autre ou d'une période intercensitaire à l'autre, il peut y avoir des mouvements importants de population, qu'on soit francophone ou qu'on soit non francophone.
Par exemple, entre 1996 et 2001, le nombre de francophones ayant quitté le Québec était plus élevé que le nombre de francophones s'étant établis au Québec, et cette différence était de presque 10 000 personnes. Ils se sont dirigés principalement vers Ottawa et Toronto. Un certain nombre d'entre eux est allé s'établir à Calgary et Vancouver. À la suite de ces mouvements migratoires, en une période de cinq ans, la population francophone à l'extérieur du Québec s'est accrue de près de 10 000 personnes. Cinq ans plus tard, on a constaté un retour important de francophones originaires du Québec. Ils sont revenus au Québec et l'effectif de la population francophone a baissé de 5 000 à l'extérieur du Québec.
Il est clair que les immigrants qui ont tendance à quitter le Québec sont, en général, des immigrants dont l'utilisation du français est déjà moins importante que celle des autres. Ce n'est peut-être pas leur langue maternelle ou leur première lange officielle parlée, ils n'ont pas tendance à l'avoir au préalable. Parfois, cette barrière peut freiner le déplacement.
On ne constate pas de mouvement considérable des immigrants francophones, il n'y a pas de mouvement considérable, par exemple, de l'Ontario et la Colombie-Britannique vers le Québec. Il peut y avoir certains déplacements entre les provinces limitrophes, mais ce n'est pas un phénomène très important. Bien sûr, la question économique est primordiale. On a entendu toutes sortes d'histoires. Par exemple, pour empêcher la fermeture d'une école, on voulait absolument attirer des immigrants. Les couples d'immigrants sont arrivés, tout le monde était content, l'école est restée ouverte, mais les parents n'ont pas trouvé d'emploi parce que leur spécialisation était en informatique et qu'il n'y avait pas de poste dans ce domaine.
C'est une considération importante et elle va beaucoup influencer les déplacements, beaucoup plus que l'intention d'adhérer à une communauté linguistique donnée.
Parlons d'employabilité et de l'importance pour les parents de travailler. On sait que la population immigrante est plus scolarisée. Avez-vous comparé le salaire moyen de ces personnes qui vont s'établir dans des communautés minoritaires à celui des immigrants qui s'installent dans les grands centres?
En étudiant les recensements de 1991 à 2006, celui de 2006 en particulier, on a constaté que les immigrants de langue française sont plus scolarisés que les autres immigrants, en ce qui a trait au nombre de diplômes universitaires. De plus, le principal domaine d'étude ou de formation aura une très forte incidence sur la capacité ou non de trouver un emploi.
Par exemple, les Africains représentent à peu près 30 p. 100 de la population immigrante à l'extérieur du Québec. Malheureusement, on observe que les Africains sont particulièrement désavantagés sur le plan du taux de chômage. En fait, ils sont plus désavantagés que les immigrants moins scolarisés ayant peut-être aussi une formation plus spécifique dans des domaines plus en demande, par exemple.
Cela étant dit, le taux de chômage est un peu plus élevé chez les immigrants francophones, malgré le fait qu'ils soient plus scolarisés.
Bonjour, messieurs.
Les questions liées aux statistiques sur l'immigration sont très complexes. Je vois que vous avez pondu un document, mais je pense qu'il va falloir développer l'idée beaucoup plus.
Il y a, notamment, un problème d'immigration très sérieux en Colombie-Britannique. On ne parle pas d'immigration francophone ou anglophone, mais d'immigration chinoise. On essaie d'organiser tout ça, et ce n'est pas nécessairement facile. Au Québec, bien sûr, les gens vont dans les grands centres, comme Montréal.
Cependant, il existe un programme au Québec qui vise à aider les immigrants à s'établir en région. Chez moi, il s'appelle le Coffret. On leur offre tous les services pour pouvoir bien s'intégrer. Autrement dit, ils s'intègrent deux fois plus rapidement que les immigrants qui s'installeraient dans une grande ville.
Je ne laisse pas la parole à mon collègue, car il a déjà beaucoup parlé, mais je vais vous laisser répondre à sa question.
Il est clair que l'apprentissage du français et de l'anglais sont primordiaux pour l'intégration des immigrants dans les régions à l'extérieur du Québec. Bien sûr, l'anglais l'est pour des raisons évidentes.
En fait, on cherche toujours à savoir si ça touche les services de santé. On pense toujours à la question de l'offre active, on pense souvent à la sensibilisation de sorte que les immigrants qui viennent s'installer soient bien renseignés sur les moyens dont ils peuvent disposer pour intégrer le marché du travail et les communautés.
Je sais qu'un travail assez important se fait en Colombie-Britannique à cet égard. Malheureusement — je ne sais pas si on peut dire que c'est malheureux —, ce sont souvent des centres bilingues. Pour que les immigrants francophones puissent s'intégrer ou avoir droit à certaines ressources, ils consultent des centres anglophones ou bilingues. Cela dénote tout simplement l'importance de l'utilisation et de la connaissance des deux langues officielles.
En ce qui a trait à la régionalisation, on sait qu'à Vancouver la répartition des francophones est particulière. On ne peut non plus inciter les immigrants à se déplacer là où il n'y a pas de francophones. À Vancouver, c'est beaucoup plus urbain, quoique ce soit assez réparti.
Dans le cas de l'Ontario, les francophones résident essentiellement dans l'est ou dans les milieux ruraux, alors que les immigrants sont en milieu urbain. Inciter les immigrants à se déplacer loin des centres où il y a plus de possibilités de trouver de l'emploi est une question d'un autre ordre.
À mon avis, on peut aider les immigrants sur le plan de la communication d'informations. Si un immigrant sait qu'il pourra avoir des services, envoyer son enfant dans une école française et avoir un emploi s'il se déplace dans une région en particulier, l'incitation à se déplacer est plus grande que si cette information n'est pas partagée ou est inexistante.
Je ne sais pas si ça répond à votre question.
Me permettez-vous de poursuivre?
Je me suis aperçu d'une chose. Dans certains centres francophones — peu importe lesquels —, on a permis, même si ça faisait scandale, qu'on donne des cours en anglais aux immigrants afin de tenir compte des nécessités économiques. C'est compréhensible. Toutefois, en même temps qu'on veut combattre l'assimilation et aider la communauté, on donne des cours en anglais aux immigrants pour qu'ils s'intègrent davantage. Vous voyez les difficultés.
Pour moi, il est préférable que les immigrants se trouvent dans des milieux fortement francophones si on veut qu'ils s'intègrent à la francophonie, que ce soit au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Acadie ou dans le nord, ou encore en Ontario, dans les villes et villages, en vue d'une intégration économique, également.
Les francophones eux-même reconnaissent cette réalité et disent vouloir garder les immigrants en leur apprenant l'anglais. Le lien premier avec la communauté francophone ne se développera pas en français sur le plan économique. Quant à l'intégration, on se trouve dans un paradoxe qui encourage davantage l'assimilation. Telle est la situation.
Je vous répondrai très rapidement de la façon suivante. Quand on a mené l'enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle en 2006, près de 50 p. 100 des francophones à l'extérieur du Québec ont déclaré, en se fondant sur leur vécu, qu'ils s'identifiaient tant au groupe francophone qu'au groupe anglophone. Il y a eu l'émergence d'une espèce d'identité bilingue au Canada à l'extérieur du Québec, et je vous dirais que c'est tout un débat.
La question est la suivante. Les francophones ont cette double identité, par exemple ils utilisent l'anglais au travail, mais contribuent quand même au développement de la communauté francophone, dans des centres communautaires et à la maison, et ils envoient leurs enfants à l'école française. Peuvent-ils composer avec cette dualité ou cette identité bilingue? Est-ce nécessairement nocif? La question est ouverte. Il y a tout un débat à cet égard.
Merci, monsieur le président.
Bienvenue à notre comité. Je vais profiter de la question que M. Nadeau avait posée au cours du premier tour.
Monsieur Corbeil, vous avez dit que Saint-Boniface a eu plusieurs succès. J'aimerais bien savoir de quoi vous parlez.
On remarque que l'immigration à l'extérieur du Québec représente 2 p.100 de l'immigration francophone. Il faut voir ce qu'il en est sur le terrain, de façon plus locale. Par exemple, on a appris récemment qu'une population de 400 immigrants rwandais était allée s'établir à Winnipeg. Ces immigrants connaissent le français et veulent obtenir des services en français. Toutefois, ce n'est pas seulement le cas des Rwandais. D'autres immigrants qui proviennent d'autres régions de l'Afrique veulent aussi contribuer, s'intégrer dans la communauté et utiliser les services. Bien sûr, en examinant la distribution sur le territoire, on s'aperçoit que les immigrants, bien qu'ils ne s'établissent pas exactement aux mêmes endroits que les francophones nés au Canada, en sont quand même très près et ont tendance à utiliser aussi des services et à envoyer leurs enfants dans des écoles françaises ou, à tout le moins, des écoles offrant des programmes d'immersion. Il y a donc une volonté localement.
Dans différents colloques, on nous a parlé justement des expériences sur le terrain où on essayait d'intégrer ces immigrants. On a entendu parler d'un dynamisme assez important dans la communauté francophone de Winnipeg et de Saint-Boniface.
Je n'ai pas cette information, mais je sais que, parmi les éléments importants, il y a la question de l'intégration dans des démarches de recherche d'emploi. Il y a l'intégration dans les centres communautaires, par exemple, dans des activités qui sont organisées par des francophones et auxquelles contribuent ces immigrants. Donc, ce sont des activités qui favorisent l'intégration puisque les enfants peuvent fréquenter des écoles françaises. On essaie de les intégrer dans la communauté francophone plus large.
Quand on regarde les statistiques au Manitoba, on s'aperçoit qu'on parle d'à peu près 2 600 immigrants de langue française. Vous me direz que c'est peu, mais les francophones de Winnipeg considèrent qu'ils sont en train de développer cette approche. Je sais aussi que des démarches ont été effectuées pour communiquer de l'information dans les bureaux à l'étranger pour inciter des immigrants à aller s'établir dans la communauté francophone au Manitoba.
Merci bien.
J'étais au courant puisque je suis députée de Saint-Boniface, mais je voulais qu'on partage cela avec le comité. Je peux vous dire que, en plus des stratégies que vous avez déjà mentionnées, on en a d'autres. Par exemple, à Saint-Boniface, les francophones ne sont pas seulement ceux dont le français est la première langue, mais aussi ceux qui, comme moi, sont nés anglophones et aiment parler en français — des francophiles. Ensemble, nous aidons à améliorer la situation des francophones. Embrasser la cause des francophiles, à Saint-Boniface, ça marche très bien. Cela nous permet d'avoir des succès. Récemment, parce qu'on croit sérieusement au fait de vivre en français, j'ai approché notre journal francophone pour qu'il soit aussi distribué dans les écoles d'immersion. Ce sont des petites choses qu'on fait.
Vous avez parlé des services, et c'est ce qui m'intéresse. D'habitude, je ne suis pas considérée comme une francophone, selon votre recensement. Il y a un effet sur les services offerts, parce qu'on détermine ces services par rapport à votre recensement. Or il y a lieu de changer la définition. Ainsi, on verrait clairement qu'au Canada, il y a beaucoup plus de personnes qui aimeraient bien avoir des services en français que ce que démontre votre formule ou votre formulaire.
Y a-t-il d'autres suggestions afin d'améliorer les formulaires pour que ceux-ci reflètent davantage les attentes, de sorte que les services soient plus largement offerts à la population qui, comme moi, n'est pas vraiment considérée comme un ayant droit? A-t-on considéré avoir un autre formulaire ou une autre définition?
Rapidement, je vous dirai que vous soulevez une question assez brûlante d'actualité et extrêmement complexe. Si on avait la journée, on pourrait peut-être se pencher là-dessus. Je vous donnerai juste un exemple. Dans l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle menée en 2006, on a recensé 31 000 enfants, à l'extérieur du Québec, qui sont considérés comme des anglophones puisque l'anglais est leur langue maternelle et qu'ils utilisent cette langue le plus souvent à la maison, bien que ces enfants utilisent le français régulièrement à la maison, avec le parent qui est de langue française, et qu'ils fréquentent une école d'immersion ou une école de langue française.
Parlons de la question de la définition. On avait déjà essayé quelque chose à la demande du Secrétariat du Conseil du Trésor et par suite de la diffusion du recensement de 2001, puisqu'on avait ajouté une question sur les autres langues utilisées à la maison. En ce qui concerne ceux qui possèdent les deux langues, c'est selon l'approche qu'on utilise, bien sûr. Si on les divise en deux groupes, on constate que bien souvent l'anglais est l'autre langue qu'ils parlent régulièrement à la maison, mis à part leur langue non officielle ou leur tierce langue.
Il y a donc toutes sortes d'enjeux liés à la définition. Je pense qu'il y a déjà des gens qui se penchent sur cette question en ce moment. C'est un enjeu assez complexe et qui mérite certainement qu'on s'y attarde.
Vous êtes pardonné.
Des voix: Ah, ah!
M. Yvon Godin: Je ne sais pas si vous avez touché à ceci. Par exemple, en Colombie-Britannique, combien de personnes de la communauté chinoise, qui apprennent les deux langues, ont appris le français? Quels sont les résultats?
C'est une très bonne question. Je n'ai pas le nombre en tête. On pourrait facilement vous fournir cette information. Il y a en effet un intérêt. C'est un phénomène qu'on a observé. Parfois, quand on regarde les statistiques, on a l'impression bien sûr que les personnes dont l'anglais est la langue maternelle ont davantage tendance à fréquenter des programmes d'immersion française dans des écoles anglaises. Cependant, dans le cas d'une proportion non négligeable d'immigrants de Vancouver, les parents choisissent d'envoyer leurs enfants dans une école d'immersion parce qu'ils se disent que, d'une part, il y a deux langues officielles au Canada et que, d'autre part, cela peut être un atout important pour leurs enfants.
Ils n'étaient pas à bord des deux bateaux qui sont partis de l'Angleterre et de la France et qui se sont battus jusqu'au Canada.
Des voix: Ah, ah!
C'est cela.
Je n'ai pas le nombre exact, mais en effet, il y a un nombre assez important de parents d'origine chinoise qui choisissent d'envoyer leurs enfants dans des écoles d'immersion, parce qu'ils se disent que cela peut constituer un avantage, à tout le moins économique, pour leurs enfants.
On a ces données dans les fichiers administratifs de la Division du tourisme et du Centre de la statistique de l'éducation à Statistique Canada. On sait combien de personnes fréquentent ces écoles en fonction de la région. Par contre, on n'a pas ces données en fonction de la langue maternelle des parents. Cet aspect relève plus souvent de l'anecdote.
Qui décide, à Statistique Canada, de ce qui sera inscrit sur le formulaire? Si vous n'avez pas déjà ces données, je pense qu'il serait important que vous les ayez.
La volonté des gens de la communauté chinoise à Vancouver est grande. J'y étais, avec le Comité interparlementaire Canada-France. On a trouvé incroyable le nombre de personnes qui apprennent le français et le nombre de personnes qui sont inscrites sur une liste d'attente pour être admises dans des écoles d'immersion française.
Il serait peut-être bien de s'interroger sur le nombre d'immigrants qui sont prêts à apprendre le français.
Bien sûr qu'il y a des enquêtes à Statistique Canada. Il y a des tonnes d'enquêtes et il y a le recensement.
Toutefois, pour répondre à votre question, je vous dirais qu'une des difficultés réside dans le fait qu'habituellement, ces statistiques sont recueillies au moyen de fichiers administratifs provinciaux. Ainsi, le grand défi est non seulement d'arriver à donner une certaine homogénéité aux formulaires de chacune des provinces, mais aussi d'intégrer des nouvelles questions dans ces formulaires. C'est ici que des discussions avec les représentants provinciaux peuvent devenir nécessaires.
Par exemple, on sait qu'au Québec, pour recueillir des statistiques sur l'éducation, on pose des questions sur la langue maternelle et sur la connaissance des langues, des questions qu'on ne retrouve généralement pas dans les formulaires et les fichiers que nous transmettent les autres provinces.
Le défi est donc particulier et nécessite une concertation entre les provinces à l'échelle canadienne.
J'y veillerai sans faute. Je vais essayer de vous faire parvenir les données dont on dispose à ce sujet.
J'aimerais reprendre la question de Mme Glover. Vous avez dit que vous auriez besoin de toute une journée pour en parler. Vous pourriez peut-être profiter de mes dernières minutes pour continuer d'en parler?
En ce moment, je vous dirais que cette question est liée à l'amendement à la partie IV de la Loi sur les langues officielles. Jusqu'à maintenant, on a utilisé la première langue officielle parlée comme critère. Par ailleurs, il y a des gens qui croient qu'on ne devrait pas se préoccuper des statistiques, qu'on devrait plutôt s'en tenir simplement aux communautés, aux écoles, etc. Malheureusement, cette question repose souvent sur des statistiques, et dépend des données qu'on utilise pour le recensement. Bien sûr, on pourrait considérer toutes les personnes vivant à l'extérieur du Québec qui sont capables de parler le français; elles sont près de 2,5 millions. Toutefois, sont-elles nécessairement susceptibles de demander des services en français?
Cela peut être un couteau à deux tranchants. Par exemple, en connaissant le nombre de francophones qui parlent l'anglais, on pourrait tenir pour acquis que ceux-ci n'ont pas besoin d'être servis en français.
Effectivement. On sait qu'il y a près de 45 p. 100 des francophones à l'extérieur du Québec qui résident dans des municipalités où ils totalisent moins de 10 p. 100 de la population, et que 60 p. 100 de ces francophones parlent l'anglais comme langue principale et s'identifient surtout au groupe anglophone. C'est un défi et aussi un enjeu. On peut supposer que si le français était plus présent, ils utiliseraient davantage cette langue, mais on ne le sait pas.
Comme vous pouvez le constater, il y a des enjeux. D'une part, on veut intégrer le plus possible ceux qui sont susceptibles de demander des services en français; d'autre part, un certain nombre de francophones ne demandent pas les services en français parce que l'anglais est leur langue principale. Il y a donc de multiples enjeux à cet égard.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais poursuivre sur la question des sections des formulaires, ou de la collecte de données, qui est liée aux décisions prises dans chacune des provinces. Ça peut être difficile, puisqu'on ne pose pas nécessairement les mêmes questions ou on ne cherche pas à obtenir les mêmes données dans chacune des provinces. C'est donc un grand défi que celui de dresser un portrait national d'un élément spécifique. C'est quasi impossible.
À Statistique Canada, comme je l'ai mentionné à M. Godin, on fait énormément d'enquêtes sur différents sujets. Quand on fait des enquêtes, souvent financées par différents ministères fédéraux, on est capable de poser les mêmes questions dans toutes les provinces et à tous les répondants. Dans le but, bien sûr, de minimiser le volume de réponses, on va souvent tenter d'utiliser des fichiers administratifs. Si on a déjà l'information dans des fichiers administratifs, pourquoi poserait-on des questions dans le cadre d'enquêtes?
Le problème est de mieux documenter la langue dans laquelle les gens étudient. Par exemple, on sait combien d'enfants fréquentent les écoles d'immersion, combien d'enfants fréquentent les écoles de la minorité, mais on ne sait pas, selon ces fichiers, quelle est la langue maternelle de ces gens. Ce n'est pas une information disponible. Il a fallu attendre l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle, en 2006, pour établir véritablement que 50 p. 100 des enfants dont un parent est de langue française fréquentent une école de la minorité. Autrement, on ne le savait pas, parce que dans certains cas, il y a des enfants de langue anglaise qui fréquentent une école de la minorité parce qu'il n'y a pas de programme d'immersion. Ces questions sont assez...
Le temps passe rapidement, monsieur Corbeil.
Tantôt, vous disiez que les immigrants ne vont pas nécessairement s'installer où les francophones se trouvent dans une communauté, mais qu'ils s'installent souvent à proximité des grands centres, de façon générale. Si je comprends bien, le problème n'est pas nécessairement d'attirer des immigrants francophones au Canada. C'est plutôt de trouver des solutions en ce qui concerne les milieux ruraux. En effet, dans les grandes régions rurales — et non pas dans les grandes régions urbaines —, la solution est la même pour les non-immigrants et pour les immigrants. Vous parliez de travail, d'économie, de différents services en général qui ne sont pas nécessairement liés à la langue, autant d'éléments qui posent déjà problème. Si ces gens recherchent justement travail, économie et services, ils vont s'installer autour des grandes régions urbaines même si ce n'est pas nécessairement où les francophones se trouvent, et le problème des régions rurales va persister. On peut bien recevoir tous les immigrants qu'on voudra, mais tant qu'on n'apportera pas de solution au problème des régions rurales, il sera toujours difficile de convaincre un immigrant francophone de s'établir en région rurale, puisqu'il recherche les mêmes conditions que les non-immigrants.
Oui, vous avez tout à fait raison. C'est un phénomène qu'on observe depuis les 10, 15 ou 20 dernières années. Il est clair qu'il y a une migration des francophones des régions rurales vers les régions urbaines. Ce qu'on observe souvent, c'est que les plus jeunes, comme dans toutes les communautés, peu importe le groupe linguistique, quittent les régions rurales pour aller vivre en milieu urbain afin d'aller étudier. Dans bien des cas, quand on étudie en milieu urbain, on y reste ensuite pour y occuper un emploi.
Il y a donc un phénomène, vous avez tout à fait raison, qui touche...
... toutes les communautés. Je mentionne rapidement une observation intéressante qui est ressortie d'une étude qu'on a faite sur les professionnels de la santé et les minorités de langue officielle, à la demande de Santé Canada. Dans une ville comme Toronto, près de 25 p. 100 des médecins étaient capables de soutenir une conversation en français, en dépit du fait que le poids des francophones est quand même très faible dans cette ville.
Il y a donc toute la question de la visibilité et de l'offre active de services qui peut aussi inciter les gens qui se sont déplacés en milieu urbain à utiliser la langue. Il y a cette dimension. Or, vous avez raison au sujet de la disjonction qui existe souvent entre le milieu rural et le milieu urbain, en fait d'attrait pour les immigrants. On l'observe chez les non-immigrants aussi.
Vous n'aurez pas le temps de poser une autre question et d'obtenir une réponse, alors on va continuer.
Je crois que c'est au tour de Mme Boucher. Vous pouvez vérifier, je n'ai pas été sévère du tout.
Bonjour, messieurs. C'est très intéressant. J'ai beaucoup de questions, mais je vais en poser deux.
J'ai vu dans votre profil que la population immigrante francophone est relativement jeune. Comme on sait que les jeunes sont plus ouverts sur le monde et sur bien des sujets qui intéressaient moins notre génération, est-ce que ça change les données? Par ailleurs, de quels services cette jeune population francophone aurait-elle besoin pour s'intégrer pleinement à la société canadienne et pour s'épanouir en français?
Dans le même ordre d'idées, on a beaucoup entendu parler des services en français. Quand vous posez les questions contenues dans vos feuillets aux fins de statistiques, pourquoi ne demandez-vous pas au répondant s'il aimerait recevoir des services en français? Peut-être que ça aussi pourrait changer la situation.
Je vous remercie de me poser des questions fort pertinentes.
La population immigrante, en particulier celle qui a deux langues officielles, soit le français et l'anglais, est effectivement plus jeune. Qu'est-ce que cela peut avoir comme répercussions? D'après ce qui me vient à l'esprit, sachant que l'école est un moteur important de vitalité dans la communauté, au fil des ans, en raison du vieillissent de la population et du fait que le français est de moins en moins transmis à la génération plus jeune, on peut se retrouver avec des écoles où on a beaucoup plus d'immigrants que de non-immigrants. Cela dépend des régions, mais c'est une réalité qui peut exister.
Je sais que la question des ayants droit et de l'article 23, qui repose sur la langue maternelle et non pas sur la première langue officielle parlée, constitue un tout autre débat.
D'une certaine façon, pour les parents ayants droit qui n'ont pas étudié en français ou qui n'ont pas le français comme langue maternelle, c'est un autre enjeu. Je vous dirais, bien sûr, qu'avec une population plus jeune, s'il y a un dynamisme différent, il y a une place qui risque d'être occupée peut-être davantage par ces immigrants.
Pour ce qui est des services, je reviens encore sur le fait qu'il est extrêmement difficile de poser des questions dans un recensement. On a déjà un recensement qui comporte presque 54 questions. Le fardeau des réponses est donc important.
Par contre, dans le cas de certaines enquêtes, entre autres l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes ou celle à laquelle je me reportais plus tôt sur la vitalité des minorités, on a demandé aux répondants francophones s'ils avaient demandé à avoir des services dans leur langue et si c'était important pour eux d'avoir des services. En général, face à cette question, la majorité des francophones considèrent que même s'ils n'utilisent pas le français régulièrement, c'est très important pour eux de recevoir des services et de faire en sorte que leurs enfants parlent la langue de la minorité. C'est clair qu'il y a une volonté d'obtenir des services. Par contre, quand on leur demande pourquoi ils n'avaient pas demandé d'être servis en français, il y a parfois une certaine résignation qui transparaît et qui dit que, finalement, ce serait trop compliqué ou trop long parce qu'ils présument que le spécialiste ou la personne qui leur fournit le service ne parle pas le français. Ce sont des réponses qu'on a obtenues dans cette enquête.
On parle beaucoup de francophones, mais je connais des francophiles qui seraient très heureux d'obtenir certains services en français. Que peut-on faire, de notre côté, pour les aider?
À un moment donné, peut-être que nous n'aurons pas ce débat, mais il y a des francophiles qui parlent couramment le français sans être des francophones de souche. C'est peut-être leur deuxième langue, mais ce sont aussi des ayants droit. Que fait-on pour eux?
Encore faudrait-il qu'il y ait une volonté de mener ce type d'enquête et d'aller recueillir ce type d'information. Souvent, les francophiles disent être ouverts, peu importe la langue de service. Ce n'est pas toujours le cas des personnes francophones de souche.
Je m'excuse, mais je ne me souviens plus de votre dernière question.
Il faudra y revenir.
Mme Sylvie Boucher: D'accord.
Le vice-président (L'hon. Mauril Bélanger): Monsieur Nadeau, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
M. Corbeil, un peu plus tôt vous avez dit quelque chose qui m'est resté à l'esprit. On se retrouve dans une situation paradoxale où l'on demande aux immigrants francophones, peu importe leur pays d'origine, de combler un vide et ainsi contribuer à la pérennité du fait français, alors même que les francophones ou les Franco-Canadiens ne font pas eux-mêmes ce travail. Ces derniers subissent des pressions sociales, historiques ou encore quotidiennes qui les incitent à adhérer à la majorité anglophone environnante. Ils ne s'identifient même plus à leurs origines, à ce que leurs parents leur ont enseigné, à l'héritage culturel qu'ils leur ont apporté. C'est un problème crucial.
Je me souviens d'une jeune dame qui, après ses études à l'Université d'Ottawa, avait été embauchée comme enseignante à Zenon Park, une communauté très rurale. Cette fille était originaire d'Ottawa, une zone urbaine. Elle avait demandé s'il y avait un centre commercial à proximité où elle pourrait faire ses achats. Les recruteurs, voulant vraiment embaucher cette enseignante, ont répondu qu'il y avait un grand centre commercial sur place. Le grand centre en question était en fait un comptoir Sears. Vous voyez donc un peu le paradoxe. Quand on veut attirer des gens à un certain endroit, on déforme parfois la réalité.
On considère que l'Est ontarien est un milieu rural. Je suis originaire d'Hawkesbury et j'ai eu le malheur de parler de « mon village natal d'Hawkesbury ». Des gens de l'endroit ont répliqué en disant qu'il y avait maintenant cinq feux de circulation à Hawkesbury. Alors, j'ai dit « dans ma ville natale d'Hawkesbury », car je ne voulais quand même pas me faire lapider ce jour-là. Il y a aussi l'aspect de la proximité entre Montréal, au Québec, et la région à l'est d'Ottawa qui, je dirais, est l'ingrédient de base qui favorise grandement la prise d'identité. Les Acadiens ont cette fierté, ils ont une identité nationale bien à eux, ce qui est déjà une très grande force.
Cela étant dit, on parle d'aspect linguistique ici, du fait français, de francophonie, mais parle-t-on aussi de l'aspect ethnolinguistique, de l'identité culturelle qui serait celle des francophones? Vous en avez fait mention. Quelqu'un peut dire: « Je suis francophone, but I consider myself an anglophone. »
L'autre aspect, c'est la pratique religieuse. Il y a des gens qui viennent du Maghreb, de l'Afrique du Nord par exemple, où on retrouve des francophones, ou même de l'Europe. On a vu dans l'histoire du Québec des huguenots, donc des protestants, se voir refuser l'accès aux écoles catholiques et devoir fréquenter les écoles anglaises. C'est de la vieille histoire, mais c'est arrivé à des gens de ma génération et à des plus vieux que moi.
Selon vos statistiques, les francophones qui arrivent dans un milieu où certains éléments de cette réalité francophone ne répondent pas à leurs aspirations culturelles, religieuses et identitaires restent-ils longtemps dans le milieu en question, ou ont-ils tendance à s'en aller vers les grands centres où ils peuvent trouver un noyau?
Merci de votre question. Je dirais qu'elle est quand même complexe. On sait que si on adopte ce concept d'intégration des immigrants, il s'agit bien sûr d'intégration linguistique, culturelle, économique et sociale. Comme on l'a mentionné, la langue n'est qu'un des éléments de cette intégration, bien entendu.
Le cas du Québec est un exemple assez patent. Dans la communauté maghrébine du Québec, il y a différents types d'intégration, différentes démarches. On sait très bien que la communauté de langue maternelle arabe au Québec est une des plus importantes en fait d'immigration récente et que l'intégration de ces immigrants ne se fait pas sans heurts. Il n'y a pas que l'aspect linguistique. Nous sommes contents de recevoir des immigrants francophones, mais l'intégration culturelle et sociale, surtout dans des communautés plus « traditionnelles », si on peut utiliser ce terme, pose des défis évidents.
Lorsque je suis allé faire une présentation devant différents représentants des conseils scolaires francophones de l'Est ontarien, à la suite de la décision de l'Ontario d'adopter une nouvelle définition de la francophonie pour tenir compte des immigrants, ils étaient très intéressés mais, en même temps, un peu novices dans le domaine puisqu'il n'y a pas d'immigrants dans cette région. Pour eux, toute la question de l'intégration des immigrants dans les communautés francophones était donc une nouveauté, alors que ce n'est pas le cas dans de grands centres urbains. Ça peut varier selon les régions, mais souvent quand il est question des régions rurales, il n'y a pas que la question de l'intégration linguistique, effectivement, il y a le fait d'intégrer une communauté qui n'a pas du tout les mêmes us et coutumes, si on peut dire.
Cela nous amène à la fin du troisième tour. Je vous avoue que j'espérais que M. Blaney soit de retour à ce moment-ci pour que je puisse moi-même poser quelques questions. Cependant, puisque nous entreprenons maintenant le quatrième tour, je vais donner la parole à Mme Glover. Si mes collègues me le permettent, je poserai quelques questions également, puis si d'autres membres du comité veulent renchérir, nous pourrons y revenir, ce qui mettra fin à notre rencontre. Nous procéderons ensuite à notre réunion du comité directeur.
Madame Glover, vous avez la parole.
Monsieur le président, je vous offre la chance de poser vos questions avant moi, parce qu'il se peut qu'on soit interrompu.
Monsieur Corbeil, dans votre présentation, vous avez donné des statistiques intéressantes sur la population francophone hors Québec. Vous avez dit que le pourcentage des immigrants est passé à 10 p. 100 de cette population, alors qu'il était de 6 p. 100 en 1991. Il est donc passé de 6 à 10 p. 100. Dans la population anglophone, toujours hors Québec, je crois, ce pourcentage est passé de 18 p. 100, en 1991, à 22 p. 100.
J'essaie de me brosser un portrait global. J'aimerais avoir les chiffres absolus, premièrement, pour qu'on puisse voir quel est le poids relatif de l'un et de l'autre par rapport à la communauté francophone entière et la communauté anglophone entière. Pourriez-vous faire parvenir ça au comité?
Je vais d'abord poser ma question. Ensuite, s'il reste du temps vous pourrez le faire.
Avez-vous des statistiques par rapport à la population et à l'immigration anglophone au Québec, dans la même période de temps?
Par ailleurs, vous vous êtes arrêtés à 1991. Les questions du recensement de 1986 permettraient-elles de remonter encore plus loin en arrière, ou les questions ont-elles changé à ce moment-là?
Ensuite, vous avez dit qu'il semble que les immigrants francophones s'installent à des endroits différents dans les centres urbains, plutôt au centre-ville qu'en banlieue. Peut-on penser que cela s'explique par des raisons économiques principalement ou y en a-t-il d'autres que vous pourriez donner?
Finalement, il y a environ un mois et demi, Statistique Canada a rendu publiques des projections pour 2031 sur les populations de minorités visibles. Existe-t-il des projections linguistiques pour 2031? Y a-t-il des gens qui planifient en faire, s'il n'en existe pas? Pourrions-nous enclencher ça, et combien ça coûterait?
Merci. Tout ça m'a pris deux minutes et demie.
Des voix: Ah, ah!
Je vais répondre rapidement à vos premières questions. Même en faisant une redistribution de la catégorie anglais-français, peu importe, il est question grosso modo de 5 millions d'immigrants de langue anglaise à l'extérieur du Québec; il est question grosso modo de 100 000 immigrants de langue française. En ce qui a trait à l'effectif, on a là une idée de grandeur.
Au Québec, selon le recensement de 2006, il y a environ 850 000 immigrants dont quelque 325 000 sont de langue anglaise et un peu moins de 500 000 sont de langue française. Il est intéressant de constater aussi qu'au Québec, par exemple, on sait que 33 p. 100 des anglophones sont des immigrants et que 8 p. 100 des francophones sont des immigrants. Cela donne une idée de grandeur aussi.
À l'inverse, regardons combien d'immigrants sont anglophones. On constate que 38 p. 100 des immigrants sont anglophones et 57 p. 100 sont francophones. Bien sûr, c'est beaucoup en raison du poids du passé. En ce qui concerne les immigrants qui sont arrivés très récemment, c'est-à-dire entre 2001 et 2006, le Québec compte 64 p. 100 d'immigrants francophones par opposition à 31 p. 100 d'immigrants anglophones. Cela vous donne un ordre de grandeur.
Vous avez posé la question de savoir s'il y avait moyen de reculer plus loin dans le temps. Bien sûr, c'est possible. En 1991, on a regroupé toutes les questions linguistiques, ce qui a diminué le nombre de réponses multiples aux questions du recensement parce que les gens étaient capables d'exprimer les connaissances qu'ils avaient des langues et de bien comprendre après coup les questions qu'on leur posait. Évidemment, on pourrait retourner facilement jusque dans les années 1970, à tout le moins à partir de 1971, car on a une question sur la langue parlée à la maison. Donc, on a la question qui concerne la première langue officielle parlée.
Vous avez posé une avant-dernière question qui portait sur les raisons... On sait que les immigrants ont davantage tendance à s'établir en milieu urbain plutôt qu'en milieu rural, selon les provinces, bien sûr. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, on sait que la population de langue française, en règle générale, vit davantage dans des petites municipalités ou dans des régions rurales plutôt qu'urbaines. Néanmoins, il y a eu au cours des dernières années une migration importante vers Moncton.
D'accord, c'est beau.
Je peux peut-être répondre rapidement à votre question sur les projections de population. Je ne sais pas si la chose vous intéresse.
En effet, des projections ont été faites en ce qui concerne les minorités visibles. C'est complexe de projeter dans le temps — en 2031 — ce que sera la population de langue française au Canada par rapport à la population de langue anglaise. Une foule d'hypothèses doivent être mises en avant, parce qu'on doit tenir comte de la migration, de la transmission de la langue, des transferts linguistiques, etc. C'est un projet d'une envergure assez importante. Personne en ce moment ne fait ce genre d'étude, ou ne l'a déjà fait. Des projections plus standard ou plus traditionnelles ont été faites dans le passé, entre autres au Québec par Marc Termote.
Or, selon le modèle qui a été fait et l'information qui a été diffusée sur les minorités visibles, cette approche est relativement nouvelle et n'a pas été utilisée à d'autres fins. Je sais qu'en ce moment, c'est en train de se faire pour les peuples autochtones. C'est un projet, un type d'étude, qui pourrait coûter de 450 000 $ à 500 000 $ et qui pourrait nécessiter environ une année de travail. Ce faisant, on serait capable d'établir des projections de ce type.
Merci, monsieur le président.
Je veux revenir sur la volonté dont on parlait, en ce qui concerne la question qu'on pourrait peut-être poser dans le recensement.
Je trouve que c'est bien important pour nos immigrants. En effet, plusieurs immigrants chez nous parlent non seulement une langue africaine, mais également le français et l'anglais. Or, puisque le recensement va poser la question d'une certaine manière, ils vont inscrire qu'ils parlent l'anglais. Pourtant, ils parlent également l'anglais et le français, et, en vertu de cette réponse, ils ne seront pas comptés au nombre des ayants droit aux services en français. Voilà ce qui m'inquiète beaucoup. C'est inquiétant non seulement pour les immigrants, mais aussi pour les Canadiens et les Canadiennes.
Vous avez parlé d'une volonté. Il a été question d'une volonté entourant cette question suggérée par Mme Boucher. On devrait demander qui veut avoir des services en français plutôt que de demander aux gens s'ils sont nés francophones, s'ils ont le français pour langue maternelle, etc.
Comment pourrait-on mettre en avant cette volonté? À qui parle-t-on pour démontrer cette volonté? On veut qu'une question soit posée de sorte qu'on puisse compter tous ceux qui veulent avoir des services en français. Comment fait-on ça?
Je vais vous répondre en revenant sur ce qu'ont dit MM. Nadeau et Godin. Il faut être conscient que ça peut aussi être une arme à deux tranchants. En effet, si on demande aux gens s'ils veulent obtenir des services en français et qu'un nombre non négligeable de francophones répondent que ce n'est pas particulièrement important pour eux, que fait-on? Cette question mérite quand même d'être posée, je pense. Certaines personnes ne peuvent plus soutenir une conversation en français, mais sont toujours considérées par certains comme faisant partie de la communauté francophone parce que le français est leur langue maternelle. Or la possibilité que ces personnes demandent des services en français est très faible. En revanche, il peut arriver que des gens demandent des services en français alors qu'ils ne sont pas considérés comme des francophones.
Je suis complètement d'accord avec M. Godin pour dire qu'il ne faut pas retirer leurs droits aux ayants droit. On pourrait demander précisément à ceux qui ne sont pas identifiés comme des ayants droit s'ils désirent, étant donné qu'ils sont bilingues, recevoir des services en français, même si leur langue maternelle n'est pas le français.
En ce moment, une certaine réflexion se fait à Statistique Canada, mais comme vous le savez, le recouvrement des frais est souvent en cause dans le cas des enquêtes, à Statistique Canada. Une enquête est très importante à Statistique Canada, et c'est l'Enquête sociale générale. Chaque année, on aborde une variété de thèmes comme la victimisation, les réseaux sociaux, et ainsi de suite. Bien sûr, la chose est possible, dans la mesure où on peut insérer un certain nombre de questions spécifiques dans le cadre d'une enquête. Ceux qui financent ces enquêtes doivent tout simplement avoir la volonté d'insérer de telles questions. L'Enquête sociale générale comporte un échantillon de presque 25 000 personnes.
Monsieur le président, je suggère donc que le comité détermine s'il a la volonté de pousser plus loin cette question. Je ne sais pas si on veut en discuter un autre jour, dans le cadre du comité seulement, ou si tout le monde convient déjà que c'est raisonnable, pertinent et faisable. Je vous laisse déterminer le moment où on va aborder ce sujet. Voulez-vous poser la question tout de suite?
Je pense que cette question va certainement être abordée dans le cadre de la rédaction et de l'approbation d'un rapport.
J'aimerais poser une question sur les immigrants qui fréquentent l'université. Savez-vous combien d'entre eux ne retournent pas dans leur pays d'origine ou demandent de rester ici, au Canada?
Je n'ai pas le nombre à l'esprit, mais je peux vous dire que depuis le recensement de 2006, on demande à quel endroit les gens ont obtenu leur diplôme le plus élevé. On est donc en mesure de savoir où ils étaient cinq ans auparavant. Par contre, le grand défi du recensement est l'émigration, qu'on ne peut pas saisir. Je parle ici des gens qui ont quitté le pays. En effet, lorsqu'on effectue le recensement, ils ne sont déjà plus là pour nous dire qu'ils étaient au Québec ou en Ontario cinq ans plus tôt.
Dans le cadre du recensement de 2006 ou de 2011, on est en mesure de demander où ils ont obtenu leur diplôme le plus élevé. Certains nous disent que c'était au Canada. On leur demande ensuite depuis combien de temps ils sont au Canada et ils nous répondent trois ans, par exemple. Ça nous permet à tout le moins d'obtenir, de façon indirecte, de l'information sur le nombre de personnes qui ont obtenu ce diplôme. Ceux qui l'ont obtenu à l'étranger...
Dans le cadre du recensement, ce serait un peu difficile, mais dans celui d'une enquête, ce serait possible. Ce type de question a été posé lors de l'Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada.
J'avais une question par rapport aux immigrants dans les universités. À Québec, nous avons l'Université Laval où énormément d'Africains sont inscrits. Dans mon comté, il y beaucoup d'immigrants. Ces gens, qui sont déjà très scolarisés avant d'arriver et qui vont à l'université, ont encore plus de difficulté à trouver un emploi. Vous avez mentionné cela tout à l'heure. Cela relève du gouvernement provincial, mais que pourrions-nous faire au palier fédéral pour que ces immigrants restent ici? Avez-vous déjà étudié l'aspect de la rétention des immigrants?
On ne leur donne pas nécessairement le droit de rester par la suite. Beaucoup s'en vont. Pour la rétention, il y a tout un processus complexe et il faut passer par Citoyenneté et Immigration Canada.
Il ne me reste qu'à vous remercier. Monsieur Houle, je voulais vous remercier de votre écoute active, mais là, je vous remercie également de votre réponse et de votre attention. Monsieur Corbeil et monsieur Houle, merci infiniment de votre présence ce matin et pour les renseignements que vous nous avez donnés en vue d'entreprendre ce qui s'avère une étude assez intéressante. On verra où cela va nous mener.
On prend deux minutes, question de saluer nos témoins, et le comité de direction reviendra pour établir brièvement l'ordre du jour des prochaines séances.
Merci.
La séance est levée.
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