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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 28 mars 2012

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons entamer l'étude du rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international.
    Nous accueillons et remercions Mme Sabine Luning, professeure d'anthropologie culturelle et de sociologie du développement à l'Université de Leiden, qui s'est jointe à nous par téléconférence des Pays-Bas.
    Pouvez-vous nous entendre?
    Parfait.
    Merci beaucoup d'avoir pris le temps de vous joindre à nous. Par curiosité, quelle heure est-il chez vous?
    Il est 21 h 30.
    Merci beaucoup d'avoir modifié votre emploi du temps afin de vous entretenir avec nous aujourd'hui.
    De rien.
    Que pensez-vous de commencer par la déclaration préliminaire que vous avez pour nous, pendant 10 minutes? Nous allons procéder de la sorte et nous donnerons ensuite aux membres du comité la possibilité de vous poser des questions.
    Je pense que vous avez prévu de passer une heure avec nous. Est-ce exact?
    Oui, absolument.
    Parfait. Merci beaucoup.
    Eh bien, allons-y, commençons par entendre votre déclaration préliminaire.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à vous remercier de votre invitation.
    Laissez-moi vous préciser un peu mes antécédents. Je suis chargée de cours au Département d'anthropologie de l'Université de Leiden, aux Pays-Bas, et au cours des 20 dernières années, mes travaux de recherche ont principalement porté sur l'Afrique occidentale, et le Burkina Faso en particulier.
    J'ai vécu au Burkina pendant quelques années, pour y travailler comme anthropologue dans le cadre d'un projet de développement bilatéral, et au cours des cinq dernières années, j'ai fait des recherches sur les activités minières artisanales et les relations société-collectivité, en m'intéressant particulièrement à des sociétés d'exploration canadiennes exerçant leurs activités au Burkina. J'ai aussi fait du travail de terrain au Mali, au Ghana et en Guinée.
    En Afrique occidentale, les projets d'exploration minière à grande échelle en quête de richesses minérales se déroulent presque toujours en zone rurale, où l'accès à la terre pour l'agriculture et les activités minières artisanales sont essentiels à la subsistance des populations locales pauvres.
    Ma recherche porte plus particulièrement sur les tensions, les possibilités, et les attentes que...
    Madame Luning, je me demandais si vous pouviez ralentir un peu. Nous avons ici des services d'interprétation, et les interprètes...
    D'accord. Désolée.
    Je vous donnerai quelques minutes supplémentaires si vous en avez besoin, alors allez-y.
    D'accord, parfait. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit. Je vais poursuivre. Pensez-vous que je devrais résumer brièvement ce que j'ai dit?
    Non, poursuivez. Ce serait excellent.
    Les secteurs miniers des pays comme le Mali et le Burkina Faso ont subi des changements considérables au cours des 20 dernières années. Au Burkina Faso, le secteur minier, qui faisait auparavant l'objet d'une importante intervention de l'État, laisse maintenant la place à des entreprises privées.
    Dans le cadre de ce processus de libéralisation, le rôle de l'État, des ONG et des sociétés privées a été redéfini. Je pense que l'association, dans le cadre de partenariats publics-privés, de l'ACDI, des ONG et des sociétés minières canadiennes doit être évaluée dans le contexte institutionnel dans lequel les activités minières et les initiatives de mise en valeur se déroulent.
    Je suis entièrement d'accord avec le professeur Bebbington, qui a affirmé devant votre comité le 29 février que le lien entre les activités minières et le développement ne peut être seulement déterminé en fonction de projets particuliers. Les activités minières et d'exploration à grande échelle dans des pays comme le Burkina Faso entraînent un processus complexe de changement social. La question qui consiste à déterminer si ces processus sociaux favorisent le développement ou y nuisent est extrêmement importante. Cette question est au coeur du débat sur le fait de savoir si la dotation en ressources est une malédiction ou une bénédiction pour les pays en développement.
    Même les chercheurs qui collaborent étroitement avec le Conseil international des mines et métaux, le CIMM, insistent sur le fait que des arrangements structuraux sont essentiels pour s'assurer que les pays en développement ne deviennent pas prisonniers de la malédiction des ressources. M. Dan Haglund, qui travaille pour le Oxford Policy Management, décrit la situation d'un pays comme le Burkina Faso comme suit: « Au Burkina Faso, le secteur minier représentait 2 p. 100 des exportations en 2005, mais en 2010, cette proportion était passée à 41 p. 100. »
    Cette dépendance aux ressources est, bien évidemment, un défi, et peut créer de la richesse tout en présentant des risques. Une augmentation rapide des recettes ne peut se traduire en développement que si, tout d'abord, les institutions gouvernementales ont suffisamment de capacité de discipline, et deuxièmement, si les activités minières peuvent être liées à d'autres activités économiques afin de déclencher un effet multiplicateur. Cela permettrait d'éviter des problèmes comme le syndrome hollandais et de graves problèmes de taux de change.
    Dans cette situation, le développement est avant tout une question de développement institutionnel, ce qui suppose un renforcement adéquat des structures et des stratégies gouvernementales afin de s'assurer que les activités minières ont des retombées dans d'autres secteurs de l'économie. Ces exigences nous forcent à envisager les partenariats et les sociétés minières en lien à deux questions: tout d'abord, le développement institutionnel et la division des responsabilités, et deuxièmement, le lien entre les activités minières et le développement économique.
    Je vous parlerai tout d'abord du développement institutionnel et de la division des responsabilités.
    La tendance actuelle en matière d'investissement direct étranger dans les activités minières dans les pays en développement a modifié les relations et les tâches des sociétés et des États hôtes. À titre de propriétaires des ressources souterraines, les gouvernements constituent les autorités approbatrices. Le gouvernement organise l'accès aux ressources et surveille les activités minières — du moins, dans un monde idéal. Un rapport de M. John Ruggie intitulé « Protéger, respecter et réparer: un cadre pour les entreprises et les droits de l'homme » soutient la thèse qu'un grand nombre d'États en développement ont des structures de gouvernance faibles. Ainsi, ils n'ont pas la capacité de réglementer et de contrôler les sociétés qu'ils accueillent. Il y a donc un fossé en matière de gouvernance entre la faiblesse des États et les répercussions de forces économiques importantes et d'acteurs mondiaux qui doit être comblé dans le pays.
    Dans bien des cas, il est loin d'être facile de renforcer ces structures, en raison de cultures politiques empreintes de corruption et de patrimonialisme. Dans un rapport récent sur l'économie politique du secteur minier au Burkina Faso, Oxford Policy Management dépeint de façon peu reluisante l'élite politique du Burkina Faso. Le secteur minier est lié à un gouvernement hégémonique par les liens de contrôle, de cooptation et de corruption, une situation qui, selon la Banque mondiale, distingue le Burkina.
    Je pense qu'au Canada, le débat sur les partenariats publics-privés devrait s'intéresser davantage à la manière dont ces initiatives influencent les relations avec l'État hôte, et la position de ce dernier. Si nous nous entendons sur le fait que le développement doit être synonyme de développement institutionnel, le développement des capacités concernant l'État hôte doit être une priorité. Selon moi, cela pourrait exiger, tout d'abord, une division très claire des tâches et responsabilités.
(1540)
    Plus précisément, dans les pays comme le Burkina Faso, dans lesquels les activités minières à grande échelle n'ont pas une longue histoire, le développement des capacités en matière de gouvernance doit être l'enjeu central.
    Cependant, les sociétés minières qui doivent être autorisées et surveillées par l'État hôte ne peuvent le faire. L'appui au développement des capacités institutionnelles doit être organisé dans le cadre de partenariats publics-privés bilatéraux. À la lumière de cela, il convient de se demander si les formes actuelles de partenariat entre l'ACDI, des ONG comme Plan Canada et les sociétés minières ne risquent pas d'être contre-productives. Si le développement institutionnel est l'objectif central, ces partenariats sont susceptibles de brouiller davantage les frontières, les responsabilités et les identités.
    Jusqu'à présent, j'ai avancé le fait que les sociétés minières devraient se tenir à distance des responsabilités attribuées aux autorités publiques de l'État hôte. Dans ce qui suit, je vais mettre en lumière la nécessité de combiner cette distance à un engagement le plus fort possible pour ce qui est de leur responsabilité au sein des localités dans lesquelles elles exercent leurs activités et à l'égard de celles-ci.
    Je vais maintenant passer à mon deuxième point, qui est le lien entre les activités minières et le développement économique. Je vais maintenant m'intéresser aux partenariats qui existent au Burkina Faso et au Canada.
    Le partenariat qui unit l'ACDI, Plan Canada et IAMGOLD au Burkina Faso et le partenariat public-privé au Ghana méritent d'être examinés davantage, mais pour des raisons de contraintes de temps je m'en tiendrai au second.
    Au Ghana, l'ACDI collabore avec l'Entraide universitaire mondiale du Canada et Rio Tinto Alcan dans le cadre d'un projet visant à former les membres de la collectivité afin de renforcer les structures de gouvernance. Entretemps, cependant, la mine de Rio Tinto Alcan associée à ce projet a été vendue à une société chinoise. Dans un dépliant contenant des questions et réponses distribué par l'Entraide universitaire mondiale du Canada, on avance que cette situation prouve l'intégrité du partenariat. Il mentionne que Rio Tinto n'exerce plus d'activités au Ghana et que sa présence n'est pas destinée à tirer des avantages financiers de son appui à ce projet. Cependant, cette situation suppose que le partenariat actuel n'a plus de liens de responsabilité directe avec l'exploitation minière, qui est maintenant en de nouvelles mains.
    Cette participation accrue...
    Je suis désolé; pouvez-vous ralentir un peu encore une fois?
    Oh, je suis désolée.
    Vous aviez un bon rythme et vous avez accéléré de nouveau. Merci.
    Je vais ralentir un peu.
    Cette participation accrue dans les initiatives de développement est risquée. Cette situation de partenariat crée une déconnexion des responsabilités directement liées à l'exploitation minière, des responsabilités qui sont maintenant entre les mains des Chinois. Cette participation accrue à des initiatives de développement est risquée. Elle crée un flou au chapitre des responsabilités et permet aux entreprises de se dissocier de leurs engagements liés à leurs activités minières.
    Il ne faut pas oublier que la RSE a été principalement élaborée en réaction à la résistance contre les opérations minières. La perte de moyens de subsistance, de mode de vie et des menaces aux communautés locales ont déclenché une résistance, et la RSE a été une réaction à cela. La RSE est le fruit de la reconnaissance du fait que les entreprises ont des responsabilités qui vont au-delà de leurs employés; elles sont aussi responsables des gens qui pourraient subir les répercussions négatives des activités minières. Les notions de dédommagement, de redistribution de la richesse et de compensation sont fondées sur le principe que les activités minières, de par leur nature, perturbent l'environnement social et écologique. Il est de la responsabilité de l'entreprise de limiter les dommages sociaux et environnementaux entraînés par ses activités, responsabilité qui, selon moi, devrait être obligatoire, réglementée et surveillée.
    Les partenariats publics-privés ne devraient pas permettre à des sociétés minières de se détourner de leurs responsabilités sur le terrain. Ainsi, je dirais que les objectifs établis par le partenariat public-privé ne peuvent être atteints que si, premièrement, les différents partenaires se voient attribuer des tâches et des responsabilités claires et distinctes, et si, deuxièmement, on demeure conscient que la tâche première consiste à empêcher la malédiction des ressources de se réaliser et à empêcher la manifestation des effets pervers.
    Les objectifs formulés par les partenariats publics-privés canadiens établissent des points de repère pertinents pour cette tâche. L'ACDI a mis en évidence trois domaines d'intervention: les droits des enfants, la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance. Ces objectifs supposent que les sociétés doivent organiser leurs activités minières sans menacer la sécurité alimentaire locale et les moyens de subsistance. Cela fait de l'utilisation des terres une question essentielle. Dans un pays pauvre et largement rural comme le Burkina Faso, la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance sont principalement liés à l'agriculture, l'élevage du bétail et les activités minières artisanales.
    Je dirais que les sociétés minières canadiennes comme IAMGOLD et SEMAFO font de leurs responsabilités dans le cadre de leurs activités minières leur principal objectif de développement.
    Dans le cadre des activités minières de ces deux sociétés au Burkina, on peut continuer à tirer des leçons. En 2008, SEMAFO a versé des montants en argent afin de dédommager des agriculteurs pour la perte de leurs terres agricoles. Les répercussions que cela a eues sur l'économie de substance et les relations sociales au sein des collectivités ont fait les manchettes à l'époque. SEMAFO a respecté les règles, mais ces règles doivent être examinées.
    Le rapport de 2002 du programme MMDD fait une mise en garde concernant les effets négatifs des indemnisations financières pour la perte de terres, à savoir, la non-viabilité des moyens de subsistance et des relations sociales. Par exemple, ce flux de liquidités a eu des effets pervers sur le statut des femmes.
    Je pense que les sociétés doivent continuer de concentrer leurs efforts de développement sur les questions de subsistance sur le site, en se servant de la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance comme points de repère. Dans des pays comme le Burkina, la terre est synonyme de nourriture.
    Bien sûr, les activités minières créent aussi de l'emploi et peuvent créer des moyens de subsistance qui s'ajoutent aux activités traditionnelles. En effet, forte de 2 200 employés, la mine IAMGOLD est le plus important employeur privé du Burkina Faso. En outre, cette société a mis en place des activités maraîchères.
    Cependant, cela n'a pas empêché un certain nombre de tensions de voir le jour autour de la mine. Cette semaine, les routes d'accès à la mine ont été bloquées par des jeunes qui exigeaient qu'IAMGOLD respecte les promesses qu'elle avait faites en matière d'emploi.
    Je suis tout à fait consciente que la question de ces promesses d'emploi est complexe, mais elle témoigne de l'importance des engagements et des stratégies de l'entreprise dans le domaine de la création d'emplois et de l'approvisionnement. Les populations locales et les pays hôtes exigent à juste titre que les activités minières aient un lien tangible avec le développement. Selon moi, cela pousse tous les partenaires concernés à inciter les sociétés minières à garder leurs objectifs à l'esprit, pour ainsi dire, et à concentrer leurs efforts sur les questions foncières et les retombées économiques qui sont directement en lien avec les sites où elles exercent leurs activités.
(1545)
    Je suis particulièrement préoccupée par le fait que la tendance que suivent les partenariats publics-privés canadiens, combinée à une généralisation d'une forme de compensation, puisse faire perdre de vue les véritables tâches à accomplir, les responsabilités, et les sites qui constituent un défi social et environnemental.
    Pour conclure, je reconnais qu'actuellement, les partenariats publics-privés ne sont qu'un aspect des programmes de RSE des entreprises. En fait, les montants que les entreprises consacrent à ces initiatives sont plutôt marginaux. Cependant, ces initiatives sont présentées comme une tendance d'avenir. En gardant cela à l'esprit, j'ai tenté de démontrer que les nouveaux partenariats publics-privés risquent de brouiller les responsabilités. En outre, les responsabilités des sociétés minières risquent de perdre de vue les sites et les questions qui importent vraiment aux populations locales.
    Les nouveaux partenariats publics-privés doivent s'efforcer de ne pas détourner l'attention de deux tâches centrales, l'une pour les acteurs publics et l'autre pour les entreprises privées. Pour ce qui est de l'acteur public, le gouvernement du Canada, il faut continuer à viser les partenariats publics-privés bilatéraux qui sont essentiels au développement institutionnel, cela étant d'autant plus vrai des jeunes pays miniers comme le Burkina Faso. Pour ce qui est de l'entreprise privée, des initiatives à grande échelle d'une société multinationale canadienne ou autre, l'accent doit être mis sur des processus de négociation adéquats avec les populations locales ainsi que sur l'atténuation des risques sociaux et environnementaux afin de prévenir l'exclusion économique et le sous-développement.
    Merci.
(1550)
    Merci beaucoup. Nous allons commencer par...
    Allez-y.
    J'aimerais simplement savoir si notre invitée dispose de l'interprétation.
    Oui, j'entends l'interprétation.
    Merci.
    Nous allons commencer par l'opposition. Madame Sims, s'il vous plaît, vous avez sept minutes.
    Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de nous parler de votre voyage, surtout à une heure aussi tardive. Je tiens aussi à vous remercier de votre exposé enrichissant et édifiant devant notre comité.
    Vous avez parlé de la nécessité de séparer le secteur public et le secteur privé afin de ne pas brouiller les frontières entre le développement des institutions et de la capacité des gouvernements, par rapport à la nécessité d'investir afin d'atténuer les dommages sociaux et environnementaux qui pourraient avoir lieu ou à l'enrichissement dont nous avons besoin afin de nous diversifier.
    Le 29 février 2012, Anthony Bebbington a comparu devant notre comité. Il a souligné que les efforts des entreprises minières visant à favoriser le développement ne peuvent simplement se limiter à des projets mais doivent viser le développement des institutions et la réglementation. Êtes-vous d'accord avec cette déclaration?
    Eh bien, je suis d'accord sur le fait qu'il ne faut pas limiter le développement à de simples projets. Nous devons, en fait, envisager le développement dans le cadre d'un processus social plus large. C'est aussi un point sur lequel le professeur Bebbington a fortement insisté dans ses observations et ses déclarations devant le comité.
    Bien sûr, je suis d'avis que les sociétés devraient collaborer pour organiser des cadres comme l'ITIE, l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives, et qu'elles collaborent avec des organisations multilatérales, de même que des gouvernements, afin d'établir des cadres. À l'heure actuelle, cela a un effet très visible au Burkina.
    En ce sens, je suis d'accord avec le professeur Bebbington quant au fait que ces initiatives qui ont cours au Burkina en ce moment mettent une certaine pression sur le gouvernement de ce pays. J'ai mentionné plus tôt que le Burkina Faso est, dans une certaine mesure, un pays où il est difficile de travailler en raison du réseau d'influence patrimonialisme de l'élite politique.
    Merci.
    Je vais poursuivre, car je dispose d'un temps très limité.
    D'accord.
    Anthony Bebbington a dit, entre autres, et je pense que vous y avez aussi fait allusion — bien qu'il ne s'agisse pas seulement de la nécessité de séparer le secteur public du secteur privé, et aussi la nécessité pour les partenariats publics-privés de favoriser la croissance des institutions — qu'un ministre d'Amérique latine lui a dit: « Je ne sais pas si le Canada a été aussi discrédité au cours de son histoire. » Un autre haut fonctionnaire lui a dit: « Autant que je sache, l'ambassadeur du Canada ici est un représentant des sociétés minières canadiennes. » Vous avez fait brièvement allusion à la nécessité de cette séparation.
    Selon vous, quelles sont les mesures les plus importantes qui devraient être prises afin de s'assurer que les activités minières contribuent au développement économique et social des régions où ces activités se déroulent? Y a-t-il un ordre logique ou précis dans lequel ces activités devraient être réalisées ou ces mesures devraient être prises?
    Ce n'est pas tant une question d'ordre logique que de niveaux, à mon avis. Si on veut que l'exploitation minière contribue au développement, il faut insister sur mon deuxième argument, c'est-à-dire la priorité à l'atténuation. Avant de commencer à parler de développement, nous devons nous assurer que les sociétés sont organisées de façon à éviter les dégâts, n'est-ce pas? À ce niveau, c'est la première étape, à mon avis.
    La deuxième question, que le professeur Bebbington a également abordée, est qu'il faudrait vérifier que l'influx d'argent dans le pays — et dans un pays comme le Burkina, cet influx est présentement massif — est organisé par des organisations de l'État de façon à créer de bonnes institutions publiques et à profiter à la population.
    À cet égard, on pourrait s'assurer que ces rentrées massives d'argent soient bien utilisées dans le domaine public, au moyen d'une réglementation rigoureuse des sociétés minières, en vue de contrôler leurs activités, ainsi que d'un cadre et de contrôles applicables au pays hôte.
(1555)
    Nous nous entendons tous sur le fait que ce que nous recherchons, c'est le développement durable à long terme.
    Oui, bien sûr.
    C'est dans le développement durable à long terme que le secteur public, dont l'ACDI, a un rôle essentiel à jouer, comme vous le savez. Quelle est l'importance du développement des capacités et de la réglementation pour atteindre cet objectif du développement durable à long terme?
    Ce sont des éléments très importants.
    Également, permettez-moi de préciser que je défends la séparation des tâches, n'est-ce pas? Je ne m'oppose pas à certains des projets de développement concret qui sont présentement en cours. En fait, je parlais des initiatives mises en place au Ghana, par exemple. L'EUMC, entre autres, offre actuellement de la formation en vue de mettre en place une représentation communautaire et des structures de gouvernance; voilà exactement le genre d'initiatives qu'il faut si nous voulons que le développement durable soit davantage un effet indirect de l'exploitation minière.
    Je ne m'oppose pas au genre d'activités qui est proposé ici, mais je dis simplement qu'il serait sensé d'éviter d'estomper les partenariats qui se produisent lorsque le travail des sociétés minières, des ONG, des gouvernements et de l'ACDI se conjugue.
    En fait, la situation au Ghana pourrait être un très bon exemple de la façon de progresser en vue d'organiser l'exploitation minière de façon durable grâce à l'organisation de la société civile dans sa capacité de négocier, entre autres.
    D'accord, merci.
    L'une des choses que vous avez brillamment éclairées et renforcées pour moi, c'est la nécessité de faire la distinction entre les intérêts miniers, d'une part, et la mise en place d'institutions et le renforcement des capacités, d'autre part. Il faut éviter les pressions ou conflits qui pourraient se produire, car cela pourrait donner l'impression que les gens sont dirigés... ou que les institutions sont mises au point à seule fin de servir les intérêts des sociétés minières.
    J'aime bien votre façon d'expliquer tout cela et de montrer qu'il faut établir des distinctions claires entre les tâches. J'ai particulièrement apprécié vos observations sur l'aménagement du territoire. Comme vous le savez, les indemnités pécuniaires ne sont pas toujours suffisantes, car il est essentiel de bien utiliser les terres et de garantir la sécurité alimentaire, mais aussi de créer une variété d'industries.
    Merci. C'est tout le temps dont nous disposons.
    Merci.
    Mme Sabine Luning: Merci beaucoup.
    Nous revenons au parti ministériel. Je souhaite la bienvenue à Mme Brown.
    Vous avez sept minutes.
    Bonjour, madame Luning, ou plutôt bonsoir, compte tenu d'où vous êtes.
    Mme Sabine Luning: Bonjour.
    Mme Lois Brown: Merci beaucoup de vos observations d'aujourd'hui. Je vous en suis très reconnaissante.
    À l'exception du Mali... J'ai visité le Burkina Faso, le Ghana, le Togo, le Nigeria et le Bénin. J'y ai passé du temps. Une délégation parlementaire Canada-Afrique s'y est rendue, et j'ai eu la possibilité de visiter la mine Essakane, au Burkina Faso.
    Je vous renvoie à un rapport qui a été déposé à la Chambre des communes il y a 18 mois. Je le recommande au comité. Je sais qu'il est rédigé dans les deux langues officielles, monsieur le président, alors je vais m'assurer que des exemplaires en soient distribués.
    Nous avons eu la possibilité de visiter le président Compaoré et de discuter longuement avec lui de ce qui se passe au Burkina Faso. En ce qui concerne l'investissement de 450 millions de dollars que la société IAMGOLD a fait au Burkina Faso, il nous a dit tout d'abord que cette société avait jugé que les conditions permettaient de faire cet investissement. Il a dit que les méthodes avaient été rationalisées et qu'un cadre avait été mis en place pour encourager de tels investissements.
    Nous avons également rencontré le ministre des Mines, des Carrières et de l'Énergie, Son Excellence Abdoulaye Abdoulkader Cissé. Il nous a dit que le pays était passé de l'octroi de 12 permis d'exploitation minière en 2000 à 430 permis d'exploitation minière aujourd'hui. Les sociétés canadiennes étaient en tête de file avec 15 permis, et elles ont sept mines en exploitation.
    Durant notre visite à la mine d'IAMGOLD, on nous a dit que la mine appartenait à 90 p. 100 à IAMGOLD et à 10 p. 100 au gouvernement du Burkina Faso. Alors, quand on parle de renforcement des capacités, je dois dire que ce qu'a fait IAMGOLD là-bas est tout à fait remarquable.
    Pour loger la population du village d'Essakane, la société a acheté des terrains, et la communauté a participé à cette transaction. On a construit un village tout entier. La chose la plus importante que j'ai vue, c'est qu'on avait coulé des fondations en dalle sur terre-plein où les résidents pouvaient construire leurs maisons. Cela signifiait qu'ils n'avaient plus à passer le plus clair de leur temps à réparer leurs maisons; ils avaient du temps pour s'adonner à des activités plus productives.
    Nous avons appris qu'il y a quelque 1 800 travailleurs à contrat. La priorité est accordée aux travailleurs locaux. Plus de 1 000 jeunes ont reçu une formation dans des domaines comme la construction, la menuiserie, la soudure et la plomberie. M. St-Pierre, qui nous a fait visiter la mine, a signalé que grâce à la demande en travailleurs spécialisés dans le secteur minier, le salaire de ces travailleurs est plus élevé que la moyenne nationale. Le salaire moyen au Burkina Faso est de 1 200 $, mais les travailleurs de la mine sont payés de 4 000 $ à 30 000 $, selon leur métier. Ils bénéficient aussi de programmes d'alphabétisation. Nous avons vu l'hôpital ou la clinique, de même que les installations de formation professionnelle qui ont été construits.
    En établissant un partenariat public-privé avec ces sociétés, le pays ne reçoit pas seulement les impôts de ces sociétés elles-mêmes, il peut recevoir des impôts des travailleurs qui sont maintenant en mesure d'apporter une contribution à leur pays.
    J'ai vu des choses remarquables au Burkina Faso. Cela me donne beaucoup d'espoir pour ce pays et pour sa capacité de devenir un pays autonome et indépendant. On y a encore besoin toutefois de la participation de l'ACDI; je le sais. Les Canadiens seraient ravis de pouvoir participer à ce renforcement des capacités, car on peut là-bas en constater les résultats.
    Avez-vous des observations à ce sujet?
(1600)
    Merci beaucoup de votre description de votre visite à la mine d'IAMGOLD. J'ai bien sûr des observations à ce sujet.
    Pour commencer, j'appuie un grand nombre des initiatives dont vous avez parlé. J'ai ardemment défendu l'idée que les sociétés minières doivent être fermement engagées à l'atténuation des répercussions sur le terrain. Selon bon nombre des exemples que vous avez donnés, IAMGOLD fait beaucoup de travail dans son milieu d'exploitation. Bon nombre de ces choses, qui ont également fait l'objet de rapports, sont positives.
    Il semble néanmoins qu'il existe encore beaucoup de résistance. Ce n'est pas une question simple, nous le savons tous. Les gens d'IAMGOLD vous ont sans doute expliqué à quel point le processus est compliqué, compte tenu de l'influx abondant et rapide de richesses. C'est pour cette raison que j'ai parlé de l'indemnisation au titre des terres. Ces rentrées de richesses doivent être gérées. Elles peuvent attirer beaucoup de gens à cet endroit. C'est pourquoi je dis qu'IAMGOLD doit, entre autres, continuer ses efforts d'atténuation. Régler les problèmes qui se produisent exige des efforts constants.
    L'entreprise a déjà mis en place des installations, très bien d'ailleurs, et construit de nombreux logements. Je connais bien ce cas. Reprom a fait ces travaux pour IAMGOLD. Le cas dont vous avez parlé est très bien documenté.
    Toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit de la création d'une mine de grande importance. Cette initiative entraînera de vastes rentrées d'argent, et on a déployé de grands efforts dès le départ pour réinstaller les gens, les indemniser et leur offrir de nouveaux logements. Ce que je dis cependant, c'est qu'IAMGOLD devrait se retirer des initiatives de développement général qui sont dépeintes comme des mesures simplement altruistes, entre autres dans la scolarisation. Je préférerais que les sociétés minières continuent de surveiller minutieusement tous les processus qui touchent leurs mines, car il continuera d'y avoir des problèmes. C'est une situation difficile à laquelle l'entreprise devra trouver des solutions. Ce que je souhaite, c'est qu'IAMGOLD continue de se concentrer sur ce qui a trait à la mine.
    D'après les articles publiés dans les journaux, il est clair que la mine d'IAMGOLD a donné lieu à de vives protestations. La mine est isolée à l'heure actuelle, les voitures ne peuvent pas s'y rendre. Cela montre que le développement social est toujours accompagné de problèmes et d'inégalités. Les gens de la société minière vont devoir continuer à se concentrer sur une façon de faire qui n'exclut pas de larges groupes. C'est pourquoi j'ai mis l'accent sur la question des marchés publics. C'est pourquoi j'ai mis l'accent aussi sur les mesures relatives au travail à la mine.
    En outre, il ne faut pas faire de promesses qu'on n'est pas en mesure de tenir. C'est pourquoi j'insiste pour dire que ces associations très vagues des sociétés minières à des initiatives de développement peuvent aussi susciter des attentes que les sociétés ne seront pas en mesure de respecter. Elles devraient être très prudentes.
    Toutefois, je ne conteste pas les bonnes nouvelles que vous nous avez présentées.
(1605)
    Madame Luning, je sais que nous n'avons plus de temps, mais je voudrais insister sur ce que le président Compaoré a dit à notre délégation, c'est-à-dire le fait que le Burkina Faso entretient des relations formidables avec le Canada. Bon nombre de Burkinabés ont fait leurs études au Canada et ramènent au Burkina Faso les compétences qu'ils ont acquises. C'est l'un des éléments les plus positifs.
    Merci beaucoup.
    Nous revenons au côté de l'opposition.
    Monsieur Eyking, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci, madame Luning.
    Je suis moi-même fils d'immigrant hollandais, et j'ai toujours admiré la Hollande pour l'influence internationale qu'elle exerce, en dépit des limites de son territoire et de sa démographie. Il semble que ce pays réussisse à faire participer sa population à des initiatives internationales. J'admire votre pays pour cela.
    Ce qu'on constate dans le gouvernement actuel, c'est un revirement. Auparavant, nous avions des centaines d'ONG, mais il y en aura maintenant beaucoup moins pour faire tout le travail de l'aide internationale. Nous avons de plus en plus recours aux entreprises et aux sociétés minières pour livrer cette aide. C'est sur cela que porte notre débat d'aujourd'hui.
    En fin de compte, le but des entreprises, et plus spécialement des sociétés minières, est de réaliser des bénéfices pour leurs actionnaires. Le secteur minier est souvent très capricieux. Le prix des produits fluctue et, comme vous l'avez dit, ces sociétés peuvent être achetées par d'autres sociétés, australiennes ou chinoises.
    On s'inquiète un peu de qui va réparer les pots cassés lorsque ces sociétés partent ou font faillite. Nous avons vu en Amérique du Nord — et même au Canada — des exemples de sociétés qui ont quitté des localités en laissant derrière elles des dégâts ou des employés qui se retrouvent sans régime de pension.
    Si on confie à des entreprises la tâche de livrer notre aide étrangère, quels critères devrait-on appliquer? Cela ne touche pas seulement ce que nous espérons qu'elles feront, car elles utiliseront l'argent des contribuables. Comment peut-on établir des repères pour vérifier la transparence? Comment peut-on s'assurer que si les choses vont mal — que les prix s'effondrent ou que la compagnie fait faillite — et que les localités comptent sur le fait que des mesures sont prises, lorsque les terres ont été transformées pour être utilisées à d'autres fins... ? Ne devrions-nous pas avoir notre propre organisme de surveillance pour veiller à la protection de ces communautés?
    La pire chose, c'est qu'une société pourrait lancer une belle grande initiative — qu'on coupe des rubans au son des fanfares — et que 5 ou 10 ans plus tard, la communauté se retrouve les mains vides, sans savoir ce qui s'est produit.
    Ce que vous me demandez, c'est si ce partenariat public-privé ne devrait pas autoriser un plus grand contrôle sur les entreprises. C'est bien ce que vous dites?
    Je me demande simplement comment on peut s'assurer, nous les Canadiens, que ces communautés sont protégées au cas où ces sociétés feraient faillite ou seraient vendues — comme vous l'avez mentionné — à des intérêts chinois qui auraient une philosophie différente en matière d'aide. Devrait-on demander à ces entreprises de déposer un cautionnement?
    Je pense simplement à la situation générale. Nous avons eu ce problème des régimes de pension des entreprises minières qui font faillite. Nous parlons maintenant d'initiatives financées par l'argent des contribuables. Comment peut-on veiller à ce qu'on prenne soin de ces communautés? L'entreprise devrait-elle déposer un cautionnement pour garantir qu'elle respectera les obligations dont elle a convenu?
    Les entreprises doivent prendre des engagements à long terme. Dans des pays comme le Burkina Faso, l'un des problèmes, ce sont les impondérables du secteur minier lui-même. Comme je l'ai dit dans mon exposé, mes recherches ont porté plus particulièrement sur les sociétés d'exploration canadiennes au Burkina Faso. Nous avons constaté, surtout au cours des dernières années, qu'il y a dans ce secteur de nombreuses faillites, de nombreux rachats d'entreprises et de nombreuses co-entreprises.
    C'est un problème très concret sur le terrain. Des sociétés d'exploration arrivent dans les communautés et font de grandes promesses, elles disent qu'elles vont bâtir une mine, qu'on créera des emplois dans la communauté, qu'on construira des réseaux d'eau potable, etc. Évidemment, cette exploration n'est que l'étape initiale, et ces sociétés peuvent aller ailleurs si elles ne voient pas la possibilité de créer la mine. Cela se produit trop souvent.
    À cet égard, vous avez tout à fait raison de signaler que c'est un secteur dans lequel il y a de nombreux changements et du roulement. Les sociétés arrivent, font des promesses, puis disparaissent, comme je l'ai vu souvent, et personne ne sait où elles sont allées. Puis une autre entreprise arrive et fait elle aussi des promesses, mais au village voisin, par exemple. On voit facilement que toutes sortes de conflits peuvent se produire.
    Dans ce contexte, plus particulièrement, il est très important que l'on puisse contrôler les sociétés qui arrivent à un endroit et font des promesses. Il faudrait du moins que ces promesses soient respectées. Il faut également que cela s'applique à ce qui se produit après leur départ. Il devrait exister une sorte de cautionnement de restauration ou un mécanisme institutionnel permettant d'organiser les choses de façon à ce que le mode de vie qui existait avant leur arrivée puisse continuer d'exister ou soit au moins garanti après leur départ.
    Je pense que ce serait une très bonne...
(1610)
    Pardon madame, j'ai une autre question à vous poser. Elle porte sur les sociétés.
    Il y a des limites à ce qu'on peut attendre des sociétés minières...
    Mme Sabine Luning: C'est exact.
    L'hon. Mark Eyking: ... mais pour ce qui est de travailler avec les gouvernements, le Botswana, me dit-on, réussit assez bien à investir dans sa population les redevances qu'il obtient des sociétés minières. Comment peut-on établir ce pont avec les nouveaux gouvernements qui adoptent la démocratie et comment peut-on encourager une meilleure gouvernance dans ces pays afin que les redevances venant du secteur minier puissent servir au bien de la population?
    Avez-vous constaté des exemples? Il y a des limites à ce qu'on peut demander à nos sociétés minières dans ce domaine. Le gouvernement devrait-il jouer aussi un rôle à cet égard?
    Je crois que oui. C'est pour cette raison que j'insiste sur le fait que le climat doit être amélioré.
    Nous savons bien sûr qu'il y a de nombreux conflits, y compris au Burkina Faso. On vient de parler du président Compaoré, mais il est reconnu comme un dissident au sein d'un gouvernement de nature hégémonique.
    À cet égard, le gouvernement a la tâche très importante d'établir et de renforcer ses relations avec le gouvernement du Burkina Faso pour voir s'il est possible de mettre en place un meilleur cadre, ainsi que des façons de surveiller et d'organiser les engagements pris par les entreprises envers les communautés. Il faudrait également surveiller le gouvernement lui-même afin qu'il fonctionne mieux et soit plus efficace — qu'il investisse l'argent là où il se doit, plutôt que de l'empocher...
    Mais pour cela, il faudrait que l'ACDI adopte une approche de participation directe.
    Pardon?
    Il faudrait que le Canada ait une approche de participation directe et s'assure que ces choses-là se font. On ne pourrait pas simplement compter sur les sociétés minières pour faire...
    Tout à fait.
    Dans mon exposé, j'ai insisté sur le fait qu'il est très important pour les sociétés de faire ce travail là où elles ont leur exploitation et qu'elles doivent être conscientes de ce qu'elles travaillent dans un milieu où cette exploitation peut être très difficile. Les sociétés devraient s'écarter des tâches qui devraient être effectuées par le gouvernement. Je dis qu'elles devraient se concentrer sur les tâches qui sont de leur ressort.
    Merci beaucoup.
    Par contre, les partenariats publics-privés et les partenariats bilatéraux doivent veiller à renforcer les capacités des institutions du gouvernement hôte, qui doit gérer les entreprises mais fonctionner lui-même d'une meilleure façon.
    Merci, madame. C'est tout le temps que nous avions pour cette série de questions.
    Nous allons commencer notre deuxième série, avec des périodes de cinq minutes. Revenons du côté du gouvernement, avec M. Van Kesteren.
(1615)
    [Le député s'exprime en hollandais.]
    Comme je viens de le dire, je suis moi aussi d'origine hollandaise, mais je suis né ici.
    Je vous suis reconnaissant de votre témoignage et je le trouve très intéressant. Ce qu'il faut dire, c'est que nous devons toujours demeurer alertes: à ma connaissance, les gouvernements — et vous pourriez dire que cela s'applique aussi aux gouvernements socialistes ou communistes — n'ont jamais produit un seul sou de richesse. C'est le secteur privé qui produit la richesse.
    Au Canada, l'extraction et l'exploitation minières existent depuis très longtemps. Nous sommes à mon avis au premier plan à cet égard dans le monde. Nous avons prouvé que nous sommes très aptes à ce travail. Nous avons une entreprise, du nom de Talisman, qui a déjà extrait du pétrole au Soudan. Vous êtes au courant, j'en suis sûr.
    Oui, j'en ai entendu parler, bien sûr.
    À la suite des pressions énormes exercées par un certain nombre de groupes, cette entreprise a plié bagages et est revenue au pays. Aujourd'hui, ce sont les Chinois qui ont pris la place.
    Si je dis cela, c'est que nous devons reconnaître que le travail d'extraction va se faire. Nous devons reconnaître également que le concept de « conscience sociale » des entreprises évolue, que c'est un concept nouveau qui s'est élaboré probablement au cours des 20 dernières années. À mon avis, l'évolution de ce concept a été très positive.
    Je ferai également valoir que les sociétés libres comme la nôtre et la vôtre font un bien meilleur travail pour ce qui est de mettre en valeur les ressources et d'apporter une contribution positive à la société.
    Je me dois également de signaler que nous oublions souvent, vu nos origines européennes, comment les civilisations s'établissent. Ici, en Amérique du Nord, nous ne l'oublions pas puisque nous voyons la faune et la flore, l'arrière-pays, et nous savons qu'il y a d'abord eu des défricheurs, puis des colons, et qu'ensuite, c'est l'industrie qui a construit des routes. C'est une façon normale de procéder. Ce que nous avons vécu en Amérique du Nord a lieu aujourd'hui dans bon nombre de pays du tiers monde. Heureusement, les pays qui ont le plus grand contrôle exigent que cela se fasse de façon qui sera la plus avantageuse pour ces pays du tiers monde.
    Cela dit, je vous rappelle ce que nous faisons ici. Comment notre gouvernement — le ministère des Affaires étrangères dans ce cas particulier — peut-il aider d'autres pays? Nous sommes tous d'accord au sein du comité pour dire que nous voulons améliorer le sort des gens qui vivent dans ces pays du tiers monde. Quelle est la meilleure façon d'y arriver?
    Êtes-vous d'accord pour dire que les sociétés libres — et plus particulièrement le Canada — sont mieux en mesure d'y arriver que les sociétés qui ne jouissent pas de la même liberté? Et dans ce cas, je parle plus précisément de la Chine.
    Je vais répondre à votre question, mais tout d'abord, en ce qui concerne Talisman, la situation était très particulière dans ce cas.
    Il s'agissait d'une entreprise canadienne, mais je vous signale que son siège social se trouvait à Amsterdam. L'entreprise a une filiale aux Pays-Bas. Talisman s'est effectivement trouvée dans une situation particulière, et en raison des choix et des normes d'éthique du Canada, elle a été poussée à quitter le Soudan. Le Canada peut s'en féliciter. Voilà exactement la reddition de comptes que le Canada et la société devraient exiger de leurs entreprises. Les entreprises devraient se retirer si elles ont une exploitation dans un milieu qui peut être contaminé par la violence et la guerre civile ou si l'entreprise peut être amenée à y prendre part.
    Il est certain qu'une autre entreprise peut prendre sa place par la suite, mais il faudrait faire très attention de ne pas abaisser les normes — des normes en matière de droits humains autant qu'en matière de modes de vie — simplement parce que d'autres n'appliqueraient pas ces mêmes normes. J'ajouterais...
(1620)
    Excusez-moi de vous interrompre, mais notre président est très sévère.
    En fait, votre temps est écoulé. Excusez-moi.
    Nous allons maintenant passer à M. Larose. Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Madame Luning, merci de votre participation. Votre exposé était très intéressant. La chose que je retiens, c'est l'équilibre. Par ailleurs, on reconnaît l'importance du gouvernement, des acteurs sociaux, des citoyens, des organismes à but non lucratif et également des compagnies minières, qui apportent une certaine contribution.
    J'ai bien aimé les éléments que vous avez soulevés quand vous avez parlé de discipline d'État. Vous avez parlé aussi de responsabilité des institutions et d'une division très claire des tâches.
    Quand je regarde la direction qu'a prise l'ACDI jusqu'à présent, je suis inquiet. Quand la ministre a témoigné ici, elle a mentionné qu'elle considérait d'autres avenues, ce qui est très louable, parce que je pense qu'il faut toujours faire preuve d'ouverture d'esprit et bien écouter.
    Cela étant dit, prenons l'exemple d'un organisme qui faisait du développement durable depuis plusieurs années et qui a perdu son financement du jour au lendemain, sans motif: je parle de Développement et Paix. On ne comprend pas. On est inquiet quand on a un gouvernement qui mentionne que les compagnies minières devraient prendre plus de place, ce qui semble ne pas concorder avec le principe de l'équilibre, d'autant plus que chaque pays a ses particularités. Les citoyens savent ce dont ils ont besoin. Il y a une longue histoire de problèmes avec beaucoup de compagnies minières dans notre propre pays, où on est très démocratique vis-à-vis des règlements.
    Pourriez-vous faire des commentaires à cet égard? Avez-vous des exemples d'autres pays où les compagnies minières ont pris un peu trop de place et où cet équilibre n'existe pas? Quelles ont été les répercussions négatives?

[Traduction]

    Vous voulez que je vous donne des exemples de situation où cela n'a pas fonctionné et dans lesquels les sociétés minières avaient une telle marge de manoeuvre que...
    Je ne sais pas si l'interprétation était bonne, et je suis bilingue.
    Ce que je veux, ce sont des exemples précis de cas où il n'y avait pas d'équilibre et dans lesquels les sociétés minières se sont retrouvées avec plus qu'elles ne l'auraient dû. Également, quelles ont été les répercussions négatives?
    Je ne suis pas certaine de pouvoir répondre à votre question immédiatement, parce que dans de nombreux pays, actuellement, les sociétés minières ont beaucoup de marge de manoeuvre, et c'est une des choses qu'il faut signaler. C'est pourquoi j'ai lutté très fortement en faveur de cette séparation.
    Dans de nombreux pays maintenant libéralisés, nous voyons que certains codes miniers introduits ont été tirés d'exemples de sociétés minières ou ont été élaborés avec l'aide de sociétés minières. Dans de nombreuses autres situations, on pourrait dire que le balancier est déjà du côté des sociétés minières, parce qu'elles ont joué un plus grand rôle dans l'établissement des cadres juridiques dans lesquels elles fonctionnent.
    C'est pourquoi je crois qu'il est important d'insister beaucoup sur la séparation de ces tâches: c'est parce qu'on a vu, de façon officielle même, un flou des influences, ce qui a fait pencher le balancier du côté des sociétés aux dépens des autres intérêts publics.
    S'agit-il d'une bonne réponse à votre question?
    Oui, merci beaucoup.
    Je vais partager mon temps avec ma collègue, Mme Hélène Laverdière, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre exposé. Malheureusement, j'en ai manqué une partie, parce que j'avais d'autres engagements. On m'a déjà signalé que c'était très intéressant.
    J'ai deux questions pour vous. Ce qu'on entend souvent dire des collègues autour de la table, ou ailleurs, c'est que l'important est d'augmenter les revenus pour l'État, à la fois les revenus provenant des sociétés minières et les revenus fiscaux provenant des travailleurs des sociétés minières. J'ai parfois l'impression qu'on lance de l'argent pour régler le problème; on pense que le problème du sous-développement sera résolu en y injectant de l'argent. Je suis très sceptique à cet égard. Les exemples comme celui du Congo me laissent songeuse. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
    J'ai une autre question, qui est davantage d'ordre économique. Y a-t-il des pays en développement qui courent le risque de souffrir du célèbre syndrome hollandais?
(1625)
    Bien sûr. Laissez-moi répondre à la première question.
    Vous avez parlé du Congo. J'ai déjà fait allusion au Burkina Faso, qui est un pays très différent, mais qui a aussi certains problèmes que l'argent ne peut pas toujours résoudre; en fait, il peut s'agir en soi d'un problème. C'est pourquoi j'ai beaucoup insisté pour dire que les revenus et les impôts peuvent être mieux négociés.
    Évidemment, si les prix des minéraux tendent à la hausse, je crois évidemment que la division devrait être meilleure et que le pays hôte devrait en profiter. Pour que l'argent arrive au bon endroit, il faut avoir un renforcement convenable des capacités institutionnelles. Voilà ce sur quoi j'ai beaucoup insisté.
    Évidemment, il y a la question du syndrome hollandais. Il s'agit d'un autre enjeu qui a été abordé en profondeur dans le rapport Haglund dont j'ai parlé au début de mon exposé. Il est très difficile pour des pays comme le Burkina Faso, qui a un secteur qui se développe actuellement très rapidement et considérablement, d'éviter ces effets sur les autres parties de l'économie.
    Je crois que c'est le professeur Bebbington, qui a dit dans son exposé du 29 février et avec raison, qu'il ne faut pas voir le développement comme simplement un projet; il faut examiner la situation dans son ensemble et les activités institutionnelles dans leur ensemble. Dans ce sens, je crois que certaines initiatives actuellement entreprises par des ONG canadiennes en vue d'organiser de la formation pour voir s'il pourrait y avoir des retombées des revenus miniers dans d'autres parties de l'économie sont importantes.
    À cet égard — en termes économiques également — il y a beaucoup de travail à faire pour donner lieu à des revenus qui contribuent au bien public et à d'autres parties de l'économie, pour en faire un exercice de réduction de la pauvreté plutôt que d'augmenter les inégalités.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à la dernière question du jour, avec Mme Grewal.
    Vous avez cinq minutes.
    Madame Luning, merci beaucoup d'avoir accepté de venir vous adresser à notre comité et de partager avec nous les connaissances que vous avez pu acquérir grâce à votre recherche.
    Je crois comprendre que depuis 15 ans, des sociétés minières de grande taille ont commencé à jouer un rôle de responsabilité sociale dans le but de contribuer au développement de collectivités locales touchées par leurs activités. Corrigez-moi si j'ai tort, mais vous avez laissé entendre dans vos travaux que les cadres de responsabilité sociale des sociétés ne réussissent pas à incorporer les caractéristiques structurelles des processus sociaux.
    Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez en langage simple? Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Il s'agit d'une question importante. Aujourd'hui, j'ai en effet beaucoup insisté sur le fait que l'ACDI devrait peut-être d'abord voir aux éventualités autour du site minier.
    J'ai vraiment beaucoup insisté là-dessus. Pourquoi? Parce que les activités minières ont des effets au quotidien des gens, parce que c'est une forme d'utilisation des terres qui peut être en concurrence avec d'autres formes d'utilisation déjà en place.
    À cet égard, j'aimerais revenir à l'un des commentaires qui a été fait plus tôt sur les colons et la façon dont l'extraction a été importante au Canada. Je crois qu'il faut faire attention lorsqu'on fait ces analogies, parce qu'au Burkina Faso et dans d'autres pays de l'Ouest africain, les terres sont peuplées et utilisées. Il ne s'agit pas d'un endroit où les activités minières ont lieu sur des terres inoccupées; elles sont déjà occupées. En ce sens aujourd'hui, je crois vraiment que la responsabilité sociale d'entreprise devrait d'abord trouver des façons convenables de régler ces enjeux relatifs à l'utilisation des terres.
    Évidemment, de plus, je crois qu'il sera très important de tenter de voir si, de façon plus structurelle, les activités minières peuvent contribuer à une plus grande croissance économique. Je crois que pour la question dont nous parlions — le syndrome hollandais — et les retombées dans d'autres secteurs, les sociétés minières pourraient travailler à mettre en place des initiatives.
    Je crois que certaines sociétés le font déjà; elles travaillent à la création d'emplois. En particulier, l'approvisionnement est un aspect très important de la question. Il faut voir si les retombées économiques des activités minières peuvent pénétrer d'autres secteurs et activités économiques qui profiteraient à la population du pays.
    C'est pourquoi je crois qu'il s'agit de deux enjeux sur lesquels les entreprises devraient se concentrer dans le cadre de leur responsabilité sociale.
(1630)
    Le comité procède depuis un certain temps à l'étude du rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international.
    Madame Luning, vous avez discuté dans certains de vos projets de recherche du fait que des sociétés africaines sont devenues entièrement dépendantes de la technologie qui a touché toutes les activités du quotidien. Cette technologie est essentiellement d'origine étrangère, et cette technologie utilisée par les pays miniers pour l'extraction des ressources désirées a façonné plusieurs formes d'interaction sociale dans les diverses communautés.
    Pouvez-vous nous dire comment les sociétés qui dépendent des sociétés minières et de leurs technologies ont été influencées négativement par ces technologies qui sont en fait censées les aider?
    Je vous remercie.
    J'ai participé à des recherches, mais je ne voulais pas laisser entendre que la technologie venait toujours d'ailleurs. Au contraire, nous avons travaillé à des projets de recherche dans le cadre desquels on a pu constater l'inventivité des technologies en Afrique, par des Africains.
    Dans le domaine minier, il est intéressant de voir que certaines technologies utilisées dans des activités de grande et de moyenne envergures peuvent être non seulement concurrentielles, mais aussi complémentaires, et c'est une chose à laquelle nous devrions tous penser davantage.
    Il s'agit d'un domaine dans lequel j'ai fait ma propre recherche. Parfois, ces formes d'activités minières sont perçues comme étant complètement contradictoires. Je vous dirais que, comme des gagne-pain sont en jeu, on devrait accorder plus d'attention à l'assignation des corps de minerai et aux décisions, à savoir quelle activité minière se prête mieux à certaines parties des corps de minerai. Il faudrait aussi tenir compte des activités minières de grande envergure qui peuvent avoir lieu pour certaines parties du corps de minerai, alors que des activités minières supplémentaires ou de moyenne envergure pourraient s'appliquer à d'autres. Je crois qu'il faut chercher les complémentarités qui donneraient lieu à plus de formes de subsistance à partir d'activités minières de petite envergure.
    Le Burkina Faso pourrait nous aider, parce qu'il a adopté une réglementation qui rend les activités minières artisanales légales. Il y a beaucoup de travail à faire, mais les activités minières de grande envergure, ou les activités minières canadiennes, n'ont pas nécessairement à mener à l'élimination d'autres formes d'activités minières; elles peuvent avoir lieu en parallèle ou de façon complémentaire.
    Je crois que Mme Groghué a une question rapidement avant que nous...

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour et merci, madame Luning. Vous avez souligné l'importance du maintien des accords bilatéraux publics en ce qui concerne le développement de façon générale, et plus particulièrement au Burkina Faso puisque c'est un secteur que vous connaissez bien. Vous avez également dit que les projets privés doivent être réglementés et souligné l'importance d'une réglementation. Auriez-vous des propositions de cadre légal à faire à ce comité? De quelle façon ce cadre légal pourrait-il être construit?

[Traduction]

    J'ai parlé du rapport de 2002 du programme MMDD, qui contient de bons exemples de cadres. Il s'agit du fruit de nombreuses années d'efforts. Nous voyons 10 ans plus tard que certains de ces éléments existent toujours — je pense en particulier à l'amélioration de la réglementation concernant les indemnités pour l'utilisation des terres — et ne sont toujours pas adoptés. Je peux vous renvoyer à ce rapport.
    Aussi, nous devrions tous mieux utiliser les connaissances qui sont acquises — elles ne devraient pas servir de paperasserie, mais donner lieu à des actions.
    Merci beaucoup, madame. Nous vous remercions d'être restée debout aussi tard chez vous pour vous adresser à nous. Sur ce, nous allons faire une courte pause.
     Encore une fois, merci, madame.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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