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D'entrée de jeu, il faut vous dire que le Conseil canadien de la coopération et de la mutualité ne peut honnêtement évaluer les répercussions de la présente Feuille de route, puisque les coopératives n'ont pas pu être partenaires dans le déploiement de cette Feuille de route. Nous avons plaidé en faveur de l'intégration dans cette présente Feuille de route d'un volet d'importance sur le développement économique, mais notre recommandation est restée lettre morte.
Nous revenons encore aujourd'hui devant vous pour vous proposer l'instauration d'un volet en développement économique dans la prochaine Feuille de route. Notre argumentaire est simple: si les membres des communautés francophones en situation minoritaire et les Acadiens ne peuvent faire leurs affaires dans leur langue, ils seront voués lentement, mais très certainement, à l'assimilation.
Tout doit pouvoir se discuter et être choisi en français, que ce soit les finances de la famille ou de l'entreprise familiale ou encore les diverses transactions nécessaires à la vie courante, comme les besoins juridiques, les soins médicaux et les paiements de taxes et d'impôt. Autrement, on perd vite les termes qui soutiennent ces notions dans notre langue maternelle.
Depuis plus de 100 ans déjà, les coopératives sont des acteurs d'importance dans le maintien, la consolidation et le développement des communautés francophones et acadienne. Elles ont joué un rôle essentiel pour assurer leur cohésion et leur intégration dans l'activité économique canadienne.
Certaines de ces expériences sont bien documentées. On peut donner l'exemple de la région Évangéline, à l'Île-du-Prince-Édouard, ou encore celui de l'île Lamèque et de l'île Miscou, au Nouveau-Brunswick. En fait, la formule coopérative a permis à ces communautés de vivre et de travailler dans leur langue maternelle, par l'instauration de mesures affermissant l'usage de leur langue dans tous les secteurs d'activité. Elle a permis à ces communautés de conserver et de soutenir leur dynamisme, de les organiser et de leur permettre de vivre sur la terre qu'elles ont choisie.
Le développement coopératif est un modèle d'affaires sérieux, efficace, transparent et démocratique. Contrairement à l'entrepreneuriat individuel, c'est une entreprise collective qui est très mal connue. Elle peut être présentée comme une solution de rechange à une possible aventure entrepreneuriale.
La solidité de son modèle n'est plus à prouver. Une analyse du taux de survie des coopératives, réalisée par le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation du Québec en 2008, démontre que le taux de survie des coopératives dépasse largement celui des entreprises privées québécoises. En effet, quatre coopératives sur dix franchissent le cap des dix ans, alors que seulement deux entreprises du Québec sur dix atteignent cet âge.
Cela dit, les coopératives ne sont pas seulement une autre manière de faire des affaires, mais un modèle fondé sur des valeurs. Ce modèle peut s'adapter à tous les secteurs d'activité et à des entreprises de toutes les tailles. Au moment où une grande partie de la population de la terre s'indigne, les coopératives peuvent offrir de nouvelles solutions de développement économique durable et près des besoins des communautés.
De plus, le gouvernement canadien déploie actuellement des efforts importants pour renforcer l'économie canadienne et permettre la naissance de nouvelles entreprises. Dans ce cadre, il pourrait choisir de collaborer étroitement avec le mouvement coopératif pour l'élaboration de solutions novatrices et durables.
Notre engagement envers le développement coopératif est soutenu depuis quelques années par un programme provenant d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Il est doublé concrètement par les efforts des coopératives existantes. Vous trouverez d'ailleurs quelques chiffres et quelques résultats concrets dans le document qui vous a été distribué.
Le Secrétariat aux affaires rurales et aux coopératives de ce ministère nous sert de porte d'entrée au gouvernement du Canada pour toute question relative au mouvement coopératif. Le secrétariat a été récemment invité à se joindre à la table des ministères travaillant sur la nouvelle Feuille de route. Nous sommes heureux de soutenir ses efforts et nous espérons que le rapport participe à la reconnaissance du mouvement coopératif comme un acteur incontournable dans un volet de développement économique qui serait inséré au sein de la Feuille de route.
Finalement, nous soutenons la mise en place d'une table de concertation pancanadienne élargie en vue de l'élaboration d'une politique nationale de développement économique et social cohérente, à laquelle le mouvement coopératif serait invité à participer. Nous croyons aussi que la formule coopérative doit être reconnue comme un outil de développement économique, soit un modèle d'affaires incontournable, entre autres pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Nous vous remercions de votre attention.
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Monsieur le président, membres du comité et chers partenaires ici présents, au nom du conseil d'administration du RDEE Canada, soit le Réseau de développement économique et d'employabilité, de mon cogestionnaire et membre du conseil d'administration, l'honorable Guy Le Blanc, et en mon nom personnel, je tiens à vous remercier de nous permettre de nous présenter devant vous aujourd'hui pour vous faire part des initiatives ainsi que des résultats remarquables du RDEE Canada et de son réseau rendus possibles grâce à diverses contributions du gouvernement fédéral.
À la suite de notre présentation, le comité sera à même de constater que l'alliance du RDEE Canada et de ses partenaires a permis de respecter l'engagement du gouvernement du Canada dans le cadre de la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne en assurant la pérennité de nos communautés francophones et acadienne, ce qui a eu comme effet de favoriser l'essor économique du Canada.
Permettez-moi de vous présenter notre réseau. Le RDEE Canada, le bureau national, travaille de concert avec des organismes provinciaux et territoriaux, soit les 12 RDEE répartis sur l'ensemble du Canada, pour appuyer l'épanouissement et le développement économique des communautés francophones et acadienne en situation minoritaire. Les RDEE comptent plus de 130 employés, dont 100 agents de développement. Tous ces organismes, grâce au fait qu'ils sont à but non lucratif, sont indépendants. Certains d'entre eux s'activent en particulier dans le créneau du développement de l'employabilité et d'autres oeuvrent en plus dans le créneau de l'entrepreneuriat. En fonction du financement que ces RDEE reçoivent, notre réseau se donne comme mandat de renforcer la capacité des communautés d'établir et de soutenir une économie locale viable et durable.
Par conséquent, le développement économique communautaire accroît la disposition des communautés à réagir et s'adapter aux changements économiques. Il favorise également l'intégration d'objectifs à la fois économiques et sociaux, et ce, dans le cadre stratégique dont nous nous sommes dotés dès le départ, il y a maintenant plus de 13 ans. Ce cadre stratégique de développement économique communautaire sert de toile de fond à la réalisation de notre planification. Il comprend deux thèmes: le développement des capacités économiques et le développement des capacités humaines.
Sachez que RDEE Canada reçoit la majeure partie de son financement par l'entremise du Fonds d’habilitation pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, une contribution financière octroyée par l'entremise de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Ce fonds est l'un des volets de la stratégie mise en oeuvre par le gouvernement du Canada pour renforcer la dualité linguistique au sein de la société canadienne. Pour les Canadiens, cela représente un appui continu au développement de l'économie et du marché du travail dans les communautés en situation minoritaire. Cela se fait au moyen de partenariats, de plans de développement et du renforcement des capacités. Le fonds d'habilitation constitue en moyenne 54 p. 100 du financement total de notre réseau, ce qui représente environ 9 millions de dollars par année. Les autres sommes proviennent de DEO, de l'APECA et d'autres sources fédérales ainsi que des RDEE eux-mêmes et de certaines agences provinciales et territoriales.
Malheureusement, le financement doit être renouvelé d'année en année. C'est donc dire qu'aucune stabilité ne nous est donnée en garantie. Les fonds versés par notre principal bailleur de fonds ne permettent malheureusement pas à l'ensemble de nos RDEE provinciaux et territoriaux d'offrir des services et de l'appui aux entreprises qui démarrent ou même qui existent déjà, en l'occurrence pour le développement des capacités économiques, ainsi qu'aux industries et aux secteurs économiques. Son objectif est de renforcer les capacités des communautés dans le secteur du développement des ressources humaines, donc de l'employabilité, ce qui couvre une partie seulement des secteurs que nous devons appuyer.
Au RDEE Canada, nous avons complété cette année 13 années de mise en oeuvre du protocole d'entente conclu entre le gouvernement du Canada, représenté par plusieurs ministres, et RDEE Canada, qui représente les communautés francophones et acadienne. Vous comprendrez donc que notre comité national est un instrument visant à rapprocher les communautés minoritaires francophones et le gouvernement du Canada. Par l'entremise de ce comité, RDEE Canada veut conseiller les ministres et les ministères sur les politiques, les programmes et les services gouvernementaux afin qu'ils répondent mieux aux besoins de nos communautés en matière de développement économique et d'employabilité. Ce comité devrait nous aider à diversifier nos sources de financement.
Avec les années et les efforts, ce comité national nous a permis de changer en partie la culture, de renforcer les assises économiques des communautés francophones et acadienne, ce qui est indispensable à l'avenir de celles-ci, et d'accomplir d'importants progrès dans toutes les régions de notre pays.
Il est important de souligner le rôle du RDEE Canada. Nous sommes le chef de file en matière de développement économique communautaire dans les communautés francophones et acadienne en situation minoritaire. Nous offrons à nos RDEE provinciaux et territoriaux une gamme importante de services, d'appuis et d'interventions afin de soutenir leurs actions.
Les activités stratégiques du RDEE Canada sont les suivantes: la concertation, les communications, la recherche et l'analyse, l'excellence professionnelle, le financement et l'alliance stratégique.
Au cours des dernières années, nous avons pu compter sur d'autres partenaires, comme Citoyenneté et Immigration Canada, qui nous a appuyés relativement à l'élaboration d'une stratégie en immigration économique.
Notre réseau obtient donc beaucoup de succès dans les communautés francophones et acadienne de partout au Canada. Notre travail produit des résultats concrets et tangibles pour le développement économique de l'ensemble du pays. Il nous permet aussi de démontrer non seulement qu'il est possible de faire des affaires en français partout au pays, mais aussi que nos communautés sont dynamiques sur le plan économique.
Notre réseau travaille avec le gouvernement du Canada pour l'épanouissement de nos communautés francophones au Canada et influence le sort de l'économie canadienne. Soyez assurés que nous faisons du développement économique une priorité dans nos communautés. Nous espérons que les recommandations du Comité permanent des langues officielles permettront de reconnaître notre réseau comme étant un chef de file en matière de développement économique communautaire.
Messieurs, mesdames, je vous remercie de votre attention.
Monsieur Le Blanc ainsi que moi-même sommes disposés à répondre à vos questions.
Bonjour à tous. Je suis très content d'être de nouveau parmi vous. Je ne ferai pas une lecture mot à mot du petit document qu'on a déposé et qui n'était qu'en français. C'est la beauté du Canada: on a le droit d'avoir des institutions homogènes. En ce sens, on est conforme à cette philosophie.
Comme toile de fond, j'aimerais qu'on garde en tête la question suivante: tous les efforts et tous les gains extraordinaires que nous faisons depuis de nombreuses années sont-ils suffisants, compte tenu de l'érosion permanente qui se perpétue? On gagne et on perd à la fois. Vous allez voir en cours de route que même le Nouveau-Brunswick, qui est censé être un paradis linguistique, n'est pas si paradisiaque. Nous avons nos propres difficultés, qui sont inquiétantes.
Je représente la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick, qui regroupe une trentaine d'organismes acadiens et environ 20 000 membres individuels. Je suis président de cette organisation depuis trois ans et demi, et mon mandat va se terminer en juin prochain. Ce que nous tenons à affirmer est en quelque sorte une déclaration d'amour. Nous aimons ce pays, notre province, notre communauté, notre peuple. C'est ce qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd'hui.
Je vis à Moncton et, selon moi, cette ville est un format miniature du Nouveau-Brunswick. Si nous réussissons à vivre en harmonie sur le plan linguistique, au Nouveau-Brunswick, qui est une version miniature du Canada, je crois que nous avons d'importantes responsabilités. Nous voyons les choses dans cette perspective. Ce n'est pas encore fait, mais nous y travaillons et ça avance énormément.
Pour ce qui est du concept des deux peuples fondateurs, il ne faut pas oublier les Premières nations. J'ai toujours pensé qu'on devrait établir le trilinguisme et le triculturalisme. En fait, pourquoi pas du quadri ou du multi? Quoi qu'il en soit, on tient beaucoup au concept des deux peuples fondateurs. Quand je fais des énoncés de ce genre, il faut considérer cela comme un groupe. Si le français se perd au Canada, nous sommes tous responsables. Ça voudra dire que nous n'avons pas bien fait notre travail et qu'il faut accepter de remettre en question nos approches.
Il y a des gains, mais il y a aussi des pertes. Faisons en sorte que ce pays ne devienne pas les deuxièmes États-Unis unilingues anglais. Pour ma part, je trouve que le fait d'avoir au moins deux langues officielles est une richesse pour ce pays et que nous devons continuer à faire les efforts nécessaires pour nous assurer d'avancer plutôt que de reculer. À l'heure actuelle, il y a 2,5 millions de francophones et d'Acadiens à l'extérieur du Québec. Il est certain que sans le soutien du fédéral, nous n'aurions jamais pu nous rendre là où nous sommes aujourd'hui.
Quant à savoir si nous sommes rendus aussi loin que nous devrions l'être, je n'en suis pas convaincu, mais c'est quand même une avancée notable, pour ne pas dire notoire. L'Université de Moncton n'aurait jamais pu exister sans le fédéralisme bilingue canadien, et ainsi de suite. Nous sommes extrêmement reconnaissants de tout cela. La Feuille de route nous a permis de mener des batailles dans le domaine de la santé. Parfois, nous sommes obligés — et nous le faisons à contrecoeur — d'entamer des procédures juridiques. Nous avons entre autres mené un grand débat, ces dernières années, pour tenter de retrouver notre droit de gouvernance acadienne en matière de santé. Nous y sommes arrivés sans avoir à mener une bataille complète devant les tribunaux.
Toujours être obligé de se battre, c'est tristounet, mais manifestement, tant que nous voudrons vivre en français en Amérique du Nord, ça restera un combat. Il faut le reconnaître. Par contre, il est certain que si on pouvait faire en sorte que ce combat soit plus facile pour nous, ce serait grandement apprécié.
Du côté de la gestion communautaire, nous sommes parvenus à faire accepter à notre gouvernement que le nouveau conseil d'administration compte huit élus et sept personnes nommées. Nous aurions préféré que ce soit neuf élus et six personnes nommées, de façon à avoir une majorité plus forte, mais notre ministre se réserve le droit, en cas de démission, de nommer elle-même les personnes qui remplacent celles qui ont démissionné, même s'il s'agit d'élus. Après six mois, il est donc tout à fait possible que nous nous retrouvions avec un nouveau conseil d'administration formé majoritairement de personnes ayant fait l'objet d'une nomination politique. Nous pensons pour notre part que ça pourrait se faire sous forme de consultation. Tout ça pour dire que ça fait partie de notre quotidien.
La Feuille de route nous a aussi permis une autre réalisation. Le Nouveau-Brunswick est peut-être le royaume des radios communautaires. J'ai eu le bonheur, en 1989, d'être le président fondateur de CJSE, du côté de Shediac. En ce sens, le gouvernement fédéral a été très utile. Je souhaiterais que cet outil se répande partout. Dans la région du sud-est, lorsque la Société Radio-Canada était la seule à diffuser des émissions en français, uniquement 5 p. 100 des francophones écoutaient la radio en français, mais maintenant, 70 p. 100 des Acadiens le font. Ce sont des outils extrêmement importants pour l'Acadie, et qui doivent se perpétuer. Les radios communautaires permettent à la population de s'entendre, de rêver, de faire des projets, de témoigner de ses succès. Du point de vue de la création artistique, cela a été extraordinaire.
Sur le plan de l'immigration, grâce à une intervention de l'ex-premier ministre Bernard Lord il y a quatre ans, nous avons eu un fonds spécial de 10 millions de dollars répartis sur cinq ans pour l'immigration francophone. Malheureusement, le Nouveau-Brunswick n'est pas une province qui accueille. C'est plutôt une province qui se vide au profit de nos amis de l'Ontario et de l'Alberta. On a beaucoup de difficulté à retenir les gens. Bien sûr, même si cela a été intégré à la Feuille de route, nous n'aurons pas terminé le travail dans deux ans. En ce sens, nous souhaitons qu'un tel programme soit reconduit.
Le seul problème est que depuis 2001, soit depuis 10 ans, les fonds de base de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick sont les mêmes. Qui plus est, si on considère l'inflation qui a une moyenne de 2,2 p. 100, on se retrouve avec à peu près 30 p. 100 moins de revenus. Ainsi, notre organisme n'a même pas d'agent de recherche ni d'agent de communication. Puisque mon directeur général et moi-même sommes d'anciens journalistes, nous compensons cette lacune. Toutefois, il n'est pas normal qu'un organisme de peuple comme le nôtre n'ait pas d'agent de communication ni d'agent de recherche. Pour cette raison, plus d'argent serait nécessaire.
On parle du paradis linguistique qu'est le Nouveau-Brunswick, or j'ai constaté ce matin que dans le sud du Nouveau-Brunswick, 1 650 enfants francophones — 650 à Saint John, 500 à Fredericton, 500 à Moncton —, des ayants droit, n'ont pas accès à une école française. À mon avis, il est incroyable qu'en 2011, 1 650 enfants qui sont des ayants droit n'aient pas accès à une école française. Actuellement, il n'y a plus de place dans les écoles et les centres communautaires; ils débordent. C'est le cas même à Fredericton, la capitale, et à Moncton, où il est question de 500 enfants. Cette situation devient urgente pour nous. C'est pourquoi nous ne pouvons que souhaiter que le gouvernement fédéral continue à encourager les gouvernements provinciaux à s'occuper de l'éducation. On sait que l'éducation est de compétence provinciale, mais il reste que c'est la base de tout. Sans éducation, on n'avance pas.
Il y a un autre drame au Nouveau-Brunswick. Malheureusement, je suis obligé d'être pessimiste, il faut dire les vraies choses. Pour la première fois au Nouveau-Brunswick, la proportion de familles ayant le français comme première langue parlée à la maison vient de passer à moins de 30 p. 100. Cela nous inquiète. Pour la première fois, le taux d'assimilation est dans les deux chiffres: il est passé de 9 à 11 p. 100.
C'est pour cela que je dis que nous devons avoir une prise de conscience collective, tous ensemble. Nous avons des responsabilités. Tout cela démontre que nous ne faisons pas notre travail. Ce ne sont pas tant les autres. Regardons-nous nous-mêmes. En tant que président de la SANB, j'en suis désolé et déstabilisé. Les députés, les ministres, les premiers ministres, les hauts fonctionnaires, les commissaires aux langues officielles nous disent depuis 10 ans que pour que la dualité s'installe dans ce pays, il doivent être eux-mêmes des champions de la dualité linguistique au Canada. Il faut qu'ils soient porteurs de cette fierté.
Je pourrais parler des taux d'alphabétisation. Je pensais que j'avais des propositions originales. Toutefois, j'espère qu'elles ne le sont pas. J'espère que mes idées sont partagées et qu'elles existaient déjà dans le passé. Je pensais que j'avais une proposition originale, mais semble-t-il qu'on en discute déjà, et j'en suis fier.
Je pense que dans ce pays, on doit avoir des programmes de bilinguisation des diplômés universitaires canadiens, et la Feuille de route devrait en tenir compte. N'attendons pas que ces derniers arrivent à Ottawa pour constater qu'ils sont unilingues, comme notre ami Michael Ferguson, qui est pourtant marié à une Acadienne. Manifestement, c'est lui qui porte les culottes à la maison, puisqu'il n'a pas appris notre langue, ce qui est malheureux. Je préfère Mark Carney, ou M. Paulson qui vient d'être nommé commissaire de la GRC. Il y en a des merveilleux anglophones parfaitement bilingues. Il y a aussi de merveilleux francophones. C'est pourquoi je propose de commencer tôt. N'attendons pas qu'ils arrivent à Ottawa et qu'ils accèdent à des postes importants, surtout s'ils ont l'intention de travailler dans les fonctions publiques, par exemple dans celle du Nouveau-Brunswick. En ce sens, la petite enfance devient pour nous quelque chose d'important.
Pour ce qui est de l'autre proposition, je ne sais pas si elle est originale. Tout à l'heure, je vous disais qu'en 10 ans, nous avons perdu 30 p. 100 de nos revenus, si l'on tient compte du taux d'inflation. Nous nous sommes battus dans les années 1990 pour obtenir un financement pluriannuel. Nous remercions le gouvernement fédéral d'avoir répondu à notre demande. Toutefois, nous avons oublié de négocier pour que ces fonds soient indexés au coût de la vie, ce qui nous aurait évité de nous retrouver, 10 ans plus tard, avec 30 p. 100 de revenus en moins. Ainsi, on souhaite énormément voir la Feuille de route être reconduite et inclure une clause en vertu de laquelle les fonds seront indexés au coût de la vie, pour qu'ils reflètent la réalité. Sinon, nous serons perdants, au bout du compte.
Une autre idée originale est aussi en train de faire son chemin au gouvernement fédéral, selon mes informations. Il s'agit d'aider notre communauté à améliorer sa capacité d'autofinancement en créant des fonds de fiducie. Je vous encourage fortement à relire le rapport que feu le sénateur Jean-Marie Simard a écrit à la fin des années 1990. Il prônait justement la création de fonds de fiducie pour les organismes en situation minoritaire, ce qui leur donnerait une plus grande indépendance et plus d'argent, et une façon plus pérenne de mener leurs dossiers. Semble-t-il que cette idée circule à Ottawa.
Par contre, si elle parvient jusqu'ici et que le gouvernement fédéral décide d'investir un dollar pour chaque contribution d'un dollar que nous ferons, il ne faudra pas que cela devienne un prétexte du gouvernement pour encourager l'autofinancement et, du même souffle, se décharger de ses responsabilités et se mettre à sabrer dans le financement de base. Nous sommes bien prêts à fournir notre part d'efforts pour mieux financer nos organismes, mais il ne faudrait pas pour autant nous faire payer le prix de coupes qui résulteraient de cela.
Tout ça pour dire que nous aimons vivre dans ce pays comme Canadiens, comme francophones et spécialement comme Acadiens, n'est-ce pas, Guy? Je pense que d'être Acadien est la meilleure façon pour nous de contribuer à la mosaïque culturelle de ce pays. Nous avons envie de continuer à vivre longtemps comme Acadiens, mais en français.
Je vous remercie de l'attention que vous avez portée à mon petit exposé.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à chacun de vous à notre Comité permanent des langues officielles dont la séance porte sur l'étude de la Feuille de route.
Comme vous le savez, la Feuille de route existe depuis plusieurs années. Elle a été reconduite. La présente étude vise à déterminer s'il va y avoir une Feuille de route en 2014. Nous voulons savoir si vous recommandez qu'il y ait une Feuille de route en 2014. Ce sont les questions qu'il faut se poser.
Je ne m'adresserai peut-être pas à chaque groupe, puisque certains de mes collègues vont poser des questions à différents groupes.
Parlons du leadership du gouvernement. Monsieur Nadeau, vous en avez parlé, ce qui m'amène à en parler aussi, car c'est un sujet chaud ici, à Ottawa. On a un gouvernement qui nomme en poste une personne unilingue. Or, des 33 millions de personnes au Canada, il n'y a certainement pas seulement un comptable. Avec tout le respect que j'ai pour l'ancienne vérificatrice générale, je lui ai dit que ce n'était pas le vérificateur ou la vérificatrice qui faisait fonctionner la machine à additionner. On dit que ça prend un comptable, et qu'on ne peut pas en trouver d'autres que M. Ferguson. Pourtant, un vérificateur doit s'occuper de toute la machine au complet. Comment un vérificateur qui est incapable de s'exprimer dans l'une des deux langues officielles, qui est incapable de s'adresser aux francophones, va-t-il livrer le rapport de ses constats? Une fois que le Bureau du vérificateur général aura fait son travail et qu'il aura trouvé les problèmes aussi bien que les recommandations à faire, comment le vérificateur pourra-t-il s'adresser au public?
Monsieur Nadeau, vous dites que les deux langues devraient être apprises dans les établissements postsecondaires, et que les gens devraient les apprendre avant de venir à Ottawa. Or, le gouvernement, qui continue à nommer des personnes unilingues à ces postes, n'envoie-t-il pas à ces institutions un message disant qu'elles n'ont pas besoin de faire apprendre les deux langues officielles aux professionnels qui veulent travailler dans la fonction publique? En effet, le gouvernement ne le demande pas. Ne pensez-vous pas que le gouvernement devrait faire preuve de leadership et montrer que dans ce pays où il y a deux peuples fondateurs — en plus des Autochtones, ne les oublions pas — et deux langues officielles, soit le français et l'anglais, certains postes ne peuvent simplement pas être pourvus par des personnes unilingues?
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie d'être ici ce matin.
Dernièrement, le monde a vécu le fameux mouvement Occupy, qui est, selon moi, le reflet d'un grand malaise quant à l'évolution de nos sociétés. Toutes les statistiques, mêmes les statistiques canadiennes, démontrent que les riches deviennent plus riches et que l'écart entre les riches et les pauvres s'agrandit. Ce matin, après avoir entendu les représentants du mouvement coopératif et du RDEE, j'ai envie de faire un voeu. Je vais vous demander de coopérer, car je crois que le mouvement coopératif est une solution à long terme à ce malaise.
Hier, malheureusement, le Parlement a aboli une grande coopérative de l'Ouest canadien. La majorité conservatrice a décidé de mettre fin à la Commission canadienne du blé, ce qui a porté un grand coup. Au chapitre de la francophonie canadienne, je souhaite que vos deux organismes puissent travailler ensemble. Bien que ce soit quelque chose que je n'ai pas vu dans le passé, je vais quand même faire ce voeu.
Je ne dispose que de peu de temps de parole, car je n'ai qu'une seule occasion de m'exprimer. Ce matin, je dois régler des choses sur le plan administratif. M. Nadeau a soulevé le sujet de l'immigration. Lors de la dernière réunion du comité, j'ai dit que j'avais l'intention de proposer deux résolutions, ce que j'ai fait.
La première résolution voulait que le comité reprenne son rapport sur l'immigration qui a été fait au cours de la législature précédente et pour lequel vous avez joué un rôle considérable au sujet de la situation au Nouveau-Brunswick. J'en ai fait la proposition.
J'avais l'intention de mettre en avant ces deux résolutions, comme je l'ai dit lors de la réunion publique. Or ce qui devait se produire s'est produit, c'est-à-dire que la majorité conservatrice a demandé le huis clos. J'avais fait cette déclaration lors de mon tour de parole. Je fais la même chose ce matin, je répète ce que j'avais dit à ce moment. Effectivement, comme la séance du comité s'est poursuivie à huis clos, je ne peux pas vous parler de ce qui s'est produit, mais je peux vous donner le résultat de cette réunion à huis clos: deux résolutions ont été rejetées, mais je ne peux pas vous dire lesquelles.
En dernier lieu, j'aimerais faire une demande de renseignements à notre recherchiste.
On a entendu, à quelques reprises, des commentaires soutenant que la Feuille de route avait majoré l'enveloppe budgétaire de 40 p. 100. Dans un sens, c'est probablement vrai, mais dans un autre, c'est peut-être mal informer les gens. J'aimerais qu'on prépare un document, pour tout le monde, qui parle du Plan d'action pour les langues officielle et de son financement, mais de façon annuelle. De mémoire, je crois que le financement du plan d'action augmentait d'année en année, et que le financement était de plus de 200 millions de dollars à la dernière année du plan d'action. Si, par exemple, on ajoutait à cela le RDEE, qui s'était rattaché à ce moment-là, et d'autres, le financement dépassait largement le montant de 200 millions de dollars. Je pense qu'il était de 230 millions de dollars, mais il faudrait vérifier. Alors, si on prend 230 millions de dollars et qu'on multiplie par cinq, ça donne 1,1 milliard de dollars. On pourrait donc argué qu'il n'y a pas eu de majoration, comme M. Nadeau le disait.
J'aimerais aussi savoir, à partir des documents qu'on a reçus jusqu'ici de Patrimoine canadien, combien d'argent n'a pas été dépensé annuellement depuis la mise en place de la Feuille de route. Cela nous permettrait de savoir quels sont les chiffres véritables. Si c'était possible d'avoir un tel document pour tous les membres du comité et le public, je pense que ce serait très utile, monsieur le président.
Finalement, j'aimerais vous faire part d'une préoccupation. Je ne sais pas comment on réussira à aller chercher ces renseignements, mais la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne, la FCFA, a fait un commentaire assez préoccupant, la semaine dernière. Elle a dit que la fédération soupçonne — ce n'est pas une accusation — que des programmes existants ont été éliminés ou retranchés, parce que la Feuille de route est maintenant répartie dans 15 ministères et que certains de ces ministères, en recevant de l'argent de la Feuille de route, auraient retiré de l'argent des programmes existants.
Comment va-t-on pouvoir, de façon légitime, déterminer si c'est vrai ou pas?
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Veuillez m'excuser, je suis probablement le seul anglophone ici présent. Même si je ne suis pas considéré comme bilingue au Canada, je parle cinq autres langues. Je vous présente donc mes excuses.
Selon moi, la préservation, la protection, la mise en valeur et le maintien d'une langue seconde devraient réellement résulter d'intérêts commerciaux, et non d'un besoin et d'une volonté politiques.
Je vous donnerai un exemple. Il y a une vingtaine d'années, je me suis rendu à Grand Manan et j'ai voulu acheter de la dulce. Mais comme on n'y parlait que français, j'ai essayé d'employer mes quelques connaissances dans cette langue. J'ai ainsi réalisé qu'au cours de mes pérégrinations autour du monde — au Moyen-Orient, en Asie et ailleurs —, je m'efforce d'utiliser la langue du pays, peu importe où je me trouve. Au Moyen-Orient, j'apprends l'arabe, et en Asie, je parle trois autres langues asiatiques.
Il importe donc de comprendre que dans une société diversifiée comme celle du Canada, il ne faut pas favoriser seulement l'usage du français et de l'anglais, car on se limite ainsi à transiger avec des anglophones. Or, un immense marché s'offre à vous en Asie, particulièrement pour toutes les ressources naturelles que recèle le Nouveau-Brunswick.
Je considère qu'il faudrait élargir nos horizons et commencer à faire des affaires dans d'autres langues utiles pour vos marchés. Le facteur déterminant devrait être une considération commerciale et non une décision politique.
Voulez-vous répondre à cette proposition? Il est peut-être temps pour les Acadiens d'apprendre le chinois ou le japonais.
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Il ne nous reste plus qu'à parler arabe. Je me demande comment cela se dirait.
[Français]
La promotion du bilinguisme ne devrait pas uniquement reposer sur des besoins commerciaux au Canada. Si cette question relève exclusivement des exigences commerciales, on deviendra un pays unilingue anglais plus vite qu'on ne le pense, tout comme les États-Unis. Il faut faire attention à cela.
Cependant, ce n'est pas parce qu'ils font du commerce que les gens d'affaires sont des dieux. Quand Staples fait des publicités à la télévision au Québec, c'est sous la bannière de Bureau en gros. Chez nous, nous ne savons pas que c'est affilié à Staples, donc cette compagnie perd de l'argent. Quand Pharmaprix fait de la publicité à la télévision nationale francophone de Radio-Canada, notamment, cette compagnie perd de l'argent en Acadie, car chez nous, il s'agit de Shoppers Drug Mart.
S'il y a une chose que ce comité peut faire, c'est de conscientiser un peu les gens. Les gens d'affaires anglophones perdent de l'argent auprès de 2,5 millions de personnes. Ce serait surprenant qu'ils puissent se débarrasser de 2,5 millions de consommateurs, y compris le Manitoba et la Saskatchewan, et que cela n'ait aucune importance pour leur chiffre d'affaires. S'ils veulent rejoindre les gens, il faut qu'ils leur parlent dans leur langue. On considère trop souvent le reste du Canada comme si c'était une population homogène anglophone. Je pense qu'un comité comme celui-ci a une responsabilité quant à l'éducation populaire.
Actuellement, chez nous, il y a la question d'affichage, par exemple. Certains disent que l'affichage n'est pas important. Toutefois, si ta langue n'est pas exposée dans la rue, si ta langue est bonne uniquement pour ta chambre ou ta salle de bain, comment peux-tu développer une certaine fierté ou un renforcement identitaire? Là aussi, je pense qu'on devrait avoir une stratégie canadienne qui pourrait simplement dire que le bilinguisme est plaisant. Le bilinguisme rapporte de l'argent et il y a moyen de faire de l'argent aussi en français.
Je dévie de ma présentation, mais on a aussi essayé de créer une mission au Québec et d'aller rencontrer les entreprises québécoises comme Cora, qui s'appelle aussi Cora chez nous. Lorsque Cora est venu s'installer à Moncton de façon unilingue anglaise, c'était complètement aberrant. Il y a de l'éducation à faire, et je pense qu'un comité comme celui-ci a une responsabilité collective de créer des interactions entre les francophones et les anglophones au sein du Canada.
Capitalisons au moins sur ces deux langues et il n'y aura pas de problème. Je parle presque quatre langues. C'est peut-être moins bien que M. Lueng qui en parle cinq. Quoi qu'il en soit, je pense qu'on doit éviter de donner des mauvais exemples.