Nous tenons la deuxième réunion du Comité permanent de la défense nationale. À titre informatif, nous sommes en séance publique.
Nous continuons nos séances d'information sur la situation en Libye.
Nous accueillons aujourd'hui l'ambassadrice du Canada en Libye, Son Excellence Mme Sandra McCardell.
Nous avons également parmi nous des représentants du ministère de la Défense nationale: le major-général Jonathan Vance, la sous-ministre adjointe des politiques, Mme Jill Sinclair, et le capitaine Geneviève Bernatchez, juge-avocat général adjoint des opérations.
Ensuite, nous accueillons une représentante du MAECI: Mme Marie Gervais-Vidricaire, directrice générale du Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction.
Nous entendrons également des représentants de l'ACDI: Mme Leslie Norton, directrice générale de la Direction de l'assistance humanitaire internationale, Direction générale des programmes multilatéraux et mondiaux, et M. Bob Johnston, directeur général régional pour l'Europe, le Moyen-Orient, le Maghreb, l'Afghanistan et le Pakistan.
Je vous souhaite tous à nouveau la bienvenue au comité. Nous avons hâte d'entendre vos observations et de savoir comment vont les choses.
Cela dit, nous entendrons tout d'abord l'ambassadrice du Canada, Mme McCardell.
Membres du comité, je suis très heureuse de vous rencontrer aujourd’hui dans le contexte d’une Libye qui a beaucoup changé depuis nos débats informels qui ont eu lieu il y a à peine plus d’un mois. Notre attention était alors tournée vers le rythme et la direction du changement sur le terrain alors que nous étions encore à la recherche de mesures que pouvaient prendre le Canada et la communauté internationale afin d’améliorer la protection des civils en Libye à court et à long terme. Le point de basculement dont nous parlions était beaucoup plus près que la plupart d’entre nous osaient l’espérer: 10 jours après notre rencontre du 12 août, la majorité de la population libyenne, y compris les habitants de Tripoli, était libérée du contrôle du régime Kadhafi.
Depuis, le Canada a réagi rapidement par un certain nombre de mesures visant à appuyer la nouvelle Libye. Le 25 août, le Canada a accrédité le nouveau chargé d’affaires de la Libye désigné par le Conseil national de transition; il s’est aussi engagé à interagir avec le CNT en tant que gouvernement libyen jusqu’à ce qu’un gouvernement élu assume le pouvoir.
Le 1er septembre, le premier ministre Harper a participé à la Conférence de Paris sur la Libye où il a rencontré le président du comité exécutif du CNT, Mahmoud Jibril; il l’a directement informé de la levée des sanctions unilatérales imposées au gouvernement libyen dans le cadre de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Parallèlement, le Canada a fait des démarches auprès de l'ONU pour que le peuple libyen puisse avoir accès aux fonds gelés dans le cadre des sanctions multilatérales.
Après avoir reçu les autorisations nécessaires du Comité des sanctions des Nations Unies, le ministre Baird a annoncé, le 13 septembre, le dégel de tous les actifs libyens détenus au Canada et dans des établissements canadiens, qui sont évalués à près de 2,2 milliards de dollars. Aujourd’hui, le premier ministre participe à une réunion de haut niveau organisée par le Secrétaire général des Nations Unies pour coordonner l’aide internationale dans le cadre de la transition pilotée par la Libye.
[Français]
Outre le soutien à la Libye, le Canada vise également le retour des services complets aux Canadiens en Libye, y compris une aide aux entreprises canadiennes. À la suite d'une mission d'évaluation dirigée par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et le ministère de la Défense nationale, le Canada a rétabli sa présence diplomatique en Libye six mois et demi après avoir évacué tout le personnel et suspendu ses activités. L'ambassade continue actuellement ses activités dans des locaux temporaires en attendant la fin des travaux de réparation de la chancellerie. Dès qu'un niveau de sécurité adéquat sera atteint, nous serons en mesure de rouvrir nos bureaux dans le but de fournir des services complets aux Canadiens le plus rapidement possible.
[Traduction]
Vu le rôle du Canada dans la libération de la Libye et l’atmosphère riche de possibilités de l’après-Kadhafi, l’effectif de notre ambassade sera élargi pour accroître notre capacité d’analyse politique, d’engagement avec le CNT et de promotion des intérêts commerciaux du Canada. Nous examinons présentement des options visant à appuyer la transition de la Libye au moyen d’aide à la stabilisation ciblée. Un processus de consultations est en cours avec l’ONU et le CNT afin de s’assurer que la contribution canadienne soit coordonnée avec celle de nos partenaires internationaux et qu’elle réponde aux besoins identifiés par les Libyens eux-mêmes.
Des représentants du Canada communiquent régulièrement avec des sociétés qui exerçaient auparavant des activités en Libye, ou qui ont manifesté un intérêt en ce sens, pour discuter de la façon dont le gouvernement du Canada pourrait mieux servir leurs intérêts. Une reprise rapide de l’économie de la Libye et la construction et la reconstruction de l’infrastructure clé constituent d’importantes contributions à la stabilité et à la prospérité de la Libye à long terme.
[Français]
Faisant partie de la mission d'évaluation à Tripoli, j'ai pu constater personnellement les améliorations sur le terrain. Les embouteillages sont de retour à Tripoli: un double signe que les biens de première nécessité, comme le carburant, sont maintenant disponibles et que la population se sent assez en confiance pour sortir de son domicile.
L'atmosphère générale est presque festive, avec le drapeau de la nouvelle Libye flottant bien en vue partout dans la ville et les enfants comme les adultes arborant un tee-shirt et une casquette à rayures rouge, noir et vert. Vous constatez maintenant un degré de responsabilité civile: nettoyage des rues, distribution d'eau et de nourriture dans le voisinage lorsque les deux étaient rares, ce qui n'existait pas auparavant.
En dehors de certaines zones où se déroulaient des combats violents, comme à Misrata, la majeure partie de l'infrastructure est intacte. À Tripoli, la précision des frappes de l'OTAN au cours des derniers mois était évidente. Certains bâtiments administratifs ont été endommagés, mais guère plus.
Au grand bénéfice de la Libye, le pays profite d'une manne pétrolière qui lui sera d'une grande aide dans sa reconstruction. Bien qu'il y ait eu des dommages aux installations pétrolières, les réparations sont déjà commencées.
[Traduction]
Cependant, de véritables défis se profilent à l’horizon. Bon nombre des demandes quant à une meilleure qualité de vie qui ont précédé le conflit demeurent: meilleure éducation, meilleurs services médicaux et meilleurs emplois. Les attentes pour une amélioration rapide, après quatre décennies de stagnation, sont élevées.
Le CNT, qui a accompli un bon travail jusqu’à présent en maintenant l’ordre et en s’établissant lui-même comme nouveau gouvernement, doit maintenant aborder les questions essentielles dont nous avons discuté lors de notre précédente réunion: notamment, maintenir une cohésion parmi les éléments disparates et ceux ayant une ambition personnelle maintenant que l’objectif commun de débarrasser le pays de Kadhafi a été en grande partie réalisé; introduire la transparence, le respect pour les droits de la personne et la règle de droit dans un pays qui a peu d’expérience de la démocratie; réconcilier divers éléments et prévenir les représailles de sorte que tous puissent trouver leur avenir dans la nouvelle Libye; et prendre le contrôle de plusieurs milliers d’armes qui sont maintenant en circulation et des jeunes hommes qui les transportent — tout cela avec en toile de fond Kadhafi, qui demeure au large avec un degré d’influence inconnu.
Il s’agit d'obstacles importants. On ne peut sous-estimer l’importance de la façon de les surmonter puisque les mesures prises maintenant établiront l’histoire du pays pour les mois et les années à venir.
Pour conclure, je tiens à vous parler de la cote d’estime dont jouit le Canada en Libye à la suite de notre action décisive au sein de la mission de l’OTAN. Les gens que j’ai rencontrés à Tripoli ont souvent exprimé leur gratitude pour l’action décisive du Canada en appui à la révolution au cours des derniers mois. Le président du CNT, Mustafa Abdul Jalil, a fait mention des efforts du Canada au cours de sa première allocution publique de son retour à Tripoli. Vu l’appui quasi unanime du Parlement pour la participation du Canada au sein de l’opération Protecteur unifié, je tiens à vous transmettre ces remerciements.
:
Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de nous permettre de vous informer au sujet de l'opération Mobile, la contribution militaire du Canada aux efforts internationaux visant à intervenir dans la crise en Libye.
[Traduction]
Je suis le major-général Jonathan Vance, directeur d'état-major de l’État-major interarmées stratégique au Quartier général de la Défense nationale. La sous-ministre adjointe des politiques au ministère de la Défense nationale, Jill Sinclair, ainsi que le capitaine de vaisseau et juge-avocat général adjoint des opérations, Geneviève Bernatchez, m'accompagnent cet après-midi.
[Français]
Vous avez devant vous des diapositives qui décrivent la participation des Forces canadiennes à la mission de l'OTAN en Libye. Je vous décrirai nos contributions passées et actuelles à la mission, et nous répondrons ensuite avec plaisir à vos questions.
[Traduction]
Les diapositives 1 et 2 portent sur ce que j'appellerai maintenant le rôle des Forces canadiennes dans la crise en Libye.
[Français]
Je concentrerai mes commentaires sur les aspects militaires de l'apport international.
En février de cette année, pour réagir à la crise qui émergeait en Libye, le gouvernement du Canada a conseillé aux citoyens canadiens de quitter la Libye. Peu après, le ministre des Affaires étrangères a mené un effort concentré pour évacuer tous les Canadiens. On a demandé l'aide des Forces canadiennes et celles-ci ont déployé deux avions de transport C-17 Globemaster et Hercules pour aider à évacuer les Canadiens et les autres personnes admissibles.
[Traduction]
Le 2 mars, le Navire canadien de Sa Majesté Charlottetown, avec un hélicoptère CH-124 Sea King embarqué, a quitté Halifax pour la mer Méditerranée. Le 14 mars, le Charlottetown s'est joint à la flotte de l'OTAN au large de la Libye et a commencé l'application de l'embargo sur les armes peu après.
En tout, les Forces canadiennes ont effectué sept vols et ont aidé à évacuer 153 Canadiens et personnes admissibles de la Libye au cours de cette période. De plus, le Centre de coordination des opérations d'évacuation de non-combattants a aidé au départ de 4 431 personnes admissibles, dont 308 Canadiens, avant de mettre fin aux opérations le 9 mars.
Comme vous le savez, cette intervention militaire initiale de 90 jours du Canada a été appuyée à l'unanimité par la Chambre des communes. En juin, la Chambre a accepté de soutenir la prolongation de l'engagement du Canada à la mission de l'OTAN jusqu'au 27 septembre 2011.
La troisième diapositive porte sur le soutien des FC à l'opération Protecteur unifié. L'opération Protecteur unifié, telle que l'a appelée l'OTAN, comporte trois objectifs clairs appelés objectifs de Berlin, qui ont été établis par les ministres des Affaires étrangères de l'OTAN en avril dernier: la fin de toutes les attaques contre les civils; le retrait vérifiable des forces militaires et paramilitaires du régime vers les bases; et l'accès complet et sans entraves à l’aide humanitaire pour tous ceux qui en ont besoin en Libye.
[Français]
Examinons maintenant la diapositive no 4.
Le Canada a fourni des soutiens militaires importants à la mission de l'OTAN sous forme de ressources aériennes et maritimes. Actuellement, nous avons sept chasseurs CF-18 Hornet, deux ravitailleurs CC-150 Polaris et deux avions de patrouille maritime Aurora déployés dans la région, ainsi que le NCSM Vancouver avec un hélicoptère Sea King à son bord.
[Traduction]
Le Lieutenant-général Charles Bouchard du Canada conserve le poste critique de commandant de la Force opérationnelle interarmées multinationale de l'OTAN pour l'opération Protecteur unifié.
La cinquième diapositive décrit la situation actuelle, c'est-à-dire à la mi-septembre. Si vous consultez la carte à la diapositive 5, je peux expliquer brièvement la situation. Les forces du Conseil national de transition ont réussi plusieurs percées importantes depuis ma dernière comparution, en août dernier. La plus importante est que le CNT contrôle maintenant Tripoli. Comme l'a souligné l'ambassadrice, la ville revient peu à peu à la normale.
La zone de confrontation la plus importante se situe maintenant dans la région centrale, le long de la côte, entre Sirte et Bani Walid et au sud de Sebha. Les forces pro-Kadhafi se sont regroupées et luttent contre les forces du CNT, qui progressent toujours. Les combats se poursuivent, et les dirigeants du CNT prennent des dispositions pour assurer leur légitimité auprès de la population, de la communauté internationale et même de leurs adversaires. Les progrès sont lents et difficiles.
Sur la diapositive suivante, on peut voir où en sont les objectifs de l'OTAN. En ce qui a trait au premier objectif de Berlin, à savoir la fin des attaques contre les civils, les alliés et les partenaires de l'OTAN ont grandement réduit la capacité de Kadhafi d'attaquer les civils, sans toutefois l'éliminer. La zone d'exclusion aérienne et l'embargo ont été appliqués, et les menaces des forces pro-Kadhafi sont en voie d'être éliminées. Les civils continuent toutefois d'être menacés dans les régions contrôlées par les forces pro-Kadhafi.
Pour ce qui est du deuxième objectif, le retrait des forces vers les bases, on continue de réaliser des progrès. Les forces du CNT, de plus en plus efficaces, ont poussé les forces pro-Kadhafi à se retirer, mais les hostilités se poursuivent.
Enfin, on a réalisé de grands progrès du côté du troisième objectif de Berlin, à savoir l'accès sans entraves à l'aide humanitaire — mes collègues de l'ACDI auront peut-être des commentaires à ce sujet. L'aide humanitaire est maintenant livrée en toute sécurité, que ce soit par mer ou par air, dans les ports de la Libye et à Tripoli.
La diapositive 7 vous donne quelques précisions concernant la contribution canadienne par rapport à l'ensemble de la coalition. Ces données sont simplement une mise à jour de ce que je vous avais communiqué la dernière fois.
Monsieur le président, je ne vais pas toutes les passer en revue; elles sont là. Nous maintenons notre contribution — en fait, nous l'avons même augmentée. Nous effectuons 9 p. 100 de toutes les frappes aériennes, 7 p. 100 de toutes les sorties de ravitaillement air-air, 85 p. 100 de toutes les sorties d'aéronefs de patrouille maritime et 6 p. 100 de toutes les sorties effectuées. Le Canada a utilisé approximativement 600 bombes à guidage laser.
Dans le cadre des opérations maritimes, un total de 284 arraisonnements ont été effectués, dont sept par le Canada. Le NCSM Vancouver est actuellement sur place — la dernière fois, c'était le Charlottetown — et empêche les forces maritimes pro-Kadhafi d'interdire l'accès à Misrata. La présence continue du Vancouver assure la livraison de l'aide humanitaire essentielle et contribue au bon déroulement des activités portuaires.
[Français]
Comme vous pouvez le constater, le Canada fait sa part sur le plan militaire. Nos navires et nos aéronefs ont eu une incidence importante, poursuivant avec succès des cibles qui ont été vérifiées amplement afin de minimiser les pertes civiles.
Toutefois, je tiens à souligner que nous croyons que notre contribution n'est qu'un volet d'un plus grand effort diplomatique et humanitaire visant à aider le peuple libyen. Une paix durable ne peut être obtenue uniquement par des moyens militaires,
[Traduction]
Toutefois, nos forces ont certainement aidé à faire avancer les choses.
Voilà, c'est la fin de mon exposé.
:
Merci, monsieur le président.
Merci de nous avoir mis au courant de ce qui s'est produit depuis notre réunion du mois d'août.
J'aimerais d'abord demander à l'ambassadrice McCardell de faire le point sur l'acheminement de l'aide humanitaire. La situation est évidemment bien différente de ce qu'elle était le mois dernier; le CNT contrôle maintenant Tripoli, les relations diplomatiques sont rétablies et on reconnaît un nouveau gouvernement intérimaire. Diplomatiquement parlant, je suppose que le régime de Kadhafi n'existe plus, car il ne gouverne plus la Libye.
Pouvez-vous me préciser la nature des besoins humanitaires, m'expliquer comment on y répond et me décrire le rôle du Canada sur ce plan? Par exemple, nous servons-nous, entre autres, de notre capacité militaire pour aider à acheminer l'aide? Si oui, jusqu'à quel point?
Deuxièmement, en ce qui a trait aux graves problèmes de gouvernance, comment le Canada aide-t-il le CNT à doter le pays de la capacité de se gouverner et de reconstruire? Je sais que la résolution de l'ONU, qui n'a pas encore été traduite depuis vendredi dernier, parle d'aider le processus intellectuel. Le Canada envisage-t-il de jouer ce rôle? Sinon, pourquoi?
Je ferai un bref commentaire d'après mon expérience et ce que j'ai vu là-bas. Je demanderais ensuite à mon collègue de l'ACDI de vous donner plus de détails sur la situation humanitaire et à mon collègue du groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction de vous parler du rôle du Canada.
En résumé, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, la situation s'est grandement améliorée là-bas, et certainement dans de grandes parties du pays. Cela ne s'applique toutefois pas aux régions du sud toujours ravagées par les conflits, où la population est encore difficile à joindre, comme Bani Walid, Sirte et Sabha. Par contre, à Tripoli, on avait à nouveau accès à l'eau courante quelques jours avant notre arrivée, ce qui représente évidemment une grande préoccupation de moins du côté de l'aide humanitaire. L'ONU est aussi présente et son retour est significatif; en effet, ses représentants ont remis leur mission en état. J'ai également rencontré les représentants du UNHCR et de l'OIM, l'Organisation internationale pour les migrations, qui se trouvaient à Tripoli pour évaluer les besoins à venir.
Je pourrai revenir plus tard sur la situation qui règne là-bas, mais je pense qu'il est important de laisser l'ACDI nous en brosser un portrait plus général.
Comme l'ambassadrice l'a fait remarquer, les Nations Unies ont rétabli leur présence au début septembre. Ses responsables ont mis sur pied ce qu'ils appellent une équipe humanitaire pour le pays, qui va aider l'ONU à déterminer les besoins grâce à un plan d'action de 30 jours. Grosso modo, l'équipe a prolongé jusqu'au 30 septembre l'appel éclair du 18 mai, qui permet à l'ONU de réunir tous les acteurs de l'aide humanitaire pour préparer un plan d'action. Les besoins sont évalués à l'heure actuelle. Les Nations Unies fourniront un plan d'action de 90 jours dans très peu de temps; nous l'attendons pour la fin de septembre.
Comme c'est indiqué dans le plan, les besoins humanitaires courants comprennent l'eau, la protection des migrants, l'essence pour faire fonctionner des choses essentielles comme les installations d'électricité et d'eau ainsi que les installations sanitaires, des fournitures médicales et du personnel soignant, sans parler de certains problèmes de nourriture et de sécurité. Bien sûr, il y a l'importante question des nombreux explosifs qui restent après la guerre — à la source d'une certaine contamination — en plus de la capacité réduite des communautés les plus touchées pour ce qui est d'affronter les difficultés au jour le jour.
Le plan d'action de 90 jours portera sans doute sur de telles choses. Il s'étendra d'octobre à décembre et nous pensons que l'appel éclair actuel sera prolongé jusqu'à la fin de l'année. Évidemment, l'accent sera mis sur l'aide et l'accès continu et sécuritaire pour tous ceux dans le besoin, le renforcement des capacités, la préparation, le soutien aux institutions ainsi que la création de nouvelles institutions.
Pour répondre à votre question sur les efforts déployés au pays, le Canada a versé, comme vous le savez, plus de 10,6 millions de dollars pour l'aide humanitaire. L'aide que nous avons apportée, c'est le financement. Nos partenaires clés sont le Comité international de la Croix-Rouge, un des principaux acteurs concernant l'aide humanitaire dans le pays, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, l'Organisation internationale pour les migrations et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, qui travaillent aux frontières et qui veillent à ce que les travailleurs migrants qui ont quitté le pays et les réfugiés reçoivent l'aide nécessaire. Il y a aussi le travail effectué dans le cadre du Programme alimentaire mondial, au pays et à l'étranger, le Fonds des Nations Unies pour la population, le FNUAP, et la Croix-Rouge canadienne.
Merci.
Oui, nous collaborons très étroitement avec l'ONU, le principal coordonnateur de l'aide après le conflit. Nous participons aux discussions depuis la réunion de Londres, tenue en juin.
Je dois dire qu'il faudra tout d'abord examiner les résultats des missions servant à évaluer les besoins, coordonnées en grande partie par les Nations Unies et effectuées en consultation avec le Conseil national de transition. Bien sûr, l'objectif est de permettre aux citoyens de la Libye de retrouver une vie normale et de créer les conditions nécessaires qui vont mener à la prospérité économique et tôt ou tard profiter aux entreprises canadiennes.
L'ambassadrice a mentionné que le premier ministre du Canada est actuellement à New York. Je pense qu'il est sur le point de participer à une réunion avec le groupe qui s'appelle Les Amis de la Libye. Ensuite, nous participerons à une réunion avec d'autres représentants pour discuter de la stabilisation de la Libye.
À l'heure actuelle, nous examinons les options et nous devrions bientôt obtenir — dans les prochaines semaines — les résultats des missions d'évaluation, avant de prendre des décisions sur l'aide que nous allons fournir.
C'est une question importante. Selon moi, ce qui explique en partie notre grand intérêt pour la Libye et les mesures prises par le gouvernement au pays... Il est clair que nous nous concentrons sur le mandat conféré par la résolution de 1973 et la protection des civils, mais nous sommes tout à fait conscients de l'importance stratégique de la Libye et de la présence d'éléments d'al-Qaïda au Maghreb et dans la région du Sahel, en général. Notre intérêt pour la mise en place d'un gouvernement démocratique en Libye s'explique aussi par nos intérêts régionaux, en plus de notre seule préoccupation pour les civils.
Je pense que nous avons été clairs dans les discussions précédentes et nous avons dit que, dans le Conseil national de transition, certains groupes ont une tendance islamiste. Nous répétons que ces groupes font partie du tissu social en Libye, mais leur influence est limitée et le CNT maintient sa position, lui qui s'est très clairement engagé dès le départ, grâce à sa déclaration constitutionnelle, à effectuer une transition démocratique.
Sans contredit, nous ne soutiendrons d'aucune façon les éléments d'al-Qaïda qui prendraient racine en Libye et nous ne constatons pas un tel état de fait. Dans le gouvernement de la Libye, certaines personnes ont fait partie de mouvements islamistes par le passé. Elles ne se sont aucunement écartées des principes démocratiques adoptés par le CNT. Nous avons rétabli notre présence diplomatique sur place en partie pour disposer de meilleurs réseaux de contacts, mieux comprendre ce qui se déroule, jouer notre rôle dans une transition démocratique et nous assurer que c'est ce qui se produit en Libye.
:
Merci, monsieur le président.
J'étais en Afrique du Sud la semaine dernière. Nous avons probablement rencontré plus de 40 députés, et nous avons eu le privilège d'entendre le président se prononcer sur la situation en Libye. Je peux vous affirmer que nous ne partageons pas les mêmes points de vue. Je veux simplement le mentionner, parce que selon eux -- en fait selon l'Union africaine, je crois -- l'OTAN est allée bien au-delà de son mandat. Elle s'est en fait éloignée de l'objectif de protection des civils et s'est rapprochée plutôt de celui d'effectuer un changement de régime. Et ils n'en sont pas très heureux. Ils sont d'avis que l'Union africaine et la Ligue des États arabes devraient davantage prendre part à ce processus. Après tout, c'est leur voisin.
En outre, d'après eux, le triomphalisme de Sarkozy et de Cameron n'a pas aidé. Il rappelle le triomphalisme de M. Bush, qui a fait en sorte de prolonger de quatre ans la guerre en Irak.
La question est de savoir si on nous demande réellement de superviser une guerre civile de faible intensité. Il s'agit d'une société tribale. C'est très compliqué. Et les médias rapportent un certain manque d'enthousiasme de la part des rebelles, qui ne veulent pas vraiment s'engager dans un dur combat avec les forces de Kadhafi. Une personne qui a le pouvoir de Kadhafi doit se dire qu'elle n'a rien à perdre et qu'elle va se battre jusqu'au bout.
Madame l'ambassadrice, vous avez dit que nous jouissions d'une bonne réputation. Je suis prêt à vous croire. Quel est le plan? Il se peut que nous ayons perdu un peu de notre réputation auprès de l'Union africaine et de la Ligue des États arabes. Nous avons certainement consacré de l'équipement et des ressources.
Par conséquent, je ne suis pas sûr de ce qu'on nous demande exactement avec le prolongement de ce mandat. Expliquez-nous comment nous allons nous y prendre pour rassembler l'Union africaine, la Ligue des États arabes, les tribus et les factions ainsi que les divers intérêts conflictuels, et ce, sans que nous nous retrouvions à superviser une guerre civile de faible intensité qui s'éternisera pendant des mois.
Ce que vous dites est important. Les difficultés, notamment, sur lesquelles il faudra se pencher à l'avenir, ont été abordées dans mon exposé.
En ce qui concerne l'Union africaine et la Ligue des États arabes, l'Afrique du Sud est sans aucun doute un acteur important de l'Union africaine, mais ce n'est pas sa seule voix. Ce pays a visiblement adopté des positions particulières et exprimé des opinions sur la Libye que ses partenaires du continent ne partagent pas tous, à mon avis. Il y a des pays qui ont reconnu le CNT et accepté qu'il ouvre ses ambassades ou nomme son propre personnel diplomatique, et ces pays ont des vues semblables aux nôtres. Je pense que dans chaque cas, il y a différentes positions qui reflètent la position d'un pays. Il y a différents intérêts nationaux et différentes histoires, impliquant notamment Kadhafi, qui ont influé sur leur position. C'est donc le genre de question que doivent régler les membres de l'Union africaine, tout comme la Ligue des États arabes, en tant qu'organisations régionales.
Je suis tout à fait d'avis que ces organisations doivent jouer un rôle actif en Libye. Au bout du compte, ce sera aux Libyens et au gouvernement libyen de déterminer exactement comment ils vont s'y prendre pour remédier à la situation.
Par ailleurs, vous avez indiqué que le CNT ne semblait pas vouloir s'engager dans un dur combat — à mon avis, le CNT ne veut surtout pas une longue guerre civile, et il s'approche très prudemment des affrontements dans ces trois villes, de façon à ce que cela ne soit pas perçu comme des attaques en guise de représailles ou tout autre affrontement tribal. Bani Walid, par exemple, abrite la plus importante tribu au pays, les Warfalla. Quand j'étais là-bas, ils m'ont expliqué qu'ils souhaitaient que les forces du CNT en dehors de la ville fassent partie de cette tribu plutôt que d'une autre, justement pour ne pas donner l'impression qu'il y a des affrontements entre les tribus. Je pense qu'ils sont très prudents.
On a déployé des efforts afin d'acheminer l'aide humanitaire dans ces villes, de sorte que la population civile ne souffre pas indûment de la situation. Je ne dis pas qu'elle ne souffre pas, mais au moins on reconnaît qu'il y a des civils et qu'il faut répondre à leurs besoins. Par conséquent, je pense qu'on fait preuve d'une très grande prudence parce qu'on est très près du but. On ne veut pas commettre d'erreurs majeures avec lesquelles on devra vivre pendant longtemps.
Quant à savoir comment cela se déroulera à long terme, il est difficile de se prononcer à ce stade-ci. Je pense qu'il y a une réelle volonté de leur part de mettre le pays sur la bonne voie. Nous sommes prêts à leur venir en aide, et je considère qu'ils ont une volonté de faire cesser les conflits qu'on ne retrouve pas dans d'autres pays. Il leur reviendra de négocier soigneusement avec ceux qui se trouvent dans ces villes afin de mettre un terme à cette situation.
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Je vais commencer, puis je céderai la parole à Mme Gervais-Vidricaire pour qu'elle vous communique les détails.
En ce qui concerne la reconstruction, les Nations Unies se sont vraiment mobilisées. Dès l'époque où nous parlions encore d'un groupe de contacts, un conseiller spécial des Nations Unies sur la stabilisation après un conflit, Ian Martin, assistait à ces réunions et nous informait des intentions de l'organisme. Avec le CNT, j'élaborais le processus où nous nous trouvons maintenant.
Hier ou il y a quelques jours, on a nommé Ian Martin représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour la Libye. Je pense que cela montre que l'organisation a reconnu que c'était là où nous étions rendus.
La résolution adoptée vendredi a créé la mission d'appui de l'ONU en Libye pour une période initiale de trois mois et elle en précise les volets. L'ONU aidera et appuiera le pays — encore une fois, il importe que l'initiative vienne de la Libye — dans ses efforts nationaux visant: (1) à restaurer la sécurité et l'ordre publics et à promouvoir la primauté du droit; (2) à instaurer un dialogue politique accessible à tous les Libyens, pour promouvoir la réconciliation nationale et entamer la rédaction d'une constitution et un processus électoral; (3) à étendre l'autorité de l'État en renforçant les institutions responsables naissantes et en restaurant les services publics; (4) à promouvoir et à protéger les droits de la personne, particulièrement ceux des groupes vulnérables, et à appuyer la justice transitionnelle; (5) à prendre des mesures immédiates pour accélérer la reprise économique; enfin (6) à coordonner l'appui qui risque d'être demandé par d'autres acteurs multilatéraux et bilatéraux.
Je pense que le dernier point est vraiment ce dont nous avons discuté sans cesse, c'est-à-dire que nos actions à l'appui du CNT doivent être coordonnées entre nous.
L'Union européenne a joué un rôle important. Elle envoie ses propres missions d'évaluation pour optimiser son action sur le terrain. Un domaine tout désigné est la maîtrise des frontières et les facteurs de migration, où elle était active, même avant le conflit. Elle s'intéressera à d'autres problèmes, également.
Marie
:
Monsieur le président, les crimes ont été commis par les deux côtés — le côté de Kadhafi et celui des forces anti-Kadhafi — et sont également inacceptables. On a constaté certains événements. Je pense même qu'Amnistie Internationale avait donné un avis selon lequel le nombre d'actes commis par les forces anti-Kadhafi était inférieur à celui commis par les pro-Kadhafi. Néanmoins, les deux clans devraient être jugés pour leurs actes.
C'est important de trouver les individus qui ont commis ces actes et de les juger. Je pense que c'est reconnu par le Conseil national transitoire. Ils acceptent le fait que certains de chaque côté ont commis des erreurs graves, et ceux-là devraient être traduits devant la justice. Ce n'est pas seulement important pour nous, ce l'est aussi pour eux. C'est important de juger des actes posés auparavant, comme des actes individuels, pour ne pas entrer dans un cercle vicieux de rétributions et de représailles. Si on peut les mettre dans un contexte judiciaire, on élimine la possibilité de conflits intertribaux et autres à long terme — ce qu'avait souligné un des collègues.
Pour les représentants diplomatiques sur le terrain, c'est important de continuer à presser le conseil et les autorités libyennes d'aller de l'avant avec ces actes judiciaires et de s'assurer que les punitions seront appropriées. Je dois dire qu'en ce moment, le conseil est surchargé de travail. Il essaie de stabiliser le pays et de gouverner en même temps, en plus d'établir un nouveau Cabinet et plusieurs affaires. Cela dit, ce n'est pas acceptable que ce soit repoussé à long terme.
Un de nos objectifs sur le terrain, en tant qu'ambassade rétablie, serait de garder contact avec le conseil et de lui rappeler régulièrement ses obligations envers le peuple libyen et quant aux documents qu'il a lui-même rédigés dans le contexte de sa vision d'une Libye démocratique et de sa déclaration constitutionnelle, et autres. Le conseil avait établi son propre principe de gouvernance, et c'est à nous de lui rappeler l'importance de mettre en vigueur les principes qu'il a énoncés.
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Je ne suis pas informée des démarches précises qui ont été entreprises par le conseil. C'est une chose à laquelle on pourra donner suite.
Par contre, des organismes comme Amnistie Internationale et, auparavant, Human Rights Watch avaient rédigé un rapport sur les erreurs commises de part et d'autre. Ces ONG, qui, je pense, remplissent une fonction importante, ont soulevé ces questions. C'est à nous, en tant que communauté internationale, de revenir à la charge, avec le conseil, afin de poursuivre ces personnes en justice.
Comme je l'ai dit, les gens sont dans une période transitoire et font face à des objectifs urgents, à plusieurs niveaux. Par contre, dès qu'ils auront un moment pour entamer la poursuite, ils vont devoir le faire. S'ils ont besoin d'une aide, technique ou autre, pour rassembler les preuves nécessaires pour entamer cette poursuite éventuelle, la communauté internationale pourra peut-être la leur fournir.
Quoi qu'il en soit, l'important pour le moment est que les ONG et les médias, notamment, soulèvent ces questions, que nous aidions le conseil à l'égard de la poursuite et que nous lui rappelions de le faire. La troisième étape consisterait à mettre en vigueur les processus nécessaires. Comme vous, je suis convaincue que c'est extrêmement important, mais il faut aussi tenir compte des principes que ces gens avaient énoncés pendant le conflit, devant nous, la communauté internationale, et de leurs objectifs dans le pays. Ils ne veulent pas entrer dans un cercle vicieux où des attaques provoqueraient d'autres attaques et où se mettraient en place un système de rétributions. C'est l'une de nos priorités, sur le terrain.
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Pendant les derniers mois du conflit, nous avons été en rapport. En ma qualité d'ambassadrice, j'ai été en rapport avec un certain nombre de sociétés importantes, qui sont présentes sur le terrain. Nous avons sans cesse été en mesure de leur donner notre point de vue sur l'évolution de la situation sur le terrain et sur les personnes qui se sont imposées comme interlocuteurs incontournables.
Ces dernières semaines, le processus s'est évidemment accéléré, vu le changement si important de situation dans le pays. Outre mes propres appels à des partenaires clés, nous avons tenu des audioconférences plus générales avec une vingtaine de sociétés qui avaient été actives ou qui étaient intéressées au marché. Nous avons pu ainsi leur communiquer les meilleurs renseignements dont nous disposions sur le terrain, y compris sur le marché, et nos interlocuteurs nous ont également fait part de leurs sujets de préoccupation, qui sont principalement de deux types: la rémunération du travail effectué et le retour rapide sur le terrain pour l'occuper et ainsi profiter de certaines occasions nouvelles.
Avec le rétablissement de notre mission diplomatique, l'une de nos priorités est de doter de nouveau l'ambassade de ressources commerciales et de fournir un service complet aux sociétés canadiennes. Nous prévoyons d'y affecter quelqu'un au début de la semaine prochaine. Nous avons déjà réembauché notre personnel commercial local, qui est en mesure, actuellement mais de manière limitée, de répondre aux questions et de donner des conseils.
Évidemment, les avoirs que l'on débloquera appartiennent au peuple libyen.
L'un des rôles du nouveau commissaire au commerce sera de s'assurer que les sociétés canadiennes sont rémunérées en priorité pour le travail effectué. Nous avons également besoin de services juridiques pour accéder aux meilleures solutions en ce sens, en vertu du droit libyen.
En ce qui concerne la construction et la reconstruction, je préciserai simplement, ayant visité le terrain, qu'il est clair qu'il n'y aura pas de gros travaux d'infrastructure comme ceux que nous avons vus après des conflits dans d'autres pays. Les frappes de l'OTAN ont été remarquablement précises, de sorte qu'elles ont endommagé des infrastructures très peu nombreuses qui servaient au commandement et au contrôle. Il y a, bien sûr, des régions où les combats ont été particulièrement féroces, comme à Misourata ou à Ras Lanouf, où il faudra reconstruire. Mais nous ne devons pas faire croire qu'une partie importante du pays est sinistrée. Les centrales, les ponts, etc., restent en place.
Nous examinerons certainement ces occasions, mais nous ne négligerons pas celles qui existaient auparavant. Nous nous intéressions déjà beaucoup aux travaux d'infrastructure qui seraient nécessaires à plus long terme, par exemple les stations de traitement de l'eau, etc. Nous cherchons à rappeler les sociétés qui étaient désireuses de les effectuer ou qui soumissionnaient à cette fin et à les mettre en contact avec les nouveaux responsables.
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Je vous remercie pour votre question.
J'ai répondu d'une manière générale au sujet d'une menace persistante. Les forces de Kadhafi réussissent relativement bien — dans des villes comme Bani Walid, Syrte et d'autres localités dans le sud — à affaiblir les positions défensives si je peux m'exprimer ainsi. Elles parviennent encore à causer du tort à ceux qui ont essayé de les déloger.
En outre, les forces de Kadhafi continuent de démontrer qu'elles ont tendance à s'en prendre aux civils, soit en faisant parmi eux un grand nombre de victimes ou en infligeant de mauvais traitements de façon générale. C'est pourquoi on observe dans les régions où cela se produit un exode des civils.
Les forces du régime Kadhafi ont sans aucun doute démontré leur tendance à s'en prendre à la population. D'ailleurs, la toute dernière résolution prise par le Conseil de sécurité de l'ONU, la résolution 2009, fait état de cette menace pour les civils. Nous considérons donc que c'est un fait. Nous savons par conséquent que les forces de Kadhafi sont encore relativement solides localement.
Il s'agit d'un combat tactique, qu'elles perdront. Ce n'est qu'une question de temps. Il est difficile de dire précisément à quel moment elles seront vaincues, mais il est certain que ce conflit ne durera pas des années, ni même des mois. C'est probablement une question de semaines.
Je crois que cette prévision s'avérera si le CNT continue sur sa lancée. Autrement dit, si le CNT, sur les plans politique et militaire, maintient son élan et que le pays se remet sur pied, alors l'opposition éliminera ces forces de Kadhafi qui sont encore solides localement.
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Merci, madame l'ambassadrice.
Pour s'assurer de se comprendre, j'aimerais préciser qu'il y a à la fois les migrants et les réfugiés, qui sont deux groupes complètement différents. La majorité de la population qui se trouve dans les pays voisins, ce sont en fait des migrants. Selon l'OIM, de 685 000 à 700 000 migrants ont traversé la frontière de la Libye vers les pays voisins — ces chiffres datent du 13 septembre. De ce nombre, 45 p. 100 sont des ressortissants des tiers pays. Si vous êtes intéressés à les consulter, j'ai entre les mains des statistiques par pays. En fait, en Tunisie, on parle de 291 000 personnes, ce qui comprend à la fois des Tunisiens et des ressortissants des tiers pays dont le Niger, le Bangladesh et ainsi de suite. En Égypte, c'est plus de 220 000 personnes; au Niger, c'est presque 80 000 personnes; au Tchad, plus de 50 000; en Algérie, 14 000; et au Soudan, presque 3 000 personnes. Il y a également des gens qui sont arrivés en Italie et à Malte. Dans ce cas, il s'agit toujours de migrants.
Jusqu'à présent, l'OIM et le HCR ont aidé plus de 200 000 ressortissants des tiers pays à retourner chez eux. À l'époque, il s'agissait en grande partie de Bangladais. La plupart sont originaires de Tunisie et les autres de l'Égypte. De plus, il faut souligner qu'il y a environ 4 000 personnes, que l'on considère comme des personnes réfugiées, qui se trouvent dans deux camps de réfugiés près de la frontière libyenne: ce sont des Somaliens et des Érythréens. Il y a aussi sept réfugiés libyens dans le sud de la Tunisie.
Parmi les organismes humanitaires, le HCR est la principale organisation qui s'occupe des réfugiés. Le HCR est présent; nous le finançons. En ce qui concerne les migrants et les ressortissants des tiers pays, c'est l'OIM qui gère la situation pour s'assurer que ces réfugiés ont l'assistance et la protection dont ils ont besoin.
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C'est une excellente question.
Aucun blocus n'est complètement étanche. Je présume qu'il y a une certaine porosité, à partir du sud particulièrement.
Les forces de Kadhafi ne se ravitaillent pas comme une armée le ferait normalement, pas comme on pourrait l'imaginer en tout cas. Elles s'approvisionnent à l'intérieur du pays. Donc, à Bani Walid... Elles ont eu 42 ans pour se parer à toutes sortes d'éventualités, alors on peut trouver toutes sortes de munitions là-bas. Elles disposent de défenses incroyablement sophistiquées. Elles utilisent l'eau et les vivres des villes et des villages qu'elles occupent. Dans ce cas-ci, il est impossible de penser bloquer catégoriquement le réapprovisionnement, comme on le ferait dans un conflit conventionnel. Si cela avait été possible, nous l'aurions fait depuis longtemps.
Nous nous assurons de rendre les frontières aussi étanches que possible, et d'empêcher tout accès à partir de la Méditerranée. Je pense que nous avons très bien réussi à bloquer l'accès au pays par le nord, mais comme nous l'avons dit, il faut tenir compte de la dynamique régionale. Certains pays au sud sont peut-être plus sympathiques à la cause, ou ce sont peut-être des citoyens de ces pays qui y adhèrent, indépendamment de la position de leur pays. Comme vous le savez, dans un régime plutôt riche, il est possible d'acheter des appuis.
La bonne nouvelle, c'est que cela ne durera pas longtemps. Les réserves semblent commencer à s'épuiser, et les forces n'ont peut-être plus tout ce qu'il faut pour monter au combat. Elles ne sont pas encore à sec, mais elles le seront tôt ou tard.
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Je vais d'abord répondre à votre question au sujet des tribunaux puisqu'il s'agit d'une question plus précise.
J'ignore quelle est la situation à Benghazi, mais à ma connaissance, à Tripoli, les tribunaux ne sont pas opérationnels. Ils se questionnent sur la façon de traiter des affaires déjà jugées sous le gouvernement précédent. Mais que faire dans les cas où un jugement n'a pas encore été rendu? Il reste encore de nombreuses questions juridiques à régler et cela leur prendra du temps. Nous avons l'intention de leur donner des conseils juridiques par l'entremise de nos experts en droit commercial, et d'autres apporteront eux aussi leur contribution.
De façon générale, je dirais qu'en théorie les tribunaux et le système juridique sur lequel ils s'appuient ne sont pas si mal. Le vrai problème, c'est l'ingérence politique. Donc, si l'on retire l'élément politique de l'équation, on réalise que le système est en bon état. Comme vous le savez, dans bon nombre de ces pays, tout va bien sur le plan théorique, mais sur le plan pratique, c'est horrible. Alors, nous nous pencherons sur cet aspect.
Tant à Benghazi qu'à Tripoli, ce sont les avocats qui ont amorcé la révolution. Déterminés à se doter d'une constitution et à établir un meilleur avenir démocratique pour leur pays, ils ont protesté devant les tribunaux. Je me suis entretenue avec certains de ces avocats et ils sont soit de retour au pays, soit en voie d'y revenir. Ils sont engagés à rebâtir leur pays et, bien entendu, ils vont concentrer leurs efforts professionnels sur le système juridique.
En passant, ils savent également qu'ils devront juger les membres du régime précédent. Ce qui les préoccupe, entre autres, c'est le genre de défense auquel ces gens auront droit. C'est donc le genre de questions sur lesquelles ils se penchent.
En ce qui concerne l'établissement du gouvernement, le CNT a lui-même élaboré la carte routière du processus qu'il a présenté au Groupe de contact qui s'est réuni à Rome — je crois que c'était en avril. Le processus comprend plusieurs étapes, dont la constitution d'un gouvernement intérimaire et d'un congrès national élargi qui aura, entre autres, la responsabilité de lancer la réconciliation nationale . Ces étapes s'amorceront dès que le nouveau gouvernement aura déclaré la libération du pays, ce qu'il n'a pas encore fait. Des discussions ont eu lieu sur la façon de procéder. Tripoli, la capitale du pays, a été libérée, ce qui constitue une étape importante. Mais d'autres régions du pays attendent encore. C'est donc sur cela que le nouveau gouvernement se concentre. Son but, c'est que toutes les régions du pays puissent participer à ce processus, et pour le moment, ce n'est pas le cas.