Passer au contenu

NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 083 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 3 juin 2013

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    J'aimerais souhaiter à tout le monde la bienvenue à la séance no 83 du Comité permanent de la défense nationale, qui poursuit son étude des soins offerts aux membres des Forces armées canadiennes malades ou blessés.
    Pour la première heure, nous accueillons Heather Allison et Greg Woolvett.
    Je veux vous souhaiter la bienvenue à tous les deux et vous permettre de présenter une déclaration préliminaire.
    Greg, si vous pouviez commencer, nous vous en saurions gré.
    J'aimerais remercier le comité de m'avoir invité à présenter quelques remarques au sujet de mon fils et des soins et du traitement que lui et d'autres ont reçus.
    Mon fils souffre d'un trouble de stress post-traumatique catastrophique. La famille souffre d'épuisement au combat à force de composer avec ce trouble et avec les Forces canadiennes.
    Je ne suis pas ici pour critiquer les Forces canadiennes. Je suis ici dans le seul but de présenter le point de vue de ma famille.
    Histoire de vous mettre en contexte, mon fils a communiqué avec son commandant jeudi dernier et a demandé d'être admis au programme de désintoxication de l'Hôpital Royal Victoria à Barrie. Il a fait une rechute. On espère le réadmettre à un quelconque programme de réadaptation une fois qu'il aura terminé son programme de désintoxication. Il m'a dit — et j'interprète cela comme un signe de progrès — qu'il était fatigué qu'on parle de lui dans les journaux. Il ne veut plus voir son nom dans les journaux. Il veut passer à autre chose. Alors, je suis ici aujourd'hui pour des raisons strictement familiales.
    Le trouble de stress post-traumatique a commencé au moment de sa première mission en Afghanistan. Le 25 mai 2007, son compagnon de chambrée, le caporal Matthew McCully, a perdu la vie dans l'explosion d'un IED à 100 mètres de Jon. Ce soir-là, Jon a dû emballer ses effets personnels et les envoyer à sa famille. Jon m'a appelé par téléphone satellite ce jour-là pour me dire: « Papa tu vas entendre quelque chose aux nouvelles ce soir. Je tiens à te dire que je vais bien. » C'est à ce moment que la famille s'est rendue à l'évidence: elle accompagnait son fils à la guerre.
    Jon est revenu de sa première mission en août 2007 et devait se marier le 5 octobre. Il avait l'air en santé. Tout semblait aller très bien. Mais nous ne savions pas ce que nous savons maintenant: le TSPT était déjà avancé. Il s'était porté volontaire pour participer à la première mission. En septembre 2008, il a entrepris sa deuxième mission avec son bataillon. Il jugeait absolument essentiel de retourner au combat entouré des hommes avec qui il s'était entraîné.
    Sept semaines après le début de sa deuxième mission, il a obtenu un congé et est revenu, et je l'ai amené à un match de hockey des Maple Leafs. Plus tard dans la soirée, il m'a appelé sur le toit de l'hôtel et m'a dit: « Papa, je veux que tu saches que je n'ai pas peur. Je n'éprouve aucune crainte. Mais, cette mission est ma dernière. »
    Durant le reste de la mission, il a connu la perte d'autres compagnons. Il a subi sept mois de terreur quotidienne lorsqu'il était en déploiement, et, si je me souviens bien, vers la fin de cette mission, il a fait une dépression nerveuse. Il s'était enfoncé un pistolet chargé dans la bouche. Deux de ses compagnons d'armes l'ont amené voir un psychiatre, qui lui a donné des comprimés — du Valium, j'imagine — et l'a renvoyé sur le terrain.
    Il lui restait encore trois semaines, qui se sont déroulées presque sans incident, jusqu'au moment où deux de ses compagnons de hockey de la BFC Petawawa en service là-bas sont morts dans une explosion le jour où il quittait l'Afghanistan. Il est revenu à la maison et a presque immédiatement commencé à boire en cachette. Les signes du TSPT étaient flagrants. Essentiellement, de fil en aiguille, j'ai fini par jouer un grand rôle dans son traitement. Il m'a donné une procuration après sa première tentative de suicide.
    J'ai eu de difficiles interactions avec le personnel médical de la BFC Petawawa. J'en ai eu pendant des années. On fermait obstinément les yeux sur ma situation. J'arrivais quelque part, et on me disait que mon fils n'était pas blessé; il était alcoolique. Je répondais qu'il n'était pas alcoolique lorsqu'il a commencé son service militaire et que, s'il est aujourd'hui alcoolique, il s'agit d'un symptôme du trouble de stress post-traumatique. Le trouble de stress post-traumatique n'est pas un symptôme de l'alcoolisme.
    Je sais que vous voulez que je sois bref, alors je vais essayer de le faire.
    Essentiellement, le médecin militaire m'a dit que les soldats blessés avaient son numéro de téléphone cellulaire et qu'ils pouvaient l'appeler en tout temps pour obtenir des analgésiques. Mon fils n'y était pas admissible.
(1540)
    Le mariage de Jon a pris fin. Son épouse, une infirmière, a été affectée à la base navale de Halifax depuis. Elle est partie avec sa petite fille; cela fera trois ans en novembre prochain. Il ne l'a pas vue et n'a pas communiqué avec elle. Il a été arrêté, mis en prison, puis soumis à un programme de réadaptation. Lorsqu'il a essayé de parler de son trouble de stress post-traumatique dans le cadre de son programme de réadaptation, on lui a dit que cela sortait du cadre du trouble de stress post-traumatique qu'on traitait à ce genre d'établissement.
    J'ai fait la navette entre Toronto et Petawawa plus de 25 fois, habituellement au beau milieu de la nuit, dans des conditions hivernales, pour passer trois ou quatre jours là-bas à essayer de le réconforter et à consulter le personnel médical chargé de son cas. J'ai essayé de convaincre ces gens de l'installer plus près de sa famille, car il n'avait personne à Petawawa. Ses frères d'armes l'évitaient, et certains se moquaient de lui. En fait, les seules personnes à Petawawa qui faisaient preuve de compassion étaient d'anciens militaires membres de la Police provinciale de l'Ontario. Ils se sont rendus chez lui à plus de 25 reprises. Il était dans un état lamentable.
    On m'a enfin assuré qu'il serait transféré à la BFC Borden. Cela fait un an et demi. Je crois que c'était en novembre. On m'a assuré qu'il serait sorti avant Noël. Je ne voulais pas qu'il vive un autre hiver à Petawawa. Cet endroit était sinistre, il n'avait aucun ami là-bas et nulle part où aller.
    J'ignore pourquoi, mais ce transfert n'a jamais eu lieu. J'ai plus tard communiqué avec le colonel Blais dans le but de découvrir pourquoi. Il m'a répondu que, si je voulais le savoir, je devais me prévaloir de la Loi sur l'accès à l'information, parce que ces documents étaient classifiés.
    Ainsi, on l'a laissé là pour un autre hiver. Il a fait une tentative de suicide le 9 mars 2012, et encore une autre — il a presque réussi cette fois-là — le 1er avril; après l'avoir intubé pour maintenir sa respiration, on l'a envoyé par avion à l'hôpital général d'Ottawa. Enfin, on l'a installé à la BFC Borden, où le groupe chargé de ses soins faisait preuve de beaucoup plus de compassion. Il a fait des progrès et il a fait des rechutes. Il continue de faire des rechutes.
    Comme je viens de vous le dire, il a été admis dans un autre programme de désintoxication. J'ai beaucoup d'espoir. Son psychiatre m'a appris qu'on avait maintenant, au centre Bellwood à Toronto, un programme visant le TSPT lié à la guerre et qu'on y admettait des groupes de soldats aux prises avec ce problème, de sorte qu'ils puissent interagir entre eux et finir par amorcer un processus de guérison.
    Il a été récompensé à quelques reprises... Avec des indemnités d'invalidité. Récemment, il a appris qu'il était invalide à 58 p. 100. À 58 p. 100... Il n'a plus de famille, il n'a plus de carrière, il a fait quatre tentatives de suicide et il a suivi quatre programmes de réadaptation, mais il est seulement invalide à 58 p. 100.
    Sur le plan de la famille, nous avons beaucoup souffert émotionnellement. Il avait un frère qui est décédé pendant son retour entre deux missions. Je ne crois pas qu'il ait jamais composé avec cette réalité, alors, pour la famille...
    La mère et la soeur de Jon ont fondé l'opération Santa Claus. J'ignore si vous connaissez cette campagne. Elle est devenue Operation Hero. Le ministre de la Défense, M. MacKay, a remis à la mère de Jon un drapeau encadré au cours d'une cérémonie. Elles fournissaient des paquets de Noël remplis d'articles comme des rasoirs et ce genre de choses à tous les soldats en service à la base d'opérations avancées ou à Kaboul pendant leurs deux années de service là-bas, à tout le moins.
    Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour réunir ces photos. Je vais faire circuler celle-ci. Mon fils a dormi à la maison en mars dernier et m'a dit: « Papa, viens voir ça. » Voici une photo de sa main lorsqu'il s'est réveillé le matin. On dirait une main qui a passé la nuit dans l'eau. Le lit était trempé, l'édredon qui le couvrait était trempé, et il tremblait. Il avait les poings serrés.
    J'ignore si vous voulez faire circuler cela. Je suis désolé de ne pas en avoir d'autres exemplaires.
(1545)
    Vous savez, les répercussions sur une famille... le soldat est allé à la guerre, mais la famille l'a accompagné.
    Nous croyons fermement que des cas semblables font surface chaque jour. J'ai récemment appris que les compressions en personnel et les compressions budgétaires avaient frappé les UISP et les CISP à l'échelle du Canada. Deux adjudants bien intentionnés à Petawawa ont maintenant chacun 160 clients. Voilà 320 cas qui ont fait surface à Petawawa. Je parle de Petawawa, car c'est là que j'ai principalement été actif dans ce dossier.
    Je tiens à vous remercier de votre temps et je vous rappelle que les répercussions sur notre famille sont énormes.
    Merci, monsieur Woolvett.
    Madame Allison, la parole est à vous.
    Je m'appelle Heather Allison. Je viens de Terre-Neuve et je suis très fière d'être la mère d'un soldat. Je suis un peu moins fière d'être Canadienne à l'heure actuelle, pour être tout à fait franche.
    Voici mon soldat, ma fille. Je vais faire circuler la photo, parce que je veux qu'on voie son visage.
    Je n'ai pas beaucoup d'expérience dans ce domaine; ma fille vient de revenir. Elle est revenue depuis un an. Durant cette courte période, nous avons dû composer avec deux surdoses. La dernière est survenue en mars. Nous avons reçu un appel. En fait, c'est une amie, une autre compagne militaire, qui a téléphoné. La base ne m'a même pas téléphoné, ce que je trouve vraiment étrange, car je suis son plus proche parent. Elle est à la tête d'une famille monoparentale. Pourtant, je ne reçois pas d'appel.
    C'est là un des problèmes que j'éprouve. Il semble que les parents n'ont aucun droit. Je sais qu'ils ne sont plus des enfants, mais ce sont encore nos enfants. Je suis certaine que votre mère veut toujours savoir où vous êtes, si vous conduisez sur la route, si vous êtes en sécurité. Eh bien, les parents de soldats sont pareils.
    Lorsqu'il est question de SPT, je refuse d'apposer le « T » initial. Je ne crois pas du tout qu'il s'agit d'un trouble. Je crois qu'il s'agit d'une blessure, et la recherche le confirme. Un certain Dr Frank Ochberg a mené une étude, et j'aimerais le citer. Il dit que c'est un fardeau qui pèse sur les soldats et qu'on devrait reconnaître ce fardeau: « Il s'agit d'une blessure comme n'importe quelle autre blessure médicale survenue au combat. » Je crois que nous devons commencer à envisager la chose de cette façon pour que nos enfants aient accès à un traitement.
    Mon récit commence en 2006, l'année du déploiement de ma fille. Elle est très fière d'être soldat et a un grand respect pour son uniforme. Cette année-là, 2006, était une époque difficile pour elle. Elle est infirmière, alors elle en a vu beaucoup dès son jeune âge et elle a perdu beaucoup dès son jeune âge.
    Cette fois-ci, en 2011, elle a été en mission pendant 11 mois et demi. Le problème a commencé en 2006 — les changements étaient très subtils —, mais je n'en ai pas eu connaissance, comme bien d'autres. Mais, cette fois-ci, lorsqu'elle est revenue, au moment où elle a descendu dans l'escalier mobile et que je l'ai regardée dans les yeux, ça lui ressemblait — c'était bien ma fille, c'était l'enfant que j'avais mis au monde, c'était mon soldat —, mais ce n'était pas elle.
    Ma fille est quelque part en Afghanistan. Je l'avais seulement prêtée au pays. C'est un prêt que je vous avais consenti à vous tous, à tous les citoyens canadiens.
    Je crois que je vous l'ai prêtée en parfait état. C'était une jeune femme forte et dynamique et une mère fantastique. Ce n'est pas ce qu'on m'a remis.
    Et cela continue. Essayer d'obtenir de l'aide pour elle est... c'est comme a dit Greg: je souffre d'épuisement au combat en tant que parent. Je suis exténuée. Je m'occupe de son enfant, ce qui ne me posait aucun problème quand c'était pour un déploiement ou l'instruction, car c'est une contribution pour notre pays. Nous sommes une famille de militaires très fière. Quiconque est déjà passé devant chez moi sur Quidi Vidi sait que j'ai sur ma clôture une enseigne de huit pieds sur six qui témoigne de notre grande fierté d'être les parents d'une militaire et affiche le drapeau canadien.
    Nous sommes fiers, et nous sommes fiers de tout ce qu'elle fait. Mais nous ne sommes pas fiers de la façon dont elle est traitée ni de la façon dont se font traiter les personnes comme elle. Elle glisse entre les mailles du filet. J'entends cela chaque fois que je parle à des parents.
    L'histoire est la même, alors ce n'est pas juste elle. Ce n'est pas parce qu'elle était déjà brisée avant de s'enrôler, car, si c'était le cas, toutes ces personnes l'étaient.
    Et ça continue. Chaque matin, je dois dire à son petit bonhomme qu'il ne peut pas voir sa mère parce qu'elle n'est pas dans son assiette. Dieu merci, elle a eu la présence d'esprit de savoir ce qui s'en venait. Elle le savait avant moi. Lorsqu'elle est revenue, elle m'a demandé si je pouvais le garder encore un an, le temps qu'elle s'installe; elle avait été affectée à Borden. Nous l'avons gardé, et je sais pourquoi maintenant. Elle craignait de... Elle savait ce qui s'en venait. Elle l'avait vu chez ses camarades. Elle ne voulait pas l'exposer à cela.
(1550)
    Imaginez que vous êtes le grand-parent... je suis censée être une personne amusante, et je dois attendre patiemment durant chaque déploiement et espérer ne pas entendre frapper à la porte ou recevoir l'appel téléphonique, n'est-ce pas? Je suis aussi allée à la guerre. J'ai été en Afghanistan, tout comme elle.
    Lorsqu'elle est revenue la dernière fois, j'ai dit: « Dieu merci. » Dieu merci, je n'aurai pas peur lorsque j'entendrai sonner le téléphone et, Dieu merci, lorsque j'entendrai frapper à la porte, je me ferai un plaisir de répondre. Mais ce n'est pas ainsi que se passent les choses. Je vis toujours ce cauchemar. J'attends encore de recevoir cet appel ou d'entendre frapper à la porte, et ce n'est tout simplement pas acceptable. Cela ne peut pas continuer. Nous devons en faire plus.
    J'ai appris mercredi que ma fille — Dieu merci — allait être admise en juin. Elle n'a encore rien obtenu. Elle sera admise à Homewood. Je suis un peu préoccupée, parce que je sais que Bellwood offre un meilleur programme, et c'est là que je voulais qu'elle aille au départ. Croyez-moi: son admission à Homewood le 12 juin — le jour de son anniversaire, soit dit en passant — est une bonne chose, mais c'est le fruit d'une lutte de longue haleine pour moi cette année. J'ai vraiment dû me battre avec l'énergie du désespoir pour obtenir cela.
    La chose ne devrait pas être aussi difficile. La responsabilité ne devrait pas m'incomber. Elle devrait incomber aux Forces et au gouvernement — et aux Canadiens —, qui devraient veiller à ce qu'on s'occupe bien de nos enfants lorsqu'ils reviennent à la maison.
    Alors, le mois de juin arrive, et elle s'apprête à entrer à Homewood. J'ai encore son fils, n'est-ce pas? Elle veut qu'il aille la rejoindre, mais c'est impossible.
    Nous l'avons amené là-bas durant la semaine de relâche, juste pour voir comment elle réagirait, car j'entretiens une crainte, et j'ai aussi à coeur l'intérêt du petit. Nous l'avons amenée pour qu'elle puisse le voir. Elle veut désespérément le voir.
    Une nuit, il s'est réveillé et avait peur, parce qu'il ne connaissait pas la pièce ni les lieux qui l'entouraient. Il est allé réveiller sa mère. Bien sûr, la première chose qu'il fait est de toucher son visage pour la réveiller. Elle sort du lit. Sa première réaction — elle est de retour en Afghanistan — est de se protéger. Elle le saisit, ce qui le terrorise et représente pour elle un pas en arrière.
    Elle commençait à faire des progrès. Elle m'a téléphoné pour me dire: « Maman, viens le chercher. »
    Nous avons personnellement assumé les frais de nos nombreux voyages en avion de Terre-Neuve à Toronto. C'est coûteux. Cela a été difficile pour nous sur le plan financier, sans parler du plan affectif. Alors, nous l'avons ramené. Mon inquiétude maintenant, c'est que, si je n'avais pas moi-même pris toutes les mesures, les services sociaux seraient intervenus et l'auraient pris. Voilà la crainte qu'entretiennent les grands-parents des enfants de parents soldats à la tête d'une famille monoparentale. Nos petits-enfants pourraient être retirés au soldat à tout moment. C'est une autre crainte que nous avons.
    Je ne peux pas croire... J'ai l'impression qu'on m'a leurrée. Vraiment. À l'époque où nous sommes allés en Afghanistan, j'étais fi... Je veux dire, je suis fière de tous nos soldats, peu importe ce qu'ils font, mais j'étais fière de mon pays, car nous prenions position, nous faisions quelque chose. On nous disait — ou on nous laissait entendre — qu'on s'en occuperait, qu'ils seraient protégés et qu'ils seraient munis du meilleur équipement. Eh bien, je peux vous dire que, jusqu'à maintenant, je n'ai rien vu de cela. Ils reviennent et on les évite, pas seulement leurs camarades de combat, comme l'expliquait Greg, mais aussi les citoyens du pays, le gouvernement du pays. C'est déplorable. C'est absolument déplorable.
    J'avais tant d'autres choses à dire, mais je suis nerveuse et je suis ébranlée, et je suis une mère en colère noire, très sincèrement. Dans quatre ans, je ne veux pas me retrouver dans la même situation que Greg, à témoigner ici en disant: « S'il vous plaît, essayez d'obtenir de l'aide pour ma fille. » S'il y a des mères ici dans la salle, vous savez que cela n'arrivera pas. Cela ne peut tout simplement pas arriver, et le problème ne se limite pas à ma fille. J'espère que ma fille sera admise dans ce centre et obtiendra de l'aide, parce qu'elle a un objectif à atteindre: son enfant. J'espère vraiment que cela sera fructueux, vraiment, parce que nous sommes tous si épuisés.
     Mais cela ne s'arrêtera pas ici pour moi, car il y a des soldats sans mère ni père ni famille pour les aider. Je tiens seulement à vous signaler que je serai là, et je me ferai entendre, et je vais réclamer qu'ils obtiennent aussi le traitement qu'ils méritent tant.
(1555)
    Sur ce, j'aimerais conclure par une citation, et vous pouvez me prendre au pied de la lettre ici:
L'amour d'une mère pour son enfant ne connaît ni loi ni pitié ni limite. Il pourrait anéantir impitoyablement tout ce qui se trouve en travers de son chemin.
    Cela vient d'Agatha Christie. Vous pouvez vous fier à la mère que vous voyez devant vous. Cette citation sera mon cri de ralliement à l'intention de tous les soldats qui ont besoin d'aide. J'espère que quelqu'un ici m'entendra aujourd'hui et offrira à nos soldats le traitement qu'ils méritent. S'ils revenaient avec une blessure visible, les jetteriez-vous au fond d'un service de psychiatrie? Vous vous assureriez qu'ils obtiennent le traitement dont ils ont besoin dans des délais raisonnables, comme il se doit, une fois le diagnostic établi. Eh bien, je suis ici pour vous dire que le SPT — et je refuse d'utiliser le « T » initial — est une blessure. Je veux que le processus se déroule dans des délais raisonnables. Il le faut. Nous perdons trop de soldats.
    Merci beaucoup. Je suis un peu nerveuse, mais je vous suis vraiment reconnaissante de m'avoir permis de témoigner ici aujourd'hui.
(1600)
    Merci beaucoup.
    Nous vous sommes vraiment reconnaissants à vous deux d'avoir présenté une déclaration préliminaire aussi sincère.
    Sur ce, nous allons entreprendre notre première série de questions.
    Monsieur Harris, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier tous les deux d'être venus nous raconter votre douloureuse histoire. Vos deux enfants ont de la chance d'avoir des porte-parole aussi dévoués et, si j'ose dire, virulents.
    Je veux commencer par aborder la question du diagnostic. Monsieur Woolvett, vous l'avez mentionné. Vous avez dit que le diagnostic était non pas le TSPT, mais l'alcoolisme.
    J'utilise le « T » initial, madame Allison, car c'est ainsi dans la littérature et tout cela, mais le diagnostic est très important. L'autre jour, quelqu'un m'a dit que c'était un phénomène très répandu dans l'armée et qu'il faudrait peut-être établir un diagnostic de TSPT par défaut pour quiconque présente des symptômes.
    L'autre soir, j'ai vu à CPAC un film intitulé Homecoming, dans lequel l'ancien chef d'état-major de la Défense parlait de ses propres symptômes de TSPT. Mais il y a un écart entre ce genre de commentaires de l'échelon supérieur et les histoires dont vous nous avez fait part aujourd'hui.
    Qu'en dites-vous, monsieur Woolvett?
    Et qu'en est-il de votre fille, madame Allison? A-t-on établi rapidement un diagnostic, si tant est qu'on l'ait fait?
    La première fois que j'ai rencontré le médecin militaire de Jon, il m'a dit: « Jon boit trop. » J'ai répondu: « Oui. Actuellement, il boit trop. » Il m'a demandé: « Buvait-il ainsi avant de s'enrôler dans l'armée? » J'ai répondu: « Non. Il aimait s'amuser, comme tout le monde. Il a été bien élevé. » Lorsqu'il est revenu, il a commencé à boire pour réprimer ses cauchemars.
    Au début, lorsqu'il est revenu, sa belle-mère me téléphonait pour me dire: « Greg, vous devez absolument téléphoner à Jon pour lui parler. Il se réveille secoué par des terreurs nocturnes. Il frappe le mur. Il lance des objets dans la pièce. Il se réveille terrorisé. » Mon ex-femme est allée lui rendre visite, et elle a eu si peur qu'elle a bloqué la porte de la pièce où elle dormait avec une armoire, parce qu'il faisait les cent pas dans le corridor armé d'une réplique de carabine, comme s'il subissait une attaque. À plusieurs reprises, il était dans la cour arrière, rampait dans son uniforme de combat, donnait des ordres et ce genre de chose. Alors, il y avait non seulement la boisson, mais aussi les hallucinations, les retours en arrière et des choses du genre.
    Le médecin militaire s'est toujours contenté de me dire: « Non, non, il s'agit d'un problème de consommation d'alcool. » J'ai répété avec insistance que ce n'était pas le cas. La méthode de traitement, la première fois qu'il a été admis à Bellwood, consistait à lui faire suivre des programmes de désintoxication. On n'a jamais mentionné le TSPT. Il a fallu attendre un certain moment, jusqu'en 2010, je crois, pour qu'un psychiatre civil embauché par les Forces, la Dre Suzanne McKay, partie depuis, pose un diagnostic de trouble de stress post-traumatique catastrophique chez Jon.
    Madame Allison.
    C'est la même question? D'accord.
    Comme je l'ai dit, je fais mes premières armes. Seulement une année s'est déroulée — et seulement six mois depuis que la situation a un sens pour nous — depuis que le problème a commencé. Elle suit un traitement psychiatrique à la base de Borden; elle voit un psychiatre tous les jeudis.
    On l'a admis dans des unités de psychiatrie, ce qui me perturbe profondément. « C'est à des fins d'évaluation », dit-on. Le message que cela envoie à ma fille et à tous ces autres soldats, c'est que les gens croient qu'ils sont fous, et ils ne sont pas fous.
    La première fois qu'elle a été admise dans un hôpital psychiatrique, il y avait un vétéran qui avait participé à quatre missions en Afghanistan et à deux en Bosnie. C'était un homme fort et courageux. Il m'a appelée. Il était terrorisé à l'idée de marcher dans le couloir. Des gens couraient après lui, criaient et hurlaient. Il y en avait qui crachaient. J'ai demandé à savoir ce qui se passait là-bas. Lorsqu'il est entré dans la chambre de ma fille, une femme hurlait des mots en allemand au téléphone et courait partout dans la pièce. Il a regardé plus loin, et mon soldat était dans le coin ou dans son lit, se faisant le plus petite possible, sous les draps, et elle tremblait comme il n'avait jamais vu trembler personne auparavant. Tout ce qu'elle disait, c'était: « Pourquoi m'ont-ils envoyée ici? » J'étais ahurie lorsque j'ai entendu cela.
    Alors, j'ai commencé à poser des questions, et d'autres parents et conjoints avaient vécu des histoires semblables. J'ai parlé à une conjointe qui ne pouvait même pas aller au centre psychiatrique pour voir son époux. Elle était terrifiée. Elle franchissait le seuil de la porte — elle a tenté de le faire à trois occasions différentes —, mais, à cause du spectacle qui s'offrait à ses yeux, des gens qui fendaient du bois et le cordaient, un autre qui faisait des pirouettes et hurlait... Son époux lui a dit la même chose: « Qu'est-ce que tu m'as fait? » Il la blâmait, elle.
    Cette situation, mesdames et messieurs, est si injuste.
(1605)
    Puis-je poser une question au sujet du traitement à domicile? Pour votre part, M. Woolvett, on vous accuse d'avoir enlevé votre fils pour lui offrir un traitement résidentiel ou 24 heures sur 24. Madame Allison, vous dites que votre fille est actuellement à l'étape de l'analyse. Et qu'en est-il de la disponibilité? Vous dites que quelque chose se passe actuellement à Bellwood. C'est nouveau et axé uniquement sur les soldats?
    Madame Allison, y voyez-vous un problème?
    Le Dr Ewing de la BFC Borden m'a dit que c'est ce qu'on faisait à l'heure actuelle, et je me suis demandé pourquoi Jon n'y était pas. On l'a envoyé suivre un programme de réadaptation à trois reprises. Cette initiative n'a jamais été fructueuse, parce qu'il n'a jamais obtenu de traitement pour son trouble de stress post-traumatique. Le traitement qu'il a obtenu visait l'alcoolisme ou la toxicomanie. Il prenait huit médicaments d'ordonnance. Ces gens savent comment s'engourdir, comment se transformer en zombie, si on veut. Ils peuvent boire 40 onces de vodka devant vous et ne pas tomber, puis ils vont inhaler le Wellbutrin en poudre qu'on leur aura donné. Ils vont l'inhaler, pour planer temporairement. Ça leur donne un peu de répit.
    Il m'a dit que, il y a un mois, il était assis sur son lit et a aperçu un arbre par la fenêtre. Cela l'a tout de suite ramené en Afghanistan. Ils étaient dans un village. Un père a poussé son petit garçon pour qu'il prenne des bonbons, parce que les soldats donnaient aux enfants des bonbons ou des petits jouets. Le lendemain, lorsqu'ils sont arrivés dans le village, le père et l'enfant étaient suspendus à un arbre, criblés de balles, la gorge tranchée. Ils servaient d'avertissement aux villageois qui s'aviseraient de côtoyer un soldat.
    Je m'écarte un peu de votre question, mais il n'a jamais obtenu de traitement pour trouble de stress post-traumatique.
    Merci. Le temps est écoulé.
    Monsieur Opitz, c'est votre tour.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais aussi vous remercier tous les deux d'être ici. Je sais que c'est très difficile pour vous en tant que parents, et je sais que vous composez tous deux avec la situation depuis différentes périodes. Monsieur Woolvett et madame Allison, vous avez vécu une expérience semblable, mais aussi différente.
    Madame Allison, vous me rappelez un peu ma propre maman. Elle est tenace.
    Lorsque je pose une question — je sais que vous êtes un peu nerveuse et que c'est la première fois —, si vous voulez faire inscrire quelque chose au compte rendu, signalez-le-moi simplement. Je veux m'assurer que vous ayez l'occasion de tout dire ce que vous vouliez dire.
    Je vais commencer par vous, M. Woolvett. Votre fils a-t-il souvent été déployé? Combien de fois avez-vous dit?
    Il a participé à deux missions.
    Les deux en Afghanistan?
    Oui, les deux en Afghanistan. La première fois qu'il a été déployé, c'était dans le cadre de la mission de l'EMOL, où il faisait partie du détachement arrière. Il s'est porté volontaire, on l'a envoyé. Il a travaillé avec les forces spéciales des États-Unis. C'est à ce moment-là que son premier compagnon de chambrée, Matthew McCully, a perdu la vie.
    Je ne me souviens plus du nom de sa deuxième mission, mais il a été déployé avec tout son bataillon, 3 RCR. C'est à cette occasion qu'il a vu mourir plusieurs personnes. Au lendemain de Noël, son compagnon de chambrée, le soldat Michael Freeman, a succombé à un IED. Le lendemain de sa fête, le 20 janvier 2009, il a participé à un échange de tirs intense. Encore aujourd'hui, il est surpris de ne pas avoir été tué à ce moment-là.
(1610)
    Lorsque la Dre McKay a posé un diagnostic officiel de TSPT, n'y a-t-on pas donné suite? Les gens ont-ils cessé de reconnaître qu'il avait fait l'objet de ce diagnostic?
    On n'a jamais reconnu qu'il s'agissait du TSPT. On appelait ça une BSO, une blessure de stress opérationnelle. On a attribué cela à une infinité de facteurs, mais il a essentiellement subi un traitement pour toxicomanes.
    Madame Allison, combien de fois votre fille a-t-elle été déployée?
    Deux fois en Afghanistan. Une fois en 2006, puis tout récemment, en 2011.
    Vous avez aussi dit qu'elle était infirmière.
    Elle est infirmière, oui.
    Je vous pose la même question. Lorsqu'elle a été diagnostiquée, vous dites que, après, on refusait de reconnaître qu'elle était dans un état post-traumatique?
    Comme je l'ai dit, nous vivons cette situation depuis très peu de temps; cela ne fait pas tout à fait un an.
    Son diagnostic a été posé en février, après sa première tentative. Elle a été examinée. Son état est plus colérique. Elle se sent trahie. C'est différent. Il y a la boisson, assurément, ce qui ne lui ressemble pas du tout. Dans son cas, c'est la totalité de son être. Elle ne ressent plus de désir à l'égard de quoi que ce soit. La dernière fois qu'elle est revenue, Alexei, son fils, est resté avec nous, et elle lui téléphonait chaque jour, matin, midi et soir. Elle m'appelait 30 fois. C'en était presque fatigant. J'aimerais tant retrouver cette époque. Au fil du temps... Elle est venue lui rendre visite en été. C'était fantastique, mais je savais tout de même que quelque chose n'allait pas. À Noël, elle est revenue, et c'était la même chose. En janvier, les appels téléphoniques étaient très limités, très brefs. La communication par Skype n'existait plus. Et la situation a empiré par la suite.
    Je voulais vous demander à tous les deux si, à votre avis, les Forces armées canadiennes auraient pu faire quelque chose avant le déploiement pour atténuer les blessures de stress opérationnel ou le stress post-traumatique? Comme j'ai moi-même déjà été commandant, j'ai une vaste expérience auprès de soldats et de collègues qui ont vécu cela. Je connais assurément ce dont vous parlez.
    Ensuite, nous gérons aussi... Et, bien souvent, nous avons assez bien réussi à éliminer les stigmates, de sorte que les gens ne sont pas stigmatisés, qu'ils ne sont pas ostracisés, exclus. À la lumière de mon expérience personnelle, cela a généralement assez bien réussi.
    Mais, avant le déploiement, en votre qualité de parents, croyez-vous que les Forces armées canadiennes auraient pu faire quelque chose de plus pour jeter les bases et préparer les soldats à prendre conscience de la possibilité... du fait que quelque chose pourrait leur arriver?
    Assurément, mieux vaut prévenir que guérir, et, si on avait pris le temps de discuter avec eux ou qu'un représentant du SSBSO, surtout, qui avait été blessé par le stress opérationnel... On devrait peut-être apprendre aux gens qui s'apprêtent à aller là-bas à reconnaître les signes à surveiller: « Si vous voyez quelque chose comme ça, n'hésitez pas à aller parler au... Il y a un psychiatre sur place en tout temps » Ou je ne sais quoi: « Parlez à votre médecin militaire. »
    Si on avait fait cela, les gens ne seraient peut-être pas aussi vulnérables lorsqu'ils reviennent ou lorsqu'ils commencent à voir leurs propres symptômes. On leur apprend à arrêter les saignements, à installer des tourniquets et tout cela, mais on ne leur donne aucun outil pour gérer l'aspect mental du combat, ou la terreur, parce que, bien souvent, il y a plus de terreur que de combat.
    John m'a dit : « Papa, le premier quart de mille, il faut regarder où on met les pieds, car on ne sait jamais sur quoi on va marcher. » C'était ainsi chaque fois qu'il sortait.
    Madame Allison, êtes-vous d'accord avec cela, plus ou moins, et avez-vous des recommandations?
    Je crois que mes sept minutes sont presque écoulées.
(1615)
    Je crois que tous les soldats vivent leur propre expérience et que certaines sont plus sombres que d'autres.
    Oui, je suis tout à fait d'accord pour dire que c'est quelque chose qu'on devrait faire durant l'instruction de base. Ça devrait commencer là, au moment de l'instruction de base. On ne devrait pas limiter cela à la préparation à leur départ. C'est un peu tard. C'est quelque chose qu'on devrait intégrer au camp d'entraînement; cela fait partie de la vie d'un soldat, et certaines choses peuvent se produire.
    L'autre chose, c'est que, selon moi, il devrait y avoir plus de mesures pour les familles, pour qu'elles sachent de quoi se méfier. C'est comme si tout se fait après coup. Je sais que, dans le cadre des séances à l'intention des parents auxquelles j'ai participé par l'entremise du CRFM, ma seule question, car j'étais maintenant une mère expérimentée en matière de déploiements, en ayant vécu un... J'ai mentionné le SPT — et mettons le « T » initial —, et les conseillers m'ont répondu, lors de la séance: « Oh non, nous ne parlons pas de cela. Nous n'allons pas aborder ce sujet. Nous aurons cette discussion quelques semaines avant que votre soldat revienne. »
    Eh bien, ça va si votre soldat revient chez vous — et ça ne va toujours pas, on devrait vous préparer —, mais, nous, les parents d'enfants de la force permanente... Nos enfants vont à une autre base. Nous ne savons rien avant de recevoir un appel téléphonique et d'entendre quelque chose au téléphone. Et, croyez-moi, lorsque vous entendez votre soldat au téléphone, vous le savez si quelque chose ne va pas; vous le savez, tout simplement.
    Mais, oui, à mon avis, cela devrait commencer au camp d'entraînement, monsieur. Je le crois vraiment. Je crois que cela fait partie de la réalité du soldat et je crois qu'on devrait l'enseigner dès les début.
    Merci.
    Merci.
    Pour les sept dernières minutes, M. McKay.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux d'être venus.
    Vous vous en êtes tirée à merveille, madame Allison, pour quelqu'un qui se dit nerveuse. Vous avez été très claire. Et nous vous en sommes reconnaissants.
    Je vous suis particulièrement reconnaissant d'avoir fait ressortir la question de la famille, d'avoir souligné que le problème ne s'en va tout simplement pas. Dans notre famille, nous avons un enfant qui souffre de schizophrénie, et je comprends tout à fait — quoique pas dans la même mesure que vous deux — que cela ne s'en va jamais. Cela ne s'en va jamais, alors je comprends.
    C'est comme si je ne savais pas où commencer, car nous avons entendu tant de témoins ici nous dire que les services qu'offrent les Forces canadiennes à ses membres malades et blessés sont parmi les meilleurs au monde, et pourtant, la situation que vous dites avoir vécue s'apparente à un mauvais diagnostic — ou à un diagnostic tardif — ou à un traitement qui ne reflètent pas le diagnostic, notamment. On dirait que ça va à l'encontre de nombre de choses que nous avons entendues, mais je suis tout à fait prêt à croire que certains des témoins qui viennent ici croient sincèrement — et peut-être qu'ils ont raison, je l'ignore — que les Forces canadiennes se soucient profondément de leurs membres et que, entre guillemets, « elles font de leur mieux ».
    Le point commun entre vos deux histoires semble être un mauvais diagnostic qui semble prendre un temps excessif. Est-ce juste de l'expliquer ainsi?
    Je dirais que oui.
    Parlez-moi de cette épreuve, du fait que les Forces — dans le cas de votre fils, monsieur Woolvett, peuvent poser un diagnostic aussi erroné. Le SPT ou le TSPT n'est pas inconnu dans la littérature, et ce diagnostic est assez bien reconnu depuis au moins 10 ans, alors j'ignore comment on pourrait se tromper à ce point avant de s'orienter, à tout le moins, vers le bon diagnostic.
    J'estime qu'il devrait en être ainsi. Lorsqu'il est revenu d'Afghanistan, premièrement, il avait un bambin de 11 mois. Son épouse, une infirmière, a été affectée à Gagetown pour suivre un cours d'instruction. Essentiellement, trois semaines après son retour d'Afghanistan, il s'occupait d'un bébé de 11 mois. Il composait avec la mort très récente de deux hommes. Il a immédiatement commencé à boire et à faire des cauchemars.
    Les gens le cachent. Ils ne le crient pas nécessairement sur les toits. Mais, même lorsqu'il allait travailler, on lui donnait en quelque sorte une petite tape dans le dos. On apercevait ses yeux vitreux et on sentait un peu l'alcool de la veille, alors on lui disait, « Hé, Johnny, tu sais, tu ne peux pas venir travailler comme ça. Tu dois apprendre à gérer les choses, tu sais. » Je crois qu'il était revenu depuis quatre mois lorsqu'il a pris l'initiative de demander de l'aide au centre de soutien des guerriers, et son épouse et lui ont essayé d'obtenir un counselling par l'intermédiaire du SSBSO, car ils éprouvaient des difficultés conjugales. Il se réveillait la nuit et ce genre de choses.
    Le traitement médical qu'obtiennent les militaires est peut-être très bien, mais il est question d'un différent type de trouble ou de blessure. Chaque jour que j'étais là, j'assistais à la revue des malades. Chaque matin, il y avait probablement de 30 à 40 personnes qui allaient consulter un médecin. Je ne doute pas qu'elles reçoivent un bon traitement pour différents malaises, qu'elles aient sauté en bas d'un avion ou se soient coupées, peu importe. Ce que je dis, c'est que, lorsqu'il est question de cette blessure particulière — le trouble de stress post-traumatique —, on pose un mauvais diagnostic et on définit cela différemment.
(1620)
    Avez-vous vécu une expérience semblable?
    Oh, oui.
    La seule chose que j'aimerais ajouter, c'est que, lorsque ma fille — et je peux seulement parler de ma fille — a commencé à manifester des signes ou des symptômes, elle a vu le psychiatre et elle a obtenu des médicaments. Ensuite, dans toute leur sagesse, son unité et la base ont jugé qu'il valait mieux lui donner ce médicament pour atténuer ses terreurs nocturnes, l'envoyer chez elle et lui dire de ne pas venir travailler.
    A-t-elle été traitée ainsi avant le diagnostic?
    Oui, c'était avant le diagnostic.
    Je croyais que, comme les gens de la base avaient déjà composé avec le TSPT et l'avaient déjà vu... Ils ne se sont pas contentés d'écrire « diagnostiquée » sur un bout de papier. Ils lui ont donné des médicaments. S'ils lui ont donné des médicaments, alors, à mon avis, ils savaient qu'il s'agissait du TSPT. Ils l'ont envoyée seule chez elle, dans une maison vide, avec des médicaments d'ordonnance, alors qu'elle était en très mauvais état et que personne ne s'occupait d'elle. C'est un fait. Lorsque j'ai appris cela, j'ai téléphoné. J'ai reçu un appel téléphonique de sa part, et elle était complètement incohérente. Je ne pouvais pas comprendre ce qu'elle disait. Je ne pouvais parler à personne sur la base, car je n'avais pas de numéros de téléphone. Or, j'avais déjà entendu dire — au cours de ses 14 années — que, si on voulait obtenir des résultats, il fallait aller voir l'aumônier. Alors, dans tout mon émoi, je suis allée consulter l'aumônier à St. John's et, Dieu merci, il a pris le téléphone.
    J'ai parlé à un de ses supérieurs peu après, car l'aumônier de Borden lui avait demandé de me téléphoner. Il m'a assuré qu'on l'avait à l'oeil, qu'on la surveillait et qu'on s'en occupait, ce que je trouvais vraiment bizarre, car, 20 minutes plus tard, j'ai reçu un appel téléphonique, et elle était toujours dans le même état. De toute évidence, personne ne la surveillait. Elle avait consommé trop de médicaments lorsque je lui ai parlé. Je suis infirmière à la retraite; je sais reconnaître une personne qui a consommé trop de médicaments.
    Alors, que le diagnostic ait été posé avant ou après n'est pas la question: on n'envoie tout simplement pas une personne seule chez elle en lui donnant une poignée de pilules lorsqu'elle est dans un tel état.
    Ai-je le temps d'en poser une autre?
    Vous avez le temps de poser une question très brève, et après, votre temps sera écoulé.
    L'invalidité à 58 p. 100... Qu'est-ce que cela veut dire?
    Des 270 000 $ prévus pour l'indemnité d'invalidité versée aux soldats, dans son cas, le plafond a été établi à 58 p. 100. C'est tout l'argent qu'il touchera en vertu d'une indemnité d'invalidité. Et on lui a dit qu'il avait de la chance; on n'avait jamais vu quelqu'un avoir plus de 58 p. 100 pour le TSPT.
    À mes yeux, cela traduit une distinction qui a été établie entre les blessures et les maladies et le fait que cela soit visible ou non. Essentiellement, je regarde une vie détruite, une carrière anéantie. Il n'a pas perdu un membre, il a perdu la tête. Qu'est-ce qu'une tête artificielle? On ne peut pas en trouver. J'ignore à quoi ressemblerait une tête artificielle. À l'heure actuelle, il n'en a pas.
    En fait, selon moi, on essaie de le stabiliser pour pouvoir transférer la responsabilité à ACC. Qu'on lui donne son désengagement médical 3(b), qu'on lui verse 75 p. 100 pour deux ans, puis son dossier sera clos. S'il se suicide à l'extérieur du contexte militaire, la responsabilité n'incombe pas aux Forces. Et beaucoup se sont suicidés à l'extérieur du contexte militaire; 22 personnes se sont suicidées à Petawawa dans les trois dernières années.
    Je n'essaie pas de faire des reproches. Je dis simplement que ces gens ne savent pas comment traiter un trouble de stress post-traumatique. Ils connaissent les attelles, ils connaissent les prothèses, ils connaissent ceci et ils connaissent cela. Mais ils ne savent pas... Et je trouve cela ahurissant. Lorsque mon grand-père est revenu de la Première Guerre mondiale, il n'a jamais travaillé de nouveau. Il est mort alcoolique à l'hôpital Westminster à Londres. De quoi souffrait-il? Il avait un traumatisme dû au bombardement.
    Vous savez, nous participons à des guerres depuis une centaine d'années, mais nous n'arrivons pas à comprendre comment traiter ces personnes. Nous pouvons leur donner des béquilles. Nous pouvons faire ceci ou cela lorsqu'une personne a une blessure visible, mais nous ignorons comment...
    C'est pourquoi, selon moi, les MM se rabattent sur la toxicomanie, c'est pourquoi ils disent que le problème est la toxicomanie: « Voici d'autres pilules; prenez du Seroquel, Jon, 400 milligrammes. »
    Mais cela va vous jeter à terre. C'est assez pour abattre un cheval. Lorsqu'il en prend, il reste éveillé encore trois heures.
(1625)
    Je vais devoir vous interrompre ici. Nous approchons de la fin, et j'aimerais donner la parole à encore deux autres intervenants.
    M. Strahl, pour cinq minutes, puis M. Larose.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Chers témoins, je crois que, au bout du compte, peu importe le métier de nos enfants, nous allons toujours défendre leurs intérêts. Vous êtes ici devant le comité parce que vos enfants ont décidé de s'enrôler. Mais vous seriez devant un autre comité s'ils avaient choisi une voie différente et éprouvaient des problèmes semblables. Je tiens à vous remercier pour cela.
    Monsieur Woolvett, votre fils est-il toujours un membre actif des Forces canadiennes?
    Oui. Il a été affecté à l'UISP, l'Unité interarmées de soutien du personnel.
    On m'a dit qu'on le transférait graduellement hors des Forces canadiennes. Les militaires appellent cela un « cas complexe », alors il n'y a pas d'échéancier. Il n'a pas six mois, il n'a pas neuf mois; cela pourrait prendre encore deux ans.
    D'accord.
    Depuis quand est-il à l'UISP?
    Il est à l'UISP depuis — si je ne m'abuse — mars 2010.
    Vous avez mentionné qu'il était revenu à la maison en août 2007. Je n'ai pas entendu à quel mois il avait été déployé de nouveau en 2008.
    Il est reparti en mission le 8 septembre 2008.
    Alors tout juste un an plus tard.
    Durant l'intervalle d'un an, comment était sa vie? Les Forces étaient-elles au courant du TSPT ou de quelque chose du genre; un « problème de toxicomanie », comme elles appelaient cela? Avait-il l'aspect d'un soldat normal pendant cette année ou les indices apparaissaient-ils même à ce moment-là?
    Non, il avait sans aucun doute l'aspect d'un soldat normal. Il a même obtenu une promotion et il est passé de caporal à caporal-chef. On l'a même fait adjoint dans son unité en Afghanistan, et il avait une bonne réputation. Il a été mis sur la voie rapide pour devenir sergent.
    Alors, c'est après son deuxième déploiement que les choses ont vraiment commencé à...
    Oui.
    Madame Allison, vous avez parlé de vos interactions avec le CRFM, le Centre de ressources pour les familles des militaires. Après combien de temps suivant le retour de votre fille avez-vous commencé à consulter ces gens? Quelle a été votre expérience globale?
    Vous avez fait mention de certains problèmes à ce chapitre, et je voulais tout simplement obtenir une rétroaction à l'égard de cette ressource. Que fait-on et que pourrait-on améliorer?
    En fait, j'ai parlé du TSPT avant le retour de ma fille d'Afghanistan, après son deuxième déploiement, seulement pour informer les autres parents. J'avais déjà commencé à lire sur le sujet, car j'estimais que je devais me préparer, au cas où; il n'y avait personne d'autre.
    Je ne crois pas que le CRFM a les ressources nécessaires pour aider les familles de gens qui souffrent du TSPT. Je me suis jointe depuis au SSBSO, un groupe de soutien à St. John's, Terre-Neuve, et je dois dire que les coordonnateurs du SSBSO font un travail remarquable.
    Que désigne le signe SSBSO? Blessure de stress opérationnel...
    Système de soutien aux blessés de stress opérationnel. Il y en a un pour les familles et un pour les soldats. Ces entités sont distinctes. Nous nous réunissons, puis nous discutons.
    Le CRFM est pour les familles, mais il est spécialisé dans les événements quotidiens pour la famille. En fait, j'ai connu plusieurs problèmes lorsque ma fille est partie en mission. Je ne pouvais pas obtenir de soins de santé pour son fils au Canada. Allez savoir. Pendant un an et demi, personne ne voulait l'assurer. Cela, mesdames et messieurs, c'est terrible. Le CRFM ne pouvait pas m'aider. L'un des psychologues du CRFM m'a dit: « Eh bien, elle est à la tête d'une famille monoparentale. Pourquoi partirait-elle en mission? Quel genre de mère partirait en mission? » Voilà la réalité avec laquelle nous devons composer. Les travailleurs sociaux ne sont pas tous ainsi, mais cette femme du CRFM en remplaçait une autre partie en congé de maternité. Elle n'était pas permanente.
    Le CRFM n'est tout simplement pas équipé. Le personnel n'est pas formé, et il ne veut tout simplement pas en parler, pour être complètement franche.
    Je dois dire que, si ce n'était du SSBSO de St. John's... Je dois ajouter que j'appartiens à un groupe de soutien essentiellement composé de conjoints, parce que je suis mère — il n'y a pas beaucoup de parents à Terre-Neuve, et nous avons tendance à ne pas vouloir parler de notre vie personnelle avec tout le monde —, donc on a un peu de mal à interpeller les parents. J'essaie de le faire.
    Mercredi, j'ai appris que ma fille allait enfin être admise à Homewood. Je suis tombée par terre, en sanglots; j'étais si heureuse. Le lendemain, j'avais une rencontre avec mon groupe de soutien, et j'étais morte de peur à l'idée d'annoncer la nouvelle; j'étais pétrifiée. J'étais heureuse et je voulais que les membres du groupe le sachent, mais je savais que les autres conjoints et parents seraient tristes, car ce n'était pas leur soldat et ils attendaient depuis plus longtemps.
    C'est notre réalité quotidienne.
(1630)
    Merci.
    Notre dernière intervention pour cette heure revient à M. Larose.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins.
    Je suis très touché, en ma qualité de père et parce que j'ai moi-même brièvement été militaire — je ne suis jamais allé outre-mer —, par les propos que vous avez tenus aujourd'hui. En ma qualité de parent, j'entends vos pleurs, j'entends vos cris et j'entends votre colère. J'ai l'impression que vous vous battez depuis longtemps. Je me demande si vous voyez la lumière au bout du tunnel. Croyez-vous que la relation entre les Forces armées du Canada et les parents devrait changer? Avez-vous des recommandations? Pouvez-vous nous parler un peu de l'ampleur de votre lutte, dans le cas de votre fille? Jusqu'où êtes-vous allée? Avez-vous l'impression que les programmes étaient déjà en place avant que vous commenciez tous deux à vous battre pour votre enfant?
    Les programmes sont peut-être là, mais il est difficile d'y accéder, surtout pour les gens qui vivent à Terre-Neuve.
    Nous avons tant de petits villages isolés. Dans certains ports, on n'a même pas Internet, et, lorsqu'on essaie de parler à quelqu'un pour obtenir des renseignements, on se fait répondre: « eh bien, allez sur Google » ou « www... » ou « faites le 2, faites le 8 ». Beaucoup de gens dans ces petits villages de Terre-Neuve n'ont même pas d'ordinateur, mais c'est le seul moyen d'obtenir de l'information. Nous devons rejoindre ces gens. Et je suis certaine qu'il existe d'autres endroits au Canada — de petits villages — où la même chose se produit. Je crois que nous pourrions avoir un meilleur programme d'approche pour eux et mettre ces renseignements à leur disposition. À mon avis, la meilleure chose serait simplement d'en améliorer l'accessibilité, pour être tout à fait honnête.
    Compte tenu de l'expérience que vous avez vécue, il est assurément un peu triste que vous ayez seulement la présente occasion. Il serait bien d'interagir davantage. Parfois, nous avons l'impression que c'est unilatéral — vous êtes toujours ceux qui posent les questions —, et pourtant, je crois que nous avons beaucoup à apprendre de vous.
    Selon vous, serait-il bien d'aller dans cette direction? Avez-vous rencontré d'autres parents qui aimeraient s'exprimer davantage, qui ont l'impression qu'il devrait y avoir plus de...
    Assurément.
    En 2002, j'ai essayé de lancer un site Web ici, Mothers of the Military, seulement pour amener les parents à... Parce que je posais des questions qui demeuraient sans réponse. Mais ce projet a fini par être abandonné. Ce n'est qu'en 2006 que le Canada s'est réveillé et a constaté « Bien oui, nous avons une force armée, nous avons des militaires au combat », au moment où les cadavres commençaient à arriver. Je le crois vraiment. Nous étions exposés à cela, et même les parents se réveillaient. Je parlais à des parents qui ne savaient même pas ce que faisait leur soldat. Ils ne connaissaient pas les grades.
    Nous devrions être plus actifs. On exclut les parents. Comme j'ai dit à Greg plus tôt, lorsque nous discutions, il y a des choses pour les conjoints; je n'ai jamais dit qu'il n'y avait pas beaucoup de choses pour eux. Mais, quant à moi, j'ai donné naissance à ce soldat. J'ai absolument le droit... Et je ne peux pas abandonner ce soldat si les choses commencent à se corser. Je ne peux pas le quitter et poursuivre ma vie. C'est mon enfant. Je n'ai pas le luxe de l'abandonner pour aller vers quelque chose de plus facile ou de meilleur. Je ne veux rien enlever aux conjoints. C'est tout simplement un fait. Un parent n'a pas cette option. Alors, il doit y avoir quelque chose de plus pour nous. Notre voix doit être entendue. Nous avons besoin d'une tribune.
    J'ignore si Greg a quelque chose à ajouter à cela.
(1635)
    Pourriez-vous seulement répéter votre question principale, pour que je puisse bien répondre.
    C'était très général, mais, essentiellement, je voulais savoir s'il y avait des choses que nous pourrions faire pour améliorer la relation avec les parents et leur participation, qui, à mon avis, sont essentielles. Y a-t-il quelque chose que nous pourrions mieux faire?
    Ce que je vois, d'un point de vue externe, c'est qu'il y a un écart énorme entre la chaîne de commandement et les professionnels médicaux. Ils invoquent vraiment beaucoup la protection de la vie privée.
    Des colonels m'ont dit que mon fils était un jeune homme responsable et qu'ils ne pouvaient pas intervenir dans sa vie. J'ai dit qu'il était un jeune homme responsable; ce n'est plus un jeune homme responsable. L'argent lui brûle les poches. Il boit jusqu'à l'abrutissement total pour ne pas être en proie aux cauchemars, qui reviennent d'ailleurs toujours.
    Je crois qu'il faut établir un pont entre les professionnels médicaux et la chaîne de commandement. Lorsqu'on l'a amené à l'hôpital l'autre jour, j'ai reçu un courriel du major Kiss, et il a dit: « Il est à l'Hôpital RV à l'heure actuelle. Nous ne pouvons rien faire. Nous n'avons accès à aucun renseignement, à moins qu'il tente de quitter le programme plus tôt, et, dans ce cas-là, nous interviendrons. C'est une question de chaîne de commandement. Outre cela, nous ignorons ce qu'il fait. Nous ne savons rien. » Je n'ai pas non plus eu de ses nouvelles. J'imagine qu'on lui a enlevé son téléphone. Cela fait maintenant cinq jours qu'il est là, et je n'ai aucune idée de ce qui se passe.
    L'autre chose qui me dérange, c'est l'universalité du service. Les forces ont dépensé 1 million de dollars à faire de mon fils un fantassin. Maintenant, elles veulent s'en débarrasser. Il doit sûrement y avoir quelque chose... Je pense que l'universalité du service est entrée en vigueur en 1998, et, à mon avis, les Forces s'en servent pour se débarrasser des soldats, ou simplement leur dire: « Non, vous ne pouvez plus être soldat. »
    Lorsqu'un soldat souffre du trouble de stress post-traumatique, je crois que la police locale doit en être informée, ainsi que les services d'aide à l'enfance, s'il y a des enfants, et les agents de probation, car beaucoup de gens ont des démêlés avec la justice, la chaîne de commandement, la police militaire et les professionnels médicaux. Tous ces gens doivent prendre le temps de se consulter pour dire: « D'accord, cet homme ou cette femme a un problème. Comment pouvons-nous intervenir s'il ou elle perd les pédales? »
    Comme je disais, la PPO s'est rendue chez lui à 25 reprises. Je suis étonné qu'elle ne l'ait pas abattu, car il avait l'habitude de répondre à la porte muni d'un casque et d'une veste pare-éclats en braquant une réplique de carabine — qui avait l'air très dangereuse — sur les policiers. Mais ils le savaient, car il se trouve que beaucoup de membres de cette division étaient aussi d'anciens militaires, et ils m'ont tous dit avoir composé avec un aspect ou un autre du TSPT. Ils gèrent tous ce problème, mais beaucoup de soldats ne déclarent pas qu'ils souffrent du TSPT, comme mon fils.
    Je regrette un peu, à bien des égards, d'avoir autant parlé de sa maladie ou de sa blessure dans les médias. Beaucoup de soldats ne veulent pas déclarer leur problème parce qu'ils ne veulent pas être comme Johnny Woolvett, une ancienne étoile qui n'est aujourd'hui qu'un alcoolique. C'est la perception.
    Merci.
    Nous allons conclure notre première heure sur ces mots.
    Je tiens à vous remercier, monsieur Woolvett et madame Allison, de votre passion et de votre empressement à nous faire connaître ces récits très personnels. Comme je suis parent, je sais qu'on aime tellement ses enfants qu'on ferait n'importe quoi pour eux. Vous avez dit que, s'ils sont brisés, vous voulez les réparer.
    Notre étude porte sur les malades et les blessés et les maux visibles et les maux invisibles et vise à tout faire ressortir cela des différents aspects du service et de notre expérience en Afghanistan; nous nous attachons à la réalité sur le terrain jusqu'à la transition vers la vie civile en passant par l'accueil que nous leur réservons lorsqu'ils reviennent du théâtre des opérations.
    Votre témoignage est très important, car vous êtes les premiers parents à venir comparaître, et nous tenons à vous remercier.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance et accueillir d'autres témoins.
(1640)

(1640)
    Nous reprenons la séance. Nous entamons notre deuxième heure. Nous accueillons le caporal-chef à la retraite Paul Franklin, président des activités de financement, Coalition des amputés du Canada, et le caporal-chef Jody Mitic, qui témoignent à titre personnel.
    Merci à vous deux. Comme on vous l'a dit, vous avez la parole pour 10 minutes chacun.
    Monsieur Franklin, aimeriez-vous commencer?
    Je vais lire un peu. J'ai assisté à des audiences du Sénat, et nous avons déjà parlé à des sénateurs. Nous avons accompli beaucoup de travail sur le plan des soins offerts aux personnes blessées et malades, et, bien entendu, l'objectif est d'améliorer les choses et d'avoir des idées pour l'avenir.
    La dernière fois que je suis venu ici, nous avons parlé des soins offerts aux personnes blessées et malades. Depuis, beaucoup d'hôpitaux et d'universités spécialisés en réadaptation ont apporté de vastes changement au traitement des soldats. Mais cela faisait aussi partie de l'objectif, parce que chaque changement apporté pour le compte d'un soldat aide aussi les civils de chaque province. Des milliers de personnes blessées ont pratiquement transformé tout le système médical canadien.
    Mon propre petit organisme caritatif est passé du Northern Alberta Amputee Program à la Coalition des amputés du Canada, organisme caritatif à l'intention des amputés situé à Montréal.
    Le premier médecin qui m'a traité s'est tourné vers le domaine de la recherche sur le bras bionique qui permet de ressentir. Edmonton est le seul endroit au monde où on mène ces travaux de recherche. Imaginez que votre bras a été coupé, mais que vous pouvez ressentir le chaud et le froid, le dur et le mou. L'idée derrière tout ça, c'est que la prochaine étape sera peut-être de travailler sur les jambes.
    Mais, pour ce qui est des soins offerts aux anciens combattants, malheureusement, nous sommes devenus pires que nombre de nos alliés. On m'a retiré mon fauteuil roulant, la première fois en 2006, pour défaut de paiement, puis en 2013, parce qu'Anciens Combattants n'avait pas de note du médecin selon laquelle j'étais un amputé. J'ai dû obtenir de l'aide d'un humoriste canadien; on ne voit ça qu'au Canada. Je lui ai téléphoné, puis il a parlé à John Baird et au ministre d'ACC de l'époque, puis la question a été transmise à mon gestionnaire de cas. J'étais un amputé qui avait enfin le droit de récupérer son fauteuil roulant, mais seulement une fois la note du médecin obtenue et avec l'aide d'un comédien canadien de la CBC.
    Mon épouse et moi sommes séparés et, parce qu'il vit avec sa mère, mon fils s'est vu refuser l'assurance dentaire. ACC, bien sûr, nie cela, mais, comme son domicile n'est pas le même que le mien, il s'est vu refuser l'assurance dentaire.
    Vous nous entendez, nous, les blessés, vous entendez les familles, mais ce sont en fait les enfants qui souffrent le plus de tout cela.
    Elle doit rédiger une note tous les ans pour expliquer que je m'occupe encore de mon enfant — et même de mon ex —, et que j'ai des responsabilités familiales. Pour Anciens Combattants, je suis par défaut un père mauvais payeur.
    Imaginez devoir faire cela si vous souffrez d'une dépendance à la drogue, si vous êtes alcoolique ou si vous souffrez du trouble de stress post-traumatique. Vous croyez faire de votre mieux pour votre famille, mais pourtant, votre gestionnaire de cas vous apprend que le ministère veut une preuve que votre fils est en vie. Il veut un certificat de naissance, même s'il sait où vous habitez pour les soins dentaires.
    Je vais terminer ici. J'ai passé quatre ans à Edmonton. Je voulais que l'on rénove ma cuisine pour me faciliter la vie, et j'attends qu'on le fasse depuis six ans. J'ai été évalué par une infirmière en santé du travail, et j'ai dû lui montrer ce qui existait pour faciliter l'accès aux personnes invalides, de la cuisinière surbaissée au réfrigérateur adapté. Ce sont des éléments de base. Et je me servais du catalogue Ikea comme exemple. C'est ce que j'ai dû expliquer à cette infirmière en santé du travail.
    Maintenant, je dois recruter trois entrepreneurs pour rénover la cuisine, à mes frais, puis le ministère choisit ce qui lui convient le mieux. Il s'agit du processus fédéral typique. C'est difficile. Voilà les petites difficultés que j'éprouve, et je ne parle que de mon cas.
    Le 15 janvier 2006, j'ai perdu les deux jambes en protégeant le diplomate Glyn Berry, et j'ai enfin pris ma retraite en 2009. Je suis là depuis le début, et notre situation au chapitre des soins des personnes blessées et malades était très médiocre. Notre situation actuelle est assez bonne.
    Plus tôt, vous avez parlé... On nous dit tout le temps que nous sommes des chefs de file mondiaux. Honnêtement, si on regarde ce qui se passe dans le reste du monde, on constate que nous sommes très loin d'être des chefs de file. On n'est pas chef de file en étant les meilleurs des pires.
    Je vais terminer ici.
(1645)
    Merci.
    Jody.
    Je n'ai pas vraiment grand-chose à dire. Je vais récapituler ce qui s'est passé.
    J'ai été blessé en janvier 2007. J'ai perdu mes deux pieds. À l'époque, j'étais tireur d'élite dans l'armée. Je pensais avoir devant moi une assez bonne carrière. La blessure a été la partie la plus facile. La réadaptation a été facile comparativement à ma relation avec la bureaucratie, c'est-à-dire avec les responsables du suivi de mon traitement.
    Je crois que Paul et moi avons des idées différentes sur certaines choses. Je n'ai pas souffert de mon traitement médical. Je suis allé à Toronto, à l'une des meilleures cliniques de réadaptation de l'Ontario. En tout cas, j'ai entendu dire qu'elle compte parmi les 10 meilleures au Canada pour ce qui est des soins de santé assurés par la province. J'ai obtenu toutes les prothèses que j'ai demandées. J'ai des prothèses pour la course. J'ai couru des demi-marathons. Je fais très souvent des courses de 5 kilomètres.
    J'ai eu deux enfants extraordinaires avec l'une des infirmières qui m'ont sauvé la vie. Elle a reçu un diagnostic de TPST. Elle devait venir témoigner aujourd'hui, mais nous avons deux enfants en bas âge, alors elle n'a pas pu.
    Même lorsque j'ai été invité à venir ici... Je ne sais pas comment ils ont fait pour le savoir, mais mes supérieurs m'ont envoyé un courriel, avant même que je leur dise que j'avais été invité, pour me dire qu'ils ne m'autorisaient pas à venir en uniforme parce qu'ils avaient peur de ce que je pourrais dire. Je vous répète exactement ce qu'ils m'ont dit, ce que mon commandant, le colonel Blais, m'a dit.
    Je fais partie de l'UISP depuis 2010, je crois. J'ai été affecté à Ottawa à la demande du général Semianiw, qui était CPM, chef du personnel militaire, à l'époque, pour aider le gouvernement. Voilà l'influence exacte que j'ai eue. On m'a demandé de quitter le bureau où j'étais parce que je causais des problèmes, j'imagine.
    C'est une bureaucratie. Nous n'avons toujours pas réglé les problèmes liés à la modification de notre maison. Paul vient de parler de sa cuisine. J'aimerais bien que ma cuisine soit mon seul problème. Je vis encore dans une maison qui n'a pas été adaptée. Nous avons commencé à modifier une autre maison en 2007. Après que le général Semianiw m'a demandé de venir m'installer ici — après que nous avons été affectés ici —, nous avons commencé à modifier une nouvelle maison. Les travaux ont commencé en 2009. Ils ne sont pas terminés; eux considèrent qu'ils le sont, parce que, à leurs yeux, le dossier est clos.
    Ce que j'ai apporté n'est qu'une partie des documents qu'Alannah, mon épouse, et moi... elle est infirmière; j'étais tireur d'élite. Nous ne sommes pas des gens de documents. Mais ceci est... j'ai apporté des copies pour...
    Des voix: Oh, oh!
    Cplc Jody Mitic: Je blague. J'ai pris ça à la dernière minute. Ça représente environ le quart des documents qu'on nous a remis et qu'on nous a laissé le soin de démêler.
    Pour une raison ou une autre, nous devons au gouvernement — nous devons au gouvernement — plus de 30 000 $ qu'il dit nous avoir donnés et que nous devons maintenant lui rembourser. Nous avons dû réhypothéquer la maison. La propriété a été grevée d'une charge. Il n'y a plus de jeux dans notre cour pour les enfants; c'est un désert — excusez-moi, je m'énerve lorsque j'en parle. Pour des raisons que je m'explique mal l'entrepreneur travaille toujours pour le MDN. Je ne comprends pas. Une fois que nous nous sommes rendu compte de ce qu'il faisait, j'ai compris que c'était un salaud. Encore là, ce n'est que mon opinion.
    On m'a souvent dit... habituellement, c'est notre faute lorsqu'il manque des documents ou que des formulaires ne sont pas remplis. On nous a dit que nous avions dépassé notre budget. Nous ne savions pas que nous en avions un. On nous avait dit que c'était un projet qu'on allait gérer au fur et à mesure. Ensuite, un système a été mis en place. La limite correspondait à la juste valeur marchande de la maison. C'est cette limite qui a été imposée rétroactivement à notre projet, et c'est ainsi que nous nous sommes retrouvés avec une dette.
    C'est une bureaucratie. L'ordinateur n'a pas de sentiments. Tout ce qu'il sait, c'est que les chiffres ne correspondent pas, et maintenant, c'est à nous de régler le problème. Comme je vous le disais, ce que j'ai devant moi, ce n'est qu'une partie des documents que nous devons remplir. On nous a dit de rentrer chez nous pour régler tout ça, en même temps que nous élevons deux enfants et nous essayons aussi de régler d'autres problèmes.
    Lorsqu'on m'a invité à venir témoigner, je me suis demandé ce que je pourrais bien dire qui n'avait pas encore été dit. Je vous raconte simplement mon histoire. J'ai discuté avec d'autres soldats, des gars et des filles, et ils ont vécu des situations pas tout à fait pareilles, mais semblables. Les bureaucraties, comme beaucoup d'autres choses... on entend souvent dire cela au sujet des problèmes touchant le gouvernement, mais, au MDN, la bureaucratie est abondante. C'est le soldat blessé qui doit démontrer le bien-fondé de ses revendications. Oubliez le bras ou la jambe perdus ou le dos cassé, il faut s'occuper des documents — nous pensions pourtant qu'il y avait des gens qui s'en occupaient pour nous.
    Je vais m'arrêter ici. Je veux entendre vos questions.
(1650)
    Merci beaucoup de nous avoir fait part de ces observations préliminaires.
    À vous de poser la première question, monsieur Harris.
    Merci à vous deux d'être venus, messieurs.
    Merci, monsieur le président.
    Caporal Mitic, vous êtes un peu un modèle, n'est-ce pas, pour...
    Je l'étais.
    Vous l'étiez. Je vous ai vu dans ce film l'autre soir, en train de mettre vos prothèses de course pour pouvoir garder la forme. Comme vous dites, le général Semianiw voulait que vous soyez ici, à Ottawa, précisément pour cette raison. Je vous ai vu à Terre-Neuve faire la course Targa Newfoundland avec le général MacKenzie et d'autres personnes, et donner beaucoup d'encouragement à des gens se trouvant dans des situations semblables à la vôtre.
(1655)
    J'ai fait de mon mieux.
    Je suis déçu d'apprendre que vous vous sentez ainsi et que vous avez été traité comme vous l'avez été.
    J'aimerais vous poser une question, parce que vous faites partie de l'UISP depuis un certain temps. L'ombudsman a publié en septembre dernier un rapport dans lequel il dit que d'aucuns estiment que l'affectation à une unité interarmée de soutien au personnel sonne le glas d'une carrière, et, selon lui, tant que cela sera perçu ainsi, ce sera un obstacle aux soins. Il a ajouté qu'une autre préoccupation soulevée, c'est que certains éléments de la chaîne de commandement sont contre l'approche de l'UISP pour s'occuper des gens gravement malades ou grièvement blessés ou ne l'ont pas encore adoptée, et que, si cette tension n'est pas promptement dissipée par la direction stratégique des FC, on peut se demander si l'approche actuelle va connaître du succès du point de vue de l'organisation.
    Auriez-vous l'amabilité de dire quelque chose là-dessus?
    Je ne sais pas si elle est toujours en vigueur, mais la LEPND est ce qui a été remplacé par l'UISP, je crois. La LEPND était une liste...
    Une unité des effectifs du personnel non disponible.
    Ce qui se passait, essentiellement, c'était que, si vous aviez un problème et que vous ne vous soigniez pas... Je me suis joint à l'unité en 1994, à l'époque où les gens malades ne disaient à personne qu'ils l'étaient et les blessés étaient des mauviettes. Nous avons peut-être un peu favorisé cette attitude dans ce temps-là. Une menace qu'on m'a adressée après que j'ai été blessé et que j'ai perdu mes jambes, c'était qu'on allait m'inscrire sur la LEPND si je ne reprenais pas le dessus. Je n'en avais alors jamais entendu parler, et ce n'est que lorsque je suis rentré chez moi et que j'ai ouvert un des livres que j'ai su de quoi il s'agissait.
    Je pense que les gars qui sont envoyés là-bas perdent le contact avec l'unité. On perd assez rapidement le contact avec ses camarades et avec l'unité, et on ne sait plus ce qui se passe. Je pense que la plus grande crainte des gens, c'est de ne plus prendre part aux opérations s'ils sont envoyés à l'UISP. Pour un soldat du front, le retrait des opérations sonne le glas de la carrière militaire.
    Est-ce qu'ils retournent dans l'armée?
    L'UISP leur en offre la possibilité, mais c'est un système qui est si nouveau qu'il y a probablement très peu de gens qui sont entrés à l'unité et qui en sont ressortis.
    Vous ne portez pas l'uniforme, mais vous êtes encore membre des FC.
    Oui. Même si on m'a dit que je n'étais pas autorisé à porter l'uniforme — je ne sais toujours pas qui a donné cette directive à mes supérieurs, en passant —, j'ai pris part à une réunion à mon UISP pour parler de la séance d'aujourd'hui et pour signer certains documents, et quelqu'un m'a dit que je pouvais porter mon uniforme. J'ai répondu: « Je ne vais certainement pas le porter maintenant. Vous m'avez déjà dit que je ne pouvais pas. »
    Mais, comme je le disais, il n'y a pas eu de cas de gens qui sont ressortis de l'UISP et sont retournés auprès de leur unité — pas de cas dont j'ai entendu parler. Il y en a peut-être, mais, une fois qu'un soldat quitte son unité et devient membre de l'UISP, même s'il peut reprendre son poste au sein de son unité, il ne fait quand même pas partie de la chaîne de commandement. Lorsque je me suis enfin joint à l'UISP, je me suis retrouvé à être écartelé entre les deux organisations. L'UISP dit certaines choses, et les supérieurs disent autres choses. Parfois, ce qu'ils disent est contradictoire, parce que l'UISP est censée s'occuper principalement de la santé et du rétablissement de la personne.
    Est-ce que ce que je dis a du sens?
    Oui.
    Monsieur Franklin, j'aimerais vous poser rapidement deux questions.
    Vous avez dit que vous avez pris votre retraite en 2009, après avoir été blessé en 2006. Est-ce que c'était volontaire de votre part?
    Ensuite, vous dirigez cet organisme-cadre qu'est la Coalition des amputés du Canada. Il y a aussi une organisation qui existe depuis longtemps et qu'on appelle les Amputés de guerre. Cette organisation existe depuis 50 ou 60 ans. Je lui donne de l'argent chaque année, comme beaucoup d'autres Canadiens, j'en suis sûr. Offre-t-elle une aide quelconque à une personne dans votre situation ou dans une situation similaire?
    Je voudrais simplement rectifier une chose que vous avez dite: l'explosion qui a eu lieu en 2006 n'était pas volontaire de ma part.
    Des voix: Oh, oh!
    Non, nous parlons de votre départ à la retraite. C'est admirable, monsieur. J'admire votre sens de l'humour, malgré toutes les difficultés que vous avez vécues.
    J'ai effectivement pris ma retraite en 2009. J'avais le choix entre ma libération pour des raisons de santé et la retraite, et cela ne faisait pas de différence par rapport aux soins qu'on allait me donner, parce que, d'après mon évaluation, j'avais une incapacité de 130 p. 100 ou un chiffre absurde de ce genre. Comme cela ne changeait rien, j'ai simplement décidé de prendre ma retraite. Je l'ai fait principalement pour me valoriser, pour que ce soit mon choix de partir, et celui de personne d'autre.
    Beaucoup de nos plaintes ne concernent pas le MDN en tant que tel. Elles visent plutôt les bureaucrates et les gens qui s'occupent de la bureaucratie et de l'administration... On voit des autobus sur lesquels il est écrit « ISO 2001 », et ce que cela signifie, c'est simplement que l'organisation en question respecte les règles. Tout ce que nous voulons, c'est que le MDN suive les règles qui figure dans ses livres.
(1700)
    Établissez des règles et tenez-vous-en à celles-ci.
    Oui, tenez-vous-en à celles-ci. Il y a quelque chose comme un million de rapports de l'ombudsman. J'ai témoigné devant le Sénat. Les sénateurs se sont rendus à Glenrose, et je leur ai parlé, et puis nous étions en 2008... Nous nous occupons de ces choses depuis des années.
    Le point essentiel — et, en tant qu'infirmier, je l'ai toujours dit —, c'est que, une fois que la guerre est terminée, tout est en place, et c'est à ce moment-là que toutes les compressions budgétaires sont effectuées et que tout ce qui est en place disparaît. Ainsi, lorsque la prochaine guerre va commencer, que ce soit au Mali ou en Syrie — qui sait? —, il va falloir nous ressaisir et dire: « Hé, je n'ai jamais entendu parler de cette nouvelle maladie qu'on appelle le stress post-traumatique » — on aura peut-être trouvé un nouveau nom pour cette maladie à ce moment-là, peu importe — ou encore: « Wow, qui aurait pensé qu'il y aurait des gens amputés? » Il va y en avoir encore, et nous devons donc trouver une façon s'assurer la transition entre cette guerre-ci et la suivante.
    Mais pour ce qui est de la dernière partie de votre question... qu'est-ce que c'était encore? Je suis désolé.
    Je parlais des Amputés de guerre.
    Oh, les organismes de bienfaisance, oui. Les Amputés de guerre font un excellent travail, mais là où ils ont commis une erreur, c'est qu'ils... ils ont recueilli 8 millions de dollars, mais ils achètent des prothèses pour des jeunes de moins de 18 ans, et ils consacrent beaucoup de cet argent au programme LES VAINQUEURS. C'est un très bon programme, mais il n'y a aucune province au pays qui refuserait des prothèses à des jeunes de moins de 18 ans, alors ce que les Amputés de guerre se sont trouvés à faire, c'est qu'ils ont créé une situation où les provinces peuvent en quelque sorte cesser de s'occuper d'un groupe de patients et de leurs citoyens. Ils se sont en quelque sorte taillé une place qu'ils ne peuvent plus abandonner maintenant.
    J'ai téléphoné au fondateur des Amputés de guerre en 2006 pour lui demander ce que nous allions faire. Je voulais organiser une réunion avec les amputés de l'Afghanistan. À l'époque, c'est lui qui dirigeait l'organisation, et il m'a dit qu'il ne croyait pas en la guerre en Afghanistan, ce qui fait que son organisme n'allait pas s'occuper du dossier. Il m'a dit que nous devions nous débrouiller avec AAC et tout le reste, et que, comme la situation était bien meilleure qu'avant, il s'en lavait les mains en quelque sorte. Je n'ai jamais eu de réunion avec lui. Je n'ai jamais rencontré personne des Amputés de guerre, malgré les milliards de fois...
    Ce que nous avons donc fini par faire... le Northern Alberta Amputee Program est devenu le Franklin Fund, qui est ensuite devenu la Coalition des amputés du Canada, laquelle s'occupe maintenant de soutien par les pairs et de recherche. Il n'y a jamais eu de programme de recherche sur les amputés du Canada qui soit financé par les Amputés de guerre.
    Je ne suis pas venu ici pour parler en mal d'eux, mais c'est la raison pour laquelle j'ai créé ce que j'ai créé, et, comme certains d'entre vous le savent, fonder une oeuvre de bienfaisance, c'est comme créer un monstre. C'est difficile. Mais la coalition s'en tire bien, et elle va s'en tirer encore mieux dans l'avenir, évidemment, mais ces petites choses... Nous sommes en train d'élaborer notre premier programme de recherche, et ensuite nous allons faire d'autres choses, en plus des choses intéressantes que Jackie fait par rapport au bras bionique.
    J'espère que j'ai répondu à votre question.
    Merci.
    Caporal Mitic.
    J'aimerais simplement dire rapidement que, dans le cas des Amputés de guerre, on m'a dit que les gens amputés qui... excusez-moi, si vous devenez amputé pendant le service, les Amputés de guerre s'occuperont de votre dossier avec Anciens Combattants. Ils défendent les intérêts des amputés, et j'imagine qu'ils le font vraiment très bien. Je ne l'ai pas encore fait, parce que je n'ai pas encore effectué la transition vers AAC, mais j'ai l'intention de le faire, et leur offre est valable pour quiconque est prêt à les laisser faire. C'est la condition. Ils n'ont pas accès à la liste des gens admissibles à leurs services.
    Il y a donc une divergence évidente entre ce que Jody a entendu dire et ce que j'ai moi-même entendu dire, non pas en tant que soldat, mais plutôt en tant que membre d'un organisme de bienfaisance dont ils estiment peut-être qu'il fait concurrence au leur. Je pense que c'est là que la divergence se trouve.
    Merci.
    Madame Gallant, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Mitic, habitez-vous dans un logement familial en ce moment? Est-ce que la maison dans laquelle vous habitez appartient au gouvernement?
    Nous habitons dans notre propre maison.
    C'est votre maison.
    Oui, mais nous avons dû vivre dans un petit duplex d'Uplands. C'était un tout petit logement qui avait probablement été construit dans les années 1950 ou 1960, et nous devions y passer de trois à six mois, six mois au pire. Nous y avons passé 18 mois, et c'est nous qui avons forcé notre départ; la maison n'était pas encore prête, mais nous étions comme... il fallait qu'Alannah parte. Ma mère vivait avec nous. Ils ont loué l'autre moitié du duplex, mais les deux ensemble correspondaient peut-être à l'étage supérieur de la maison que nous avons achetée.
    Donc, ce que vous devez vient de votre maison à vous.
    Que faites-vous exactement à l'UISP? Quel est votre rôle?
    Pour l'instant, j'attends de prendre ma retraite. Mon dernier poste militaire remonte probablement au travail que j'ai fait dans le cadre du programme Soldat en mouvement au sein de l'organisation du DGSB.
    J'ai décidé de tenter une carrière dans les médias. J'ai fait un stage à The Bear, qui est l'une des stations de radio locales. J'ai essayé de trouver un poste à SiriusXM, etc. J'ai aussi fait quelques autres projets pour la télé et la radio.
    Je pensais que vous offriez peut-être de la formation de sensibilisation aux IED pour les soldats appelés à partir...
    Ce serait une bonne idée.
    Non, on ne m'a jamais demandé de le faire.
    Les bases opérationnelles sont situées à Petawawa, Edmonton, Wainright et Valcartier. Comme je suis ici, à Ottawa, tout le monde présume que j'occupe un poste au sein du système, et, avant que je ne décide de rompre les liens, c'est ce que je faisais.
(1705)
    Vous êtes donc en période de transition.
    Puisque vous êtes passé par l'UISP, quelle est selon vous la différence entre celle-ci et la LEPND?
    Je n'ai jamais été inscrit sur la LEPND, en fait. Lorsque j'étais un jeune soldat, c'était une chose dont on nous menaçait. Comme M. Harris l'a dit, cela sonnait le glas de la carrière de soldat. Ainsi, lorsqu'on a utilisé la chose pour me menacer...
    La différence, toutefois, c'est que la LEPND était vue comme une mise au rancart, alors que l'UISP est comme un centre de réparation. Voyez-vous ce que je veux dire? Il s'agit de convaincre les soldats que c'est ainsi qu'ils doivent envisager la chose. Ce que j'explique aux gars, c'est que si leur VBL subit une explosion, ce n'est pas eux qui le réparent eux-mêmes au sein de l'unité. Ils le font réparer par le mécanicien. Eh bien, l'UISP, c'est le centre de mécanique pour les soldats.
    Je pense que la différence va tenir à la perception. S'il pouvait y avoir quelques gars et filles capables de redevenir des soldats à part entière au sein de leur unité, nous aurions des histoires de réussite à présenter. Mais c'est vraiment quelque chose de nouveau. L'unité n'existe que depuis 2009. Je ne sais pas si l'armée a des histoires de réussite à présenter et peut fournir des modèles. Je ne sais pas. Si c'est le cas, elle devrait peut-être en tirer parti.
    Vous vous trouvez dans une situation particulière, puisque vous devez composer avec vos propres blessures physiques et vous avez aussi mentionné le fait que votre femme souffre de TSPT.
    Est-ce que c'est le résultat d'une affectation postérieure à votre rencontre?
    Non, notre dernière période de service est la même.
    La façon dont je décris la chose, c'est que c'est moi qui ai fait les dommages; pour sa part, elle a vu ce qui s'est produit après coup. Elle accumulait... Elle a eu de la difficulté à composer avec certaines choses qu'elle a vues, et il lui a fallu beaucoup de temps pour se l'admettre. Nous nous sommes presque laissés parce que je pensais qu'elle ne faisait que laisser libre recours à ses sautes d'humeur, mais, au bout du compte, elle souffrait de TSPT. Je ne connaissais pas les symptômes moi non plus, n'est-ce pas? J'ai également souffert d'un TSO pendant une courte période après ma blessure.
    Vous avez donc vécu une blessure physique, une blessure psychologique — vous avez parlé d'un TSO —, et maintenant vous vivez avec votre épouse, qui suit un traitement pour le TSPT, j'espère.
    Oui, elle reçoit beaucoup de traitements.
    Selon vous, quelles sont les différences entre le traitement qu'une personne reçoit pour une blessure physique et celui qui s'applique à une blessure psychologique?
    Comme je disais, mes blessures physiques ont pu être traitées facilement. En tant que patient, on a des hauts et des bas. À mes yeux, pour beaucoup des choses d'ordre mental, le patient doit être aussi honnête avec lui-même qu'il l'est avec les personnes qui s'occupent de lui. Le progrès le plus important que nous avons fait au cours des 10 dernières années environ, c'est que nous avons fait accepter l'idée que les gens demandent d'être traités.
    Personnellement, ce qui m'a permis de me tirer du TSPT, c'est de commencer à parler de ce qui m'est arrivé assez rapidement. Je ne sais pas si vous vous rappelez, mais il y avait une émission à CBC qui s'appelait Dispatches, avec Rick MacInnes-Rae. Je pense que c'est son nom. Il est venu me voir à l'hôpital au cours de la première semaine. J'ai accepté, parce que, même à l'époque, je me suis dit qui sait ce qui va advenir de cette nouvelle Charte des anciens combattants.
    Je me rappelle avoir entendu parler, lorsque j'étais jeune, des marins de la marine marchande qui obtenaient leur pension ou quelque chose de ce genre dans les années 80, je crois. Je me suis dit que je ne voulais pas être comme eux et qu'il fallait donc faire connaître notre histoire. Lorsque je regarde beaucoup des autres... Le problème d'Alannah, c'est qu'elle a eu de la difficulté à s'admettre qu'elle souffrait et à l'admettre aux autres. Mes problèmes de nature médicale, mes problèmes physiques ont pu être traités assez facilement. C'est assez simple, non? Ensuite, il y a les choses d'ordre mental.
    Il y a beaucoup de problèmes de manque de personnel. On va voir un psychologue une fois, puis on y retourne pour son prochain rendez-vous. Si on est chanceux, c'est un mois plus tard, mais c'est une nouvelle personne, alors il faut tout recommencer. J'ai consulté un psychiatre brièvement à Toronto. J'ai fait six séances, puis il y a eu un changement. À la quatrième séance, je me suis retrouvé avec une personne différente. Ils peuvent lire les notes, mais quand on est dans cet état-là, on a peur des nouvelles personnes.
    Je pense que le problème le plus important avec lequel on est aux prises, c'est celui des ressources humaines. À Petawawa, j'imagine que, pour ce qui est d'avoir un psychiatre sur place... on ne peut pas le faire.
(1710)
    Il y en a un maintenant.
    Oui, il y en a toujours eu un qui est chargé d'un groupement tactique de 3 200 personnes. C'est beaucoup de gens pour qu'une seule personne puisse s'en occuper. Je ne sais pas.
    Dans cette perspective, je pense que les blessures physiques étaient simples à traiter. Ce sont les blessures psychologiques qu'il est difficile de traiter. Nous entendons constamment... comme le groupe qui a témoigné avant Paul et moi le disait au sujet des gens dont il s'occupe; c'est un problème qui est difficile à régler.
    Pour ce qui est des changements les plus importants que vous avez dû apporter, évidemment, dans vos deux cas, ils étaient physiques... ou diriez-vous qu'il y a d'autres grands changements que vous avez dû apporter en plus d'avoir à modifier votre domicile? Avez-vous eu à procéder à d'autres grands changements?
    Ça change tout. C'est comme passer du noir au blanc. C'est passer de la jeunesse à la vieillesse en un instant. Le blessé était avant sa blessure un athlète de calibre olympique capable de courir des marathons, un triathlète, un alpiniste, tout ce que vous voudrez. Jody est un bon exemple, avec tout ce qu'il a fait, et j'ai moi-même fait beaucoup de choses dans le monde. Ce sont là des exemples d'amputés très fonctionnels. Le spectre va de là jusqu'aux gens qui sont alités et qui se font dire de ne pas bouger. Les choses changent tranquillement de ce côté, du côté médical, mais c'est sur le plan militaire que le changement est vraiment important.
    À Calgary, il y a un double amputé qui travaille au musée. Il est libéré pour raisons de santé, il est forcé d'être libéré, parce qu'il n'arrive pas à faire son travail, et pourtant, il a récemment gravi le mont Kilimanjaro. Il y a des gens dans l'armée — et vous en avez vu certains, qui souffrent de ce que nous appelons un « trouble du bouton » —, qui ne pourraient jamais grimper de montagne, même pas une colline, tant leur incapacité est grande.
    Il y a un grand manque de cohérence par rapport à la capacité de déploiement. Pourquoi une personne ne peut-elle pas être déployée derrière un bureau ou dans un musée? Pourquoi ne puis-je pas travailler devant un ordinateur? Rien ne nous empêche de nous acquitter de ces tâches, mis à part le principe d'universalité du service, qui est un très bon principe, mais il faut quand même qu'on me permette d'enseigner la médecine de combat. J'ai des connaissances dans ce domaine. Jody peut enseigner le tir. C'est un bon tireur. Rien ne l'empêche de s'acquitter de sa tâche ici.
    Il y a même des amputés qui ont été redéployés en Afghanistan ou à Haïti, et pourtant, en tant que soldat, nous sommes exclus. Je pense que le problème tient en partie à cela. Nous passons d'un certain niveau à rien du tout; nous nous rétablissons dans une certaine mesure, puis nous sommes exclus. Nous avons perdu des membres, et, de la même façon, nous perdons notre emploi, et tout ce que nous avons jamais connu n'existe plus.
    Comment nous remettre de cela? Eh bien, c'est censé être la tâche d'Anciens Combattants. C'est l'idée importante. Toutefois, Anciens Combattants ne soutient pas les familles, comme vous venez de l'entendre dire. Anciens Combattants ne croit pas les clients. J'ai eu à présenter un billet du médecin pour prouver que je suis amputé en 2013, six ans après mon amputation — chaque année, je présente une note qui précise que je suis amputé, accompagnée de photos, même. J'ai même montré un journal une fois. C'était hilarant.
    Merci.
    C'est lié à notre situation antérieure.
    Monsieur McKay.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux de donner une aura de réalité à nos délibérations. Nous admirons votre courage, et vous vous exprimez extrêmement bien tous les deux. Je n'ai jamais entendu parler du « trouble du bouton ».
    J'essayais de le dire d'une bonne façon.
    Une voix: Nous pourrions le dire différemment.
    Des voix: Oh, oh!
    Je pensais que nous pourrions faire une recommandation à cet égard à nos collègues de la Chambre des communes.
    Doucement.
    Le président: Silence.
    En l'espace d'une session parlementaire, nous avons gagné huit députés. C'est un trouble qui affecte bon nombre d'entre nous.
    Mme Gallant a déjà posé ma première question, et vous avez déjà essentiellement confirmé le fait que les gens que vous avez entendus auparavant sont à certains égards aux prises avec des difficultés encore plus importantes que vous, parce que, même si vous avez encore un billet du médecin qui prouve que vous avez perdu vos deux jambes, qu'elles n'ont pas repoussées... Ça semble plus absurde que...
(1715)
    Nous n'avons pas l'ADN d'une salamandre.
    D'accord.
    Mais votre témoignage confirme essentiellement le fait que, dans le cas des gens qui souffrent de TSPT surtout, la pente est encore plus raide, et la bureaucratie militaire les rend encore plus fous qu'elle ne le fait dans votre cas.
    Je crois que c'est vous, caporal-chef Mitic... Comment vous êtes-vous retrouvé à devoir 30 000 $? Je ne comprends pas bien.
    Je ne pense pas que ce soit à lui qu'il faut poser la question.
    Voici essentiellement à quoi tient le problème. Ce sac rempli de documents, c'est le moyen par lequel je suis censé régler le problème pour eux, parce qu'ils disent avoir tout fait. Nous avions un budget qui était contrôlé par eux, et ils nous ont dit par la suite qu'ils allaient nous verser un pourcentage du coût de certaines parties du projet. S'ils se sont réunis dans une salle probablement très semblable à celle-ci et en ont parlé — ça n'a jamais été en ma présence ou en la présence de mon épouse. Ils ont tenu de nombreuses réunions et ont décidé qu'ils paieraient 75 p. 100 du coût de l'entrée de ma maison, qu'il fallait modifier pour que je puisse y circuler avec mon fauteuil roulant.
    Je suis entré dans la salle en marchant, et je cours des marathons, mais j'ai passé la moitié de l'année 2012 dans un fauteuil roulant, parce que j'ai eu beaucoup de problèmes de peau. Les lésions cutanées sont l'un des problèmes les plus importants avec lesquels les amputés doivent composer. J'ai eu des infections. J'ai dû me faire enlever des morceaux d'os. Lorsque je ne peux pas marcher, je me déplace donc en fauteuil roulant, un peu comme Paul... exactement comme Paul.
    J'ai même fait un voyage au Mexique en fauteuil roulant avec mes enfants. Ce ne sont pas les meilleures vacances que j'aie connues. L'accès n'est pas partout facile au Mexique.
    Nous avons pris part à une réunion à l'automne 2011. Nous traitons avec eux depuis six ans, et nous attendons un chèque de remboursement d'une bonne partie des coûts que nous avons dû assumer.
    C'est donc vous qui assumez une bonne part des coûts?
    Oui, en grande partie. Ils nous disent toujours de payer et qu'ils vont nous rembourser, sauf que les remboursements finissent par cesser. Ils m'ont dit que j'avais déjà reçu beaucoup d'argent. Nous leur avons répondu qu'il a fallu que nous payions pour l'entreposage de telle ou telle chose, vu qu'il leur a fallu beaucoup de temps pour faire le travail. Nous nous attendions au départ à recevoir un chèque de 36 000 $, je crois — nous avions l'intention de simplement rembourser la marge de crédit et des choses de ce genre —, et ils nous ont dit que finalement, nous devions 40 000 $ au gouvernement, ou quelque chose de ce genre. Ça aurait été bien d'être prévenus un peu avant la réunion. Ensuite, ils nous ont dit de ne pas nous inquiéter et qu'ils avaient convaincu les responsables du Fonds pour les familles de militaires de nous faire un chèque pour la somme que nous pensions obtenir au départ et que nous allions pouvoir rembourser quelque 20 000 $ au gouvernement grâce à ce chèque, comme s'ils nous faisaient la charité. Nous sommes demeurés perplexes, et nous essayons encore aujourd'hui de comprendre de quelle façon exactement nous nous sommes retrouvés avec cette dette.
    En fait, ils peuvent bien dire que vous leur devez de l'argent, mais est-ce que vous leur devez vraiment cet argent, légalement?
    Oui. Ils ont menacé de le prélever sur ma paye.
    Ils saisiraient votre salaire pour rembourser le prêt qu'ils ont décidé...?
    Eh bien, j'imagine qu'il y a les pourcentages dont j'ai parlé. C'était la première fois que nous en entendions parler à la réunion en question. J'aurais aimé pouvoir apporter une copie pour chacun, mais mon imprimante ne me permet pas d'en faire autant.
    Nous pensions que les travaux dans l'entrée de la maison allaient être payés entièrement. Disons que l'installation de la rampe, l'élargissement de la porte et la modification du hall d'entrée ont coûté 38 000 $. Ils nous ont donné une feuille et ils nous ont dit qu'ils ne payaient que 75 ou 80 p. 100 du coût des travaux. Nous leur avons répondu que nous étions bien d'accord, mais que les travaux avaient été effectués en 2010 et que nous étions rendus en 2012. Ils nous ont toutefois dit qu'ils avaient dépensé la somme correspondant au coût de ces travaux. Donc, pour chacun des projets dont nous avons assumé le coût, il y avait au bout du compte un déficit.
    Comprenez-vous ce que je veux dire?
    Oui. Je crois comprendre ce que vous voulez dire, mais cela semble être un système assez bizarre dans le cadre duquel...
    Ma porte arrière, ma terrasse, n'est pas encore terminée. Il devrait y avoir un ascenseur pour mon fauteuil roulant. Celui-ci est entreposé depuis qu'il a été acheté en 2010, parce que l'entrepreneur est parti avant de s'acquitter de ses responsabilités par rapport à la cour arrière. Ensuite, l'argent qui devait servir à aménager le passage de la clôture arrière jusqu'à la terrasse a semble-t-il été dépensé pour autre chose, même...
    D'accord. Je n'ai pas le temps d'aborder des détails aussi précis...
    Je sais. J'essaie juste de comprendre moi-même ce qui s'est passé. Ensuite, ils m'ont dit qu'ils m'avaient donné de l'argent pour le passage. Où ça? De quel chèque s'agit-il? C'est ça, le problème. Il y a toujours des chèques, et ensuite on applique rétroactivement la limite correspondant à la valeur de la maison en 2009, au moment où nous l'avons achetée, au projet qui a finalement été parachevé en 2012...
    J'ai l'impression que vous avez grandement besoin des services d'un avocat.
    Eh bien, nous sommes en train d'examiner cela.
    Monsieur Franklin, qu'est-il arrivé pour qu'on reprenne possession de votre fauteuil roulant?
    En 2006, Anciens Combattants m'a offert de m'acheter des fauteuils roulants. Je crois que la limite était de 2 200 $. Shoppers Home Health Care m'a offert un fauteuil roulant d'une valeur de 7 000 $. J'en avais besoin d'un pour en bas et d'un pour en haut, parce qu'on change. Le MDN en a fait l'acquisition, et il a acheté...
(1720)
    Lequel, celui du Shoppers...
    Les deux, en fait.
    Le premier fauteuil roulant est arrivé, puis j'ai attendu et attendu. J'ai suivi mon programme de réadaptation et tout le reste. Cela n'a pris que quatre semaines environ. Les gens de Shoppers Home Health Care me demandaient quand ils allaient avoir leur chèque, ou à tout le moins une évaluation du montant qui allait être versé. Anciens Combattants leur a dit qu'ils n'allaient pas payer, puis le MDN, étant la bureaucratie qu'il est... il n'y avait personne à qui s'adresser et à qui demander les chèques en question.
    Au bout du compte, le vendeur m'a simplement dit qu'il fallait qu'il reprenne le fauteuil et qu'il espérait que cela allait faire bouger les choses, et je lui ai répondu qu'il n'y avait pas de problème. Ensuite, j'ai informé mon commandant de la situation, et, à ce moment-là, les responsables du fonds d'urgence de l'hôpital ont signé un chèque, et j'ai récupéré mon fauteuil roulant.
    Dans le cas le plus récent, je me suis procuré un nouveau fauteuil roulant. Je suis allé à Shoppers Home Health Care, et, parce que je n'ai pas suivi les règles précises d'Anciens Combattants, c'est-à-dire que je n'ai pas fait mesurer mon siège et mon dossier par l'infirmière spécialisée en santé au travail, et tout le reste... parce que je n'ai pas suivi ces règles — et je comprends, mais le vendeur me connaît, il a les mesures au dossier, et nous nous occupons de ces choses. Je ne sais pas... Je parle au gars à chaque mois. Tout est donc dans le dossier. J'ai un dossier gros comme ça. Tout est dedans, c'est facile à régler, mais le problème, c'est qu'Anciens Combattants ne fait pas confiance au vendeur.
    C'est entièrement une question de confiance et qui a trait au fait qu'Anciens Combattants ne fait confiance ni au client ni au vendeur. Quiconque ne travaille pas au gouvernement n'est pas digne de confiance, même si nous avons fait énormément de bonnes choses pour la société. Mais c'est ça que nous n'arrivons pas à leur faire comprendre. C'est pour ça que j'ai eu recours à un comédien pour faire avancer mon dossier. J'ai décidé de régler le problème de façon un peu créative. J'aurais pu le faire un peu plus vite, mais j'ai décidé de le faire ainsi parce que c'était vraiment trop absurde, et que, comme j'avais une certaine visibilité, en tant qu'amputé et soldat blessé, j'ai pensé que ce serait absolument parfait, ce qui fait qu'il fallait que je fasse les choses de cette façon.
    Imaginez quelqu'un qui est aux prises avec le TSPT, l'alcoolisme, un membre de la famille enfermé dans un asile psychiatrique, ce que vous voudrez. C'est ça, le vrai problème. J'aime bien dire qu'il s'agit d'un programme d'attente de la mort. Les responsables du programme attendent que les gens meurent, parce que ça coûte moins cher. Rappelez-vous qu'à l'époque on disait que les décès coûtent moins cher que les blessures, et c'est vrai. Cette norme est encore en vigueur aujourd'hui.
    Je vais devoir vous interrompre. Nous avons largement dépassé le temps prévu.
    Monsieur Chisu, nous allons passer aux périodes de questions de cinq minutes, alors veuillez vous en tenir à cela.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci beaucoup, caporal-chef Franklin et caporal-chef Mitic, d'être parmi nous aujourd'hui et de nous avoir raconté votre histoire.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne la bureaucratie. En tant que membre à la retraite des Forces — et je suis allé en Afghanistan en janvier 2007 dans le cadre de la Roto 3 —, je comprends les problèmes et les choses que vous vivez ainsi que la bureaucratie à laquelle vous faites face. J'y ai fait face en tant qu'officier — vous pouvez imaginer ce que c'est —, et maintenant nous vous faisons face, à votre niveau.
    J'aimerais vous poser deux ou trois questions. L'un de vous a pris sa retraite des Forces, et l'autre est en train de le faire. Comment les Forces vous aident-elles à vous préparer à la retraite? Lorsque j'ai pris la mienne — et j'ai été obligé de le faire, à cause de la limite d'âge, entre autres —, ça a été l'une des journées les plus tristes de ma vie.
    Vous passez d'un emploi que vous occupiez tous les jours dans l'armée à un monde complètement différent... à quel point êtes-vous prêt pour cela? Je ne parle pas des services offerts par Anciens Combattants, parce que vous êtes capable et avez envie de faire quelque chose; vous êtes jeune et avez envie de contribuer à la société. Que font le MDN ou l'armée pour vous aider à vous préparer à cette transition?
    Dans quelle mesure étiez-vous prêt? Comment vous préparez-vous?
    Pour ma part, j'ai envisagé les services offerts. Le RARM offre des services, et le MDN aussi. Personnellement, j'ai l'impression que ce sont de très bons services. Il y a beaucoup de choses concernant le recyclage, par exemple.
    Comme fantassin, j'ai accès à un peu plus de choses, parce qu'il n'y a pas vraiment de marché pour les tireurs d'élite dans le monde — à moins d'être policier ou mercenaire.
    Des voix: Oh, oh!
    Cplc Jody Mitic: La Libye a recruté pendant un certain temps, mais c'est fini maintenant.
    On peut décider de fréquenter l'université, ou encore, si on est commis ou mécanicien, les frais de mise à niveau en vue de l'accréditation civile sont payés. Si on est infirmier, il est possible de fréquenter l'école paramédicale, ou peut-être l'école de soins infirmiers, si on est capable d'acquérir certaines des qualifications de façon autonome.
    J'ai déjà dit à quelques reprises qu'il y a presque trop de possibilités pour ce qui est de se préparer à quitter le service. Pour moi, la principale difficulté à surmonter, c'était d'accepter que je ne suis plus soldat. Mais cela est propre à moi.
    En ce qui concerne les services, j'ai vu beaucoup de soldats quitter l'armée et se trouver un emploi à l'extérieur, sans aucun problème. Je pense qu'ils font de leur mieux.
    Voyez-vous, c'est l'un de ces domaines où chacun fait ses propres choix, mais il y a beaucoup de possibilités.
(1725)
    Vous êtes donc satisfait des services, en gros.
    Je n'ai recours à aucun, parce que j'ai fait le choix de m'engager dans une autre voie, qui m'est particulière. Si c'est ce que je souhaitais, cependant, j'aurais beaucoup de façons de sortir de l'armée.
    C'est donc positif. Comme je le disais, beaucoup de soldats avaient l'habitude de se faire dire où aller, à quelle heure, quoi porter, quoi manger et quoi apporter, puis, tout à coup, on leur dit au revoir.
    Monsieur Franklin.
    J'ai fait la même chose; j'ai choisi une voie différente de celles qui m'étaient offertes.
    Il existe des programmes. L'un des plus récents s'intitule Du régiment aux bâtiments. C'est très bien, mais après avoir dormi en forêt pendant des mois, voire des années, a-t-on vraiment envie d'aller travailler dans le secteur des sables bitumineux? Euh, non. Je préfère encore travailler assis, dans une banque.
    De toute façon, je ne suis même pas en mesure de le faire, et le problème tient en partie à cela. En tant qu'infirmier paramédical, j'avais reçu une formation complète et j'étais pleinement qualifié pour faire mon travail. Depuis l'explosion, je ne peux être membre d'aucun service paramédical provincial, ni même enseigner, parce que je ne peux pas obtenir mon permis. Je ne peux pas monter à l'arrière d'une voiture pour examiner un patient. Je me retrouve un peu dans un cul-de-sac, puisque mes sept années de formation ne servent plus à rien. Je dois me renouveler.
    Il y a donc ce problème qui existe. Les blessés et les malades font face au problème des possibilités qui s'offrent à eux, en fonction de leur formation. Ce petit groupe de gens composé probablement de 5 000 blessés, j'imagine — je ne parle que des blessés — nous pose problème. Nous devons leur trouver quelque chose à faire. Avec le TSPT, il faut probablement ajouter 40 000 personnes à ce groupe.
    Quand on y pense, c'est énormément de gens à réinsérer dans la société en six ans. Nous avons commencé en 2002, et nous sommes rendus en 2013-2014. Les gens sont revenus tranquillement pendant environ six ans, et puis, dans trois ans peut-être, il y en a qui vont prendre leur retraite. Pendant trois années encore, des gens du groupe suivant vont prendre leur retraite parce qu'ils ne peuvent plus servir. L'universalité du service limite la période à trois ans.
    Il y a donc au sein de la société un énorme bassin de gens intéressants pour les employeurs, intelligents, bien formés et qui ne peuvent pas travailler. C'est un grave problème. Il faut que nous trouvions le moyen de les employer.
    Je vais revenir à la question de la famille. Ce que nous négligeons de faire, c'est d'offrir une formation aux membres de la famille avant le déploiement. Nous négligeons de leur parler et de leur dire à quoi s'attendre et quoi faire.
    Nous nous sommes tous enrôlés. Nous connaissons la bureaucratie. Vous êtes ici, donc vous savez ce que c'est. On ne s'attendrait pas à ce que le MDN nous traite mal. C'est normal; c'est le niveau de soins; il est aussi bas...
    Comme je le disais, le niveau de soins le plus élevé dans le monde... eh bien, lorsqu'on est au dernier rang, il est facile d'avoir un niveau plus élevé. Lorsque l'Afghanistan, qui était le pire pays au monde, a gravi deux échelons, ça a été un progrès très important pour ce pays. Mais le fait est que la vie est encore difficile là-bas, dans ce pays où on ne vit que jusqu'à 45 ans.
    C'est le genre de choses par rapport auxquelles nous devons réfléchir à ce que nous faisons. Il ne s'agit pas de dépenser plus d'argent; il s'agit d'utiliser les idées que nous avons déjà, de les rendre plus faciles à comprendre, de les rendre plus souples.
    Pourquoi dois-je payer à l'avance pour tant de choses, comme Jody le fait pour sa maison, comme je le fais pour ma cuisine? Il faut que je fournisse l'argent et que je me fasse rembourser après. Il s'agit d'argent que je n'ai pas, que je vais prendre sur une marge de crédit ou une hypothèque supplémentaire, ou quelque chose de ce genre.
    Je m'occupe de deux maisons en ce moment: celle que j'ai achetée avec mon ex, et celle dont je vous ai parlé. Je donne un coup de main pour entretenir mon ancienne maison, et je m'occupe de la nouvelle. Ce n'est pas rare. Je veux dire... 90 p. 100 des soldats blessés sont divorcés. Nous avons tous été séparés d'un endroit et de membres de notre famille, et nous sommes donc tous devant ce problème énorme.
    Ensuite, il faut évidemment ajouter tous les problèmes familiaux. On ne comprend pas ce que nous vivons.
    Jody et moi, nous ne sommes pas vraiment atteints de TSPT. Le trouble de stress post-traumatique n'est en fait qu'une réaction normale à une situation très anormale. Nous avons passé les différentes étapes pour nous en sortir. Ensuite, nous nous sommes battus contre le système, et nous nous sommes battus comme des soldats pour nous en sortir.
    Nous abordons peut-être la chose d'un point de vue un peu différent de celui d'autres gens. C'est juste une idée comme ça.
(1730)
    Merci.
    Le temps est écoulé. Nous allons poursuivre.
    Madame Moore.

[Français]

    Est-ce que vous m'entendez?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    C'est peut-être M. Franklin qui va pouvoir davantage répondre à ma première question.
    Il y a deux ou trois ans, un de mes amis a eu un accident dans une mine. Il était militaire réserviste et, dans le civil, travaillait dans une mine. C'est dans la mine qu'il a perdu l'usage de ses jambes à la suite d'une chute. Maintenant, il se déplace en fauteuil roulant. Il vit avec son épouse. Comme cet accident a eu lieu dans la mine, c'est la CSST qui prend en charge toute l'adaptation du domicile et les autres coûts.
     Est-ce que des éléments comparatifs ont été établis entre ce qui est offert aux militaires et ce qui est offert aux civils, par exemple par la CSST, pour la prise en charge des gens ayant subi une blessure, une amputation ou des blessures assez sévères?
    Monsieur Mitic, avez-vous un agent d'indemnisation spécifique, c'est-à-dire une même personne qui vous aide à vous y retrouver dans tout le processus et à faire les demandes d'adaptation? Est-ce que quelqu'un s'occupe de vous en ce sens? Sinon, croyez-vous qu'il serait pertinent qu'un agent suive chaque personne blessée, l'aide à se charger de toute la paperasserie et de toutes les demandes, lui donne une vue d'ensemble de la situation et fasse les démarches pour elle de façon à ne passer à côté de rien?
    De votre côté, vous étiez tireur d'élite. Les cartables de documents décrivant tous les programmes ne sont peut-être pas votre spécialité.
    Si cela n'existe pas déjà, croyez-vous qu'il serait pertinent de mettre sur pied un tel système pour simplifier la tâche aux militaires qui doivent faire face à un système administratif?

[Traduction]

    On peut passer par la CSPAAT.
    Oui, certainement. J'ai parlé avec les représentants d'autres groupes d'assureurs et de la CSPAAT des questions liées à la charité et de la façon dont les gens sont indemnisés.
    Le RARM offre une indemnisation pour la perte d'un membre, mais ce n'est pas la même que celle que les assureurs offrent habituellement. Elle est de 125 000 $ par membre, jusqu'à concurrence de 250 000 $. Billy Kerr a perdu trois membres, mais il ne reçoit pas plus d'argent, même si sa qualité de vie est réduite au minimum. D'autres personnes reçoivent la même somme pour des blessures beaucoup moins importantes. Le gars dont je vous parle survit et se débrouille extraordinairement bien, et pourtant, il ne reçoit pas la même indemnisation que d'autres.
    Si l'amputation est sous le genou, une compagnie d'assurance peut verser une indemnisation de 125 000 $; si c'est au-dessus du genou, l'indemnisation est de 150 000 ou 200 000 $, et si c'est à la hanche, elle peut être de 250 000 $. La somme augmente en raison de la diminution de la mobilité. Comme vous avez pu le voir, Jody est entré ici en marchant. Il a subi une double amputation en bas des genoux. Moi, j'ai subi une double amputation au-dessus des genoux, et je ne marche presque pas. C'est mille fois plus difficile sur le plan de la mobilité et des efforts qu'il faut déployer. Je ne demande pas une indemnisation supérieure de 1 000 p. 100; je demande simplement un pourcentage différent, ce qu'offrent souvent les commissions des accidents de travail, les compagnies d'assurance et d'autres organisations.
    Pour ce qui est des gestionnaires de cas, il y en a. C'est toujours bizarre d'aller au bureau des Anciens Combattants, parce que le commis est derrière une vitre blindée. Vous pouvez imaginer que la situation est déjà tendue. C'est comme demander de l'argent à l'aéroport; c'est juste stupide. Il faut monter le ton juste pour arriver à parler à quelqu'un.
    Encore une fois, nous en venons à ce dont nous discutions au départ. Imaginez une personne qui est agressive, qui a un problème d'alcool et qui a toutes sortes d'autres problèmes. Juste pour voir son gestionnaire de cas... Elle finit par se rendre au centre-ville, par arriver au bureau d'Anciens Combattants, ou encore un membre de sa famille s'en charge, et ils finissent par voir quelqu'un, mais le guichet ressemble à celui d'une chaîne de restaurants. Ça ne va pas. Ce n'est pas la meilleure façon de représenter Anciens Combattants, et ce n'est pas la meilleure façon pour les familles et les autres personnes concernées d'obtenir des soins.
    C'est ça qui est important. Même pour les programmes existants, comment nous y prendre pour offrir aux gens un meilleur accès au système de sorte que des gens comme Jody, qui doit maintenant embaucher un avocat, n'aient pas à payer les frais d'un seul avocat, jamais, surtout lorsque c'est un problème créé par le MDN? Il devrait y avoir un avocat du MDN chargé de représenter le ministère, et il devrait y avoir un autre avocat du MDN — il y en a un, en fait, le JAG — qui représente les deux clients comme on le fait normalement dans un cas de harcèlement ou dans tout autre cas litigieux touchant le MDN. Les avocats devraient se parler et cerner le problème, pour que le cas de Jody soit réglé. C'est-à-dire qu'il n'ait pas à débourser un sou s'il y a eu une erreur administrative.
(1735)
    Ce serait bien.
    Pour le service, c'est l'UISP qui joue le rôle d'agent. Donc, lorsqu'une personne est affectée à l'UISP, il y a un gestionnaire des services responsable du peloton. On continue d'y utiliser le jargon militaire, alors chacun a un commandant de section. Un commandant de section normal — dans l'infanterie, en tout cas — est chargé d'une section de 10 soldats, si la section est mécanisée, ce qui signifie que, si la section dispose de véhicules, elle compte 10 hommes.
    J'ai entendu parler de commandants de section de l'UISP qui s'occupent de 75 soldats. Ce sont des gars et des filles qui font du bon travail. Ils se débrouillent du mieux qu'ils peuvent, mais, bien souvent, les commandants de section de l'UISP ainsi que les officiers et les commandants de ces unités sont eux-mêmes blessés ou malades, ou encore ils approchent de la retraite ou sont des réservistes de classe B, qui, lorsque leur contrat prend fin, quittent leur emploi. Il y a un roulement de personnel constant dans ces unités. C'est souvent lorsqu'ils commencent à devenir bons dans ce qu'ils font que leur contrat prend fin ou qu'ils se voient offrir un autre emploi. Franchement, je ne les blâme pas de quitter leur poste, parce qu'ils s'occupent de beaucoup de choses. Je ne sais pas si 65 000 $ par année c'est suffisant pour s'occuper des problèmes de 100 personnes à tous les jours. C'est le mandat de l'UISP.
    L'unité n'existait pas lorsque j'ai été blessé, et j'ai insisté sur le fait que ce serait une bonne chose si elle existait, ce à quoi on m'a répondu de ne pas m'inquiéter et que le système allait être en place un an plus tard environ.
    Ils font du mieux qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont, cependant.
    Merci.
    Le temps est écoulé, et la fin de notre réunion est arrivée également.
    Je tiens à vous remercier, caporal-chef Franklin, caporal-chef Mitic, de vous être joints à nous aujourd'hui et de nous avoir fait part de vos observations et de ce que vous avez vécu. Je vous remercie du sacrifice que vous avez fait pour votre pays et du service que vous lui rendez aujourd'hui en nous aidant à mener notre étude.
    Il s'agit d'un travail important, et nous espérons que le rapport que nous allons rédiger à la fin de l'étude va aider le gouvernement à supprimer certains obstacles auxquels vous avez fait face et à améliorer les services qui vous sont fournis.
    Là-dessus, merci beaucoup.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU