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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 066 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 février 2013

[Enregistrement électronique]

(1300)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Nous avons le quorum. Commençons.

[Français]

    Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, en ce 5 février 2013, nous tenons notre 66e séance. Cette séance est télévisée.
    Nous accueillons deux témoins très distingués: M. David Matas et l'honorable David Kilgour.

[Traduction]

    Ils ont tous les deux témoigné à maintes reprises devant des comités parlementaires. Ce sont des spécialistes respectés des droits de la personne, et M. Kilgour, bien sûr, a longtemps été lui-même parlementaire. Ils traiteront aujourd'hui de la question des greffes d'organes en Chine, sur laquelle ils ont beaucoup écrit.
    Pour les intéressés, je signale qu'ils sont les coauteurs de deux livres: Bloody Harvest: The killing of Falun Gong for their organs (récoltes sanglantes: le meurtre des membres de la secte Falun Gong pour leurs organes), par nos deux témoins; State Organs: Transplant Abuse in China (organes de l'État: les greffes abusives d'organes en Chine), par David Matas et Torsten Trey, publié l'année dernière.
    Je pense avoir mentionné que la séance est télévisée. Comportons-nous en conséquence. La greffière m'a fait parvenir une demande de M. Kilgour, qui est au courant du peu de temps dont dispose le comité. Il a demandé de faire mettre en annexe la version intégrale de sa déclaration. En réalité, il n'en lira qu'une partie, pour ne pas prendre plus de temps que ce que nous lui accordons. Qu'en pensez-vous? Est-ce que cela vous semble raisonnable?
    Des voix: D'accord.
    Très bien. Nous sommes d'accord.
    [Voir l'annexe]
    Le président: Puis-je inviter les deux témoins à commencer?
    Comme je vous ai mentionné le premier, monsieur Kilgour, pourquoi ne commençons-nous pas par vous?

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous demande pardon, chers députés, mais je vais faire mon allocution en anglais. Par contre, je serai très content de répondre à vos questions en français.

[Traduction]

    J'amputerai une phrase par paragraphe. Si vous avez ma déclaration, ce sera peut-être difficile à suivre, mais je sais que votre temps est très précieux parce que vous voulez poser des questions.
    Je vous remercie d'avoir tenu cette séance. Je suis très heureux d'y participer.
    Depuis sa naissance, il y a 5 000 ans, la civilisation chinoise a beaucoup apporté au monde et elle mérite beaucoup de respect. C'est en 1992 que les exercices et les principes du Falun Gong ont été présentés pour la première fois au public chinois. Le parti unique n'a pas seulement donné son accord à l'essor du mouvement, à l'époque, mais il y a même contribué en invitant son fondateur à donner son enseignement dans les établissements de l'État et en vantant les mérites du Falun Gong pour la santé et la morale publiques en général.
    Toutefois, plus le mouvement prenait de l'ampleur, plus il suscitait de la résistance, sans doute parce que certains membres de la direction du parti ont conclu qu'on ne pouvait accepter l'existence d'un groupe indépendant et nombreux. Du jour au lendemain, le chef du parti Jiang Zemin a décidé de l'éradiquer, malgré les nombreux membres du bureau politique qui connaissaient la pratique et du parti qui s'adonnaient aux exercices.
    Le 22 juillet 1999, la direction du parti communiste lançait une campagne prolongée et violente dont le but officiel était d'éradiquer le Falun Gong. Pour bien des adeptes du mouvement, les coups, la détention en camp de travaux forcés, le lavage de cerveau et la torture devenaient désormais le lot quotidien. Les victimes recevaient notamment des décharges de bâtons électriques à haute tension, étaient privées de sommeil ou de nourriture ou subissaient gavage, agressions sexuelles, avortements forcés ou injections de drogues.
    Je m'empresse de souligner que les adeptes du Falun Gong n'avaient aucune ambition politique et qu'ils n'ont jamais contesté le parti communiste. Même après bientôt 14 années de persécutions en Chine, leur seul objectif politique est, par des moyens pacifiques, de les faire cesser.
    Comme vous le savez probablement tous, après 1980, le parti unique a commencé à réduire le financement du système de santé. Pour combler le manque, il fallait désormais refiler la facture aux patients qui, pour la plupart, n'avaient pas d'assurances. Compte tenu de la demande mondiale, la vente des organes des prisonniers condamnés à la peine capitale est devenue une source majeure de revenus. Plus tard, les membres du Falun Gong sont devenus à leur tour une source d'organes. La liste de prix des organes était même affichée sur beaucoup de sites web chinois.
    David Matas et moi avons visité une douzaine de pays pour interviewer des adeptes du Falun Gong qui avait été envoyés dans des camps de travaux forcés en Chine, puis qui avaient réussi à s'en échapper et à fuir le pays. La plupart y avaient été envoyés après le milieu de 1999, sans autres formes de procès, puisque la signature d'un policier suffisait. À propos, ce système a vu le jour dans la Russie de Staline et le troisième Reich d'Hitler. Dans les années 1950, Mao l'a copié.
    Les adeptes du Falun Gong nous ont parlé de travail dans des conditions exécrables jusqu'à 16 heures par jour, sans salaire, très peu de nourriture, de dortoirs bondés et de torture. Travaillant en sous-traitance pour des multinationales, ils fabriquaient des produits d'exportation allant des vêtements aux décorations de Noël. Il s'agit-là d'une irresponsabilité flagrante des sociétés et d'une violation des règles de l'Organisation mondiale du commerce, qui exige une véritable intervention de tous les gouvernements qui entretiennent des relations commerciales avec la Chine.
    Je pourrais mentionner que les pertes d'emplois dans le secteur manufacturier canadien et ailleurs ne sont pas étrangères au travail effectué dans ces camps. On en estime le nombre à 340 et la population à 350 000 détenus. C'est beaucoup d'emplois perdus dans des pays comme le nôtre. Le Canada et d'autres pays devraient interdire par voie législative les produits fabriqués en camps de travaux forcés et obliger les importateurs à prouver que leurs marchandises ne sont pas issues du travail d'esclaves.
    Selon les recherches effectuées par David Matas et moi-même et publiées dans notre ouvrage Bloody Harvest, dont vous avez parlé, monsieur le président, des milliers de membres de la secte ont été tués depuis 2001 pour alimenter un trafic d'organes destiné à des patients chinois et étrangers. Matas et moi-même sommes arrivés à la conclusion que la provenance de 41 500 greffes réalisées entre 2000 et 2005 ne pouvaient s'expliquer que par les Falun Gong.
(1305)
    Quelles ont été les répercussions sur la scène internationale? Quelles initiatives y a-t-on prises?
    Depuis 2006, plusieurs rapporteurs spéciaux de l'ONU ont demandé des explications au gouvernement chinois concernant des allégations graves de vol d'organes chez des adeptes vivants du Falun Gong. Même s'ils ont précisé qu'il suffisait au gouvernement de fournir des explications complètes pour démontrer la fausseté des allégations, le parti unique n'y a pas répondu sérieusement et il s'est contenté de nier les accusations.
    Les spécialistes indépendants du comité de l'ONU contre la torture ont eux aussi abordé le problème des prélèvements d'organes chez les adeptes du Falun Gong. En novembre 2008, ils déclaraient:
[avoir reçu] des renseignements indiquant que de nombreux adeptes du Falun Gong avaient été soumis à des tortures et à des mauvais traitements en prison et que les organes de certains d'entre eux avaient été l'objet de transplantations.
    Qu'en est-il du Parlement européen? En septembre 2006, il a tenu une audience où David Matas et moi-même avons témoigné et il a adopté une résolution qui condamne la détention et la torture des adeptes du Falun Gong et qui exprime son inquiétude au sujet des rapports portant sur les prélèvements d'organes.
    À Taïwan, en 2007, le directeur des services de santé a rapporté avoir demandé aux médecins taïwanais de ne pas recommander à leurs patients de se rendre en Chine continentale pour des greffes.
    En Australie — comme vous pouvez voir dans le mémoire, ce pays figure sur la liste des pays — deux hôpitaux ont aboli des programmes conjoints de recherche avec la Chine.
    Qu'en est-il du Canada? En 2008, l'ex-député Borys Wrzesnewskyj a déposé à la Chambre des communes un projet de loi à portée extraterritoriale qui interdisait le tourisme médical à des fins de transplantation. Ce projet de loi, comme celui de la Belgique, aurait sanctionné les greffés qui auraient reçu un organe prélevé sans le consentement du donneur et qui étaient au courant de la situation ou auraient dû l'être.
(1310)

[Français]

    En France, en 2010, la députée Valérie Boyer et d'autres députés ont proposé une loi lors d'une séance de l’Assemblée nationale.

[Traduction]

    Aux États-Unis, en septembre 2006, le Congrès a tenu une audience sur les prélèvements d'organes chez les adeptes du Falun Gong. Surtout, en octobre 2012, au milieu de la campagne électorale, 106 de ses membres ont exhorté le Département d'État américain à divulguer l'information sur le vol d'organes en Chine chez ces adeptes.
    Voilà qui est intéressant. Le Département d'État, dans son rapport de 2011 sur les droits de la personne, publié en mai 2012 reconnaît ce qui suit:
Des médias et des groupes de revendication d'ici et d'ailleurs continuent de signaler des cas de prélèvement d'organes, plus particulièrement à l'endroit de membres du Falun Gong et d'Ouïghours.
    C'est la première fois qu'il le reconnaît. David Matas et moi-même avons rencontré les porte-parole du Département d'État dès 2006, mais ce n'est qu'en 2012 que, finalement, il a reconnu ces motifs de préoccupation.
    En ce qui concerne les ONG, le mémoire renferme une foule d'observations sur leur travail dans ce domaine. Je pourrais mentionner les docteurs contre le prélèvement forcé d'organes, un organisme non gouvernemental financé par les médecins. Torsten Trey, codirecteur de la publication du livre, en a été le fondateur et il travaille très activement à la résolution de ce problème.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste deux minutes, nous serons donc plus généreux pour vous que pour les membres du comité et leurs questions.
    Merci, monsieur le président. Vous êtes un bien meilleur président que ceux que ce comité avait l'habitude de se donner...
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. David Kilgour: ... il y a bien longtemps.
    Edward McMillan-Scott, le vice-président du Parlement européen, est mentionné dans le mémoire. Vous pouvez lire ce passage. Deux minutes, c'est vite passé.
    La Chine, maintenant. Son gouvernement reconnaît désormais que le prélèvement d'organes chez les prisonniers n'est pas acceptable. Le sous-ministre de la Santé Huang a déclaré, en 2009, que les détenus exécutés ne sont vraiment pas une source convenable d'organes.
    Le mémoire en dit davantage sur la Chine, mais veuillez m'accorder encore une minute.
    Je saute à la question de la responsabilité sociale des entreprises. J'espère que vous y trouverez des observations utiles.
    En ce qui concerne les recommandations sur les organes qui sont l'objet d'un trafic en Chine, Matas et moi nous vous encourageons, mesdames et messieurs les députés, à examiner nos recommandations qui exhortent le parti unique en Chine à mettre fin aux persécutions et à la répression du Falun Gong, à cesser de prélever des organes chez les prisonniers et à sortir les militaires de l'industrie des greffes d'organes. Nous avons fait quelques autres recommandations.
    Pour conclure, nous espérons que le Sénat et la Chambre adopteront des mesures pour combattre les pratiques abusives de greffe d'organes à l'échelle internationale.
    Que nous soyons en Chine ou ailleurs, nous sommes désormais nombreux à pouvoir influer fortement sur le dénouement de cette affaire particulièrement grave. Nous devons agir non seulement pour venir en aide à des dizaines de millions de Chinois adeptes du Falun Gong et à leurs familles, qui ont été déchirés d'un bout à l'autre du pays, mais aussi pour le bien de la Chine et de la communauté internationale dans son ensemble. Nous souhaitons tous que la Chine respecte la primauté du droit et la dignité de chacun et qu'elle instaure une gouvernance démocratique.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, monsieur Kilgour.
    Avant de passer à M. Matas, je vais vous poser une question très courte sur le projet de loi du député Wrzesnewskyj. D'abord, est-ce que quelqu'un d'autre est au courant de ce projet de loi d'initiative parlementaire et, sinon, y en a-t-il d'autres sur un sujet semblable, soit devant le Sénat ou la Chambre?
    Eh bien, malheureusement, à ce que je sache, il n'y en a pas d'autres, mais vous observerez, monsieur le président, que deux sénateurs belges ont déposé dans leur pays un projet de loi semblable. Je suis convaincu que l'un de vos attachés de recherche pourrait localiser en une trentaine de secondes le projet de loi de M. Wrzesnewskyj. Je vous incite tous à le considérer comme une mesure qui pourrait être utile.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Matas, je vous en prie.
    Pour répondre à la question, il existe également un projet de loi d'initiative parlementaire, en France, dont l'auteur est Valérie Boyer. Il y en a un aussi dans la Nouvelle-Galles-du-Sud, en Australie, dont l'auteur est David Shoebridge. L'un des sénateurs belges dont nous avons parlé est Patrik Vankrunkelsven. Nous pouvons donc nous inspirer d'un certain nombre de précédents.
    En ce qui concerne mes observations, je tiens à revoir aussi rapidement que possible certains faits qui étayent nos conclusions. Je détiens un certain nombre de faisceaux de preuves, 12 en tout.
    Premièrement, le Parti communiste a mené et continue de mener une longue et virulente campagne d'incitation à la haine contre le Falun Gong, en préconisant la marginalisation de ses adeptes, leur dépersonnalisation et leur déshumanisation aux yeux de nombreux Chinois.
    Deuxièmement, il y a le phénomène des camps de travail dont mon collègue David Kilgour a parlé. Ce n'est pas seulement des camps de travaux forcés où les gens sont détenus de façon arbitraire, mais il s'agit aussi de grandes réserves de donneurs vivants d'organes.
    Troisièmement, les familles de beaucoup d'adeptes du Falun Gong ont signalé leur disparition. Souvent, les autorités refusent de les informer de leur détention. Beaucoup d'autres membres, pour protéger leur famille et leur communauté, cachent leur identité après leur arrestation. Ils constituent une population particulièrement vulnérable.
    Permettez-moi de citer Mme Na Gan, qui vit maintenant à Toronto:
J'ai passé 2001 et 2002 dans un centre de détention [...]. Pendant ce temps, les autorités ont détenu beaucoup d'adeptes du Falun Gong qui s'étaient rendus à Pékin pour faire appel. [...] Pour échapper à de nouvelles persécutions, tant pour elles que pour les membres de leur famille, beaucoup de femmes n'ont pas donné leur vrai nom, ni indiqué d'où elles venaient. On a identifié chacune d'elles par un numéro de quatre chiffres. [...] Une nuit, des bruits m'ont réveillée. Toutes les adeptes identifiées par un numéro ont été traînées hors des cellules et aucune n'est revenue.
    Quatrièmement, la transplantation est, en Chine, une activité très lucrative. Les prix demandés aux étrangers, jadis affichés sur un site Web chinois et désormais archivés, varient de 30 000 à 180 000 $ américains pour une cornée et une combinaison rein-foie, respectivement.
    Cinquièmement, des enquêteurs ont appelé des hôpitaux de partout en Chine en se faisant passer pour des parents de patients qui avaient besoin d'organes et qui voulaient savoir si ces établissements avaient des organes sains à vendre d'adeptes du Falun Gong, réputés être en santé à cause des exercices qu'ils font. Nous avons enregistré, transcrit et traduit les aveux recueillis partout en Chine.
    Sixièmement, des adeptes du Falun Gong qui ont été détenus et qui, plus tard, ont été libérés et sont sortis de Chine, ont témoigné qu'ils étaient systématiquement soumis à des analyses sanguines et à des examens de leurs organes pendant leur détention. Ce n'était pas par souci pour leur santé, puisqu'ils avaient été torturés. Mais ç'aurait été nécessaire pour les transplantations d'organes et la constitution d'une réserve de donneurs.
    Septièmement, les délais d'attente pour les transplantations d'organes en Chine se comptent en jours ou semaines. Partout ailleurs dans le monde, ils se comptent en années ou en mois. Les greffes d'organes fournies par des donneurs morts depuis longtemps ne sont pas viables en raison de la détérioration des organes après la mort. Un court délai d'attente pour la transplantation d'organes prélevés chez des donneurs morts révèle l'existence d'une réserve importante de sources vivantes d'organes prête à être sacrifiées pour assurer ce délai si court. Nous avons recueilli les citations de sites Web d'hôpitaux chinois qui se vantaient de ces courts délais.
    Huitièmement, dans certains cas peu nombreux, la parenté d'adeptes du Falun Gong ont pu voir le cadavre mutilé de l'être cher qu'on menait à la crémation. Les organes avaient été prélevés. Nous avons même des photos.
    Neuvièmement, nous avons mené une vaste enquête auprès des receveurs d'organes et de leur famille. La greffe est effectuée, comme nous l'avons constaté, dans le secret presque total. Les receveurs et leur réseau de soutien ne sont pas informés de l'identité des donneurs et on ne leur montre pas non plus leur consentement écrit. Souvent, l'identité du médecin et du personnel auxiliaire n'est pas divulguée, malgré les demandes de renseignements.
    Un témoin nous a dit qu'un médecin militaire a vérifié sept reins avant d'en trouver un compatible dans un hôpital. Il gardait avec lui des listes de sources possibles établies d'après les caractéristiques tissulaires et sanguines, dans lesquelles il choisissait le donneur. On l'a maintes fois vu quitter l'hôpital en uniforme militaire et revenir deux ou trois heures plus tard avec des récipients renfermant des reins.
    Dixièmement, nous avons questionné l'ex-épouse d'un chirurgien du district de Sujiatun, dans la ville de Shenyang, dans le Liaoning. Elle a affirmé que son époux lui avait dit avoir prélevé les cornées d'environ 2 000 adeptes du Falun Gong avant de refuser d'en faire plus, mais qu'aucun des donneurs n'avait survécu, parce que d'autres chirurgiens avaient prélevé d'autres organes vitaux et qu'on avait ensuite incinéré tous les cadavres.
(1315)
    La transcription de l'entretien est donnée en annexe de notre rapport.
    Le récit que nous a livré la dame est semblable au témoignage du Dr Wang Guoqi, qui a expliqué au Congrès américain qu'il avait prélevé des organes sur des prisonniers. Le gouvernement chinois a d'abord nié la chose avec véhémence, pour admettre des années plus tard que c'était la vérité. Seule l'origine des prisonniers desquels on prélevait les organes différait d'une version à l'autre.
    Au point 11, je note qu'à 200 kilomètres de Sujiatun, à Xinju, un individu du nom de Wang Lijun a effectué des recherches sur une méthode d'exécution lente par injection qui permettait de prélever des organes avant le décès du donneur. Il a poursuivi ses recherches en vue d'éviter que les patients recevant les organes des prisonniers morts par injection ne souffrent d'effets indésirables provoqués par les substances injectées.
    En septembre 2006, Wang Lijun a été récompensé pour ses recherches et ses expérimentations. Dans son mot de remerciement, qui a été diffusé sur Internet, il a indiqué que lui et son équipe avaient participé à des milliers de greffes d'organes prélevés sur des prisonniers morts par injection, des transplantations effectuées sur place. Je le cite: « Ce fut profondément touchant de voir quelqu'un se faire exécuter et de voir les organes de cette personne être transplantés dans les corps de plusieurs patients. » Voilà une remarque qui aurait été digne de Josef Mengele.
    Je signale que Wang Lijun était le bras droit de Bo Xilai.
    Les enquêteurs ont entre autres appelé à Jinzhou, là où travaillait Wang Lijun. Nous avons utilisé cet appel pour produire notre rapport. Voici un extrait de l'échange en question:
Enquêteur: Depuis 2001, nous recevions toujours des reins prélevés sur des jeunes gens en santé, des adeptes du mouvement Falun Gong qui étaient en détention ou devant les tribunaux. [...] Je me demandais si vous en aviez encore à offrir?
Fonctionnaire: Cela dépend de vos qualifications. [...] Si vous avez de bonnes qualifications, nous pourrions peut-être vous en fournir...
Enquêteur: Devons-nous aller les chercher, ou allez-vous les préparer pour nous?
Fonctionnaire: Si je me fie à ce qui a été fait auparavant, c'est à vous de venir les chercher.
    En février 2012, Wang Lijun, qui était à l'époque maire suppléant et chef de police de Chongqing, a passé une journée entière au consultat américain de Chengdu. Mon collègue David Kilgour a parlé de la lettre que le Congrès des États-Unis a fait parvenir au département d'État, demandant des détails sur ce que Wang Lijun a vraisemblablement révélé lorsqu'il a voulu trouver refuge au consultat américain en février.
    Au point 12, le dernier, signalons qu'il n'y a pas d'autre façon d'expliquer le nombre de transplantations, si ce n'est que les organes ont été prélevés sur des adeptes de Falun Gong. Après les États-Unis, la Chine est le plus grand pays du monde; pourtant, ce n'est qu'en 2010 qu'elle s'est dotée d'un système de prélevement d'organes sur des donneurs décédés. Même aujourd'hui, les dons générés par ce système sont statistiquement insignifiants. Selon la loi, seuls les membres de la famille peuvent recevoir les organes prélevés sur un donneur vivant, et cette pratique est officiellement découragée vu les complications médicales qui peuvent s'ensuivre pour les donneurs.
    Le nombre de prisonniers condamnés à mort et exécutés qui serait nécessaire pour répondre à la demande en Chine est beaucoup plus important que les statistiques et les estimations les plus exagérées sur la peine de mort, par des dizaines de milliers. De plus, au cours des dernières années, le nombre de condamnés à mort a diminué, tandis que le nombre de transplantations est demeuré constant, sauf pour une légère accalmie en 2007.
    Notre rapport contient une foule de recommandations, et David Kilgour en a mentionné quelques-unes dans son témoignage. Je demande au comité d'adopter une résolution à ce sujet. J'aimerais insister sur le fait que la Chine fera l'objet en octobre de l'examen périodique universel du groupe de travail du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, et le Canada devrait profiter de cette occasion pour agir.
    Je veux féliciter le sous-comité d'avoir convoqué cette séance. La gravité de la situation justifie une intervention.
     En principe, il faut concentrer notre attention sur les victimes les plus touchées et leur accorder la priorité. Le sous-comité devrait appliquer ce principe dans sa lutte contre la violation des droits de la personne en Chine, en gardant dans sa mire le trafic d'organes, la victimisation des prisonniers d'opinion, en particulier les adeptes de Falun Gong.
    Merci beaucoup.
(1320)
    Merci.
    Vous avez tous les deux été très rapides, ce qui nous laissera plus de temps qu'on en aurait eu autrement pour poser des questions. Je pense que nous pouvons y aller avec des temps d'intervention de sept minutes, pour les questions et les réponses.
    Monsieur Sweet, nous commençons avec vous.
    Monsieur Matas, monsieur Kilgour, je vous suis très reconnaissant pour vos témoignagnes. C'est notre devoir, à mes collègues et à moi, de garder la tête froide lorsque nous examinons les questions qui nous sont soumises. Mais ce dossier semble toucher droit au coeur même les plus durs d'entre nous, et il est difficile de s'imaginer que de telles choses puissent se produire.
    C'est particulièrement inquiétant pour moi de savoir que plus de 90 p. 100 des organes transplantés en Chine sont prélevés de cette façon, c'est-à-dire sur des adeptes de Falun Gong qui ont été exécutés.
    Si on veut illustrer l'ampleur de la situation, il faut souligner que c'est un pays de près de 1,4 milliard d'habitants. S'il est question de 90 p. 100, j'ose à peine imaginer le nombre de vies qui sont en jeu.
    Cependant, messieurs Matas et Kilgour, le service de recherche du Congrès a indiqué que votre rapport s'appuyait largement sur l'élaboration d'inférences logiques, et l'a en fait critiqué. Je voulais vous donner l'occasion de défendre votre rapport publiquement. Monsieur Kilgour, vous voudrez peut-être répliquer à ces critiques.
(1325)
    Bien sûr.
    Le rapport du service de recherche du Congrès a été diffusé en 2006, je crois. En fait, notre ministère des Affaires étrangères a publié une déclaration pendant la semaine où a paru notre deuxième rapport, mais j'estime que tout cela est bien loin derrière, et j'espère que le ministère des Affaires étrangères est mieux informé sur la question aujourd'hui.
    Le gouvernement chinois ne prend même plus la peine de nier les choses dont M. Matas vous a parlé. Il a abandonné depuis longtemps. Si vous jetez un coup d'oeil au site Web de l'ambassade, je suis à peu près sûr que vous y trouverez toutes sortes de messages de propagande contre le Falun Gong. C'est là depuis des années, mais non, monsieur Sweet, personne ne nie la situation, sauf ceux qui...
    Je pense à une personne en particulier, que je ne nommerai pas. Il est allé en Chine, un voyage payé par l'Association médicale chinoise, et il est revenu ici en affirmant que l'Association médicale chinoise était une organisation indépendante. Le ministre de la Santé chinois était président de cette association environ un an plus tôt.
    Ce que j'essaie de dire — et David Matas aura sûrement des choses à dire aussi là-dessus —, c'est que la preuve... J'ai été procureur pendant 10 ans. Nous sommes en possession de 52 types d'éléments de preuve. Si vous n'aimez pas les 10 premiers, passez aux 10 suivants. À un moment donné, je pense que la plupart des gens vont reconnaître que même si toutes les preuves ne sont pas admissibles devant les tribunaux, les signes qui indiquent que c'est ce qui se produit n'en sont pas moins accablants.
    C'est seulement maintenant que les Nations Unies, le Congrès américain et le reste du monde commencent à s'intéresser à la situation. Honnêtement, j'aurais voulu que cette séance ait lieu il y a six ans. Je crois que la preuve n'est plus à faire; il s'agit maintenant de mettre un terme à tout cela. M. Matas et moi avons fait croisade dans une cinquantaine de pays au moins.
    En passant, je dois préciser que 90 p. 100 des organes prélevés ne viennent pas des adeptes de Falun Gong, mais des prisionniers en général. Je me suis peut-être mal exprimé. Il y a deux sortes de prisonniers: ceux qui ont été condamnés par les tribunaux chinois, et les adeptes de Falun Gong, qui n'ont été reconnus coupables d'aucune infraction, à part peut-être quelques exceptions. Ils ont simplement été envoyés dans des camps de travaux forcés par la police, à la manière d'Adolf Hitler et de Joseph Staline.
    David va vous donner...
    Si le temps nous le permet, j'aimerais y revenir, mais comme vous nous avez dit que tout cela était loin derrière, nous voulons nous assurer que nous avons la preuve que c'est effectivement le cas. Est-ce vrai que le vice-ministre de la Santé occupe toujours son poste au sein de la République populaire de Chine? A-t-il été le premier à reconnaître la situation officiellement?
    Oui.
     Il dirige même une initiative visant à mettre en place un système légitime de don d'organes.
    Je n'ai pas lu cela dans la déclaration, mais comme je le disais, d'ici à ce que cela se fasse, dans cinq ans peut-être, combien de dizaines de milliers d'adeptes de Falun Gong auront été exécutés?
    Exactement.
    Ce qui est très difficile à imaginer, c'est que pour avoir un donneur compatible prêt à vous donner un nouveau foie — si vous me permettez de parler à la deuxième personne —, si on tient compte de tous les facteurs liés aux groupes sanguins et aux tissus, il faut qu'il y ait beaucoup de personnes en attente pour que ce soit possible.
    Comme David Matas l'a dit, le major Tan — je crois que c'était lui — a passé en revue ses listes de personnes. Je ne sais pas si David en a parlé ou non. Il y est retourné huit fois pour trouver un rein pour son patient. Huit personnes sont mortes pour que cet homme, que nous avons tous les deux rencontré là-bas et que je ne nommerai pas, se porte bien. Mais huit personnes sont mortes avant qu'on puisse trouver...
    ... avant qu'on puisse trouver un donneur compatible.
    ... un donneur compatible.
    Allez-y, monsieur Matas.
    Pour ce qui est du rapport du Congrès, j'ai quelques commentaires à formuler.
    Premièrement, dans la situation qui nous occupe, la victime est décédée et son corps a été incinéré. Personne ne va se lever pour dire qu'on lui a prélevé des organes. Les choses se passent dans une salle d'opération qu'on nettoie ensuite pour effacer les traces du crime. Les dossiers documentaires appartiennent tous au gouvernement chinois, et il est impossible d'y avoir accès. L'hôpital où cela se produit est complètement fermé. Il n'y a pas de témoin, seulement des agresseurs et des victimes. Certains patients ont demandé à avoir leur médecin de famille avec eux, mais cela leur a été refusé. C'est le contexte avec lequel nous devons composer dès le départ.
    J'ajouterais que ce n'est pas à nous de prouver ce qui s'est produit, même si j'estime que nous l'avons déjà fait. C'est à la Chine de rendre des comptes à propos de la source des organes transplantés. Un des principes directeurs de l'Organisation mondiale de la Santé, dont la Chine est membre, est la transparence. La traçabilité en est un autre. La Chine ne respecte pas ces principes. Elle ne veut pas divulguer ses statistiques concernant le nombre de condamnés à mort, desquels elle prétend prélever tous les organes. Ce point a été soulevé lors de l'examen périodique universel il y a trois ans. Dans le cadre de cet examen, le Canada a demandé à la Chine de divulguer ses statistiques concernant la peine capitale; elle n'a pas voulu. Elle refuse de le faire.
    En fait, après avoir recueilli des éléments de preuve dans des sites Web chinois, nous avons constaté que le gouvernement avait effacé l'information de ses sites, mais nous avons tout archivé. Il tente encore par tous les moyens de cacher la vérité, plutôt que d'essayer de faire preuve de plus de transparence. Sachant que la Chine essaie d'étouffer l'affaire, l'argument selon lequel notre rapport s'appuie sur des inférences logiques ne tient tout simplement pas la route.
(1330)
    Malheureusement, monsieur Sweet, nous n'avons pas suffisamment de temps pour une prochaine question. Je suis gêné d'admettre que je me fiais à une horloge qui ne fonctionne pas. Nous n'avons en fait que six minutes par intervention. Je vous prie de m'en excuser.
    Monsieur Marston, c'est à vous.
    J'aurais préféré avoir sept minutes et qu'on revienne à des interventions de six minutes par la suite, mais cela me va.
    Le président: D'accord.
    Tout d'abord, messieurs, vous savez que je n'en suis pas à ma première participation à ce comité. J'y étais en 2006, au moment de mon élection. Je veux préciser d'emblée que je crois en vos conclusions. Je n'ai pas de mal à l'admettre. Je l'ai déjà dit.
    Quand je suis arrivé en 2006 — et ceux qui m'ont dit cela peuvent garder l'anonymat —, des députés de différents partis m'avaient dit qu'il fallait se méfier des adeptes de Falun Gong. À mon avis, ils ont dit cela parce qu'il est difficile d'accepter et de comprendre que des choses aussi horribles puissent se produire. Les adeptes de Falun Gong qui sont venus se faire entendre sur la Colline l'ont fait avec tant de conviction qu'ils en ont fait reculer plusieurs. Je ne crois pas que leur présence nous ait rendu service comme elle aurait pu.
    Le comité a mené une étude sur la Chine et ses conclusions ont été assez sévères à son égard, dans le même sens que certains de ces rapports. Nous n'allons pas entrer dans les détails. Pour conclure des accords commerciaux avec différents pays, nous avons mis de côté les considérations relatives aux droits de la personne et les avons confinées à l'immobilisme, ce qui est très préoccupant à notre avis. Il y a la nouvelle relation entre la Chine et Nexen, et la possibilité que cela ouvre de nouveaux marchés et mette davantage de pression sur les gouvernements sur le plan commercial, les incitant ainsi à fermer les yeux sur des situations du genre. Je suis d'accord avec vous. Avec l'examen périodique universel qui s'en vient, il est raisonnable que le comité recommande de questionner le gouvernement chinois à cet égard. C'est précisément à cela que servent les examens périodiques des Nations Unies.
    Je veux aller un peu plus loin que M. Sweet, parce que je crois que ce serait utile de parler notamment des critiques qui ont été faites à l'égard de votre rapport de 2006. Je vais me permettre de nommer une ou deux personnes, ce que vous auriez peut-être choisi d'éviter.
     Henry Wu était un...
    M. David Kilgour: C'est Harry Wu.
    M. Wayne Marston: Oh, Harry. Il y a une erreur dans mes notes.
    Glen McGregor, un journaliste, était lui aussi plutôt... Et, évidemment, il y avait les membres du Congrès, dont vous avez parlé.
    Les chiffres ont été critiqués. La méthodologie aussi. Ils prétendent — et j'insiste sur le choix du verbe, ils prétendent — que les preuves étaient insuffisantes. Vous nous avez répété à maintes reprises qu'il y avait toute une montagne d'éléments de preuve pour appuyer vos conclusions, et je me demande si ma question n'est pas un peu redondante, après avoir entendu votre témoignage aujourd'hui. Je voulais savoir si vous étiez toujours convaincus de ce que vous avancez dans votre rapport.
    Pensez-vous que vos conclusions sont toujours aussi valides? Avez-vous décelé certaines failles? Y a-t-il quelque chose que vous changeriez dans votre rapport? Que doit-il se passer maintenant?
    Merci beaucoup, monsieur Marston. Vous défendez fièrement la cause depuis le début, et je tiens à vous en féliciter.
    Vous avez parlé de Harry Wu. Je l'ai rencontré à Washington en 2006, et j'ai tout fait pour qu'il vienne discuter avec une dame prénommée Annie, qui donnait une conférence de presse. Annie a refusé de voir M. Wu, parce qu'il l'avait traitée de menteuse. Ce fut une longue argumentation, mais la rencontre n'a pas pu avoir lieu, et c'est très malheureux.
    Un article a paru dans le Ottawa Citizen sur la visite de Glen McGregor en Chine en tant qu'invité de l'Association médicale chinoise. Il est revenu et a qualifié notre rapport de... Vous rappelez-vous du terme qu'il a utilisé? Il a dit que nous devions placer la barre très haute.
    À quelle hauteur se trouve le plafond? Je pense que la barre ne sera jamais assez haute à son goût.
(1335)
    Ou plutôt, jusqu'à quelle hauteur les corps sont-ils empilés?
    Bien dit. C'est exact.
    Honnêtement, les gens ne remettent plus en question nos conclusions lors de nos visites aux quatre coins du monde. Tout le monde reconnaît que ces événements se déroulent, comme vous, si j'ai bien compris.
    David, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
    Nous n'avons pas cessé nos recherches en 2006; nous avons déposé un second rapport en 2007, puis un troisième en 2009 sous la forme d'un ouvrage intitulé Bloody Harvest, et en avons produit une quatrième version l'an dernier. Nos déplacements nous permettent de rencontrer de nouveaux témoins et d'accumuler de nouvelles preuves, et tout ce que nous trouvons vient confirmer nos conclusions; rien ne les remet en question. Un chapitre complet rapporte le témoignage de Harry Wu, et je vous invite à le lire.
    En ce qui touche le rapport, nous avons notamment pour principe de ne retenir que des preuves pouvant être vérifiées par des sources indépendantes. Ainsi, quiconque est libre de passer en revue l'ensemble de notre matériel pour en tirer ses propres conclusions. Un certain nombre de personnes se sont prêtées à l'exercice et ont présenté des rapports qui corroborent nos dires, dont certains sont plutôt volumineux. D'ailleurs, un des chapitres en cite des extraits.
    Par exemple, un des rapports a été produit par le Dr Tom Treasure, un chirurgien transplantologue de l'Angleterre. Aussi, Kirk Allison, un professeur de l'Université du Minnesota...
    L'objectif de ma question n'était pas d'obtenir des explications en profondeur, mais bien de vous donner l'occasion de démontrer tout ce que vous avez fait à la suite du rapport; vous en avez parlé.
    Ma question vous paraîtra étrange, mais certains se la posent. Vous qui avez réalisé une quantité colossale de travail et qui avez énormément voyagé, d'où provient votre financement?
    C'est une bonne question, qui revient souvent d'ailleurs.
    Je crois qu'on a avantage à être clair et à jouer cartes sur table pour aider les gens à comprendre.
    Notre travail est entièrement bénévole. Je ne crois pas qu'on ne nous ait jamais versé le moindre sou en échange. Lors de nos déplacements... Je suis allé en Corée il y a quelques mois, et les pratiquants du pays ont défrayé environ le cinquième du billet d'avion, je pense, ainsi que mon hôtel, mais ils ne m'ont absolument pas rémunéré. J'ai d'ailleurs offert de me faire héberger par une des familles.
    Je comprends. Je tenais à vous donner la chance de le dire vu que certains cherchent toujours une explication. Si quelque chose est trop difficile à croire, ils se mettent à déformer la réalité. Je voulais donc que vous puissiez le mentionner.
    Je vous en remercie infiniment.
    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter que j'ai eu la même réaction que chacun d'entre vous sur la question. La première fois que j'en ai eu vent, j'ignorais ce que le Falun Gong était, et je me suis moi aussi demandé si c'était vrai. Mais j'ai tranquillement compris la réalité.
    Par exemple, j'ai compris que le gouvernement chinois, c'est-à-dire le Parti communiste chinois, considère le Falun Gong comme une organisation alors que ce n'en est pas une. Il s'agit plutôt d'une série d'exercices reposant sur un fondement spirituel que tout le monde peut pratiquer. Les adeptes peuvent commencer et arrêter quand ils le veulent; ils peuvent choisir de ne se joindre à aucun regroupement et de pratiquer en solitaires. Le Falun Gong représente un groupe de personnes qui, à certaines occasions, ont décidé de former des organisations improvisées ici et là. Or, ces organisations ne représentent pas l'ensemble des adeptes.
    Chacun de nos voyages est financé différemment. Habituellement, je suis invité par un adepte du Falun Gong qui couvre mes dépenses, parfois avec l'aide de ses amis. Quoi qu'il en soit, il n'existe aucune organisation dont l'argent coule à flot. Il n'y a rien de tel.
    C'est bien ce que je pensais, mais je voulais que ce soit dit.
    C'est malheureusement tout le temps dont nous disposions pour ce tour.
    La parole est maintenant à Mme Grewal.
    Merci, monsieur le président. Messieurs Kilgour et Matas, je vous remercie d'avoir pris le temps de nous présenter vos conclusions aujourd'hui.
    Que peut faire le gouvernement du Canada pour inculquer à la Chine un certain respect des droits de la personne et de la responsabilité judiciaire, surtout en ce qui a trait aux trop nombreuses victimes du Falun Gong?
    Je vous remercie infiniment de soulever ce point. Vous aussi nous appuyez depuis le début, madame Grewal, et je vous en suis très reconnaissant.
    Ce que vous me demandez, c'est comment faire pour éveiller l'intérêt de Pékin au sujet des valeurs universelles, n'est-ce pas? Bien franchement, lorsque Wen Jiabao a quitté le poste de premier ministre, Bo Xilai avait tellement perdu de crédibilité aux yeux de bien des gens que j'espérais sincèrement que Jiabao puisse nommer la majorité des membres du Comité permanent. Mais comme vous le savez, Jiang Zemin — le grand coupable, selon moi — a eu son mot à dire, et il semble avoir nommé cinq des sept membres du Comité permanent, ce qui n'a rien d'encourageant.
    Nous avons vu ce qui s'est passé en Russie durant la longue nuit ayant précédé la nomination de Mikhaïl Gorbatchev au poste de Secrétaire général. La Chine répertorie désormais environ 150 manifestations par année sur son territoire, qui sont organisées par des citoyens dont la ferme a été saisie ou la maison, rasée au bulldozer, par exemple. Je dois pouvoir croire...
    David Matas et moi-même avons rencontré des gens extraordinaires partout en Chine. Le peuple chinois veut la démocratie et la primauté du droit autant que vous et moi, et ils l'obtiendront un jour.
    Le fait est que M. Xi, le nouveau président désigné, a passé neuf ans de sa vie dans une caverne pendant la révolution culturelle, sauf erreur. On peut espérer qu'il luttera au moins contre la corruption, mais j'espère qu'il ne s'arrêtera pas là. Je crois que M. Harper a fait une grave erreur en laissant CNOOC prendre possession de Nexen; c'est bien dommage pour les 3 000 employés de Nexen.
    Vous ne venez pas de l'Alberta. Y a-t-il des Albertains parmi vous? Oui — veuillez m'excuser.
    C'était une entreprise modèle qui faisait preuve d'une responsabilité organisationnelle remarquable dans des pays comme la Colombie et l'Afrique. Je trouve déplorable que nous ayons en réalité permis au parti unique chinois de la nationaliser. C'est aussi ce que semblent penser environ 74 p. 100 des Canadiens.
(1340)
    Votre question est quelque peu stratégique; le comité sera peut-être mieux placé que nous pour y répondre, mais j'ai quand même tenté de trouver des solutions. Que faire au sujet des adeptes du Falun Gong assassinés pour leurs organes? Il y a différentes façons d'aborder la question et celle, plus générale, des droits de la personne en Chine, qui englobe la persécution des adeptes du Falun Gong et les camps de travail. La réflexion de la Chine semble avoir évolué au sujet des camps de travail puisque certaines déclarations récentes faisaient état de leur fermeture prochaine. Ce n'était peut-être pas une annonce sans équivoque, mais la Chine semble envisager cette solution.
    La meilleure façon d'y mettre un terme immédiatement est d'empêcher l'assassinat de prisonniers pour leurs organes, car la Chine cesserait par le fait même de tuer les prisonniers adeptes du Falun Gong pour cette raison. La Chine se ferme lorsque nous abordons des sujets comme le Falun Gong, les droits de la personne, les camps de travail ou la peine de mort, mais elle nous donne raison si nous lui demandons d'arrêter de tuer des prisonniers pour leurs organes. Avec le temps, elle finira par le faire et par admettre que cette pratique inacceptable doit cesser. Il est beaucoup plus facile d'aborder le problème sous cet angle avec la Chine, car elle tient alors un tout autre discours.
    M. Sweet a parlé de Huang Jiefu. Je n'ai jamais discuté avec lui personnellement; j'ai essayé, mais les stratèges du Parti communiste m'ont empêché de le rencontrer. Mais puisqu'il a parlé avec d'autres occidentaux et qu'il possède une formation sur le monde occidental, il semble essayer d'atteindre cet objectif en manoeuvrant au sein du système. Je trouve toutefois qu'il n'agit pas assez vite. Reste que certains intervenants au sein du système tentent de changer la donne. Je pense qu'il serait judicieux de continuer nos efforts en ce sens et que, ce faisant, nous ne nuirons pas nécessairement à nos relations avec la Chine.
    Il a été mentionné à plusieurs occasions que des prisonniers chinois sont arrêtés et mis en détention sans procès ni appel, et sans la moindre explication. Cette détention peut durer des jours, voire des années, et porte naturellement atteinte à leurs droits.
    Ce traitement est-il courant chez l'ensemble des prisonniers, ou cible-t-on systématiquement les adeptes du Falun Gong?
    Permettez-moi de vous parler brièvement des délits qui sont passibles de la peine capitale en Chine. Je pense qu'il y en a 58, y compris la fraude fiscale; la loi est donc mal faite. Votre confrère Clive Ansley de l'île de Vancouver, en Colombie-Britannique, a pratiqué le droit 13 ans à Shanghai. Si ma mémoire est bonne, il est rentré au pays parce que les 200 000 juges chinois ont reçu un courriel ou une missive disant que les étrangers ne gagneraient jamais plus dans un tribunal chinois.
    En fait, et je le cite dans mon mémoire, il affirme que les audiences chinoises ne sont qu'un cirque, et que les trois juges qui semblent écouter la preuve ne sont pas ceux qui rendent la décision la plupart du temps, ou lorsque l'affaire est importante. Un groupe de juges se réunit un mercredi matin pour choisir les affaires qui seront entendues le jeudi et le vendredi suivants, ainsi que pour dicter les décisions qui seront rendues et les peines qui seront imposées. Le juge qui se présente au tribunal pour lire la décision et prononcer la peine n'est pas celui qui a tranché. Voilà comment fonctionne l'appareil judiciaire chinois; c'est tragique.
(1345)
    Vous avez demandé ce qui se passe dans les camps de travaux forcés. Ce n'est naturellement pas le gouvernement chinois qui nous le dira. Il n'y laisse entrer aucun étranger de la Croix-Rouge ou d'ailleurs. Il n'y a ni rapports ni organisations non gouvernementales. Le gouvernement refuse de divulguer l'emplacement des camps ou la taille de la population carcérale.
    Ce que nous savons au sujet des camps de travaux forcés, nous l'avons appris grâce aux témoignages de personnes qui y ont été incarcérées avant de s'en échapper et de fuir la Chine. Il s'agit essentiellement de notre seule source d'information, mais elle nous permet de reconstituer une bonne partie du casse-tête. Quoi qu'il en soit, il faut insister pour que les camps soient fermés, pour que la Croix-Rouge y ait accès, et pour que le système soit plus transparent.
    Vous avez dit aujourd'hui que de nombreux adeptes du Falun Gong se font prélever illégalement des organes sans leur consentement; qu'il y a souvent d'autres prisonniers qui vivent et travaillent dans des conditions épouvantables; et que ces victimes se trouvent tant dans des camps de travaux forcés que dans des hôpitaux stérilisés.
    Je vais malheureusement devoir vous arrêter ici puisque le temps est écoulé. Les témoins pourront aborder le sujet en réponse à une autre question.
    C'est maintenant au tour de M. Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens d'abord à féliciter nos deux témoins, David Matas et David Kilgour, pour leur travail de pionnier sans précédent au sujet du prélèvement illégal d'organes. Je suis vos recherches depuis des années, et je conviens qu'il est temps que les preuves accumulées soient réfutées; il incombe désormais aux autorités chinoises de révéler la vérité. Mais dans l'intervalle, c'est l'hypothèse de David Matas et de David Kilgour qui est la plus probable.
    Soit dit en passant, je suis en train de préparer un projet de loi d'initiative parlementaire qui s'inspire de vos recommandations. Je vais vous consulter pour que nous puissions proposer des dispositions législatives exemplaires.
    La question que je veux vous poser porte sur l'acquisition de Nexen par la CNOOC, dont il a été question.
    On s'inquiète du fait qu'une entreprise d'État chinoise ait fait l'acquisition d'une société canadienne d'exploitation de ressources naturelles dont les normes en matière de droits de la personne étaient exemplaires, comme vous l'avez dit, monsieur Kilgour. Or, nous avons eu vent d'allégations sérieuses voulant que l'entreprise d'État chinoise CNOOC ait été mêlée à la violation de droits chez des groupes minoritaires chinois. Plus particulièrement, des adeptes du Falun Gong à l'emploi de la CNOOC auraient été persécutés, et la CNOOC aurait mis son service de sécurité à la disposition de la police pendant que celle-ci procédait à l'arrestation et à la mise sous garde des ses propres employés, identifiés comme étant des adeptes du Falun Gong.
    En lien direct avec le sujet du jour, j'aimerais savoir si vous êtes au courant, et si avez des preuves de la participation de la CNOOC aux mauvais traitements d'adeptes du Falun Gong, mis à part le grand problème de l'acquisition de Nexen par la société d'État.
    Merci.
    Je vais laisser David Matas vous en parler. Il y a une semaine et demie environ, il a prononcé un excellent discours en Alberta, dans lequel il abordait notamment le point que vous soulevez.
    Oui, je pourrais faire un commentaire là-dessus.
    Il y a 77 témoignages documentés et vérifiables sur la complicité de la CNOOC dans la persécution du Falun Gong. Comme toutes les sociétés d'État chinoises, la CNOOC est dirigée par le gouvernement du Parti communiste. Ce parti dirige les activités aux niveaux central, régional et local. Chaque fonction ou bureau gouvernemental est dirigé par une fonction ou un bureau du Parti communiste. Il en va de même pour la CNOOC. Nommé d'après la date de sa fondation, le 10 juin 1999, le bureau 610 est l'entité du parti responsable de la répression du Falun Gong.
    Il y a un bureau 610 à la société affiliée de la CNOOC en Chine, la Bohai Oil Corporation. Je répète que ce bureau est responsable de la persécution documentée de 77 personnes, qui ont été interrogées, arrêtées et détenues par la police locale, avant d'être envoyées dans des centres de lavage de cerveau ou de santé mentale, où même les femmes enceintes ont reçu des injections de médicaments causant des lésions nerveuses.
    Les employés qui pratiquaient le Falun Gong ont reçu des amendes très élevées, ont subi des fouilles arbitraires et ont été congédiés. Leurs salaires ont été retenus, et leurs biens confisqués. Leurs primes et leurs avantages ont été refusés. Ces gens n'ont reçu que le salaire minimum, sans égards à l'ancienneté, à l'expertise et au niveau de scolarité.
    Pour les adeptes du Falun Gong d'hier et d'aujourd'hui, un emploi à la CNOOC en Chine est, au moins pour certains, la première étape d'un processus qui mène à une fourgonnette blanche banalisée où leurs organes sont retirés et amenés à l'hôpital le plus près. Les étapes intermédiaires sont faites de réunions avec le supérieur immédiat, puis avec les agents du Parti communiste qui dirigent le bureau, avant qu'on vous envoie au centre de détention local et, enfin, au centre de santé mentale ou en rééducation dans un camp de travail.
    J'ai rencontré des gens en Alberta qui ont travaillé pour la CNOOC, qui ont été harcelés et qui ont réussi à s'en tirer avant de subir les pires souffrances. Ces gens connaissent un certain nombre de personnes qui ont vécu des souffrances bien pires que les leurs.
    Comme David Kilgour, j'avais des réserves concernant l'acquisition de Nexen. Je pensais que l'approbation était conditionnelle au démantèlement de tous les bureaux 610 de CNOOC, à la reconnaissance ouverte, publique et détaillée des violations des droits de la personne et à l'indemnisation complète de toutes les victimes pour les torts qu'ont infligés toutes les sociétés affiliées.
    L'acquisition a été approuvée, mais à ce que je sache, ces conditions ne sont toujours pas respectées. Je pense que nous ne devons pas baisser les bras. La CNOOC est désormais une entreprise canadienne, et nous devons insister pour qu'elle observe les normes.
(1350)
    Concernant le bénéfice net, le critère lié à l'approbation de l'acquisition, diriez-vous que les droits de la personne ne sont pas pris en compte et qu'il s'agit d'un enjeu strictement économique?
    Les droits de la personne ne sont pas du tout pris en compte. Votre comité n'a peut-être pas été saisi de la question de la CNOOC et de Nexen, mais...
    Mesdames et messieurs, les 3 000 employés de Nexen, qui peuvent se trouver un emploi ailleurs, vont partir dès qu'ils auront trouvé un autre travail. En tant qu'Albertain, je pense que ce qui est arrivé à Nexen est une tragédie.
     Concernant l'approbation des investissements étrangers au Canada et que les critères soient liés au bénéfice net ou non, les directives doivent selon moi exiger le respect des droits de la personne à l'étranger, la reconnaissance des violations passées et l'indemnisation des victimes.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Schellenberger.
    Messieurs, merci des connaissances et des compétences que vous employez pour mettre en lumière tout le travail que vous avez accompli depuis un certain nombre d'années.
    Selon votre recherche, le vol des organes d'adeptes du Falun Gong a-t-il augmenté ou diminué depuis la publication de votre rapport?
    La réponse brève, et nous sommes tout à fait d'accord là-dessus, c'est que le nombre d'exécutions en Chine a heureusement baissé un peu. Toutefois, même si les transplantations ont diminué un certain temps en 2007, elles sont de nouveau en hausse. Étant donné que les adeptes du Falun Gong sont la seule autre source d'organes, les conséquences sont très négatives pour eux. Plus d'adeptes du Falun Gong sont tués de nos jours pour leurs organes qu'il y en a eu par le passé. C'est comme ça que je le vois.
    David, voulez-vous répondre?
    Je répondrai après vous.
    Pour qu'il y ait des transplantations d'organes, il faut que des gens les aient demandées.
    À votre avis, le trafic illégal d'organes dans le monde a-t-il diminué ou augmenté depuis 10 ans?
(1355)
    Je ne pense pas pouvoir me prononcer là-dessus. Je suis mal placé pour faire un commentaire.
    Cependant, permettez-moi de vous donner un exemple. En 2006, Edward McMillan-Scott et moi sommes allés en Australie. L'Australian Broadcasting Corporation a été extrêmement bonne et nous a mis en onde trois soirées consécutives pour parler de la question. Les Australiens ne savaient pas ce qui se passait et d'où les organes venaient s'ils allaient en Chine. Environ six mois plus tard, nous avons reçu un courriel selon lequel le nombre d'Australiens qui allaient en Chine pour des transplantations avait chuté, si je me rappelle bien des termes exacts.
    Je pense que, si les Canadiens, les Australiens ou d'autres savaient qu'une personne qui n'a sans doute pas été condamnée va mourir pour qu'ils reçoivent un rein ou un foie à l'hôpital First People de Shanghai, la plupart d'entre eux y renonceraient.
    Les gens subissent une pression énorme pour trouver des organes.
    Je peux faire un commentaire là-dessus.
    C'est clair que le tourisme pour transplantation d'organes en Chine a diminué depuis notre rapport. Non seulement il y a moins de gens venant d'Australie et d'autres pays, mais le gouvernement chinois a dénoncé cette pratique et a dit qu'il accordait la priorité aux Chinois, plutôt qu'aux étrangers.
    Lorsque nous avons commencé notre enquête, les gens nous disaient qu'ils ne devaient attendre que quelques jours avant de recevoir un organe, mais que leur parenté vivant en Chine devait attendre bien plus longtemps. Il y avait beaucoup de mécontentement.
    Le tourisme pour transplantation d'organes en Chine existe toujours. Le site Internet Omar, qui est aussi traduit en arabe, fait la promotion de transplantations en Chine, mais les données indiquent qu'elles ont bel et bien diminué. Je dirais que les responsables de la demande effectuent une transition en vue de corriger le problème, mais les responsables de l'offre ne font rien du tout. De plus en plus d'adeptes du Falun Gong se font retirer leurs organes.
    Au Canada, il a fallu beaucoup de temps avant que les gens comprennent qu'ils peuvent donner leurs organes. Le processus a été très long.
    La même chose se produit en Chine, n'est-ce pas? Est-ce une question de culture ou de religion, là-bas? Je pense que c'était le même problème ici. Avez-vous bon espoir de voir la situation changer au bout du compte?
    En 2010, le gouvernement chinois a mis en oeuvre un projet pilote de don d'organes. Je pense qu'il y a eu 37 dons durant la première année. Plus de gens travaillaient à la question qu'il n'y avait de donateurs.
    Le nombre de donateurs a augmenté la deuxième année. Je pense qu'il y en a eu 1 600. Il s'agit bien sûr de dons venant de personnes décédées. Les gens ne meurent pas tous dès qu'ils ont signé leur carte. Les chiffres ne sont donc pas très importants.
    Les gens disent que c'est à cause d'inhibitions liées à la culture, mais je n'y crois pas. Le Parti communiste chinois est bien plus étranger à la culture chinoise que ne l'est le don d'organe. Pourtant, des dizaines de millions de personnes se sont jointes au Parti communiste.
    Je pense que les véritables facteurs sont l'argent et la marginalisation du Falun Gong. Des sommes colossales sont versées aux hôpitaux et aux prisons. S'il commence à y avoir des donateurs, les prisons ne recevront plus de fonds.
    Les pressions exercées sur le Parti communiste pour le respect des droits de la personne vont faire progresser la question. Je pense que, si le Parti communiste en fait sa priorité, il y aura autant de donateurs que le parti ne compte de membres, et même plus.
    Selon ce que je comprends, la seule façon de financer les prisons en Chine, c'est la transplantation d'organes...
    Ce n'est pas la seule façon, mais l'armée en Chine est une entreprise qui vend des organes. Ce n'est pas sa seule source d'argent, mais c'est une source importante. En fait, le site Internet d'un hôpital militaire précisait que c'était sa principale source de fonds. Comme pour le reste, ce passage a été retiré après que je l'ai cité.
    Il y a nombre d'années, un de mes bons amis a reçu un rein venant d'un donateur vivant. Je suis conscient que c'est possible pour un rein, mais pas pour un coeur. Il y a environ 25 ans, la pratique était peu courante. C'est beaucoup fréquent de nos jours.
    Il est peut-être pertinent de signaler qu'une de nos enquêtes portait sur trois hôpitaux au Canada. Il y a quatre ou cinq ans, nous sommes allés dans un hôpital en Colombie-Britannique, un à Calgary et un autre à Toronto. Nous avons demandé combien de gens avaient reçu un organe en Chine, parce qu'ils doivent ensuite recevoir des soins. Si je me souviens bien, nous avions l'impression que, seulement dans les trois hôpitaux visités, une centaine de Canadiens avaient subi des transplantations en Chine durant l'année ou les deux années précédentes.
    Ces chiffres peuvent paraître modestes, mais nous aimerions qu'ils soient nuls. Je pense que les Canadiens n'iraient pas en Chine s'ils étaient aussi bien renseignés que vous l'êtes maintenant.
(1400)
    Oui.
    Les incidents à glacer le sang sont nombreux. Comme vous l'avez dit, on peut survivre si on donne un rein, mais nous n'avons jamais rencontré une personne qui a survécu au don d'un rein en Chine.
    Les deux reins sont retirés.
    Monsieur Kilgour, avant de passer au prochain député, je veux clarifier une de vos réponses à la première question de M. Schellenberger.
    Vous avez dit que le nombre d'exécutions a diminué, mais vous avez sous-entendu que c'était problématique. Voulez-vous dire que le nombre d'exécutions officielles a diminué, mais que les demandes d'organes ont entraîné une hausse des exécutions sommaires d'adeptes du Falun Gong?
    Oui.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Jacob, c'est votre tour.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins.
    Depuis quelques années, le Parlement européen, des sous-comités du Congrès américain ainsi que des rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur la liberté de religion ou de croyance et sur la torture ont exprimé leurs préoccupations concernant les allégations de prélèvement d’organes des adeptes du Falun Gong en Chine.
    Selon vous, quel est l'impact des efforts de la communauté internationale pour dénoncer le prélèvement d'organes en Chine?
    Je vous remercie infiniment de votre question.
    Il y a des problèmes, j'en suis aussi convaincu que David.
    Nous avons appris le français à Paris, il y a malheureusement 40 ans de cela.
    Le poste de directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, comme vous le savez très bien, est occupé par Mme Chan, qui est originaire de Hong Kong, je crois. David a peut-être une opinion différente, mais selon moi, l'OMS n'a pas fait preuve de beaucoup de coopération. Je pense tout de même que certains progrès ont été faits par toutes les organisations que vous et nous avons citées. Nous restons toujours optimistes, mais le temps passe et tous les jours des gens meurent.
    J'aimerais ajouter quelque chose. Je le ferai en anglais, et je m'en excuse.

[Traduction]

    Tout d'abord, Manfred Nowak a soulevé la question à deux ou trois reprises dans son rapport. Il a demandé que la Chine explique l'écart entre le nombre de transplantations et le nombre de sources connues. Le rapporteur de l'ONU sur l'intolérance religieuse, Asma Jahangir, a réitéré cette demande. Parce que la Chine a signé la Convention contre la torture, le Comité contre la torture a demandé à la Chine de lancer une enquête indépendante sur les sources d'organes servant aux transplantations. La question a été évoquée durant l'examen périodique universel.
    En Europe, 166 000 personnes issues de 36 pays ont signé la pétition que j'ai remise en décembre au Haut Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU. J'ai parlé avec un responsable de l'ONU il y a deux ou trois semaines. La pétition demande à l'ONU de mener une enquête indépendante. Le responsable m'a dit qu'il allait en discuter avec les rapporteurs sur le droit à la santé, sur la torture et sur l'intolérance religieuse.
    La communauté internationale pourrait bien sûr en faire plus, mais elle prend des mesures. Le Parlement de l'Union européenne a organisé deux ou trois audiences sur la question, dont une à laquelle j'ai participé en décembre. Il y a donc un certain engagement. Selon moi, l'examen périodique universel constitue une autre occasion de rappeler la question à la communauté internationale.

[Français]

    Merci.
    À votre avis, que pourrait faire le Canada et d'autres gouvernements aux vues similaires pour accroître la transparence du système chinois de transplantation d'organes?
    Ma question s'adresse à vous deux.
    J'ai une suggestion bien simple. On pourrait écrire sur le site Web du ministère des Affaires étrangères que si vous vous rendez en Chine comme touriste pour une transplantation d'organes, il est possible qu'on vous pose un organe qui provient d'un membre du Falun Gong qui est esclave dans un camp de travail. Je suis certain que l'ambassade de la Chine n'apprécierait pas ce genre de geste. Cependant, jusqu'à présent, je crois qu'aucun gouvernement n'a écrit une telle chose sur son site Web.
(1405)

[Traduction]

    J'ai deux ou trois suggestions à faire.
    Il faut continuer d'exercer des pressions sur la Chine pour qu'elle présente ses données sur la peine de mort. La Chine tient quatre registres de transplantations dont les données sont plutôt fiables, car les hôpitaux rapportent les chiffres directement dans les registres. Il y a quatre villes en Chine, dont Hong Kong. Son registre de transplantations de foies était public, mais lorsque j'ai commencé à le citer, il a été fermé.
    Je demanderais simplement à la Chine de donner accès aux données. Bien sûr, je ne parle pas des données personnelles, mais de la somme des données contenues dans les quatre registres. Je pense que la transparence serait bien meilleure si les statistiques sur les transplantations et la peine de mort étaient connues.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Avez-vous fini?
    Oui, c'est tout.

[Traduction]

    Merci.
    D'accord, nous avons pour ainsi dire terminé.
    J'ai une question d'ordre général. En fait, c'est une déclaration, mais je présume qu'elle donne lieu à une question.
    M. Kilgour ou M. Matas a établi une comparaison brève avec le Dr Mengele. Ce qui me frappe concernant la différence entre le régime monstrueux des nazis et les autres persécutions survenues au cours de l'histoire, ce n'est pas que les nazis étaient plus diaboliques, mais que la persécution s'autofinançait et n'exigeait plus de fonds publics. La persécution est une activité inefficiente sur le plan économique. Ce n'est pas bon pour l'économie de persécuter des citoyens productifs, mais les possibilités qui découlent de la persécution autofinancée sont illimitées.
    Ma préoccupation, c'est qu'un système autofinancé serve à persécuter une partie de la société. Sans être l'objectif initial, les fonds qui proviennent de la persécution incitent les gens à la perpétuer. Ai-je tort, ou s'agit-il d'un problème véritable?
    Nous voudrons tous les deux intervenir là-dessus, mais il y a une chose. À ma connaissance, dans ce système, d’après les prix des différents organes, le corps humain vaut environ un demi-million de dollars en Chine. Chaque pratiquant du Falun Gong ou prisonnier reconnu coupable vaut un demi-million de dollars parce qu’ils prennent tous ses organes — ils n’en prennent pas qu’un — et ils brûlent son corps. Je pense qu’il y a un très grand gaspillage, car il faut trouver des gens en quelques jours pour le cœur, etc. Je suis sûr qu’il y a énormément de gaspillage, mais — en théorie, du moins — chaque victime de cet horrible crime contre l’humanité vaut un demi-million de dollars.
    Comme vous le dites, c’est particulièrement troublant.
    Oui, on parle d'un demi-million de dollars par corps. Parfois, pour le gouvernement chinois, on parle de 10 000 par année, ce qui représente un milliard de dollars par année. C’est beaucoup trop d’argent pour qu'ils se disent « non, nous y renonçons ».
    Ce n’est pas seulement une question d'argent. Le plus grand souci du parti au pouvoir, c’est le pouvoir, et non l’argent. Si l’on exprime des préoccupations sur la scène internationale de sorte que leur légitimité politique est remise en question à cause de ce qu’il fait, il fera marche arrière, en dépit de tout cet argent.
    Évidemment, l'argent alimente le phénomène, mais on peut venir à bout du problème d'argent si les préoccupations sur les violations des droits de la personne exprimées sont assez nombreuses.
    Je remercie beaucoup nos deux témoins. Votre témoignage nous est extraordinairement utile. Chaque fois que vous comparaissez devant nous, vous êtes mieux informés que lors du témoignage précédent, et nous vous en sommes tous très reconnaissants. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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