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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 068 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 14 février 2013

[Enregistrement électronique]

(1310)

[Français]

    Bonjour à tous. Bienvenue à la 68e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce jeudi 14 février, jour de la Saint-Valentin.

[Traduction]

    Étant donné que la séance est télévisée, vous êtes priés de vous comporter aussi bien que si votre mère pouvait vous voir. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons l'étude de la situation des droits de la personne en Érythrée, une étude qui nous a permis d'entendre de fascinants témoignages jusqu'à présent.
    Felix Horne, chercheur spécialisé dans la Corne de l'Afrique pour Human Rights Watch, est notre témoin aujourd'hui. La réunion promet d'être très intéressante.
    Monsieur Horne, vous pouvez commencer quand vous voulez. Comme vous le savez, nous vous accordons une dizaine de minutes pour présenter votre témoignage. Cette limite de temps n'est pas absolument stricte, mais elle nous permet de réserver le maximum de temps pour les échanges avec les membres du comité, en raison des contraintes de temps auxquelles nous devons nous-mêmes faire face.
    Merci. Les membres du comité savent que l'Érythrée est un des pays les plus répressifs du monde. Son gouvernement a poursuivi une voie de répression politique écrasante sur son territoire et une politique étrangère belliqueuse. Il n'y a pas de société civile. Il n'y a aucun média indépendant. Il n'y a pas eu d'élections depuis l'accession du pays à l'indépendance, en 1993. Par ailleurs, la torture est très répandue.
    L'économie appauvrie de l'Érythrée a beaucoup souffert en raison de l'isolement politique et diplomatique du gouvernement. Mais, ces dernières années, le gouvernement a activement courtisé les investisseurs étrangers attirés par les réserves minérales immenses et largement inexploitées du pays.
    Le projet Bisha, administré par la société canadienne Nevsun Resources qui y détient une participation majoritaire, est le premier et jusqu'à présent le seul site minier en activité en Érythrée. La production de l'or a commencé en 2011 et la mine a produit du minerai d'une valeur de 614 millions de dollars. Il s'agit d'une somme extrêmement importante pour l'économie érythréenne, puisque le PIB total de l'Érythrée s'élève à 2,6 milliards de dollars. D'autres entreprises basées en Australie, en Chine et au Canada sont sur le point de lancer d'autres projets miniers.
    L'Érythrée est également connue pour son programme de service national qui contraint la population à servir de main-d'oeuvre dans le cadre d'un programme de travail forcé pour un temps indéterminé. Ce programme permet au gouvernement érythréen de maintenir sous contrôle gouvernemental perpétuel un très grand nombre d'Érythréens comme conscrits. Initialement conçu pour un programme de 18 mois, le régime du service national oblige maintenant tous les hommes valides et la plupart des femmes à servir pour un temps indéfini, souvent pendant des années et sans en entrevoir la fin, dans des conditions difficiles et abusives. Ceux qui tentent de fuir risquent l'emprisonnement, la torture et même des représailles dirigées contre leurs familles.
    Le programme de service national érythréen n'est un secret pour personne. Il existe beaucoup de documentation sur les types de violations et d'abus que permet ce programme. En 2009, Human Rights Watch a produit le rapport intitulé Service for Life qui fait état de graves atteintes aux droits de la personne, notamment le recours au travail forcé.
    Certains appelés du service national sont affectés à des entreprises de construction appartenant à l'État qui exercent un monopole complet sur le terrain. Les sociétés minières internationales présentes dans le pays sont confrontées à une pression intense de la part du gouvernement pour qu'elles engagent ces entrepreneurs afin de développer une partie de leur infrastructure du projet. Si elles le font, elles encourent un risque grave d'implication tout au moins indirecte dans l'utilisation et la maltraitance brutale de travailleurs forcés. Cela signifie que certaines sociétés minières internationales comme Nevsun Resources pourraient être amenées à utiliser des travailleurs forcés dans l'exploitation de leurs projets.
    Lorsque Nevsun a commencé à construire sa mine de Bisha en 2008, elle n'a pas fait preuve de diligence raisonnable puisqu'elle a omis de vérifier les risques d'atteinte aux droits de la personne et de mettre en place les procédures adéquates pour s'assurer qu'une main-d'oeuvre forcée ne serait pas utilisée dans le cadre du projet. Sur l'insistance du gouvernement, le projet Bisha a engagé l'entreprise Segen Construction Company, une entreprise qui appartient au pouvoir, le Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ). Or, il est prouvé que la société Segen exploite régulièrement des travailleurs conscrits dans le cadre de ses activités.
    Human Rights Watch a interrogé plusieurs Érythréens qui ont travaillé au projet Bisha de Nevsun dans divers postes, notamment deux travailleurs qui ont dit être des conscrits forcés par Segen d'effectuer des travaux de construction sur le site de la mine au cours de la phase initiale de développement. Nous avons également la preuve que bon nombre de travailleurs de Segen à Bisha vivaient, durant cette période, dans des conditions épouvantables, qu'ils étaient mal nourris et habitaient des logements insalubres. Les travailleurs que nous avons interrogés ont indiqué que les appelés du service national vivaient dans la peur et qu'ils ont reçu l'ordre de ne pas se plaindre de leur sort. Un ancien conscrit a expliqué qu'il avait été arrêté et emprisonné après avoir quitté le site de la mine sans permission pour se rendre aux funérailles d'un ami. La publication de ce rapport a délié les langues et de nombreuses autres personnes ont rapporté des témoignages et des faits qui viennent confirmer les allégations contenues dans le rapport.
    Human Rights Watch a engagé un dialogue approfondi avec Nevsun à propos de ces allégations, afin de savoir quelles sont les mesures que la compagnie a prises pour y remédier. Depuis que nous avons contacté Nevsun, nous devons reconnaître que la société a renforcé ses politiques, en grande partie grâce à l'instauration d'une procédure de sélection améliorée qui permet de s'assurer que tous les travailleurs employés à la mine travaillent de leur plein gré.
    Comme vous le savez, Nevsun affirme que ces politiques sont désormais adéquates en cela qu'elles permettent de veiller à exclure du projet tout recours au travail forcé. Toutefois, et c'est ce qui nous préoccupe — la société Nevsun ne semble pas savoir avec certitude si des ouvriers conscrits sont forcés de travailler à Bisha ou non. Lorsque Nevsun a tenté d'interroger les travailleurs de Segen dans le but de s'assurer que la société n'était pas complice de violations des droits, Segen a refusé son autorisation. Lorsque la société a voulu enquêter sur les conditions de vie des travailleurs dans leurs camps, Segen lui a refusé l'entrée.
    Par conséquent, les efforts de Nevsun dans le but de faire la lumière sur ces allégations ont été contrariés par la compagnie Segen elle-même et l'entreprise Nevsun semble penser qu'elle n'a pas le pouvoir de confronter son propre entrepreneur gouvernemental au sujet des allégations de mauvais traitement. Au lieu de cela, face à l'obstruction de Segen, la société Nevsun semble s'être tout bonnement résignée.
(1315)
    Mais Nevsun ne peut pas simplement transférer la responsabilité des problèmes de droits de la personne dans sa mine à l'entrepreneur qu'elle paye pour y travailler. Toute violation de droits de la personne de la part de Segen impliquerait la société Nevsun et cette dernière a la responsabilité d'enquêter à leur sujet et de veiller à ce que les violations cessent.
    Pour nous, les leçons sont claires. Les entreprises minières doivent soit trouver des moyens pour s'assurer que leurs activités en Érythrée ne les impliquent pas dans l'utilisation et la maltraitance de travailleurs forcés, soit elles ne devraient pas y investir du tout. Elles ne peuvent pas se permettre d'élaborer des garanties de droits de la personne à la volée, alors que le projet est déjà en cours. Elles doivent le faire avant de commencer les travaux de développement. Si leurs projets en Érythrée se rendent complices de l'utilisation de travailleurs forcés, les entreprises minières devraient être tenues de rendre des comptes à leurs propres gouvernements et actionnaires.
    Nous estimons que Nevsun devrait immédiatement s'employer à combler les lacunes de son engagement en Érythrée et refuser de continuer à fonctionner dans le cadre du statu quo. La société devrait exiger la pleine collaboration de ses partenaires dans les enquêtes sur les allégations de violation des droits de la personne liées au projet minier. L'expérience de Nevsun devrait rappeler clairement aux autres exploitations minières et entreprises d'exploration, y compris les autres sociétés canadiennes, qu'elles risquent de se rendre complices de violation des droits de la personne si elles choisissent d'investir dans le secteur minier de l'Érythrée.
    Malheureusement, rien n'indique que les autres entreprises minières préparant des projets en Érythrée prennent ces risques suffisamment au sérieux. Trois entreprises parmi lesquelles se trouve la société canadienne Sunridge Gold, se préparent activement à exploiter de nouvelles mines en Érythrée, tandis que d'autres entreprises se livrent à des activités d'exploration sur des sites potentiels. La société canadienne Sunridge n'a pas répondu à nos tentatives répétées de communiquer avec elle par téléphone et par écrit.
    En conclusion, notre rapport démontre clairement que des gouvernements comme celui du Canada doivent élaborer des mécanismes qui portent une attention particulière au bilan de leurs entreprises en matière de droits de la personne lorsqu'elles exercent à l'étranger.
    Nous demandons au gouvernement du Canada d'intervenir sur les trois points suivants: premièrement, mettre en place des cadres juridiques permettant aux institutions gouvernementales de contrôler le respect des droits de la personne par les sociétés nationales lorsqu'elles exercent leurs activités à l'étranger dans des zones qui présentent des graves risques d'atteinte aux droits de la personne, comme c'est le cas en Érythrée; deuxièmement, prendre des mesures pour réglementer le bilan des compagnies canadiennes en matière de droits de la personne lorsqu'elles exercent à l'étranger dans des environnements complexes, par exemple en obligeant les entreprises à faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne; troisièmement, faire savoir au gouvernement de l'Érythrée que les entreprises investissant dans le secteur minier de ce pays ne pourront pas employer une main-d'oeuvre forcée ni se livrer à d'autres violations des droits de la personne.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Horne, avant de passer aux questions, je voudrais vous demander quelque chose. Vous avez cité des chiffres et j'ai manqué le début. Vous avez dit que le PIB de l'Érythrée était de 2,6 milliards de dollars. À combien s'élèvent les recettes de la mine de Bisha?
    En 2011, la société minière a déclaré des recettes de 614 millions de dollars à Bisha.
    Par conséquent, c'est plus ou moins un quart du PIB de tout le pays.
    C'est exact. C'est un montant énorme.
(1320)
    Je suppose que c'est un chiffre assez juste puisque la société Nevsun doit rendre des comptes à ses actionnaires et est donc tenue de fournir des chiffres précis, ici à tout le moins, sinon en Érythrée.
    Je crois en effet que ce chiffre s'appuie sur des documents de Nevsun.
    Très bien. Merci beaucoup.
    D'après ma montre, il est 20 minutes après l'heure. Vous avez peut-être remarqué que l'horloge qui ne donnait jamais la bonne heure a été enlevée. Il nous reste donc suffisamment de temps pour une période de questions de six minutes par personne, mais si vous posez une longue question, je serai peut-être obligé d'interrompre votre témoin pour permettre aux autres questionneurs d'intervenir à leur tour. Par conséquent, tâchez d'être concis. Ce message s'adresse aux députés et non pas à notre témoin.
    Nous allons commencer par M. Sweet.
    Merci pour cet avertissement, monsieur le président. Je tâcherai d'être aussi concis que possible.
    Je vous remercie d'être venu, monsieur Horne.
    J'aimerais vous demander de commenter une déclaration faite par M. Davis, président-directeur général de Nevsun Resources, lorsqu'il est venu témoigner devant nous. Il avait déclaré: « Nevsun n'a qu'une capacité limitée d'influencer ou de maîtriser les événements qui se déroulent en Érythrée. Par contre, nous avons quand même de l'influence, tant que nous l'exerçons judicieusement. Nous utilisons une approche canadienne éprouvée, celle de la diplomatie discrète. »
    Vous avez dit que vous souhaitiez reconnaître les efforts de Nevsun dans ce domaine. Estimez-vous que la société se comporte aussi bien que l'affirme son PDG?
    C'est difficile à dire. Nevsun aurait dû appliquer de telles procédures et effectuer ce type d'enquêtes avant de commencer ses activités. Une fois que la mine est en activité, il est très difficile de mettre en place ce type de procédures. Étant donné que la société minière ne l'avait pas fait avant, elle a fait des pas dans la bonne direction en mettant en place de telles procédures. En revanche, il est vraiment regrettable que la société minière ne soit pas autorisée à visiter le camp et interroger les travailleurs de l'entreprise Segen, un sous-traitant qu'elle paye. Elle est incapable de savoir si son sous-traitant fait appel à de la main-d'oeuvre forcée.
    J'ai posé à M. Davis une question concernant la véracité de certaines données que l'on trouve dans Internet. En effet, nous savons qu'il faut être prudent avec ce qu'on peut lire dans Internet. Il m'a répondu ceci:
Comme je l'ai dit dans mon exposé préliminaire, nous avons fait des enquêtes à partir de 2010, alors que nous prenions une part active au développement... ce n'était pas en réaction à ces allégations. En fait, ce sont des questions de productivité qui ont emmené notre entrepreneur à lancer l'enquête.
    Il a expliqué ensuite qu'ils avaient fait une enquête, mais que celle-ci s'est avérée difficile. Le sous-traitant a amélioré les logements. Le témoin nous a dit qu'il avait fourni aux travailleurs de la nourriture supplémentaire pour qu'ils soient bien nourris et qu'il avait porté plainte auprès du sous-traitant. Il a déclaré que cela avait permis d'améliorer un peu la situation.
    Il a précisé qu'il avait eu accès au camp et qu'il avait été plus ou moins en mesure de faire enquête. De votre côté, vous dites que la société minière a les mains liées.
    Les récentes informations que nous avons obtenues de Nevsun semblent indiquer que la société minière n'a absolument pas pu visiter le camp ni interroger les employés de Segen.
    D'autre part, en raison de sa contribution au PIB, Nevsun se trouve très nettement en position de force. Il est faux de croire que la société minière doit accepter tout ce que lui demande le gouvernement de l'Érythrée, sans aucune capacité à négocier. Le moins qu'elle pourrait demander, c'est de pouvoir surveiller de façon efficace les conditions de vie dans le camp de leur sous-traitant, une entreprise que Nevsun paye.
    Je vais vous lire une autre citation de M. Davis:
En 2008, lorsque nous avons vraiment commencé ce projet de développement et commencé à travailler avec le sous-traitant, nous avons reconnu qu'il pourrait y avoir un problème avec lui en ce qui touche la main-d'oeuvre nationale. Nous avons embauché un expert-conseil recommandé par les institutions de la Banque mondiale, et il a mis au point un processus — plutôt exhaustif. Au cours des dernières années, bien entendu, le processus a même été peaufiné. J'en ai brièvement parlé dans mon exposé.
    Il voulait dire par-là qu'il est désormais en mesure de discuter avec ce sous-traitant, tout en soulignant qu'il n'a pas sur lui une influence aussi grande que sur son propre personnel.
    Voyez-vous une différence entre le personnel directement engagé par Nevsun qui, selon M. Davis, travaillait volontairement et librement au sein de la société minière qui avait mis au point un processus d'entrevue, et le personnel du sous-traitant.
    Aucune des allégations que nous avons entendues ne porte sur le personnel directement employé par Nevsun. Elles portent essentiellement sur les employés du sous-traitant.
    Aviez-vous entendu parler de cet expert-conseil de la Banque mondiale appelé pour remédier à la situation causée par le sous-traitant de Nevsun?
    J'ai entendu la déclaration qu'il a faite devant votre comité, mais c'est tout.
(1325)
    Par conséquent, vous n'avez rien remarqué sur le terrain?
    Les premiers entretiens que nous avons eus avec Nevsun ont révélé assez clairement que la société n'était pas consciente du risque avant de commencer les travaux de développement du site minier.
    À quand remonte votre premier contact, monsieur Horne?
    Je n'en suis pas entièrement certain, mais je pense que ce devait être au début de l'année 2012.
    Comme on l'a dit, Nevsun nous a très bien accueillis et nous avons été satisfaits du dialogue très ouvert que nous avons eu avec la société. Il était clair qu'elle ne connaissait pas vraiment certains des risques que le programme de service national représentait pour elle.
    Monsieur le président, nous avons ici une contradiction très grave.
    J'aimerais signaler pour le compte rendu que M. Davis a déclaré clairement que sa société avait, dès 2008, commencé à enquêter sur le sous-traitant. C'est écrit noir sur blanc dans la transcription que j'ai sous les yeux. Or, M. Horne affirme qu'au moment où il a rencontré les représentants de Nevsun, en 2012, ceux-ci n'avaient pas connaissance de la situation. Cet écart de quatre ans me préoccupe beaucoup.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Sweet.
    Monsieur Marston, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Horne, je vous souhaite la bienvenue. C'est un plaisir pour nous d'écouter votre témoignage. Un voyageur qui se rend dans cette région du monde où règne ce type de gouvernement... Il est d'ailleurs difficile de qualifier de « gouvernement » le système en place dans ce pays.
    Lors de son témoignage au comité, M. Davis a déclaré que sa société n'utilisait pas véritablement de main-d'oeuvre esclave. À vous entendre parler, il me semble que cette société a péché par naïveté. Loin de moi de pointer du doigt une entreprise canadienne et d'affirmer qu'elle a délibérément engagé une main-d'oeuvre esclave ou appuyé d'une façon quelconque le travail forcé. Je pense que cette société n'a pas délibérément agi de cette façon, mais d'autre part, il me semble qu'elle a été vraiment naïve.
    Par ailleurs, le document traitant de la responsabilité sociale de l'entreprise indique que la société minière a pris part à plusieurs programmes au sein de la collectivité locale et en collaboration avec les administrations locale et régionale, ainsi qu'avec le gouvernement central, afin de s'assurer que toutes les retombées du projet bénéficient au plus grand nombre et que la collectivité soit pleinement et correctement associée aux activités de développement et d'exploitation.
    C'est une très belle déclaration et j'espère qu'elle est vraie. Quelle est votre réaction à cette déclaration?
    Il y a peu d'indices qui portent à croire que cette déclaration a été suivie ou mise en oeuvre. Il semble que Nevsun prenait pour argent comptant une grande partie de ce que lui disait le gouvernement de l'Érythrée et la société minière n'a pas fait ses propres enquêtes ni appliqué le principe de diligence raisonnable afin d'examiner les risques.
    On peut se demander s'il ne s'agissait pas d'une sorte d'aimable indifférence et qu'il était dans leur intérêt de ne pas savoir. Encore une fois, je n'ai pas l'intention de porter des accusations, étant donné que c'est un endroit où il est très difficile d'agir. Pour un comité parlementaire, une façon d'influencer une telle situation consisterait sans doute à commencer par s'adresser aux sociétés canadiennes. En fait, les idées avancées au Parlement en rapport avec le projet de loi sur la responsabilisation des sociétés — si je me souviens bien, c'était le projet de loi C-300, que l'on a essayé de faire adopter ici — ont tout au moins attiré l'attention sur le fait que nos entreprises ont une responsabilité sociale lorsqu'elles ont des activités dans d'autres pays.
    Il est très important pour nous que votre organisation nous fournisse un autre regard sur la situation. Quelles sont les possibilités dont dispose votre organisation pour étudier vraiment ce qui se passe dans ce pays? Je ne pense pas que vous ayez beaucoup de liberté.
    C'est très, très difficile. C'est la région d'Afrique où il est le plus difficile de faire de la recherche sur les droits de la personne. Comme beaucoup d'autres organisations, nous ne pouvons nous rendre sur le terrain. Par conséquent, beaucoup de personnes que nous interrogeons se trouvent à l'extérieur de l'Érythrée. Ce sont des gens qui ont fui le service national. Il y a énormément de réfugiés qui ont fui le programme de service national érythréen. Il y en a beaucoup au Canada et même ici à Ottawa. Nous leur parlons et nous avons recours à toutes sortes de moyens créatifs pour tenter de corroborer les témoignages que nous entendons.
    Au bout du compte, il est extrêmement difficile d'obtenir des informations exactes sur la situation en Érythrée. Il n'y a pas de société civile, ni aucun média indépendant. Oui, c'est extrêmement difficile.
    Parmi les témoins dont vous dites qu'ils se trouvent au Canada, est-ce que vous en connaissez que nous aurions avantage à inviter à venir témoigner?
    Je suis sûr que certains d'entre eux accepteraient de venir parler du service national et des violations auxquelles donne lieu ce programme. Cependant, les Érythréens qui se trouvent à l'extérieur de leur pays ont aussi très peur de parler. Le gouvernement érythréen s'en prend généralement à leur famille restée au pays. Les membres de la famille des personnes qui fuient le service national subissent toutes sortes de pénalités. Par conséquent, il serait peut-être difficile de trouver des témoins, mais c'est une voie à explorer.
(1330)
    Par conséquent, il serait peut-être préférable d'obtenir ces informations par l'intermédiaire d'organisations comme la vôtre, afin de protéger ces témoins. Je crois cependant que cela valait la peine de poser la question.
    Combien me reste-t-il de temps, monsieur le président?
    Deux autres minutes pour les questions et les réponses.
    Deux minutes; eh bien cela va être intéressant.
    Connaissez-vous des entreprises autres que les compagnies canadiennes qui exercent des activités dans le cadre de projets semblables à celui de Nevsun et quelle est leur approche par comparaison à celle de Nevsun? Si l'on compare, avons-nous au moins d'assez bons résultats? Dans la négative, quelles seraient les mesures que nous devrions leur demander de prendre pour les remettre dans le droit chemin?
    C'est difficile de vous répondre, étant donné que Nevsun est en fait la première société minière en activité en Érythrée. Les deux autres grandes entreprises sont une société australienne, South Boulder, et une société chinoise qui vient récemment d'acheter une autre entreprise australienne. Ces deux sociétés viennent tout juste de commencer. Nous espérons que ces deux entreprises ainsi que l'autre société canadienne, Sunridge, tireront les leçons de l'expérience de Nevsun. Mais pour le moment, c'est difficile à dire, puisque Nevsun était vraiment la première société minière en Érythrée.
    Jusqu'à présent, l'Érythrée avait une économie extrêmement fermée, jusqu'à son ouverture récente pour le secteur minier.
    Il suffit de consulter les chiffres de productivité pour s'apercevoir que ce n'est pas une économie très évoluée.
    Monsieur le président, je dois vous avertir que je devrai quitter la séance très prochainement, pour une déclaration en vertu de l'article 31 du Règlement.
    Voulez-vous que la greffière vous signale quand le moment sera venu?
    Non, ça va. Tout est en mémoire sur mon BlackBerry.
    Nous devons encourager les gens de BlackBerry, parce que c'est une bonne compagnie canadienne qui offre de bons emplois et un bon salaire, pas comme celles qui vendent des appareils faits en Chine.
    Très bien. Par une heureuse coïncidence, votre temps de parole est écoulé.
    Nous allons maintenant passer la parole à Mme Grewal.
    Merci, monsieur le président et merci monsieur Horne pour votre témoignage et pour le temps que vous nous consacrez.
    Human Rights Watch a décrit l'Érythrée comme un des pays ou régimes les plus répressifs du monde. Pourtant, on en parle relativement peu. Compte tenu du succès remporté par d'autres campagnes de sensibilisation aux droits de la personne, qu'est-ce qui empêche de faire mieux connaître la situation en Érythrée? Que peut-on faire pour mieux faire connaître cette situation dans le monde?
    La question est très vaste.
    Il est très difficile d'obtenir des informations sur ce qui se passe en Érythrée. Par ailleurs, c'est un pays qui fait l'objet de sanctions de l'ONU. Beaucoup de mesures que nous recommanderions en temps habituel ont déjà été prises. Il n'y a pas beaucoup d'investissements privés ni d'aide internationale dans ce pays. Par conséquent, cela exclut beaucoup de stratégies traditionnelles de promotion de la justice.
    Cependant, avec l'ouverture du secteur minier, on s'aperçoit que ce type d'activité donne une certaine influence non seulement aux sociétés minières, mais également aux gouvernements dont elles dépendent, afin d'encourager des réformes en Érythrée. L'Érythrée a tout autant besoin des mines que les sociétés minières qui les exploitent. Les mines représentent une ressource financière indispensable au régime.
    L'autre élément dont il a été question déjà devant votre comité, est la pratique des consulats et des ambassades de l'Érythrée de collecter des taxes auprès des membres de la diaspora éparpillés dans le monde entier. Nous ne pouvons pas entrer dans les détails, puisque nous n'avons pas fait de recherches approfondies sur cette pratique, mais il semble que les ressortissants érythréens ne peuvent obtenir de services consulaires s'ils ne paient pas l'impôt de 2 p. 100 sur le revenu en plus de faire des dons aux forces de la défense nationale, etc. Selon de nombreuses allégations, les familles des exilés qui refusent de payer l'impôt de la diaspora sont ciblées en Érythrée.
    Je pense que cela confère un certain pouvoir aux pays qui accueillent des missions diplomatiques érythréennes. Par exemple, le Canada abrite un consulat de l'Érythrée à Toronto.
    Le service national érythréen est connu non seulement pour sa brutalité, mais également pour sa vaste portée. Les Érythréens sont appelés à servir non seulement dans l'armée, mais également dans les secteurs de la construction et du service civil, pour un salaire extrêmement faible. Comment le gouvernement peut-il maintenir un programme aussi vaste qui a une incidence négative sur un si grand nombre d'habitants du pays?
(1335)
    Oui, le programme de service national atteint des dimensions tout à fait incroyables. Comme je l'ai indiqué, c'était à l'origine un service d'une durée de 18 mois, mais beaucoup de gens passent toute leur vie au service de l'État et quiconque ose déserter ou refuser de participer est souvent emprisonné dans des conditions tout à fait inhumaines. La torture est répandue. Pendant un certain temps, les consignes étaient de tirer sur les personnes qui traversaient la frontière pour fuir l'Érythrée, souvent pour déserter le service national.
    Les membres de la famille des déserteurs sont ciblés. L'objection de conscience pour des motifs religieux ou autres n'est pas permise. C'est un programme qui ne tolère aucun choix et ceux qui ont la chance de pouvoir quitter le programme, de fuir le pays, sont punis par l'intermédiaire des membres de leur famille et de leurs êtres chers. C'est très difficile.
    Les régimes autoritaires et totalitaires prennent des mesures exceptionnelles pour réprimer la dissidence sous toutes ses formes. Par exemple, l'Érythrée ne connaît pas la liberté de la presse et limite les droits d'assemblée. Mais est-ce qu'il y a des groupes dissidents importants qui se prononcent contre le régime? Est-ce qu'il existe en Érythrée des groupes qui préconisent des réformes?
    Il y a, au Canada et ailleurs, de nombreux groupes de la diaspora érythréenne qui se prononcent ouvertement contre le régime et tentent d'appuyer les réformes politiques pour préconiser des élections libres et équitables, des changements constitutionnels et d'autres changements, mais leurs capacités à provoquer le changement sont très limitées.
    L'Érythrée se sert souvent des tensions permanentes et du conflit officiel qu'elle entretient avec l'Éthiopie comme excuse pour retarder les élections ou éviter d'étendre ses relations internationales. Quelles sont les probabilités que l'Érythrée améliore ses relations avec l'Éthiopie et le reste de la région?
    Je pense que c'est une question très compliquée. Certes, l'Érythrée fait l'objet de sanctions de l'ONU en raison de son soutien à al-Shabaab en Somalie. L'Érythrée est devenue en quelque sorte le paria de la communauté internationale et certainement de l'Afrique. Elle n'a pas beaucoup d'amis.
    Quant à ses relations avec l'Éthiopie, il est difficile de savoir exactement ce qui se passe. C'est une situation compliquée, subtile. Mais il est certain que le gouvernement de l'Érythrée se sert de la menace que représente l'Éthiopie pour justifier le service national et, comme vous l'avez dit, pour ne pas tenir des élections et pour maintenir cet état constant de terreur dans lequel vit la population.
    L'Érythrée est extrêmement stricte en matière de pratique et d'observance religieuses. Alors, pourquoi le gouvernement érythréen considère-t-il les autres États comme menaçants et comment ces organisations ont-elles choisi de se mettre légalement sous l'emprise d'un gouvernement envahissant? Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
    Encore une fois, nous n'avons pas fait de recherches détaillées récemment sur cette question, mais je peux vous dire brièvement que cinq religions sont autorisées en Érythrée. Toutes les autres religions sont interdites. Les personnes qui pratiquent les religions interdites sont arrêtées et souvent torturées et on leur demande de renier leur foi. Par exemple, on connaît plusieurs cas de torture de Témoins de Jéhovah. Les autres ont été torturés uniquement parce qu'ils avaient refusé de renier leur foi. Il est clair que c'est un grave sujet de préoccupation.
    Les fidèles de certaines religions qui ne souhaitent pas participer au service national n'ont même pas la liberté de décider.
    Nous devons poursuivre. Je sais que Mme Grewal a une autre question. J'essaierai de revenir à elle lorsque chacun aura eu la chance de poser des questions.
    J'ai bien compris que vous vouliez en venir à quelque chose d'important, mais je dois respecter le tour de questions.
    Monsieur Cotler, c'est maintenant à vous.
    Merci, monsieur le président. Je remercie le témoin d'être venu nous présenter son point de vue. Vous vous souvenez sans doute que le président-directeur général de Nevsun, Cliff Davis, avait déclaré, lorsqu'il avait témoigné devant notre comité, que les 1 194 ressortissants de l'Érythrée qui travaillent à la mine de Bisha, 88 p. 100 de l'ensemble du personnel, « le font librement, de leur plein gré ». Il a poursuivi en disant que ces employés touchent un salaire bien supérieur aux normes érythréennes, en plus de recevoir des soins médicaux gratuits et d'être nourris et hébergés gratuitement à la mine. Lorsque j'ai demandé à M. Davis s'il était personnellement au courant des violations des droits de la personne en Érythrée, de manière générale, il a déclaré que non.
    Lorsque je lui ai demandé si quelqu'un l'avait averti au sujet de violations des droits de la personne à la mine de Bisha, il a répondu par la négative.
    Je résume un peu les questions que je lui ai posées, mais lorsque je lui ai demandé s'il avait transmis au gouvernement érythréen ses préoccupations au sujet de certaines violations des droits de la personne, voici ce qu'il m'a répondu: « Je ne reconnais pas votre prémisse, qui concerne les gens qui sont en dehors de notre site minier. Et il n'y a pas de violation des droits de la personne sur notre site. »
    En fin de compte, j'ai l'impression que par son témoignage — et je pense que j'étais objectif — il donne l'impression qu'il avait décidé de faire l'autruche. Il est intéressant de noter qu'après la sortie de votre rapport, Nevsun a publié une déclaration, le 11 janvier, indiquant qu'elle avait pris des mesures pour prévenir le recours à la main-d'oeuvre forcée par les sous-traitants de la mine de Bisha, un document dans lequel la société minière déplore le fait que certains employés de Segen aient été conscrits pendant quatre ans.
    Cela me paraît encore comme une façon de refuser toute responsabilité à cet égard. Voici maintenant ma question. Premièrement, pensez-vous que la nomination d'un rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Érythrée pourra avoir une incidence positive sur la situation des droits de la personne dans ce pays? Que pourrait faire le Canada pour appuyer le rapporteur spécial?
    Deuxièmement, que peuvent faire précisément les parlementaires canadiens pour aider à attirer l'attention sur les questions des droits de la personne en Érythrée? Avez-vous des suggestions à faire quant aux moyens que nous pourrions prendre pour engager le dialogue avec le gouvernement de l'Érythrée ou d'autres intervenants afin d'améliorer la situation des droits de la personne en Érythrée de manière générale et dans le secteur minier en particulier?
(1340)
    La situation des droits de la personne en Érythrée n'est un secret pour personne. Une simple recherche sur Google avec les mots « Érythrée droits de la personne » produira toute une liste de documents. Par conséquent, je ne peux pas croire qu'il ne connaissait pas la situation générale des droits de la personne en Érythrée, à moins qu'il ne voulait tout simplement pas savoir.
    Quand il affirme qu'il n'y a pas de violations des droits de la personne sur le site de la mine, moi j'estime qu'il n'est pas au courant. Les représentants de la société minière ont dit clairement que même après la mise en place de ces procédures, ils n'ont pas pu se rendre dans le camp d'où provenaient les allégations de maltraitance. À mon sens, il y a là une lacune assez grave.
    Étant donné qu'il y a des compagnies canadiennes qui exercent leurs activités en Érythrée — Nevsun et Sunridge Gold et éventuellement d'autres — et puisque le gouvernement érythréen a ici un consulat où il collecte un impôt auprès des citoyens canadiens d'origine érythréenne, afin de s'accorder un lien financier vital, je pense que le gouvernement du Canada peut faire pression sur l'Érythrée pour réclamer une amélioration de la situation des droits de la personne dans ce pays.
    Le Canada accueille généralement de nombreux Érythréens au Canada en leur accordant le statut de réfugié et beaucoup de ces ressortissants fuient le programme même dont une compagnie canadienne tire profit. Cela me préoccupe beaucoup.
    À la suite de la publication de votre rapport, avez-vous noté un changement dans les activités du secteur minier et dans les activités de la société Nevsun?
    Comme vous l'avez mentionné, des processus ont été mis en place depuis la parution de notre rapport afin de limiter les risques de recours à une main-d'oeuvre forcée. En raison de l'accès limité au site, il est très difficile d'évaluer l'impact véritable de ces mesures sur le terrain. Nous espérons que les autres entreprises — Sunridge, South Boulder, etc. — ne pourront pas prétendre ne pas savoir, maintenant que le rapport a été publié. Nous espérons qu'elles pourront mettre en place des procédures avant le développement de leur site minier, afin de pouvoir répondre à certaines de ces questions et réagir face aux autres risques en matière de droits de la personne susceptibles de se présenter sur le site minier.
    Les autres entreprises que vous avez mentionnées, Sunridge...
    Sunridge est une société canadienne et South Boulder une entreprise australienne d'exploitation de la potasse.
(1345)
    Très bien — cela a déjà été mentionné, mais je l'ai oublié —, sont-elles en concurrence pour les mêmes sites miniers ou s'intéressent-elles à deux sites différents?
    Elles travaillent à deux sites différents. Je ne me rappelle plus exactement, mais je crois qu'elles vont entrer en production dans un an ou deux. Elles sont sur le point de commencer l'exploitation. D'après ce que nous avons compris, il y a également beaucoup d'autres possibilités d'exploitation des minéraux explorées par différentes firmes au Canada et ailleurs.
    À l'intérieur des frontières de l'Érythrée.
    Oui, à l'intérieur des frontières de l'Érythrée; le pays est très riche en or, cuivre, zinc, potasse, etc.
    Très bien, je vous remercie.
    Monsieur Schellenberger, s'il vous plaît.
    Je vous remercie d'être venu nous présenter votre point de vue aujourd'hui.
    Comment qualifieriez-vous le gouvernement de l'Érythrée? On rapporte que le pouvoir au sein du gouvernement érythréen est très concentré autour du président. Pensez-vous que ces informations soient justes?
    Comme c'est le cas pour les autres analystes, nous appuyons nos conclusions sur des informations très restreintes. Mais nous pensons en effet que le pouvoir est très concentré autour de la personne du président.
    Dans quelle mesure le gouvernement de l'Érythrée permet-il la liberté d'expression, en particulier la dissidence politique? Comment les journalistes sont-ils traités?
    Il n'y a aucune liberté d'expression, aucune possibilité de dissidence, absolument rien. Les journalistes sont emprisonnés contrairement à ce qui se passe ailleurs en Afrique. Beaucoup de journalistes sont emprisonnés sans accusation officielle ni procès. Personne ne sait où ils sont, personne ne sait s'ils sont vivants ou morts. En Érythrée, la situation est tout simplement terrible sur le plan de la liberté d'expression.
    Vous avez parlé du pouvoir judiciaire. Dans quelle mesure le pouvoir judiciaire érythréen est-il indépendant du pouvoir exécutif du pays?
    D'après ce que nous avons constaté, il n'a aucune indépendance.
    Par conséquent, le système judiciaire est inexistant.
    Beaucoup de mécanismes qui existent dans d'autres pays, dans des démocraties, pour régler certains de ces problèmes, n'existent tout simplement pas en Érythrée. Ils existent peut-être en théorie, mais pas du tout dans la pratique.
    Quand on pense à toutes ces violations des droits de la personne, il est difficile d'imaginer que l'esclavage et toutes les pratiques qui l'accompagnent puissent encore exister au XXIe siècle.
    Vous avez indiqué qu'il y a cinq religions en Érythrée. Est-ce qu'il y a une religion dominante?
    La réponse varie selon la personne à qui vous posez la question, mais de manière générale, la moitié du pays est musulmane et l'autre chrétienne.
    Le terrorisme islamique est-il présent en Érythrée?
    À notre connaissance, pas en Érythrée elle-même, mais selon le groupe de surveillance de l'ONU, l'Érythrée appuie al-Shabaab en Somalie.
    Bien. Est-ce que le pays applique la charia?
    Non.
    Ce sont toutes les questions que j'avais, je pense.
    Très bien, monsieur Schellenberger, merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Jacob, s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur Jacob, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie notre témoin d'être parmi nous aujourd'hui.
    À votre avis, les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme pourraient-ils inciter les sociétés minières qui exercent des activités en Érythrée à s'assurer qu'elles ne contribuent pas aux violations des droits de la personne?
    Y a-t-il des principes en particulier qui sont plus importants, selon vous, dans le contexte érythréen?

[Traduction]

    Le programme de service national soulève de nombreuses questions en matière de droits de la personne en Érythrée, mais notre recherche s'est intéressée principalement aux conditions de vie des travailleurs de Segen et au travail forcé auquel ils étaient contraints. Nos recommandations visent à assurer l'élimination du travail forcé et à offrir aux travailleurs des conditions de vie appropriées et conformes aux meilleures pratiques internationales et aux normes qui s'appliquent ici au Canada.

[Français]

    Merci.
    Sauf erreur, les particuliers, les collectivités et les groupes d'intérêts érythréens ne peuvent pas exprimer librement leurs préoccupations à l'égard des activités minières en Érythrée.
     Auriez-vous des suggestions à faire sur les moyens que pourraient prendre les entreprises minières exerçant leurs activités en Érythrée pour que leurs employés recrutés localement et les collectivités puissent leur faire part de leurs préoccupations concernant la violation des droits de la personne, le travail, la société et l'environnement?
(1350)

[Traduction]

    Il est clair qu'il n'est pas facile de faire des affaires avec un dictateur. Nous souhaiterions... Comme je l'ai indiqué, Nevsun et les autres entreprises canadiennes disposent de nombreux moyens de négociation. Actuellement, l'Érythrée se trouve dans une situation financière désespérée. Les Érythréens n'ont aucun moyen d'exploiter leurs sites miniers eux-mêmes. C'est pourquoi, les sociétés canadiennes — ou étrangères — peuvent s'assurer et exiger que les employés qui travaillent pour Nevsun ou pour les sous-traitants puissent exprimer leurs griefs et soient protégés et que leurs griefs soient traités de manière appropriée. Cela ne veut pas dire que ce sera facile à mettre en place dans un contexte répressif comme celui de l'Érythrée. Tout ce que nous demandons, c'est que l'on essaie de mettre en place ce processus.

[Français]

    Merci.
    Vous avez parlé des normes volontaires relatives à la responsabilité sociale d’entreprise.
     Est-ce suffisant? Qu'est-ce que le Canada pourrait faire de plus?

[Traduction]

    Nous souhaiterions certainement que le Canada puisse, au strict minimum, avoir le droit de surveiller les activités d'une société comme Nevsun ou autre qui oeuvre dans un contexte aussi répressif que celui de l'Érythrée.
    Nous souhaiterions également que le Canada puisse réglementer ces entreprises et surveiller leur bilan en matière de droits de la personne, afin que les sociétés canadiennes qui exercent leurs activités à l'étranger respectent les normes que l'on s'attend à voir appliquer ici, au Canada.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Horne.
    Merci, monsieur le président.
    S'il me reste du temps de parole, je vais le céder à Mme Péclet.
    Madame Péclet, avez-vous quelques questions à poser?
    Combien de temps reste-t-il?
    Il reste trois minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui.
    Un représentant de Nevsun est venu témoigner au comité — je ne me souviens plus quand. J'ai lu dans les journaux que cette société appartient à 50 p. 100 à des intérêts canadiens et 50 p. 100 au gouvernement de l'Érythrée; c'est une sorte de partenariat avec le gouvernement de l'Érythrée.
    Sur le plan éthique, pensez-vous qu'il soit correct qu'une entreprise s'associe avec le gouvernement du deuxième pays le plus militarisé du monde et qui a le pire bilan en matière de droits de la personne et qu'elle partage ses profits moitié-moitié avec ce gouvernement? Nous savons tous que la population érythréenne ne bénéficie probablement pas de ces recettes qui servent plutôt à acheter du matériel militaire.
    C'est une question difficile. Nous ne savons pas grand-chose sur les conditions qui ont mené à cet arrangement commercial, ni quel moyen de négociation Nevsun avait avant de s'associer avec le gouvernement de l'Érythrée. Pourtant, comme je l'ai déjà dit, le fait d'être associé à un gouvernement répressif limite la capacité de cette société à apporter des changements positifs.
    D'après nos informations, 60 p. 100 de la société appartient à Nevsun Resources.
    La situation est en effet très préoccupante.
    L'identification des travailleurs pose problème. Nous savons que le service militaire est obligatoire en Érythrée. La société minière affirme qu'elle vérifie les certificats des travailleurs attestant qu'ils ne font pas leur service militaire.
    Avez-vous pu vérifier comment la compagnie fonctionne et comment sont émis les certificats? Il y a probablement des problèmes à ce niveau-là aussi.
    Malheureusement, nous n'avons pas beaucoup d'information sur le plus récent processus de sélection mis en place par Nevsun. Il est clair qui si l'on n'a pas accès aux personnes qui détiennent ces certificats de démobilisation afin de les interroger ouvertement et de manière confidentielle, etc., ces certificats et ce qu'ils sont censés représenter peuvent donner lieu à de nombreux abus.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Merci, madame Péclet.

[Traduction]

    Monsieur Horne, j'avais l'intention de donner maintenant la parole à Mme Grewal qui posait une question sur la liberté de religion au moment où elle a manqué de temps. Je crois qu'elle a dû se rendre à la Chambre pour une déclaration en vertu de l'article 31 du Règlement.
    J'aimerais, si vous le permettez, poser quelques questions. La première fait suite à ce qu'elle a dit au sujet de la liberté de religion.
    Nous avons déjà posé des questions à ce sujet, lorsqu'Alex Neve est venu témoigner. Je lui ai demandé de nous parler de liberté de religion. Il a évoqué un très curieux mélange de religions autorisées sans vraiment l'être, et je lui ai dit que je n'avais jamais rien vu de pareil. Je sais que certains pays ne permettent qu'une seule religion. Mais quatre... Et c'est une combinaison inhabituelle de quatre religions; j'étais particulièrement intéressé à savoir quel était le sort réservé aux luthériens là-bas.
    Depuis, j'ai eu la chance de parler à un Érythréen qui vit au Canada. Il m'a dit que l'objectif était essentiellement d'empêcher le pentecôtisme de se répandre, étant donné qu'il s'agit d'un mouvement religieux non centralisé. Je ne sais pas si c'est exact; c'est seulement une information qui m'a été donnée.
    Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
(1355)
    Nous n'avons fait aucune recherche sur la question de l'intolérance religieuse. J'imagine également que cette situation s'explique par les religions qui étaient en place en Érythrée lorsque le pays a accédé à l'indépendance. À part cela,je ne peux rien affirmer avec certitude.
    Très bien merci. Il restera donc un certain mystère autour de ce sujet qui est peut-être un peu éloigné de la question minière. J'ai cependant d'autres questions, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    Avez-vous des informations sur la participation du gouvernement érythréen à la traite de personnes et pouvez-vous nous en faire part?
    Nous faisons des recherches à ce sujet. C'est une grande source de préoccupation.
    Beaucoup de personnes fuyant l'Érythrée passent la frontière et sont recueillies dans des camps de réfugiés du côté soudanais. Certains payent pour être transportés clandestinement et d'autres payent pour être acheminés, principalement en Israël.
    D'autres personnes sont enlevées et transportées illégalement d'intermédiaires en intermédiaires jusqu'à ce qu'elles atteignent la péninsule du Sinaï. Selon de nombreuses allégations bien fondées, ces Érythréens sont torturés dans la péninsule du Sinaï, tandis que les trafiquants rançonnent les membres de leur famille installés en Occident en échange de la mise en liberté de ces Érythréens qui se rendent ensuite en Israël.
    C'est en quelque sorte une forme d'enlèvement avec demande de rançon.
    Il y a également le problème des immigrants illégaux qui sont présentés dans les médias comme des « Africains » qui cherchent à se rendre en Israël. Je crois que ce pays a récemment conclu un accord avec le gouvernement égyptien pour tenter de renforcer les contrôles à la frontière et empêcher ce flux d'immigrants illégaux.
    Pensez-vous que ce sont essentiellement des Érythréens qui arrivent en Israël par le Sinaï?
    Comme je l'ai dit, nous faisons actuellement des recherches à ce sujet et j'espère que nous serons en mesure, au cours des prochains mois, de répondre à ces questions de manière beaucoup plus précise. Mais nous pensons en effet qu'il s'agit essentiellement d'Érythréens qui traversent le Sinaï pour se rendre en Israël.
    Pour revenir à la question des mines et en particulier au concept global de responsabilité sociale des entreprises, Nevsun a indiqué qu'elle avait mis en place un processus d'autovérification permettant de s'assurer que le traitement de ses employés respectait certaines normes internes de comportement. La société minière présente des informations limitées sur son site Web. Je suppose qu'il existe un document interne plus complet dont nous n'avons pas connaissance.
    J'aimerais savoir tout d'abord si vous avez d'autres informations à ce sujet ou d'autres commentaires sur l'utilité de rendre publiques ces normes — et dans l'affirmative, de quelle manière — aussi bien pour Nevsun que pour d'autres entreprises faisant affaire en Érythrée. Bien entendu, je pense plus généralement aux sociétés établies au Canada ou cotées en bourse au Canada qui exercent leurs activités dans d'autres régions du monde. En effet, l'Érythrée est peut-être le pire cas, mais elle n'est pas unique.
    Au sujet des initiatives de RSE de Nevsun, nous n'avons pas d'informations autres que celles que la société minière nous a fournies ou a présentées à votre comité.
    Certaines déclarations de Nevsun au sujet de son incapacité à interpeller le gouvernement de l'Érythrée et dialoguer avec son sous-traitant me font douter des chiffres présentés dans son rapport de RSE. Quelle est sa méthodologie? La société est-elle véritablement en mesure de recueillir ces informations ou se contente-t-elle de recueillir quelques chiffres sur une feuille de papier afin de montrer qu'elle a fait quelque chose? Je pense que ce serait d'excellentes questions à poser à Nevsun.
    La première étape sera la divulgation volontaire et la surveillance volontaire des processus. Nous souhaiterions que les gouvernements, y compris le gouvernement canadien, fassent un pas de plus et effectuent eux-mêmes la surveillance, ou tout au moins s'assurent que la méthodologie utilisée est bonne et que les sociétés minières s'engagent sincèrement à réduire leurs impacts négatifs.
(1400)
    Je crois que des normes intitulées principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme sont actuellement en cours d'élaboration. Ce sont les principes directeurs adoptés par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies qui peuvent aider les sociétés minières en activités dans des pays comme l'Érythrée à faire en sorte de ne pas contribuer d'une manière ou d'une autre à des violations des droits de la personne.
    Avez-vous connaissance de ces principes? Pensez-vous que c'est un pas vers l'adoption de normes internationales qui pourraient être appliquées et, je suppose, vérifiées de l'extérieur? Croyez-vous à l'utilité d'une telle formule? Avez-vous d'autres commentaires à formuler sur la façon de tirer le meilleur parti possible de ce processus?
    En matière de droit international, le moins qu'on puisse dire, c'est que les obligations des entreprises en matière de droits de la personne sont un peu floues. Par conséquent, l'adoption de principes directeurs est un pas dans la bonne direction. Mais au bout du compte, je pense qu'il incombe aux États eux-mêmes de faire en sorte que les entités sociales qui exercent leurs activités à l'extérieur des frontières respectent certains de ces grands principes fondamentaux. Alors, c'est un pas dans la bonne direction, mais nous souhaiterions que le Canada incite Nevsun à améliorer son bilan en Érythrée.
    Mme Péclet a une autre question.
    Je vous recommande vraiment de lire le témoignage du représentant de Nevsun devant le comité. En fait, je me rappelle qu'à la fin de la séance, en réponse à une question de notre estimé collègue, le représentant de la société a déclaré qu'il n'avait jamais entendu parler de violations des droits de la personne en Érythrée. Il a dit que personne ne s'est jamais plaint et qu'il n'avait jamais vu dans les journaux des articles signalant la responsabilité du gouvernement de l'Érythrée ou rapportant des violations des droits de la personne sur place, en Érythrée.
    Que pensez-vous d'une telle déclaration?
    Je pense que c'est une déclaration totalement stupéfiante. Il est certain que l'Érythrée ne fait pas vraiment les manchettes, puisque c'est un petit pays et qu'il n'y a pas de média indépendant, comme nous l'avons vu. Mais il n'est pas difficile de se renseigner sur la situation en matière de droits de la personne en Érythrée et je pense qu'une société qui s'apprête à faire un important investissement dans un pays doit se renseigner un peu au préalable. Comme je l'ai dit, ces informations sont disponibles.
    Nous avons déjà présenté par le passé des rapports qui faisaient état de certains de ces problèmes. Amnistie internationale et beaucoup d'autres organisations ont fait enquête sur la question. De nombreux sites créés par des membres de la diaspora érythréenne font état de certaines de ces préoccupations. Ce n'est un secret pour personne. Les informations ne sont pas cachées. Une personne qui veut savoir n'a pas à chercher beaucoup pour être informée.
    Je vais passer maintenant à ma dernière question.
    En ce qui a trait à la mise en place de normes ou de principes — et j'ai bien conscience en disant cela que le Canada est un acteur énorme sur la scène internationale de l'exploitation minière —, j'ai l'impression qu'une société — riche financièrement — qui songe à s'établir dans un pays pauvre en argent comme l'Érythrée, dispose d'un pouvoir plus grand au cours de la période qui précède l'investissement. Une fois que l'investissement est fait, une fois que la société a englouti des millions de dollars dans un site minier, le pouvoir change en faveur du gouvernement et il devient plus difficile d'être exigeant envers une entreprise qui exploite déjà une mine par opposition à une entreprise qui ne s'est pas encore lancée dans l'exploitation.
    Par exemple, je pense qu'une vérification indépendante serait plus facile à imposer comme condition à une société qui n'a pas encore commencé ses activités. Tout d'abord, les bénéficiaires potentiels de l'utilisation d'une certaine forme de main-d'oeuvre forcée — c'est-à-dire les bénéficiaires du régime — ne retireront aucun profit si la mine ne voit pas le jour, ou si elle est exploitée par une société étrangère moins compétente. Mais une fois que la mine est en exploitation, les incitatifs changent également.
    Voilà quelques réflexions qui me viennent à l'esprit, mais je vous invite également à présenter vos propres commentaires à ce sujet. Au moment de l'élaboration de telles normes, je crois qu'il faut tenir compte dans une certaine mesure de la façon dont le monde fonctionne.
    Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous et, encore une fois, c'est la raison pour laquelle les entreprises doivent établir ces processus avant d'entamer leurs activités, étant donné qu'à ce moment-là, comme vous l'avez dit, elles disposent de moyens plus efficaces de négociation. Elles sont riches financièrement. Mais lorsque la mine est opérationnelle, c'est beaucoup plus difficile de négocier.
    La société Nevsun se trouve actuellement en position difficile, puisqu'elle a perdu une bonne partie de ses moyens de négociation. Par contre, il lui reste encore une certaine influence. Encore une fois, nous espérons que ce rapport, cette recherche et cette discussion serviront d'avertissement aux autres entreprises et qu'elles sauront utiliser les moyens de négociation dont elles disposent avant de commencer leurs activités d'exploitation, afin que nous n'ayons plus à débattre à propos de sociétés canadiennes exerçant leurs activités dans des environnements répressifs et qui ne se sont souciées que trop tard des violations potentielles des droits de la personne.
(1405)
    Merci beaucoup pour le témoignage que vous avez présenté aujourd'hui, monsieur Horne. Nous vous remercions énormément d'être venu.
    Je me demande si vous accepterez de nous laisser quelques exemplaires des rapports que vous avez apportés. Nous ne pouvons pas les distribuer tant qu'ils ne sont pas publiés dans les deux langues, mais nous ferons en sorte de les mettre à la disposition des membres du comité. Nous vous en serions très reconnaissants.
    Bien entendu, je peux vous les laisser.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Chers collègues, je vous remercie.
    Puisque nous avons utilisé tout le temps dont nous disposions, la séance est levée.
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