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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 069 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 février 2013

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Français]

    Bienvenue à la 69e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce mardi 26 février 2013.

[Traduction]

    La séance d'aujourd'hui est télévisée, ce qui signifie qu'elle sera enregistrée à l'aide des caméras fixes.
    L'un des membres du comité m'a demandé si nous pourrions solliciter le consentement unanime pour ajouter une caméra supplémentaire afin de filmer des séquences d'archives à partir d'un angle fixe. Êtes-vous d'accord?
    Des voix: Oui.
    Le président: Très bien. C'est ce que nous allons faire.
    Chers collègues, notre sous-comité a entrepris d'étudier la question des cas d'auto-immolation que l'on enregistre au Tibet depuis quelques années. Notre comité a discuté du sujet à huis clos, mais je n'apprends rien à personne en disant que c'est un concours de circonstances tragiques qui a mené à au moins 100 décès jusqu'à présent. Plus de la moitié de toutes les auto-immolations motivées par des considérations politiques dans le monde sont reliées à la situation au Tibet.
    Pour donner suite à cette préoccupation, nous avons accepté de tenir une série d'audiences, et nous avons invité le gouvernement tibétain en exil, l'Administration centrale tibétaine, à envoyer des représentants. L'administration nous a fait l'honneur de nous envoyer son dirigeant, son sikyong, M. Lobsang Sangay, qui témoignera devant nous aujourd'hui.
    Pour gagner du temps, je vais demander que nous passions directement au témoignage de M. Sangay. Les membres poseront ensuite leurs questions, selon la procédure habituelle.
    Monsieur Sangay, je vous invite à commencer votre témoignage.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous, mesdames et messieurs les membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne. C'est un immense honneur et privilège d'être en votre présence et de témoigner au nom du peuple tibétain sur la situation qui sévit au Tibet.
    J'aimerais également exprimer ma profonde reconnaissance au Canada pour avoir accordé à Sa Sainteté le dalaï-lama la citoyenneté canadienne honoraire. Sa Sainteté le dalaï-lama vous transmet ses bons voeux. Je veux également remercier le premier ministre Stephen Harper d'avoir rencontré Sa Sainteté le dalaï-lama et de défendre les intérêts du Tibet.
    Nous remercions le ministre des Affaires étrangères, M. John Baird, de la déclaration qu'il a faite sur l'auto-immolation le 14 décembre dernier, dans laquelle il encourageait le gouvernement chinois à engager un dialogue avec Sa Sainteté le dalaï-lama et ses représentants. L'administration tibétaine maintient que nous devons régler la situation au Tibet de façon pacifique, par le dialogue. La voie mitoyenne est la politique officielle, qui préconise une véritable autonomie dans le cadre de la Constitution chinoise.
    J'aimerais également remercier le ministre Jason Kenney et le gouvernement d'avoir octroyé un visa à un millier de Tibétains dans l'état d'Arunachal Pradesh, en Inde, pour qu'ils puissent immigrer au Canada. Il y a 900 Tibétains jusqu'à présent, et nous espérons que la première vague d'immigrants arrivera bientôt. Le Canada a généreusement accepté d'accueillir quelque 5 000 Tibétains. Depuis 1917, de nombreux Tibétains se sont établis au pays et, en général, ils sont des résidents et des citoyens respectueux des lois, ce dont nous leur sommes reconnaissants.
    En ce qui concerne les cas d'auto-immolation, j'ai le regret de vous informer que le nombre a augmenté et continue d'augmenter. Nous en comptons actuellement 107. Il y a deux jours seulement, quelques Tibétains de plus se sont immolés par le feu. Tout a commencé en 2009, où l'on a enregistré un cas d'auto-immolation au Tibet. En 2011, il y en a eu 13. La majorité des cas sont malheureusement survenus l'an dernier. Il y en a eu 28 en novembre seulement, lorsque le Parti communiste chinois a tenu la 18e réunion du congrès du parti à Beijing.
    Cette année, sept personnes se sont immolées pour réclamer le retour de Sa Sainteté le dalaï-lama au Tibet. Le Canada a été témoin de la visite de Sa Sainteté et des millions de Canadiens l'ont rencontré et entendu, mais les Tibétains sont privés de ce droit dans leur pays. Par conséquent, les Tibétains souhaitent tous que Sa Sainteté le dalaï-lama retourne au Tibet.
    Les Tibétains veulent aussi être libres. Nous reconnaissons pleinement que la démocratie, la liberté et la primauté du droit sont trois principes fondamentaux du Canada qui sont enchâssés dans la Constitution. Nous aimerions bénéficier de cette liberté dont les Canadiens jouissent, et c'est, me semble-t-il, ce à quoi les Tibétains aspirent, comme en témoignent les slogans des personnes qui s'immolent.
    Le chiffre 108 est important dans le bouddhisme tibétain. Malheureusement, s'il y a un seul cas d'auto-immolation de plus, ce sera très malheureux et malencontreux dans l'histoire du Tibet, car l'auto-immolation est un phénomène nouveau, tragique et triste.
(1310)
    L'administration tibétaine et moi-même avons exhorté à maintes reprises le peuple tibétain à ne pas recourir à l'auto-immolation. Nous décourageons formellement les gens de prendre des mesures draconiennes, dont l'auto-immolation, car nous sommes des êtres humains et nous ne voulons vraiment pas être témoins de ces suicides au Tibet. En tant que bouddhistes, croyants ou athées, nous prions pour tous ceux qui sont décédés, dont les personnes qui se sont immolées et, en tant que Tibétains, nous appuyons les aspirations de nos pairs qui vivent au Tibet, dont les personnes qui se sont immolées.
    Je suis ici en cette auguste enceinte pour vous faire part des souffrances et des aspirations des Tibétains afin que votre comité et le Parlement canadien, qui nous a offert leur appui pendant de nombreuses années, continuent de nous soutenir.
    Malheureusement, plutôt que de trouver des solutions, le gouvernement chinois rejette le blâme sur nous. Il nous accuse d'être à l'origine de cette situation. Regardons ce pour quoi il nous a blâmés. Il a affirmé dans un premier temps que ceux qui s'immolent sont des fous qui ont perdu la tête. Lorsque cette tentative a échoué, il s'est mis à dire que ce sont les sans-emploi et les sans-abri qui pratiquent l'auto-immolation. Lorsque le nombre de cas a augmenté, il a soutenu que ce sont des gens de l'extérieur du pays qui en sont les instigateurs, mais il n'a pas la moindre preuve pour étayer cette allégation. Nous invitons les autorités de Beijing ou le gouvernement de la Chine à venir à Dharamsala pour prendre connaissance de nos dossiers et chercher des preuves. Je peux affirmer catégoriquement que l'allégation faite par les autorités chinoises est non fondée, et elles sont invitées à venir à Dharamsala pour voir s'il y a des preuves.
    C'est Beijing qui doit porter le blâme et régler la situation. Les gens s'immolent à cause de l'occupation du Tibet et de la répression des Tibétains, qui font valoir que l'occupation est inacceptable et la répression, insoutenable. L'oppression politique, la marginalisation économique, la destruction de l'environnement, l'assimilation culturelle et la privation de la liberté de religion sont les raisons pour lesquelles les Tibétains sont forcés de recourir à l'auto-immolation. Il est impossible pour les Tibétains de manifester puisque la liberté d'expression n'existe pas pour eux. Or, ils se tournent malheureusement vers l'auto-immolation.
    Cela étant dit, comme je l'ai indiqué au début de ma déclaration, nous croyons avoir trouvé la solution par l'entremise de moyens pacifiques. Les Tibétains adhèrent aux principes de la non-violence et de la démocratie depuis de nombreuses décennies, et nous continuerons d'y adhérer. Nous y croyons et nous sollicitons l'appui d'amis comme vous qui croient en la démocratie et en la non-violence, et qui estiment que le gouvernement chinois doit engager un dialogue pour régler la situation au Tibet de façon pacifique. C'est ce en quoi nous croyons et, grâce à votre appui, nous continuerons à défendre les intérêts des Tibétains qui vivent au Tibet.
    Je remercie sincèrement les députés et les membres du comité ici présents, qui sont des amis de longue date du peuple tibétain. En ces temps difficiles pour le Tibet, je vous exhorte à vous rallier à notre cause. Sachez que vous êtes dans le bon camp. Comme nous pouvons le constater partout dans le monde, la justice finit toujours par triompher. Elle régnera un jour au Tibet également, et ce, en partie grâce à vos efforts et à votre soutien.
    Merci beaucoup.
(1315)
    Merci, monsieur Sangay.
    Nous avons suffisamment de temps pour octroyer sept minutes à chaque intervenant.
    Nous allons commencer avec David Sweet.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Sangay, je suis heureux de vous voir, vous qui êtes le sikyong du peuple tibétain. Merci beaucoup de votre témoignage.
    Vous avez mentionné qu'il incombe à Beijing de trouver la solution. Ces 107 auto-immolations... C'est un nombre élevé, et il est difficile de concevoir que des gens s'immolent par le feu en guise de protestation et d'imaginer ce qu'ils ont dû traverser pour vouloir en arriver là.
    Comment les gens de la République populaire de Chine ont-ils réagi jusqu'à présent? Ont-ils assoupli leur position? Font-ils preuve d'une certaine empathie à l'égard de la situation?
    Malheureusement, le gouvernement chinois a eu recours jusqu'à présent aux mêmes vieilles politiques strictes. En fait, il a adopté une loi qui criminalise l'auto-immolation et qui sanctionne non seulement ceux qui s'immolent, mais aussi les membres de leur famille et leurs amis. Même les Tibétains qui sont témoins de cas d'auto-immolation et qui tentent de sauver le corps de ceux qui s'immolent se sont vu infliger de longues peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 12 ans. Il est non seulement déplorable que les Chinois rejettent le blâme sur les Tibétains, mais aussi qu'ils criminalisent l'auto-immolation. Les tribunaux poursuivent non seulement les personnes qui s'immolent, mais aussi les membres de leur famille, leurs amis et même les témoins qui, par charité humaine, veulent sauver le corps de la personne pour qu'elle puisse avoir droit à des funérailles convenables. Il est vraiment triste qu'ils aient instauré des politiques plus rigoureuses au lieu de mettre en place une politique pacifique davantage axée sur les réformes pour régler la situation au Tibet.
    J'aimerais simplement ajouter que si l'on se penche sur l'origine de l'auto-immolation, on peut avoir une idée des raisons pour lesquelles les Tibétains commettent des actes aussi tragiques. Entre 1987 et 1989, une série de manifestations ont eu lieu à Lhasa, la capitale du Tibet, et dans les régions environnantes. Des manifestations sporadiques sont organisées régulièrement partout au Tibet. La plupart des manifestants ont été arrêtés. Si vous criez « droits de la personne » dans les rues au Tibet, on vous arrêtera, incarcérera et, souvent, torturera, et même parfois, vous disparaîtrez.
    Il est illégal d'avoir en sa possession une photo de Sa Sainteté le dalaï-lama. Vous n'êtes pas supposé avoir une photo de Sa Sainteté. Vous êtes plutôt censé maudire le dalaï-lama. Vous vous attirerez de graves ennuis si l'on vous surprend avec une photo de Sa Sainteté.
    Entre 2006 et 2008, une série de manifestations ont eu lieu, mais en 2008 surtout, nous avons été témoins d'importantes manifestations et rébellions dans une centaine de pays différents et partout au Tibet. Le gouvernement chinois a encore une fois sévit et a procédé à l'arrestation de centaines et de milliers de personnes, dont un grand nombre ont été incarcérées. Bon nombre d’entre elles ont été torturées et ont souffert pendant très longtemps. Si on examine la raison d'être des manifestations, les Tibétains qui vivent au Tibet semblent être arrivés à la conclusion que si vous êtes un manifestant et que vous êtes arrêté… Compte tenu de vos chances d'être emprisonné pour une longue période et d'être torturé, étant donné que les souffrances seront atroces et dureront longtemps, vous préférez — et c’est une triste conclusion — vous immoler car vos chances de ne pas tomber entre les mains des autorités chinoises sont plus élevées. C’est une réalité car quelques-unes des personnes qui se sont immolées ont laissé leurs dernières volontés et un message à leurs amis dans lequel elles disaient clairement, « Je vais m’immoler pour m’assurer de ne pas tomber entre les mains des autorités chinoises ». Les gens craignent tellement que cela leur arrive qu’ils croient qu'ils doivent mourir en s'immolant.
    Si vous examinez la raison d'être des manifestations, vous comprendrez pourquoi les Tibétains ont recours à l'auto-immolation, qui est une forme tragique de protestation utilisée au Tibet.
(1320)
    Je vous ai demandé comment les citoyens de la République populaire de Chine réagissent à ces cas d’auto-immolation. Comment réagissent les Tibétains qui vivent au Tibet lorsque leurs concitoyens s’immolent? Qu’en pensent-ils?
    Il est très difficile de savoir ce que les Tibétains en pensent puisqu'on a fermé les portes du Tibet aux journalistes et aux touristes étrangers; on décourage même les Chinois à s'y rendre. Cela dit, on relève des allusions et reçoit des renseignements, où les Chinois disent qu'ils comprennent la position de l'administration tibétaine et pourquoi nous décourageons les gens à s'immoler. Ils savent également que ces auto-immolations attristent énormément Sa Sainteté le dalaï-lama. Ils comprennent tous cela, mais ignorent ce qu'ils peuvent faire de plus. Ils insistent pour dire qu'il y a eu 107 cas d’auto-immolation, mais qu’aucun Chinois n’a été blessé. Pas un seul restaurant, hôtel ou immeuble chinois n’a été endommagé. Le message des Tibétains est le suivant: Nous sommes bouddhistes, nous ne pouvons faire de mal à personne, mais notre ultime recours, c’est de nous faire du tort à nous-mêmes.
    Si vous avez lu l'article publié dans le New York Times, on y dit que des groupes de Tibétains se déplacent de village en village à motocyclette pour se rendre aux endroits où les auto-immolations ont lieu. Ils se joignent aux prières collectives. En ce sens, les gens semblent prier pour ceux qui s'immolent et ceux qui sont décédés. C'est un fait bien connu au Tibet et, du point de vue humanitaire, l'appui est offert aux membres de la famille qu'ils laissent derrière eux.
    Merci, monsieur Sangay.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Marston, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Sangay. Nous sommes ravis de vous avoir de nouveau parmi nous.
    Dans un article que j'ai lu récemment, on rapportait que vous aviez dit qu'il serait bon que le gouvernement Harper envoie le nouvel ambassadeur de la liberté de religion en Chine pour enquêter sur les violations des droits de la personne et de la liberté de religion. Selon l'article, vous auriez dit que les rapports commerciaux croissants entre le Canada et la Chine ne devraient pas museler le Canada quant à ses préoccupations entourant les droits de la personne.
    Je tiens simplement à signaler que je suis tout à fait d'accord. C'est une préoccupation que nous avons ici. Vous savez sans doute que notre gouvernement a récemment donné le feu vert à l'entreprise chinoise CNOOC pour faire l'acquisition de la société pétrolière et gazière canadienne, Nexen. Cette entreprise particulière est en quelque sorte le prolongement du régime communiste chinois et est essentiellement dirigée par lui.
    Je suis revenu du Myanmar la semaine dernière. Durant mon séjour, on m'a parlé des prétendues violations des droits de la personne commises par les Chinois à l'encontre des Birmans. En discutant avec vous et d'autres témoins, je crois également comprendre que des violations du même genre ont été commises au Tibet.
    Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, monsieur Sangay?
    Nous croyons que les droits économiques et commerciaux sont importants, mais selon nous, les droits de la personne devraient l’être tout autant. Il s’agit d’une demande, mais aussi d’un voeu, car le Canada, comme le dit sa constitution, considère la démocratie, la liberté et la primauté du droit comme les principes fondamentaux, le fondement de la Constitution canadienne et de l’éthos. Par conséquent, le commerce est très important, mais les droits de la personne devraient l’être tout autant.
     Parler publiquement des droits de la personne est important, car si l’on se penche sur la question du Tibet, d’un certain point de vue, il ne s’agit pas d’une contestation constitutionnelle, d’une contestation institutionnelle ni d’un manque de volonté politique de la part du gouvernement chinois. Nous visons par exemple une véritable autonomie dans le cadre de la constitution chinoise. Mais sur le plan constitutionnel, en vertu de l’article 31, la formule « Un pays, deux systèmes » a été adoptée, et elle a été accordée à Hong Kong et à Macao. Sur le plan constitutionnel et institutionnel, il y a donc un système pour s’occuper de systèmes distincts.
     Pour ce qui est de la volonté politique, le gouvernement chinois répète encore et encore qu’il a... Vous savez, à une certaine époque, le gouvernement chinois était, et prétendait être, marxiste et communiste, mais il est en quelque sorte passé à un système capitaliste. Il est maintenant axé sur un socialisme présentant des caractéristiques chinoises.
     De la même façon, sur la question du Tibet, il a également montré une volonté de régler... et non seulement pour le Tibet, mais aussi Taïwan. Il a montré une volonté de traiter avec Taïwan et de reconnaître que le statu quo est possible, ce qui signifie que le gouvernement de la Chine manifeste une volonté politique lorsqu’il veut régler une question.
     Historiquement, la Chine a eu davantage de différends avec les Britanniques et les Japonais qu’avec les Tibétains; pourtant, elle a normalisé ses relations avec le Japon et la Grande-Bretagne. Elle a montré que sur le plan constitutionnel et institutionnel, elle a la volonté politique de régler les problèmes là où il faut — et elle l’a fait.
     Sur ce plan, le problème du Tibet n’est pas encore réglé. On peut se demander pourquoi. Peut-être que du point de vue du gouvernement chinois, les gens de Hong Kong sont des Han, les gens de Macao aussi, et les gens de Taïwan... Mais peut-être que les gens de Taïwan ne seraient pas d’accord, car ils s’identifient comme des Taïwanais.
     Le gouvernement les considère donc peut-être comme des Chinois, et tant qu’il s’agit d’un problème « chinois », il le réglera. Mais lorsqu’il s’agit d’un problème tibétain, le gouvernement chinois semble dire: « Puisque vous n’êtes pas Chinois, nous ne réglerons pas votre problème. »
     C’est pourquoi il est d’autant plus important que les droits fondamentaux des Tibétains soient respectés, car le gouvernement chinois a manifesté la volonté de régler cette question dans d’autres régions et d’autres communautés.
(1325)
    J’aimerais revenir sur une rencontre que vous et moi avons eue il y a quelques semaines. Vous m’avez parlé de la raison des auto-immolations, des pressions menant à un nouveau...
     Vous m’avez parlé à ce moment-là de la politique chinoise d’anéantissement culturel au Tibet qui consiste à envoyer des vagues de Chinois dans la région autonome des Tibétains. Voudriez-vous nous en dire plus à ce sujet aujourd’hui, afin d’éclairer les membres du comité?
    En ce qui concerne l’assimilation culturelle, je pourrais vous donner comme exemple la langue tibétaine. Au niveau universitaire, disons à l’Université du Tibet, à Lhasa, la capitale, la langue d’enseignement est le chinois, pas le tibétain. Aux niveaux intermédiaire et secondaire, la langue d’enseignement est le chinois, pas le tibétain. On utilise le chinois comme langue d’enseignement même au niveau primaire, maintenant.
     Dans certaines régions du Tibet, même les étudiants descendent dans la rue pour protester et dire qu’ils veulent utiliser leur langue dans les salles de classe, car elle est très importante pour eux, en tant que Tibétains. Elle fait partie de leur identité. Pour préserver leur identité, leur langue est très importante. On décourage l’utilisation de la langue tibétaine non seulement en tant que langue officielle dans les bureaux, mais aussi dans les écoles et, en pratique, même dans les bureaux gouvernementaux.
     J’ai des amis qui ont travaillé pour le gouvernement chinois dans la Région autonome du Tibet. S’il y a 20 employés dans un bureau et que deux d’entre eux sont des Chinois et les autres, des Tibétains, lorsqu’ils se réunissent, ils doivent parler chinois. Quand un facteur, disons un nomade, veut envoyer une lettre à des membres de sa famille qui vivent dans un autre village, il doit écrire en chinois, pas en tibétain.
     Lorsque le gouvernement chinois impose ce genre de système, qu’il nie l’identité propre des Tibétains et dissuade même l’utilisation de leur langue, on voit clairement que l’assimilation, qui mène d’abord à une dilution, puis à une destruction de la culture tibétaine, fait partie intégrante de ses pratiques.
    Voilà la raison des appels à l’auto-immolation venant de ce pays.
     Je crois que le Canada s’est rangé du bon côté de l’histoire lorsqu’il a choisi d’appuyer Sa Sainteté le dalaï-lama, quand nous avons décidé de lui octroyer la citoyenneté canadienne. J’en étais très fier.
     Je tiens à vous remercier de votre présence.
     Je suppose que mon temps de parole est presque écoulé, monsieur le président.
    Le président: Douze secondes.
    M. Wayne Marston: Douze secondes? Je pense qu'il ne me reste plus assez de temps.
     Merci, monsieur le président.
(1330)
    Merci, monsieur Marston.
     La parole est maintenant à Mme Grewal.
    Merci, monsieur le président.
     Et merci, monsieur Sangay, du temps que vous nous accordez et de votre exposé.
     Il a été recommandé que la communauté internationale amorce un dialogue avec les autorités chinoises; toutefois, pour que la discussion soit constructive, il est nécessaire que tous les membres présents à la table y participent activement.
     Selon vous, une discussion avec les autorités chinoises est-elle possible? Ont-elles exprimé la moindre volonté de discuter de leurs plans et intentions en ce qui a trait au développement du Tibet?
    Jusqu'à récemment, le gouvernement chinois et les représentants de Sa Sainteté le dalaï-lama entretenaient un dialogue depuis la fin des années 1970. Entre 2002 et janvier 2010, il y a eu neuf rencontres entre les envoyés spéciaux de Sa Sainteté le dalaï-lama et leurs homologues chinois, principalement des membres du Front uni, un prolongement du Parti communiste de Chine. Il y a donc eu neuf rencontres officielles, au cours desquelles on a discuté de tous les aspects du Tibet et de la façon de régler la question.
    Du côté tibétain, nous avons défini et expliqué ce que nous entendons par « véritable autonomie ». Un document intitulé Mémorandum pour une véritable autonomie est disponible, dans lequel vous pourrez voir que nous avons clairement indiqué ce que nous entendons par « véritable autonomie » et à quoi elle correspond dans les dispositions de la constitution chinoise. Essentiellement, nous pouvons considérer que lorsque le gouvernement chinois met en oeuvre ses propres lois, il s'agit d'une véritable autonomie. Malheureusement, le gouvernement chinois refuse d'examiner ce document; en fait, il l'a rejeté lors d'une conférence de presse.
    Depuis janvier 2010, aucune rencontre n'a eu lieu entre les envoyés spéciaux de Sa Sainteté le dalaï-lama et leurs homologues chinois. En juin 2012, après deux ans et demi, deux envoyés spéciaux ont démissionné en exprimant leur grande frustration due à l'absence de progrès dans le cadre du dialogue. Avec regret, j'ai accepté leur démission. Mais parallèlement, nous avons publié une déclaration dans laquelle nous avons très clairement indiqué être prêts à entamer un dialogue en tout temps et en tout lieu.
    Et surtout, nous avons précisé que selon nous, le fond est prioritaire et le processus, secondaire. En ce sens, si le gouvernement chinois trouve des technicalités ou des enjeux politiques parmi les complexités, nous sommes prêts à les examiner. Pour nous, le plus important, ce sont les discussions de fond pour régler le problème du Tibet. Nous sommes donc disposés à réfléchir au processus afin de pouvoir tenir des discussions de fond. Malheureusement, jusqu'à maintenant, il nous reste à obtenir la réciprocité de la part du gouvernement chinois pour amorcer un dialogue officiel, et c'est notre situation actuelle.
    Bien que l'auto-immolation soit l'ultime forme de protestation non violente, selon vous, y a-t-il d'autres moyens efficaces que pourraient utiliser les Tibétains pour poursuivre la sensibilisation à l'égard de leur situation actuelle, qui est des plus contrariante?
    De plus, comment le gouvernement canadien peut-il soutenir le Tibet dans la poursuite d'un dialogue constructif et pacifique avec les autorités chinoises?
    Je vous remercie beaucoup de la question.
    Dans le même ordre d'idées que tout à l'heure, nous croyons que le dialogue est la meilleure façon de régler le problème du Tibet. Le gouvernement canadien et l'honorable ministre des Affaires étrangères ont demandé officiellement au gouvernement chinois d'entamer un dialogue. Nous réclamons que cette demande soit adressée de façon constante et persistante au gouvernement chinois par l'entremise de l'ambassade, à Beijing, afin que le gouvernement chinois se rende compte que la participation à des discussions est la meilleure façon de régler le problème.
    Nous nous réjouissons aussi de la mise sur pied du Bureau de la liberté de religion et de la nomination de l'ambassadeur Andrew Bennett. Nous considérerions comme un geste judicieux et positif de la part du gouvernement du Canada d'exhorter le gouvernement chinois à permettre à l'honorable ambassadeur Andrew Bennett de visiter le Tibet et d'évaluer la situation, sur le plan de la liberté de religion, car bon nombre des personnes qui se sont immolées récemment étaient des moines et des religieuses. La liberté religieuse est l'un des principaux enjeux qui poussent les Tibétains à l'auto-immolation. Si l'honorable ambassadeur Andrew Bennett pouvait visiter le Tibet, analyser la situation et faire ensuite rapport des réalités au gouvernement chinois ainsi qu'au monde entier et à la population canadienne, nous pourrions peut-être trouver un moyen de résoudre le problème du Tibet.
    De plus, l'ambassadeur du Canada, Guy Saint-Jacques, pourrait peut-être, à l'instar de l'ambassadeur des États-Unis, Gary Locke, visiter certaines régions tibétaines, évaluer la situation et informer le gouvernement chinois des réalités. Je sais qu'à l'ambassade canadienne, on déploie des efforts en ce sens, et nous nous en réjouissons, mais je pense que si les pressions sont constantes, elles pourraient donner des résultats.
    La commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, Navi Pillay, a publié une déclaration très ferme et sans précédent au sujet des auto-immolations, mais en particulier sur la situation au Tibet. Elle dit très clairement que les Nations Unies et ses organismes ont présenté une douzaine de demandes pour visiter les régions tibétaines et ont également formulé plusieurs recommandations sur la façon d'améliorer la situation des droits de la personne au Tibet.
    En tant que membre des Nations Unies, la Chine devrait permettre à la commissaire aux droits de l'homme d'entrer au Tibet, car la Chine souhaite devenir membre du Conseil des droits de l'homme et a présenté une demande en ce sens. Lorsqu'un pays est membre des Nations Unies et veut devenir membre du Conseil des droits de l'homme, on s'attend à ce qu'il suive et mette en oeuvre les directives ou les conditions prévues par les Nations Unies. On devrait insister pour que la Chine accepte une visite de la commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies et d'un rapporteur spécial sur la liberté de religion, car elle est liée par certaines obligations en tant que pays membre de l'ONU.
(1335)
    Merci.
    Passons maintenant au prochain intervenant.
    Monsieur Cotler, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Je tiens également à vous remercier de votre présence aujourd'hui, monsieur Sangay, et de votre témoignage très éloquent et efficace.
    Vous avez mentionné la Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme. Elle s'est dite inquiète au sujet de la détention et de la disparition de Tibétains.
    Avez-vous une idée du nombre de personnes qui ont été arrêtées et détenues depuis les manifestations de 2008 et de l'importance de la répression en ce moment au Tibet?
    C'est très difficile à dire en raison du manque d'accès à la population tibétaine et aux régions. Après 2008, plusieurs signalements ont fait état de centaines de personnes — certains parlent de milliers — qui ont été arrêtées et mises derrière les barreaux. Bon nombre d'entre elles ont reçu une peine d'emprisonnement à long terme. Comme l'a dit la commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Navi Pillay, beaucoup de gens ont disparu. Cela semble être une réalité.
    C'est donc très difficile de donner des chiffres exacts, mais il y en a certainement des centaines, sinon des milliers. Le Centre tibétain pour les droits de l'homme et la démocratie, une ONG, a récemment publié un rapport; le ministère tibétain de l'Information et des Relations internationales en a aussi publié un qui porte précisément sur le soulèvement de 2008. Les deux rapports font état de centaines de prisonniers politiques qui sont encore en prison.
    Malheureusement, beaucoup d'autres sont disparus dans l'anonymat. À moins d'avoir accès aux régions tibétaines, nous ne saurons jamais combien sont emprisonnés et combien sont disparus.
    Par ailleurs, le gouvernement chinois maintient que tous ceux qui le souhaitent peuvent venir au Tibet pour voir d'eux-mêmes le paradis socialiste qu'il a créé pour les Tibétains. Le porte-parole du ministre des Affaires étrangères insiste pour dire que la porte est ouverte au dialogue. Je dis souvent que si on nous montre où est la porte, nous allons entrer. De même, on nous dit que nous sommes les bienvenus, mais lorsque des parlementaires de divers pays — et j'espère qu'une délégation de parlementaires canadiens présentera une demande, par l'entremise de l'ambassade de Chine, ici à Ottawa, pour visiter le Tibet afin d'aller évaluer la situation... Il est très probable qu'on vous refusera cette permission.
    À cause de ces circonstances difficiles, il est presque impossible de vous donner les chiffres exacts. Mais le nombre est certainement élevé dans la population, car nous savons qu'il y a beaucoup de prisons. Il y aurait même, paraît-il, un goulag dans les régions tibétaines. S'il y a tant de prisons, il doit y avoir également beaucoup de prisonniers.
    Je suis certain qu'il y a beaucoup de Tibétains qui vivent des situations très difficiles et qui souffrent énormément dans les prisons du Tibet.
(1340)
    Je m'interroge aussi au sujet de la situation des moines, car il y a une surveillance accrue et même un contrôle complet, maintenant, des moines et des couvents au Tibet.
    Quelle est la situation actuelle en ce qui concerne la possibilité pour les Tibétains, sans parler des moines, de se consacrer à la pratique ou à des manifestations de leur propre religion?
    Je dois malheureusement vous dire que les nouvelles ne sont pas très bonnes de ce côté.
    En ce qui concerne les monastères et les couvents, encore une fois, le gouvernement chinois a déclaré qu'il avait créé des « comités de gestion démocratique » dans quelque 7 000 monastères et couvents uniquement dans la Région autonome du Tibet. Notre définition du Tibet englobe également les régions d'Amdo et de Kham, qui font partie des provinces du Sichuan, Yunnan, Gansu et Qinghai.
    Le comité de gestion démocratique présent dans tous les monastères agit comme un prolongement du Parti communiste, car il est composé de membres de ce parti. On a donc des membres du Parti communiste qui disent que la religion est un poison; ce sont des athées qui dirigent les monastères. Ce sont eux qui contrôlent l'entrée des nouveaux venus et qui sont responsables des expulsions.
    Hélas, l'une des raisons pour lesquelles il y a des auto-immolations, c'est que les photographies de Sa Sainteté le dalaï-lama sont interdites. Qui plus est, on montre aux moines des monastères une photo de Sa Sainteté le dalaï-lama et on leur demande de cracher dessus et de la piétiner. S'ils ne le font pas, leur loyauté est mise en doute et ils sont expulsés, ou pire, envoyés en prison.
    Il est ironique qu'on l'appelle le comité de « gestion démocratique », alors que sa fonction est tellement antidémocratique et tellement rigide qu'elle force les Tibétains à sortir des monastères, plus particulièrement du monastère Kirti. Il s'agit du principal monastère, là où se sont produites un grand nombre d'auto-immolations. À une certaine époque, il hébergeait quelques milliers de moines, mais ils sont maintenant quelques centaines, car beaucoup ont été expulsés. En 2011, des moines ont commencé à s'immoler au monastère Kirti et dans d'autres monastères qui y sont associés.
    Il y a un lien de causalité direct entre le contrôle et l'expulsion des moines par le comité de gestion démocratique et le fait que ces mêmes moines vont protester dans les rues.
    Sur le plan de la liberté de religion, c'est un système très répressif et très restrictif jusqu'ici.
    C'est également cette année que la Chine se soumettra à l'examen périodique universel. Lors du dernier exercice semblable, le Canada a formulé toute une série de recommandations, mais elles ont malheureusement à peu près toutes été rejetées par la Chine. Quelles devraient être selon vous quelques-unes des recommandations principales du Canada concernant la Chine à l'occasion de l'examen périodique universel de cette année?
    J'estime très important que le Canada et l'ensemble de la communauté internationale envoient un message très clair à la Chine. Si tous se réjouissent de la croissance économique de ce pays, il est particulièrement important dans ce contexte que la Chine assume pleinement ses responsabilités en tant que membre des Nations Unies ainsi qu'en sa qualité de puissance émergente. À l'instar de nombreux autres pays démocratiques, le Canada a accepté sa part de responsabilité et apporté une grande contribution en favorisant l'expansion de la liberté partout sur la planète. Il est donc primordial que le message soit très clair.
    Par exemple, la Chine souhaite devenir membre du Conseil des droits de l'homme. En 2004, le gouvernement chinois a accepté que le rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion visite la Chine et le Tibet. Cet engagement remonte maintenant à neuf ans et le gouvernement chinois n'y a toujours pas donné suite en permettant au rapporteur spécial de se rendre en Chine et au Tibet. J'estimerais tout à fait juste et normal pour un membre responsable de la communauté internationale — le gouvernement chinois — d'honorer maintenant la promesse faite il y a neuf ans. Autrement, si on laisse une décennie s'écouler sans qu'un engagement soit respecté, on peut se demander combien de temps il faudra attendre encore, et pendant combien d'années les examens et les recommandations se succéderont sans qu'on n'y donne jamais suite.
    Je pense donc qu'il faut absolument que la communauté internationale insiste pour que l'on procède à l'examen périodique prévu et pour que le gouvernement chinois mette en oeuvre les recommandations qui en émaneront. Sinon, les décennies pourront continuer à s'écouler et les recommandations à s'accumuler sans que la Chine ne fasse quoi que ce soit.
(1345)
    Nous retournons à M. Sweet.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je crois que c'est M. Marston qui a parlé tout à l'heure d'annihilation culturelle. M. Sangay a indiqué que la langue est un aspect primordial de l'ethnicité et de l'identité culturelle, et voilà que l'on discute maintenant d'un autre élément au coeur de l'identité tibétaine, à savoir le bouddhisme. M. Cutler a fait allusion à un registre des personnes détenues, et nous nous préoccupons bien évidemment beaucoup du sort de celles qui sont disparues. Je veux dire qu'il y a des gens qui non seulement ont été détenus, mais qui ont également été torturés pour, dans certains cas, succomber à ces mauvais traitements.
    Vous nous avez parlé de l'identité des Tibétains et de cette pratique méprisante en vertu de laquelle on force des gens à cracher sur la photo de Sa Sainteté, mais qu'en est-il de la situation actuelle du Panchen Lama?
    Comme vous le savez sans doute, le Panchen Lama est décédé et sa réincarnation a été reconnue par Sa Sainteté le dalaï-lama avec la recommandation majoritaire du monastère Tashilhunpo, siège des Panchen Lamas.
    Après que Sa Sainteté le dalaï-lama eut annoncé qu'il était la réincarnation du Panchen Lama, le jeune garçon est disparu avec tous les membres de sa famille. Nous ne savons donc toujours pas où il est. À sa place, le gouvernement chinois a imposé son propre « Panchen Lama ». C'est un peu comme si c'est Fidel Castro qui choisissait votre prochain pape. Non seulement cette décision a-t-elle indigné le peuple tibétain, mais l'imposition d'un lama par le gouvernement chinois va totalement à l'encontre des dogmes du bouddhisme tibétain. Malheureusement, nous ne savons toujours pas où se trouve le Panchen Lama. Gedhun Choekyi Nyima est maintenant au début de la vingtaine et il a disparu.
    S'il relâchait le Panchen Lama, le gouvernement chinois montrerait qu'il autorise vraiment la liberté de religion; sinon, son absence continuera de témoigner du déni de cette liberté pour le peuple tibétain.
(1350)
    Monsieur Sangay, vous avez souligné que la République populaire de Chine — et je tiens à préciser, monsieur le président, que l'on parle ici du gouvernement chinois et non du peuple chinois — a consenti des aménagements pour Macao et Hong Kong, tant du point de vue constitutionnel que politique ainsi qu'au chapitre des institutions. Si la chose a été possible dans ces cas particuliers, pouvez-vous nous dire pourquoi ce serait différent avec le Tibet? Quelles sont les réticences de la République populaire de Chine concernant le Tibet?
    Comme je l'indiquais précédemment, ce pourrait être notamment parce qu'il considérait les gens de Hong Kong et de Macao comme des Chinois, de véritables Huns, contrairement aux Tibétains. Et c'est là qu'il y a contradiction. D'une part, la politique officielle et les déclarations publiques veulent que les Tibétains fassent partie de la famille. Nous sommes tous frères et soeurs; nous sommes de la même race. D'autre part, la Chine accorde un régime constitutionnel à Hong Kong et à Macao, mais le refuse au Tibet. C'est une chose de vous dire que vous faites partie de la famille, mais c'en est une tout autre de vous refuser les mêmes droits qu'aux autres.
    Cela relève en partie de ce que j'appelle le chauvinisme hun. Il y a assurément discrimination à l'égard du peuple tibétain.
    Pour que les choses soient bien claires, suivant la troisième voie préconisée par Sa Sainteté, laquelle va dans le sens de votre leadership actuel, on souhaite l'autonomie tibétaine à l'intérieur de la Chine, n'est-ce pas?
    Nous revendiquons une autonomie véritable à l'intérieur de la République populaire de Chine et dans le cadre de la constitution chinoise, ce qui signifie que nous serions disposés à accepter l'application des lois chinoises. Nous sommes aussi raisonnables et modérés qu'on puisse l'être. C'est ce qui est actuellement proposé. Malheureusement, le gouvernement chinois ne semble pas disposé à offrir quoi que ce soit en contrepartie.
    Comme je vous l'ai mentionné, voilà des décennies que nous nous investissons en faveur de la démocratie et de la non-violence. J'ai moi-même été élu dans le cadre d'un processus démocratique, ce qui est plutôt inhabituel pour une communauté en exil. Ce n'était pas une élection régionale, provinciale ou nationale. C'est un processus qui a transcendé les frontières continentales de telle sorte que les Tibétains ont pu voter dans près de 40 pays du monde en 2011.
    J'ai donc été choisi comme représentant au moyen d'un processus tout à fait démocratique. Des gens de contrées aussi éloignées que l'Alaska et l'Australie ont pu y prendre part. Notre commissaire d'élection a été aussi rigoureux qu'on puisse l'être dans un tel rôle. L'honorable David Sweet a d'ailleurs fait partie du groupe d'observateurs qui ont confirmé qu'il s'agissait d'une élection en bonne et due forme. Le 20 mars était la date fixée pour le dernier tour des élections. Des nomades des hauts plateaux du Changtang dans la province de Ladahk — c'est à 5 000 mètres d'altitude — y ont participé. Les fonctionnaires électoraux de la région ont transporté les boîtes de scrutin à dos de yak et d'âne en grimpant dans la montagne pendant plusieurs jours à des températures de moins 40. Les nomades sont alors descendus de leurs campements pour participer au scrutin.
    Alors, des Tibétains de partout dans le monde, y compris la communauté tibétaine du Canada, surtout concentrée à Toronto, ont pris part à ces élections. Nous avons également tenu des débats entre les candidats de telle sorte que les gens puissent faire un choix éclairé.
    C'est ainsi que je donne suite au mandat démocratique que m'ont confié les Tibétains. Nous préconisons donc la non-violence, un principe qui ne souffre d'aucun compromis pour nous. Nous avons à coeur la non-violence et la démocratie, et nous poursuivrons nos efforts pour faire avancer ces causes que nous estimons justes.
    Dans ce contexte, votre soutien au Tibet serait également un soutien à la démocratie et à la non-violence.
(1355)
    Merci, monsieur Sweet.

[Français]

    Monsieur Jacob, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sangay, je vous remercie d'être venu témoigner devant notre comité.
    Vous avez parlé de la gestion des monastères. J'aimerais que vous me disiez quel rôle jouent les Tibétains dans l'administration politique de leur région.

[Traduction]

    Les Tibétains sont représentés au sein du gouvernement local de la Région autonome du Tibet, notamment au niveau des comtés et des préfectures, mais leurs pouvoirs sont très limités. Par exemple, le gouverneur de la Région autonome du Tibet est un Tibétain, mais le poste assorti des plus grands pouvoirs, celui de secrétaire du parti, a toujours été occupé par un Chinois.
    Il est particulièrement déconcertant de constater que, selon les données de 2002, plus de 50 % des cadres du Parti communiste dans la Région autonome du Tibet sont Chinois, et non Tibétains. C'est donc la situation depuis 11 ans maintenant; la moitié des cadres du Parti communiste, y compris les postiers, sont Chinois, plutôt que Tibétains.
    Si l'on considère la structure du parti, sept des treize leaders sont Chinois et six sont « Tibétains ». Il faut toutefois noter que parmi ces six, un est à moitié Tibétain parce qu'il a un parent chinois, un est marié à une Chinoise, un a une belle-famille chinoise, et un autre a une petite amie chinoise. C'est ainsi qu'on évalue la loyauté. C'est un poste symbolique, mais même à ce niveau, la représentation est établie en fonction du sang, plutôt que de la capacité.
    Dans le même sens, jusqu'au bas de la hiérarchie... On peut parler d'une formule 70-50-40, c'est-à-dire que 70 % des entreprises de Lhasa, capitale du Tibet, sont de propriété chinoise ou sont dirigées par un Chinois; 50 % des membres du Parti communiste sont, comme je viens de vous le dire, chinois; et 40 % des Tibétains ayant un diplôme secondaire ou universitaire sont en chômage. C'est la situation qui prévaut au Tibet.
    Nous avons surtout parlé jusqu'à maintenant de l'aspect politique au Tibet. Si le président m'y autorise, j'aimerais également souligner l'importance du Tibet du point de vue environnemental. Le Tibet a un rôle vital à jouer dans le contexte du réchauffement climatique, car il est considéré comme le « troisième pôle ». Après l'Antarctique et l'Arctique, le Tibet abrite la troisième réserve de glace en importance au monde, peut-être un peu avant le Canada. Mais à la différence de ce qui se passe en Antarctique et en Arctique, la fonte des glaces tibétaines alimente des fleuves. Dix grands fleuves asiatiques trouvent leur source au Tibet. Il y a le fameux Mékong qui s'écoule du Tibet jusqu'au Vietnam après avoir arrosés successivement le Laos, la Thaïlande et le Cambodge; le Salouen; le Brahmapoutre, qui va du Tibet jusqu'en Inde et au Bangladesh. Lorsque vous entendez parler d'une inondation au Bangladesh, il y a un lien direct avec la déforestation en cours au Tibet. Avec les précipitations et l'envasement, le lit fluvial s'élève et cause des inondations en aval. Il y a aussi de grands fleuves qui partent du Tibet pour arroser l'Inde et le Pakistan. Le fleuve Jaune, berceau de la civilisation chinoise, et le Yangtsé, les deux plus célèbres en Chine, trouvent aussi leur source au Tibet.
    Selon certains scientifiques, si l'on se faisait autrefois la guerre à propos du territoire, on se bat maintenant pour l'accès aux sources énergétiques. Et bientôt ce sera l'eau qui sera à l'origine des conflits. C'est une ressource si précieuse qu'on l'appelle l'or blanc. Dix grands fleuves asiatiques trouvent leur source au Tibet. Comme la région a la troisième réserve de glace en importance au monde, il peut y avoir des répercussions directes sur le climat jusqu'au Pérou, en Amérique latine, en raison des effets sur le courant-jet.
    Le Tibet a donc un rôle essentiel à jouer du point de vue environnemental.
    Le Tibet regorge en outre de ressources naturelles. On y trouve notamment plus de 130 minéraux différents — un peu moins qu'au Canada. Ces ressources sont exploitées de façon malsaine tant du point de vue du génie que de l'environnement. De grandes quantités de produits chimiques sont utilisées. Il y a des impacts directs sur l'environnement, car lorsqu'on se sert de produits chimiques pour de l'exploitation minière à ciel ouvert... lorsqu'il pleut, tout cela se retrouve dans les fleuves et affecte les gens en aval. Des millions d'Asiatiques vivent de la pêche et de l'agriculture, et le Tibet est la source de tous ces fleuves. Si l'eau est contaminée ou s'il y a déforestation, ce sont des millions de personnes en aval qui en souffrent.
(1400)
    L'aspect environnemental est donc également important à considérer pour ce qui est du Tibet, en plus des considérations dont nous avons déjà traité relativement à la démocratie et à la non-violence.

[Français]

    Merci.
    Vous avez encore une minute et demie.
    Très bien.
    Monsieur Sangay, quelles sont les plus importantes mesures que vous souhaiteriez voir la Chine adopter afin d'améliorer le respect des droits de la personne au Tibet?

[Traduction]

    En sus des nombreuses requêtes que j'ai formulées, un rapport de votre comité serait très bénéfique. En outre, si la chose est possible, le Parlement canadien pourrait se joindre au Sénat américain pour adopter une résolution ou une motion au sujet du Tibet. Le Parlement européen l'a déjà fait. Le Parlement italien et le Sénat français ont aussi adopté des résolutions à propos du Tibet.
    Tous ces efforts sont importants, car les Tibétains qui décident de s'immoler lancent en fait un douloureux cri d'alarme. Ils nous disent qu'ils choisissent de mourir et de quitter ce monde de telle sorte que les congénères qu'ils laissent derrière eux puissent entendre leur appel et leur permettre d'espérer que leurs souffrances et le sacrifice de leur vie n'auront pas été vains.
    En adoptant une résolution semblable, le Parlement canadien indiquerait sans équivoque au peuple tibétain que l'on n'est pas sourd à ses récriminations, que l'on intervient pour le soutenir et qu'il y a de l'espoir. Vous enverriez ainsi un message clair en joignant votre voix à celles des autres membres de la communauté internationale qui accordent une grande valeur aux droits de la personne et à la démocratie. Un tel geste du Parlement canadien serait accueilli avec beaucoup de satisfaction.
    Si vous pouviez en plus former une délégation et obtenir du gouvernement chinois qu'il vous donne accès aux territoires tibétains, ce serait un autre geste positif qui serait grandement apprécié.

[Français]

    Merci, monsieur Jacob.

[Traduction]

    Avec la permission du comité, j'aimerais poser quelques questions suggérées par nos analystes qui veulent absolument que nous profitions de l'occasion pour obtenir des renseignements primordiaux auprès d'une source faisant autorité plus que quiconque.
    Monsieur Sangay, vous avez parlé du traitement accordé aux Tibétains au Tibet, et je me rends compte que vous faites alors référence aux Tibétains qui vivent dans la République populaire de Chine. Mais il faut savoir qu'il y a la Région autonome du Tibet, mais aussi des Tibétains qui habitent dans d'autres secteurs du pays. Je me demandais donc si vous pouviez nous parler du traitement auquel ces derniers ont droit, par rapport à celui accordé aux Tibétains résidant dans la région autonome.
    Tous les Tibétains, qu'ils vivent dans la Région autonome du Tibet, ou dans les deux provinces traditionnelles du Tibet, celles de Kham et d'Amdo, ont droit au même traitement. Si l'on se souvient des protestations de 2008, elles s'étendaient de Lhasa, capitale du Tibet, jusqu'aux provinces traditionnelles d'Amdo, qui est située en grande partie dans la province chinoise de Qinghai et partiellement dans celle de Gansu, et de Kham, que l'on retrouve pour une bonne part dans les provinces du Sichuan et du Yunnan. Les manifestations étaient généralisées. Des gens se sont immolés jusque dans le Qinghai et la région de Zhuang, ainsi que dans la province de Gansu.
    Pour ce qui est de la façon de définir le Tibet, le gouvernement chinois essaie de semer la confusion en affirmant qu'il se limite à la Région autonome du Tibet, sans inclure d'autres territoires. La réplique est assez simple. Sa Sainteté le dalaï-lama est né dans la province traditionnelle d'Amdo, ce qui est aujourd'hui le Qinghai. Mon défunt père est originaire de Lithang, qui est présentement un district du Sichuan. Selon la définition du gouvernement chinois, Sa Sainteté le dalaï-lama et mon défunt père ne seraient donc pas tibétains.
    Suivant l'article 4 de la constitution chinoise, il est bien clair que toutes les fois qu'une minorité se trouve en concentration suffisante, une région autonome peut être établie. On dit souvent que la règle de droit ne prévaut pas en Chine, mais cette disposition-là de la constitution est généralement suivie à la lettre. Ainsi, 99 % des Ouighours habitent dans la Région autonome de Qinghai et 95 % des Zhuang résident dans la Région autonome Zhuang. Près de 60 % des Huis vivent dans la Région autonome du Xinjiang. Les Huis sont des musulmans chinois qui sont éparpillés dans 10 provinces différentes. On a procédé à un habile découpage de la carte en vue de créer la Région autonome du Zinjiang pour le peuple hui. Environ 50 % des Mongols vivent dans un secteur de la Mongolie intérieure. On leur a accordé une région autonome mongole parce qu'ils étaient nomades. On en retrouvait dans quatre provinces différentes.
    Seuls les Tibétains habitent une région géographique unique que l'on appelle le Plateau tibétain. Elle est d'ailleurs reconnue comme telle par les médias chinois et les politiques du pays. De nos jours, lorsque les Chinois tiennent des réunions au sujet du Tibet, ils convoquent tous les dirigeants tibétains, tous les cadres en provenance du Plateau tibétain. Ils reconnaissent ainsi que le Plateau tibétain correspond au Tibet. Par ailleurs, ils ont créé ce qu'ils appellent la Région autonome du Tibet avec tous les secteurs avoisinants que l'on qualifie de préfectures et de comtés tibétains. Le gouvernement chinois reconnaît donc l'ensemble du Plateau tibétain comme une entité tibétaine. C'est simplement qu'ils ont divisé cette entité en cinq provinces et cinq régions administratives distinctes. Nous soutenons qu'il n'est ni efficace ni rentable du point de vue administratif d'avoir cinq structures différentes pour représenter le même peuple avec la même culture, en plus d'une situation économique et géographique similaire. Selon la définition utilisée par l'administration tibétaine, le Tibet correspond au territoire traditionnellement reconnu comme tel.
    Le gouvernement chinois a fait valoir que le Tibet traditionnel compte pour près du quart de la superficie de la Chine. C'est gigantesque et les Tibétains pourraient ainsi revendiquer une très vaste portion du territoire chinois. Mais il faut considérer que la Chine a déjà créé la Région autonome du Xinjiang qui compte pour le sixième de sa superficie, et la Région autonome de la Mongolie qui en représente près du neuvième. Seule la région tibétaine est divisée en six provinces différentes, ce qui va à l'encontre de l'article 4 de la constitution chinoise et de la Loi nationale sur les minorités de 1984.
    Notre définition du Tibet concorde très bien avec la constitution chinoise et la façon dont elle a été mise en oeuvre dans le cas de la Région autonome du Xinjiang. Du point de vue démographique, si l'on retrouve entre 90 et 95 % des populations concernées dans les régions autonomes correspondantes, les Tibétains font bande à part alors que plus de 50 % d'entre eux vivent à l'extérieur de la Région autonome du Tibet. Les Chinois contreviennent ainsi à leur propre constitution.
(1405)
    Est-ce que vous pourriez nous donner une estimation assez précise du nombre de Tibétains habitant l'ensemble de ces régions, c'est-à-dire de la population tibétaine à l'intérieur de la République populaire de Chine?
    Selon notre administration, il y a 6 millions de Tibétains. Ce chiffre est contesté par le gouvernement chinois dont les propres estimations indiquent tout de même qu'il y en aurait entre 5,5 et 5,7 millions. Comme il est impossible d'effectuer un recensement, on ne peut obtenir de chiffre exact, mais nous estimons qu'il y a 6 millions de Tibétains.
    Merci.
    Merci également d'avoir bien voulu comparaître comme témoin aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pu participer à nos travaux et nous informer aussi bien.
    S'il n'y a pas d'autres questions, la séance est levée.
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