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Bonjour à tous. Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous sommes le 29 septembre 2011, et il s'agit de la 4
e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Conformément à l'adoption du rapport du sous-comité, nous commençons aujourd'hui notre étude sur les drogues et l'alcool dans les prisons. La motion indiquait en partie que nous nous pencherions sur la façon dont les drogues et l'alcool entrent dans les prisons et sur les répercussions qu'ils ont sur la réadaptation des détenus, la sécurité des agents de correction et les crimes commis dans les établissements.
Au cours de la première heure, nous entendrons le témoignage du Service correctionnel du Canada. Le commissaire, M. Don Head, comparaît de nouveau devant nous.
Avant tout, en tant que président et au nom des membres du comité, les anciens comme les nouveaux, je vous remercie toujours d'accepter de comparaître devant le comité, et parfois malgré un très court préavis. Comme c'est le cas aujourd'hui, nous vous en remercions beaucoup.
De plus, le commissaire est accompagné du commissaire adjoint, Opérations et programmes correctionnels, M. Chris Price.
Au cours de la deuxième heure, nous poursuivrons nos discussions sur le même sujet avec un représentant du Syndicat des agents correctionnels du Canada.
Je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Nous avons hâte de vous entendre. Nous sommes heureux de votre présence.
Monsieur Head.
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Merci, monsieur le président.
À titre informatif, si je me fie à ma montre atomique, l'horloge affiche l'heure exacte.
Monsieur le président, membres du comité, bonjour.
Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour discuter de ce que fait le Service correctionnel du Canada afin de lutter contre la présence de drogues et d’alcool dans nos pénitenciers fédéraux.
Permettez-moi d’abord de préciser que la toxicomanie est le facteur criminogène le plus important chez les délinquants sous responsabilité fédérale. Dans le rapport Feuille de route pour une sécurité publique accrue, paru en 2007, on mentionne qu’à l’admission, 80 p. 100 des délinquants ont un grave problème de toxicomanie, et que plus de la moitié indiquent que la consommation de drogues ou d’alcool est un des facteurs qui les ont incités à commettre l’infraction. Ces données sont constantes depuis plusieurs années.
La consommation de drogues et d’alcool constitue une grave menace à la sécurité de nos employés et des délinquants eux-mêmes. On sait qu’au Canada et à l’étranger, la plupart des actes de violence commis dans les établissements ont un lien direct avec la drogue. Les cas de violence déstabilisent nos établissements et représentent un risque pour la sécurité de mes employés, qui font un excellent travail. Cette instabilité limite aussi notre capacité de gérer la population carcérale, qui est complexe et diversifiée, ce qui limite ensuite notre capacité de bien préparer les délinquants à retourner dans la société en tant que citoyens productifs et respectueux des lois.
Il y a aussi de graves conséquences pour la santé publique, liées à la dépendance aux drogues injectables. Les données dont nous disposons révèlent qu’un délinquant de sexe masculin sur cinq s’est déjà injecté de la drogue. La moitié d’entre eux disent s’en être injecté au cours de l’année qui a précédé leur incarcération. Chez les consommateurs de drogues injectables, l’incidence de maladies transmissibles par le sang, comme l’hépatite et le VIH, est beaucoup plus élevée que dans la population en général. En fait, nous intervenons auprès d’une des couches de la société canadienne pour lesquelles la dépendance est la plus forte, comme en témoigne ce qu’ils sont prêts à faire, et les crimes qu’ils commettent, pour obtenir et consommer de la drogue.
Cette dépendance ne disparaît pas comme par magie à l’entrée du pénitencier. Pendant leur incarcération, les délinquants toxicomanes font l’impossible pour obtenir toute substance illicite qui pourrait nourrir leur dépendance. Ce sont les enjeux auxquels est confronté tous les jours le personnel correctionnel de nos établissements, partout au Canada, et, en fait, partout dans le monde. Et ce sont les enjeux qui me préoccupent en tant que commissaire de notre organisme correctionnel fédéral.
Afin de mieux comprendre la toxicomanie chez les délinquants et d’élaborer des façons d’intervenir à cet égard, le Service correctionnel du Canada a mis en oeuvre une stratégie ciblée et fondée sur des données probantes pour les cas de dépendance. Elle prévoit notamment une collaboration avec d’autres administrations et la mise en commun de renseignements et de pratiques exemplaires pour apprendre comment d’autres pays détectent la drogue et dissuadent les délinquants d’en consommer. Nos employés s’efforcent d’aider le SCC à mieux comprendre la dynamique de la toxicomanie chez les délinquants, ce qui contribue à l’élaboration de programmes efficaces et à l’ensemble des efforts que nous déployons pour éliminer la drogue de nos pénitenciers fédéraux.
Monsieur le président, je vise une amélioration constante de la situation et l’obtention des meilleurs résultats possible pour les Canadiens en matière de sécurité publique. Pour cette raison, à partir de 2007, notre organisme s’est inspiré des recommandations énoncées dans le rapport auquel j’ai fait référence précédemment et a entrepris de transformer en profondeur nos opérations. Ce programme de transformation comportait une série d’initiatives destinées à lutter contre le problème lié à la présence de drogues dans nos établissements. Le travail accompli a permis de compléter et d’améliorer la stratégie antidrogue déjà en place. Cette stratégie vise principalement à détecter la drogue et à dissuader les personnes qui veulent l’introduire dans les établissements, et à reconnaître et traiter les problèmes de toxicomanie chez les délinquants sous responsabilité fédérale.
Le 29 août 2008, le ministre de la Sécurité publique a annoncé l’octroi de 122 millions de dollars sur cinq ans pour aider à éliminer les drogues dans les établissements fédéraux. Ces fonds serviront à mettre en place une approche plus rigoureuse pour lutter contre la présence de drogues afin de créer un milieu sûr et sécuritaire où le personnel et les délinquants peuvent se concentrer sur la réadaptation.
Les fonds servent à augmenter le nombre d’équipes canines de détection de drogues, ce qui représente plus de 100 équipes au Canada d’ici la fin de l’exercice; à améliorer la capacité des activités de renseignement de sécurité aussi bien dans les établissements que dans la collectivité; à améliorer la surveillance du périmètre grâce à une meilleure utilisation de la technologie; et à renforcer les politiques de fouille afin d’empêcher l’introduction de drogues dans les établissements.
En plus des mesures prises dans le cadre du programme de transformation, le SCC a récemment mis en place un certain nombre d’autres initiatives destinées à réduire la violence et la présence de drogues illicites dans ses établissements. Entre autres, on procède à des fouilles plus rigoureuses des cellules, des bâtiments et des terrains ainsi qu’à des fouilles des délinquants. Nous nous servons aussi de technologies de pointe comme l’imagerie thermique et les appareils infrarouges pour détecter la présence d’intrus le long de nos clôtures périmétriques. Nous améliorons nos pratiques de sécurité active et la capacité de notre renseignement de sécurité pour mieux surveiller et interpréter les activités des délinquants.
Nous avons également amélioré nos outils pour effectuer des fouilles. Tous les visiteurs qui entrent dans un établissement sont désormais fouillés à l’aide d’un détecteur de métal et d’un détecteur ionique. Et comme je l’ai mentionné précédemment, nous avons plus souvent recours aux services de chiens détecteurs de drogue.
J’aimerais aussi mentionner que les échantillons d’urine sont un moyen important de dissuader les délinquants de consommer de la drogue et de dépister ceux qui en prennent. Au cours des 10 dernières années, nous avons constaté une baisse encourageante du pourcentage de tests positifs et une diminution importante du taux de délinquants qui refusent de fournir un échantillon. Les baisses les plus marquées à ces deux chapitres ont été observées dans nos établissements à sécurité maximale. Les statistiques nous montrent également une diminution du nombre de délinquants décédés des suites d’une surdose, et une augmentation du nombre de saisies de drogues.
Cela veut donc dire que nos efforts de lutte et le travail qu'accomplissent les membres de mon personnel chaque jour partout au pays portent fruit. Mais je le répète, nous allons toujours trouver des moyens d’améliorer nos résultats correctionnels, afin que les Canadiens de partout au pays puissent vivre dans des collectivités plus sûres.
Il nous faut non seulement nous attaquer à l’offre de drogues, mais aussi à la demande. À cette fin, le Service correctionnel du Canada offre toute une gamme de programmes accrédités pour traiter la toxicomanie. Plus le problème du délinquant est grave, plus le degré d’intervention est élevé. Il existe par ailleurs des programmes conçus spécialement pour les délinquantes et d’autres pour les délinquants autochtones.
Il n’est pas exagéré d’affirmer que le SCC est reconnu comme un chef de file mondial en matière d’élaboration et de prestation de programmes efficaces pour traiter la toxicomanie. En fait, de nombreux pays se servent de nos programmes pour aider les délinquants à cesser de consommer de la drogue et à en rester éloignés. C’est le cas notamment du Royaume-Uni, de la Norvège et de la Suède.
En participant à des programmes de traitement de la toxicomanie et d’assistance postpénale, les délinquants apprennent à maîtriser leurs habitudes de consommation. Notre but ultime est de réduire la récidive et de nous assurer de collectivités sûres pour l’ensemble des Canadiens. Nous savons que les délinquants qui participent aux programmes de traitement de la toxicomanie sont 45 p. 100 moins susceptibles d’être réincarcérés à la suite d’une nouvelle infraction, et 63 p. 100 moins susceptibles d’être réincarcérés à la suite d’une nouvelle infraction avec violence.
Monsieur le président, je sais que certaines questions intéressent tout particulièrement le comité, et je vais en parler brièvement, après quoi je vous inviterai à me poser des questions.
Je crois vous avoir déjà démontré le lien qui existe entre la toxicomanie et la criminalité dans les établissements, de même que les répercussions de la toxicomanie sur la sécurité du personnel. La drogue et l’alcool alimentent les comportements criminels, notamment les bagarres, les menaces, l’intimidation et la violence grave. Et la violence, qu’elle soit commise envers le personnel ou entre délinquants, est incompatible avec la création de milieux sûrs. Elle n’est pas non plus propice à la réinsertion sociale en toute sécurité des délinquants.
Tolérer des comportements criminels dans nos établissements est clairement inefficace pour la réadaptation des délinquants. L’instabilité susceptible de régner dans nos établissements nuit également à notre capacité d’offrir des programmes sans interruption. En réalité, nos programmes de réadaptation ne connaîtront pas de succès si nous ne réussissons pas à éloigner de la drogue les délinquants dont la criminalité est le résultat d’un problème de toxicomanie.
Enfin, concernant la façon dont la drogue est introduite dans nos établissements, sachez que nous avons découvert au fil des ans que les façons de la dissimuler sont nombreuses: ce peut être dans des paquets qui sont lancés par-dessus les clôtures, à l’intérieur de cavités corporelles ou de couches, même. C’est pourquoi il est capital pour l’organisation de maintenir une capacité de sécurité et de renseignement solide, et de s’assurer d’une sécurité physique et de fouilles rigoureuses.
Le SCC a aussi mis en oeuvre une campagne de sensibilisation pour faire connaître au grand public les dangers et les conséquences auxquels s’exposent les personnes qui font entrer de la drogue dans les établissements. Une vidéo, intitulée, Pensez-y bien! Pour un milieu carcéral sans drogue, explique clairement ces conséquences.
Nous avons en outre instauré une ligne nationale sans frais pour permettre de dénoncer des activités qu’une personne soupçonnerait d’être liées à la drogue.
Des établissements sûrs et exempts de drogues sont indispensables à l’amélioration de la sécurité publique et contribuent à la réussite de la réinsertion sociale des délinquants. La présence de drogues dans les établissements entraîne de la violence et empêche les détenus de quitter leur cellule, et donc de participer aux programmes de leur plan correctionnel.
Nous devons reconnaître que la lutte contre la drogue nous demandera toujours des efforts, mais lorsque j’examine les mesures que le Service correctionnel du Canada et mon personnel ont mises en place jusqu’à maintenant, je peux affirmer que j’en suis fier. Notre objectif commun est de nous assurer de collectivités sûres pour tous les Canadiens et pour cela, il faut que nous aidions les délinquants à acquérir les compétences nécessaires pour vivre sobrement et devenir des citoyens productifs et respectueux des lois.
Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me les poser. Merci.
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C’est une bonne question.
Dans le cadre de notre évaluation, si nous constatons que le détenu a déjà eu des problèmes de toxicomanie, nous en prenons note et nous plaçons le détenu sur une liste d’attente pour qu’il participe aux programmes.
Nous sommes en train de revoir l'exécution de nos programmes au Canada. Nous menons un projet pilote dans l’Ouest, en Colombie-Britannique, et un autre dans l’Est, dans les provinces atlantiques. Nous y orientons en fait les délinquants dans les 45 jours suivant le début de leur incarcération vers les phases préliminaires des programmes pour leur permettre de commencer à y participer. Cette étape mettra la table pour les programmes plus intensifs, comme le programme de traitement de la toxicomanie d’intensité élevée.
Si un détenu a déjà été impliqué, par exemple, dans le trafic de stupéfiants dans la collectivité, les gens du renseignement de sécurité nous le signalent, et nous surveillerons étroitement ses agissements. Si nous avons des raisons de croire qu’il essaye de poursuivre ses activités à l’intérieur de nos murs, nous mettrons en place divers moyens pour l’avoir à l’oeil, dont l’écoute des appels et de plus amples méthodes de fouille.
Nous en tenons donc compte. Si une personne est reconnue coupable peu importe le délit , nous savons si elle a déjà fait ou non le trafic de stupéfiants dans nos rues. Nous tenons compte des antécédents.
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Oui, merci. C’est une très bonne question.
Selon nous, il y a deux ou trois indicateurs positifs.
Comme je l’ai mentionné au début de mon exposé, nous avons constaté une diminution du nombre d’analyses d’urine positives. Lorsque nous avons fait passer au hasard des analyses d’urine aux détenus, nous avons constaté un pourcentage moins élevé d'analyses positives. Nous en déduisons qu’il y a encore des stupéfiants dans nos établissements, ce qui est un problème pour nous, mais que, dans l’ensemble, nous voyons une diminution.
Nous avons également constaté une augmentation du nombre de saisies de stupéfiants à l’entrée et dans les établissements. On pourrait voir cette augmentation de diverses manières. Selon moi, chaque saisie est positive, parce que cela signifie que les stupéfiants ne se rendent pas aux détenus qui pourraient blesser mon personnel, se blesser eux-mêmes et même blesser d’autres détenus. L’année dernière, nous avons réalisé 1 700 saisies de stupéfiants dans les établissements, et c’est une importante collecte, selon nous.
Il y a un autre indicateur, même s’il n’est pas nécessairement aussi scientifique que certains autres. Nous savons que parfois, lorsque l’approvisionnement en stupéfiants vers les établissements est coupé, les détenus se tourneront vers d’autres substances intoxicantes. Ils essayeront généralement de préparer une broue, soit de l’alcool artisanal, dans les établissements. On peut en faire de façon artisanale à partir de divers produits de la vie quotidienne. Les pires broues que j’ai vues étaient concoctées à partir de petits sachets de ketchup qu’on retrouve au McDonald’s. L’alcool n’a pas très bon goût et pue horriblement, mais on obtient une broue.
Selon nous, la réduction du nombre de saisies de stupéfiants et l’augmentation du nombre de saisies de broues sont des indicateurs partiels que nos efforts pour intercepter les stupéfiants portent leurs fruits et que nous sommes sur la bonne voie. Ces données nous indiquent que nous réduisons l’approvisionnement en stupéfiants des établissements. Toutefois, nous avons encore beaucoup de défis devant nous.
Nous investissons temps et énergie pour bloquer l’approvisionnement en stupéfiants à un endroit, mais les gens font preuve d’imagination pour introduire des stupéfiants dans les établissements. Comme je l’ai brièvement mentionné dans mes commentaires, des intrus s’approchent du périmètre des établissements et lancent la drogue par-dessus la clôture à l’aide d’un arc. Ils se positionnent à 150 mètres du périmètre et lancent des flèches dans la cour. La drogue se trouve dans le fût de la flèche ou elle y est attachée. Mon personnel doit ensuite fouiller la cour pour les trouver.
Des gens trouvent des utilisations novatrices aux balles de tennis. Ils les ouvrent et les remplissent de stupéfiants. Je sais que je vais trahir mon âge, mais une personne de la trempe de Bjorn Borg pourrait réussir à frapper les balles assez loin. On en retrouve parfois à l’intérieur des clôtures.
On nous a rapporté des cas où des personnes ont pris des oiseaux morts, les ont vidés et les ont remplis de stupéfiants. Nous croyons qu’elles les ont ensuite lancés dans la cour avec une sorte de lance-pierre.
Encore une fois, mon personnel est très minutieux. Il accomplit un excellent travail pour chercher et trouver la drogue, mais de temps en temps, de la drogue est introduite dans les établissements. Il nous arrive de surprendre des détenus en train de consommer des stupéfiants ou d’intervenir dans le cas d’une surdose et de sauver la vie d’un détenu trop idiot pour ne pas prendre de drogue.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d’être venus témoigner encore une fois. Que serait une session parlementaire au sein du Comité de la sécurité publique sans la visite de nos amis de Service correctionnel Canada?
Monsieur Head, vous savez d’où je viens. J’habite dans le village de Warkworth, là où se trouve en fait le plus grand établissement correctionnel fédéral. Du moins, c’est le plus grand pour l’instant. Il s’agit d’un établissement à sécurité moyenne, et la situation a évolué depuis les 15 ou 20 dernières années. L’environnement de travail y est beaucoup plus dangereux pour les hommes et les femmes qui protègent notre société, nos détenus et qui se protègent eux-mêmes.
Je vous remercie d’avoir mentionné dans votre exposé que nous examinons ce qui se fait ailleurs, comme au Royaume-Uni, en Norvège et en Suède. Il n’y a pas si longtemps, notre comité a visité le Royaume-Uni et la Norvège, et nous avons aussi visité de nombreuses prisons canadiennes dans le cadre de notre étude sur la santé mentale et la toxicomanie dans le système correctionnel fédéral. Les Canadiens voient la Norvège comme une société très avancée. Il s’agit d’une société différente. On peut effectuer des comparaisons, mais c’est différent. J’ai été surpris et fier d’apprendre qu’environ 60 p. 100 des programmes norvégiens ont été empruntés au Canada.
Je comprends qu’il faut toujours trouver de meilleures méthodes, mais n’empêche que le reste du monde considère notre système correctionnel comme l’un des meilleurs. Je tiens à vous remercier, vous et votre personnel, de votre excellent travail.
Lorsque nous abordons la question de la toxicomanie, nous semblons souvent oublier certains éléments, dont le tabagisme. Ai-je raison de croire que les cigarettes sont encore la monnaie d’échange de prédilection dans notre système correctionnel?
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Monsieur le président, je dois dire que ce sont deux questions exceptionnellement bonnes.
Pour ce qui est la première question, ce que vous avez vu à Drumheller est ce qu'on s'attend à voir partout au pays. Pour avoir un environnement sécuritaire, la clé est de travailler avec le personnel chargé du renseignement de sécurité et avec les autres groupes d'employés de l'établissement; de recueillir, analyser et diffuser les renseignements. Il faut aussi travailler avec nos partenaires du système de justice pénale, comme la police locale et même, dans certains cas, avec le SCRS et l'Agence des services frontaliers du Canada; voilà la clé pour avoir un environnement sécuritaire.
Dans le financement que nous avons reçu ces quelques dernières années, des sommes ont été prévues pour l'augmentation de capacité en matière de renseignement sécurité, pour nous permettre de faire précisément ce dont vous avez parlé. Et — simplement pour apaiser les craintes que pourrait avoir n'importe lequel des autres députés — je peux vous confirmer, monsieur le président, que votre photo et votre nom ne figurent absolument pas sur nos tableaux i2.
Quant à la question des mesures incitatives, encore une fois, je vous renverrais au projet de loi . Une des choses que je me réjouis de voir dans le projet de loi est la disposition qui me permettra de régler la question des mesures incitatives.
J'ai une histoire très brève, monsieur le président. Actuellement, si M. Price et moi étions deux détenus ayant reçu une peine d'emprisonnement d'une durée relativement égale et ayant commis le même genre d'infraction et que M. Price — puisqu'il est un bien meilleur détenu que moi — décide de suivre son plan correctionnel et de participer aux programmes, il aurait un bon comportement et, à terme, il présentera une demande pour toute libération discrétionnaire anticipée à laquelle il pourrait avoir droit et il a droit à une série de privilèges dans l'établissement. Si je choisis de ne pas suivre un plan correctionnel et que mon comportement ne justifie pas mon transfert dans un pénitencier à sécurité maximale ou qu'on me place en isolement, la seule différence qu'il y aurait entre M. Price et moi, c'est que je n'obtiendrais probablement pas une libération discrétionnaire anticipée, une libération conditionnelle de jour ou une libération conditionnelle totale; mais en vertu de l'actuelle Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, j'ai droit aux mêmes privilèges que M. Price.
Nous ne croyons pas qu'il s'agit du genre de mesures incitatives qui nous permettront de faire en sorte que les gens assument la responsabilité de leurs actes. Monsieur le président, cela nous ramène à une des questions sur la responsabilité des détenus.
Le projet de loi contient maintenant une disposition qui me donnerait le pouvoir d'établir un ensemble de mesures incitatives pour les personnes qui suivent leur plan correctionnel par rapport à celles qui ne le suivent pas, et nous avons également hâte de voir cette disposition être adoptée.
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Je voudrais remercier tous les gens qui nous ont invités à faire une présentation.
D'abord, je tiens à souligner que je porte l'uniforme ce matin parce que je suis agent correctionnel depuis 25 ans. Je suis fier de l'être et de représenter les membres du syndicat, à titre de président national.
Notre présentation porte sur un sujet majeur, important pour nous: la drogue et l'alcool dans les pénitenciers.
Pour parler de ce problème, il faut diviser le thème en quatre sujets distincts: les outils dont nous avons besoin, le contrôle des visiteurs, la gestion des populations et, enfin, les programmes.
En ce qui concerne les outils, nous avons effectivement reçu, au cours des dernières années, de nouvelles ressources relatives à des maîtres-chiens et à de l'équipement sécuritaire. Je tiens cependant à souligner que les pénitenciers à sécurité moyenne et maximale sont souvent entourés de boisés et que leur périmètre est facilement accessible par les bois. Dans ces pénitenciers, on assiste fréquemment à un phénomène appelé en anglais le throw over. Il s'agit de colis volants qui sont lancés par-dessus les clôtures. Les gens croient peut-être que pendant la nuit dans nos pénitenciers toutes les tours situées autour de l'établissement sont gardées et qu'il y a plusieurs patrouilles, mais c'est faux. Une patrouille couvre un périmètre qui est parfois de 2 km. Dans certains cas, s'il n'y a pas de périmètre, une seule tour est gardée. Il reste que dans la plupart des établissements, aucune tour n'est gardée la nuit. C'est donc dire que la nuit facilite maintenant les choses pour les criminels qui veulent faire passer de la drogue.
J'aimerais également souligner que les établissements carcéraux ne sont pas des endroits clos. On parle souvent du nombre de visiteurs qui rendent visite aux détenus chaque année, pour diverses raisons. Il peut s'agir de la famille, d'amis, de groupes communautaires, de groupes de défense des détenus, d'entrepreneurs ou de sous-traitants. Il y a aussi des événements sociaux. Il peut y avoir jusqu'à 5 000 visiteurs par six mois. Ça représente beaucoup de gens. Or plus il y a de visiteurs, plus la possibilité qu'il y ait des transactions criminelles augmente, malheureusement.
Comme syndicat et en tant qu'agents correctionnels, nous considérons que le troisième sujet est le plus important. J'aimerais vraiment que le comité prenne la peine de l'étudier. Il s'agit de la gestion des populations. Plus tôt, j'ai entendu M. Head parler des détenus qui s'engagent à l'égard de leur plan correctionnel et de ceux qui ne le font pas. Nous avons toujours cru devoir faire tout ce qu'il fallait pour aider les détenus qui s'engageaient et visaient la réhabilitation, en l'occurrence leur offrir les programmes et les outils nécessaires. Par contre, nous faisons face à un groupe d'individus qui ne sont pas nécessairement intéressés à s'engager à l'égard de leur plan correctionnel. Malheureusement, ces gens créent parfois des problèmes à l'intérieur de l'établissement. Ils nuisent au programme des autres détenus. Il faudrait qu'un programme soit réservé à ces individus, un programme distinct. Or il nous faut des outils.
Par ailleurs, j'aimerais que le comité vérifie certaines choses sur les gangs et le pouvoir qu'ils exercent dans les établissements. Il y a des directives du commissaire qui portent sur les groupes criminels. On parle de postes de confiance dans l'établissement, notamment celui de cantinier, de président du comité des détenus ou de président des plaintes des détenus. Je suggère aux membres de ce comité de prendre la peine de vérifier cela. Ils vont constater à quel point ces postes sont fréquemment occupés par des gens provenant de groupes de motards ou de la mafia. Ces groupes contrôlent tout ce qui constitue l'économie souterraine dans l'établissement. En quoi consiste cette économie souterraine? Ce sont les sommes qui servent à des ventes illicites ou qui sont issues de celles-ci.
On a deux sortes de problèmes. D'une part, il y a les gens qui consomment de la drogue. Les chiffres sont impressionnants: ils seraient de l'ordre de 80 p. 100. D'autre part, il y a ceux qui veulent faire de l'argent en vendant de la drogue, ceux qui contrôlent l'économie souterraine, ceux qui amènent les détenus à prendre de la drogue et à en devenir dépendants.
Par la suite, ces détenus tombent dans des pièges profonds. Ils se font prendre « sur les bras », comme on dit dans le milieu. Ils doivent payer des montants d'argent à ce point importants qu'ils en viennent à demander une protection. La protection demandée signifie qu'on doit créer une autre population: la personne quitte la population dans laquelle elle n'a pas payé ses dettes, alors il faut créer une autre population. C'est ce qu'on appelle la gestion des populations. Nous avons besoin de programmes pour les détenus engagés vis-à-vis de leur plan correctionnel et d'autres pour les détenus qui n'y sont pas engagés.
Le dernier sujet m'est aussi important: les programmes, la toxicomanie, la possibilité pour les détenus de suivre ces programmes, l'insuffisance d'emplois dans les établissements, c'est-à-dire les postes non disponibles pour la population régulière. On nous disait, dans les années 1990, que tous ces symptômes de non-programmes étaient liés au syndrome de la porte tournante, c'est-à-dire qu'on rentre en dedans, on fait son temps, on ne suit pas ses programmes et on en ressort sans avoir réussi nécessairement à se réhabiliter.
Votre comité, je crois, a un défi important. Si nous avions eu plus de temps, nous aurions présenté un mémoire. Je ne sais pas s'il est trop tard pour le faire, mais si nous pouvons nous engager à vous donner de l'information, ça va nous faire plaisir de vous aider avec ça. Il faut dire que nous avons été invités hier après-midi. Nous avons quand même réussi à vous dresser un portrait de nos enjeux et de nos affaires.
Effectivement, nous sommes ouverts à répondre à vos questions. Ça va nous faire plaisir.
[Traduction]
Merci.
:
Normalement, il y a deux comptes — à moins que cela n'ait changé. Je vous fait part de ce que je crois qu'il existe, et j'en suis presque sûr. Il y a ce qu'on appelle le compte courant et le compte d'épargne. Je crois savoir qu'une fois ou deux par année, les détenus ont le droit de faire un transfert de leur compte d'épargne à leur compte courant pour acheter leurs colis de Noël ou un équipement précis.
Parlons de l'économie souterraine. C'est important de faire des vérifications lors de tels transferts d'argent, moyennant un bon service de renseignement. En effet, il faut s'assurer que ces détenus, qui ont le droit de faire ces transferts de fonds, achètent ce dont ils ont vraiment besoin.
Plus tôt, je vous parlais des postes de confiance en établissement. Qui sont les cantiniers? Le détenu va acheter des choses à la cantine. Il y a là des cantiniers qui ne sont pas des membres du personnel civil; les cantiniers sont des détenus. Quand un détenu veut acheter une boisson gazeuse ou des croustilles, ce n'est pas un membre du personnel qui les lui vend, c'est un autre détenu. Il y a donc un échange qui se fait, mais pas un échange d'argent parce qu'il n'y a pas d'argent. C'est fait par une main, tout est électronique. Il n'en reste pas moins que quelqu'un donne au détenu ce qu'il veut, et qu'il lui faut payer.
Lorsqu'on s'attarde aux emplois de confiance et qu'on regarde tout ça... Je demanderais à votre comité de prendre le temps de se pencher là-dessus, de poser des questions pour savoir qui sont ceux qui occupent ces postes de confiance, qui sont les cantiniers dans un établissement. Par exemple, le nom du cantinier est Joe X. Ce dernier est-il un membre du crime organisé, d'un gang de rue? Est-ce un Hells Angels? Vérifiez cela, vérifiez ces informations. Vous verrez à quel point l'économie souterraine est parfois malheureusement gérée par des gens ayant de mauvaises intentions. À l'extérieur, ils sont des criminels organisés. Croit-on sincèrement qu'une fois à l'intérieur, ils n'essaieront pas de s'organiser aussi? Bien sûr qu'ils vont essayer de le faire.
:
Ce que je voudrais dire, c'est que le nouvel équipement que nous avons reçu, les chiens et les détecteurs, sont de bons outils. Nous en avons besoin. Nous ne dirons pas que ce n'est pas un bon équipement.
Nous permet-il d'être plus performants? Oui. Mais, même si l'on dispose de tous les outils que l'on veut, il y aura toujours des gens qui veulent gagner de l'argent. Ils veulent prendre des drogues. C'est aussi un problème. Ils essaieront toujours de trouver d'autres moyens de s'en procurer et ils le feront de mieux en mieux.
Je mentionnais la clôture. Par exemple, j'ai constaté qu'ils utilisaient à un certain endroit une balle de tennis et une raquette. Ils lançaient la balle de l'autre côté de la clôture. Ils trouvent toujours une autre façon de procéder.
On me dit: « N'oubliez pas, monsieur Mallette, que quelqu'un est supposé fouiller la cour le matin ». Effectivement, quelqu'un est supposé fouiller la cour, mais on n'assigne qu'une seule personne à cette tâche. Croyez-vous que la cour ait les mêmes dimensions que cette salle? Loin de là, elle est immense. Ils savent évidemment que quelqu'un va fouiller la cour et ils essaient de mieux dissimuler la drogue. Nous disons en français
[Français]
le jeu du chat et de la souris.
[Traduction]
qu'on joue au chat et à la souris, en anglais aussi peut-être. La cour est immense.
Mais je ne peux pas dire que les outils ne nous aident pas à trouver la drogue. Ce sont de bons outils.
:
Le mot « engagé » s'applique à un détenu qui purge sa première peine d'emprisonnement. L'un des programmes dont nous parlons toujours en ce qui concerne les premières peines est celui qui vise à trouver un endroit au pays, dans chaque région, où on peut envoyer le délinquant primaire.
Disons, par exemple, que c'est ma première peine d'emprisonnement. J'ai volé une voiture. On me met en prison. Je ne veux plus me livrer à des activités criminelles. Je veux changer. Je veux m'en sortir. Mais, pour le moment, je suis dans un établissement où se trouvent des membres de gangs.
Croyez-vous sérieusement qu'un Hells Angels fier de l'être est également fier de ce qu'il fait à l'extérieur…?
[Français]
Ils nous appellent « les citoyens ».
[Traduction]
Nous payons des impôts pour eux. Nous versons de l'argent à l'État pour eux. Ils mènent une belle vie. Ils n'ont pas d'engagement vis-à-vis de nous. Ils sont compliqués. Et ils vont exercer des pressions sur les nouveaux venus.
Quand on fouille une rangée et qu'ils veulent cacher des broues, de la drogue, ils vont alors demander à un nouveau venu dans la rangée de les dissimuler dans sa cellule.
N'oubliez pas que ce nouveau venu a en face de lui un Hells Angels, un dur. Il sera un peu effrayé et il acceptera de les cacher dans sa cellule.
Devinez ce qui se passe, en fouillant sa cellule, nous y trouvons la drogue. Croyez-vous qu'il va nous dire qu'elle ne lui appartient pas, mais qu'elle appartient au Hells Angels? Non, il aura peur. S'il dénonce le Hells Angels, il devra demander à aller en isolement protecteur.
La situation est compliquée
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On gère tellement de populations différentes. Parfois, certains établissements changent d'orientation en raison du type de populations.
Au cours des années 1990, au Québec, un grand danger nous guettait. Les pénitenciers étaient en train de se colorer. Il y avait le pénitencier Rock Machine et le pénitencier Hells Angels. Les membres des Rock Machine étaient transférés à Cowansville et ceux des Hells Angels allaient à l'institut Leclerc. À Donnacona, il y avait le secteur 119, Rock Machine, et le secteur 240, Hells Angels.
Le détenu qui arrivait, qui n'appartenait ni à un groupe ni à l'autre, ne savait pas où aller. Si on le mettait d'un bord ou de l'autre, on disait qu'il faisait partie de tel ou tel groupe. On a vécu cela, et ça se passe encore.
Le crime n'est pas facile à gérer. Quand la police fait des arrestations à l'extérieur, ces gens ne disparaissent pas. Pour nous, le film ne se termine pas, il commence.
Si la drogue est à la baisse, la violence est-elle à la baisse? On les met tous dans un même endroit. Il faut être prudent. Certains criminels vivent du crime organisé et ils vivent du crime organisé en prison également.
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Merci, monsieur Mallette.
J'ai quelques petites questions. Je sais que M. Norlock est pressé, car il doit sans doute se rendre à un autre comité. Je sais qu'il travaille toujours très fort comme député.
J'ai déjà vu le type d'alcool, ou la gnôle, que les détenus fabriquent en prison. Je dois vous dire que c'est assez bizarre. Ils fabriquent cela dans des gros contenants en plastique qu'ils placent au-dessus des chevrons, et le ketchup littéralement, comme l'a mentionné M. Head, et c'était mauvais. Ils trouvent toujours une façon d'en faire. Ils ajoutent des gros morceaux de fruits pour la fermentation. Ce qui m'étonne, c'est la grosseur. Je comprends qu'on puisse faire entrer en contrebande une petite pilule, un joint, de la cocaïne ou tout autre chose qu'on peut placer à l'intérieur du corps, mais est-ce qu'on réussit à faire entrer beaucoup d'alcool? Je n'ai jamais vu personne boire une bière dans les couloirs d'une prison. On reconnaîtrait la bouteille tout de suite. Est-ce qu'on réussit à faire entrer de l'alcool dans les prisons, ou est-ce surtout la gnôle que les détenus consomment?
Vous avez parlé également de la contrebande du tabac qui s'effectue par l'entremise de la mère, de l'épouse, d'un enfant ou de la grand-mère. Il n'y a pas que la contrebande de la drogue, il y a aussi la contrebande du tabac. Nous avons donc une femme qui fait la contrebande du tabac parce qu'on l'y force. Comme vous n'êtes pas avocat, vous ne pourrez peut-être pas répondre à la question, mais est-ce que quelqu'un peut être puni pour s'être adonné à la contrebande d'une substance légale? Il faut confisquer le produit, mais la personne ne sera pas condamnée, n'est-ce pas? Une personne ne peut être accusée d'avoir remis à quelqu'un du tabac.