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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 004 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 septembre 2011

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous sommes le 29 septembre 2011, et il s'agit de la 4e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    Conformément à l'adoption du rapport du sous-comité, nous commençons aujourd'hui notre étude sur les drogues et l'alcool dans les prisons. La motion indiquait en partie que nous nous pencherions sur la façon dont les drogues et l'alcool entrent dans les prisons et sur les répercussions qu'ils ont sur la réadaptation des détenus, la sécurité des agents de correction et les crimes commis dans les établissements.
    Au cours de la première heure, nous entendrons le témoignage du Service correctionnel du Canada. Le commissaire, M. Don Head, comparaît de nouveau devant nous.
    Avant tout, en tant que président et au nom des membres du comité, les anciens comme les nouveaux, je vous remercie toujours d'accepter de comparaître devant le comité, et parfois malgré un très court préavis. Comme c'est le cas aujourd'hui, nous vous en remercions beaucoup.
    De plus, le commissaire est accompagné du commissaire adjoint, Opérations et programmes correctionnels, M. Chris Price.
    Au cours de la deuxième heure, nous poursuivrons nos discussions sur le même sujet avec un représentant du Syndicat des agents correctionnels du Canada.
    Je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Nous avons hâte de vous entendre. Nous sommes heureux de votre présence.
    Monsieur Head.
    Merci, monsieur le président.
    À titre informatif, si je me fie à ma montre atomique, l'horloge affiche l'heure exacte.
    Monsieur le président, membres du comité, bonjour.
    Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour discuter de ce que fait le Service correctionnel du Canada afin de lutter contre la présence de drogues et d’alcool dans nos pénitenciers fédéraux.
    Permettez-moi d’abord de préciser que la toxicomanie est le facteur criminogène le plus important chez les délinquants sous responsabilité fédérale. Dans le rapport Feuille de route pour une sécurité publique accrue, paru en 2007, on mentionne qu’à l’admission, 80 p. 100 des délinquants ont un grave problème de toxicomanie, et que plus de la moitié indiquent que la consommation de drogues ou d’alcool est un des facteurs qui les ont incités à commettre l’infraction. Ces données sont constantes depuis plusieurs années.
    La consommation de drogues et d’alcool constitue une grave menace à la sécurité de nos employés et des délinquants eux-mêmes. On sait qu’au Canada et à l’étranger, la plupart des actes de violence commis dans les établissements ont un lien direct avec la drogue. Les cas de violence déstabilisent nos établissements et représentent un risque pour la sécurité de mes employés, qui font un excellent travail. Cette instabilité limite aussi notre capacité de gérer la population carcérale, qui est complexe et diversifiée, ce qui limite ensuite notre capacité de bien préparer les délinquants à retourner dans la société en tant que citoyens productifs et respectueux des lois.
    Il y a aussi de graves conséquences pour la santé publique, liées à la dépendance aux drogues injectables. Les données dont nous disposons révèlent qu’un délinquant de sexe masculin sur cinq s’est déjà injecté de la drogue. La moitié d’entre eux disent s’en être injecté au cours de l’année qui a précédé leur incarcération. Chez les consommateurs de drogues injectables, l’incidence de maladies transmissibles par le sang, comme l’hépatite et le VIH, est beaucoup plus élevée que dans la population en général. En fait, nous intervenons auprès d’une des couches de la société canadienne pour lesquelles la dépendance est la plus forte, comme en témoigne ce qu’ils sont prêts à faire, et les crimes qu’ils commettent, pour obtenir et consommer de la drogue.
    Cette dépendance ne disparaît pas comme par magie à l’entrée du pénitencier. Pendant leur incarcération, les délinquants toxicomanes font l’impossible pour obtenir toute substance illicite qui pourrait nourrir leur dépendance. Ce sont les enjeux auxquels est confronté tous les jours le personnel correctionnel de nos établissements, partout au Canada, et, en fait, partout dans le monde. Et ce sont les enjeux qui me préoccupent en tant que commissaire de notre organisme correctionnel fédéral.
    Afin de mieux comprendre la toxicomanie chez les délinquants et d’élaborer des façons d’intervenir à cet égard, le Service correctionnel du Canada a mis en oeuvre une stratégie ciblée et fondée sur des données probantes pour les cas de dépendance. Elle prévoit notamment une collaboration avec d’autres administrations et la mise en commun de renseignements et de pratiques exemplaires pour apprendre comment d’autres pays détectent la drogue et dissuadent les délinquants d’en consommer. Nos employés s’efforcent d’aider le SCC à mieux comprendre la dynamique de la toxicomanie chez les délinquants, ce qui contribue à l’élaboration de programmes efficaces et à l’ensemble des efforts que nous déployons pour éliminer la drogue de nos pénitenciers fédéraux.
    Monsieur le président, je vise une amélioration constante de la situation et l’obtention des meilleurs résultats possible pour les Canadiens en matière de sécurité publique. Pour cette raison, à partir de 2007, notre organisme s’est inspiré des recommandations énoncées dans le rapport auquel j’ai fait référence précédemment et a entrepris de transformer en profondeur nos opérations. Ce programme de transformation comportait une série d’initiatives destinées à lutter contre le problème lié à la présence de drogues dans nos établissements. Le travail accompli a permis de compléter et d’améliorer la stratégie antidrogue déjà en place. Cette stratégie vise principalement à détecter la drogue et à dissuader les personnes qui veulent l’introduire dans les établissements, et à reconnaître et traiter les problèmes de toxicomanie chez les délinquants sous responsabilité fédérale.
    Le 29 août 2008, le ministre de la Sécurité publique a annoncé l’octroi de 122 millions de dollars sur cinq ans pour aider à éliminer les drogues dans les établissements fédéraux. Ces fonds serviront à mettre en place une approche plus rigoureuse pour lutter contre la présence de drogues afin de créer un milieu sûr et sécuritaire où le personnel et les délinquants peuvent se concentrer sur la réadaptation.
    Les fonds servent à augmenter le nombre d’équipes canines de détection de drogues, ce qui représente plus de 100 équipes au Canada d’ici la fin de l’exercice; à améliorer la capacité des activités de renseignement de sécurité aussi bien dans les établissements que dans la collectivité; à améliorer la surveillance du périmètre grâce à une meilleure utilisation de la technologie; et à renforcer les politiques de fouille afin d’empêcher l’introduction de drogues dans les établissements.
(1105)
    En plus des mesures prises dans le cadre du programme de transformation, le SCC a récemment mis en place un certain nombre d’autres initiatives destinées à réduire la violence et la présence de drogues illicites dans ses établissements. Entre autres, on procède à des fouilles plus rigoureuses des cellules, des bâtiments et des terrains ainsi qu’à des fouilles des délinquants. Nous nous servons aussi de technologies de pointe comme l’imagerie thermique et les appareils infrarouges pour détecter la présence d’intrus le long de nos clôtures périmétriques. Nous améliorons nos pratiques de sécurité active et la capacité de notre renseignement de sécurité pour mieux surveiller et interpréter les activités des délinquants.
    Nous avons également amélioré nos outils pour effectuer des fouilles. Tous les visiteurs qui entrent dans un établissement sont désormais fouillés à l’aide d’un détecteur de métal et d’un détecteur ionique. Et comme je l’ai mentionné précédemment, nous avons plus souvent recours aux services de chiens détecteurs de drogue.
    J’aimerais aussi mentionner que les échantillons d’urine sont un moyen important de dissuader les délinquants de consommer de la drogue et de dépister ceux qui en prennent. Au cours des 10 dernières années, nous avons constaté une baisse encourageante du pourcentage de tests positifs et une diminution importante du taux de délinquants qui refusent de fournir un échantillon. Les baisses les plus marquées à ces deux chapitres ont été observées dans nos établissements à sécurité maximale. Les statistiques nous montrent également une diminution du nombre de délinquants décédés des suites d’une surdose, et une augmentation du nombre de saisies de drogues.
    Cela veut donc dire que nos efforts de lutte et le travail qu'accomplissent les membres de mon personnel chaque jour partout au pays portent fruit. Mais je le répète, nous allons toujours trouver des moyens d’améliorer nos résultats correctionnels, afin que les Canadiens de partout au pays puissent vivre dans des collectivités plus sûres.
    Il nous faut non seulement nous attaquer à l’offre de drogues, mais aussi à la demande. À cette fin, le Service correctionnel du Canada offre toute une gamme de programmes accrédités pour traiter la toxicomanie. Plus le problème du délinquant est grave, plus le degré d’intervention est élevé. Il existe par ailleurs des programmes conçus spécialement pour les délinquantes et d’autres pour les délinquants autochtones.
    Il n’est pas exagéré d’affirmer que le SCC est reconnu comme un chef de file mondial en matière d’élaboration et de prestation de programmes efficaces pour traiter la toxicomanie. En fait, de nombreux pays se servent de nos programmes pour aider les délinquants à cesser de consommer de la drogue et à en rester éloignés. C’est le cas notamment du Royaume-Uni, de la Norvège et de la Suède.
    En participant à des programmes de traitement de la toxicomanie et d’assistance postpénale, les délinquants apprennent à maîtriser leurs habitudes de consommation. Notre but ultime est de réduire la récidive et de nous assurer de collectivités sûres pour l’ensemble des Canadiens. Nous savons que les délinquants qui participent aux programmes de traitement de la toxicomanie sont 45 p. 100 moins susceptibles d’être réincarcérés à la suite d’une nouvelle infraction, et 63 p. 100 moins susceptibles d’être réincarcérés à la suite d’une nouvelle infraction avec violence.
    Monsieur le président, je sais que certaines questions intéressent tout particulièrement le comité, et je vais en parler brièvement, après quoi je vous inviterai à me poser des questions.
    Je crois vous avoir déjà démontré le lien qui existe entre la toxicomanie et la criminalité dans les établissements, de même que les répercussions de la toxicomanie sur la sécurité du personnel. La drogue et l’alcool alimentent les comportements criminels, notamment les bagarres, les menaces, l’intimidation et la violence grave. Et la violence, qu’elle soit commise envers le personnel ou entre délinquants, est incompatible avec la création de milieux sûrs. Elle n’est pas non plus propice à la réinsertion sociale en toute sécurité des délinquants.
    Tolérer des comportements criminels dans nos établissements est clairement inefficace pour la réadaptation des délinquants. L’instabilité susceptible de régner dans nos établissements nuit également à notre capacité d’offrir des programmes sans interruption. En réalité, nos programmes de réadaptation ne connaîtront pas de succès si nous ne réussissons pas à éloigner de la drogue les délinquants dont la criminalité est le résultat d’un problème de toxicomanie.
    Enfin, concernant la façon dont la drogue est introduite dans nos établissements, sachez que nous avons découvert au fil des ans que les façons de la dissimuler sont nombreuses: ce peut être dans des paquets qui sont lancés par-dessus les clôtures, à l’intérieur de cavités corporelles ou de couches, même. C’est pourquoi il est capital pour l’organisation de maintenir une capacité de sécurité et de renseignement solide, et de s’assurer d’une sécurité physique et de fouilles rigoureuses.
    Le SCC a aussi mis en oeuvre une campagne de sensibilisation pour faire connaître au grand public les dangers et les conséquences auxquels s’exposent les personnes qui font entrer de la drogue dans les établissements. Une vidéo, intitulée, Pensez-y bien! Pour un milieu carcéral sans drogue, explique clairement ces conséquences.
(1110)
    Nous avons en outre instauré une ligne nationale sans frais pour permettre de dénoncer des activités qu’une personne soupçonnerait d’être liées à la drogue.
    Des établissements sûrs et exempts de drogues sont indispensables à l’amélioration de la sécurité publique et contribuent à la réussite de la réinsertion sociale des délinquants. La présence de drogues dans les établissements entraîne de la violence et empêche les détenus de quitter leur cellule, et donc de participer aux programmes de leur plan correctionnel.
    Nous devons reconnaître que la lutte contre la drogue nous demandera toujours des efforts, mais lorsque j’examine les mesures que le Service correctionnel du Canada et mon personnel ont mises en place jusqu’à maintenant, je peux affirmer que j’en suis fier. Notre objectif commun est de nous assurer de collectivités sûres pour tous les Canadiens et pour cela, il faut que nous aidions les délinquants à acquérir les compétences nécessaires pour vivre sobrement et devenir des citoyens productifs et respectueux des lois.
    Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me les poser. Merci.
    Merci beaucoup, monsieur le commissaire.
    Nous passons au premier tour.
    Madame Hoeppner, vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Head et monsieur Price, je vous remercie de votre présence.
    Je me demande si vous pouvez tout d'abord nous dire ce qui se passe lorsqu'un nouveau détenu arrive dans un établissement. Vous devez savoir si le crime qu'il a commis est lié aux drogues et à l'alcool. Avez-vous une façon de déterminer si le détenu a toujours un problème de dépendance, ou vous le placez avec la population carcérale générale pour ensuite vous en rendre compte par le comportement qu'il a? J'aimerais savoir quelle est la marche à suivre lorsqu'un nouveau détenu arrive.
    Je vous remercie de la question.
    Lorsqu'un nouveau détenu arrive dans l'un de nos pénitenciers fédéraux, il passe par ce que nous appelons un processus d'évaluation initiale. Durant les 90 premiers jours de sa détention, nous procédons à différentes évaluations; entre autres, nous examinons les documents de la Cour qui indiquent le crime pour lequel le détenu a été condamné. Nous examinons les raisons qui ont motivé le juge à le condamner et les facteurs qui ont été pris en compte au moment de la détermination de la peine. Par la suite, nous soumettons le détenu à une série d'évaluations où l'on examine ses antécédents sociaux et les différents facteurs de risques qui contribuent à la criminalité. Cela comprend le recours à plusieurs outils pour déterminer si une personne a une dépendance.
    Au cours de cette période, ces renseignements sont intégrés dans ce que nous appelons un plan correctionnel, qui devient un plan que le détenu suit au cours de sa période d'incarcération. Par exemple, si nous avons déterminé qu'une personne a un problème d'abus de drogues ou d'alcool, son plan comprendrait sa participation à l'un de nos divers programmes de traitement de la toxicomanie qui sont offerts par l'établissement.
    Nous offrons divers programmes de traitement de la toxicomanie selon l'intensité — intensité élevée et intensité modérée. Nous avons un programme conçu pour les délinquantes et un autre pour les délinquants autochtones. Nous avons un programme prélibératoire auquel les délinquants participent avant de retourner dans la collectivité sous notre supervision. Nous offrons également un programme communautaire de maintien des acquis auquel les détenus participent une fois qu'ils sont réintégrés dans la collectivité sous notre supervision.
    Nous suivons ce processus intensif qui consiste à évaluer les détenus, à élaborer le plan correctionnel et à définir les attentes pour ce qui est du type de programmes ou d'interventions dont ils ont besoin pendant leur détention.
(1115)
    Qu’en est-il de l’évaluation des risques que les détenus s’adonnent au trafic de stupéfiants ou en fassent entrer en douce, parce qu’ils sont peut-être accros ou qu’ils ont peut-être l’intention d’en faire une carrière? Ensuite, comment traitez-vous un toxicomane? Attendez-vous qu’il commette un délit, ou prenez-vous des mesures préventives avant qu’il ne fasse entrer en douce des stupéfiants ou qu’il ne demande à quelqu’un de le faire?
    C’est une bonne question.
    Dans le cadre de notre évaluation, si nous constatons que le détenu a déjà eu des problèmes de toxicomanie, nous en prenons note et nous plaçons le détenu sur une liste d’attente pour qu’il participe aux programmes.
    Nous sommes en train de revoir l'exécution de nos programmes au Canada. Nous menons un projet pilote dans l’Ouest, en Colombie-Britannique, et un autre dans l’Est, dans les provinces atlantiques. Nous y orientons en fait les délinquants dans les 45 jours suivant le début de leur incarcération vers les phases préliminaires des programmes pour leur permettre de commencer à y participer. Cette étape mettra la table pour les programmes plus intensifs, comme le programme de traitement de la toxicomanie d’intensité élevée.
    Si un détenu a déjà été impliqué, par exemple, dans le trafic de stupéfiants dans la collectivité, les gens du renseignement de sécurité nous le signalent, et nous surveillerons étroitement ses agissements. Si nous avons des raisons de croire qu’il essaye de poursuivre ses activités à l’intérieur de nos murs, nous mettrons en place divers moyens pour l’avoir à l’oeil, dont l’écoute des appels et de plus amples méthodes de fouille.
    Nous en tenons donc compte. Si une personne est reconnue coupable peu importe le délit , nous savons si elle a déjà fait ou non le trafic de stupéfiants dans nos rues. Nous tenons compte des antécédents.
    Croyez-vous avoir les mesures législatives nécessaires pour mener vos enquêtes et surveiller efficacement vos détenus? Selon vous, que pourrions-nous faire pour donner plus de latitude à votre personnel et l'aider à se protéger, à protéger les autres détenus et, bien entendu, le détenu en question?
    C’est une très bonne question.
     Les dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition nous disent quand et comment nous pouvons, par exemple, nous servir de l’équipement de surveillance pour intercepter des communications. Généralement, la loi répond à nos besoins. Il arrive parfois que ce soit un peu plus difficile. Certains diraient que nous pourrions en faire davantage, si la loi était plus souple, mais je comprends, en même temps, pourquoi la loi est ainsi rédigée.
    Je dois dire que l’un des éléments que je suis heureux de voir dans le projet de loi C-10, c’est l’ajout d’une peine, dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, pour les gens qui font du trafic à l’intérieur d’une prison. Nous attendions cette mesure depuis longtemps.
    Dans la présente loi, l’un des problèmes que nous avons, c’est que la quantité de stupéfiants qui est introduite dans les établissements est différente de la quantité que les agents des services frontaliers saisissent, comme vous pouvez vous en douter. Les policiers et les procureurs locaux ont parfois conscience de la gravité de la petite quantité de drogue qui est introduite dans nos établissements, mais ils voient aussi l’ampleur du travail qui les attend et ne sont pas nécessairement aussi désireux de s’attaquer au problème. Par contre, cet ajout sensibilisera davantage au grave problème du trafic dans les établissements carcéraux fédéraux et provinciaux. Je suis donc content de retrouver cet ajout dans le projet de loi C-10.
(1120)
    Parfait.
    Merci beaucoup, monsieur Head.
    Passons maintenant à l’opposition. Vous avez la parole, monsieur Sandhu.
    Merci, monsieur le président.
    Merci au commissaire et au commissaire adjoint d’être ici aujourd’hui.
    Selon moi, toute stratégie pour prévenir la toxicomanie en milieu carcéral doit mettre l’accent sur la dissuasion et la réadaptation. Je suis donc heureux de savoir que nous adoptons une approche équilibrée.
    Je constate que nous y avons affecté 122 millions de dollars sur cinq ans. Ce montant sert-il exclusivement à la dissuasion et à la réadaptation?
    Ensuite, quels sont les résultats depuis 2008? Aviez-vous des données avant 2008, et quels sont les résultats depuis 2008?
    Oui, merci. C’est une très bonne question.
    Selon nous, il y a deux ou trois indicateurs positifs.
    Comme je l’ai mentionné au début de mon exposé, nous avons constaté une diminution du nombre d’analyses d’urine positives. Lorsque nous avons fait passer au hasard des analyses d’urine aux détenus, nous avons constaté un pourcentage moins élevé d'analyses positives. Nous en déduisons qu’il y a encore des stupéfiants dans nos établissements, ce qui est un problème pour nous, mais que, dans l’ensemble, nous voyons une diminution.
    Nous avons également constaté une augmentation du nombre de saisies de stupéfiants à l’entrée et dans les établissements. On pourrait voir cette augmentation de diverses manières. Selon moi, chaque saisie est positive, parce que cela signifie que les stupéfiants ne se rendent pas aux détenus qui pourraient blesser mon personnel, se blesser eux-mêmes et même blesser d’autres détenus. L’année dernière, nous avons réalisé 1 700 saisies de stupéfiants dans les établissements, et c’est une importante collecte, selon nous.
    Il y a un autre indicateur, même s’il n’est pas nécessairement aussi scientifique que certains autres. Nous savons que parfois, lorsque l’approvisionnement en stupéfiants vers les établissements est coupé, les détenus se tourneront vers d’autres substances intoxicantes. Ils essayeront généralement de préparer une broue, soit de l’alcool artisanal, dans les établissements. On peut en faire de façon artisanale à partir de divers produits de la vie quotidienne. Les pires broues que j’ai vues étaient concoctées à partir de petits sachets de ketchup qu’on retrouve au McDonald’s. L’alcool n’a pas très bon goût et pue horriblement, mais on obtient une broue.
    Selon nous, la réduction du nombre de saisies de stupéfiants et l’augmentation du nombre de saisies de broues sont des indicateurs partiels que nos efforts pour intercepter les stupéfiants portent leurs fruits et que nous sommes sur la bonne voie. Ces données nous indiquent que nous réduisons l’approvisionnement en stupéfiants des établissements. Toutefois, nous avons encore beaucoup de défis devant nous.
    Nous investissons temps et énergie pour bloquer l’approvisionnement en stupéfiants à un endroit, mais les gens font preuve d’imagination pour introduire des stupéfiants dans les établissements. Comme je l’ai brièvement mentionné dans mes commentaires, des intrus s’approchent du périmètre des établissements et lancent la drogue par-dessus la clôture à l’aide d’un arc. Ils se positionnent à 150 mètres du périmètre et lancent des flèches dans la cour. La drogue se trouve dans le fût de la flèche ou elle y est attachée. Mon personnel doit ensuite fouiller la cour pour les trouver.
    Des gens trouvent des utilisations novatrices aux balles de tennis. Ils les ouvrent et les remplissent de stupéfiants. Je sais que je vais trahir mon âge, mais une personne de la trempe de Bjorn Borg pourrait réussir à frapper les balles assez loin. On en retrouve parfois à l’intérieur des clôtures.
    On nous a rapporté des cas où des personnes ont pris des oiseaux morts, les ont vidés et les ont remplis de stupéfiants. Nous croyons qu’elles les ont ensuite lancés dans la cour avec une sorte de lance-pierre.
    Encore une fois, mon personnel est très minutieux. Il accomplit un excellent travail pour chercher et trouver la drogue, mais de temps en temps, de la drogue est introduite dans les établissements. Il nous arrive de surprendre des détenus en train de consommer des stupéfiants ou d’intervenir dans le cas d’une surdose et de sauver la vie d’un détenu trop idiot pour ne pas prendre de drogue.
(1125)
    Je suis tout à fait d’accord avec vous que les prisonniers trouveront des moyens intéressants d’introduire des stupéfiants dans le milieu carcéral. J’aimerais savoir si vous avez des données qui démontrent que la quantité de stupéfiants dans les prisons est moins importante depuis que les programmes de dissuasion sont en place.
    C’est une bonne question.
    Comme je l’ai mentionné, les indicateurs que nous avons pour l’instant sont la diminution du nombre d’analyses d’urine positives, que nous considérons comme un indicateur, et l’augmentation du nombre de saisies à l’entrée. Étant donné que nous ne savons pas la quantité de stupéfiants qui se trouvait dans les établissements auparavant, nous ne pouvons pas confirmer qu’il y a une diminution. Nous pouvons, par contre, souligner le travail du personnel en ce qui concerne les saisies. N’empêche que nous considérons les résultats des analyses d’urine comme étant une indication qu’il y a moins de stupéfiants à l’intérieur des établissements ou que les détenus ont accès à moins de stupéfiants.
    Êtes-vous d’accord pour dire que les détenus trouvent des moyens novateurs pour faire entrer des stupéfiants dans les établissements, même avec tous les programmes de dissuasion en place?
    Ils trouvent des moyens de le faire, et nous trouvons de nouvelles façons de les en empêcher. Nous continuerons de le faire.
    Par exemple, là où des personnes ont trouvé le moyen de se faufiler sur le périmètre d’un établissement, nous avons expérimenté l’imagerie thermique et l’imagerie infrarouge pour détecter les intrus qui se trouvent sur le périmètre des établissements concernés. Selon nous, il s’agit de bons outils; ils fonctionnent. Ils nous permettent de détecter la présence d’intrus avant qu’ils ne soient assez proches pour lancer de la drogue dans l’enceinte de la prison.
    Nous continuons de collaborer avec nos partenaires étrangers pour essayer de trouver de nouvelles approches et de nouvelles techniques.
    Merci, monsieur Head.
    Monsieur Norlock.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d’être venus témoigner encore une fois. Que serait une session parlementaire au sein du Comité de la sécurité publique sans la visite de nos amis de Service correctionnel Canada?
    Monsieur Head, vous savez d’où je viens. J’habite dans le village de Warkworth, là où se trouve en fait le plus grand établissement correctionnel fédéral. Du moins, c’est le plus grand pour l’instant. Il s’agit d’un établissement à sécurité moyenne, et la situation a évolué depuis les 15 ou 20 dernières années. L’environnement de travail y est beaucoup plus dangereux pour les hommes et les femmes qui protègent notre société, nos détenus et qui se protègent eux-mêmes.
    Je vous remercie d’avoir mentionné dans votre exposé que nous examinons ce qui se fait ailleurs, comme au Royaume-Uni, en Norvège et en Suède. Il n’y a pas si longtemps, notre comité a visité le Royaume-Uni et la Norvège, et nous avons aussi visité de nombreuses prisons canadiennes dans le cadre de notre étude sur la santé mentale et la toxicomanie dans le système correctionnel fédéral. Les Canadiens voient la Norvège comme une société très avancée. Il s’agit d’une société différente. On peut effectuer des comparaisons, mais c’est différent. J’ai été surpris et fier d’apprendre qu’environ 60 p. 100 des programmes norvégiens ont été empruntés au Canada.
    Je comprends qu’il faut toujours trouver de meilleures méthodes, mais n’empêche que le reste du monde considère notre système correctionnel comme l’un des meilleurs. Je tiens à vous remercier, vous et votre personnel, de votre excellent travail.
    Lorsque nous abordons la question de la toxicomanie, nous semblons souvent oublier certains éléments, dont le tabagisme. Ai-je raison de croire que les cigarettes sont encore la monnaie d’échange de prédilection dans notre système correctionnel?
(1130)
    Oui, c’est une bonne question. Merci de vos commentaires sur l’excellent travail de mon équipe. J’en suis très fier.
    J’aimerais brièvement soulever un point. Nous venons tout juste de rencontrer un comité parlementaire norvégien. Les membres sont venus nous rencontrer pour en apprendre sur ce que nous faisons. C’est gratifiant.
    En ce qui concerne le tabac, étant donné que ce produit est maintenant interdit dans les établissements fédéraux, sa valeur y a donc considérablement augmenté. Le tabac est une importante monnaie d’échange pour les détenus. Des membres du personnel se font offrir de l’argent pour faire entrer du tabac. Selon nous, l’introduction de produits interdits nous place sur une pente savonneuse.
    Nous constatons que des membres du personnel, des membres de la famille ou d’autres personnes se font offrir de 200 à 2 000 $ pour faire entrer un sac de tabac. Le tabac n’est pas une substance illégale en soi; ce n’est tout simplement pas autorisé. Les gens se font donc offrir de l’argent. Ils se disent qu’ils ne recevront qu’une tape sur les doigts dans le pire des cas. C’est seulement un peu d’argent. Qui s’apercevra de la différence?
    Malheureusement, pour nous, cette situation nous place sur une pente savonneuse. Les gens deviennent accros, en raison de la présence de tabac dans les établissements. Bientôt, dans le sac de tabac, on trouvera deux ou trois comprimés ou quelques fioles d’huile de cannabis. Il ne faut pas s’inquiéter; ce n’est qu’un sac de tabac et qu’un sachet de drogue. Ensuite, nous sommes très vite témoins de scènes de violence dans les établissements.
    Oui. De plus, comme vous l’avez mentionné, votre personnel est concerné, même si je suis d’accord pour dire que c’est un problème mineur. Par contre, du point de vue du Canadien moyen, nous nous attendons toujours — qu’il s’agisse de policiers, d’agents de correction ou d’agents des services frontaliers — à ce que le comportement criminel s’exacerbe dans de tels cas.
    L’un des éléments que j’ai été surpris d’apprendre — et on pourrait présumer que si un détenu revenait en prison après avoir eu une permission, parce que nous savons que cette pratique fait partie de la réinsertion sociale... Je ne crois pas vous surprendre en vous disant que je connais des agents de correction. Je croyais que si un agent soupçonnait qu’un détenu faisait entrer de la drogue... J’inclus évidemment les visites conjugales, parce que nous savons que c’était, et je crois que c’est toujours le cas — corrigez-moi si j’ai tort — le moyen le plus utilisé pour introduire des stupéfiants ou du tabac dans nos prisons. En passant, je considère le tabac comme une drogue, parce qu’il contient de la nicotine.
    J’aimerais que vous me confirmiez un élément, à l’intention des gens à la maison — j’aime toujours le mentionner. On ne peut pas tout bonnement procéder à un examen des cavités corporelles. Il faut, en fait, obtenir le consentement du détenu, et c’est un médecin ou un praticien qui effectue l’examen. Est-ce exact?
(1135)
    Oui. Seul un médecin peut procéder à un examen des cavités corporelles, et le tout se fait selon un processus très strict.
    J'insiste pour dire que cela se fait sur une base volontaire, même si vous soupçonnez quelque chose. Le prisonnier doit accepter de s'y soumettre.
    Oui. Comme vous pouvez l'imaginer, c'est évidemment une technique de fouille très indiscrète.
    Oui, c'est une technique très indiscrète, mais si on extrapole un peu, on peut penser qu'un autre détenu pourrait en décéder, parce que les drogues en question sont loin d'être des friandises. Ne croyez-vous pas qu'en présence de motifs raisonnables et probables, il devrait y avoir un moyen de procéder à un tel examen? Qu'il soit effectué par une infirmière ou quelqu'un d'autre.
    Très rapidement, je vous prie.
    Il y a plusieurs choses que nous pouvons faire si le prisonnier refuse de s'y soumettre. Nous pouvons notamment le placer en cellule « sèche », où sont recueillies toutes ses substances corporelles. Ce n'est pas une tâche agréable pour notre personnel, mais c'est une option.
    Merci beaucoup.
    La parole est à M. Scarpaleggia.
    Merci, monsieur le président.
    C'est une discussion fascinante.
    Ma question touche pratiquement au but de notre étude, car vous semblez très bien maîtriser la situation, monsieur Head. Vous avez adopté de nouvelles mesures pour remédier au problème des drogues qui sont larguées dans la cour des pénitenciers. Vous pouvez faire passer des tests d'urine. Vous êtes satisfait de voir que le projet de loi C-10 prévoit des sanctions pour les trafiquants de drogues à l'intérieur des pénitenciers.
    Voici donc la question que j'ai pour vous: Qu'est-ce que le gouvernement peut faire de plus pour faire disparaître les drogues des pénitenciers?
     Je crois qu'il faut surtout insister sur la responsabilisation du délinquant, parce que si des détenus échouent aux tests de dépistage de drogues, c'est que nous n'avons pas bien fait notre travail. Si quelqu'un réussit à faire passer un comprimé de l'autre côté de la grille d'entrée et que quelqu'un en meurt ou est blessé gravement, le problème n'est toujours pas réglé.
    Qu'entendez-vous par « responsabilisation du délinquant »?
    Il faut qu'il y ait des conséquences pour les détenus qui échouent un test de dépistage. Les sanctions que nous pouvons appliquer, en vertu notamment de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, ont été établies en 1992, et ne sont pas nécessairement suffisantes pour gérer certains des comportements avec lesquels nous sommes aux prises.
    Je pense que le projet de loi C-10 est un bon projet de loi. J'ai très hâte qu'il soit adopté. Mais pour ce qui est des infractions moins graves qui ne sont pas nécessairement assujetties au code criminel, et que l'on doit traitées avec nos propres mesures disciplinaires internes...
     Je croyais vous avoir entendu dire tout à l'heure que la loi était suffisante. Quelqu'un vous a demandé si la loi vous donnait les outils nécessaires, la loi sur le système correctionnel, j'oublie le titre exact.
    J'ai indiqué que la loi répondait généralement à nos besoins. Il y a des erreurs... Par exemple, un député m'a posé une question sur les fouilles et les examens des cavités corporelles. Je croyais que la question irait dans un autre sens, car nous avons eu quelques difficultés à l'égard des fouilles à nu des détenus qui sont transférés dans un établissement à sécurité inférieure ou supérieure. Il faut modifier la réglementation de façon à permettre très clairement à mon personnel...
    Mais le véritable problème, c'est que les drogues ont déjà été introduites dans l'établissement pour que les détenus aient pu mettre la main dessus. On parle de personnes ayant une dépendance, que ce soit au tabac ou à une autre substance, alors la solution devrait plutôt être dirigée vers la responsabilisation des toxicomanes. Il n'est pas question de la façon dont les drogues ont été introduites dans l'établissement au départ.
    Avez-vous des données, par exemple, sur le pourcentage de détenus qui ont accès à des drogues? Je pense que des statistiques ont déjà été publiées à ce sujet. Je crois me rappeler qu'il s'agissait de 12 ou de 11,5 p. 100. Je ne me souviens pas exactement à quoi se rapportait ces chiffres. Pouvez-vous nous en dire plus?
(1140)
    Je crois que vous faites référence aux résultats positifs des analyses d'urine.
    Nous sommes donc passés de 12 p. 100 à 11,5 p. 100 de résultats positifs?
    Non. Les statistiques précédentes indiquaient un taux de 11 ou de 12 p. 100 de résultats positifs. Nous sommes aujourd'hui à quelque 7,5 p. 100.
    C'est donc dire que moins de drogues sont introduites dans les pénitenciers.
    Pour nous, cela indique que moins de détenus échouent aux tests de dépistage, mais environ 7,5 p. 100 de la population carcérale échouent encore aux analyses lorsque nous effectuons un échantillonnage aléatoire. À mon avis, les risques sont encore importants.
    Donc, nous sommes encore à 7 p. 100. Cela n'a pas bougé.
    Les taux sont passés de 11 ou de 12 p. 100 à 7,5 p. 100. J'estime que c'est un pas dans la bonne direction. Mais mon objectif est d'arriver à zéro. Certains diront peut-être que je suis trop optimiste, mais franchement, compte tenu du milieu dans lequel je travaille, je ne peux pas me contenter de moins.
    Savez-vous comment sont introduites les drogues, autrement que par-dessus les clôtures?
    Elles sont passées par les visiteurs, les proches, les entrepreneurs. Comme je l'ai mentionné, notre personnel est très peu nombreux. Nous venons tout juste de licencier 12 employés cette année.
    À quel niveau travaillaient-ils? Quel type de personnel était-ce?
    Il y avait des travailleurs des services alimentaires, des psychologues et des agents correctionnels.
    Vous avez parlé des plans correctionnels, très importants pour les détenus qui souhaitent demander une libération conditionnelle, entre autres choses. Ils doivent tous avoir rempli un plan correctionnel, n'est-ce pas?
    Oui, tous les détenus doivent avoir un plan correctionnel.
    J'ai entendu dire qu'il y avait des listes d'attente pour obtenir un plan correctionnel. Des détenus qui veulent en avoir un ne peuvent pas, parce qu'ils doivent attendre. Peut-être qu'il manque de personnel pour établir les plans correctionnels. Qu'est-ce qui cause cette congestion?
    C'est une très bonne question.
    Nous avons dû gérer de longues listes d'attente pour l'admission aux programmes. Comme je l'ai indiqué brièvement, la nouvelle approche adoptée pour la prestation des programmes (le projet pilote de programme correctionnel intégré que nous menons dans la région du Pacifique et dans la région de l'Atlantique) permet aux détenus d'entamer un programme dans les 45 jours suivant le début de leur sentence, au lieu de 150 à 250 jours après. Nous savons que cela pose problème.
    Il n'y a donc pas de contraintes de personnel. Il suffit de revoir le programme pour leur permettre de commencer plus tôt.
    Revoir le programme nous permettra de régler une partie du problème, mais nous avons aussi des contraintes de personnel. Nous avons obtenu des ressources au cours des dernières années pour accroître nos capacités, c'est-à-dire embaucher plus d'agents d'exécution de programme. Il est certain que nous avons toujours besoin de plus de personnel pour offrir plus de programmes, mais nous sommes sur la bonne voie.
    Merci beaucoup.
    Nous entamons maintenant notre deuxième tour de questions. Vous disposerez de cinq minutes. Monsieur Garrison et monsieur Rathgeber.
    Merci, monsieur le président.
    De notre côté, nous sommes heureux de pouvoir discuter de la présence de drogues dans les prisons. Nous convenons qu'il s'agit d'une question de sécurité publique, car si on ne traite pas les toxicomanes pendant leur séjour en prison, ils vont bien sûr traîner ce problème avec eux quand ils seront de retour dans la collectivité.
    J'aimerais remercier le commissaire pour son exposé, qui a mis l'accent sur les deux volets de cet enjeu: l'offre et la demande de drogue en prison. J'aimerais qu'on se concentre sur la demande.
    Dans votre exposé, vous avez indiqué avoir reçu 122 millions de dollars supplémentaires en 2008 pour éliminer les drogues dans les établissements. Avez-vous obtenu une hausse semblable dans votre budget pour investir davantage dans les programmes visant à éliminer la demande?
     Oui, c'est une très bonne question. Merci.
    Notre budget voué aux programmes a connu une augmentation constante au cours des dernières années. Grâce aux investissements stratégiques faits il y a quelques années, nous avons notamment reçu quelque 47 millions de dollars pour mettre en place de nouveaux programmes dans les établissements carcéraux, dont un programme communautaire de maintien des acquis, des programmes de prévention de la violence et des programmes s'adressant spécifiquement aux contrevenants autochtones. De plus, le financement de nos programmes est passé de 130 millions de dollars il y a deux ans, à 154 millions de dollars pour l'année financière en cours. Il s'agit donc d'une augmentation de 24 millions pour les programmes. Cela nous permet d'embaucher plus de personnel pour offrir ces programmes aux détenus, qui en ont grandement besoin.
(1145)
    Est-ce que cette augmentation permet simplement de suivre la hausse de la population carcérale, ou s'agit-il d'une réelle augmentation des dollars accordés par personne dans les établissements?
    Oui, c'est difficile. Cela ne nous permet pas nécessairement de suivre l'évolution de la demande. Nous devons faire des choix et décider à quoi nous voulons consacrer notre temps et nos efforts.
    Les hausses qui nous ont été accordées au cours des dernières années nous ont été d'une grande aide, parce que pendant plusieurs années le financement de nos programmes était en fait en déclin. Cela nous a donc permis de rétablir une certaine stabilité, mais nous devons... Si nous revoyons la structure de nos programmes, c'est en partie parce que nous voulons avoir la latitude nécessaire pour engager rapidement dans les programmes le plus de contrevenants possible.
    Je dois avouer que je suis déçu d'apprendre que l'augmentation accordée pour remédier au problème de la demande ne rejoint pas celle vouée à interdire la présence de drogues. Nous avons de très bonnes statistiques. Et je tiens à souligner que notre système prévoit de bons programmes d'aide aux toxicomanes. Il y a 45 p. 100 moins de risque de récidive chez les détenus qui les ont suivis, et 65 p. 100 moins de risque d'une nouvelle infraction violente.
    Vous avez parlé des listes d'attente pour accéder à ces programmes dans votre exposé. Pouvez-vous me donner une idée du temps d'attente actuel pour les programmes de traitement de la toxicomanie?
    Oui. Encore là, c'est une bonne question.
    Nous avons réduit les temps d'attente d'environ 50 p. 100 en deux ou trois ans, et c'est principalement grâce aux fonds injectés. Je dois préciser que l'investissement de 122 millions de dollars pour les efforts d'interdiction s'échelonnait sur cinq ans. Ce n'était pas 122 millions par année. L'augmentation du budget des programmes de 24 millions de dollars est une hausse annuelle. Je pense donc que les deux volets arrivent probablement à parité.
    Nous avons ainsi réduit les temps d'attente de moitié. Nous savons qu'il nous reste du chemin à faire. Nous savons également qu'il est moins urgent pour certains détenus d'êtres inscrits au programme d'aide aux toxicomanes, puisqu'ils en ont peut-être moins besoin que d'autres. Les détenus qui ont grandement besoin d'aide devraient être engagés dans le programme le plus rapidement possible; autrement, leurs comportements vont se poursuivre au cours de leur sentence et ils vont accumuler les ennuis. Pour ceux dont la situation est moins pressante, nous pouvons attendre un peu avant de les inscrire. Nous devons ainsi prendre des décisions soigneusement calculées et donner la priorité à ceux qui en ont le plus besoin.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Rathgeber. Très rapidement, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins. Je suis heureux de vous voir, monsieur Head.
    J'aimerais parler du personnel en particulier. Êtes-vous en mesure d'estimer, à partir de données empiriques ou autres, dans quelle proportion la contrebande de substances dans les pénitenciers est attribuable à des membres du service?
    Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous avons licencié 12 membres de notre personnel cette année. Sur 18 000 employés, le pourcentage est très faible. Mais même si un seul de mes employés s'adonne à de telles activités, il compromet la sécurité de mes établissements.
    Comment avez-vous pu déterminer que ces employés étaient impliqués dans des activités de contrebande?
    L'information peut nous arriver de plusieurs sources. C'est parfois d'autres employés qui nous rapportent les comportements étranges de leurs collègues. C'est parfois les détenus qui nous en parlent. Nous pouvons aussi être alertés par les forces policières, qui découvrent des liens avec nos employés en enquêtant sur d'autres dossiers.
(1150)
    Savez-vous si des accusations ont été portées contre les 12 employés licenciés? Ont-ils seulement perdu leur travail?
    Nous les avons licenciés parce que nous ne pouvons rien faire de plus. Des accusations criminelles peuvent toutefois être portées contre eux à l'extérieur.
    Mais savez-vous si des accusations ont bel et bien été portées contre eux?
    Oui, des accusations ont été portées.
    Comme vous le savez, j'ai visité de nombreux pénitenciers d'un bout à l'autre du pays, toujours en tant que visiteur. Je dois normalement me soumettre à un contrôle de sécurité très serré, passer au détecteur de métal et faire inspecter ma mallette par rayon X. Mais ce n'est pas chaque fois qu'on recourt au chien renifleur. Est-ce parce que je suis un parlementaire que j'ai parfois eu droit à un certain traitement de faveur, sans chien renifleur?
    Ce que j'aimerais savoir en fait, c'est si tous les visiteurs sont soumis à un régime de sécurité standard, ou s'il peut y avoir une certaine variance d'un établissement à l'autre.
    Le processus comprend certaines vérifications sporadiques afin d'éviter que les gens croient que notre approche est routinière et ne varie jamais. Nous voulons qu'ils croient qu'ils auront affaire au chien chaque fois.
    Monsieur le président, je pense que le député a été très chanceux, parce qu'à chacune de mes visites, le chien est toujours là pour m'accueillir et il semble toujours s'asseoir, ce qui n'est pas bon signe.
    Oui, il y a un certain degré d'imprévisibilité pour que les gens ne puissent pas toujours connaître la routine. Et à certains moments, par exemple, l'équipe canine de détection de drogue peut déjà être déployée dans l'établissement. Donc, il est possible qu'elle ne soit pas toujours présente. Certaines procédures sont habituelles, d'autres sont sporadiques. Nous espérons et croyons que les gens savent qu'à tout moment, lorsqu'ils se présentent ici, ils seront susceptibles d'être soumis à quelque chose qui va la détecter et que s'ils se font prendre, il y a de graves répercussions.
    Qu'en est-il des employés? Quelles mesures de sécurité sont en place lorsqu'ils entrent dans l'établissement au début de leur quart de travail? Je sais qu'ils doivent déposer leurs effets personnels dans un casier, mais qu'en est-il du chien détecteur et des appareils de radiographie?
    Il s'agit d'un aspect que nous envisageons de renforcer par rapport à ce qui se fait actuellement en raison de ces cas très, très rares, mais nous savons que nous devons mettre en place des mesures très strictes pour le personnel.
    Au fil des années, l'approche utilisée pour le personnel n'a pas nécessairement été aussi rigoureuse que pour les visiteurs, les entrepreneurs, les députés ou le commissaire. Nous y travaillons actuellement et il y aura des changements très bientôt.
    Merci, monsieur Head.
    Merci beaucoup, monsieur Rathgeber.

[Français]

    Monsieur Chicoine, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Comme vous l'avez mentionné lors de votre présentation, près de la moitié des personnes incarcérées, lorsqu'elles participent aux programmes de traitement de la toxicomanie, sont moins susceptibles d'être réincarcérées par la suite. Quel est le pourcentage? Avez-vous des données sur le pourcentage des personnes incarcérées qui ont accès et qui participent aux programmes de traitement de la toxicomanie?

[Traduction]

    Comme je l'ai dit, environ 80 p. 100 des délinquants admis dans le système ont eu, sous une forme ou une autre, des problèmes de toxicomanie au cours de leur vie. Pour environ 50 p. 100 des délinquants, l'abus de l'alcool ou d'autres drogues avait un lien direct avec leur activité criminelle ou leur comportement criminel. Ce sont eux que nous ciblons en premier parce qu'il y a un lien direct entre leurs problèmes de toxicomanie et leur participation à des activités criminelles.

[Français]

    Tous ceux qui veulent participer aux programmes de traitement de la toxicomanie y ont-ils accès?

[Traduction]

    Oui. Comme on l'a dit plus tôt, il y a des listes d'attente pour les détenus qui veulent accéder aux programmes. L'évaluation nous permettra de déterminer qu'ils ont un problème et dans le plan correctionnel, nous indiquerons qu'ils doivent participer au programme, puis nous leur donnerons l'occasion de participer au programme. Ensuite, nous les mettrons sur une liste d'attente en fonction de la gravité du problème, des besoins et de la date de libération possible la plus rapprochée. C'est en fonction de ces facteurs que nous déterminerons qui sera placé devant une autre personne sur la liste d'attente. Ensuite, les délinquants suivront le programme.
    Le taux d'achèvement des programmes de traitement de la toxicomanie est relativement élevé. En moyenne, la plupart de nos programmes ont un taux d'achèvement d'environ 70 ou 71 p. 100, mais celui de nos programmes de traitement de la toxicomanie varie entre 83 et 85 p. 100.
    Certains abandonneront pour diverses raisons et ne compléteront pas le programme; nous leur donnons l'occasion de le suivre plus tard; ou il est possible qu'ils soient transférés parce qu'elles se sont retrouvées dans le pétrin, etc. Cependant, nous savons que si nous les aidons à terminer le programme, si nous mettons en oeuvre le programme prélibératoire avant leur retour dans la collectivité, si nous assurons leur participation aux programmes communautaires de maintien des acquis — si cela convient —, si nous assemblons tous ces aspects et maintenons les délinquants concentrés sur le programme, les statistiques démontrent que la probabilité qu'ils commettent une infraction diminue de 45 p. 100. Voilà ce qui permet d'obtenir de bons taux de réussite.
(1155)

[Français]

    C'est bien.
     Pensez-vous qu'une augmentation des montants alloués à ces programmes vous aiderait à faire croître cette proportion de gens qui pourraient participer aux programmes? On voit que c'est directement lié. Lorsque ces personnes suivent ces programmes, il y a presque deux fois moins de probabilités qu'elles récidivent. Une augmentation des sommes allouées aiderait-elle à améliorer davantage ce pourcentage?

[Traduction]

    Sans aucun doute. Je crois que plus j'ai de programmes à offrir à tous les détenus qui en ont besoin, plus je suis susceptible d'obtenir, sur le plan de la sécurité publique, de meilleurs résultats que ceux que nous avons actuellement. Plus il m'est possible d'offrir ces programmes et de les rendre accessibles plus tôt, plus je peux inciter les détenus à y participer.
    En tout temps, environ 20 p. 100 des délinquants refuseront de participer aux programmes. Les comportements criminels sont profondément ancrés en eux et ils ne veulent pas participer à quelque programme que ce soit que nous offrons. Mais si je peux intervenir auprès d'eux et les inciter à participer aux programmes au tout début de leurs peines d'emprisonnement, je vais aussi régler ce problème. Nous savons que s'ils participent dès le début, que nous leur fournissons du soutien et que nous travaillons avec eux tout au long de leur peine, nous obtiendrons, tant dans les établissements que dans la collectivité, de bons résultats sur le plan de la sécurité publique.
    Merci beaucoup.
    Je remercie le comité. C'était de très bonnes questions et de bonnes réponses.
    Je ne veux pas gâcher les choses en posant une mauvaise question, mais c'est quelque chose que je me demande. Drumheller et l'établissement Drumheller se trouvent dans ma circonscription. Dans cet établissement, il se passe de très bonnes choses au chapitre de l'échange d'informations, de la capacité de coordination et de reconnaissance... Au fil des ans, j'ai fait plusieurs visites guidées. On entre dans une pièce, il y a un tableau, des photos et on essaie d'établir les affiliations aux gangs. Il y a beaucoup d'échanges d'informations avec la GRC et les travailleurs correctionnels.
    Je sais qu'en Alberta, on considère que c'est un très bon programme. Les trois derniers directeurs — Tim Fullerton, Floyd Wilson et Mike Hanley — y ont tous souscrit quelque peu. Je me demande si ce genre d'échanges d'informations a cours dans d'autres établissements. Si oui, c'est formidable; autrement, pourquoi n'est-ce pas le cas?
    L'autre chose est le point que M. Chicoine a soulevé dans sa question. Y a-t-il des mesures incitatives pour favoriser la participation à certains de ces programmes? Pouvez-vous nous expliquer — dans le cas d'un délinquant qui refuse de participer et pour lequel vos contrôles révèlent, par exemple, un problème de consommation de drogue — quelles sont les mesures incitatives pour faciliter son transfert dans un établissement où il acceptera de participer à des programmes de réadaptation?
(1200)
    Monsieur le président, je dois dire que ce sont deux questions exceptionnellement bonnes.
    Pour ce qui est la première question, ce que vous avez vu à Drumheller est ce qu'on s'attend à voir partout au pays. Pour avoir un environnement sécuritaire, la clé est de travailler avec le personnel chargé du renseignement de sécurité et avec les autres groupes d'employés de l'établissement; de recueillir, analyser et diffuser les renseignements. Il faut aussi travailler avec nos partenaires du système de justice pénale, comme la police locale et même, dans certains cas, avec le SCRS et l'Agence des services frontaliers du Canada; voilà la clé pour avoir un environnement sécuritaire.
    Dans le financement que nous avons reçu ces quelques dernières années, des sommes ont été prévues pour l'augmentation de capacité en matière de renseignement sécurité, pour nous permettre de faire précisément ce dont vous avez parlé. Et — simplement pour apaiser les craintes que pourrait avoir n'importe lequel des autres députés — je peux vous confirmer, monsieur le président, que votre photo et votre nom ne figurent absolument pas sur nos tableaux i2.
    Quant à la question des mesures incitatives, encore une fois, je vous renverrais au projet de loi C-10. Une des choses que je me réjouis de voir dans le projet de loi est la disposition qui me permettra de régler la question des mesures incitatives.
    J'ai une histoire très brève, monsieur le président. Actuellement, si M. Price et moi étions deux détenus ayant reçu une peine d'emprisonnement d'une durée relativement égale et ayant commis le même genre d'infraction et que M. Price — puisqu'il est un bien meilleur détenu que moi — décide de suivre son plan correctionnel et de participer aux programmes, il aurait un bon comportement et, à terme, il présentera une demande pour toute libération discrétionnaire anticipée à laquelle il pourrait avoir droit et il a droit à une série de privilèges dans l'établissement. Si je choisis de ne pas suivre un plan correctionnel et que mon comportement ne justifie pas mon transfert dans un pénitencier à sécurité maximale ou qu'on me place en isolement, la seule différence qu'il y aurait entre M. Price et moi, c'est que je n'obtiendrais probablement pas une libération discrétionnaire anticipée, une libération conditionnelle de jour ou une libération conditionnelle totale; mais en vertu de l'actuelle Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, j'ai droit aux mêmes privilèges que M. Price.
    Nous ne croyons pas qu'il s'agit du genre de mesures incitatives qui nous permettront de faire en sorte que les gens assument la responsabilité de leurs actes. Monsieur le président, cela nous ramène à une des questions sur la responsabilité des détenus.
    Le projet de loi C-10 contient maintenant une disposition qui me donnerait le pouvoir d'établir un ensemble de mesures incitatives pour les personnes qui suivent leur plan correctionnel par rapport à celles qui ne le suivent pas, et nous avons également hâte de voir cette disposition être adoptée.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier tous les députés des questions qu'ils ont posées aujourd'hui.
    Je vous remercie tous les deux d'avoir comparu.
    Nous allons maintenant faire une courte pause.
    Certains d'entre vous voudront peut-être aller se chercher un goûter avant que nous accueillions nos prochains invités. Je vais assez rapidement leur demander de prendre place, et nous avons hâte d'entendre leurs témoignages aussi.
    Merci.
    La séance est suspendue.
(1205)
    Nous reprenons nos travaux.
    C'est avec plaisir que nous poursuivrons, pendant la deuxième heure, notre étude sur les drogues et l'alcool dans les prisons.
    Aujourd'hui, nous entendrons le témoignage du Syndicat des agents correctionnels du Canada. Nous accueillons aujourd'hui son président national; nous souhaitons donc la bienvenue à Pierre Mallette. Encore une fois, nous le remercions d'être venu à si court préavis. Nous vous en sommes reconnaissants. Il est accompagné d'un de ses conseillers, Michel Bouchard.
    Bienvenue et merci à vous deux.
    Commençons. J'ai remarqué que vous étiez ici pendant l'exposé précédent, et cette partie se déroulera sensiblement la même façon. Vous pouvez faire une déclaration préliminaire, puis nous passerons à des séries de questions.
    Monsieur Mallette, la parole est à vous.

[Français]

    Je voudrais remercier tous les gens qui nous ont invités à faire une présentation.
    D'abord, je tiens à souligner que je porte l'uniforme ce matin parce que je suis agent correctionnel depuis 25 ans. Je suis fier de l'être et de représenter les membres du syndicat, à titre de président national.
    Notre présentation porte sur un sujet majeur, important pour nous: la drogue et l'alcool dans les pénitenciers.
    Pour parler de ce problème, il faut diviser le thème en quatre sujets distincts: les outils dont nous avons besoin, le contrôle des visiteurs, la gestion des populations et, enfin, les programmes.
     En ce qui concerne les outils, nous avons effectivement reçu, au cours des dernières années, de nouvelles ressources relatives à des maîtres-chiens et à de l'équipement sécuritaire. Je tiens cependant à souligner que les pénitenciers à sécurité moyenne et maximale sont souvent entourés de boisés et que leur périmètre est facilement accessible par les bois. Dans ces pénitenciers, on assiste fréquemment à un phénomène appelé en anglais le throw over. Il s'agit de colis volants qui sont lancés par-dessus les clôtures. Les gens croient peut-être que pendant la nuit dans nos pénitenciers toutes les tours situées autour de l'établissement sont gardées et qu'il y a plusieurs patrouilles, mais c'est faux. Une patrouille couvre un périmètre qui est parfois de 2 km. Dans certains cas, s'il n'y a pas de périmètre, une seule tour est gardée. Il reste que dans la plupart des établissements, aucune tour n'est gardée la nuit. C'est donc dire que la nuit facilite maintenant les choses pour les criminels qui veulent faire passer de la drogue.
     J'aimerais également souligner que les établissements carcéraux ne sont pas des endroits clos. On parle souvent du nombre de visiteurs qui rendent visite aux détenus chaque année, pour diverses raisons. Il peut s'agir de la famille, d'amis, de groupes communautaires, de groupes de défense des détenus, d'entrepreneurs ou de sous-traitants. Il y a aussi des événements sociaux. Il peut y avoir jusqu'à 5 000 visiteurs par six mois. Ça représente beaucoup de gens. Or plus il y a de visiteurs, plus la possibilité qu'il y ait des transactions criminelles augmente, malheureusement.
    Comme syndicat et en tant qu'agents correctionnels, nous considérons que le troisième sujet est le plus important. J'aimerais vraiment que le comité prenne la peine de l'étudier. Il s'agit de la gestion des populations. Plus tôt, j'ai entendu M. Head parler des détenus qui s'engagent à l'égard de leur plan correctionnel et de ceux qui ne le font pas. Nous avons toujours cru devoir faire tout ce qu'il fallait pour aider les détenus qui s'engageaient et visaient la réhabilitation, en l'occurrence leur offrir les programmes et les outils nécessaires. Par contre, nous faisons face à un groupe d'individus qui ne sont pas nécessairement intéressés à s'engager à l'égard de leur plan correctionnel. Malheureusement, ces gens créent parfois des problèmes à l'intérieur de l'établissement. Ils nuisent au programme des autres détenus. Il faudrait qu'un programme soit réservé à ces individus, un programme distinct. Or il nous faut des outils.
    Par ailleurs, j'aimerais que le comité vérifie certaines choses sur les gangs et le pouvoir qu'ils exercent dans les établissements. Il y a des directives du commissaire qui portent sur les groupes criminels. On parle de postes de confiance dans l'établissement, notamment celui de cantinier, de président du comité des détenus ou de président des plaintes des détenus. Je suggère aux membres de ce comité de prendre la peine de vérifier cela. Ils vont constater à quel point ces postes sont fréquemment occupés par des gens provenant de groupes de motards ou de la mafia. Ces groupes contrôlent tout ce qui constitue l'économie souterraine dans l'établissement. En quoi consiste cette économie souterraine? Ce sont les sommes qui servent à des ventes illicites ou qui sont issues de celles-ci.
(1210)
    On a deux sortes de problèmes. D'une part, il y a les gens qui consomment de la drogue. Les chiffres sont impressionnants: ils seraient de l'ordre de 80 p. 100. D'autre part, il y a ceux qui veulent faire de l'argent en vendant de la drogue, ceux qui contrôlent l'économie souterraine, ceux qui amènent les détenus à prendre de la drogue et à en devenir dépendants.
    Par la suite, ces détenus tombent dans des pièges profonds. Ils se font prendre « sur les bras », comme on dit dans le milieu. Ils doivent payer des montants d'argent à ce point importants qu'ils en viennent à demander une protection. La protection demandée signifie qu'on doit créer une autre population: la personne quitte la population dans laquelle elle n'a pas payé ses dettes, alors il faut créer une autre population. C'est ce qu'on appelle la gestion des populations. Nous avons besoin de programmes pour les détenus engagés vis-à-vis de leur plan correctionnel et d'autres pour les détenus qui n'y sont pas engagés.
    Le dernier sujet m'est aussi important: les programmes, la toxicomanie, la possibilité pour les détenus de suivre ces programmes, l'insuffisance d'emplois dans les établissements, c'est-à-dire les postes non disponibles pour la population régulière. On nous disait, dans les années 1990, que tous ces symptômes de non-programmes étaient liés au syndrome de la porte tournante, c'est-à-dire qu'on rentre en dedans, on fait son temps, on ne suit pas ses programmes et on en ressort sans avoir réussi nécessairement à se réhabiliter.
    Votre comité, je crois, a un défi important. Si nous avions eu plus de temps, nous aurions présenté un mémoire. Je ne sais pas s'il est trop tard pour le faire, mais si nous pouvons nous engager à vous donner de l'information, ça va nous faire plaisir de vous aider avec ça. Il faut dire que nous avons été invités hier après-midi. Nous avons quand même réussi à vous dresser un portrait de nos enjeux et de nos affaires.
    Effectivement, nous sommes ouverts à répondre à vos questions. Ça va nous faire plaisir.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Merci, monsieur Mallette.

[Traduction]

    Je tiens à vous remercier d'avoir abordé tous les différents aspects de la question. Aussi, même si vous avez comparu à un cours d'avis — et nous en sommes reconnaissants —, je vous inviterais à nous faire parvenir un mémoire, si vous en avez un, au sujet de la drogue dans les prisons, de la réadaptation et sur le danger que cela représente pour les agents de correction. Nous pouvons fournir une copie de la motion et de l'étude que nous avons entreprise et, pour autant que votre mémoire s'en tient au sujet à l'étude, nous en serions très reconnaissants.
    Nous passons à la première série de questions. La parole est à M. Leef, pour sept minutes.
(1215)
    Monsieur Mallette, je vous remercie de comparaître et d'avoir fait ce témoignage aujourd'hui.
    Je voudrais parler de la question des visiteurs, en fonction de votre expérience. Vous en avez parlé. Je vais parler lentement parce que je sais qu'on va faire la traduction pour vous, à moins que vous ayez une bonne maîtrise de l'anglais. D'accord; c'est formidable.
    Nous avons entendu le commissaire parler un peu des conséquences — et elles sont décrites dans la vidéo — et pour les visiteurs. Pourriez-vous nous dire précisément, en fonction de votre point de vue et de votre expérience, quelles sont ces conséquences? Je ne veux pas nécessairement parler des exemples tirés directement de la vidéo ni des conséquences prévues, mais en votre qualité d'agent de première ligne, quelles sont les conséquences réelles? Sont-elles graves? Est-ce ce genre de chose qui empêche les drogues d'entrer dans un établissement? À votre avis, est-ce suffisant?

[Français]

    Je vais vous répondre du point de vue aussi de mon rôle dans le syndicat. Souvent, nous allons recevoir des appels de certains membres disant qu'ils n'ont pas toujours confiance au système. Il y a des visiteurs qui arrivent et qui passent dans le Ionscan permettant de détecter la présence de substances, et parfois les conséquences ne sont pas toujours claires pour nous. On s'imagine que si un visiteur vient à l'établissement et fait sonner la machine, il va y avoir une suspension des droits de visite. Or, la grande question liée aux droits de visite est de déterminer s'il s'agit d'un droit ou d'un privilège. Que signifie avoir des visites? Faudra-t-il permettre des visites avec contact ou des visites à travers un guichet?
    Je veux toujours faire attention à une chose. Dans ma carrière, j'ai vu des événements très tristes. J'ai vu des mères venir voir leur enfant — il y a des criminels parmi eux — et être obligées d'essayer d'amener de la drogue pour aider leur fils à l'intérieur. Dans un cas, une dame avait appelé l'institution, complètement découragée. On essayait de lui faire comprendre qu'on devait en même temps protéger son fils. On l'avertissait qu'elle pouvait bien arriver sur place et tenter de faire entrer la drogue, mais que ça ne fonctionnerait pas et qu'on l'arrêterait. Tout cela a des conséquences.
    Parfois on se demande quelles sont les conséquences pour les visiteurs, mais il faut aussi déterminer quelles sont les conséquences pour les détenus qui exercent une pression sur leur famille et sur leurs amis pour qu'ils apportent de la drogue. Ces conséquences ne sont pas toujours claires pour nous.
    Avoir des visites, est-ce un droit ou un privilège? Si c'est un droit, doit-on permettre une visite avec contact, ou encore imposer une visite avec contact indirect dans le cas où la personne a essayé trois fois de faire entrer de la drogue?
    Tous les enjeux sont là. Il y a les gens qui veulent de la drogue et il y a ceux qui veulent faire de l'argent avec la drogue. Il faut absolument qu'il y ait des conséquences claires, cependant elles ne le sont pas toujours. Je sais que SCC a des politiques, mais malheureusement il n'apparaît pas aussi clairement que ce soient les bonnes façons de faire.

[Traduction]

    Merci de la réponse.
    Vous arrive-t-il parfois, alors, de voir des visiteurs qui ont été interceptés avec de la drogue — ou des objets interdits de toute autre nature — en subir les conséquences, comme le fait de passer du droit à des visites-contacts à des visites avec séparation? Ou bien vous arrive-t-il parfois de constater qu'il n'y a aucune conséquence, de sorte qu'une semaine, un visiteur se fait prendre et qu'ensuite il revient et qu'il a librement accès à la population carcérale?

[Français]

    Je veux faire une distinction. L'appareil Ionscan ne sonne pas automatiquement parce qu'on possède de la drogue, mais parce qu'on a été en contact avec de la drogue ou en présence de la drogue. Cela ne veut pas dire qu'on a de la drogue sur soi. Il faut faire attention.
    Ensuite, si un visiteur est arrêté alors qu'il possède de la drogue, il y a lieu de l'accuser au criminel. Or c'est le devoir de la police de venir faire une arrestation.
    En ce qui concerne le détenu qui fait entrer de la drogue, qui est incarcéré et qui a exercé de la pression pour obtenir cette drogue, on a besoin de l'aide du public, des juges et des procureurs de la Couronne. Ces derniers doivent prendre ces infractions au sérieux. Par contre, si le détenu est déjà incarcéré, cela ne donne rien de le traduire à nouveau devant les tribunaux: il est déjà en prison. Qu'est-ce qui arriverait de plus?
    Toutes ces choses doivent être prises en ligne de compte. Il faut qu'il y ait des conséquences pour les deux parties, autant pour ceux qui essaient de faire entrer la drogue que pour ceux qui la font entrer.
(1220)

[Traduction]

    Formidable. Merci.
    Passons maintenant au sujet de la gestion de la population carcérale. Pouvez-vous nous donner une idée de la somme d'argent liquide maximale qu'un détenu peut avoir? Ils ont accès à des comptes bancaires. Où en sommes-nous par rapport à cela et à leur capacité de détenir des fonds qui peuvent entrer et sortir de l'établissement? Quelle est la limite et, à votre avis, est-ce une limite raisonnable?

[Français]

    Normalement, il y a deux comptes — à moins que cela n'ait changé. Je vous fait part de ce que je crois qu'il existe, et j'en suis presque sûr. Il y a ce qu'on appelle le compte courant et le compte d'épargne. Je crois savoir qu'une fois ou deux par année, les détenus ont le droit de faire un transfert de leur compte d'épargne à leur compte courant pour acheter leurs colis de Noël ou un équipement précis.
    Parlons de l'économie souterraine. C'est important de faire des vérifications lors de tels transferts d'argent, moyennant un bon service de renseignement. En effet, il faut s'assurer que ces détenus, qui ont le droit de faire ces transferts de fonds, achètent ce dont ils ont vraiment besoin.
    Plus tôt, je vous parlais des postes de confiance en établissement. Qui sont les cantiniers? Le détenu va acheter des choses à la cantine. Il y a là des cantiniers qui ne sont pas des membres du personnel civil; les cantiniers sont des détenus. Quand un détenu veut acheter une boisson gazeuse ou des croustilles, ce n'est pas un membre du personnel qui les lui vend, c'est un autre détenu. Il y a donc un échange qui se fait, mais pas un échange d'argent parce qu'il n'y a pas d'argent. C'est fait par une main, tout est électronique. Il n'en reste pas moins que quelqu'un donne au détenu ce qu'il veut, et qu'il lui faut payer.
     Lorsqu'on s'attarde aux emplois de confiance et qu'on regarde tout ça... Je demanderais à votre comité de prendre le temps de se pencher là-dessus, de poser des questions pour savoir qui sont ceux qui occupent ces postes de confiance, qui sont les cantiniers dans un établissement. Par exemple, le nom du cantinier est Joe X. Ce dernier est-il un membre du crime organisé, d'un gang de rue? Est-ce un Hells Angels? Vérifiez cela, vérifiez ces informations. Vous verrez à quel point l'économie souterraine est parfois malheureusement gérée par des gens ayant de mauvaises intentions. À l'extérieur, ils sont des criminels organisés. Croit-on sincèrement qu'une fois à l'intérieur, ils n'essaieront pas de s'organiser aussi? Bien sûr qu'ils vont essayer de le faire.

[Traduction]

    Monsieur Mallette, monsieur Leef, merci.
    La parole va maintenant à l'opposition. Monsieur Sandhu.
    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, je tiens à remercier Pierre d'être ici ce matin et je veux remercier les hommes et les femmes qui oeuvrent au sein de notre système correctionnel, en particulier le Syndicat des agents correctionnels du Canada. Ces gens ont fait un travail formidable et je leur suis très reconnaissant des services qu'ils ont rendus au Canada.
    Ce sera peut-être pour un autre jour, mais je veux aussi reconnaître le fait que vous travaillez dans des conditions extrêmes et très difficiles et souvent, vos membres craignent pour leur sécurité. Je veux vous assurer que de ce côté de la Chambre, nous sommes aussi préoccupés par la sécurité des hommes et des femmes qui fournissent un service essentiel à la population canadienne.
    Pierre, si vous aviez à dire une chose, très brièvement... Au fil des ans, plusieurs programmes de prévention ont été mis en place; il y a les chiens renifleurs, des détecteurs de métal, etc. Ces mesures ont-elles permis de réduire la consommation de drogue ou la quantité de drogue accessible aux détenus? Vous avez 25 années d'expérience. Les détenus sont-ils toujours en mesure d'avoir accès à des drogues, en dépit de tous ces outils de détection, des chiens et de tout cela?
    Ce que je voudrais dire, c'est que le nouvel équipement que nous avons reçu, les chiens et les détecteurs, sont de bons outils. Nous en avons besoin. Nous ne dirons pas que ce n'est pas un bon équipement.
    Nous permet-il d'être plus performants? Oui. Mais, même si l'on dispose de tous les outils que l'on veut, il y aura toujours des gens qui veulent gagner de l'argent. Ils veulent prendre des drogues. C'est aussi un problème. Ils essaieront toujours de trouver d'autres moyens de s'en procurer et ils le feront de mieux en mieux.
    Je mentionnais la clôture. Par exemple, j'ai constaté qu'ils utilisaient à un certain endroit une balle de tennis et une raquette. Ils lançaient la balle de l'autre côté de la clôture. Ils trouvent toujours une autre façon de procéder.
    On me dit: « N'oubliez pas, monsieur Mallette, que quelqu'un est supposé fouiller la cour le matin ». Effectivement, quelqu'un est supposé fouiller la cour, mais on n'assigne qu'une seule personne à cette tâche. Croyez-vous que la cour ait les mêmes dimensions que cette salle? Loin de là, elle est immense. Ils savent évidemment que quelqu'un va fouiller la cour et ils essaient de mieux dissimuler la drogue. Nous disons en français

[Français]

le jeu du chat et de la souris.

[Traduction]

    qu'on joue au chat et à la souris, en anglais aussi peut-être. La cour est immense.
    Mais je ne peux pas dire que les outils ne nous aident pas à trouver la drogue. Ce sont de bons outils.
(1225)
    Si je voulais résumer, aurais-je raison de dire que ces outils facilitent la tâche, mais que la quantité de drogues accessible aux détenus demeure considérable?
    Ces outils doivent servir à gérer la population car, et c'est ce que je disais, il est tellement important de pouvoir gérer la population.
    Il y a tant de problèmes là-bas. Certains établissements comptent neuf types de populations, des populations où des détenus ne peuvent pas se parler.
    Nous ne séparons pas les détenus, qu'ils soient engagés ou non. Je vais utiliser le même exemple que celui cité par M. Head. Je suis en prison avec Michel. Michel suit son plan. Je me demande pourquoi je ferais pareil puisque j'ai les mêmes privilèges que lui. Je dispose des mêmes outils. J'ai tout ce qu'il me faut.
    C'est le problème que nous tentons de régler depuis longtemps, depuis 2001. La SACC participait au régime. Nous avons envoyé M. Grabowsky à Ottawa pendant quatre mois pour qu'il siège dans des comités. Nous n'avons jamais réussi. Cette approche ne menait à rien. À cette époque, la réponse que l'on nous a donnée à propos de la loi portait sur les définitions des droits et des privilèges.
    Ce processus se poursuit encore. La nouvelle loi va peut-être avoir des effets positifs, mais il y a énormément de travail à faire.
    Vous parlez de ségrégation, ceux qui sont engagés, ceux qui ne le sont pas. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie?
    Le mot « engagé » s'applique à un détenu qui purge sa première peine d'emprisonnement. L'un des programmes dont nous parlons toujours en ce qui concerne les premières peines est celui qui vise à trouver un endroit au pays, dans chaque région, où on peut envoyer le délinquant primaire.
    Disons, par exemple, que c'est ma première peine d'emprisonnement. J'ai volé une voiture. On me met en prison. Je ne veux plus me livrer à des activités criminelles. Je veux changer. Je veux m'en sortir. Mais, pour le moment, je suis dans un établissement où se trouvent des membres de gangs.
    Croyez-vous sérieusement qu'un Hells Angels fier de l'être est également fier de ce qu'il fait à l'extérieur…?

[Français]

    Ils nous appellent « les citoyens ».

[Traduction]

    Nous payons des impôts pour eux. Nous versons de l'argent à l'État pour eux. Ils mènent une belle vie. Ils n'ont pas d'engagement vis-à-vis de nous. Ils sont compliqués. Et ils vont exercer des pressions sur les nouveaux venus.
    Quand on fouille une rangée et qu'ils veulent cacher des broues, de la drogue, ils vont alors demander à un nouveau venu dans la rangée de les dissimuler dans sa cellule.
    N'oubliez pas que ce nouveau venu a en face de lui un Hells Angels, un dur. Il sera un peu effrayé et il acceptera de les cacher dans sa cellule.
    Devinez ce qui se passe, en fouillant sa cellule, nous y trouvons la drogue. Croyez-vous qu'il va nous dire qu'elle ne lui appartient pas, mais qu'elle appartient au Hells Angels? Non, il aura peur. S'il dénonce le Hells Angels, il devra demander à aller en isolement protecteur.
    La situation est compliquée
    Est-ce que des programmes sont offerts rapidement aux détenus qui veulent s'engager et y participer?
    Très rapidement, monsieur Mallette.
    La réponse est à la fois oui et non.

[Français]

    Du côté du programme sur la toxicomanie, le problème est que si le détenu change d'établissement, le programme, lui, ne le suit pas.
    Pour ce qui est des formations professionnelles pour les détenus, il n'y en a pas partout. En plus, on fait face à un problème d'occupation double des cellules. Les emplois sont de moins en moins fréquents et de plus en plus réduits. On fait perdre beaucoup de temps aux détenus en cellule. C'est le syndrome de la porte tournante. Il y a des programmes, mais ils ne sont pas adaptés de la même façon d'un endroit à l'autre. C'est un problème pour le détenu qui veut s'en sortir.

[Traduction]

    Merci, monsieur Mallette.
    Madame Hoeppner.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Mallette d'être parmi nous.
    Je tiens aussi à exprimer ma reconnaissance pour le travail que vous et vos collègues effectuez et pour le risque que vous encourez en faisant ce travail. Je suis sûre que vous subissez énormément de pression et de stress chaque jour. Merci pour ce que vous faites.
    Vous nous avez donné une description très nette de la situation du nouveau détenu qui veut changer pour le mieux mais qui est poussé à participer au trafic de stupéfiants. Au fond, à de nombreux égards, la situation est similaire à l'extérieur des prisons. Ceux qui se livrent à ce trafic le font parfois en raison de leur accoutumance à la drogue, mais le plus souvent ils le font pour gagner de l'argent. Donc, que ce soit à l'extérieur où ils essaient de vendre de la drogue à nos enfants ou bien à l'intérieur des prisons où ils la vendent aux détenus qui tentent de vaincre leur dépendance, ils sont souvent motivés par l'argent.
    Nous discutons du projet de loi C-10 qui fait état d'une plus grande responsabilité et de plus graves conséquences pour ceux qui se livrent à ces activités. Pensez-vous que de plus graves conséquences et une plus grande responsabilité — nous parlons des trafiquants de drogues — font partie des outils qui décourageront ce type d'activités?
(1230)
    Peut-être me permettrez-vous de parler du slogan « Réprimons la criminalité » que j'entends très souvent. Je l'entends sur le terrain. Les gens disent que le gouvernement veut réprimer la criminalité, n'est-ce pas?
    Nous relevons le défi visant à réprimer la criminalité. Je suis un agent de correction. Je tiens compte de la justice. Mais réprimer la criminalité signifie aussi réprimer les criminels. Une modification de la loi qui nous donne une plus grande marge de manoeuvre pour gérer la population sera une bonne modification. En même temps, nous devrons donner quelque chose en échange. La gestion de la population et de nouvelles règles signifient que nous allons devoir examiner le nombre d'agents de correction sur le terrain. Il faudra créer plus d'unités, ce qui est une bonne nouvelle. Car, nous avons aujourd'hui beaucoup de doubles occupations de cellules, ce qui n'est bon pour personne, ni pour les agents de correction ni pour les détenus. Le fait d'avoir deux détenus par cellule crée énormément de tension, pour eux et pour nous.
    C'est la première fois que j'ai l'occasion de m'exprimer sur ces questions devant des députés membres d'un comité. Les médias, vous le constaterez, présenteront la situation sous un angle différent. Les gens vont dire que nous ne sommes jamais satisfaits, que l'on nous donne plus d'unité, plus d'emplois. Parlons-en. Nous adoptons la loi, et nous devons maintenant nous adapter à quelque chose de nouveau, à de nouvelles dispositions. Comment allons-nous appliquer ces dispositions Participer? Ne pas participer? Nous aboutirons peut-être à quelque chose. De toute façon, nous voulons participer.
    Permettez-moi de vous dire que nous étions à Ottawa cette semaine, durant toute la semaine, au sujet de la Loi sur le prélèvement d'échantillons de sang. Nous sommes en faveur de cette loi. Si un détenu essaie de me lancer des matières fécales et qu'il utilise pour arme son sang, comment savoir s'il est atteint d'une maladie ou s'il a quelque chose? Pouvons-nous le savoir? Votre loi qualifie d'acte criminel ce type de comportement. Sachez bien que c'est une disposition que nous voulons. Nous en avons besoin.
    Monsieur Mallette, vous demandez au gouvernement de prendre de bonnes mesures, il se pourrait que nous vous réinvitions pour parler d'une autre mesure législative. Pour l’instant, nous voulons que ce débat se limite aux drogues et aux prisons.
    Nous espérons vous revoir. Notez bien ce que je dis.
    Continuez, madame Hoeppner.
    Merci.
     Vous avez aussi parlé de détenus qui exercent des pressions sur vous. Vous avez cité l’exemple d’une mère qui faisait rentrer de la drogue. Je comprends qu’une mère puisse éprouver du chagrin, de la culpabilité ou d'autres pressions. Mais qu’en est-il de l’activité des gangs? Pouvez-vous nous expliquer le lien? On imaginerait que quelqu’un qui est en prison ne peut pas avoir d’influence à l’extérieur, mais il semble bien que ce soit quelquefois possible. Pouvez-nous dire comment les membres de gangs, comme les Hells Angels, peuvent exercer des pressions sur des gens à l’extérieur de la prison et leur demander de faire rentrer de la drogue dans les établissements.
    Cela est attribuable au seul fait qu’un pénitencier n’est pas fermé au public. Les détenus ont le droit de téléphoner, de parler au téléphone avec des gens qui se trouvent à l’extérieur.
    Peuvent-ils téléphoner à n’importe qui?
    Ils ont une liste. Savez-vous comment ils s'y prennent? Bon, ma liste contient le nom Michelle, alors je peux téléphoner à Michelle qui transfère mon appel vers quelqu’un d’autre. La technologie actuelle du téléphone cellulaire… Il s’agit de contrebande. Ils aiment avoir un cellulaire. Nous savons que des personnes se livrent encore à leurs activités. Ils sont en prison mais ils continuent à se livrer à leurs activités extérieures. Exercent-ils des pressions sur la famille? Bien sûr. Quand nous avons décidé d’interdire le tabac en prison, cette mesure menaçait la possibilité qu'ont les détenus de gagner de l’argent. Trois paquets de cigarettes équivalent à deux morceaux de drogue. Donc, nous leur retirons le moyen de gagner de l’argent. Ils essaient alors d’exercer des pressions à l’extérieur comme demander à un détenu que son épouse fasse un dépôt à terme de 400 $ dans un compte en banque.
     Vous parliez de Drumheller. J’ai visité cet établissement il y a deux ans et c’est vrai. J’étais fier de voir finalement un endroit où le personnel peut avoir accès à ces informations. Il y a deux ans, j’ai visité Drumheller, j’ai vu le grand tableau dans la salle du personnel. Eh bien, ce n'est pas le cas partout. Contrairement à Drumheller, le personnel de certains établissements n’a pas toutes les informations. C’est comme s’il s’agissait de renseignements secrets. Ils préfèrent garder ces renseignements pour eux. C’est un autre problème, mais un problème qui nous touche puisque tout est relié. Si quelqu’un me fournissait — à moi qui suis agent de correction — des renseignements sur un gang en prison, je ferais de mon mieux pour bien écouter.
     À propos de la pression exercée sur la famille… Je parlais d’une mère, une grand-mère. J’ai vu une grand-mère qui téléphonait en pleurant à l’établissement à cause des pressions qu’elle subissait. Ils contactent les gens au moyen du téléphone cellulaire. Ils ont une liste de numéros qu’ils peuvent appeler. Et comme je le disais: je téléphone à Michelle qui peut me transférer à un autre numéro.
(1235)
    Merci beaucoup, monsieur Mallette.
     Je suis très fier de Drumheller et fier de ma circonscription électorale. Nous devrions peut-être penser à ce que le comité trouve un moyen d’aller dans les magnifiques bad-lands canadiens à Drumheller pour visiter le pénitencier, l’établissement, qui s’y trouve aussi.
     Monsieur Scarpaleggia, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Mallette. Votre témoignage est fascinant. Honnêtement, vous nous avez ouvert les yeux sur beaucoup de choses, du moins dans mon cas.
    Le pourcentage de prisonniers qui consomment de la drogue est, selon vous, de 80 ou 90 p. 100?
    Non. Tout à l'heure, M. Head disait que 80 p. 100 des délinquants avaient des problèmes de drogue.
    Selon vous, le pourcentage de prisonniers qui consomment de la drogue à l'intérieur des établissements est-il de plus de 50 p. 100?
    Sincèrement, selon mon expérience, on parle beaucoup de drogue, mais parlons plutôt de drogue et d'alcool. N'oublions jamais l'alcool. Selon moi, effectivement le pourcentage est de beaucoup supérieur à 50 p. 100.
    Pourtant, selon M. Head, lorsqu'on effectue des tests de dépistage par l'urine, on découvre qu'environ 7 p. 100 des détenus consomment drogue et alcool. C'est tout un écart.
    C'est intéressant. La donnée est intéressante. Les détenus ont-ils réussi d'une certaine façon à fausser les tests d'urine? Je ne le sais pas. C'est vrai qu'il existe un problème entre la donnée statistique et ce que l'on peut constater en tant qu'agent correctionnel. Selon moi, c'est vrai.
    Selon vous, le taux de consommation n'a pas vraiment diminué de manière significative.
    Je pense que les nouveaux outils ont rendu la vie plus difficile à certaines personnes qui veulent faire entrer la drogue dans les établissements. Je crois sincèrement que les chiens détecteurs de drogue, les appareils de détection Ionscan et les tests d'urine sont des outils qui leur rendent la vie plus difficile à cet égard.
    Toutefois, en leur rendant la vie plus difficile, va-t-on complètement régler le problème? Non. Même dans notre propre société, à l'extérieur des murs, on consacre des milliards de dollars à la guerre contre la drogue. Réussit-on à l'éliminer au complet? Non.
    Vous dites que les tours ne sont pas gardées la nuit.
    Non.
    Est-ce par manque de ressources?
    Il y a deux raisons. C'est d'abord attribuable à un manque de ressources. Ensuite, il y a parfois une logique qui émane du patronat. À un moment donné, je dois jouer mon rôle de président. Quand je reçois des appels et qu'on me dit...
    Vous parlez du président...
    Le président du syndicat. Je suis président national du syndicat.
    Par exemple, si des ressources sont octroyées à un endroit pour contrer le problème de drogue lancée par-dessus les clôtures, quelqu'un peut, selon sa propre interprétation, considérer qu'il s'agit d'un poste opérationnel minimum et qu'au besoin, ce poste peut être aboli. C'est l'interprétation d'une personne.
    Je n'ai pas compris. Il y a un problème et on peut abolir des postes?
    Non. Disons qu'on alloue une personne de plus pour la surveillance du périmètre. C'est parfait; l'argent a été octroyé. Par contre, à un moment donné, quelqu'un interprète ça et se dit qu'il est possible d'utiliser l'occupant de ce poste à d'autres fins. C'est ce qu'il faut vérifier.
    Or je ne vous dirai pas que dans les hautes sphères à Ottawa, lorsque nous dénonçons ces agissements, on me dit que ces gens ont le droit d'agir de cette façon. En fait, on me dit que j'ai raison. Il y a 54 établissements...
(1240)
    Mais vous allez voir M. Head.
    Oui, on participe à huit rencontres par année, et certains débats sont très corsés. Il reste qu'il y a 54 institutions, donc 54 directeurs dont les interprétations peuvent parfois être erronées.
    Vous parliez plus tôt de certaines populations, notamment les individus qui veulent être engagés et ceux qui ne veulent pas l'être. Il y a aussi des gens qui accumulent des dettes et qui doivent être protégés par la suite. Est-ce que ça devient une troisième population?
    Je vous dirais, aussi terrible que ça paraisse, qu'il y a neuf populations dans certains établissements. Il y a les détenus qui font l'objet d'une protection parce qu'ils n'ont pas payé leur dette; ceux qui font l'objet d'une protection parce qu'ils ont commis des crimes sexuels; des groupes de motards qui ne s'endurent pas les uns les autres.
    J'ai connu l'enfer au centre de détention de Donnacona en 1995. Il y avait à la fois des membres des Rock Machine et des Hells Angels dans le même pénitencier. Un soir, la guerre a éclaté à l'extérieur, puis à l'intérieur. Il a fallu les séparer. On a été chanceux. Un agent correctionnel a sauvé bien des vies, ce soir-là. Il a fermé la porte. Un détenu était en train de se faire poignarder. Bien des choses se sont passées.
    Dans une institution, le simple fait d'envoyer un détenu à l'hôpital exige un gel des secteurs. Par exemple, si c'est un détenu du pavillon E, personne ne bouge parce qu'il ne peut pas être en contact avec d'autres.
    Il y a neuf populations différentes, pour toutes sortes de raisons.
    Vous avez travaillé dans ce milieu assez longtemps pour pouvoir porter un jugement sur cette question. J'aimerais savoir s'il vous arrive de voir un individu arriver dans un pénitencier et de vous dire qu'il ne devrait pas être là, par exemple quelqu'un qui n'est pas un dur et à qui vous ne donnez pas une semaine avant d'être embarqué par un gang. Je ne parle pas d'une situation qui se produirait tous les jours; je pense plutôt à une personne qui ne pourra pas endurer les conditions et qui ne devrait pas être là, en fait.
    Je sais que vous voyez des durs qui doivent être là où ils sont, mais j'aimerais savoir si, au cours de votre carrière, vous avez constaté que certaines personnes — ça aurait pu être des gens ayant écopé de peines minimales — n'auraient pas dû être là.
    Vous me parlez de détenus ou d'agents correctionnels engagés?
    De détenus.
    Ah, de détenus qui n'auraient pas dû entrer dans le système carcéral?
    De détenus qui, lorsque vous les voyez, vous donnent à penser qu'ils ne dureront pas longtemps.
    Oui, ça m'est souvent arrivé. Honnêtement, même si on joue le rôle d'agent correctionnel, on se dit parfois, à la vue de certains détenus: « Pauvre petit gars, ça n'a aucun sens! » Comment se fait-il qu'il n'existe pas de programme pour gérer les premières sentences? C'est une question que j'ai toujours posée. Rien de ce genre n'est offert aux détenus pour qui c'est une première sentence.
     Quand on prend connaissance du passé de certains individus qui ont commis des délits à l'extérieur — je ne parle pas de 25 meurtres, mais d'une succession de délits —, on se dit qu'ils vont se faire manger tout rond. Il est certain qu'ils vont être victimes d'abus, qu'on va les embarquer et leur demander des choses, mais qu'ils vont devoir garder ça pour eux. À un moment donné, ils auront de la drogue ou de l'alcool dans leur cellule et seront dénoncés. Ils vont alors se révolter contre nous et écoper d'un rapport disciplinaire. À ce point, ils vont être coincés. Dans ce genre de situation, un détenu ne nous dit pas qu'en réalité, c'est un autre détenu de la rangée qui est en cause, autrement c'est lui et non pas l'autre qui va s'en aller. La gestion des populations gravite autour de ce genre de dilemme.
    Merci, monsieur Mallette.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Scarpaleggia.
     Nous revenons à l’opposition officielle.

[Français]

     Madame Morin, vous avez cinq minutes.
     En ce moment, on parle beaucoup du projet de loi C-10. Advenant le cas où il serait adopté, la population carcérale augmenterait considérablement, mais il n'y aurait pas nécessairement de financement à la clé. On pourrait parler ici de personnel insuffisant pour mettre en oeuvre et adapter les programmes d'aide. Je parle ici d'agents correctionnels, mais aussi de services pour les détenus, soit des services psychologiques, médicaux et de désintoxication, notamment. J'aimerais que vous nous parliez des conséquences possibles de cela, d'abord pour les détenus, ensuite pour les employés et enfin pour la population.

[Traduction]

    Merci, madame Morin.
    Je répète que le comité sera saisi d’un projet de loi. Le Comité de la justice sera saisi du projet de loi C-10 et débattra de certaines de ces questions. Mon travail est de nous garder concentrer sur les paramètres de la motion.
    Merci, madame Morin. Vous êtes toujours aussi conciliante.
(1245)

[Français]

    Je vais reformuler ma question.
    Si, par exemple, la population carcérale augmentait, quelles en seraient les conséquences pour les détenus, pour les employés et pour la population?
    Commençons par la population.

[Traduction]

    Une voix: J'invoque le Règlement.
    Veuillez axer votre réponse sur les drogues et peut-être…
    Pas de problème.
    Très bien. Tant que nous restons dans le sujet des drogues et que nous ne cherchons pas à savoir si la construction d'un plus grand nombre de prisons est, oui ou non, une bonne initiative, tout ira bien. Nous voulons rester dans le sujet de notre étude.
    Monsieur Sorenson, dois-je répondre à la question ou non? Je ne suis pas sûr de ce que je dois faire maintenant.
    Des voix: Oh, oh!
    Vous allez répondre. Vous devez répondre à une question concernant les drogues dans les prisons.
    Les drogues dans les prisons, d'accord.
    En reformulant la question de Mme Morin: quel sera l'effet des drogues dans les prisons en cas d'accroissement de la population carcérale? En respectant les paramètres de cette question, comment peut-on mieux s'occuper des nouveaux détenus?

[Français]

    Madame Morin, s'il y a une augmentation de la population carcérale, il faudra que nous ayons les ressources nécessaires pour faire face à cette nouvelle situation. Il va falloir donner aux agents correctionnels, ou au personnel d'établissement, les ressources nécessaires. S'il y a 80 détenus dans une rangée qui est faite pour en contenir 40, cela veut dire qu'il y aura deux détenus par cellule. Il y aura deux fois plus de travail et de responsabilités. Cela entraînera de profondes difficultés et affectera le moral des détenus.
    Toutes ces choses, comme me le dit Michel à l'oreille, auront des répercussions sur l'identification des personnes, en lien avec la drogue. Tout le système d'information deviendra 10 fois plus compliqué. Il va falloir les ressources correspondantes, c'est certain.
    On m'a aussi parlé plus tôt de programmes spécifiques pour les femmes et pour les Autochtones. J'aimerais, si possible, en savoir un peu plus sur la spécificité de ces programmes. Cela intéresserait notre comité.
    Parlez-vous de programmes liés à la drogue?
    C'est cela.
    Une chose est sûre, c'est que la drogue n'est pas seulement liée à un groupe de personnes. Dans les pénitenciers pour femmes, il y a aussi des programmes liés à la drogue, mais c'est traité un peu différemment. Si vous visitez un pénitencier pour femmes et un pénitencier pour hommes, vous verrez que ce n'est pas tout à fait la même chose.
    Toutefois, dans les établissements pour femmes, il y a aussi des femmes qui font affaire avec des gangs criminels. Ce sont des comportements qui sont durs à gérer. On nous a appris à traiter différemment une femme détenue et un homme détenu. Nous, du syndicat, disons souvent qu'on devrait faire attention de ne pas les traiter trop différemment, parce que lorsqu'il y a de la drogue et des problèmes de gangs, que ce soit un homme ou une femme, c'est le même problème, au fond. Il y a le même problème d'intimidation des autres détenus.
     Il faut prendre le temps de réfléchir, de ne pas faire une trop grande distinction entre les deux. En même temps, il ne faut pas faire croire qu'il n'existe rien pour les femmes. Il ne faut pas dire non plus que cela n'existe pas dans les pénitenciers pour femmes, qu'elles sont toutes sans faute. Un instant! Il faut regarder cela dans son ensemble.
    Par conséquent, il y a des programmes auxquels ont accès les femmes aux prises avec des problèmes de toxicomanie en prison. Des programmes sont donc offerts et adaptés.
    Oui.
    En ce qui a trait aux Autochtones, j'imagine que c'est la même chose.
    C'est la même chose chez les Autochtones. On appelle cela des pavillons de ressourcement pour les détenus autochtones. On en trouve dans l'Ouest canadien, à Kwìkwèxwelhp et à Willow Cree, notamment. Il y a aussi des programmes pour la toxicomanie.
     L'alcool aussi est présent. C'est un gros problème.
    En ce qui a trait aux programmes spécifiques, est-ce la même chose, la même la façon de traiter? On connaît un peu les situations sur les réserves. Je voulais simplement vérifier.
    Ils ont des programmes spécifiques...

[Traduction]

    Merci, madame Morin.
    La parole est maintenant à Mme Young.
    Comme mes collègues, je tiens à vous remercier, vous et vos 18 000 travailleurs à travers le Canada, pour le travail que vous faites chaque jour.
    Je fais remarquer que vous êtes venu ici en portant votre gilet pare-balles ou je ne sais comment on l'appelle. Assurément, vous allez au travail avec les outils et les mesures dont nous avons parlé tout le temps.
    Je veux vous poser trois petites questions pour savoir l'idée que vous et vos travailleurs avaient de ce que nous faisons ici, en termes de ce qui se passe maintenant, où nous nous trouvons maintenant, ce que nous allons faire, et ce que nous pouvons faire en tant que comité pour vous aider dans vos efforts visant à maintenir la sécurité dans nos collectivités.
    Je prends note des chiffres étonnants cités durant l'exposé précédent de M. Head. Il a dit qu'à l'admission, 80 p. 100 des délinquants ont un grave problème de toxicomanie et que 50 p. 100 indiquent que ce problème est un des facteurs qui les a incités à commettre l'infraction. En participant à ces programmes, ils ont probablement 45 p. 100 de chances de ne pas retourner en prison et 63 p. 100 de chances de ne pas y retourner pour cause de nouvelle infraction violente.
    Êtes-vous d'accord? Avez-vous constaté cela? 
(1250)
    J'ai entendu quelques chiffres ce matin. Je ne dis pas qu'ils sont bons et je ne dis pas qu'ils ne sont pas bons. Ils peuvent être exacts si je peux répondre de cette façon.
    Je voudrais être très claire. Est-ce que vos travailleurs constatent que ces programmes aident les détenus à abandonner leurs activités criminelles?
    Il faut tenir compte du niveau de sécurité de l'établissement: maximum, moyen, minimum. Comme je l'ai dit au début, oui, ces outils nous aident. Allons-nous réussir à éliminer toutes les drogues? Allons-nous réussir au point que personne n'aura jamais plus de problèmes de toxicomanie ? Allons-nous…
    Oui, mais ce n'était pas ma question. Tout ce que je veux savoir c'est s'il y a une amélioration? Pensez-vous que ces programmes soient une bonne mesure?
    Je pense que ces outils nous aident à trouver une plus grande quantité de drogues.
    Mme Wai Young: Et ce sont de meilleurs outils.
    M. Pierre Mallette: Mais ils ne sont pas parfaits.
    Bien sûr que non.
    Je note que nous avons augmenté, il y a deux ans, le financement de ces programmes à 122 millions de dollars et M. Head a dit qu'il y avait aussi 47 millions de plus.
    Avez-vous remarqué que la quantité de drogues, a diminué de 11 ou 12 p. 100 à 7,5 p. 100 actuellement? La situation s'est-elle améliorée? Appliquons-nous maintenant des mesures pour améliorer la situation?
    Les mesures que nous avons en place aujourd'hui sont les outils qui nous aideront à être plus performants. Mais je veux vous donner un exemple. Il y a deux semaines, nous avons trouvé à Stony Mountain une quantité de drogues d'une valeur de 47 000 $.
    Oui, je l'ai lu dans les notes d'information.
    Nous essayons, mais nous devons nous assurer que ces...
    Tout d'abord, oui. La réponse à votre question est oui. J'aimerais toutefois ajouter quelque chose. Tout est lié à un élément. Vous nous donnez des ressources. Vous nous donner de l'argent pour mettre en place des mesures. Eh bien faisons-le. Ne nous privez pas de leur utilisation. J'ai donné l'exemple des colis volants. Au pénitencier de Dorchester, dans la région atlantique, on a décidé d'utiliser les outils à d'autres fins.
    C'est le rôle du syndicat, de l'UCCO-SACC-CSN, de s'assurer que les ressources que nous recevons, le cas échéant, sont utilisées à la bonne fin.
    Tout à fait. Si je comprends bien donc, monsieur Mallette, la situation s'est améliorée. Ce n'est pas encore parfait, mais la situation s'est améliorée.
    Ces outils vont nous aider.
    Est-ce que le financement et les programmes ont amélioré la situation, oui ou non?
    Oui, bien sûr. Je ne dis pas le contraire.
    J'aimerais maintenant aborder la question de la sécurité des employés, car il y avait aussi dans son rapport l'idée que la drogue dans les prisons compromet la sécurité des employés.
    Selon vous, est-ce que la diminution de la drogue dans les prisons a permis d'accroître la sécurité des employés? Quel a été le résultat?
    Non, il faut être prudent, là. Vous voulez savoir si nous faisons un lien entre l'utilisation de la drogue et les agressions contre les employés...
    Je vais poursuivre en français si vous le permettez.

[Français]

    Je veux m'assurer de bien dire les choses.
    On dit que la drogue est liée aux assauts sur le personnel. On pense, par conséquent, que si la quantité de drogue diminue, les assauts vont diminuer. Je vous dirais de faire attention. Quand on fait une saisie de drogue, certains détenus ne sont pas contents. Ce n'est pas simplement une question d'accoutumance, c'est aussi une question de trafic. Lorsqu'ils ne sont pas contents, comment réagissent-ils? Ils réagissent en se vengeant sur le personnel.
    Il n'y a pas de relation aussi automatique que ça. Ce n'est pas parce qu'il y aura moins de drogue qu'il y aura moins d'incidents. Plus on sera sévère et plus on combattra ce fléau, plus ils seront de mauvaise humeur, moins ils aimeront ça et plus ils vont tenter d'avoir recours à l'intimidation. Ce sont des organisations criminelles.
    Je ne peux pas faire de corrélation entre le fait de saisir de la drogue grâce à différents outils, et la diminution de la violence. Des gens ne seront pas contents qu'il n'y ait plus de drogue. Ils essaieront autre chose et ils exerceront de la pression sur le personnel. Je ne fais pas un tel lien.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Mallette.
    Nous allons recommencer avec M. Chicoine. Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de s'être présentés malgré le court préavis. Je les remercie aussi de nous avoir informés sur les problèmes de sécurité du personnel. Je souhaite que nous puissions nous pencher sur cette question dans un avenir assez rapproché.
    Vous avez abordé certains problèmes vécus dans les différents pénitenciers, notamment le fait que les détenus qui sont transférés ne peuvent plus continuer à suivre leurs programmes. Croyez-vous qu'un programme uniforme s'adapterait facilement à la réalité de vos institutions?
(1255)
    Je pense qu'il faut étudier cette idée. Par exemple, si vous êtes à l’établissement de La Macaza au Québec, on peut vous transférer à une autre institution qui n'offre pas nécessairement les mêmes programmes. Parfois, une personne va être transférée pour certaines raisons, comme le fait qu'elle va sortir bientôt ou qu'on lui permet de se rapprocher de sa famille et des gens qu'elle a connus. Les programmes ne sont pas nécessairement les mêmes partout.
    Je pense qu'il devrait y avoir des programmes semblables partout. Au moins, le programme de toxicomanie devrait exister partout. Il y a un minimum de programmes qui mériteraient d'exister dans chaque institution pour que les gens puissent les poursuivre. Ma réponse est oui.
    Quelles sont les embûches qui font que ce n'est pas uniforme?
    On gère tellement de populations différentes. Parfois, certains établissements changent d'orientation en raison du type de populations.
    Au cours des années 1990, au Québec, un grand danger nous guettait. Les pénitenciers étaient en train de se colorer. Il y avait le pénitencier Rock Machine et le pénitencier Hells Angels. Les membres des Rock Machine étaient transférés à Cowansville et ceux des Hells Angels allaient à l'institut Leclerc. À Donnacona, il y avait le secteur 119, Rock Machine, et le secteur 240, Hells Angels.
    Le détenu qui arrivait, qui n'appartenait ni à un groupe ni à l'autre, ne savait pas où aller. Si on le mettait d'un bord ou de l'autre, on disait qu'il faisait partie de tel ou tel groupe. On a vécu cela, et ça se passe encore.
    Le crime n'est pas facile à gérer. Quand la police fait des arrestations à l'extérieur, ces gens ne disparaissent pas. Pour nous, le film ne se termine pas, il commence.
    Si la drogue est à la baisse, la violence est-elle à la baisse? On les met tous dans un même endroit. Il faut être prudent. Certains criminels vivent du crime organisé et ils vivent du crime organisé en prison également.
    Par conséquent, en ce qui a trait à la sécurité du personnel, le fait d'éliminer complètement les drogues pourrait presque devenir dangereux. Les personnes qui ressentent un manque, comme vous l'avez mentionné...
    En fait, c'est là que notre travail n'est pas facile.
(1300)

[Traduction]

    Prenez tous ces noms et remettez en question ces postes de privilège. Posez les vraies questions. Demandez le nom du président du comité des détenus — disons à Leclerc ou à Cowansville ou ailleurs — et demandez s'il est lié à un gang. Vous pourriez être surpris. Vous allez sans doute dire: Oh mon Dieu!
    Merci.
    Merci, monsieur Mallette.
    J'ai quelques petites questions. Je sais que M. Norlock est pressé, car il doit sans doute se rendre à un autre comité. Je sais qu'il travaille toujours très fort comme député.
    J'ai déjà vu le type d'alcool, ou la gnôle, que les détenus fabriquent en prison. Je dois vous dire que c'est assez bizarre. Ils fabriquent cela dans des gros contenants en plastique qu'ils placent au-dessus des chevrons, et le ketchup littéralement, comme l'a mentionné M. Head, et c'était mauvais. Ils trouvent toujours une façon d'en faire. Ils ajoutent des gros morceaux de fruits pour la fermentation. Ce qui m'étonne, c'est la grosseur. Je comprends qu'on puisse faire entrer en contrebande une petite pilule, un joint, de la cocaïne ou tout autre chose qu'on peut placer à l'intérieur du corps, mais est-ce qu'on réussit à faire entrer beaucoup d'alcool? Je n'ai jamais vu personne boire une bière dans les couloirs d'une prison. On reconnaîtrait la bouteille tout de suite. Est-ce qu'on réussit à faire entrer de l'alcool dans les prisons, ou est-ce surtout la gnôle que les détenus consomment?
    Vous avez parlé également de la contrebande du tabac qui s'effectue par l'entremise de la mère, de l'épouse, d'un enfant ou de la grand-mère. Il n'y a pas que la contrebande de la drogue, il y a aussi la contrebande du tabac. Nous avons donc une femme qui fait la contrebande du tabac parce qu'on l'y force. Comme vous n'êtes pas avocat, vous ne pourrez peut-être pas répondre à la question, mais est-ce que quelqu'un peut être puni pour s'être adonné à la contrebande d'une substance légale? Il faut confisquer le produit, mais la personne ne sera pas condamnée, n'est-ce pas? Une personne ne peut être accusée d'avoir remis à quelqu'un du tabac.
    C'est une très bonne question, monsieur Sorenson.
    Premièrement, on est plus susceptible de trouver de l'alcool véritable dans les prisons à sécurité minimale que dans celles à sécurité moyenne et maximale, où les détenus la fabriquent habituellement. J'ai siégé à un comité en 1999 qui s'est penché sur le comment et le pourquoi de la fabrication de l'alcool en prison. La recherche a été menée à la prison de Donnacona, où je travaille. Dans le rapport, nous demandions pourquoi la consommation d'alcool à la maison n'entraîne pas des accusations criminelles, alors qu'en prison, elle ne donne lieu qu'à un rapport disciplinaire. À l'époque, le directeur à Donnacona me disait: « Mallette, pour l'amour du ciel... ». Je lui ai dit que nous devions tenter quelque chose. Nous sommes aller voir les dirigeants de la GRC à Québec et nous leur avons posé la question. Mon directeur était un bon directeur et il m'a dit: « Veux-tu essayer? Nous allons le faire. ». Et devinez quoi? Nous avons gagné. Nous avons gagné en cour. Le type a écopé d'une prolongation de sa peine de huit mois. L'alcool en prison nous crée beaucoup de problèmes. Si quatre ou cinq gars sont en état d'ébriété dans la salle commune, ils vont habituellement se battre. C'est ce qui se passe. Il faut faire la même chose qu'à l'extérieur. Il faut que ce soient des accusations au criminel. Et il faut faire la même chose pour les visiteurs qui introduisent la drogue. Il faut le faire.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Nous sommes heureux d'avoir pu entendre le point de vue du syndicat. Vous êtes un bon communicateur. Merci d'être venu.
    Merci aux membres du comité.
    La séance est levée.
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