NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 28 janvier 2015
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Chers collègues, comme vous avez pu le constater dans l'avis de convocation, nous sommes ici conformément au paragraphe 108(2) du Règlement pour poursuivre notre étude sur la défense nord-américaine.
Nous recevons aujourd'hui deux témoins qui, je l'espère, feront preuve d'indulgence si notre réunion est écourtée, compte tenu du caractère imprévisible des événements sur la Colline parlementaire.
Nous accueillons, de l'Institut de la Conférence des associations de la défense, M. David Perry, analyste principal, Sécurité et défense. Se joint aussi à nous, à titre personnel, Ugurhan G. Berkok, professeur au département de gestion et d'économie du Collège militaire royal du Canada.
Monsieur Berkok, je crois comprendre que vous êtes prêt à parler en premier, car vous avez une présentation électronique. La parole est à vous. Vous disposez de 10 minutes.
Je voulais attirer votre attention sur trois points — les trois premiers que vous voyez à l'écran —, puis s'il me reste du temps, nous pourrons aussi parler de la situation dans des pays comparables.
J'ignore ce à quoi s'attendait le comité, mais le premier point concerne les dépenses; à l'heure actuelle, nous consacrons environ 1 % du PIB à la défense nationale. Comme vous pouvez le voir, il y a environ 10 ans, le chef d'état-major de la Défense, le général Hillier, a déclaré que les années 1990 étaient l'époque des ténèbres parce que nous faisions partout des compressions — c'est certainement le mauvais argument à invoquer. La guerre froide étant révolue, nous nous attendions, peut-être à tort, à un monde pacifique et, durant la même période, nous réduisions toutes nos dépenses. Une fois qu'on se met à imposer des compressions à tous les ministères, on ne peut tout de même pas laisser intact le ministère de la Défense nationale. Il s'agit tout simplement d'un argument d'ordre financier.
Deuxièmement, dans la même veine, il y a une semaine...
Excusez-moi un instant.
Madame Michaud, d'après ce que je crois comprendre, vous avez demandé qu'on montre la version française sur les écrans plutôt que l'anglais...
[Français]
J'aimerais avoir accès à la version française et l'avoir devant moi. Présentement, j'ai la version anglaise, ce qui ne m'aide pas vraiment. J'ai les documents, mais ce n'est pas disposé de façon très logique.
Je fais cette remarque pour considérations futures, je suppose.
[Français]
Pour la prochaine réunion, nous y verrons.
[Traduction]
C'est une demande bien raisonnable. Merci.
Je suis désolé...
Ce changement risque de retarder la réunion, alors procédons ainsi pour cette fois-ci.
Je vous remercie de votre compréhension.
Pour reprendre le premier point, il y a trois exemples qui illustrent le point de vue dont je viens de parler. Actuellement, nos dépenses représentent environ 1 % du PIB, soit une baisse par rapport à 1,4 % il y a peut-être sept ou huit ans.
Le premier exemple concerne la fameuse déclaration du général Hillier — comme tout le monde le sait — sur la comparaison des années 1990 à l'époque des ténèbres, mais il faut dire que nous coupions tout durant cette période. Le secteur de la défense ne pouvait pas échapper aux compressions. Les réductions étaient donc généralisées.
Deuxièmement, dans un article paru dans le Globe and Mail il y a environ une semaine, les diplomates Burney et Hampson ont fait une mauvaise comparaison. Ils ont dit que les dépenses militaires de l'Australie représentent un taux de 2 %. Eh bien, tout le monde ici sait quelle place nous occupons dans le monde. Ce n'est pas comparable. On n'a qu'à regarder la carte. L'Australie doit consacrer plus d'argent à la défense que le Canada. C'est très clair, parce que la défense est un instrument de politique étrangère, mais il s'agit aussi d'un service que le gouvernement offre en fonction des menaces.
Troisièmement, et ceci est un dossier explosif dans le contexte canadien, il y a les F-35. Beaucoup de gens sont venus nous donner des exemples. Le cas le plus frappant était le Japon. Là encore, le Japon occupe une place particulière dans le monde. Évidemment, les Japonais doivent acheter 100 F-35.
Un des reproches était de savoir pourquoi le Canada achète 65 avions alors que le Japon et l'Australie en achètent plus. Bien entendu, cela dépend des menaces. Si nous allons remplacer nos chasseurs, il faut établir un certain nombre, mais ces pays ne sont pas de bons exemples.
Examinons maintenant la situation actuelle dans le domaine de la construction navale et du matériel militaire. Il y a eu beaucoup d'annulations et de reports concernant l'acquisition de matériel militaire, sans compter les dérapages du processus d'approvisionnement dans le cas de la construction navale. Au lendemain de la mission en Afghanistan, nous nous retrouvons dans une situation où, selon moi, il n'y a pas d'urgence réelle. Le gouvernement actuel n'a pas carte blanche, mais encore une fois, je comprends que l'urgence pourrait ne pas être au rendez-vous.
Si on pousse plus loin l'argument politique, on constate que certains de ces facteurs ont peut-être été sacrifiés pour équilibrer les budgets.
Voici donc la question à se poser pour déterminer la demande en matière de défense: combien veut-on dépenser pour la défense et dans quelles circonstances?
Je vais maintenant passer à la diapositive suivante. Le deuxième point porte sur la gouvernance de l'approvisionnement en matière de défense. Nous semblons nous contenter d'une sorte de modèle d'approvisionnement inflexible, qui n'existe dans aucun autre pays dans le monde. Dans le cadre de la vaste stratégie de construction navale, le processus de sélection des chantiers navals à Halifax et à Vancouver était louable. Tout s'est bien déroulé, mais rien n'a encore été construit. Le secrétariat ressemble à trois boîtes placées l'une à côté de l'autre, et peut-être même quatre si on ajoute le Conseil du Trésor. Pour aller de l'avant, chaque guichet doit donner le feu vert, ce qui retarde le processus.
Comme nous le verrons dans la diapositive suivante ou celle d'après, de nombreux pays, comme l'Australie et la Grande-Bretagne — des pays auxquels nous pouvons nous identifier puisqu'ils ont des types de gouvernements semblables aux nôtres — ont laissé tombé ce genre de structure de gouvernance.
Bref, tous les intervenants — le Conseil du Trésor, TPSGC, Industrie Canada et le ministère de la Défense — doivent donner leur aval pour qu'un projet passe à l'étape suivante du processus. Je n'entrerai pas dans les détails. Imaginez ce qui se produirait si un des SMA devait être remplacé. Il faudrait six mois de plus pour que le nouveau SMA comprenne le processus, le dossier. Cette structure de gouvernance cause des retards. C'est là un avertissement. En fait, il faut faire quelque chose. J'espère que quelqu'un tiendra compte de ce que j'ai à dire.
Une coordination s'impose donc, et le secrétariat représente justement un tel mécanisme. Toutefois, on a beau coordonner les activités, le fait est qu'on doit passer par les quatre guichets. Par ailleurs, le secrétariat ne peut rien changer. Il ne fait que coordonner les quatre ministères.
Le premier point était donc de savoir combien nous dépensons. Le deuxième concerne la structure de gouvernance de l'approvisionnement en matière de défense. Passons maintenant au troisième point, qui est une véritable pierre d'achoppement lorsque nous tenons compte de nos dépenses. Il s'agit de la politique d'achat au Canada. Nous nous plaignons beaucoup de la politique équivalente aux États-Unis, en raison de la flambée... je ne me souviens pas... À Vancouver, on construit...
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Ugurhan Berkok: C'est ça, mais nous faisons la même chose. Il en coûte aux contribuables de la région environ 20 % de plus pour chaque grand projet d'acquisition.
Une voix: C'est exact.
M. Ugurhan Berkok: Pour l'instant, il n'existe aucune étude rigoureuse en la matière. Le directeur parlementaire du budget a présenté quelques chiffres concernant les navires. L'historien Granatstein a fait quelques estimations, mais j'ignore comment ils ont obtenu ces résultats.
Quant à la façon dont fonctionne le programme de retombées économiques, et n'oublions pas qu'il s'agit d'une économie très avancée, notre politique semble consister à favoriser l'achat local quand les produits sont disponibles au pays, quitte à ce que cela coûte très cher. Les Australiens ont complètement abandonné cette politique.
Il s'agit là d'un luxe, parce que nous ne faisons pas face à des menaces immédiates. Nous pouvons donc adopter une attitude plus sereine dans ce domaine, mais les Australiens n'ont pas de marge de manoeuvre. Quand ils doivent acheter un équipement de défense qui vaut 100 $, c'est exactement le prix qu'ils paient. Dans notre cas, par contre, nous payons 120 $ parce que nous voulons que certains produits soient fabriqués ici, même si cela pourrait coûter plus cher.
Notre programme de retombées économiques est conçu pour la consommation intérieure, c'est-à-dire pour les besoins du pays, plutôt que la défense; c'est donc tout à fait inefficace. Peu importe les gouvernements au pouvoir au cours des 35 dernières années, cette pratique perd du terrain depuis les années 1980, voire depuis la fin des années 1970. Il n'y a donc aucune connotation politique là-dedans.
Pour ne pas dépasser le temps qui m'est imparti, j'aimerais maintenant vous parler de quelques pays comparables sur le plan du développement et des structures industrielles. Même si ces pays diffèrent au chapitre de leur taille, ils présentent des similarités parce qu'ils sont membres de l'OTAN — c'est un peu le cas de l'Australie. Nous sommes des pays développés, mais modestes et dotés d'une gamme restreinte d'industries de la défense.
Permettez-moi d'attirer votre attention sur une erreur qui s'est glissée à la page 7. Dans la dernière colonne à droite de la deuxième rangée du tableau, colonne intitulée « JSF », il faut mettre un point d'interrogation. Nous sommes en plein processus de remaniement. Pour ce qui est des résultats, je parle des retombées économiques, et nous utilisons les soi-disant mesures de compensation; au Canada, nous employons plutôt l'expression « retombées industrielles et régionales ». L'Australie a refusé de les utiliser. Les Pays-Bas s'en éloignent de plus en plus. La Norvège doit également s'en défaire puisque l'Union européenne dans son ensemble délaisse ce modèle.
En quoi consistent les mesures de compensation? Selon ce principe, lorsque les entrepreneurs dans le secteur de la défense nous vendent quelque chose, ils doivent investir au Canada une certaine valeur que nous imposons — pour l'instant, il s'agit d'une valeur de 100 %. Toutefois, ce faisant, nous les forçons, en quelque sorte, à faire des choses. Il y a beaucoup d'échappatoires, ce qui crée de nombreuses inefficacités. Par exemple, il y a les soi-disant multiplicateurs. Disons que les entrepreneurs doivent investir 10 $. S'ils viennent me voir à l'Université Queen's et qu'ils y investissent 1 $, cela compte pour 5 $; alors, du coup, nous n'obtenons aucun résultat.
Cette diapositive montre où se situe le Canada par rapport à d'autres pays. Comme on peut le voir, l'Australie se trouve à l'autre extrémité, dans la catégorie de marché très libéral; autrement dit, le gouvernement australien n'accorde des contrats aux entreprises australiennes que si elles réussissent aussi bien que n'importe qui. Dans notre cas, par contre, s'il y a une entreprise qui fabrique un produit, nous veillerons à ce que le travail soit fait ici, coûte que coûte. Voilà à quoi se résume la politique. Le Canada est représenté par la flèche rouge. C'est ma faute. J'ai...
Une minute? Dans ce cas, j'aimerais parler, en dernier lieu, du projet des F-35.
Ce projet est nettement meilleur que tous les autres programmes de retombées économiques. Je ne peux pas en dire autant des autres dimensions du F-35, comme la valeur stratégique, etc., mais sur le plan économique, toutes les entreprises canadiennes qui faisaient partie de ce consortium... parce que le gouvernement est intervenu et il a permis aux entreprises canadiennes de soumissionner pour le projet. Elles devaient être membres du consortium pour pouvoir présenter une soumission. Toutes les entreprises qui ont soumissionné et qui ont décroché des contrats l'ont fait de façon juste et honnête sur les marchés mondiaux. C'est donc dire qu'elles excellent dans leur domaine.
Si on veut établir un programme de retombées économiques, il faut suivre l'exemple du projet des F-35. Autrement dit, si on tient à appuyer l'industrie canadienne, on doit lui ouvrir le chemin en rendant les règles du jeu plus équitables, au lieu de dire: « Cette entreprise fera l'affaire. » On n'est pas censé choisir les gagnants.
De toute façon, si vous me le permettez, j'ajouterais très brièvement que l'Allemagne a délaissé...
C'est tout? Merci.
Merci, monsieur Berkok. Espérons que les députés auront l'occasion de revenir sur ce point et de vous poser des questions là-dessus.
Monsieur Perry, je vous invite à faire votre déclaration préliminaire. Vous avez 10 minutes.
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés.
C'est pour moi un réel privilège d'avoir été invité à comparaître aujourd'hui, dans le cadre de votre étude sur la défense de l'Amérique du Nord. Mon exposé se référera abondamment à l'étude intitulée « Remettre le mot “armé” dans les Forces armées canadiennes » que l'Institut de la Conférence des associations de la défense et l’Institut Macdonald-Laurier ont publiée tout récemment. Je parlerai surtout des constatations consignées dans cette étude, mais je suis tout à fait disposé à étendre la discussion à d'autres domaines.
Il y a presque un an, on annonçait le lancement de la Stratégie d'approvisionnement de la Défense, laquelle a pour objectif de réformer l'acquisition de l'équipement militaire au Canada. Cet objectif comporte trois volets: livrer le bon équipement aux Forces armées canadiennes dans de courts délais, se servir de ces achats comme d'un levier pour créer des emplois et stimuler la croissance économique, et simplifier les processus d’acquisition de la défense. La mise en oeuvre de cette stratégie est en cours. À tout le moins, il semble que les aspects relatifs à la simplification de l'acquisition ont progressé.
Or, d'autres changements devront être faits à cet égard, puisque le ministère de la Défense nationale connaît actuellement un problème sans précédent depuis sa création pour ce qui est de dépenser son budget d'acquisition. Depuis 2007-2008, en moyenne, c'est presque le quart de ses autorisations du crédit 5 que le MDN ne dépense pas comme il avait projeté de le faire. Auparavant, aussi loin que dans les années 1970, la moyenne historique de fonds non dépensés était d'environ 2 %. Comme résultat, cette incapacité à se servir des ressources disponibles a fait en sorte que plus de 7 milliards de dollars réservés à l'acquisition n'ont pas été dépensés comme prévu pour des projets d'acquisition.
Je crois qu'il est important de souligner que l'acquisition de matériel de défense est un problème dans le monde entier, et que la chose ne s'est jamais faite simplement au Canada. Cette récente incapacité semble cependant indiquer la présence d'un nouvel amalgame de problèmes qui viennent freiner l'acquisition de matériel de défense. À mon avis, ces problèmes découlent de cinq facteurs qui sont interreliés.
Premièrement, il faut souligner que la charge de travail en matière d'acquisition a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie. Les augmentations budgétaires qui ont commencé en 2005 et se sont poursuivies en 2006, puis la mise en oeuvre de la stratégie de défense Le Canada d’abord ont fourni le financement et la politique nécessaires pour procéder à la plus importante recapitalisation de la défense depuis la guerre de Corée. Or, une bonne partie de ce financement réservé expressément pour l'acquisition est devenu disponible en 2007-2008, soit l'année même où le MDN a commencé à dépenser beaucoup moins que ce que lui permettait son budget.
Depuis 2000, l'augmentation du financement a fait en sorte que le nombre de grands projets de l'État rapportés par le MDN a été multiplié par trois. Nous en sommes donc à l'heure actuelle avec 13 projets d'un milliard de dollars ou plus, une bonne partie desquels — dont la construction navale — sont passablement plus complexes que ceux qui ont été réalisés dans un passé récent. Entretemps, les effectifs nécessaires pour veiller à ce que ces projets se conforment aux volontés du Conseil du Trésor et à d'autres exigences redditionnelles ont augmenté considérablement.
Un deuxième facteur de déséquilibre est le fait que, malgré l'augmentation de la charge de travail, les effectifs chargés de l'acquisition, eux, n'ont pas augmenté. Les ministères clés — MDN, Industrie Canada et Travaux publics et Services gouvernementaux — ont tous subi d'importantes compressions de personnel au cours de l'examen des programmes des années 1990. On s'est donc retrouvé au début des années 2000 avec des effectifs beaucoup moins nombreux et moins expérimentés. Bien que les plans et les budgets d'acquisition pour les financer aient été bonifiés depuis, les effectifs sont restés les mêmes. Cette dynamique a fait en sorte que, par exemple, le groupe des SMA(Mat) du MDN gère maintenant environ deux fois la charge de travail d'il y a 20 ans.
Une troisième série de facteurs qui contribuent au récent problème est l’abordabilité des programmes et les difficultés en matière de budget. Le budget prévu dans la stratégie de défense était trop modeste pour acheter tout le matériel recommandé dans le document et, depuis le lancement de la stratégie, une bonne partie du financement a été réduit ou retardé. L'absence de priorités stratégiques bien définies a rendu problématique la résolution de cet écart entre le financement et les capacités. Notamment, une modification des pratiques comptables pour les projets d'équipement a fait en sorte que les budgets des projets se sont amenuisés avec chaque année de retard en raison de la perte de pouvoir d'achat, mais dans une mesure jamais vue auparavant. Par conséquent, les retards en matière d'acquisition ont entraîné un recul important de la capacité de respecter les budgets prévus pour les projets.
Quatrièmement, le processus utilisé par le MDN pour établir les besoins en matière de défense fait maintenant l'objet d'une surveillance serrée. Bien sûr, on s'est inquiété au fil des ans du fait que l'armée cherchait à obtenir le meilleur équipement possible ou à manipuler les spécifications dans le but d'acquérir des plates-formes particulières, mais les difficultés que ces questions génèrent maintenant sont différentes. En termes simples, disons que l'on se questionne sur la façon dont le MDN établit ses besoins et sur sa façon de communiquer ces besoins à l'effectif chargé des acquisitions, au gouvernement — à vous — et au public. Ainsi, plusieurs grands projets ont connu des retards considérables en raison des questions soulevées concernant le bien-fondé des exigences établies par les forces armées, comme nous l'avons vu récemment avec l'achat de nouveaux chasseurs.
En dernier lieu, tous ces facteurs ont grandement contribué à miner la confiance à l'égard du processus d'acquisition, ce qui, à son tour, a entraîné une exacerbation de ces autres problèmes. Bien que ce ne soit pas la seule raison, ces problèmes de confiance ont été amplifiés par le projet des F-35 et sont venus détériorer des relations qui étaient déjà tendues. À cause de cela, la confiance dans l'administration, la confiance entres les ministères ainsi que celle entre l'administration et l'industrie de la défense ont écopé, ce qui s'est traduit par des augmentations des exigences redditionnelles causant des retards, l'instauration d'une gouvernance fondée sur des comités et un recours important à des tierces parties.
Ces cinq facteurs sont toujours d'actualité, mais je me dois de souligner que l'on a constaté des signes d'amélioration prometteurs, surtout en ce qui concerne le projet de modernisation de la classe Halifax et de prolongation de la durée de vie utile des frégates, qui respecte son calendrier d'exécution et son budget.
Afin de mener encore plus loin l'amélioration de ces processus et d'assurer que le ministère de la Défense puisse utiliser ses ressources de manière optimale, l'étude formule 10 recommandations. J'en soulignerai trois brièvement.
Premièrement, l'examen de la Stratégie de défense Le Canada d'abord doit être mené à terme. Dans le cadre de cet examen, le MDN devrait établir des priorités géostratégiques pour orienter les acquisitions futures, résoudre le problème d'écart entre le financement et les capacités qui figure dans son plan de défense et prioriser les acquisitions de matériel qui sont prévues.
Deuxièmement, la taille de l'effectif chargé des acquisitions doit être accrue, en particulier pour les SMA(Mat), les organisations responsables de l'exécution des grands projets, la direction d'Industrie Canada qui préside aux retombées industrielles et technologiques, ainsi que pour les secrétariats nationaux responsables des acquisitions en matière de construction navale et de matériel militaire.
Troisièmement, ces mesures doivent s'accompagner d'augmentations proportionnelles de la capacité des effectifs d'approvisionnement par l'entremise d'un meilleur accès à la formation, d'une réduction des cycles d'affectation tant pour les fonctionnaires que pour les militaires occupant des postes aux acquisitions, et en liant la rotation du personnel à des jalons clés des projets. De surcroît, je recommanderais que l'on envisage la possibilité de créer un plan de carrière particulier non axé sur le commandement pour les spécialistes des acquisitions des Forces armées canadiennes.
Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur Perry.
Nous allons passer à la première série de questions de sept minutes chacune, en commençant par M. Williamson.
Merci, monsieur le président. Je l'apprécie.
Messieurs, je suis content de vous voir ici, aujourd'hui. Merci de vous être joints à nous.
Professeur Berkok, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet de ce que vous avez dit sur cette décennie de noirceur et sur votre affirmation selon laquelle nous serions dans une période de contrainte généralisée. J'ai deux commentaires à formuler à ces propos et j'aimerais ensuite savoir ce que vous en pensez.
Je crois que vous avez raison. Le gouvernement Chrétien s'est employé à équilibrer le budget. Que d'autres programmes ou ministères aient subi des compressions ou pas, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup à redire sur le fait que cette période a été terrible pour le ministère de la Défense nationale, surtout si l'on regarde les niveaux de dépenses ou de compressions qui avaient cours au pays dans les années 1980 et 1970. Mais ce ne sont pas tous les ministères qui ont été réduits. Par exemple, Affaires autochtones a échappé au couperet sous le gouvernement Chrétien. La plupart des compressions dans les programmes ont été faites en santé et en éducation. Les transferts aux provinces ont été réduits de 30 %, tandis que de nombreux ministères à Ottawa s'en sont sortis relativement bien. Certains d'entre eux, comme Industrie, ont vu leurs programmes de subventions réduits de moitié. Je conviens toutefois qu'un programme de subvention à l'industrie n'a pas grand-chose à voir avec l'acquisition à long terme d'équipement militaire.
J'ai peut-être manqué l'essentiel de votre propos, mais vous dites que ces compressions n'étaient pas si graves parce qu'elles ont touché tout le monde, alors que ce n'est pas le cas. Je crois que si vous la prenez isolément, la décennie des années 1990 en a été une de noirceur pour les Forces canadiennes. Contestez-vous cela? Que vouliez-vous dire exactement?
Oui, je conteste cela. De la même façon, si quelqu'un nous dit que l'Australie dépense 2 % alors que nous dépensons 1 %, parlera-t-on d'une autre période sombre? Le fait est que le montant d'argent que nous pouvons consacrer à la défense est fonction de divers facteurs dont, en tête de liste, la menace — l'Australie — et la situation financière. Lorsque vous n'avez pas l'argent, vous n'avez pas l'argent. Vous pouvez épargner le couperet à Affaires autochtones, soit, ou vous pouvez réduire les transferts, mais personne ne peut réclamer un statut particulier, surtout pas la défense. L'Australie est encerclée de mers dangereuses et nous, pas.
Ce que je dis, c'est que nous ne pouvons pas choisir ce qui détermine combien d'argent nous allons consacrer à la défense. Il y a deux grands facteurs déterminants. Il y a la menace... disons la politique étrangère et la menace, puis, évidemment, la situation financière. Ce sont les plus importants. Le troisième facteur est tout aussi important, mais nous n'avons aucun contrôle sur lui. Il s'agit de ce que le matériel nous coûtera, alors cela est un peu comme...
Oui, mais je vous ferai remarquer qu'à la fin de cet exercice, quand nous envoyons nos hommes et nos femmes en Afghanistan en tenues de camouflage vertes plutôt qu'en tenue de camouflage beige pour le désert et que nous avons à quêter des tours à nos alliés, on s'aperçoit que les compressions budgétaires ont eu grande incidence sur la capacité et l'état de préparation de nos troupes. Bien sûr, l'Australie est un exemple intéressant, mais cela nous éloigne du fait que c'est le ministère de la Défense qui a été le plus touché par les compressions budgétaires du gouvernement de l'époque.
Écoutez, je suis d'accord avec les grandes lignes selon lesquelles ils s'efforçaient d'équilibrer le budget, mais je trouve que votre argument... Vous avez raison lorsque vous dites que le financement doit se baser sur nos besoins en matière de capacités, mais je dirais que le gouvernement a laissé les forces armées dans un tel état qu'elles ne pouvaient plus remplir leur mission efficacement ou qu'elles arrivaient sur place sans être préparées. Avec ce gouvernement, les choses ont complètement changé. Lorsque nous envoyons des hommes et des femmes en uniforme à l'étranger, nous leur donnons les outils, les ressources et les capacités nécessaires pour remplir leur mission.
Mais aussitôt que nous sommes arrivés, nous nous sommes aperçus — je crois qu'il y a eu une sorte de gros voyant rouge qui s'est allumé — que nous les y avions envoyés avec des jeeps Iltis. Ensuite, nous avons compris que nous étions en guerre et nous avons commencé à dépenser. En fait, il est vrai que nous n'étions pas préparés à cela, mais personne n'était préparé à l'attaque du World Trade Center et à ce qui a suivi.
Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il y a des conjonctures où vous ne pouvez pas réclamer une augmentation des dépenses. Dans les années 1990, il y avait une euphorie et tout le monde disait que la Guerre froide était terminée. Alors c'était le temps de faire des compressions. Vous ne pouvez pas qualifier cette période d'âge des ténèbres.
Si vous aviez fait des compressions quand nous étions en Afghanistan, on aurait pu parler d'âge des ténèbres. Nous sommes arrivés sans préparation et nous étions tout à fait d'accord parce que nous venions tout juste d'en finir avec les compressions, puis, à la hâte, nous nous sommes mis à acheter de l'équipement pour la force aérienne et des véhicules avec un plancher en V pour nous protéger des engins explosifs et de l'équipement pour neutraliser les engins explosifs.
Mais, dans un certain sens, vous avez raison: nous sommes arrivés sans préparation. Ensuite, nous nous sommes mis à dépenser.
Monsieur Perry, en 85 secondes, pouvez-vous comparer comment se fait l'acquisition de matériel aujourd'hui et comment elle se faisait sous les gouvernements précédents?
Je crois que le processus a beaucoup évolué. Je dirais qu'il est devenu plus « intergouvernemental ». Beaucoup de points de vue divergents débattent à savoir si cela a amélioré ou empiré les choses. Certains, comme mon collègue ici présent, diront que les changements ralentiront nécessairement tout le processus.
Je crois qu'il faudra beaucoup de temps avant que nous puissions voir l'impact réel que cela aura. Le nouveau processus a été appliqué en majeure partie de façon très sélective à un certain nombre de dossiers clés déjà problématiques et très compliqués, et qui en étaient déjà à environ la moitié de leur durée de vie. Il faudra un certain nombre d'années, probablement une décennie ou à peu près, pour que la nouvelle structure de gouvernance soit appliquée à des projets dès le commencement et pour que les projets suivent ce processus depuis la conception jusqu'à la fermeture. Je crois que cela a le potentiel de faire une très grande différence, mais nous n'en connaîtrons pas vraiment l'impact exact avant un certain nombre d'années.
Je vous remercie, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais remercier nos deux témoins de leurs présentations particulièrement intéressantes.
Ma première question s'adresse à celui d'entre vous qui sera le plus apte à me répondre, peut-être les deux. Je voulais parler brièvement de la nouvelle stratégie d'approvisionnement en matière de défense qui avait été présentée par le gouvernement il y a plusieurs mois. Pensez-vous que cette stratégie, telle que présentée actuellement, va avoir un impact, c'est-à-dire qu'elle pourra régler au moins en partie les problèmes liés au processus d'acquisition qu'on constate actuellement?
[Traduction]
Je crois qu'il faut voir cette trousse et cette stratégie comme un ensemble de composantes. Nous commençons tout juste à voir la mise en place de certaines structures de gouvernance. Cela doit aussi s'accompagner d'une politique de compensation révisée pour l'industrie, qui n'en est qu'à ses balbutiements et qui n'a pas encore été pleinement étoffée.
Il y a aussi des composantes — comme l'examen par des tiers et des examens externes à différentes étapes du processus — qui commencent tout juste à être mises en oeuvre.
D'un point de vue général, je pense qu'il est tout à fait possible que ce processus améliore les choses, en ce sens qu'il permettra d'éviter à des dossiers clés de s'embourber dans des problèmes de taille. Je crois qu'il est néanmoins important de contextualiser certaines des difficultés que nous avons eues. Ce n'est pas comme si le ministère de la Défense nationale ne pouvait rien acheter, mais certains dossiers clés — les gros dossiers, les dossiers complexes — ont connu de grandes difficultés.
Si ces changements peuvent améliorer le processus de telle sorte que ces grands projets puissent ne pas connaître les dérapages que notre dossier des chasseurs connaît, et que notre dossier des avions de recherche et de sauvetage a connus, par exemple, alors, je crois que les choses vont aller mieux.
Cela dit, je pense qu'un certain nombre des autres enjeux que j'ai soulignés peuvent être renforcés sur le plan de la budgétisation, et notamment en ce qui a trait au ressourcement, et ce, peu importe le processus de gouvernance. Vous pourrez bien essayer tout ce que voudrez pour améliorer la gouvernance et les processus, mais si vous n'avez pas concrètement les ressources et les gens qu'il faut avec la bonne formation, vos efforts n'auront jamais leur l'impact optimal.
[Français]
Le secrétariat, qui devra s'occuper de l'approvisionnement, va sûrement améliorer un peu les choses parce qu'il s'agit d'une nouvelle institution de coordination qui n'existait pas auparavant. En ce sens, il y aura une amélioration, mais le problème fondamental demeure intact. Si vous avez quatre boîtes et que vous instaurez un mécanisme de coordination, cela va sûrement améliorer les choses, mais le problème fondamental demeure: il y a quatre boîtes; pour un oui ou pour un non, tout arrête.
Monsieur Perry, vous aviez soulevé un autre problème dans votre rapport, qui n'était disponible qu'en anglais, malheureusement. J'ai donc dû travailler un peu. Vous avez mentionné l'impact de la diminution du personnel qu'on a constaté au fil des années.
Vous en avez parlé brièvement aussi, monsieur Berkok, à tout le moins de l'impact que peut avoir un important roulement du personnel spécialisé dans le processus d'acquisitions militaires. Ce serait donc un élément de la stratégie qu'il serait important de revoir, si j'ai bien compris.
En effet, si on regarde les chiffres rapidement, dans les années 1990, il y avait près de 9 000 employés spécialisés dans les processus d'achats militaires. En 2004, ce nombre a diminué à 4 200 et, en 2009, il y a eu légère augmentation de 155 personnes. Il y a donc 4 355 employés. Ce n'est pas suffisant et il manquerait de spécialisation au sein des différents ministères concernés, si je comprends bien.
Nous en discutions juste avant la réunion. Les grands projets en défense — on a mentionné qu'il y en avait 10 ou 12—, sont des projets très importants. On ne parle pas d'acheter des ordinateurs ou du savon, on achète de grandes choses. Si du personnel à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada travaille à cela, il n'y a pas d'économies d'échelle en particulier à faire les choses sous le même toit, parce que ce sont deux choses différentes. Ce sont de grands projets: on achète le F-35, ce qui est sûrement très différent de l'achat d'ordinateurs. Si on transfère le personnel de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada au ministère de la Défense nationale, on aura besoin de moins de personnel. Il y a donc une économie à réaliser si cette spécialité est confiée au ministère de la Défense nationale. La gouvernance de l'approvisionnement me déçoit un peu.
[Traduction]
Bien sûr.
Je pense que la députée a mentionné plus tôt qu’au cours de l’examen des programmes et des autres importantes réductions dont les ministères ont fait l’objet à compter de 1989, au moment où le gouvernement fédéral a rajusté ses dépenses pour s’adapter à sa nouvelle situation financière et réduire son déficit, un ensemble d’entre eux ont été touchés d’une façon disproportionnée. Il s’agit des ministères les plus touchés. Ce que vous devez retenir de la discussion d’aujourd’hui, c’est que chacun des ministères qui jouent un rôle important dans les acquisitions en matière de défense faisait partie de cet ensemble de ministères ayant subi les restrictions budgétaires les plus substantielles au cours des années 1990. Par conséquent, au MDN — c’est l’endroit où l’on peut obtenir les mesures les plus simples et les plus pertinentes —, la réduction de ces effectifs a été très substantielle parce qu’en recevant moins de fonds, le ministère disposait de moins d’argent pour acheter des biens. La décision de réduire les effectifs de ce genre était donc logique à l’époque.
Toutefois, aujourd’hui, nous affrontons la convergence de plusieurs facteurs. Il y a moins de personnel, parce que les effectifs ont été réduits sans jamais être accrus par la suite. En fait, depuis 2011, ils ont été légèrement comprimés dans le cadre des mesures de réduction du déficit. L’autre répercussion clé tient au fait qu’à cette époque, les indemnités de départ offertes aux militaires et aux membres de la fonction publique étaient essentiellement attribuées de manière à inciter à partir pour passer à d’autres choses les gens qui avaient beaucoup d’expérience et qui approchaient de l’âge de la retraite.
Par conséquent, ces employés sont moins nombreux maintenant et n’ont pas autant d’expérience, en raison de l’endroit où ils se trouvent dans leur cheminement de carrière. À l’heure actuelle, il y a en quelque sorte des problèmes démographiques en ce sens que les gens qui devraient occuper des postes de gestion intermédiaire exigeant une certaine expérience n’ont pas encore acquis cette expérience parce qu’ils ont été embauchés plus tard.
En même temps, cette période des années 1990 a eu une autre incidence. Comme nous n’avons pas tellement procédé à des acquisitions importantes et complexes, les gens ont maintenant atteint le milieu de leur carrière sans jamais avoir eu l’occasion de s’occuper d’un projet d’envergure. Si nous n’avions pas traversé cette période, l’expérience des employés aurait été répartie plus également. Je pense que nous faisons véritablement face à un déficit sur le plan de l’expérience ou, du moins, il y en a eu un du milieu des années 1990 au début des années 2000.
L’important enjeu à examiner dans les mois ou les années à venir consiste à déterminer la façon dont on peut combler cette lacune en matière de capacités, ainsi que la raison pour laquelle ce problème n’a pas été résolu davantage depuis que le budget a commencé à s’accroître considérablement en 2005.
Merci beaucoup, monsieur le président. Par votre entremise, je remercie également les témoins d’avoir accepté de comparaître devant nous.
Ce sujet m’intéresse énormément. J’ai de nombreuses opinions à ce sujet que je tairai parce que, comme vous le savez, nous faisons partie d’une équipe.
J’ai remarqué une chose, et je suppose, monsieur Berkok, que vous pouvez la confirmer, car, d’après le document que j’ai sous les yeux, vous travaillez pour le département de gestion et d’économie. Par conséquent, vous êtes peut-être un économiste. J’ai quelques questions à vous poser auxquelles vous pourrez ensuite répondre pendant le temps qui nous est alloué.
Si l’on examine la presse nationale de la plupart des démocraties occidentales, on constate que les capacités et les stratégies d’approvisionnement de ces nations sont critiquées. Malgré ce qu’un universitaire peut observer, les habitants de ces pays ne voient que les aspects problématiques des processus d’approvisionnement militaire. Toutefois, selon mon expérience de député, notre capacité d’acheter des C-17, les C-130J, les véhicules de patrouille blindés, des chars d’assaut, des hélicoptères Chinook... Tout ce matériel était nécessaire. Il était requis dans les plus brefs délais, et il a été obtenu rapidement. Nous avons donc fait preuve de souplesse. Nous avons été en mesure de mettre en œuvre des processus que les Canadiens ont acceptés, et la plupart d’entre eux comprenaient la raison pour laquelle ces processus étaient entrepris.
À votre avis, comment et pourquoi le gouvernement a-t-il remporté un succès aussi remarquable — je vais vous laisser déterminer si c’était le cas, bien qu’à mon sens, ce l’était — dans le cadre de ces projets, mais non dans le cadre des autres projets? Quels enseignements pouvons-nous tirer de ces initiatives?
Je vais passer directement à la question du processus national d’approvisionnement en matière de construction navale. Il y a 60 ans, le Canada avait la capacité de construire des navires. Notre marine est la troisième en importance au monde, etc. Nous avons perdu cette capacité parce que nous avons cessé de renouveler nos flottes. Maintenant, le Canada doit prendre une décision. Nous devons renouveler nos flottes. À mon avis, il suffit de déterminer comment nous ferons travailler les gens et nous retrouverons ce que nous possédions dans le passé, de créer des emplois et, sur le plan économique, d’être en mesure d’être présent sur le marché pour vendre ces produits, comme le font les États-Unis dont la puissance actuelle découle, selon moi, de leur complexe militaro-industriel.
Je me demande si chacun de vous pourrait prendre le temps de formuler des observations à propos de ce que je viens de dire.
La première série d’acquisitions a eu lieu au cours de la guerre en Afghanistan. Nous avons invoqué l’exception relative à la sécurité nationale. Cela signifie que nous avons éliminé les freins et contrepoids prévus par Industrie Canada. Est-il possible de fabriquer ce matériel au Canada? Nous contournons simplement le problème. En fait, dans le cas de nombreux équipements, nous n’avions aucune capacité de les fabriquer, que ce soit les C-17 ou les C-130 et quelque chose, c’est-à-dire les aéronefs Hercules. Nous avons donc acheté simplement des produits déjà existants. Nous n’avions pas la capacité de les produire, alors ils ont été fabriqués rapidement. En fait, dans le cas des C-17, les Américains nous ont gentiment autorisés à nous infiltrer dans la file d’attente. Cela n’a posé aucun problème. Je ne vois aucun problème dans ces situations. Nous avions besoin de ce matériel, et nous l’avons acheté. Nous n’avions pas les capacités nécessaires, n’est-ce pas? Nous ne fabriquons pas des aéronefs. En fait, je vais mentionner un cas que nous ne prenons pas en considération, car nous contournons le problème.
Votre deuxième question concernant la construction navale est plus problématique. Le Canada a une politique à cet égard qui remonte, si je ne m’abuse, à 1911. Nous construisons nos navires ici même. Il s’agit d’une politique et non d’une loi. Nous avons toujours construit nos navires au Canada, mais nous appartenons à une nouvelle ère. En tant qu’économiste, je m’élève complètement contre l’idée de construire les coques des navires au Canada parce que nous souhaitons créer des emplois. Cela réduit les budgets de la défense. Les navires sont beaucoup plus coûteux ici que dans les pays alliés, comme le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne et, si vous la considérez comme une alliée, la Corée. Ces pays peuvent faire un bien meilleur travail que le Canada. Nous construisons les navires ici pour créer des emplois. Quel que soit le prochain gouvernement, je doute qu’il modifie cette décision. Toutefois, en tant qu’économiste, je suis consterné, car nous sommes au XXIe siècle, et il est possible d’acheter ce matériel auprès de nos alliés. Nous avons certaines capacités de.... Permettez-moi de vous communiquer le renseignement suivant. Si vous construisez un navire de combat, sa coque représente seulement 12 % de son coût, même si vous tenez compte du fait que nos coques doivent être construites de manière à pouvoir être utilisées dans le Nord. Si vous construisez un navire pour la navigation en Méditerranée, il n’a pas besoin d’être aussi solide, d’avoir une double coque, etc.
Les systèmes de combat représentent 50 % des coûts, plus ou moins 5 %. Là vous dites: « Nous en avons quelques-uns — nous les achetons surtout des Américains —, mais d’autres pays sont disposés à nous en fournir ». En un sens, lorsque nous les construisons ici, la défense n’est pas la seule à payer plus cher pour créer quelques emplois, car moi, le contribuable, je dépense aussi plus d’argent pour la création de ces emplois.
Monsieur Berkok, par souci d’équité en ce qui a trait au temps de parole accordé à chaque témoin, nous pourrions peut-être demander à M. Perry de répondre à la question.
Je conviens avec vous que les processus d’approvisionnement que vous avez soulignés ont donné de bons résultats, mais je pense qu’il est important d’examiner ces processus et de déterminer exactement les enseignements qu’on peut en tirer.
En ce qui concerne les deux premiers processus relatifs à des systèmes de transport aérien, je soutiendrais, comme le feraient la plupart des personnes avec lesquelles vous aborderiez ce sujet, que ces processus étaient relativement uniques en leur genre parce qu’il s’agissait de besoins que très peu de fournisseurs pouvaient satisfaire. De plus, étant donné les échéances à respecter et les impératifs opérationnels de notre mission en Afghanistan, nous n’avions pas vraiment beaucoup de choix. Par conséquent, je n’envisagerais pas ces processus comme un modèle qu’on pourrait reproduire dans un grand nombre d’autres circonstances.
Les C-17 sont probablement les seules pièces d’équipement militaire important que le Canada ait jamais achetées légitimement du commerce et qu’il achètera jamais du commerce, parce que, habituellement, il apporte des modifications aux produits.
La deuxième série d’achats pour la guerre en Afghanistan a également été couronnée de succès, mais je pense qu’elle a été amplement dictée par les impératifs de temps de guerre. Le seul facteur déterminant était presque explicitement ce besoin en matière de défense, et rien d’autre n’a été pris en considération, sinon la nécessité de trouver des équipements aussitôt que possible et de les livrer immédiatement aux troupes dans le besoin.
Après toutes les acquisitions que vous avez mentionnées, un genre de réaction a eu lieu au sein du reste de la bureaucratie de sorte que les exigences de Travaux publics et d’Industrie Canada n’étaient pas respectées lorsque de très bonnes raisons existaient. Maintenant, nous observons un genre de réévaluation en vertu de laquelle des considérations, qui dépassent les questions liées uniquement à la défense, influent désormais davantage sur le système, ce qui fait partie de la dynamique.
Quelle était votre question au sujet de la construction navale?
Étant donné que le Canada n’a pas de capacités de construction navale, est-il dans son intérêt de développer de telles capacités peut-être en vue de devenir plus tard un fournisseur d’équipements pour les pays qui sont actuellement dans notre position?
Je mentionne très brièvement qu’à mon avis, cette initiative pourrait être profitable à au moins trois égards.
Premièrement, ces activités nationales auraient des retombées économiques qui compenseraient toute différence de prix ailleurs.
Deuxièmement, il est important de disposer d’une industrie canadienne de la construction navale pour entretenir tous les navires qu’on construit, et il faut maintenir cette capacité.
Troisièmement, sur le plan des exportations, nous avons déjà remarqué, même si ce n’est pas dans le cadre de la Stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale, au moins une annonce majeure à propos de l’exportation d’une partie de la technologie ayant servi à rénover les frégates de classe Halifax.
C’est tout le temps que vous avez. Merci beaucoup.
Madame Murray, la parole est à vous pendant sept minutes.
Merci. Je vous suis reconnaissante à tous les deux d’être venus nous aider à comprendre la façon dont ces problèmes d’approvisionnement peuvent être réglés et la façon dont nous pouvons obtenir des résultats supérieurs à ceux que nous avons atteints au cours des sept ou huit dernières années.
Je tiens à comprendre pourquoi certains fonds n’ont pas été dépensés.
Monsieur Perry, j’ai vu des comparaisons qui indiquaient que pratiquement 25 % du crédit 5, qui est prévu pour l’achat d’équipements militaires, n’avaient pas été utilisés. Habituellement, le gouvernement omet de dépenser environ 2 % de ce crédit.
C’est exact. Cette statistique remonte à aussi loin dans le passé que les données que l’on retrouve assez facilement à l’aide des comptes publics.
Il s’agit donc d’un problème tout à fait hors de l’ordinaire observé au cours des six ou sept dernières années.
Qu’en est-il des autres pays? Est-il normal dans d’autres pays que des fonds approuvés par leur Parlement demeurent inutilisés?
D’accord. Il est peu probable que ces fonds s’élèvent à 25 %, mais nous n’en sommes pas certains.
Vous avez parlé du financement promis qui est demeuré inutilisé ainsi que de la charge de travail en matière d’approvisionnement. En même temps, la Stratégie nationale en matière de construction navale a été rendue publique, et elle comporte une foule d’exigences.
Dans votre rapport, je crois que vous avez indiqué qu’une partie du problème tenait au fait qu’aucune priorité n’avait été établie. Si les projets avaient été classés par ordre de priorité, ils auraient peut-être pu être mis en oeuvre plus rapidement au lieu de paralyser le système tous en même temps.
Ce problème a-t-il été résolu, ou existe-t-il toujours?
À ma connaissance, le problème relatif à l’établissement de priorités n’a toujours pas été réglé. En parallèle avec le renouvellement de la Stratégie de défense Le Canada d’abord, la Défense nationale entreprend activement un processus visant à envisager de classer par ordre de priorité une courte liste de projets tirés d’une très longue liste de projets planifiés, et ce afin de tenter de leur faire franchir les étapes du système plus rapidement. Toutefois, à ma connaissance, ce processus n’a pas progressé.
Ce qui est particulièrement problématique, c’est que la Défense nationale ne rencontre le Conseil du Trésor que quelques fois par année, et si vous disposez de trois fois plus de dossiers que vous pourriez présenter et faire approuver, cela complique les choses et vous force à faire des choix difficiles quant aux projets qui ne figureront pas sur la liste.
D’accord. Par conséquent, la situation n’aura pas l’air très prometteuse si nous continuons d’être obligés de récupérer des fonds et de nous abstenir d’établir des priorités et de gérer adéquatement le travail.
Dès le départ, le budget pour la Stratégie de défense Le Canada d’abord était trop restreint. Le processus différait-il de celui employé normalement pour allouer un budget à des projets de ce genre, ou comment cela est-il advenu?
Le processus différait en ce sens que le gouvernement du Canada a modifié la norme comptable. Nous avions l’habitude d’allouer aux projets des budgets à montant fixe que nous actualisions lorsque l’exécution des contrats approchait. Nous avons maintenant abandonné ce processus, et les fonds sont désormais toujours affectés en dollars courants préalables à l’actualisation, ce qui signifie qu’ils sont établis pour un moment donné et, si n’importe quelle sorte de retards surviennent, nous perdons inévitablement notre pouvoir d’achat. Par conséquent, les choses se passent différemment.
Je signalerais toutefois que le….
Pardonnez-moi. La nouvelle stratégie d’approvisionnement règle-t-elle ce problème, ou est-ce encore...?
D’accord.
Donc, toutes ces difficultés ont entraîné des retards en matière d’approvisionnement, puis vous avez décrit un autre facteur lié aux formalités administratives. À votre connaissance, la nouvelle stratégie d’approvisionnement règle-t-elle ce problème?
Elle est censée simplifier le processus, mais, à mon avis, c’est l’aspect le moins développé de la stratégie globale d’approvisionnement de la défense, et je n’ai pas conscience que des mesures concrètes, quelles qu’elles soient, aient été prises.
D’accord. Donc, comme M. Berkok l’a mentionné, la Défense nationale poursuit ses activités comme avant, sans changer les systèmes et les processus englobés par la nouvelle stratégie.
Monsieur, pensez-vous que le système canadien comporte plus de ministres, de sous-ministres et de listes d’exigences qu’on en retrouve dans les autres pays que vous avez étudiés, ou est-ce la norme et la raison pour laquelle d’autres pays éprouvent également des difficultés?
Je n’ai pas vraiment fait allusion à des listes d’exigences, mais plutôt à la structure de l’approvisionnement.
Non, je ne parle pas de listes d’exigences en ce moment. Je parle de la structure qui exige que Travaux publics, Industrie Canada, Affaires étrangères et Commerce international maintenant, le MPO dans certains cas, le ministère de la Défense nationale et le Conseil du Trésor prennent tous des décisions ensemble.
Mon tableau a quatre boîtes. Il y en a bien entendu d’autres, mais les principaux acteurs sont le Conseil du Trésor, le ministère de la Défense, Industrie Canada et TPSGC.
Il y a de la coordination, et c’est une amélioration, mais le problème fondamental demeure. Certains de nos alliés ont éliminé les boîtes et ont mis sur pied un organisme. Cet organisme peut prendre différentes formes. Nous avons tenu une conférence au sujet de notre approvisionnement il y a environ un an. L’organisme peut être une société d’État. Il peut s’agir d’un organisme distinct chargé de l’approvisionnement en matière de défense. Il peut faire partie du gouvernement, et vous pouvez même penser... Les Britanniques ont pris une décision absurde: ils sont revenus sur leur décision. Ils ont dit qu’ils auraient un organisme privé chargé de l’approvisionnement.
Oui. Proposez-vous que ce soit la forme que devrait prendre la stratégie d’approvisionnement révisée au Canada?
Nous pouvons à tout le moins en discuter, ce qui n’est pas le cas actuellement. C’est la première fois que j’ai l’occasion de dire lors d’un forum important qu’il faut avoir une telle discussion. Les Britanniques, les Australiens et bien d’autres Européens ont pris des mesures en ce sens. Les Américains le font pratiquement, mais ils ont quatre entités différentes: l’armée, la marine, l’aviation et les Marines. Cependant, elles sont immenses. Les pays comparables au Canada ont majoritairement décidé d’avoir un point de responsabilisation unique pour gérer le tout. Dans 10 ans, nous en verrons les résultats.
J’aimerais que vous me précisiez un point. Il y a un élément dans votre tableau dont vous n’avez pas eu le temps de parler. En 10 secondes, que signifie la colonne « Champion national » avec la mention « Non » pour l’Australie et le Canada?
Le concept de champions nationaux a une grande importance dans le cas de la Grande-Bretagne. Ce que les Britanniques ont fait dans le cas de l’approvisionnement de certains équipements... L’immense entreprise britannique — j’en oublie le nom —, la deuxième plus grosse entreprise dans le monde...
Une voix: BAE?
M. Ugurhan Berkok: Oui, BAE Systems. Par exemple, ils ont... J’ai récemment écrit un rapport à ce sujet. Nous avons le programme d’approvisionnement en munitions. Ce programme est totalement inefficace. Les Britanniques ont dit à BAE Systems de gérer l’approvisionnement. On accepte que la sécurité, la sécurité de l’approvisionnement compensent les coûts. Dans notre cas, c’est la sécurité à n’importe quel prix, tandis que les Britanniques ont accepté ce compromis.
Merci, professeur. Le temps est écoulé.
Passons à la deuxième série de questions. Nous aurons des séries de cinq minutes. Nous commencerons par vous, monsieur Bezan.
Je ne pense pas que nous aurons beaucoup de temps. Je tiens tout simplement à souligner que les gouvernements libéraux n’ont jamais connu de problèmes en matière d’approvisionnement, parce qu’ils n’ont jamais acheté d’équipement. Il n’y a donc jamais eu de retards. Ce n’était pas un problème à l’époque.
Une voix: Ils ont aussi payé pour rien.
M. James Bezan: Ils ont aussi payé pour rien. Ils étaient passés maîtres dans l’art d’annuler des contrats. Nous le savons.
J’aimerais avoir des précisions quant à votre tableau. Si je le comprends bien, professeur, vous avez dit que les Pays-Bas et la Norvège modifient leurs mesures de compensation, parce qu’ils sont membres de l’Union européenne.
Certes, elle est membre de l’OTAN, mais vous avez dit que l’Union européenne — et non l’OTAN — modifie ses pratiques en matière d’approvisionnement.
Je ne crois pas que l’OTAN force ses membres à modifier leurs pratiques en matière d’approvisionnement.
Oui.
J’ai trouvé intéressants vos deux exposés.
J’aimerais revenir sur le rapport que vous avez publié, monsieur Perry. Vous avez présenté de solides recommandations pour la suite des choses. Parmi vos recommandations, quelles seraient les deux principales que le gouvernement devrait étudier en ce moment en ce qui concerne les processus d’approvisionnement?
D’accord. Il faut les suivre dans l’ordre.
Nous avons parlé des capacités. Comme vous l’avez mentionné, nous avons exporté certaines de nos capacités en matière de mise à niveau de l’équipement. Nous l’avons notamment fait en ce qui concerne les frégates en Nouvelle-Zélande. Pour ce qui est de l’avenir, lorsque nous regardons du côté des avions de combat interarmées... Je sais qu’il y a une certaine incertitude qui plane sur l’ensemble ici au Canada. Toutefois, n’avons-nous pas déjà vu des avantages de...? Au lieu de mettre strictement l’accent sur les retombées industrielles régionales, en suivant le nouveau processus qui a été adopté par le programme d’avions de combat interarmées, constatons-nous des occasions d’approvisionnement pour les acteurs de l’industrie aérospatiale canadienne qui travaillent actuellement avec la coalition?
Je m’excuse de vous interrompre, mais je vois les lumières qui clignotent pour nous informer que nous avons 30 minutes pour retourner sur la Colline et aller voter. Pourriez-vous répondre brièvement à la question avant que nous ne levions la séance?
Certainement.
Absolument. De mémoire, je crois que les avantages se chiffrent déjà à environ 1 milliard de dollars.
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