SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 14 mai 2015
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour. Je m'appelle Wayne Marston et je suis vice-président du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement national. Ceci est notre 71e séance.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités aujourd'hui. Nous avons deux témoins par vidéoconférence, M. Nguyen et Mme Do, et un par téléphone également, M. Van.
Nous allons passer maintenant aux témoignages. Nous pouvons commencer par Mme Do ou M. Nguyen, selon votre préférence.
Je m'appelle Nguyen Van Dai et je suis avocat défenseur des droits de la personne de Hanoï, au Vietnam.
Tout d'abord, j'aimerais remercier le Comité parlementaire canadien sur les droits de la personne de m'avoir donné l'occasion de représenter l'Association des frères et des soeurs pour la démocratie ainsi que d'autres organisations de services de la société civile du Vietnam. Je suis ici pour vous présenter la situation des droits de la personne au Vietnam et vous proposer quelques recommandations.
La situation des droits de la personne au Vietnam s'est légèrement améliorée depuis quelque temps. Cette amélioration n'est toutefois pas attribuable à la bonne volonté du gouvernement. Elle est plutôt due à la pression de la communauté internationale et à la croissance des organisations de la société civile au Vietnam.
Chaque année, au cours de la période s'échelonnant de 2006 à 2012, les autorités vietnamiennes ont arrêté, condamné et incarcéré entre 10 et 40 personnes qui avaient voulu faire usage de leur liberté d'expression et de leur liberté de presse pour exprimer leur point de vue politique sur des sites web internationaux, dans des blogues et sur Facebook. Certaines de ces personnes ont été arrêtées en raison de leurs activités au sein d'organisations politiques ou partisanes. Actuellement, le Vietnam tient toujours incarcérés environ 120 prisonniers politiques et 60 membres de minorités religieuses dans la région des hauts plateaux centraux.
Depuis deux ans, nous assistons à une croissance exponentielle des technologies de l'information, des blogues et des sites de réseaux sociaux. Les Vietnamiens, surtout les jeunes, ont accès à Internet et aux réseaux sociaux. Plus de 30 millions de Vietnamiens utilisent Internet chaque jour. Selon Facebook, plus de 20 millions de Vietnamiens ont un compte sur le site de ce réseau social. Cette nouvelle réalité fait en sorte que le gouvernement du Vietnam perd la maîtrise de la diffusion de l'information.
Les défenseurs des droits de la personne ainsi que les réseaux sociaux et communautaires ont pu créer des courants d'opinion publique qui, jumelés aux manifestations de rue, ont forcé le gouvernement à changer sa politique injuste et injustifiée.
Avant 2013, le gouvernement pouvait arrêter n'importe qui. Maintenant, la pression internationale et l'intégration du Vietnam à la communauté internationale ne lui permettent plus de faire cela. Pour faire face à la croissance des mouvements pour la démocratie et du nombre de défenseurs des droits de la personne au Vietnam, le gouvernement a modifié sa méthode de répression. Maintenant, il a recours à la violence pour s'attaquer aux défenseurs des droits de la personne. On dénombre au moins 10 cas de ce genre en 2013 et 10 autres en 2014. Les défenseurs des droits de la personne ont été attaqués et blessés. En plus de se faire attaquer physiquement, ils ont vu l'intérieur de leur maison sali et couvert de déchets ainsi que leur propriété détruite.
Dans le cas de ceux qui louent des maisons ou des chambres, les services de sécurité exercent des pressions pour que les propriétaires annulent les baux. Les défenseurs des droits de la personne sont ainsi forcés de déménager tous les deux ou trois mois.
Je vais maintenant parler des entraves à la liberté de circulation dans le pays. Chaque fois qu'il y a des manifestations ou des visites de délégations internationales à Hanoï, des centaines de militants sont arrêtés à leur domicile. Des douzaines d'agents de police des services de sécurité, des agents de la défense civile locale et des membres des ligues des femmes du voisinage sont déployés pour les empêcher de quitter leur maison. Ils ne peuvent pas quitter leur domicile pour assister aux événements ou rencontrer les délégations internationales.
Quant au harcèlement, les élèves et les étudiants des collèges qui participent au mouvement sont convoqués par les services de sécurité pour des interrogatoires et sont souvent menacés. Les services de sécurité font aussi pression sur les écoles pour que celles-ci menacent les étudiants d'expulsion. Ils rencontrent également les parents d'élèves et d'étudiants pour les menacer.
Les défenseurs des droits de la personne sont régulièrement convoqués par les services de sécurité ou même enlevés s'ils essaient de quitter leur domicile.
Quant au droit au travail, la plupart des défenseurs des droits de la personne au Vietnam n'ont pas la possibilité de travailler pour gagner leur vie. S'ils veulent louer des locaux pour un commerce, ils n'y parviennent pas, car les services de sécurité empêchent les propriétaires de leur louer sous la menace. S'ils ont un emploi, après quelques mois, les services de sécurité obligent les employeurs à les licencier.
Concernant l'entrave au droit de voyager à l'étranger, en 2014 et durant les premiers mois de 2015, près de 100 défenseurs des droits de la personne se sont vus interdire de voyager à l'étranger et leur passeport a été saisi. On peut affirmer sans se tromper qu'absolument tous les défenseurs des droits de la personne au Vietnam sont privés de toute possibilité de voyager à l'étranger.
Mes recommandations sont les suivantes: que le Comité parlementaire canadien sur les droits de la personne, le gouvernement canadien, mettent à profit leurs relations économiques, diplomatiques et politiques avec le Vietnam, ainsi que d'autres moyens, pour exercer des pressions afin que le gouvernement vietnamien respecte les droits de la personne.
Que le Parlement canadien recommande à l'ambassade du Canada à Hanoï d'organiser de façon régulière des communications, des réunions et des discussions avec les représentants des organisations de la société civile au Vietnam.
Que le Parlement canadien établisse des fonds pour soutenir les organisations de la société civile au Vietnam, car, une fois qu'elles se seront développées, elles seront suffisamment puissantes pour améliorer la situation des droits de la personne au Vietnam.
Je vous remercie de votre attention.
Nous allons passer à Mme Do, si elle est prête.
Une voix: Nous n'avons pas de son.
Le vice-président: Attendez un instant. Appuyez sur le bouton et maintenez-le enfoncé pendant un moment.
Essayez de nouveau. Appuyez et ensuite lâchez.
Mesdames et messieurs, merci de m'avoir invitée.
Je ne sais pas très bien m'exprimer dans votre langue, mais j'essaie de vous dire tout ce que je tiens à vous dire.
En tant que défenseure des droits légitimes des travailleurs, je suis heureuse de vous présenter un survol de la situation actuelle de la classe ouvrière au Vietnam et du sort réservé à ceux qui se sont battus pour le droit à la syndicalisation. Ceux qui ne vivent pas au Vietnam pensent toujours que la vie et les droits des travailleurs dans ce pays se sont améliorés avec l'expansion économique du Vietnam et son intégration dans la communauté internationale. Or, ceux qui vivent dans la République socialiste du Vietnam ne voient pas les choses tout à fait de la même façon.
Depuis qu'il a été forcé de passer d'une économie de planification centrale à une économie de marché intégrée à l'échelle mondiale, le pays n'a cessé de progresser sur le plan économique, mais seulement deux groupes tirent profit de cette situation: les dirigeants et les capitalistes étrangers. La classe ouvrière, qui se compose des contributeurs de première ligne à la création de la richesse et des biens sociaux du pays, s'appauvrit de plus en plus.
L'État du Vietnam mise avant tout sur sa main-d'oeuvre bon marché pour attirer les investisseurs étrangers. Son objectif est l'optimisation des profits réalisés, tant pour les investisseurs que pour les dirigeants mêmes, en permettant l'exploitation maximale des travailleurs par les investisseurs étrangers.
Les investisseurs, surtout ceux provenant des pays asiatiques, ne sont pas toujours bienveillants et respectueux envers les employés.
Depuis les années 1990, les travailleurs vietnamiens sont devenus des esclaves dans leur propre pays. Ils travaillent de 12 à 15 heures par jour, mais leur salaire moyen n'est que de 70 dollars américains par mois. Ils ne bénéficient d'aucune prestation de congé de maladie dans le cadre d'une assurance-emploi, même s'ils travaillent dans des milieux de travail dangereux, sans porter des vêtements de protection adéquats. Ils vivent dans des quartiers misérables; souvent, ils sont humiliés et même battus par leurs employeurs.
Le Vietnam possède un syndicat, mais celui-ci a été formé par le Parti communiste pour surveiller les travailleurs et restreindre leurs droits et non pour les aider. Le président de la Confédération du travail du Vietnam est membre du Comité central du Parti communiste vietnamien. Les dirigeants syndicaux locaux sont également membres du Parti communiste. En outre, la plupart des dirigeants syndicaux reçoivent des salaires de base des employeurs; en gros, ils ne sont que les marionnettes de leurs employeurs.
Exploités et sans personne pour les défendre, les travailleurs n'ont d'autre recours que les grèves pour faire valoir leurs droits, mais le gouvernement du Vietnam sévit contre eux et arrête les instigateurs des grèves auxquelles ils participent.
Le 20 octobre 2006, une annonce a été faite concernant la création de syndicats indépendants et d'une association solidaire de travailleurs et d'agriculteurs en vue d'aider les travailleurs et protéger leurs droits, mais les autorités ont immédiatement éliminé, chassé et assassiné les fondateurs et les membres de ces organisations.
L'avocat Le Thi Cong Nhan et beaucoup d'autres personnes ont été condamnés à de nombreuses peines d'emprisonnement. Leurs familles ont été impliquées. Le Tri Tue, vice-président, a cherché refuge au Cambodge, mais les services secrets communistes l'ont poursuivi et arrêté et il est porté disparu depuis huit ans.
Ceux qui ont lutté pour les droits des travailleurs, comme nous l'avons fait, ont dû poursuivre dans le cadre d'un mouvement clandestin appelé Lao Dong Viet ou mouvement ouvrier vietnamien. Nous avons été chassés sans relâche. Au début de 2010, après avoir aidé plus de 10 000 ouvriers de l'usine My Phong à mener une grève pacifique pour obtenir gain de cause dans la protection de leurs droits, j'ai été moi-même arrêtée, avec MM. Nguyen Hoang Quoc Hung et Doan Huy Chuong. Avant même qu'un verdict de culpabilité ait été rendu, nous avons été tous les trois envoyés en prison, où nous avons été maintenus en isolement, violemment battus et traités comme des animaux.
J'ai été condamnée à une peine d'emprisonnement de sept ans, tout comme Doan Huy Chuong. Nguyen Hoang Quoc Hung a été condamné à neuf ans de prison. Ayant été moi-même prisonnière, je comprends la souffrance des prisonniers d'un régime communiste, qu'ils soient hommes ou femmes. J'ai été souvent battue par mes gardiens et forcée de travailler comme manoeuvre. Lorsque je ripostais, on me plaçait en isolement, on me déshabillait et on me battait, puis j'ai été humiliée par les criminels de droit commun assignés à la même cellule que la mienne par mes gardiens. J'ai été emprisonnée dans six prisons différentes du Vietnam. Pour me forcer à passer aux aveux, le gouvernement du Vietnam m'a transférée dans une prison du nord où, en plus de vivre dans des conditions extrêmement difficiles, je me trouvais loin de ma famille et je n'avais aucun droit de visite. Tout au long de mon transfert vers cette prison, un long voyage de près de 2 000 kilomètres, j'étais menottée et enchaînée dans un coffre comme un animal. Mes amis, Doan Huy Chuong et Nguyen Hoang Quoc Hung, en tant qu'hommes, ont subi un traitement encore pire que le mien.
Je ne connais pas les conditions de détention précises des centaines d'autres prisonniers d'opinion au Vietnam, mais ce que j'ai vécu personnellement, en tant que jeune femme, a été un véritable enfer.
Grâce à la lutte tenace menée par les Vietnamiens à l'intérieur et à l'extérieur du pays et à l'intervention vigoureuse des gouvernements et des organisations internationales, y compris les citoyens et le gouvernement du Canada, le gouvernement du Vietnam a dû me libérer sans condition, mais mes amis souffrent toujours beaucoup en prison. À l'extérieur des prisons, des agents de sécurité déguisés en truands barbares s'attaquent violemment aux dissidents, en particulier ceux qui militent pour la liberté de presse et ceux qui sont actifs dans les syndicats du Vietnam. Pour ma part, je suis également régulièrement menacée et intimidée et ma famille est harcelée.
Je demande instamment au comité parlementaire canadien de presser le gouvernement vietnamien de libérer Nguyen Hoang Quoc Hung et Doan Huy Chuong, qui n'ont fait que défendre les droits des travailleurs. Je vous demande également de contraindre le gouvernement du Vietnam à libérer des centaines d'autres prisonniers politiques.
Le droit de créer des syndicats indépendants est un droit acquis pour les travailleurs. Toutefois, au Vietnam, cette activité est interdite et punissable.
Pour cette raison, dans le cadre de leurs négociations et de leurs relations avec le gouvernement vietnamien, j'invite également les gouvernements et les investisseurs à définir les conditions permettant la création d'un syndicat indépendant qui représente véritablement les travailleurs et qui n'est pas uniquement un outil du Parti communiste, comme l'est la confédération du travail du Vietnam à l'heure actuelle.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite une bonne santé.
Mesdames et messieurs, j'aimerais vous entretenir de quatre principaux points concernant la situation des droits de la personne au Vietnam.
Premièrement, les activistes, les blogueurs et les pétitionnaires du mouvement Dan Oan sont les principales cibles parmi les prisonniers politiques.
Depuis la fin de 2006 et le début de 2007, les autorités communistes ont accepté de respecter les droits de la personne comme condition d'accession du Vietnam à l'OMC. Mais, dans la réalité, des arrestations d'activistes militant en faveur de la démocratie et des droits de la personne ont eu lieu dès la fin de 2006 et ont augmenté par la suite. Jusqu'ici, environ 250 activistes et blogueurs ont été arrêtés en raison de leur lutte pour les droits fondamentaux de la personne. J'ai moi-même été arrêté à la fin de 2006, puis condamné à trois ans et six mois d'emprisonnement et à deux ans d'assignation à résidence pour avoir réclamé l'instauration de la démocratie et mené des campagnes pour la liberté d'expression.
Sur une période d'environ cinq ans, des dizaines de milliers de pétitionnaires du Dan Oan partout au Vietnam ont été privés de leurs terres, de leur maison et de leurs biens, et des centaines de personnes ont été incarcérées. Dans les Hauts Plateaux du Centre, dans le nord et dans le delta du Mékong, des peuples comme les minorités ethniques des Jaraï, des Bahnar, des Hmong ou des Khmers ont vu les leurs être arrêtés par centaines, condamnés et exilés loin de chez eux, simplement parce qu'ils avaient exercé leur droit à la liberté de religion. En raison de la politique du secret appliquée par les autorités, il est impossible d'obtenir les statistiques complètes des personnes arrêtées et condamnées en tant que membres du mouvement Dan Oan ou de minorités ethniques.
Mon deuxième point concerne le traitement inhumain réservé aux prisonniers politiques.
Les activistes, les blogueurs, les pétitionnaires du mouvement Dan Oan et les minorités ethniques qui sont arrêtés sont traités de façon inhumaine et sont même soumis à des châtiments corporels et à de la torture au cours des enquêtes ou à l'exécution du jugement les visant.
J'ai été arrêté le 17 novembre 2006 et détenu dans une pièce d'environ quatre mètres carrés sans fenêtre. Aucune lumière du jour ne pouvait filtrer dans la pièce. La porte de fer sur le devant de la cellule scellait complètement la pièce et ouvrait sur un étroit couloir fait de hauts murs. Une ampoule était allumée 24 heures sur 24. Même l'air ne pouvait entrer, d'où un manque d'oxygène provoquant de la suffocation et des maux de tête. J'ai été détenu dans ces conditions pendant près de cinq mois, sans aucun contact avec ma famille.
La plupart des prisonniers politiques se voient refuser un procès équitable. Et s'il y a un procès, il est qualifié de « procès de poche » car le verdict est décidé avant qu'il ne commence. La preuve utilisée pour permettre une condamnation est mise en scène et fausse. Les accusations sont générales et vagues et se fondent, par exemple, sur l'article 88, propagande contre l'État; l'article 79, complot en vue de renverser le gouvernement; et l'article 258, abus des libertés démocratiques ou autres atteintes à la politique d'unité nationale.
Dans les prisons, les prisonniers politiques sont soumis à des mesures sévères et discriminatoires et traités de manière bien plus brutale que les criminels de droit commun.
Ils ne peuvent pas lire les publications envoyées par leurs familles et ne peuvent exercer leurs croyances religieuses ni téléphoner à leurs proches. Ils ne sont pas autorisés à recevoir des traitements, encore moins s'ils sont dispensés par un médecin spécialiste. Ils n'auront pas droit à une réduction de leur peine. Ils sont harcelés, battus, provoqués par d'autres prisonniers sur ordre des gardiens de prison, placés en isolement dans des petites pièces et ne sont pas autorisés à aller dehors pour participer à des petits projets de travail, prendre un peu de soleil ou faire de l'exercice physique.
En outre, le gouvernement vietnamien a aussi pour politique, comme punition plus sévère, d'envoyer les prisonniers politiques dans des prisons loin de chez eux, de quelques centaines à des milliers de kilomètres de distance, même si chaque province ou municipalité a sa propre prison.
Parce qu'on leur a refusé un traitement en temps opportun par des médecins spécialistes, il arrive que des prisonniers politiques meurent peu après leur libération. C'est ce qui est arrivé à un enseignant du nom de Dinh Dang Dinh qui a souffert d'un cancer de l'estomac pendant moins d'un an en prison. Après avoir purgé une peine d'emprisonnement de deux ans, il a été libéré et il est mort peu de temps après, en 2014.
La prévention des maladies infectieuses n'est pas jugée importante, de sorte que certains prisonniers politiques, après moins d'un an d'emprisonnement, sont décédés du VIH transmis par des codétenus infectés. Ce fut le cas de Huynh Anh Tri, l'un de mes compagnons d'infortune en prison, qui est mort en 2014.
Entre 2000 et 2012, à la prison de Xuan Loc, une dizaine de prisonniers politiques sont décédés des suites d'une maladie mortelle. Beaucoup sont morts du VIH parce qu'on les avait forcés à utiliser le rasoir commun à leur visite chez le barbier au centre pénitentiaire K3 de la ville de Xuan Loc, en 2003 et 2004.
Mme Mai Thi Dung, une adepte du bouddhisme Hoa Hao du sud-ouest du Vietnam, a été condamnée à 11 ans de prison, puis libérée sans condition à la fin du mois d'avril 2015 grâce aux pressions des gouvernements et des parlements de pays comme le Canada, les États-Unis, l'Allemagne et l'Australie et grâce au Conseil des droits de l'homme des Nations unies.
Alors qu'elle était détenue à Xuan Loc, Mme Dung a été examinée par un médecin, qui lui a diagnostiqué de nombreuses maladies graves telles que la neurasthénie, des calculs biliaires, des fibromes utérins et une insuffisance cardiaque. Cependant, à la prison de Xuan Loc, on lui a dit qu'elle devait avouer ses fautes avant de pouvoir recevoir un traitement médical. Mme Dung a refusé, puis a entamé une grève de la faim, malgré son poids de seulement 36 kilos. Mais la police l'a quand même déplacée de Xuan Loc à une prison située à Thanh Xuan, à 2 000 kilomètres de là par la route. Pendant le voyage, Mai Thi Dung s'est évanouie plusieurs fois. Quand, à son arrivée à la prison de Thanh Xuan, on lui a redemandé de passer aux aveux avant de pouvoir obtenir un traitement médical, Mme Dung a refusé de nouveau.
À la fin de 2013, le Vietnam a signé la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Mon troisième point, c'est l'utilisation des prisonniers politiques comme otages par le gouvernement en matière de politique étrangère et de commerce extérieur, par exemple [Note de la rédaction: inaudible].
Les autorités communistes ont utilisé des prisonniers politiques comme otages dans le cadre de négociations sur des questions commerciales, dans le contexte des efforts diplomatiques entourant le Partenariat transpacifique ou pour négocier avec les États-Unis la levée de l'embargo sur les armes offensives.
Quatrièmement, la violence physique, les abus et la privation de liberté de mouvement exercés contre des citoyens.
En 2014 et au début de 2015, il y a eu près de 40 cas d'agression de militants, de blogueurs ou de pétitionnaires du mouvement Dan Oan et nombre d'entre eux ont été hospitalisés en raison de plaies et de blessures, dont Mme Tran Thi Nga.
J'ai moi-même été attaqué à cinq reprises en 2014. Dans un cas typique, le 9 février 2014, des centaines de policiers ont pris d'assaut la maison de ma femme, où ils m'ont frappé et arrêté. À la suite de cet événement, le sénateur Thanh Hai Ngo a envoyé une lettre de protestation à l'ambassadeur du Vietnam au Canada.
Le 24 février 2014, alors que ma femme et moi étions en chemin vers l'ambassade de l'Australie pour exposer la situation des droits de la personne au Vietnam, nous avons été agressés à Hanoï par des agents des services secrets à une centaine de mètres seulement de l'ambassade dont le conseiller politique nous a conduits à l'hôpital.
Le 14 décembre 2014, après avoir reçu une invitation de M. Raymond Richhart, directeur du bureau de l'Asie-Pacifique du département d'État américain, nous avons été empêchés de nous rendre à la réunion par des agents des services secrets de Saïgon qui nous ont agressés tous les deux à l'hôtel où nous séjournions.
Actuellement, les jours où les autorités vietnamiennes sont d'humeur sensible, les forces de sécurité encerclent les maisons des activistes et des blogueurs et ne les laissent pas sortir. Cette méthode leur réussit très bien, puisqu'un activiste ne peut pas résister à des dizaines de policiers, agents des services secrets et membres des forces de défense civile et même des voyous.
Même si nous ne sommes pas assignés à résidence, Thich Quang Do, Thich Thien Minh, Dr Nguyen Dan Que, Nguyen Van Dai et moi-même, nous sommes surveillés de façon régulière et continue.
Voici nos recommandations: premièrement, le gouvernement d'Hanoï doit respecter les droits de la personne. Deuxièmement, il faut libérer tous les prisonniers politiques et en attendant leur mise en liberté, les prisonniers doivent être traités humainement. Troisièmement, le Vietnam doit mettre un terme aux attaques et à la surveillance des activistes et des blogueurs.
Je vous remercie de votre attention.
Merci beaucoup pour vos exposés.
À ce stade, nous allons passer aux questions des membres du comité. Comme nous avons commencé assez tard, il n'y aura qu'une question par parti et elle ne devrait pas dépasser trois minutes.
Monsieur Sweet, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président. Je suis conscient du temps limité.
Ma question s'adresse à Thi Minh Hanh Do. J'espère que j'ai bien prononcé votre nom.
Vous avez dit que vous avez été condamnée à sept ans de prison. Si j'ai bien compris, vous avez passé quatre ans en prison. Votre situation est-elle la même que celle de votre collègue à côté de vous? Êtes-vous continuellement surveillée et menacée ou vous a-t-on laissé tranquille après votre libération?
Mme Thi Minh Hanh Do [Traduction de l'interprétation]:
Dans mon cas, juste après ma libération j'ai été suivie pendant un certain temps et mes mouvements étaient surveillés de très près. Cette surveillance s'est allégée par la suite, mais je fais toujours l'objet de harcèlement et ma famille est dans la même situation. Par ailleurs, j'ai eu beaucoup de difficulté à essayer de quitter le Vietnam. Quand j'ai essayé de partir, j'ai été détenue pendant 13 heures sans nourriture ni boisson et, chaque fois que je bougeais, je remarquais que quelqu'un était en train de me surveiller.
Dites-lui s'il vous plaît que c'est une femme très courageuse. Je suis sûr que tous les Vietnamiens sont fiers d'elle.
Je vous remercie tous de vos exposés. Je me fais l'écho des commentaires de mon collègue et je salue votre courage en vous présentant pour nous faire part de votre histoire, nous sensibiliser à ce qui se passe au Vietnam.
C'est une question ouverte à laquelle n'importe lequel d'entre vous peut répondre s'il le désire.
Depuis que le gouvernement vietnamien a consenti à respecter les droits de la personne, dans quelle mesure la communauté internationale a-t-elle pu envoyer des représentants sur place pour surveiller ou observer la situation des droits de la personne au Vietnam?
M. Bac Truyen Nguyen [Traduction de l'interprétation]:
Monsieur, la situation n'est pas ce qu'on voudrait laisser croire. Même s'ils ont affirmé avoir allégé le contrôle des gens qui luttent pour la liberté et les droits de la personne, en réalité nous sommes toujours extrêmement restreints. Chaque fois qu'il y a une visite d'une organisation internationale ou d'un organisme étranger, ils essaient par tous les moyens de nous empêcher de communiquer avec eux. Ils nous harcèlent. Ils nous interdisent de quitter la maison. Parfois la restriction est si dure que nous ne pouvons même pas quitter la maison pour acheter de la nourriture ou d'autres produits de première nécessité. Si certains d'entre nous, comme moi-même, sont assez courageux pour quitter la maison, ils font appel à des voyous pour nous battre, nous harceler, causer des problèmes et nous infliger des blessures.
Je vous remercie tous de votre courage et de l'information que vous nous avez fournie aujourd'hui.
Je me demande dans quelle mesure, selon vous, le pouvoir judiciaire est impartial et indépendant du Parti communiste du Vietnam. Les juges sont-ils libres de statuer sur les causes contre les blogueurs et les journalistes dissidents sans influence extérieure?
M. Bac Truyen Nguyen [Traduction de l'interprétation]:
Madame, dans le système gouvernemental du Vietnam, il n'y pas de séparation de pouvoirs entre les pouvoirs judiciaire, exécutif et législatif. Tous les juges sont nommés par une résolution du parti et lorsqu'ils doivent présider un procès, habituellement la condamnation et la sentence ont déjà été décidées à l'avance et tout ce qu'ils ont à faire c'est de lire le verdict et c'est fini. Ils n'ont même pas besoin d'écouter les arguments des avocats. De nombreuses personnes ont ainsi été condamnées à tort et nous ne pouvons rien faire pour y remédier.
Voilà qui met fin à la période des questions.
Je tiens à vous présenter mes excuses et je vous remercie de votre patience avec les problèmes techniques que nous avons eus au début. Je tiens à vous dire que les trois exposés que vous nous avez donnés, les versions dactylographiées, nous donnent beaucoup d'informations.
Une fois de plus merci beaucoup de votre courage. Nous connaissons les risques que les témoignages d'aujourd'hui vous font courir. Au nom des membres du comité, je vous remercie d'avoir témoigné.
Sur ce, mesdames et messieurs, la séance est levée.
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