ACVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des anciens combattants
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 10 avril 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour, à tous. Je déclare la séance ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 29 décembre, le Comité reprend son étude de la santé mentale et de la prévention du suicide chez les vétérans.
Aujourd'hui, nous recevons le colonel Jetly, psychiatre principal à la Direction de la santé mentale, Services de santé des Forces canadiennes. Nous débuterons par une déclaration de 10 minutes, puis nous passerons aux questions et réponses.
Colonel, vous avez la parole.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des anciens combattants, bonjour.
Je suis le psychiatre principal des Forces armées canadiennes. En cette capacité, je suis notamment chargé de conseiller le commandement sur les questions de santé mentale et de diriger notre centre d'excellence, une cellule de nature principalement stratégique de la Direction de la santé mentale sur laquelle je reviendrai plus en détail.
Je représente, dans une certaine mesure, tous les cliniciens qui travaillent chaque jour auprès des membres des Forces armées canadiennes qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale. Au quartier général, je suis responsable de l’innovation et de la recherche clinique. En ce qui a trait à la question du suicide, j'ai eu le privilège de coprésider les réunions de 2009 et de 2016 de notre comité d'experts internationaux sur la prévention du suicide. Je rentre tout juste d'un symposium de l’OTAN sur la prévention du suicide chez les militaires, qui s'est déroulé à Riga, en Lettonie, et au cours duquel des cliniciens et des scientifiques canadiens ont joué un rôle clé. Nous avons également siégé au comité de planification et avons rempli les fonctions d'évaluateurs techniques du symposium, où 27 pays étaient représentés.
On vous a déjà beaucoup parlé des Forces armées canadiennes, et notamment des statistiques sur le suicide et de la façon dont les Forces s'y prennent pour enquêter sur chaque cas et assurer le suivi. On vous a parlé des programmes cliniques et du nombre de professionnels disponibles pour soigner nos militaires. Vous avez entendu parler d’autres programmes d’aide à la résilience et à l’acquisition de connaissances de base en santé mentale, comme le programme En route vers la préparation mentale, ou RVPM, et des différentes approches prises pour aborder les questions de transition. Je vais tenter de vous communiquer brièvement certaines de mes propres observations et réflexions, sans trop répéter ce qui a déjà été dit et, bien sûr, je répondrai à vos questions dans la mesure du possible.
Le suicide est un problème important, tant chez les anciens combattants que chez les militaires en service. En ma qualité de psychiatre ayant un intérêt pour la santé de la population et pour le suicide, je désire vous rappeler que, dans le monde, il y a chaque année quelque 880 000 suicides. Cela signifie qu'environ 200 personnes mettront fin à leurs jours pendant les deux heures de notre rencontre. Chaque année, environ 4 000 Canadiens se suicident. Les problèmes de santé mentale et le suicide constituent des phénomènes mondiaux et de grandes causes d'invalidité et de décès. Nos militaires et nos anciens combattants ne sont pas à l'abri de ces problèmes.
L'un des distingués conférenciers du symposium de Riga a déclaré qu'il n'y a « ni mot-code à la mode ni déclaration lapidaire » expliquant le suicide ou la prévention du suicide dans l'univers militaire. Tous les suicides, malheureusement, ne peuvent être empêchés et il nous est impossible de reconnaître ceux qui pourraient l’être d'où la nécessité de continuer à chercher des façons de les prévenir au mieux de nos compétences. C'est là la base des stratégies de prévention du suicide que nous appliquons et que nous élargissons au sein des Forces et d'Anciens Combattants Canada.
D'abord et avant tout, nous en savons plus aujourd'hui sur le suicide que jamais auparavant. Il existe d'excellents « modèles de suicide », comme le modèle Mann, qui a été adapté aux populations de militaires par le groupe d’experts de 2009 et qui a servi de guide à la majorité de nos programmes. Selon ce modèle, la plupart des suicides sont le fait de personnes qui, atteintes d'une maladie mentale, affrontent une crise, généralement d’ordre interpersonnel, juridique ou financier, et qui développent une idéation suicidaire. D'autres facteurs entrent alors en jeu, comme le désespoir, l'impulsivité et, bien sûr, l'accès à des moyens de mettre fin à ses jours. Ces facteurs ont constitué des cibles évidentes de prévention du suicide.
Il existe d'autres modèles, comme la théorie interpersonnelle du comportement suicidaire de Thomas Joiner, qui a pris la parole à Riga la semaine dernière, dans le cadre du symposium de l'OTAN. Joiner pose pour hypothèse que le suicide résulte d'un « sentiment d'appartenance contrecarré », d'un « sentiment accru d'accablement » et d'une réduction de la peur face à la violence et à la mort, ce qui est souvent le cas chez les militaires d'active et les anciens combattants.
Ces modèles sont utiles, mais le besoin de faire des recherches et de mieux comprendre demeure. Par exemple, la majorité des personnes atteintes de maladie mentale et qui sont en crise ne se suicident pas. De même, beaucoup de personnes qui se considèrent comme un fardeau et se sentent isolées ne se suicident pas. Dans les faits, les outils existants créés pour prédire le suicide ont, au mieux, 5 % d'efficacité. C'est ce qui explique la difficulté de prédire ces événements rares.
Il faut continuer d'explorer le problème. Le suicide est, en soi, compliqué, comme l’est la suicidalité. Les personnes qui, par exemple, développent une idéation ou un désir suicidaire diffèrent de celles qui tentent de se suicider et de celles qui se suicident. Nous devons mieux démêler cet écheveau et déterminer l’existence, ou non, de prédicteurs du passage d'un état à l'autre. Le choix du moment est important aussi, car il semble y avoir des périodes de montée du risque de différentes sources, comme le début de la carrière. Il semble qu'une partie des forces de l'OTAN soit confrontée à une hausse du suicide chez les toutes nouvelles recrues, peu après un déploiement ou au moment de la libération. Nous ne devons donc pas perdre de vue qu'il y a des transitions en cours de carrière.
D'autre part, notre propre étude a démontré qu'à peu près la moitié des suicidés récents, chez nos militaires, recevait des soins, et l'autre pas. Nous devons veiller, au sujet de ce dernier groupe, à maintenir nos efforts de réduction de la stigmatisation et des autres obstacles aux soins. Ces efforts comprennent nos engagements envers l’information et la formation en matière de santé mentale, le partenariat avec Bell et sa campagne Cause pour la cause, et la main que nous tendons aux gens sur les médias sociaux et au moyen d'autres technologies.
Les militaires qui reçoivent des soins nous rappellent la nécessité de mettre en place des programmes de santé mentale dotés de suffisamment de ressources et de personnel pour permettre l’accès opportun à des soins axés sur des données probantes, mais ils nous rappellent aussi que les traitements actuels en santé mentale ne sont tout simplement pas assez bons. Il ne s'agit pas d'un problème dû aux forces armées ou à Anciens Combattants Canada, mais plutôt de l'état des connaissances scientifiques sur le traitement des troubles mentaux. Nous devons élaborer des traitements et les étudier pour nous assurer qu'ils portent fruit. Nous devons mieux savoir qui réagit à quel traitement pour pouvoir réduire le tâtonnement. Le financement et d'autres formes de soutien sont nécessaires parce que nous devons mener des recherches auprès des militaires et des anciens combattants, parce que certaines recherches civiles peuvent ne pas bien se transposer d'un univers à l'autre et que nous avons nos propres priorités, comme le TSPT lié au combat.
L'une de mes fonctions consiste à diriger notre nouveau centre d'excellence et j'ai le privilège d'avoir été le premier à recevoir le titre de titulaire de la chaire Brigadier Jonathan C. Meakins en santé mentale chez les militaires, une chaire de l'Institut de recherches en santé mentale ici, à Ottawa. Nous nous sommes donné un ambitieux programme de recherche, dont les trois aspects directeurs sont les suivants.
Premièrement, comprendre les dessous biologiques de la santé mentale. Nous recourrons à la neuroimagerie et établirons les biomarqueurs de la maladie. Ce n'est que par une meilleure compréhension de la biologie que nous pourrons élaborer des outils pour mieux diagnostiquer et mieux suivre des maladies comme le TSPT. On pourra aussi élaborer des traitements ciblant des domaines ou des anomalies particuliers, peut-être même établir un profil biologique du suicide.
Deuxièmement, tirer parti de la technologie. Nous sommes déterminés à étudier les technologies dans le domaine de la santé mentale et y avoir davantage recours. Cela pourrait inclure différentes choses, comme l'utilisation de thérapies axées sur le Web, la stimulation magnétique transcrânienne répétitive, la rétroaction neurologique, l'analyse des mégadonnées, etc.
Troisièmement, il faut appliquer une médecine personnalisée, aussi appelée médecine de précision. Malheureusement, le traitement de maladies mentales, même courantes, se fait selon la méthode du tâtonnement, qui peut être difficile et frustrant tant pour les cliniciens que pour les patients et leur famille. Nous pouvons mener des études sur des questions comme le recours à la pharmacogénomique ou à l’électroencéphalographie afin de prédire la probabilité de réaction, ou non, à certains traitements, et l'utilisation de ces technologies en aval pour éviter d'avancer à tâtons.
Notre centre d'excellence étudie également de nouvelles approches de traitement, les explore et, si elles sont prometteuses, il en recommandera la mise en oeuvre dans les forces armées. Nous communiquerons, bien sûr, nos constatations à nos collègues d’Anciens Combattants Canada. Deux exemples récents en seraient la psychothérapie propre au suicide par systèmes de combat et des approches qui enseignent, de façon structurée, à nos cliniciens comment établir des plans de sûreté pour les patients à risque. Ces types d'intervention représentent un virage dans mon propre champ d'expertise, mais aussi, ce qui est plus important, dans les champs de réflexion sur la suicidalité.
Jusqu'à présent, quand une personne atteinte d'une maladie comme la dépression devenait suicidaire, il était courant de penser que le moteur de cette tendance était la maladie et que nous devions redoubler d'efforts pour la traiter. Plus récemment, la réflexion a consisté à aborder la suicidalité elle-même, comme entité, et à se concentrer expressément sur la thérapie, sur la planification de la sécurité, etc. De toute évidence, il demeurera essentiel de traiter la maladie sous-jacente. Je me ferai un plaisir de m'étendre sur ce sujet en réponse à vos questions, mais je dois vous dire que je suis très heureux du fait que ces développements nous permettront d'améliorer nos approches actuelles.
Un autre concept à envisager est celui de l'incitation en matière de suicide. L'incitation au suicide se présente quand des personnes vulnérables s'associent ou s'identifient à des personnes qui se sont suicidées et à leur suicide proprement dit. Le phénomène existe dans des groupes comme celui des étudiants de niveau universitaire et peut manifestement se présenter chez les militaires et les anciens combattants. Dernièrement, on s’est beaucoup intéressé au signalement responsable des suicides et, en fait, l’Organisation mondiale de la santé, les centres pour le contrôle et la prévention des maladies et l’Association des psychiatres du Canada ont tous publié des lignes directrices sur le signalement responsable du suicide. Tous recommandent fortement de se garder de rationaliser, de glorifier ou d'idéaliser le suicide, car d'autres personnes vulnérables pourraient se servir de ces interprétations pour justifier leur propre suicide. Cette question est importante, car nous devons maintenir l’équilibre entre le respect que nous devons conserver à l’égard de ceux qui se sont suicidés et le risque de voir d'autres personnes les imiter. L’Association des psychiatres du Canada, par exemple, s'affaire à réviser ces lignes directrices en vue de les publier.
Merci de votre attention. Je me ferai maintenant un plaisir de vous expliquer plus avant mes commentaires ou de répondre à vos questions.
Merci, monsieur le président.
Colonel, je suis heureux de vous revoir. Merci d'avoir accepté de revenir et merci pour vos états de service. J'ai aimé votre exposé. Je pense à tellement de choses que je n'aurai pas suffisamment de temps pour vous poser toutes mes questions.
Comme vous le savez, toutes les chaires de recherche doivent être financées. Pouvez-vous nous dire qui vous finance et à quelle hauteur?
Je ne peux pas vous donner le montant exact, mais il s'agit d'un financement conjoint. Ce sont en fait les services de santé des Forces armées canadiennes qui nous financent. Une partie de ce financement est offerte en nature, sous la forme de ma contribution et de mon salaire. Il ne s'agit pas d'une chaire dotée au sens que nous ne sommes pas assis sur un pécule de 5 millions de dollars nous permettant de vivre des intérêts. Il ne s'agit en fait que de ma contribution et de celle du Royal Ottawa pour l'espace utilisé et pour une partie du personnel scientifique ainsi que pour les comités scientifiques. Si vous voulez des chiffres exacts, je pourrais essayer de me les procurer, mais je ne les ai pas ici.
Il y a deux aspects. D'abord, la présidence, puis le centre d'excellence. Un mandat clair a été établi pour le centre d'excellence qui s'occupera surtout de recherche, d'éducation et de formation. C'est la Direction générale de la santé mentale qui va le doter en personnel. Le travail se fait en étroite relation avec le président parce que c'est la même personne qui va siéger aux deux. Nous avons effectivement déjà une structure et un mode de fonctionnement.
Merci.
De nombreux témoins nous ont parlé du conditionnement psychologique de nos soldats avant de les envoyer sur le terrain. Je suis conscient que l'on fait beaucoup d'entraînement préparatoire portant sur ce que nos soldats vont devoir faire une fois sur le théâtre des opérations, mais la notion de conditionnement psychologique renvoie davantage aux situations auxquelles ils seront confrontés sur le champ de bataille.
Un témoin nous a parlé d'un exercice consistant à ramper au milieu de bestioles rampantes et autres choses peu ragoûtantes pour préparer les gens, par exemple, à des blessures de l'abdomen pour qu'ils aient une idée de la façon de réagir à ce genre de chose. Quelle place accorderiez-vous à cela dans votre programme?
Je dirais que le principe qui est en vigueur depuis toujours dans l'armée est de donner un entraînement réaliste, d'exposer les militaires au stress. Je crois que nous y parvenons au mieux de nos compétences. Nous avons le programme En route vers la préparation mentale. Par ailleurs, nous sensibilisons les gens au stress, nous leur enseignons les techniques d'adaptation et la psychologie de la performance dès l'instruction de base et nous continuons tout au long de leur carrière.
Par ailleurs, une fois qu'on connaît la mission, il est possible d'axer l'entraînement sur cette mission. Nous évoluons dans un domaine très dynamique. Au fur et à mesure que nous en avons appris davantage sur l'Afghanistan, nous avons pu élaborer des scénarios réalistes à Wainwright et dans d'autres centres d'entraînement. Tous les attentats à la bombe artisanale sur le théâtre des opérations ont immédiatement été transformés en exercices pour l'entraînement. Tout le monde est d'accord avec le principe d'un entraînement réaliste tenant compte des droits de la personne et de tous les autres paramètres, mais il est très difficile de préparer un soldat à l'idée de sa propre mort ou de celle de son meilleur copain. Il est très difficile de se préparer à l'idée qu'on risque de se faire vaporiser lors d'une explosion ou de recevoir la tête d'un copain sur les genoux. On fait ce qu'on peut. Nous avons recours à plus de simulations, nous parlons davantage des prochaines étapes et nous essayons de recueillir le maximum de renseignements possibles auprès des pays où nous sommes présents.
Il est certain qu'un entraînement réaliste ne peut qu'aider. Il n'est absolument pas garant de prévention, mais cela fait partie de l'entraînement: il faut stresser le corps et l'esprit, puis se rétablir.
Parlons de ce qui se passe ensuite. Quand nos militaires rentrent au Canada et deviennent des vétérans, comment se déroule leur libération? Je vous pose cette question du point de vue psychologique. Comment les amener à exprimer les craintes qu'ils ont ressenties afin que celles-ci ne les habitent pas éternellement ensuite?
Ce que vous dites est très intéressant. On peut effectivement tomber sur un groupe de militaires malades, et dans ce cas il faut traiter la maladie. On trouve donc le meilleur traitement, fondé sur des bases scientifiques, et on aide les gens à s'en sortir. Pour la transition, les gens devront s'adapter à une nouvelle identité qui peut ne pas être leur ancienne identité. Le problème dans le cas de la transition découle d'une attitude où les gens estiment qu'ils ne sont pas tout à fait là et qu'ils ne feront donc que la moitié du chemin.
Il peut être utile d'exploiter l'idée qu'il y a une vie après l'armée. Que l'on peut encore contribuer à la société. Qu'on peut choisir de prendre sa retraite, mais continuer de contribuer à la collectivité. C'est comme si l'on remerciait les gens pour services rendus. L'essentiel est de miser sur la vie au quotidien. Si les gens présentent des traumatismes et qu'ils sont malades, nous pouvons effectivement traiter la maladie, mais tout se ramène aux éléments déterminants dans la vie, comme un toit, de quoi manger, un appui social et ce genre de choses.
Pensez-vous que votre centre d'excellence sera en mesure de produire rapidement un programme qui pourra être appliqué à nos militaires?
Notre centre d'excellence des Forces s'intéressera davantage au traitement de la maladie et à l'assistance à apporter aux malades. Nous pourrons très certainement apporter une aide à ceux qui sont aux prises avec la maladie. En revanche, le groupe de militaires le plus important devant effectuer la transition dans le civil ne nous sera pas référé.
Parfait.
Les trois aspects que vous avez abordés dans votre exposé tout à l'heure m'intéressent, surtout celui concernant les traitements que je pourrais prodiguer. Le médecin que je suis aime à tirer des conclusions utiles à la suite de séminaires ou de rencontres auxquels je participe. À partir de ce que vous avez conclu des réalités biologiques qui sous-tendent la maladie mentale, y a-t-il des éléments qui pourraient être utiles à des médecins généralistes, à des fournisseurs de soins de santé, et que vous pourriez donc leur communiquer? Beaucoup de vétérans nous disent que, dès le moment où ils se retrouvent dans la vie civile, ils n'ont plus de médecins à qui s'adresser. Et quand ils en ont un, celui-ci ne comprend pas leur réalité, ce qui est encore plus délicat.
L'allégorie à appliquer est celle du coup qu'on reçoit sur la tête. Nous effectuons de plus en plus de recherches et nous allons trouver des traitements prometteurs. Au cours de la dernière décennie, nous avons déployé un effort concerté pour publier tout ce que nous avons trouvé dans la documentation professionnelle. Il ne s'agit pas de rapports militaires qui aboutissent sur des tablettes. Nous sautons sur chaque occasion de faire des exposés lors de conférences des associations de médecine familiale. Je représente la Conférence des psychiatres de l'Atlantique, à Charlottetown. Il est très important de diffuser l'information et nous travaillons en collaboration avec l'Association des psychiatres du Canada, avec les associations de médecine familiale, avec différentes organisations, afin de faire passer le mot. Il est essentiel que nous soyons entendus par les gens en première ligne qui s'occupent de nos militaires d'active et de nos vétérans.
Merci, monsieur, de vous être déplacé aujourd'hui.
Au mois de novembre dernier, l'Agence de santé publique du Canada a publié le « Cadre fédéral de prévention du suicide ». Certaines parties de ce cadre s'adressent aux membres des Forces armées canadiennes et aux vétérans. Comme il ne s'agit pas d'une stratégie nationale, quel effet ce cadre a-t-il eu? A-t-il eu des répercussions sur les initiatives de prévention et sur les méthodes de traitement des militaires?
Ce cadre rejoint le thème de nos travaux, outre qu'il vient confirmer que nous sommes sur la bonne voie; il se trouve que nous avons été consultés lors de la préparation de ce cadre. Nous avons eu de bons échanges au sujet de la prévention et des mesures à prendre avant et après un détachement. Le cadre confirme que nous sommes sur la bonne voie dans le cas de la population dont nous sommes chargés.
D’accord. Ce cadre se termine avec la déclaration suivante:
En fin de compte, ces actions aideront à réduire les taux de suicide en venant à bout de l'opprobre et du silence qui l’entourent, en invitant les gens à entretenir un dialogue ouvert sur sa prévention et à promouvoir les initiatives de prévention partout au Canada à l'aide des meilleures pratiques enrichies des connaissances et de la recherche.
Comment le dialogue a-t-il changé dans les forces armées au point de permettre une discussion libre et ouverte sur la santé mentale?
Nous sommes à des années-lumière de cette déclaration. Cela fait déjà entre 15 et 20 ans que nous avons entrepris cette démarche. Il n’y a probablement aucun organisme au Canada, ou même dans l’OTAN, qui parle de santé mentale et de suicide de manière aussi ouverte que nous. Cela encore vient confirmer la direction que nous avons prise. Nous avons des collègues, néerlandais ou allemands, pour ne mentionner que ceux-là, qui sont émerveillés par la qualité de certains de nos programmes.
Nous poursuivrons sur cette lancée. Nous continuerons à en parler. Il n’y a aucune honte à le faire. L'acte courageux à poser est de lever votre main et de faire connaître aux gens la lutte que vous avez entreprise. Les membres des Forces canadiennes, selon les recherches menées par Statistique Canada, cherchent de l’aide plus que la moyenne des Canadiens lorsqu’ils se sentent aux prises avec des problèmes de santé mentale. Nous sommes donc entièrement d’accord avec cette déclaration. Voilà déjà deux décennies que nous sommes sur cette piste, et nous entendons aller de l’avant.
D’accord, c’est très bien.
Je sais également que le général MacKay a affirmé devant le comité de la défense qu’un programme d'éducation en santé mentale allait commencer dès la deuxième semaine d’une formation de base, de même que des plans de communications et des campagnes, tels que la journée Bell Cause pour la cause, par exemple. Avez-vous été témoin de changements dans le redressement des services de santé mentale grâce à ce programme?
Voilà une très bonne question.
Nous avons tellement accompli de choses depuis 15, sinon bientôt 20 ans, pour tenter de décortiquer le tout pour savoir qui est celui qui a fait cela... Mais nos taux de stigmatisations sont bas. Si vous demandez aux membres d’un bataillon qui revient du théâtre des opérations s’ils sous-estimeraient quelqu’un atteint d’un problème de santé mentale, le taux serait environ de 7 %. Si vous posiez la même question à des employés du secteur bancaire ou d’une grande société, ce taux serait quatre ou cinq fois plus élevé. Nous sommes donc en présence d'une baisse de ce facteur.
Nous avons été témoins d'une augmentation dans la recherche d’aide. En 2002, les membres des Forces canadiennes ont sollicité plus d’aide que la moyenne des Canadiens. L’écart s’est encore creusé dans notre dernière étude, ce qui est un signe que les choses bougent dans la bonne direction avec une plus grande utilisation des ressources et un plus grand nombre de personnes qui prennent les devants. Ce n’est jamais terminé, c’est un parcours, mais que ce soit grâce à la RVPM ou parce que les dirigeants présents disaient que c’était comme ça que nous allions être, que ce serait très difficile de départager les choses... Nous disposons également de plus de professionnels de la santé que jamais, ce qui a aussi facilité leur accès. C’était là encore une barrière qu’il fallait éliminer.
Très bien. Je vous remercie.
Nous avons également entendu beaucoup de choses dans le témoignage sur les facteurs qui contribuent à la maladie mentale et au suicide, y compris l’alcoolisme et l’abus de drogues. Nous avons parlé de ce qui mène au TSPT et aux tendances suicidaires. Il y a quelques semaines, la Dre Heber, chef de la psychiatrie à ACC, est venue prêter témoignage. « Il est important de se souvenir qu’il existe de nombreux facteurs pouvant mener une personne sur la voie du suicide. Le déploiement peut être l’un de ces facteurs, mais pas nécessairement », a-t-elle déclaré.
D’après votre expérience au ministère de la Défense nationale, quelle est votre opinion à ce sujet?
C’est une situation extrêmement complexe en raison de très nombreux facteurs. Beaucoup mettent fin à leurs jours sans avoir été déployées. De toute évidence, il ne s’agit pas là du seul facteur.
Les facteurs communs sont la maladie mentale ou l’état de crise. Il peut s’agir d’une crise avec un grand C ou un petit C, parce que lorsqu’on souffre de maladie mentale, tout est sujet à interprétation. Il faut tenir également compte du désespoir et de l’impulsivité que je mentionnais, entre autres choses.
Pour certains, le déploiement pourrait être l’élément déclencheur de la maladie mentale. Mais ce n’est pas simplement binaire comme si on a été déployé ou pas. C’est plutôt comment ça se déroule pendant le déploiement. On peut être déployé dans un camp de base, relativement sécuritaire et confortable. Un autre militaire peut se retrouver plus exposé, confronté à l’ennemi tous les jours. De toute évidence, ces deux personnes ne vivront pas la même expérience. Il existe aussi des facteurs précédant l'enrôlement — qui vous êtes, comment vous réagissez au stress et au train-train quotidien.
Je pense qu’il y a un bon nombre de facteurs.
J’aimerais vous poser une question rapide au sujet des problèmes préexistants. S’agit-il de facteurs que l’on peut identifier ou discerner en cours de recrutement?
En effet, et tous les pays sont confrontés à cette situation. On veut que les militaires soient représentatifs de la population. Admettons que 50 % de nos effectifs aient subi des événements pénibles dans leur enfance alors que ce pourcentage s’élève à 30 % dans la société, on ne va pas renvoyer 50 % des recrues en raison d’incidents malheureux subis auparavant. En fait, nous avons découvert que le fait de se joindre aux FAC aidait ces personnes du fait que le lien entre la tendance au suicide et les événements malencontreux de l’enfance est moins marqué chez les militaires que chez les civils. On pourrait donc dire que la carrière militaire peut avoir du bon.
Pour certains de nous, en tant que psychiatres, des éléments qui mettent les gens dans une situation de risque de maladie ou de blessure peuvent également faire d’eux de bons soldats. Tout au long de l’histoire, il y a un bon nombre de gens qui sont devenus des héros, décorés de médailles d’honneur et d’autres sortes de distinction, même en souffrant de TSPT et d’autres difficultés. Il y a la prise de risques et le fait de courir sur un champ de bataille sous le feu des ennemis, entre autres choses. Il faut tenir compte de tout ça.
En ce moment, en cas de maladies mentales déclarées — vous êtes malade tout le temps, sauf, bien entendu, quand il s’agit de schizophrénie grave et autres afflictions du genre —, lorsqu’on commence à considérer les facteurs de risque de développer une maladie, qui peut jouer entre 3 et 5 %, les gens peuvent facilement se dire qu’ils font partie des 95 %. Voilà pourquoi l’approche basée sur le tri de la population, la scolarisation et le fait d’encourager les gens à s’ouvrir représente la façon logique d’évoluer dans une organisation à grande échelle.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Vous avez choisi, d'entrée de jeu, de nous fournir des statistiques sur le suicide en général. Vous avez souligné que les militaires et les anciens combattants n'étaient pas à l'abri du suicide et que, comme la population en général, ils faisaient effectivement face à ce problème.
Je suis originaire du Québec. À compter du milieu des années 1980, j'ai oeuvré dans le domaine des services sociaux. Après plusieurs dizaines d'années de recherche, on en est venu à la conclusion qu'il fallait travailler en amont des cliniciens. Au Québec, on a donc conçu ce qu'on appelle un programme de sentinelles. En vous posant la question, je me rends compte que, pour nommer ce programme, on a choisi un terme militaire.
Vous dites que les militaires sont ceux qui ont le plus tendance à aller chercher de l'aide, et c'est tant mieux.
Cela dit, votre centre d'excellence étudie-t-il aussi les approches qui ont été élaborées du côté civil? Je pense ici à un système qui outille les familles et les personnes de façon à ce qu'elles puissent remarquer les idées suicidaires d'un proche.
Étant donné que les anciens combattants ne font plus partie d'un réseau social militaire, comment pensez-vous outiller leurs familles afin qu'elles puissent s'apercevoir de leur détresse, lorsqu'elle émerge, et les inviter à consulter des cliniciens aptes à les aider?
[Traduction]
Le Québec a recouru à de merveilleuses initiatives pour réduire son taux de suicide, qui a déjà été l’un des plus élevés au Canada. Notre centre d’excellence n’arrive pas à tout faire, mais dans nos services de santé et au sein des Forces armées canadiennes, nous offrons assurément des programmes tels que le soutien par les pairs. Le programme sentinelle en soi se développe de plus en plus dans l’armée en formant des pairs à se sensibiliser à leurs semblables et à établir des liens entre eux. Le programme de soutien social aux victimes de stress opérationnel, le SSVSO, est offert depuis le début des années 2000. Nous reconnaissons cela.
Dans notre démarche pour acquérir une meilleure disposition mentale, nous enseignons à nos effectifs de rester à l’affût de signes en eux-mêmes lorsqu’ils sont encore des recrues. À mesure qu'ils avancent en âge et acquièrent de l'expérience, ils commencent à se responsabiliser face à leur entourage, ce qui leur permet de discerner les difficultés. Nous offrons également une formation spécifiquement adaptée aux dirigeants. Pour ces derniers, nous privilégions un leadership authentique, véritable, basé sur une meilleure compréhension des effectifs jour après jour, où l’on prend le temps de boire un café ou un thé avec eux, pour apprendre à les connaître. C’est alors qu’on commence à percevoir des changements subtils. On ne verra pas ces changements si on n'apprend pas à bien les connaître.
Cette pratique fait partie de l’approche en place pour l’accès. Dans le cadre du programme En route vers la préparation mentale, nous venons d’élaborer une formation de protecteurs à l’intention de la police militaire. Les participants apprennent notamment quoi faire s’ils se retrouvent devant une personne en situation de crise.
Vous avez entièrement raison. Il y a une composante clinique et une composante non clinique. On aide les personnes en crise tout en pouvant également les mener jusqu’à l’étape des soins. Nous en sommes très conscients et nous disposons de multiples programmes à cette fin.
À notre dernier comité d’experts, un bon nombre de civils venaient de partout. Nous allons bien sûr mettre en application toutes les leçons apprises et dès qu’un cas évident se présentera, nous l’appliquerons.
Je préfère ne pas passer de commentaire sur les activités du ministère des Anciens Combattants puisque je ne participe pas directement à la mise en oeuvre des choses, mais nous avons les éléments en place.
[Français]
Vous nous avez fait part d'une réflexion qui est récente et qui a vraiment piqué ma curiosité. Vous avez parlé de la suicidabilité en tant qu'entité, donc de l'importance de se concentrer sur la thérapie, de planifier la sécurité et de traiter la maladie sous-jacente. On devine qu'il y a beaucoup de contenu derrière ces quelques mots.
J'aimerais en savoir davantage à ce sujet.
[Traduction]
Tout à fait d’accord. À notre dernier dîner en Lettonie, je m’entretenais avec un collègue, mon homologue au Royaume-Uni. D’une certaine manière, pour comprendre en tant que médecin, disons qu’un patient souffrant d’obésité, de cholestérol élevé et de tabagisme se présente à un cabinet. C’est sûr que le médecin va lui dire de surveiller son alimentation et d’arrêter de fumer, avant de lui remettre une ordonnance de médicament contre le cholestérol. Cependant, si quelqu’un se présentait à votre cabinet avec une douleur à la poitrine et en train de suer à grosses gouttes, vous ne lui parleriez pas de la même chose. Vous changeriez de sujet, et lui proposeriez de passer un ECG pour voir s’il n’est pas en train de faire une crise cardiaque.
De la même manière, supposons que vous travailliez sur un cas d'exposition prolongée au TSPT ou de thérapie cognitive pour dépression entamée de longue date, et que, soudain, le risque de suicide soit annoncé ou que vous le constatiez vous-même. Changeriez-vous d’angle pour parler de suicide? Parleriez-vous de ce que cela signifie? Chercheriez-vous des solutions en cas de désespoir? Parleriez-vous de ce qu'il est possible de faire, de qui appeler? Voilà de quoi il s’agit.
Prenons le temps de nous attaquer aux tendances suicidaires. Nous n’allons pas ignorer la condition sous-jacente, parce qu’elle est primordiale, mais, entretemps, nous pensons à ce que nous pouvons faire pour les gens qui reçoivent déjà des soins ou qui envisagent de le faire. Il faut les maintenir en vie afin que de pouvoir traiter concrètement la condition sous-jacente.
À certains égards, cela peut sembler évident, mais cela ne remonte qu'à quatre ou cinq ans. Nous avons des collègues — je pense à deux équipes — qui sont actuellement en stage de formation aux États-Unis, qui sont chargés d’en extraire des parties et de considérer si nous pouvons importer le tout ici. Il y a, entre autres, le plan de sécurité, qui est à l’étude précisément dans l’État de Washington; tout médecin généraliste se doit de recevoir cette formation. Alors, lorsque vous êtes en présence d’un patient qui vous préoccupe, il ne s’agit pas de lui demander: « Êtes-vous suicidaire ou pas? » S'il l’est, il faut plutôt lui demander: « Qu’est-ce que vous allez faire si vous vous sentez comme ça? » C’est une façon très concrète de tenter de recentrer le tout sur la sécurité avant de passer au traitement.
De deux choses l’une: une thérapie cognitivo-comportementale ciblant les idées suicidaires, comme une entité en soi; et cet autre plan de sécurité. Il y a de plus en plus d’options différentes, telles que les boîtes d'espoir virtuel. Il y a plein de techniques pour s’attaquer aux idées suicidaires. De la même manière, si le patient à risque subit une crise cardiaque, sauvons-lui d’abord la vie, réanimons-le et opérons-le. Ce n’est qu’après qu’on pourra envisager d’enrayer le tabagisme et les autres facteurs.
Merci d'être venu.
Nous avons reçu des témoignages de personnes dont le stress avait beaucoup à voir avec leur libération des Forces canadiennes pour des raisons médicales. Quelle est la prise de décisions qui mènerait à une libération pour des raisons médicales relativement au sujet débattu aujourd’hui?
Actuellement, ce sont les médecins eux-mêmes qui jouent le rôle de conseillers dans la chaîne de commandement. Là encore, c’est le psychiatre qui conseillerait au médecin de famille de suggérer que le militaire généraliste mette concrètement en place...
Nous avons un système médical à ventilation par catégorie comportant de nombreux facteurs différents — dont le facteur de vision —, mais les plus importants sont maintenant les facteurs géographiques et professionnels. Si tout problème de santé, allant d’une douleur au genou au mal de dos jusqu’aux problèmes de santé mentale, se stabilise, nous pourrons alors communiquer en mode confidentiel, sans divulguer la maladie, le pronostic à long terme et les limitations auxquelles la personne sera confrontée de façon permanente.
Si on a besoin de voir un professionnel de la santé une fois par mois, si on a peine à marcher sur un terrain non nivelé, si on doit éviter les environnements stressants, si on ne doit pas travailler en équipes, vous recourez à ce genre de solutions. Les supérieurs décident ensuite si cette personne peut être retenue ou parfois accommodée avec ces limitations — bref, ce genre de scénario.
Le principe de l’universalité du service entre en ligne de compte, bien entendu. Je suis sûr que vous tous, mes amis, avez discuté de cela. En fait, si je ne peux pas aller outre-mer, porter un sac à dos et évacuer un blessé en le traînant à bout de bras, je me trouverai à violer l’universalité du service. L'armée devra décider de me garder à long ou à court terme ou de me libérer pour raisons médicales. Voilà essentiellement le processus.
Nous étudions différentes approches au sein des services de santé pour mieux comprendre la maladie. Elles ne sont pas fondées sur un diagnostic et ne résument pas à coup de formules telles que « cette maladie signifie ceci »; c’est une question de fonctionnalité. Elles représentent souvent un risque pour la personne, pas nécessairement pour l’armée. Si vous vous retrouvez sur le théâtre des opérations en ayant une épine dorsale fragilisée ou avec d’importants problèmes de santé mentale, personne ne sait avec certitude comment vous réagirez dans des situations stressantes. C’est une question de risque.
Vous avez formulé un commentaire quant à l’amélioration des taux de suicide au Québec. On a mentionné qu'il y avait eu une augmentation des taux de suicide après la Révolution tranquille, alors que les gens délaissaient la pratique religieuse.
Existe-t-il des données sur des personnes ayant la foi et leur capacité de composer avec ces types de stress?
Oui, on déploie des efforts du côté de la spiritualité, dans un sens plutôt non religieux. On dénote que les gens plus spirituels ont moins tendance à se suicider. Ça devient extrêmement compliqué lorsqu'on lit les études à ce sujet, qui sont truffées de définitions. Le fait de croire qu’il y a quelqu’un de l’autre côté apporte un réconfort à un grand nombre de gens, notamment ceux atteints d’une maladie chronique.
Vous avez été nommé en tant que premier président.
Quels sont vos espoirs personnels quant aux objectifs à atteindre au cours des deux prochaines années?
Je crois qu’il faudrait vraiment mettre de l'avant ce programme de recherche, étant donné ces lignes de force. Nous sommes restés assis sans ne rien faire lorsque l'épisode traumatisant s’est produit. Nous nous sommes ralliés, et pendant des années avons été heureux d’être de la partie. Il est bien clair maintenant que nous sommes les chefs de file au pays en la matière, d’autres nations se tournant vers nous. Nous devons commencer à alimenter le dialogue et non seulement appliquer ce qui se trouve là-bas. Voilà la clé.
De très nombreuses études d’envergure — qualifiées de méta-analyses — ont été produites, prouvant encore et encore que les traitements du TSPT fondés sur l'évidence semblaient être moins efficaces chez les militaires et les vétérans. En 1994, Bessel van der Kolk s’est tourné vers le Prozac. Si ce médicament est efficace en cas d’accidents de voiture et de viols, il ne l’est pas autant pour soigner les vétérans.
Il semble y avoir un élément unique jouant en faveur de l’étude. Nous n’entendons pas reprendre toutes les études civiles effectuées sur la dépression, entre autres. Nous devons transférer nos connaissances de manière à voir comment ça fonctionne là-bas, développer des solutions et examiner si elles sont applicables. L’accent doit décidément porter sur ces trois lignes de force.
Il existe deux comités de l’OTAN, qui se penchent notamment sur le recours à la technologie et auxquels je participe. J’estime que la psychiatrie a mis beaucoup de temps à progresser en adaptant la technologie à son domaine. Nous restons encore des professionnels de la plume et du papier, écrivant à la main. Il y a entre 20 et 30 ans d’incroyables recherches biologiques qui ne se sont pas encore frayé un chemin dans la pratique clinique. C’est l’un de mes objectifs d’y arriver.
Oui, il y en a eu un. Les taux diffèrent selon les pays, l’ampleur du problème, pour ainsi dire. Nous devons continuer à promouvoir l’idée d’une éducation précoce le plus en amont possible, comme le disait notre collègue. Voilà ce qui nous donnera vraiment la clé, de même qu’une meilleure formation en santé mentale. Nous devons être conscients que nous exposons nos jeunes hommes et nos jeunes femmes à des contextes de plus en plus stressants. Je crois, de manière générale, que le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni formaient les trois contingents les plus importants là-bas, ce qui est habituellement le cas. Lorsque je regarde les cases à cocher, je vois que nous avons couvert la plus grande partie des sujets importants, tandis que ce qu’il nous reste à faire est tout à fait en accord avec les meilleures pratiques.
Je vous remercie, colonel. Soyez le bienvenu.
Vous avez mentionné qu’il était courant de trouver, dans la communauté, des médecins, des généralistes, des fournisseurs de soins primaires qui ne possèdent pas nécessairement les connaissances adaptées aux circonstances, et vous tentez de remédier à la situation.
Y a-t-il eu des démarches auprès d’organismes d’enseignement et de certification de manière à faire modifier en conséquence le cursus de la faculté de médecine et des programmes de résidence?
Oui. Le problème, d’une manière, est que nous sommes peu peuplés. Mais il y a des universités... l'Université de la Colombie-Britannique, par exemple. Cela fait deux ou trois ans que je m’y rends pour prononcer des conférences devant les futurs diplômés. Cette année, j’ai eu l’occasion de prendre le petit-déjeuner avec quelques étudiants, non sans avoir des idées de recrutement en tête, mais nous avons tout simplement bavardé. Mes dernières diapos comportent toujours le message: si vous voyez un ancien combattant, n’oubliez pas qu’il a toute une gamme de services à sa disposition; demandez-lui s’il y a eu recours. D’une certaine façon, vous produisez des documents, vous les acheminez là où il faut, vous renseignez les gens, mais d’une autre manière, vous pouvez aller vers les futurs médecins, au tout début de leur formation, et leur faire comprendre qu’ils peuvent se contenter de poser cette seule question. En médecine, vous ne posez une question que si elle débouche sur quelque chose que vous pouvez accomplir. Dans ce cas, il s’agit de toute une gamme de services — réadaptation professionnelle, traitement, et plein d’autres soins au-delà du système financé à l’échelle provinciale.
Nous faisons de notre mieux. À l'Université Dalhousie, c’est soit moi ou l’un de nos psychiatres militaires qui donnons, depuis les 15 dernières années la conférence sur le TSPT devant les psychiatres. Nous cherchons à profiter de toutes les occasions qui se présentent afin de nous illustrer dans de grandes assemblées, de même que de produire de plus en plus de documents et de publications. Voilà comment nous évoluons dans le contexte.
Très bien.
Je suis médecin de formation. J'ai pratiqué la médecine d'urgence pendant 17 ans. Dans cette pratique, lorsque les patients arrivent, nous ne les connaissons pas, ce ne sont pas nos patients d'une certaine façon. Ont-ils déjà tenté d'obtenir des soins dans les services d'urgence locaux disponibles, particulièrement s'il y a des bases ou des centres de formation à proximité?
Oui, nous étions en train d'en discuter.
Une fois de plus, les FAC, les Forces armées canadiennes, fonctionnent un peu différemment d'ACC.
L'une des choses qui est ressortie à Riga, et que nous savions tous déjà au fond, est à quel point le risque de récidive suicidaire est élevé pendant toute l'année, et à plus forte raison pendant les quelques jours ou la première semaine après qu'une personne a été vue à l'urgence pour tentative de suicide. Le risque est de 30 ou 40 fois supérieur durant cette période initiale. Une des choses qui est ressortie du Royaume-Uni et qui est fondée sur des données probantes est une mesure de l'empathie, de l'espoir, tout ça, pendant la courte période qui suit. Le risque pour nous, dans les FAC — car nous avons connu quelques suicides où les personnes s'étaient rendues à l'urgence —, vient du fait que nous ne gérons pas nos propres urgences, alors les personnes se rendent dans le système civil et nous ne savons pas si l'urgentiste appellera nécessairement le médecin de la base, ni ce qu'il fera si la personne dit: « Non, non, ça va », ou quelque chose du genre.
Dans les petites bases, dans les petites collectivités, à Fredericton par exemple, où il y a un hôpital principal, le Chalmers, où nous pouvons aller et ainsi établir cette relation. Notre propre personnel travaille parfois à l'urgence. Dans des centres plus importants, c'est plus difficile. Mais il faut considérer cette transition comme l'une des transitions les plus risquées, et nous devons tendre la main. Je sais qu'il y a beaucoup de choses dans une salle d'urgence, comme des rappels, mais il nous faut un de ces rappels. Je crois que le système national de santé britannique a lutté pendant des années pour obtenir qu'on mette une case à cocher dans le dossier si la personne avait été dans l'armée. Si nous pouvions faire en sorte qu'on en prenne note dans les salles d'urgence, cela devrait amener le personnel à penser que, pour les membres des FAC, il y a beaucoup de services de soins, et pas seulement pour leur santé. Et s'il s'agit d'un vétéran, il y a le programme SSBSO, entre autres choses.
Nous en avons encore discuté aujourd'hui: il faut tendre la main aux urgences, que ce soit en achetant des cafés aux gens, en faisant des visites ou en placardant des affiches. C'est vraiment important pour nous.
C'est bien de le savoir. L'un des problèmes, selon mon expérience et selon le témoignage que nous avons entendu ici, est que nous avons souvent dit, lorsque nos gens retournaient à la vie civile, qu'ils étaient désormais dans le système provincial, mais c'est parfois très long d'obtenir un médecin de famille, et pas seulement pour les militaires.
Dans ma pratique, j'ai constaté qu'énormément de patients étaient incapables de trouver un médecin de famille et recevaient tous leurs soins primaires du service des urgences.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui.
Je lisais le communiqué de presse de décembre 2014 concernant l'annonce au sujet du centre d'excellence et de votre nomination. On y indiquait certains domaines de prédilection qui allaient être inclus, et je voudrais en citer une partie:
Faire de la recherche sur des aspects particuliers de la santé mentale des militaires et des anciens combattants; collaborer avec les experts scientifiques du milieu universitaire comme l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, les organismes gouvernementaux, les laboratoires du secteur privé, les consortiums de recherche, de même qu'avec l'OTAN et d'autres alliés...
J'étais ravie de lire cela. Notre discussion d'aujourd'hui porte sur la prévention du suicide et sur le traitement des gens.
Je suis certaine que vous êtes au courant de la conversation qui a eu cours récemment autour de la méfloquine et des réactions qu'elle provoque, comme l'insomnie, les hallucinations, les cauchemars, les accès de rage et les idées suicidaires. À ce jour, un certain nombre de suicides lui seraient attribuables. Santé Canada a mis à jour l'étiquette d'avertissement et a indiqué que ces symptômes pouvaient se poursuivre bien après son utilisation comme médicament antipaludéen.
Au cours des dernières années, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Australie et les États-Unis en sont venus à émettre des déclarations et des décisions radicales en ce qui a trait à la méfloquine. Il semble que vous collaboriez avec nos alliés et que vous ayez obtenu d'eux beaucoup d'information sur le suicide. Sommes-nous plus près de classer ceci comme une lésion du tronc cérébral au Canada? Il n'y a pas de diagnostic et donc pas de traitement, et nous l'utilisons encore. Avez-vous collaboré avec l'OTAN et nos alliés à ce sujet, et où en sommes-nous?
Au sein du quartier général, ça semble être plutôt un dossier pour la protection de la santé des Forces, alors...
La protection de la santé des Forces, notre médecine préventive en quelque sorte. Le processus est en cours, alors je ne peux pas parler pour... Nous sommes en train de réviser nos politiques à cet égard. On va chercher de l'information, c'est exactement ce qui se fait. Ce n'est pas moi qui le fais, ni même ma section, mais notre service de médecine préventive qui recueille des informations auprès de nos alliés et qui la transmet au médecin-chef. Nous sommes à réviser nos politiques, d'après ce que j'en sais.
On me demande mon opinion de temps en temps, mais en fait, quand vous donnez des traitements aux gens pour prévenir une autre maladie comme le paludisme, ça tombe sous la responsabilité de la protection de la santé des Forces. Ces gens-là ont les connaissances et ils comptent parmi eux des épidémiologistes et des scientifiques.
Nombre de nos témoins se sont manifestés, qui sont actuellement dans les Forces ou ont servi dans les Forces, et ils parlent des défis que pose le TSPT, des crises soudaines auxquelles ils sont en proie qui sont pour nous inimaginables. Certains ont dit qu'ils croyaient ne pas avoir reçu un entraînement suffisant à l'avance pour y faire face. Il y a des séances où il faut ramper parmi les serpents — des choses que je ne ferais pas, mais certaines personnes en sont capables — ou seulement, comme cela a été mentionné, ramper dans des intestins de porc — bien franchement, je pense que c'est le terme qu'on a utilisé — pour comprendre ce que l'on peut ressentir. Je me suis demandé, je ne crois pas qu'on aille aussi loin dans la préparation que nous leur offrons...
Vous touchez là l'un des problèmes les plus importants, historiquement, je crois, car après avoir parlé à de nombreuses personnes qui souffrent du TSPT, c'est souvent leur pire cauchemar, et elles ne savent pas nécessairement que c'est leur pire cauchemar.
Alors, en clair, travaillons sur la privation de sommeil, sur le fait de recevoir une balle ou de ramper sous des barbelés, travaillons avec des gens parlant une langue étrangère... sur le scénario de l'engin explosif improvisé, ou EEI. Mais il s'agit souvent d'autre chose. Il se produit une désensibilisation. Il y a l'entraînement. Il y a l'inoculation du stress. Tout cela est utilisé depuis de nombreuses années, et le problème du TSPT a toujours existé. Alors, dans le temps, on disait, allons voir des animaux se faire abattre. C'était populaire à l'époque du Vietnam. Il y avait un nombre incroyable de cas de TSPT, et en fait, en 1980, on a inventé le terme TSPT pour expliquer le phénomène que ressentaient les soldats américains et australiens ayant combattu au Vietnam.
Alors, tout à fait, inoculons du stress aux gens. Désensibilisons-les au maximum. Mais je ne crois pas que le fait de les exposer objectivement à ce que vous jugez stressant les aidera à régler leur mal de vivre, leurs blessures morales et ce que représente leur véritable traumatisme. Nous pouvons monter toutes sortes de scénarios, et nous le devrions. Nous devrions épuiser les gens. Nous devrions les réveiller au milieu de la nuit avec des fusées éclairantes. Nous devrions faire tout cela. Je me souviens quand le général Leslie est venu à l'entraînement pour la première fois avec des blindés, parce qu'on ne voulait pas qu'ils entendent tirer des chars pour la première fois en Afghanistan, étant donné qu'ils n'avaient encore jamais été employés.
Alors, tout à fait, j'ai réfléchi à ce que ce serait que de voir mon meilleur ami mourir ou de tuer un enfant.
Vous avez mentionné qu'ils sont de plus en plus jeunes, et je me pose des questions sur cette formation. À quel moment jugez-vous que c'est trop et que ça déclencherait un TSPT...
On a parlé dans les médias aujourd'hui de certains entraînements dans les années 1980. Je n'ai pas tout lu, mais il y a un risque de conséquences nocives quand on affiche un certain comportement après l'entraînement à l'évasion et aux techniques de survie. Il faut faire attention de ne pas dépasser certaines limites pour ne pas induire de pathologies, c'est clair.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur la question de la méfloquine un instant. J'ai trouvé un rapport datant de 2011 dans les Case Reports in Psychiatry. On y affirmait que la prophylaxie du paludisme comporte encore des bienfaits qui l'emportent sur les risques, particulièrement pour le personnel médical militaire en mission. Et ça continue. Je sais que nous utilisons trois médicaments.
Pouvez-vous nous parler de la façon dont cette transition s'est faite et nous faire connaître votre opinion quant à cette affirmation?
Je ne suis pas un médecin de première ligne et je ne signe pas d'ordonnances pour cela, mais à l'époque, j'ai pris des médicaments contre le paludisme, quand j'étais au Rwanda, alors j'ai fait quelques cauchemars et ressenti quelques effets. Si j'étais envoyé en Afrique à nouveau, je demanderais probablement de la méfloquine, parce que je préfère un mal que je connais. Oui, j'ai eu quelques effets secondaires, mais les autres médicaments... Prendre de la doxycycline pendant trois mois ou six mois, tous les jours, ça ne me dit rien. Il y avait des effets secondaires.
C'est une question d'équilibrer les risques du médicament pour la personne et ceux de la maladie. Encore une fois, après avoir séjourné en Afrique et avoir vu des gens mourir d'un accès pernicieux à forme cérébrale, ce n'est pas beau à voir. Il faut prévenir le paludisme et donner aux gens l'option la plus sécuritaire pour le prévenir. Tous ces agents sont conçus pour tuer un organisme à l'intérieur du corps, sans causer la mort. C'est comme la chimiothérapie, c'est le même genre de chose.
La méfloquine est une option. Malarone en est une autre.
Cela dépend des indications. S'il s'agit d'une femme enceinte ou allaitant, c'est encore un médicament de première ligne, selon des recommandations assez récentes du CDC. Les recommandations se font selon des cas particuliers. Il y a, c'est certain, une abondante littérature sur la méfloquine en ce moment, ainsi qu'une grande préoccupation. Supposons qu'un patient ou un soldat se rende dans une région où le paludisme est endémique, qu'il s'assoie avec un médecin et lui demande son opinion, car le patient doit faire un choix. Si le soldat dit: « Docteur, je ne veux pas celui dont on parle à la télévision », alors on choisira autre chose.
Mais il y a d'autres facteurs. La doxycycline est un antibiotique de la classe des tétracyclines. Si vous y êtes allergique, on l'élimine. Si vous souffrez d'un déficit en G6PD, vous éliminez l'autre. Il y a de bonnes raisons d'utiliser trois médicaments, et la meilleure raison devrait être la prévention du paludisme de la façon la plus sécuritaire possible.
J'ai fait référence il y a quelques instants au témoignage du brigadier-général Hugh MacKay devant le comité de la défense. Il avait alors affirmé que rien ne prouvait l'existence d'un lien entre la méfloquine et le suicide. Dans les faits, alors que l'utilisation de la méfloquine diminuait, le taux de suicide augmentait. La recherche n'a donc établi aucun lien entre les deux?
Non, rien. On peut en débattre, nos collègues Greg Passey, Cam Ritchie... la communauté est divisée. Des gens que je respecte ont telle opinion et pas telle autre. C'est un sujet controversé en médecine.
Une fois de plus, le suicide est extrêmement compliqué. Dans la cohorte revenue d'Afghanistan, si on prenait de la méfloquine, si on avait à prendre des antipaludéens, c'était durant l'été, la saison des combats. Quand on observe un groupe qui a pris de la méfloquine ou des antipaludéens — ou qui n'en a pas pris —, il faut aussi tenir compte de facteurs confondants comme l'exposition aux traumatismes. Durant l'hiver, si on regarde les victimes tuées au combat, les taux de TSPT augmentaient en avril, en mai et après en 2006 et en 2007. J'y étais. Il y a aussi eu une augmentation de tous les autres facteurs confondants. Il y a aussi la perméthrine dans les vêtements: les gens qui avaient de la perméthrine dans leurs vêtements ont pu avoir un taux de TSPT plus élevé, et le TSPT peut certainement mener au suicide. Je crois que ce n'est pas très clair... Ce serait incroyablement difficile à étudier, à cause de tous les autres facteurs confondants comme l'exposition aux traumatismes et d'autres facteurs.
Et qu'en est-il de votre expérience avec des personnes qui ont été envoyées à l'UISP et dont la condition s'est détériorée? Quels systèmes sont en place pour déterminer qu'une condition se détériore, et y a-t-il des interventions à ce moment-là?
L'UISP est une unité administrative, et non une unité de soins de santé en soi. Les employés de l'UISP qui sont responsables, du point de vue de la chaîne de commandement, sont formés pour reconnaître les gens en difficulté et faire en sorte qu'ils soient soignés.
Le système de santé lui-même aura mis en place un programme de soins pour la personne. Ça ne s'arrête pas dès l'instant où ils sont envoyés à l'UISP. Il s'agit d'une maladie chronique qui nécessite un suivi. C'est également une responsabilité personnelle. C'est souvent là que le défi se pose, car on sait que le système existe, que des choses sont en place, et c'est là que ce plan de sécurité entre en jeu. Si vous avez de la difficulté, dites-le-nous. Je crois que les choses sont en place. C'est une période difficile pour les gens. C'est une période de transition et nous reconnaissons cela de plus en plus. Pour certaines personnes, ça ne pose aucun problème. Ça fait partie de la vie. Pour d'autres, ça se traduit par une importante perte d'identité. Comment faire en sorte qu'ils restent attachés à leur unité? Le scénario idéal pour l'UISP est qu'ils soient théoriquement pris en charge par une UISP, mais retournons dans leur domaine de travail, leur bateau, là où ils sont actifs. Ce lien est vraiment important.
Selon mon expérience, c'est extrêmement difficile. Dans une unité, on peut appeler quelqu'un toutes les semaines pour voir comment il va, une personne va l'apprécier, l'autre va interpréter cela comme du harcèlement. C'est tout un défi.
Merci.
Ça m'aide grandement à avoir une vue d'ensemble d'un point de vue médical, particulièrement pour la méfloquine. Il y a beaucoup de bruit autour de la méfloquine. Je pense que le fait important est que, même aussi récemment qu'en Afghanistan, des personnes ont témoigné qu'elles n'avaient pas eu le choix de prendre ce qu'on leur donnait. Même le lieutenant-général Roméo Dallaire a dit qu'il avait demandé à ne prendre aucun...
C'est exact. C'est là où je veux en venir.
Je pense que la préoccupation autour de la méfloquine vient de la reconnaissance de ce qui est arrivé dans le passé et des maladies que son usage a causées, ce qui pourrait bien représenter une dynamique différente. Nous savons maintenant que son utilisation a diminué de façon importante au cours des 10 dernières années, jusqu'à 5 %. Je comprends, de ce que vous dites, qu'ils ont le choix de prendre l'un ou l'autre des médicaments antipaludéens.
Je ne sais pas exactement. Je connais les politiques actuelles.
Dans mon temps, on n'avait pas le choix, je crois bien. J'étais médecin et c'est ce que nous prenions en fait d'antipaludéen. C'était avant Internet. C'était avant bien des choses. Ce n'est pas comme si vous pouviez... On prenait le médicament qui correspondait à notre destination. Nous allions au Rwanda. Quelques personnes avaient eu des réactions indésirables, et on leur avait donné un autre médicament.
J'étais là et je ne le sais pas. Je ne sais pas à qui il l'a demandé. Je ne sais pas ce qu'il a dit. Il y avait bien quelques jeunes soldats à Petawawa qui avaient du mal à le tolérer — certains avant le départ, d'autres sur le terrain — et nous leur avons fait prendre l'autre produit. Il n'était pas question de le prendre à tout prix. Ce n'était pas comme ça. Je n'ai consulté aucun médecin qui m'ait dit: « Vous allez dans une zone infestée par le paludisme, voici les options disponibles, laquelle choisissez-vous? », ce qui constitue notre politique actuelle.
Nous ne l'avons pas fait à ce moment-là. Je ne sais pas pourquoi nous ne l'avons pas fait alors, parce que je n'étais pas le décideur, j'étais le patient.
D'accord, merci.
Nous sommes chargés, ici au Comité, de débattre des problèmes liés aux vétérans. Il semble que notre mandat concerne les militaires d'active et les vétérans, mais on me dit qu'il n'y a pas beaucoup de suivi du côté des vétérans.
En ce qui concerne les études, une des raisons pour lesquelles nous sommes au Royal, à l'Institut de recherches en santé mentale, c'est qu'il y a ici une clinique TSO. Nous faisons des études sur la rétroaction neurologique, les EEG, le registre d'évaluation de l'électroencéphalographie psychiatrique, le PEER, pour prévoir l'utilisation des antidépresseurs. Nous allons recruter des sujets dans nos cliniques militaires et dans les cliniques du ministère des Anciens Combattants.
La magnétoencéphalographie, la recherche MEG et les études de neuroimagerie que nous avons effectuées jusqu'ici à Toronto et à London, ont toujours porté sur des vétérans. Nous étudions des vétérans du combat, des gens qui ont été exposés au combat, à la fois d'Anciens Combattants Canada et de l'armée.
En ce qui concerne l'idée que les FAC et le MDN ainsi que les vétérans travaillent ensemble, une partie de la difficulté était de mettre en place des solutions pour fournir un accès rapide aux évaluations psychologiques et psychiatriques. C'est quelque chose dont nous entendons aussi beaucoup parler dans ce comité. En tant que vétérans, ils ont du mal à obtenir ces évaluations. Bien entendu ce n'est pas tout le monde, mais il existe une cohorte.
Comment prévoyez-vous de réduire la durée nécessaire au transfert de leurs dossiers et d'améliorer les temps d'attente pour les évaluations?
C'est difficile et c'est au cas par cas. Il y a plusieurs groupes. Idéalement, les personnes sont déjà dans les dossiers d'Anciens Combattants Canada bien avant leur libération, alors l'admissibilité est déjà établie et ce genre de choses. Dans ce cas, il faut simplement s'assurer que des soins sont disponibles là où ils vont. Ils peuvent commencer une fois qu'ils ont décidé où ils s'installeraient après leur libération. C'est facile si c'est un lieu disposant d'une clinique TSO d'Anciens Combattants Canada. C'est beaucoup plus difficile pour quelqu'un qui se rend dans un lieu isolé. Voilà pour le premier groupe.
Le deuxième groupe est composé de gens qui sont dans la démarche de faire leur demande au moment de leur libération. C'est ce qui se fait de plus en plus pour accélérer la gestion des dossiers et ce genre de choses.
Le troisième groupe bien entendu est formé de gens qui partent et six ans plus tard sentent qu'ils ne vont pas bien et ont besoin de consulter. Il faut avoir des solutions pour chaque groupe.
Du point de vue des services de santé, il y a les gens d'Anciens Combattants Canada qui travaillent. Le remplacement des dossiers médicaux papier par des dossiers électroniques a beaucoup facilité les choses. Reste à faire certaines séparations pour des raisons de respect de la vie privée et ce genre de choses. Cela avance.
[Français]
Vous nous avez parlé de votre collaboration au programme Bell Cause pour la cause. Au-delà de votre participation à ce programme, en quoi vos actions permettent-elles de réduire la stigmatisation du suicide? Vous en avez parlé un peu dans votre présentation, mais j'aimerais que vous me parliez davantage du lien entre les travaux que vous faites et la réduction de la stigmatisation du suicide.
[Traduction]
La stigmatisation est une chose compliquée, au sens où il y a la stigmatisation sociale, la stigmatisation individuelle, l'auto-stigmatisation et la stigmatisation institutionnelle. Il faut s'y attaquer à différents niveaux. Je crois qu'il existe une stigmatisation institutionnelle dans les provinces qui ne couvrent pas la psychothérapie. C'est le traitement le plus fondé sur des résultats cliniques pour les maladies mentales, mais elles ne le couvrent pas.
En ce qui concerne la manière dont on s'attaque à la stigmatisation, il y a bien des manières différentes. Une des choses intéressantes que nous avons faites en faisant de la préparation mentale, c'est que nous avions un professionnel de santé mentale aux côtés d'un soldat pour lui apprendre des choses sur la santé mentale et faire une sensibilisation à la santé mentale. Les soldats respectent les instructeurs. C'est l'instructeur le chef, l'expert. Alors, au cours de ce processus, ils peuvent révéler qu'ils ont eux-mêmes eu un problème de santé mentale. Ils souffrent de TSPT.
La meilleure manière de réduire la stigmatisation — en se basant sur les faits — c'est de rencontrer quelqu'un qui a une maladie mentale et de se rendre compte que c'est une bonne personne. Elle est compétente. Elle est capable de faire des choses. Il faut remettre en cause au maximum notre image de ce que c'est, autant que possible. C'est très important.
Il y a quelques années nous avons lancé un appel — un rapide courriel — pour les gens qui étaient intéressés de parler de leurs expériences des maladies mentales. Des centaines de personnes ont répondu. Tous, du simple soldat à l'amiral, nous ont dit qu'ils avaient été malades et que la meilleure chose qu'ils avaient faite avait été d'en parler à leur supérieur. Leur chef les a fait entrer en traitement, ou leur ami, leur famille —voilà l'idée.
L'idée c'est d'en arriver à ce niveau très personnel. Ce n'est pas toujours une question de campagnes. Ce n'est pas toujours d'entendre le psychiatre, un certain général, le CEMD dire que nous devons faire cela. Parfois cela prend d'autres formes, c'est personnel...
Il faut remettre en cause les croyances des gens et ensuite leur apporter la preuve que des gens atteints de maladies mentales restent dans les Forces armées canadiennes. Les gens qui ont des maladies mentales peuvent avoir des promotions — ce genre de choses.
Il y a de très nombreux niveaux différents. La journée Bell Cause pour la cause est un exemple de — mais toutes les occasions sont...
[Français]
Avez-vous formalisé cette approche? Autrement dit, avez-vous cerné, parmi les gens que vous avez déjà accompagnés, ceux qui peuvent témoigner et ainsi aider à réduire les préjugés à cet égard?
[Traduction]
Formidable, ça, c'était court. Merci.
Nous allons devoir suspendre la séance pendant quelques minutes.
Je voudrais remercier le colonel Jetly d'être revenu témoigner devant le Comité et pour le travail que vous avez accompli pour les vétérans et pour les hommes et les femmes qui ont servi leur patrie.
Nous allons suspendre la séance pendant à peu près trois minutes et nous reviendrons avec le deuxième groupe de témoins.
Merci.
Nous allons reprendre nos travaux.
Nous allons maintenant passer à Marvin Westwood, professeur émérite en psychologie d'orientation, de l'Université de Colombie-Britannique, qui est en vidéoconférence. Merci de vous joindre à nous.
Nous allons commencer par votre témoignage de 10 minutes et nous passerons ensuite à la séance des questions et réponses.
Bonjour. Je suis ravi d'être avec vous. Même si 4 500 kilomètres nous séparent, j'ai l'impression d'être dans la même pièce que vous. C'est une réussite de la technologie.
Je voudrais tout d'abord souligner que je m'adresse à des représentants élus par le public, qui sont également à notre service. Nous remercions souvent les vétérans pour leur service. À tous les membres du Comité, qui se sont présentés aux élections et qui assument ce rôle, je dis merci pour votre service. Il y a toutes sortes de groupes de personnes qui servent dans notre pays.
Je vais évoquer, à la suite de l'exposé du Dr Jetly, un peu plus en amont, le traitement et non la prévention du suicide. Je ne parle pas beaucoup de prévention du suicide, car je ne crois pas que l'on peut prévenir le suicide. Il est omniprésent, il est autour de nous, il est partout. Il l'a toujours été et continuera sans doute à l'être, mais en général, ce que nous pouvons faire, à mon avis et avec mes collègues ici, c'est réduire le risque de suicide. Je crois que c'est le mieux que nous puissions faire, mais c'est très important pour sauver la vie des gens. Par conséquent, pour moi il faut mettre l'accent sur le risque, plutôt que sur la prévention.
Lorsque je pense aux personnes avec qui j'ai travaillé au cours de ces 20 dernières années et qui sont libérées des Forces canadiennes, que cela soit à la fin de leur temps de service ou pour raisons médicales, je suis conscient que, en ce qui concerne les vétérans, nous qui sommes les professions d'assistance devons comprendre, avant toute autre chose, que nous avons affaire à une population unique. Je ne suis pas le premier témoin à le dire, mais pensons à la socialisation culturelle militaire qui s'opère. Les hommes et aussi les femmes qui embrassent cette carrière particulière adoptent cette socialisation culturelle qui leur demande d'être hautement performants et qui valorise énormément la compétence, le maintien de la capacité au combat, le mécontentement face à la faiblesse, l'autosuffisance et l'universalité du service.
Pourquoi est-il important de reconnaître cette cartographie socioculturelle? Parce que ce sont ces mêmes valeurs qui les ont si bien servis dans leur travail, ce travail qu'ils font pour nous, qui rendent si difficile, voire impossible pour certains, de chercher ou de demander de l'aide. Nous savons tous qu'une augmentation du risque suicidaire n'est pas forcément une maladie mentale. Je préfère utiliser le terme, il est bien sûr utilisé par les militaires, de « blessure de stress opérationnel », parce que beaucoup de gens ont des blessures de stress opérationnel qui ne se transforment pas en troubles. Cependant, cela les handicape ou les empêche d'atteindre leurs objectifs dans la vie.
La notion de maladie mentale est stigmatisée dans cette culture. Nous devons nous rappeler qu'une expérience de stress post-traumatique, ou même un trouble, est une « expérience normale face à un événement anormal ». Nous rappelons à nos vétérans lorsque nous travaillons avec eux que ce qu’ils vivent est une réaction normale à un événement anormal.
Que se passe-t-il s'ils utilisent un vocabulaire tel que: « J'ai une blessure de stress opérationnel »? J'ai moins honte, je suis moins stigmatisé et je suis moins susceptible de ne pas demander l’aide d’un professionnel de la santé puisque c'est un signe d'échec. Ils nous ont rapidement appris à modifier notre vocabulaire. Le fait d’incarner des compétences et de soigner des blessures est un moyen plus efficace pour les inciter à faire appel aux services, que ce soit dans nos cliniques, à ACC ou ailleurs.
Le Dr Jetly a parlé des interventions médicales nécessaires pour ceux qui souffrent d’un réel trouble complet de santé mentale et qui ne reçoivent pas de traitement. Ces personnes existent bel et bien. Je parle ici de la majorité des gens qui quittent notre service, qui quittent une culture qui est très éprouvante et qui doivent abandonner cette partie de leur vie pour s’habituer à une nouvelle culture dans le monde civil.
Je crois que nous devrions principalement nous concentrer sur la gestion des facteurs de risque plutôt que sur la prévention du suicide. Je l'ai dit. L'objectif de la gestion des facteurs de risque liés au suicide est la détection précoce, une intervention en amont plutôt qu'en aval, bien avant que les personnes ne sombrent dans l'isolement, la dépression, les idées suicidaires et, pour un faible pourcentage, ne passent à l'acte.
L'approche théorique à laquelle je voudrais me référer aujourd'hui, et dont a parlé également le Dr Jetly, est la théorie interpersonnelle du suicide. Je crois qu'elle nous est très utile pour travailler avec notre groupe de vétérans. À l'heure actuelle, plus de 700 personnes ont bénéficié du programme et sont reparties.
Nous approuvons la théorie interpersonnelle de Joiner et nous travaillons avec elle. Il est très important que nous gardions à l'esprit les principaux concepts de cette théorie. La première chose dont il faut se souvenir, c'est que lorsque quelqu'un quitte le service, il perd le groupe primaire auquel il appartient. Cela s'appelle la frustration d'appartenance.
Lors du service, des liens d'attachement sont créés entre camarades de travail et de vie, et les gens s'identifient les uns aux autres. Tout à coup, un jour vous n'appartenez plus au groupe auquel vous apparteniez au départ parce que vous êtes de retour au Canada.
Une autre caractéristique de beaucoup de vétérans qui quittent le service c'est que, à cause de ce qui leur est arrivé, ils ne peuvent plus fonctionner aussi bien. Il y a des limites à l'adaptation à la culture et à la gestion du stress. Ils ont le sentiment d'être un fardeau. Beaucoup de vétérans nous disent: « Ce sentiment d'être un fardeau signifie que je dois me taire. Je ne peux pas parler de ce qui s'est passé, car sinon je tourmenterai, je bouleverserai et je blesserai ma famille et mes amis. »
Je crois qu'il faut aussi se souvenir de la capacité acquise pour le suicide, la capacité d'effectivement s'enlever la vie. Ce que je veux dire c'est que, pour nombre d'entre eux, la blessure a pu être ce que j'appelle une blessure morale. Ils ont l'impression qu'ils ont échoué vis-à-vis de l'armée et qu'ils ont échoué de diverses manières. Ils savent comment se tuer et pensent que c'est peut-être la chose à faire. C'est une différence par rapport à beaucoup de civils. Voilà les quatre points.
Dans le cadre d'une libération pour raisons médicales, par opposition à une libération ordinaire, ce comité doit savoir que cela peut déclencher une spirale destructrice à cause de la « perte de la capacité à servir à cause d'une blessure, physique ou psychologique, de la stigmatisation et du sentiment d'incompétence et d'une identité fragmentée ». Pour prévenir cette réaction en chaîne, une attention particulière doit être portée aux concepts suivants, que j'ai déjà cités:
Encore une fois, « J'ai perdu mon groupe primaire d'ancrage. Je ne fais plus partie du groupe. »
Ils disent des choses comme: « Je ne suis pas assez bon, je me sens rejeté, j'ai une faiblesse et mon corps me fait défaut » alors ils entrent dans l'isolement.
Vous savez tous qu'entrer dans l'isolement et la fin de l'appartenance à d'autres groupes de gens peut créer une spirale descendante qui conduit à la dépression. La dépression, comme nous le savons, est corrélée avec de plus hauts niveaux d'idées suicidaires.
L'autre concept auquel je me réfère, c'est le sentiment d'être un fardeau, ce qui est un poids ou une responsabilité. De mon point de vue de psychologue, le résultat c'est qu'ils se taisent. Ils intériorisent toutes leurs émotions et leurs pensées et, sur la durée, cela est destructeur pour la personne.
Nous avons tous en tête de nombreux exemples de personnes qui ont terminé leur service et leur façon de gérer cela c'est de vivre dans le sous-sol de leurs parents, isolés, pendant plusieurs années, parce qu'ils n'arrivent pas à parler. Ils ont perdu leur groupe. C'est une spirale destructrice et le risque commence alors à augmenter.
Je voudrais aussi parler d'une chose que John Whelan a identifiée dans son livre. C'est un psychologue pour anciens combattants avec lequel j'ai également travaillé à Halifax. Cela a été mis en lumière par des cliniciens américains qui portaient beaucoup plus d'attention à ce que l'on appelle des blessures morales traumatiques aux membres de l'armée.
La plupart des citoyens canadiens ne comprennent pas cela lorsqu'ils rentrent, non seulement ils ont perdu leur groupe, ont le sentiment d'être un fardeau et ainsi de suite, mais beaucoup d'entre eux sont confrontés à des choses qu'ils ont faites et qu'ils n'auraient sans doute pas dû faire et qui les hantent.
Ils voient cela comme une violation de leur propre éthique et de leur propre morale découlant des exigences professionnelles d'un membre des Forces armées canadiennes. De plus, ces brèches dans l'éthique ne sont généralement pas partagées avec les autres à cause de la honte et de l'autocensure. L'expression est: « J'ai fait une chose terrible. »
Alors que nous commençons à réfléchir en amont, lorsque nous rencontrons des personnes de culture militaire qui reviennent à la culture civile, nous pouvons commencer à comprendre la nature interpersonnelle des stress qui pourraient à terme les conduire vers les établissements de soins, mais c'est très tôt. À mon avis, les moyens de décompression les plus efficaces pour les soldats qui reviennent d'opérations incluent ceux qui sont libérés. Pour avoir parlé à beaucoup de vétérans et aux chercheurs, je voudrais dire que c'est un modèle pour le moment où les gens reviennent, parce qu'ils reviennent rapidement au débreffage.
Qu'entendons-nous par débreffage? Il ne s'agit pas d'une séance de repos et de détente lors de laquelle les personnes peuvent se détendre après le combat, mais d'un lieu dans lequel on s'occupe vraiment d'eux. C'est plus facile en petits groupes, avec plusieurs objectifs.
L'objectif selon moi dans cette transition de réintégration — et c'est ce que nous essayons de faire avec notre programme — c'est que, avant que les problèmes ne se développent, on vise une transition saine, parce que la réintégration est une adaptation normale et nous pouvons utiliser les connaissances et les compétences pour aider les gens à la négocier. Ce qui est utile aussi, c'est d'entretenir des liens entre les militaires en service et ceux qui ont quitté le service. Ce que je trouve le plus utile, c'est de maintenir le lien entre les militaires et qu'ils restent en contact lorsqu'ils rentrent. Ils disent souvent que ce sont ces gens-là qui savent, qui ont servi et qui les comprennent, mais dans un pays comme le Canada, lorsque les gens rentrent, ils se dispersent. Ils se dispersent dans tout le Canada, des Maritimes à la côte Ouest, parce qu'évidemment ils ne retournent pas dans leurs unités intactes.
Ces petits groupes de réintégration et de débreffage pourraient se concentrer sur les connaissances et les compétences nécessaires pour se tourner vers le travail et la vie civile, ainsi que la famille. Bien entendu, ces groupes seraient gérés par des auxiliaires. Les soldats qui ont réussi leur réintégration nous aideraient également. La possibilité qu'ils viennent dans ces petits groupes pour faire un débreffage et acquérir les connaissances nécessaires à une réintégration réussie nous permettrait d'aider à l'évaluation de ceux qui ont besoin de services différents au cours de leurs parcours.
En encourageant une augmentation de la résilience et en réduisant les facteurs de risque de suicide que j'ai cités, en gardant à l'esprit les objectifs précédemment cités pour garantir que les membres sont en lien tout au long de leur transition, alors seulement pourrons-nous les aider à conserver des militaires aptes à leurs missions et en santé.
Voilà mon exposé.
Merci, monsieur Westwood, c'était un excellent témoignage.
Je dois m'excuser. Les cloches sonnent. On nous appelle pour un vote à la Chambre. Nous devons y aller pendant les 20 prochaines minutes.
En ce qui concerne la procédure, nous en sommes à la fin de notre réunion et de notre étude. Je crois qu'il y a un consensus au sein de ce comité pour dire que nous avons beaucoup de questions à vous poser. Nous pourrions transmettre ces questions au greffier.
Nous les avons devant nous, mais nous n'avons pas le temps pour vous permettre d'y répondre. Si nos députés les transmettent au greffier, il vous les enverra par courriel demain. Seriez-vous en mesure d'y répondre d'ici la fin de la semaine? Je sais que c'est beaucoup vous demander.
Une voix: Cela peut être plus tard.
Le président: Cela peut-être plus tard, d'ici deux semaines, ensuite nous pourrons les intégrer à notre rapport.
Si cela convient au Comité, chers députés, je vous demanderais de formuler vos questions de manière à ce qu'il puisse répondre en sept minutes sur une période de cinq minutes.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Je vais être bref. C'est la fin de notre rapport. Vous êtes le dernier témoin. Nous essayons de terminer. Je sais qu'une autre étude nous attend.
Il nous manque trois députés aujourd'hui qui ont aussi manqué les deux ou trois dernières séances pour cause de déplacement et parce qu'ils représentent les Canadiens et les Canadiennes à l'étranger. Si quelqu'un souhaite ajouter quoi que ce soit au rapport, ou transmettre des articles ou quoi que ce soit d'autre, merci de passer par le greffier d'ici mardi à 15 h 30. Je voudrais que tout soit terminé à ce moment-là. Le greffier va tout distribuer au Comité.
Lors de notre prochaine réunion, nous entamerons notre prochain rapport. Ensuite nous partirons en déplacement.
Au nom du Comité, merci pour tout ce que vous faites pour nos militaires hommes et femmes, pour qu'ils aillent mieux et merci de votre compréhension vis-à-vis du vote que nous devons faire aujourd'hui.
Je veux simplement dire au revoir et vous remercier de m'avoir donné la parole. Le devoir vous appelle, je comprends.
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