ESPE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité spécial sur l’équité salariale
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 21 mars 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte. Nous avons peu de temps aujourd'hui. Comme vous le savez, la sonnerie d'appel pour les votes se fera entendre à 18 h 15.
Je tiens à remercier nos témoins de leur présence aujourd'hui. Nous accueillons Beth Bilson et Marie-Thérèse Chicha.
Merci beaucoup de votre présence, en dépit du cours préavis.
Vous avez chacune 10 minutes pour faire vos exposés. J'accorderai 10 minutes en premier à Mme Chicha, puis ce sera votre tour, madame Bilson.
Nous sommes prêts à entendre vos exposés.
[Français]
Membres du Comité spécial sur l'équité salariale, je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à cette rencontre. C'est un grand honneur pour moi de comparaître devant vous.
Je suis professeure titulaire à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal et titulaire de la Chaire en relations ethniques. En raison de mon implication dans les travaux relatifs à l'égalité des genres sur le marché du travail, notamment en matière d'équité salariale, j'ai eu l'honneur d'obtenir le 8 mars de cette année le Prix du Gouverneur général du Canada en commémoration de l'affaire « personne ».
Mon exposé va bien sûr s'appuyer sur les recommandations du rapport du groupe de travail dont j'ai fait partie. Depuis cette date, j'ai continué à développer mon expertise au Québec auprès de divers secteurs, dont les milieux patronaux et syndicaux, ainsi qu'au plan international, notamment au Bureau international du travail pour lequel j'ai effectué plusieurs recherches et participé à des missions dans divers pays membres au sujet de l'équité salariale.
Évidemment, dans le rapport du groupe de travail, la recommandation la plus importante est la recommandation no 1. Elle se lit comme suit:
Le Groupe de travail recommande que le Parlement promulgue une nouvelle législation proactive distincte en matière d'équité salariale pour permettre au Canada de s'acquitter avec plus d'efficacité de ses obligations internationales et de ses engagements nationaux, et qu'une telle législation relève des droits de la personne.
Pour comprendre cette recommandation, il faut voir la situation actuelle où l'équité salariale est simplement régie par la Loi canadienne sur les droits de la personne. C'est sur la base d'une plainte qui est faite à la Commission canadienne des droits de la personne qu'on peut invoquer l'article de la loi qui régit l'équité salariale et l'ensemble de cette loi. Dans un tel cas, la commission va faire une enquête. Au terme de cette enquête, elle va prendre une décision et une des parties peut la contester. C'est donc le début d'un processus judiciaire très lent, très long, très coûteux et qui se termine une fois que la cause est portée devant la Cour suprême. Donc, cela peut prendre énormément d'années. Quand je dis que c'est très long, c'est parce que nous avons des causes qui ont pris 14 ou 15 ans avant que la plus haute instance décide qu'il s'agit effectivement de discrimination salariale et que les personnes qui ont formulé la plainte puissent justement recevoir un salaire équitable.
Par exemple, nous savons que dans l'affaire qui mettait en cause l'Alliance de la fonction publique du Canada contre le Conseil du Trésor, cela a pris tellement de temps que plusieurs bénéficiaires étaient décédés au moment où la décision finale a été rendue. Ils n'ont donc jamais vu la couleur de cet argent, sans compter que cela a coûté très cher au Conseil du Trésor étant donné tous les intérêts accumulés pendant une quinzaine d'années.
De plus, ce sont les travailleurs syndiqués qui peuvent véritablement porter plainte. Ce n'est pas parce que la loi l'interdit aux autres travailleurs, mais c'est parce qu'ils bénéficient du soutien de syndicats. Pour leur part, les travailleurs non syndiqués, comme dans le secteur des banques et d'autres secteurs, ne bénéficient pas vraiment de ce recours ou ne sont pas en mesure de porter plainte et de la soutenir durant tout le processus. Au rythme actuel, on estime qu'il faudra plusieurs décennies avant d'éliminer les écarts de salaire. C'est donc une approche peu efficace. C'est pour cela que la recommandation mentionne plutôt qu'il faut adopter une approche plus efficace.
La non-discrimination en milieu de travail est un droit fondamental, comme le précise la recommandation no 1. Il ne s'agit pas simplement de dispositions du Code canadien du travail, mais d'un droit fondamental qui n'est pas négociable. Nous ne pouvons pas accepter qu'aujourd'hui, au Canada, les femmes qui travaillent à temps plein toute l'année ne gagnent que 87,8 % du salaire des hommes. En 2001, c'est-à-dire il y a 15 ans, elles gagnaient 82,2 % du salaire des hommes. On voit donc qu'en 15 ans, le progrès a été très limité. Sur les 34 pays qui sont membres de l'OCDE, le Canada avait, en 2014, le septième écart salarial le plus élevé. En somme, il se situe vraiment à la queue du peloton.
En 2015, un rapport des Nations unies sur les droits de la personne a souligné des préoccupations concernant le cas des inégalités persistantes au Canada entre les hommes et les femmes. Cela inclut un niveau élevé d'écart salarial et son effet disproportionné sur les femmes qui gagnent de faibles salaires, sur les femmes des minorités visibles et sur les femmes autochtones. Il s'agit donc d'un problème sérieux qui dure depuis très longtemps, qui est très important et qui ternit la réputation du Canada au plan international en matière d'égalité des genres.
Il faut souligner que les progrès sont très faibles compte tenu du fait que les femmes détiennent de plus en plus un diplôme universitaire. On aurait pu s'attendre à ce que cela ait un effet positif. Or, lorsqu'on compare les femmes et les hommes qui ont un diplôme universitaire, on constate que les femmes gagnaient en 2008 — ce sont les chiffres les plus récents dont je dispose — 62 800 $ annuellement, alors que les hommes gagnaient 91 800 $. Donc, le fait d'avoir un diplôme universitaire ne garantit pas l'égalité salariale.
Une loi proactive, contrairement à ce qu'on a aujourd'hui, ferait en sorte qu'on ne passerait pas par un processus judiciaire, mais qu'on demanderait à chaque employeur de vérifier si, dans son entreprise, il y a des différences salariales injustifiées qui désavantagent les femmes.
Il faut comprendre pourquoi il y a de la discrimination salariale. La discrimination salariale est beaucoup due à l'existence de préjugés à l'égard du travail des femmes. On pense d'abord que les femmes n'ont pas besoin d'un salaire complet et que leur salaire est simplement un deuxième gagne-pain pour la famille, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. On pense aussi que les aptitudes exigées dans les emplois qui sont occupés par les femmes, comme celles qui occupent un poste d'enseignante au primaire, de vendeuse ou d'infirmière, sont des aptitudes uniques que les femmes ont de toute façon en tant que femmes — ce qui est un préjugé important — et que, par conséquent, si c'est naturel, on n'a pas besoin de les rémunérer adéquatement.
Un autre facteur est également le stéréotype selon lequel les emplois occupés par les femmes sont des emplois qui n'exigent pas de responsabilités, qui sont assez faciles et qui ne mettent pas en danger les personnes qui les occupent. Ces préjugés et ces stéréotypes vont influencer en grande partie les méthodes d'évaluation des emplois qui sont utilisées dans les entreprises. Cela va faire en sorte que la valeur des emplois des femmes dans les entreprises va finalement être inférieure à celle de celle des hommes, même si les responsabilités sont équivalentes, que les niveaux de scolarité sont équivalents, que les dangers sont égaux et ainsi de suite.
Une fois que la valeur des emplois est plus faible, cela se répercute sur les salaires. C'est ce qui explique finalement l'écart salarial discriminatoire. C'est sur cela qu'il faut travailler. Des lois proactives vont justement s'assurer de changer cela.
Est-ce que ça va? Est-ce que vous m'entendez?
Les lois proactives vont systématiser l'approche d'évaluation au sujet de la discrimination salariale en suivant plusieurs étapes.
Certains craignent qu'avec des lois proactives, on aille à l'encontre du marché et que les salaires soient administrés au lieu d'être le résultat du jeu de l'offre et de la demande. Or, dans les lois proactives, il y a des exceptions. Il faut bien comprendre cela. Les lois proactives sur l'équité salariale ne vont pas contre le marché. Il y a des exceptions. Par exemple, s'il y a une pénurie relative à certains types d'emplois, comme des postes d'ingénieurs ou d'informaticiens par exemple, et qu'il y a un écart salarial constaté dans l'entreprise, cet écart ne va pas être considéré comme de la discrimination. On va quand même maintenir le salaire plus élevé des ingénieurs ou des informaticiens sans que ce soit considéré vraiment comme quelque chose qui va à l'encontre de la loi. Il faut bien comprendre cet aspect. Cela ne va pas contre le marché.
D'accord.
Je vais simplement conclure en disant que les études pratiques ont montré que les lois proactives sur l'équité salariale ont de nombreux avantages non seulement pour les employés, mais aussi pour les employeurs, car elles vont assainir leur système de rémunération. La plupart des employeurs que j'ai rencontrés, même s'ils ont parfois trouvé que la démarche était exigeante, étaient très satisfaits. Au bout du compte, cela leur permettait de mieux gérer leur système de ressources humaines et leur système de rémunération.
Je termine là-dessus, mais si vous le voulez, je pourrais vous envoyer un mémoire détaillé qui expliquerait les différents points que j'ai exposés aujourd'hui.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
Merci beaucoup.
Oui, s'il vous plaît, si vous avez plus d'informations que vous pouvez nous transmettre par écrit, ce serait pertinent.
[Traduction]
Merci, madame Bilson, de votre présence aujourd'hui. Vous avez 10 minutes.
Bonjour et merci de m'avoir invitée à venir témoigner.
Je n'étais pas certaine de ce qui vous serait le plus utile. J'ai donc décidé de vous parler brièvement du groupe de travail auquel j'ai participé, qui a présenté son rapport en 2004, et de discuter un peu des recommandations formulées par le groupe de travail dans son rapport. Je vais ensuite parler un peu de la situation depuis.
À la fin de 1999, la ministre de la Justice à l'époque, Anne McLellan, et le Programme du travail ont annoncé la tenue d'un examen de l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, soit la disposition sur l'équité salariale.
En examinant l'article 11, nous constatons que c'est caractéristique de bon nombre de lois sur les droits de la personne qui ont été adoptées au milieu des années 1970. C'est à cette époque que de nombreux codes provinciaux des droits de la personne et la Loi canadienne sur les droits de la personne ont été adoptés. Dans cette génération de lois, les autorités présumaient que, si elles énonçaient dans la loi des principes des droits de la personne assez ouverts, les gens trouveraient le moyen de respecter les exigences, qu'ils se rendraient compte qu'il y a de la discrimination et qu'ils prendraient des mesures pour rectifier la situation.
Dans les années qui ont suivi, soit entre le milieu des années 1970 et la fin des années 1990, il y a évidemment eu beaucoup de jurisprudence au sujet de la discrimination après l'adoption de la charte. Je crois qu'il faut admettre que des progrès ont été réalisés en ce qui a trait à la sensibilisation de la population à la discrimination et qu'il y a eu des cas très médiatisés.
Nous avons notamment découvert qu'une grande partie de la discrimination et de ses causes profondes sont beaucoup plus subtiles et systémiques que les gens l'avaient reconnu au milieu des années 1970 lorsqu'ils ont adopté les mesures législatives.
La forme de base que prenait la loi sur les droits de la personne était celle d'un système reposant sur les plaintes. Si vous aviez l'impression d'être victime de discrimination, vous déposiez une plainte à ce sujet devant la Commission des droits de la personne. Les interventions étaient diverses. Cela pouvait prendre la forme de sensibilisation, de médiation ou d'arbitrage. Dans ce système, il fallait en gros qu'une personne ou, dans certains cas, un organisme dépose une plainte devant la Commission des droits de la personne.
Ce système s'est avéré particulièrement mal adapté aux plaintes en matière d'équité salariale. Il y a bon nombre de raisons qui l'expliquent, mais en voici en partie la raison. Le fondement de l'équité salariale est assez simple: si un employeur a décidé que le salaire pour un travail qui est accompli par un homme est de x, le salaire devrait être le même pour le même travail lorsqu'il est accompli par une femme. C'est une proposition relativement simple. Malheureusement, pour évaluer s'il y a un traitement équitable et corriger toute iniquité salariale, de nombreux aspects très techniques doivent être examinés.
Comme ma collègue Marie-Thérèse l'a souligné, il s'est avéré irréaliste pour des personnes de déposer des plaintes en matière d'équité salariale. Les personnes n'étaient vraiment pas outillées pour le faire.
L'annonce de 1999 a été faite à la suite de nombreux cas très médiatisés de procédures très longues, très complexes, très dispendieuses et très insatisfaisantes dans lesquelles ont été impliqués des employeurs publics sous réglementation fédérale.
Les procédures ont duré dans certains cas 13, 15, ou même 20 ans dans un cas. Une partie du temps a été consacrée à discuter des procédures devant les tribunaux en vue de déterminer le fonctionnement exact du système, mais la majorité du temps a servi aux audiences du Tribunal canadien des droits de la personne. Dans certains cas, les audiences ont duré plus de 300 jours et se sont étendues sur une décennie. Durant ces audiences, des spécialistes sont venus présenter diverses méthodes pour évaluer les régimes salariaux.
Les employeurs et les représentants de leurs employés ne s'entendaient pas sur beaucoup d'éléments, mais tout le monde convenait que cela ne pouvait pas durer. Tout le monde était d'accord pour dire que le système reposant sur les plaintes en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne était inefficace.
Le groupe de travail a donc été mis sur pied. Nous avons commencé nos travaux en 2000. Nous avons réalisé beaucoup d'audiences publiques; nous avons aussi eu des tables rondes avec des employés, des groupes d'employeurs, des groupes d'employés et des organismes qui représentent des employés; nous avons commandé des recherches; nous avions également notre propre personnel de recherche. Nous avons examiné de fond en comble la situation de l'équité salariale et avons rédigé un volumineux rapport.
Pour vous donner une idée des recommandations de base que nous avons formulées, la principale recommandation, comme je l'ai déjà sous-entendu, était que nous devions passer d'un système reposant sur les plaintes à un système proactif, à savoir qu'il incomberait à chaque employeur de passer en revue ses propres pratiques salariales, de repérer les possibles cas de discrimination, d'adopter un plan pour corriger la situation et de l'appliquer pour éviter que cela se reproduise.
Nous avons également recommandé dans notre système d'accorder une grande place à la participation des employés. Nous pourrions prendre l'exemple des lois en matière de santé et de sécurité et de la manière dont elles se manifestent au travail. Il y a des comités de santé et de sécurité auxquels siègent des représentants des employés et des employeurs, et ces comités traitent des questions de santé et de sécurité en parallèle du régime de relations de travail.
Cela ne signifie pas que les syndicats n'ont pas joué un rôle crucial relativement aux progrès réalisés en matière d'équité salariale, parce que c'est certainement le cas, mais nous avons conclu que ce serait une bonne idée de dissocier ce domaine de la négociation collective.
Nous avons également proposé de créer des organismes de surveillance spécialisés et indépendants en vertu d'une loi sur l'équité salariale. Le Tribunal canadien des droits de la personne avait clairement fait beaucoup d'efforts pour entendre les plaintes dont il avait été saisi et de rendre des décisions en la matière, mais ce tribunal traitait de diverses pratiques discriminatoires et allégations de discrimination et n'était pas spécialisé dans le domaine de l'équité salariale. Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'équité salariale comprend de nombreux éléments techniques, et les personnes doivent avoir une formation, comprendre les enjeux et les techniques utilisées pour comparer les emplois et être en mesure d'évaluer de façon assez détaillée un régime salarial. Nous avons recommandé une série d'organismes de surveillance qui formeraient une structure parallèle aux nombreuses commissions des droits de la personne. Ces organismes feraient de la sensibilisation et rendraient des décisions relativement aux plaintes, mais ils se spécialiseraient uniquement dans les plaintes en matière d'équité salariale.
Il y a un autre aspect que je considère comme très important, et c'est un élément avec lequel le précédent gouvernement a rompu lorsqu'il a adopté la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public. Nous avions recommandé que la loi s'applique à l'ensemble du secteur sous réglementation fédérale, à savoir tous les employés syndiqués ou non syndiqués d'entreprises publiques et privées, grandes et petites. Toutes ces personnes devraient être couvertes par cette loi.
Merci beaucoup. Je suis désolée, mais votre temps est écoulé.
Nous avons peu de temps pour les séries de questions; nous avons moins de 20 minutes. Je suis désolée, mais la tenue de votes coupera court à notre réunion d'aujourd'hui.
Si vous voulez ajouter quelque chose par écrit, nous nous ferons un plaisir de le distribuer aux membres du Comité par l'entremise de la greffière.
Madame Dzerowicz, vous avez la parole en premier.
Vous avez sept minutes.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Je voudrais commencer par remercier la professeure Chicha de son excellente présentation.
[Traduction]
Madame Bilson, je tiens à vous remercier de votre excellent exposé.
J'ai deux questions pour vous deux.
Ma première s'adresse à vous, madame Chicha.
Vous avez fait des travaux sur la scène internationale, et j'aimerais vous entendre sur la question. Pourriez-vous nous donner un pays qui a une bonne loi en matière d'équité salariale? Pourriez-vous aussi nous dire si cette loi s'applique tant au secteur public qu'au secteur privé? Enfin, vos travaux au Canada ont-ils déjà permis d'évaluer ce que coûterait l'adoption d'une loi en matière d'équité salariale au Canada?
Pour vous, madame Bilson, nous sommes maintenant en 2016. Depuis 2004, je crois qu'il y a eu trois autres rapports fédéraux et deux autres rapports provinciaux. De formidables organismes ont fait beaucoup de travaux en parallèle. Catalyst Canada a réalisé des travaux en parallèle et est arrivé à certaines de vos conclusions, à savoir qu'il y a beaucoup de problèmes systémiques. Si vous pouviez proposer aujourd'hui une loi, quels sont les principaux éléments que nous devrions considérer, selon vous? J'aimerais également vous demander si vous avez examiné ce que coûterait globalement l'adoption d'une telle loi.
J'aurais également dû le mentionner tout au début, mais je suis d'accord qu'il est enfin temps pour nous de traiter de la question. Je suis également d'accord que c'est honteux pour le Canada d'avoir le septième pire bilan au monde, et je considère comme inacceptable que les femmes gagnent aujourd'hui 87 ¢ pour chaque dollar gagné par un homme.
[Français]
En ce qui concerne les coûts de l'équité salariale, les études qui ont été faites jusqu'à maintenant en Ontario et au Québec montrent que les pourcentages de la masse salariale des employeurs dans le secteur privé ne dépassent pas 1,5 % à cet égard, ce qui est tout à fait raisonnable en matière de pourcentage de la masse salariale.
Maintenant, en ce qui a trait à d'autres pays, je dirais que ceux qui se rapprochent le plus d'une loi proactive sont la Suède, avec une approche qui couvre un champ assez large, ainsi que la Suisse au niveau fédéral. C'est au niveau de la confédération que la Suisse a des programmes et une obligation pour les entreprises qui reçoivent des contrats fédéraux de réaliser l'équité salariale. Dans ce pays, cela touche donc les entreprises qui reçoivent des contrats fédéraux.
Au mois de décembre dernier, j'étais à Berlin pour une conférence qui réunissait des gens de l'Allemagne, du Royaume-Uni et de la Suède. Justement, en Allemagne, on envisage d'avoir une loi qui serait inspirée des lois proactives du Québec notamment. Au Royaume-Uni également, il y a des études qui sont en cours pour appliquer des lois de même nature. Les discussions se poursuivent à cet égard. En Suède, ils sont encore en train d'améliorer leur loi sur l'équité salariale.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
[Traduction]
En ce qui a trait à ce qui s'est passé depuis notre rapport, je dois dire que je suis active dans le domaine des enjeux relatifs aux femmes depuis suffisamment longtemps que je suis un peu consternée, mais je ne suis pas surprise que les choses n'aient pas progressé très rapidement. J'ajouterais que la situation présentée dans notre rapport est encore essentiellement la même au pays. À mon avis, beaucoup de travaux qui ont été faits depuis l'ont confirmé.
Pour revenir à nos rapports, je crois que nos recommandations demeurent pertinentes. La situation a certainement évolué, mais je crois que le modèle de base que nous avions proposé, soit une loi proactive qui forcerait les employeurs à élaborer un plan et à l'appliquer, est la solution qui a le plus de chances de réduire l'écart salarial, qui est très tenace et très résistant aux changements.
Je suis d'accord avec Marie-Thérèse que, même si les employeurs s'inquiètent du coût, l'expérience en Ontario et au Québec, qui ont des lois proactives, a démontré que le coût n'était pas aussi élevé que l'avaient craint les employeurs. Je crois certainement qu'il y a des éléments dans le système reposant sur les plaintes. D'abord, pour qu'il y ait des conséquences sur un employeur, il faut qu'une personne dépose une plainte et que le tribunal ordonne à cet employeur d'apporter des mesures correctrices, alors que les concurrents de cet employeur n'ont peut-être pas à le faire. Il y a également des éléments au sujet de la relation entre le système reposant sur les plaintes et le marché qui ne sont pas vraiment justifiables.
Merci de votre présence. J'espère certainement que vous pourrez revenir, parce que vous êtes toutes les deux très bien informées.
Y a-t-il des renseignements sur les domaines où l'écart salarial est plus grand? Est-ce dans le secteur public ou le secteur privé? Est-ce dans des domaines où les gens font le même travail ou dans des domaines où les gens font un travail égal pour un salaire égal?
Je ne suis pas certaine de bien comprendre votre question, mais nos recherches ont certainement démontré que l'écart salarial a tendance à être plus grand dans les milieux de travail non syndiqués et dans le cas des employés à temps partiel et les emplois de bas niveau.
Nous l'avions senti, même si nous n'étions pas en position de vraiment creuser la question, mais je crois que cela s'explique en partie, parce qu'il y a beaucoup de situations où les gens sont victimes d'une double discrimination, pour le dire ainsi. Lorsqu'il y a des facteurs raciaux, des personnes handicapées ou des travailleurs autochtones, cela semble aggraver l'écart salarial, même si, comme je l'ai mentionné, nous n'avons pas vraiment été en mesure de creuser la question.
[Français]
Oui, je suis tout à fait d'accord avec ma collègue Beth Bilson. C'est vraiment là où l'on retrouve les écarts les plus grands, soit dans les secteurs qui ne sont pas syndiqués ainsi que là où le travail est déjà très précaire, à temps partiel, sur appel et ainsi de suite. C'est également là où il y a une intersectionnalité avec l'origine ethnique ou les immigrants et également avec les personnes handicapées et les Autochtones. À ce sujet, il faudrait que la nouvelle loi, s'il y en a une qui est adoptée, tienne vraiment compte de ces caractéristiques.
[Traduction]
Je tiens à remercier les témoins de leur contribution aujourd'hui. J'espère que nous pourrons les inviter de nouveau.
J'aimerais parler de l'expression « équité dans la rémunération ». Madame Chicha, je crois que vous avez fait référence à la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public. Cette loi utilise l'expression « équité dans la rémunération » au lieu de « équité salariale ». Je crois que cela témoigne de la volonté d'accorder une rémunération équitable pour un travail de valeur égale.
Je sais que c'est très symbolique. Cependant, croyez-vous que nous devrions chercher à atteindre l'équité dans la rémunération? Je répète que cela vise la rémunération pour tout travail, ce qui inclut les avantages sociaux.
[Français]
En fait, cela dépend à quoi on fait référence. Les termes eux-mêmes ou les définitions sont moins importantes que ce qui est contenu dans ces dites définitions. On parle de pay equity ou d'equal pay. En Europe, ils utilisent le terme equal pay. Cela fait strictement référence à ce qui s'appelle « un salaire égal pour un travail de valeur égale sans discrimination ». Le problème qu'on constate aujourd'hui, et les chiffres que j'ai mentionnés le démontrent, c'est qu'il y a une discrimination à l'égard des femmes. En éliminant cette discrimination à l'égard des femmes, on se rapproche d'une équité salariale pour tous les employés puisqu'on va corriger la discrimination à leur endroit.
Par contre, le terme equitable compensation renvoie aussi à la négociation collective par laquelle on va atteindre cette égalité. Or, comme le dit la convention n0 100 de l'Organisation internationale du Travail, l'équité salariale est un droit fondamental. Un droit fondamental n'est pas sujet à la négociation. On ne peut pas dire qu'on va réduire la discrimination salariale de 2 % et, en échange, dire que les gens auront un peu plus de flexibilité dans leurs heures de travail. Quand on parle d'un droit fondamental, il doit être respecté complètement. Il faut éliminer la discrimination salariale sans la négocier contre d'autres avantages qui ne relèvent pas des droits fondamentaux. Donc, il faut voir ce qu'il y a derrière les termes pour dire que c'est l'un ou l'autre...
[Traduction]
Je vous remercie de votre réponse, et j'aimerais discuter de la question de la négociation collective, mais ce sera pour une autre fois, lorsque j'aurai plus de temps pour vraiment aborder cette question.
Madame Bilson, avez-vous des commentaires sur la terminologie?
Non. Je suis d'accord. Je crois que l'expression « équité dans la rémunération » était utilisée dans la loi fédérale qui n'a jamais été promulguée. Je ne suis pas convaincue que l'intention était de s'éloigner considérablement du concept d'équité salariale. C'est une expression différente, mais tout dépend de ce qu'inclut votre définition, comme Marie-Thérèse l'a souligné.
L'élément essentiel dans les deux expressions est que nous cherchons à créer des pratiques salariales non discriminatoires, si c'est ainsi qu'elles sont définies.
Madame Bilson, croyez-vous que les critères relatifs à un travail de valeur égale ont été adéquatement définis par votre comité?
En fait, c'est très compliqué. Il y a toute une industrie dans laquelle les gens se penchent sur ce qui constitue un travail de valeur égale. Je pense qu'il est très difficile de trouver une définition qui a du punch, car les types d'emplois, de pratiques et de systèmes de rémunération, par exemple, diffèrent grandement.
Je pense qu'il est possible — et notre rapport le laisse entendre — de reconnaître une gamme de méthodologies qui donneront ce résultat. Je pense que ce terme n'a rien de choquant.
Merci beaucoup.
Je suis vraiment désolée, mais à cause des votes, il ne nous reste que trois minutes à accorder à Mme Benson.
Merci, Marie-Thérèse et Beth, d'être venues aujourd'hui et de nous prêter main-forte. Je suis désolée que bien des années après votre excellent rapport, nous en soyons toujours à étudier la question de l'équité salariale.
Je suis assez excitée que ce comité ait été créé. J'espère que nous ferons enfin des avancées et que nous pourrons prendre des mesures concrètes.
J'ai une question brève qui a été soulevée lorsque vous avez mentionné la loi qui n'a pas été édictée. Peut-être que je pourrais commencer par vous, Beth. Pourriez-vous dire encore une fois pourquoi il est important que l'équité salariale ne soit pas soumise à des négociations? Vous avez notamment fait valoir que ceux qui en ressentiraient le plus les effets seraient les travailleurs non syndiqués, à contrat ou mal payés. Même dans un environnement de négociations, pourquoi est-il important que la question soit traitée à part, comme la santé et la sécurité au travail, et non à la table des négociations comme d'autres points?
Comme votre collègue vient de le laisser entendre, c'est un sujet assez vaste. Je pense que nous avons conclu qu'il est important que le droit de traiter les employés équitablement — qui est, essentiellement, un droit de la personne — ne fasse pas partie d'un accord aux termes de négociations collectives.
Je crois que les négociations collectives sont un concept admirable, mais qui a sa propre dynamique. Les parties peuvent s'attacher à divers points pour conclure une entente. Selon moi, des questions comme la santé et la sécurité ne devraient pas être soumises aux aléas de la table des négociations. Je crois qu'elles devraient être réglées par des personnes formées à le faire et capables de jeter un regard neutre sur le système et de trouver une solution qui satisfasse toutes les parties.
Merci beaucoup, madame Bilson et madame Chicha.
Malheureusement, les lumières ont commencé à clignoter, ce qui signifie que la cloche qui nous appelle à aller voter a commencé à sonner et que nous devons nous rendre à l'édifice du Centre. Je m'excuse infiniment pour la réunion écourtée, mais merci beaucoup. Je vous en sais vraiment gré.
Pour ce qui est du Comité, puisque nous n'avons pas le temps aujourd'hui de passer en revue le plan de travail que les analystes ont préparé, pour éviter de perdre une heure à la prochaine réunion — si tout le monde est d'accord — nous pourrions consacrer la seconde heure au plan de travail. Avec l'accord de tout le monde, nous pourrions inviter des représentants de la Commission canadienne des droits de la personne pendant la première heure. Ainsi, nous ne la perdrions pas. La greffière le leur a déjà suggéré, et il semblerait qu'ils soient disponibles. Est-ce que tout le monde est d'accord?
Monsieur Albas.
Je ne crois pas que cela pose problème.
Voilà ce que j'aimerais savoir. Étant donné que les analystes ont envoyé un certain nombre de documents d'information et de rapports, et que certains de ces documents m'auraient été utiles aujourd'hui pendant la période des questions si nous avions eu plus de temps, serait-il possible, madame la présidente, d'organiser une rencontre avec nos analystes pour poser des questions sur les documents qu'ils ont rédigés? Il pourrait nous être utile d'avoir tous des connaissances de base avant de commencer à entendre les témoins.
Préféreriez-vous que nous fassions cela à la prochaine réunion au lieu d'inviter les représentants de la Commission canadienne des droits de la personne?
Cela me conviendrait mieux. Cependant, encore une fois, je ne veux pas imposer mes exigences à tout le groupe.
J'aime cette recommandation, madame la présidente. Je pense que ces documents sont riches en information. Bien des gens passent beaucoup de temps à les préparer, et je ne verrais pas d'inconvénient à les étudier plus à fond.
D'accord. Les membres du Comité sont d'accord pour que nous passions la première heure de la prochaine réunion à entendre les analystes et la seconde, à étudier le plan de travail proposé.
Des députés: Oui.
Le président: D'accord. Merci beaucoup.
Madame Benson.
Je pense qu'il serait bien d'inviter de nouveau ces deux témoins. Je trouve que nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour vraiment parler de leur travail important.
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