JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la justice et des droits de la personne
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 19 mai 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour, mesdames et messieurs. Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, qui marque la reprise de l’étude du Programme de contestation judiciaire et au cours de laquelle nous entendrons le dernier groupe de témoins au sujet des dispositions en matière d’égalité et la table ronde sur l’égalité.
J’aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Avvy Go, qui représente la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, une clinique d’aide juridique. Un autre témoin est en route. Par conséquent, j’ai demandé à Mme Go si elle voulait bien témoigner en premier et elle a gentiment accepté.
Madame Go, vous avez la parole.
Je m’appelle Avvy Go. Je suis la directrice de la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic. Nous sommes un organisme communautaire qui offre des services juridiques aux membres à faible revenu et non anglophones des communautés chinoises et de l’Asie du Sud-Est de Toronto.
De plus, j’ai fait partie de l’ancien Comité des droits à l’égalité du Programme de contestation judiciaire et j’ai siégé au conseil d’administration du Programme en qualité de vice-présidente lorsqu’une société a été constituée afin d’en faire une entité distincte.
Je tiens à féliciter le gouvernement du Canada d’avoir rétabli le financement du Programme de contestation judiciaire et je veux remercier le Comité de me donner l’occasion d’expliquer comment le programme peut être amélioré.
Veuillez m’excuser. M. Hayes n’entend pas l’interprète. Je dois vous demander d’attendre un instant, s’il vous plaît.
Pas de souci.
J’aimerais souhaiter la bienvenue à Doug Elliott, qui vient du Fonds Égale Canada pour les droits de la personne. Il fait partie du Conseil consultatif honoraire de l’organisme.
Nous venons tout juste de commencer. Vous passerez après Mme Go pour votre déclaration. Pour l’instant, nous attendons que le problème avec la traduction soit réglé.
[Français]
Est-ce que l'interprétation fonctionne?
[Traduction]
Bien, madame Go, vous pouvez continuer.
Comme j’étais en train de le dire, j’ai été membre de l’ancien comité et vice-présidente du programme. Le Programme de contestation judiciaire, je pense, a toujours rempli un rôle essentiel en faisant la promotion de l’accès à la justice pour de nombreux groupes historiquement désavantagés, en particulier les communautés racialisées, les femmes et les personnes handicapées, qui sont au nombre de celles qui ont le plus besoin de soutien pour avoir accès aux services juridiques en raison de quantité d’obstacles, surtout parce qu’elles sont en général surreprésentées dans la population à faible revenu au Canada.
Certains prétendent que le Programme de contestation judiciaire n’est plus nécessaire en raison de la jurisprudence déjà bien établie en matière d’égalité. En tout respect, ce n’est tout simplement pas vrai. De tous les articles de la Charte canadienne des droits et libertés, c’est peut-être l’article 15 pour lequel la jurisprudence fait montre de la plus grande incertitude et variation depuis 10 ans.
Même si la Charte représente l’idéal de justice et d’égalité auquel le pays continue d’aspirer, la réalité est que le racisme systémique est loin d’avoir disparu et qu’il est ancré dans notre système juridique et se manifeste dans de nombreuses lois et politiques tant à l’ordre fédéral qu’à l’ordre provincial. Privés de pouvoir politique, les groupes marginalisés continuent de se tourner vers les tribunaux en tant que forum où ils peuvent faire entendre leurs doléances et un lieu où préconiser un changement social.
Au cours des 10 dernières années, la capacité de ces groupes à entamer une procédure de contestation de la Charte a été sérieusement limitée par le retrait du financement du Programme de contestation judiciaire et le fait que beaucoup de programmes d’aide juridique provinciaux sous-financés ne subventionnent pas les causes types.
Cette interruption de 10 ans du Programme a coïncidé avec une période durant laquelle un nombre croissant de groupes communautaires et d’avocats se sont adressés aux tribunaux pour présenter des revendications d’égalité raciale. Paradoxalement, c’est durant cette période, c’est-à-dire lorsque les membres de la profession juridique se sont diversifiés et intéressés davantage à la justice raciale, que leur accès à l’aide financière, au soutien des contestations relatives à la Charte a été bloqué.
Le professeur Bruce Ryder de l’École de droit Osgoode Hall estime qu’au cours de la dernière décennie, le nombre de décisions de la Cour suprême du Canada concernant l’article 15 a diminué, tout comme la profondeur du traitement des questions intéressant cette disposition dans les motifs de la Cour. Il fait remarquer qu’un grand nombre de décisions récentes de la Cour suprême se concentraient sur d’autres questions liées à la Charte et ne contenaient que des motifs très succincts de rejet de demandes fondées sur l’article 15. En outre, il n’y a actuellement aucune affaire importante en cours intéressant cette disposition et que la Cour suprême du Canada a accepté d’entendre, malgré les préoccupations grandissantes devant la multitude des enjeux juridiques concernant les communautés racialisées, en particulier dans le système de justice pénale.
Le retrait du financement du Programme de contestation judiciaire a donc directement nui à l’élaboration de la jurisprudence concernant les droits à l’égalité, notamment pour ce qui est des revendications d’égalité fondées sur la race.
Dans les années à venir, nous voulons améliorer le programme, mais nous voulons aussi préserver ce qui en a fait une réussite. Ce qui fonctionne, c’est le modèle du gouvernement, qui veille à ce qu’on rende des comptes aux communautés que le programme dessert, tout en maintenant l’indépendance de ce dernier par rapport au gouvernement.
Même si le programme a réussi à devenir un organisme extrêmement efficace et efficient, certains changements peuvent contribuer à consolider son succès. Notre mémoire comporte un certain nombre de propositions. Je vais en mentionner trois en particulier.
Avant tout, nous croyons qu’il faut élargir les critères de financement de manière à financer des arguments fondés sur l’article 7 de la Charte, en plus de l’article 15, lorsque ceux-ci permettent de promouvoir l’égalité réelle au profit de groupes désavantagés.
Ensuite, il faut élargir les critères de financement des procédures mettant en cause la législation provinciale, spécialement dans les provinces, mais pas seulement dans les provinces où le programme d’aide juridique ne subventionne pas les causes types, mais aussi là où l’aide financière est inadéquate.
Finalement, il faut permettre au conseil d’administration du programme de réaffecter des sommes à différentes catégories de dépenses à l’intérieur du programme de manière à mieux répondre aux besoins des groupes revendiquant l’égalité et à réagir aux nouveaux enjeux.
Pour conclure, le programme est l’une des institutions les plus uniques et remarquables que le Canada ait créées pour renforcer son système démocratique au moyen de la protection des droits des minorités. La décision du gouvernement de rétablir le financement du programme offre une nouvelle occasion aux groupes racialisés et marginalisés d’engager un dialogue avec le système judiciaire et de veiller à ce que le gouvernement canadien remplisse les promesses qu’il a faites au titre de la Charte.
Je vous remercie beaucoup, madame Go.
Nous allons maintenant entendre M. Elliott.
Monsieur Elliott, nous vous écoutons.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Si je peux me permettre, je dirais que je suis tout à fait d’accord avec ce que mon amie de longue date, Mme Go, vient tout juste de dire.
Le Fonds Égale Canada pour les droits de la personne se réjouit de l’occasion offerte de se présenter devant le Comité aujourd’hui. Égale Canada est le seul organisme de bienfaisance canadien voué à la promotion des droits des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et trans grâce à la recherche, à l’éducation et à la mobilisation communautaire. Fondé en 1995, Égale était l’un des principaux utilisateurs du Programme de contestation judiciaire dans sa version antérieure sous l’habile direction du directeur général de l’époque, John Fisher.
Permettez une vantardise: aucun autre groupe n’a eu autant de succès pour obtenir l’égalité devant les tribunaux et grâce au Programme de contestation judiciaire.
Égale Canada se réjouit du rétablissement prévu du Programme de contestation judiciaire et de l’occasion qui lui est offerte de vous aider dans cette tâche importante. Je pourrais dire, en lien avec les propos de Mme Go au sujet de la stagnation de la jurisprudence, que je suis celui qui a remporté la dernière cause fondée sur l’article 15 devant la Cour suprême du Canada, l’arrêt Hislop 2007, il y a près de 10 ans. On devrait y lire un message. Le rétablissement offre une occasion d’évaluer d’un oeil critique les caractéristiques positives et les limitations de l’ancien programme tout en imaginant la forme que pourrait prendre une version plus efficace.
Le Canada est un chef de file mondial de la protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Il a été l’un des premiers pays à légaliser l’égalité d’accès au mariage. Ce progrès est dû en grande partie à l’incidence que le PCJ a eue, mais depuis l’annulation du programme, le Canada s’est assis sur ses lauriers.
Le Canada a pris du retard par rapport à d’autres pays en matière de promotion des droits des minorités sexuelles, en particulier la reconnaissance des droits des personnes transgenres, transsexuelles, bispirituelles et intersexuées. Je ne vous surprendrai pas si je vous recommande avec insistance de voter en faveur du projet de loi visant à ajouter l’identité de genre et l’expression de genre. C’est un développement apprécié. Il faut cependant souligner que depuis l’annulation du Programme de contestation judiciaire en 2006, aucune affaire traitant l’identité de genre ou l’expression de genre comme un motif analogue ne s’est rendue à la Cour suprême du Canada. À mon avis, ce n’est pas une coïncidence.
Il est utile de rappeler qu’au moment de l’approbation de l’article 15 de la Charte en 1982, les législateurs se sont refusés à inclure explicitement l’orientation sexuelle, et encore moins l’identité de genre, dans son libellé. Toutefois, la porte avait été laissée ouverte par l’inclusion de l’orientation sexuelle à titre de motif analogue, comme le soulignait le Rapport du Comité parlementaire sur les droits à l’égalité, présidé par Patrick Boyer, sur l’observation de l’article 15.
Malheureusement, le Parlement n’a donné suite à aucune des recommandations formulées dans le rapport aux fins de la réforme du droit en matière d’orientation sexuelle, et ce, malgré la promesse faite par le procureur général de l’époque, John Crosbie, d’y voir. Il y avait un manque évident de volonté politique de faire ce qu’il convenait de faire. Notre communauté allait devoir se battre pour affirmer ses droits devant les tribunaux. Nous l’avons fait et nous avons gagné. L’égalité parfaite est un objectif que nous devrions toujours viser comme société. Le Canada a fait beaucoup de chemin à cet égard, mais il lui reste encore beaucoup à faire. Un Programme de contestation judiciaire renouvelé aidera notre pays à progresser.
Je vous ai soumis un texte que je vous invite instamment à lire, mais je vais souligner quelques-unes des propositions que nous formulons.
Nous appuyons fermement le rétablissement du Programme de contestation judiciaire, un excellent programme dont Égale a été un utilisateur assidu. Ce programme a apporté une contribution importante aux dossiers qui ont permis de réduire la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Comme l’a indiqué ma consoeur, Mme Go, ce n’est pas un hasard si la fin du Programme de contestation judiciaire a coïncidé avec la stagnation de la jurisprudence relative à l’article 15. Il n’y a pas eu de progrès accompli sur l’identité de genre et l’expression de genre qui soit comparable à ce qui s’est fait en matière d’orientation sexuelle. Franchement, un programme de contestation judiciaire renouvelé n’est que justice. Il aidera à uniformiser les règles du jeu entre les groupes marginalisés et les gouvernements. Si nous avions consacré une fraction minime des sommes dépensées pour défendre des violations de la Charte à la protection des droits garantis par la Charte, nous serions un bien meilleur pays.
Il importe véritablement de se rendre compte que le Programme de contestation judiciaire a notamment permis de mobiliser les avocats du secteur privé. Les ressources que le secteur privé a consacrées à ces affaires ont largement dépassé les sommes dépensées par le gouvernement. C’est un cas classique de recours aux ressources du secteur privé et de mobilisation de ces ressources à l’aide d’un apport initial du gouvernement. J’ajouterai que cela a amené la culture de l’excellence au barreau.
Le PCJ favorisera l’égalité, et l’égalité accrue améliorera la qualité de vie de tous les Canadiens. Il suffit de penser à l’exemple de la Caroline du Nord pour constater ce qui se passe quand on favorise l’inégalité. Les conséquences économiques sont désastreuses pour tout le monde.
L’administration du Programme de contestation judiciaire devrait être indépendante et rentable et, en tant qu’utilisateur, je peux vous dire que nous étions très satisfaits de l’administration précédente. Nous croyons que le financement de consultations devrait faire de nouveau partie du programme. Nous convenons de la nécessité de fixer un plafond aux subventions accordées aux fins d’une contestation judiciaire, mais ce plafond devrait être relevé. Les sommes versées pour les procès étaient particulièrement insuffisantes.
À l’instar du Programme d’appui aux droits linguistiques, le financement devrait être fondé sur le mérite. L’ancien programme ne finançait pas les affaires entendues devant les tribunaux de droit provincial ni celles de compétence provinciale. J’ai toujours trouvé cela étrange, car le gouvernement fédéral comparaît tout le temps dans les affaires de compétence provinciale. Ils ont le droit de se faire entendre s’il est question de droits garantis par la Charte. Il n’est pas question d’ingérence dans les domaines de compétence provinciale. Le gouvernement fédéral est toujours intéressé à promouvoir et à défendre les droits garantis par la Charte.
La compétence du tribunal ne devrait pas entrer en ligne de compte. Beaucoup de personnes s’adressent aux tribunaux de nos jours. Dans la province du Québec, par exemple, la plupart des gais et des lesbiennes emploient les mécanismes de recours mis en place par le gouvernement provincial pour obtenir réparation en cas de violation de leurs droits. C’est là le modèle appliqué par le Programme d’appui aux droits linguistiques. J’ai discuté avec des avocats qui travaillent avec ce programme et ils considèrent que ce dernier fonctionne exceptionnellement bien. Il est préférable que des gens sages comme Mme Go regardent les dossiers qui se présentent et les évaluent en cherchant à établir lesquels auront probablement le plus d’impact sur le plan de la protection et de la promotion des droits garantis par la Charte.
Je vous remercie beaucoup. Je serai heureux de répondre aux questions et je vous invite instamment à jeter un coup d’oeil à notre mémoire de 10 pages.
Nous avons bel et bien reçu votre texte, donc je crois que tout le monde a eu le temps de le regarder.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à Carmela Hutchison du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada.
Madame Hutchison, bienvenue.
Je suis désolé que vous n'ayez pas eu nécessairement le temps de reprendre votre souffle. Vous venez tout juste d'arriver et je vous demande de prendre la parole. J'espère que ça va.
Vous avez huit minutes à votre disposition. Le chrono commence maintenant.
Je vous remercie beaucoup.
Nous souhaitons manifester notre gratitude au peuple algonquin sur les terres traditionnelles duquel nous sommes réunis aujourd'hui. Nous remercions le gouvernement du Canada d'avoir acquiescé à l'enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées.
Le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada est un organisme féministe national dont la mission consiste à mettre fin à la pauvreté, à l'isolement, à la discrimination et à la violence que subissent les femmes handicapées et les femmes sourdes du Canada. Le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada défend depuis longtemps leurs droits devant les tribunaux, tant de son propre chef ou en collaboration avec d'autres organismes en quête d'égalité, tels le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes (FAEJ) et le Conseil des Canadiens avec déficiences.
Le 4 décembre 2007, j'ai témoigné devant le Comité permanent de la condition féminine au sujet de l'impact des compressions imposées au Programme de contestation judiciaire. Avant de débuter, j'aimerais prendre un instant pour souligner que c'est un grand jour pour le Canada que d'assister au rétablissement du Programme de contestation judiciaire. Néanmoins, pour le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada, c'est une simple éclaircie. Nous accusons un tel retard, même dans les contestations judiciaires, que le rétablissement du Programme est une première étape magnifique. Malgré tout, de notre point de vue, nous sommes en train d'écoper avec une cuillère à thé.
Les femmes handicapées canadiennes ne sont pas différentes de toutes les autres femmes handicapées dans le monde. L'article 6 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées s'applique autant à nous qu'à toutes nos soeurs dans le monde.
Par conséquent, notre première recommandation consiste à demander que le Canada ratifie le Protocole facultatif sans délai. Dans le cadre d'une loi nationale visant les personnes handicapées, il s'imposera de veiller à ce que la loi de notre pays élimine tous les obstacles rencontrés par les femmes handicapées. Cependant, cela libérera également les hommes, puisque, la plupart du temps, les droits des femmes sont les droits de tous. Il faudra une collaboration interministérielle ainsi qu'une vaste consultation des parties intéressées. DAWN Canada a espoir de faire partie d'un tel processus, à l'exemple d'aujourd'hui, et de participer activement au façonnement de notre avenir et de l'avenir des Canadiens.
DAWN-RAFH Canada est un organisme membre du Programme de contestation judiciaire du Canada. Nous croyons que la structure de gouvernance actuelle a réussi à assurer l'intendance pendant les temps difficiles. Si le programme dispose des ressources nécessaires, nous croyons qu'il pourra continuer à offrir un leadership énergique aux Canadiens. Nous sommes d'accord avec les recommandations formulées par d'autres collègues voulant que les critères soient élargis de manière à inclure un volet autochtone, un volet minorité linguistique, et un volet égalité qui va au-delà de l'article 15 de la Charte. Il devrait également y avoir un volet nouveaux arrivants pour les questions d'immigration et les autres groupes ethnoculturels. Il est très important d'offrir un soutien inclusif intersectionnel tel que les mesures d'adaptation visant les handicaps, les langues, l'orientation sexuelle et d'appuyer la participation à toutes les étapes des procès.
Lors de l'assemblée générale du Programme de contestation judiciaire du Canada, l'assemblée s'est montrée ouverte à l'idée d'une évaluation des dossiers sur la base des faits et du mérite plutôt qu'en fonction de plafonds artificiels et de critères qui limitent le degré de poursuite d'une affaire. Nous sommes également d'accord avec le Conseil des Canadiens avec déficiences voulant que les causes provinciales et territoriales ainsi que les tribunaux en matière de droits de la personne soient financés grâce à un Programme amélioré de contestation judiciaire du Canada.
DAWN Canada a abattu un travail considérable en matière de criminalisation des femmes ayant un handicap mental, en particulier pour ce qui concerne Ashley Smith. Nous avons également indiqué le dossier de Kimberly Rogers, décédée à la suite d'un manque d'accès à une représentation en matière pénale et du droit des pauvres. Aujourd'hui, nous allons mettre l'accent sur le manque d'accès à l'aide juridique en matière civile.
Le West Coast LEAF, dans son mémoire, a mis en évidence les problèmes très graves résultant d'un manque d'accès à l'aide juridique en matière civile, en particulier en droit de la famille et des pauvres, qui a le plus d'impact direct sur le respect et la protection de leurs droits.
Nous pouvons citer des exemples qui se sont produits cette semaine dans les organisations avec lesquelles nous travaillons. Il y a une femme handicapée qui tente d'obtenir son droit à des biens hérités et une autre qui essaie de vendre sa maison après un divorce où son conjoint violent a empêché la vente de la maison en enregistrant une notification d'opposition. Auparavant, il avait mis une entreprise au nom de sa femme, une entreprise qui a déclaré faillite, ce qui a pris des années à sa femme pour régler l'affaire.
Il y a également une femme handicapée qui a deux différends avec le propriétaire du logement qu'elle a dû fuir en raison de conditions dangereuses pour la santé. Nous avons une jeune mère qui a un cancer du sein et dont le divorce comporte un litige sur la garde des enfants, et elle a déposé également un grief contre un employeur qui l'a congédiée alors qu'elle était enceinte. Il y a eu une femme en soins de longue durée à qui on a facturé les services ambulanciers rendus lors de ses quatre entrées à l'hôpital, même si elle ne reçoit qu'une allocation pour menues dépenses. La décision a finalement été renversée, mais plusieurs semaines ont été nécessaires et elle a eu le stress lié à cette situation pendant tout ce temps-là.
Pour donner un autre exemple, une femme admise dans un hôpital psychiatrique a été agressée physiquement par un autre patient et on ne lui accorde aucune aide pour le rétablissement physique ou psychologique quant aux dépenses associées à cette agression. Une nouvelle arrivante, qui a été victime d'un accident vasculaire cérébral et qui a une dépression réfractaire à la médication, est incapable de trouver un moyen pour qu'on s'occupe de ses craintes quant au traitement par électrochocs, ce qui a également aggravé ses problèmes de santé. Enfin, une femme qui tente de laisser le commerce du sexe et qui est menacée d'expulsion, que nous tentons d'aider à trouver un logement adéquat, un mode de soutien du revenu et les soins médicaux à l'appui de sa demande de produits et services de soutien aux personnes handicapées.
Nos dernières observations et recommandations concernent notre propre mémoire, intitulé « Recommandations: Répondre aux besoins des victimes d'actes criminels au Canada », un document présenté au ministère de la Justice en vue de l'élaboration d'une déclaration des droits des victimes, le 27 septembre 2013, soulignant la nécessité de mesures d'adaptation appropriées aux personnes handicapées afin de répondre aux besoins des victimes d'actes criminels ayant un handicap, lesquelles sont surreprésentées dans la population des victimes.
Sur la fiche d'information de DAWN-RAFH Canada, annexée à notre mémoire, de nombreux faits quant aux diverses façons dont les femmes handicapées sont soumises à un degré plus élevé de risques de violence en raison de la manière dont elles entrent en contact avec un plus grand nombre de personnes qui leur prodiguent des soins et l'insistance faite de respecter la figure d'autorité dans la vie d'une personne handicapée. Dans le résultat d'enquête sur la victimisation criminelle au Canada en 2014, nous remarquons que l'état de santé mentale et le trouble développemental sont souvent associés à la victimisation avec violence, lequel est quatre fois plus fréquent chez ces personnes que chez celles ayant évalué leur santé mentale comme étant excellente ou très bonne. Il y avait 230 incidents par 1 000 habitants, comparativement à 53 dans la population en général.
DAWN-RAFH Canada est intervenu dans la cause D.A.I. en 2012, qui a fait jurisprudence, car elle a établi que les personnes ayant une déficience intellectuelle sont réputées habiles à témoigner comme n'importe quel autre témoin, en promettant simplement de dire la vérité. Nous n'avons jamais été en mesure d'établir si l'impact de cette décision a permis aux survivants de dénoncer.
L'étude des résultats des décisions est importante, comme l'ont indiqué d'autres collègues. De même que nous avons forgé des liens permanents avec le bureau du Statut de la femme et le Bureau de la condition des personnes handicapées, nous espérons que notre présence à deux occasions au cours des deux dernières semaines montre bien la nécessité d'un travail et d'un dialogue continus, appuyés par une enveloppe budgétaire dédiée au programme, de sorte que nos soeurs, les femmes handicapées partout au Canada, puissent également jouir de justice, de droits et de dignité parmi nos sympathisants canadiens.
Je vous remercie.
Je vous remercie, madame Hutchison.
Nous sommes heureux de toutes les interventions des membres de la table ronde et nous allons maintenant passer aux questions.
Nous allons commencer par les conservateurs.
Monsieur Cooper, c'est à vous.
Je remercie tous les témoins qui ont pris la parole ce matin.
Je vais adresser ma première question à M. Elliott.
Dans votre exposé, vous avez indiqué, bien sûr, que l'égalité d'accès au mariage avait été obtenue au Canada, et mentionné que le Programme de contestation judiciaire avait joué un rôle important à cet égard. Je me demande si vous pouvez élaborer. La loi sur l'égalité d'accès au mariage a été adoptée au Parlement en 2005. Le vote a été libre. Elle a obtenu l'appui des députés de tous les grands partis politiques. Ce n'était pas le résultat, par exemple, d'une décision de la Cour suprême qui aurait intimé le Parlement qu'il devait faire quelque chose. Le Parlement, à plus d'un titre, a été là avant les tribunaux en matière d'égalité d'accès au mariage.
Sauf votre respect, monsieur Cooper, je ne suis pas d'accord avec vous à ce sujet. Je pense que le bilan est assez clair et que, à l'exception des modifications visant les crimes haineux, toutes les mesures prises concernant l'orientation sexuelle ont fait suite à une décision des tribunaux.
Le premier mariage légal au Canada a été célébré par la Metropolitan Community Church de Toronto, une église où je vais et je sais qu'au moins un membre de votre comité y va à l'occasion. Le 14 janvier 2001, ce mariage a été reconnu légalement par la Cour d'appel de l'Ontario dans la décision Halpern rendue le 10 juin 2003. Au moment où le Parlement a adopté la Loi sur le mariage civil, les tribunaux s'étaient déjà prononcés dans quasiment toutes les provinces. Vous vous rappellerez que c'est la décision prise par le procureur général de l'époque, Martin Cauchon, de ne pas en appeler de la décision Halpern qui a amené en fin de compte la Loi sur le mariage civil et ensuite le renvoi à la Cour suprême du Canada, où j'ai représenté la Metropolitan Community Church of Toronto. Lorsque le Parlement a agi en 2005, en fait, l'égalité d'accès au mariage était virtuellement disponible dans tout le pays en raison des tribunaux.
Ce fut une étape importante, et j'avouerai avoir été encouragé qu'il y ait un soutien par tous les partis en faveur de cette mesure. Certains des plus beaux discours que j'ai entendus au Parlement ont été prononcés à propos de cette loi. C'était indéniablement, je le reconnais, en non-conformité avec la décision des tribunaux, mais la mesure rejoignait les tribunaux, à mon avis.
Je vous remercie pour cela, monsieur Elliott.
Dans votre mémoire écrit, vous parlez de renouveler le financement de consultations en raison des budgets limités offerts dans le cadre du programme et vous mentionnez une consultation sur une stratégie relative à l'égalité d'accès au mariage ainsi qu'une stratégie relative aux droits des transsexuels. Pourriez-vous élaborer un peu sur le processus de consultation et comment cela fonctionne et quels en sont les avantages?
Oui, avec plaisir, monsieur Cooper.
C'est une excellente question. Permettez-moi d'utiliser l'égalité d'accès au mariage, parce que je suis impliqué là-dedans. Au moment où nous envisagions de nous pencher sur le problème d'égalité d'accès au mariage, beaucoup de groupes au pays avaient des opinions sur la façon d'aborder ce problème. Un procès était en cours au Québec. Des personnes en Colombie-Britannique et en Ontario voulaient amener le contentieux. On discutait beaucoup d'une stratégie et, franchement, certains, même au sein de la communauté LGBT, se demandaient si nous devions nous en occuper.
Égale a reçu une modeste somme d'argent pour organiser une conférence à Toronto à laquelle ont été conviés des intervenants de toutes les régions du Canada afin de tenir une franche discussion sur ces enjeux, au sujet des diverses stratégies qui pourraient être employées. Par exemple, les gens de la Colombie-Britannique ont soutenu que le gouvernement provincial était prêt à appuyer une contestation de l'égalité d'accès au mariage et que c'est là où nous devions procéder d'abord. Les gens du Québec disaient qu'ils avaient déjà un procès en cours et que nous devions soutenir leur démarche.
Ce fut l'occasion pour notre groupe de tenir une discussion claire sur la façon de procéder d'une manière qui n'est pas possible sans ce genre d'aide. Je ne me rappelle pas de la somme accordée, mais c'était quelque chose comme 25 000 $, c'était une somme d'argent très modeste pour tout le processus de défense de l'égalité d'accès au mariage. Je crois qu'Égale a obtenu environ 160 000 $, alors que je sais que le gouvernement fédéral a dépensé 400 000 $ en honoraires d'experts en première instance en Ontario seulement, donc, vous en avez eu pour votre argent, monsieur Cooper.
Mme Go et M. Elliott ont mentionné la question du financement des contestations. C'est un problème pour tous les groupes. Le seul que je connais bien, depuis déjà longtemps, est le système d'aide juridique en Ontario, qui a toujours été sous-financé. Il y a toujours tout un groupe de personnes qui ne peuvent obtenir du financement et, par conséquent, elles se représentent elles-mêmes, ce qui, à son tour, rend fou le système judiciaire parce que les pauvres juges doivent faire preuve d'équité. Ça allonge la durée des dossiers. Ça peut même créer une divergence entre les parties, que sais-je.
Mme Go en particulier a demandé qu'on étende le financement aux lois provinciales. Est-ce qu'il n'y aurait pas une bonne partie de cela qui se ferait avec l'aide juridique provinciale? Le seul que je connaisse, c'est le système de l'Ontario, mais je suis certain que c'est la même chose partout au pays. Ma question s'adresse à vous, si le temps nous le permet.
Je viens de l'Ontario et, dans un certain sens, nous sommes très privilégiés. Le système ontarien est de loin supérieur à ceux des autres provinces. L'Ontario, en fait, subventionne des causes types. À l'époque où les contestations judiciaires n'existaient pas, beaucoup de groupes se tournaient vers le financement des causes types en Ontario afin d'obtenir des fonds pour effectuer des contestations relatives à la Charte.
Que l'aide juridique soit financée adéquatement, ou non, le fait est que même dans les provinces où on offre l'aide juridique, on ne finance pas toujours les causes types.
D'une certaine façon, les causes types peuvent régler une partie des problèmes de sous-financement de l'aide juridique, en ce sens que le financement des causes types est une façon de se pencher sur le problème qui touche un grand nombre de personnes, alors que sans les causes types, chaque personne est assujettie à la même loi injuste, ou à la même loi discriminatoire, ou encore au même problème avec la loi, et ils vont devant les tribunaux maintes et maintes fois et ils ont besoin d'aide juridique maintes et maintes fois.
L'idée de financement des causes types consiste à améliorer la loi de telle sorte que vous n'aurez pas autant de personnes qui comparaissent devant un tribunal ou autant de problèmes qui ont pour conséquence d'avoir des personnes qui comparaissent devant le tribunal.
Je veux également témoigner brièvement de la question des consultations. Il ne s'agit pas simplement de s'occuper par exemple des contestations au sein d'une communauté en particulier. Les consultations sont permises dans différents groupes. Par exemple, même si je vais simplement lancer une contestation relative à la Charte sur la question qui touche les immigrants seulement, les consultations permettent aux divers groupes de se réunir pour établir si, oui ou non, ma stratégie ou la stratégie que je vais employer aura un impact négatif sur d'autres groupes. C'est une façon très importante d'éveiller les communautés.
M. Elliott a parlé d'en avoir pour son argent, du point de vue des avocats. Vous en obtenez beaucoup plus du point de vue des communautés.
Il y a des centaines et des milliers d'heures de travail gratuites qui sont consacrées à ce genre de contestations par la communauté, et c'est une façon de bâtir une communauté d'intérêts et d'objectifs afin de faire du Canada un meilleur endroit. C'est la même idée que l'on retrouve dans la contestation de causes types. Tout cela améliorera le système et, avec un peu de chance, à long terme, réduira le besoin d'aide juridique.
Merci.
Je pense que cela répond à la question. Nous passons maintenant la parole aux libéraux.
Madame Khalid.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins pour les renseignements qu'ils nous ont présentés aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à Mme Go. Vous avez parlé dans votre mémoire, et vous l'avez répété aujourd'hui, d'un racisme qui s'étend dans tout le système et vous suggérez qu'on ajoute au PCJ les droits prévus à l'article 7.
Pourriez-vous nous donner des exemples précis illustrant ce type de problème?
Je vais citer par exemple une cause qui a passé devant la Cour de l'Ontario et à laquelle nous avons participé. Il s'agissait de la question du droit au logement. Plusieurs organismes sont intervenus dans cette affaire.
Les statistiques indiquent par exemple que la population des sans-abri et des mal-logés comprend un grand nombre de personnes qui appartiennent à des groupes racialisés — Autochtones, femmes, femmes handicapées. Donc un grand nombre de ces personnes sont sans-abri ou mal-logées. Malheureusement, il n'existe pas de stratégie de logement pour régler ce problème.
Dans ce contexte, nous avons plaidé à partir de l'article 15 que l'absence d'une politique a des répercussions disproportionnées sur ces groupes défavorisés. Toutefois, l'article 7 prévoit le droit à la sécurité; nous avons donc aussi plaidé sur cet article.
Si le Programme de contestation judiciaire finançait cette cause, il ne financerait que les arguments fondés sur l'article 15 et non ceux basés sur l'article 7.
Je peux vous dire que j'ai siégé au comité de sélection, et que parfois les propos y sont très artificiels. Il faudrait simplement ignorer l'article 7, mais en fait ces deux articles sont quelque peu reliés. Selon moi, ils le sont de plus en plus, car le tribunal comprend toujours mieux que l'égalité devient un principe de justice fondamentale sous l'article 7 et que ces deux articles sont de plus en plus reliés.
Merci.
Nous avons entendu de nombreux témoins ces derniers mois en étudiant le Programme de contestation judiciaire et l'accès en matière de justice. Plusieurs d'entre eux ont soulevé le fait que le Programme de contestation judiciaire apparaît et disparaît selon les caprices du gouvernement.
Pourrais-je demander à nos trois témoins de quelle façon, selon eux, nous pourrions assurer plus de permanence à ce programme et le protéger des caprices gouvernementaux?
Je voudrais bien avoir une réponse à cette question.
À mon avis, cela pose un problème. Le Parlement est souverain. Il peut abroger une loi en tout temps. Je ne suis pas sûr qu'il y ait moyen de garantir que ce programme ne subira jamais de changements.
Si nous intégrions cela dans la Constitution par un amendement constitutionnel, nous produirions un document comme la constitution de l'Allemagne qui garantit la protection des droits et la réadaptation... Ce serait merveilleux, mais je ne pense pas que notre comité veuille s'engager dans cette voie à l'heure actuelle. Mais je ne vois pas d'autre solution.
C'est aussi ce que j'aurais dit.
Comme nous parlons de différentes situations multidimensionnelles, je voudrais citer aussi l'immigration de personnes handicapées. Nous avons là une autre situation multidimensionnelle qui cause de graves problèmes aux personnes handicapées et que nous devrions aussi aborder.
Quand nous parlons de logement, du droit au logement, du droit au soutien social et du droit de se faire représenter par un avocat, tous ces droits entrent en conflit avec les droits prévus aux articles 7 et 15. Il est important d'examiner ces dispositions, parce qu'elles contiennent les situations multidimensionnelles de la Charte qu'il faudrait ajouter aux contestations judiciaires. C'est ce que je voulais ajouter à la réponse précédente.
Je voulais aussi mentionner brièvement les clients qui se représentent eux-mêmes... l'Ontario a un excellent accès à l'aide juridique. Dans mon travail pour le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada, j'aide des gens de toutes les provinces. Je vis en Alberta, où nous n'avons pas un aussi bon accès. Les programmes de bénévoles juridiques ont... les bénévoles ne peuvent rien faire. Je finis par...
Madame Hutchison, excusez-moi, pourriez-vous revenir à la question, qui portait sur les moyens de conserver le programme?
Vous répondez à une autre question, et le temps des membres de ce côté de la table est limité.
Pourriez-vous revenir à la question qui vient d'être posée? Le député avait demandé comment protéger le programme des caprices gouvernementaux.
Merci.
Excusez-moi, je pensais que vous vous écartiez du sujet...
Je dois veiller à ce que tout le monde dispose d'une période de questions équitable.
Madame Go.
Je n'ai pas de solution à suggérer.
À mon avis, plus les Canadiens comprendront l'importance de ce programme, plus il sera difficile pour le gouvernement de l'annuler.
Merci.
C'est parfait.
Plusieurs témoins nous ont aussi expliqué comment, dans le passé, le programme sélectionnait les causes à financer et celles à rejeter. Certains témoins doutaient de la transparence de l'ancien système.
De quelle façon, selon vous, pourrait-on rendre le nouveau système plus transparent et plus accessible?
Le programme a été recréé sous différentes formes. Il y a très longtemps, ce n'était pas un organisme indépendant. Il était rattaché à Patrimoine Canada par l'intermédiaire d'une université. On lui a enlevé son financement ou on l'a annulé, puis on l'a recréé sous forme d'organisme indépendant.
Je pense que sous cette forme, il pourra mieux aborder les problèmes de transparence. D'un autre côté, il faut aussi tenir compte du fait que dans certaines situations, les gens qui viennent demander du financement ne veulent pas que leur requête soit rendue publique, alors nous devons trouver un moyen de le faire. Nous pourrions peut-être résumer les raisons ou le bien-fondé de la cause contestée sans divulguer le nom du demandeur, ce qui rendrait notre prise de décisions plus transparente.
Nous pourrions aussi renforcer la transparence et la reddition de comptes en modifiant la composition du conseil d'administration pour y inviter plus de représentants de groupes communautaires. Bien des groupes ne connaissent pas vraiment ce programme, même s'il est actif depuis 10 ans. Par exemple, les groupes autochtones et les groupes racialisés ne le connaissent pas bien.
Plus nous aurons de membres, plus la structure de reddition de comptes se renforcera. Notre responsabilité envers un plus grand nombre de communautés nous forcera à améliorer la transparence. Mais il faudra du financement pour faire la promotion du programme.
Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins. Je suis heureux de vous revoir, monsieur Elliott. Je peux confirmer l'excellence du Fonds Égale Canada et de sa défense juridique. J'ai eu l'honneur de travailler avec le fonds pendant que la cause sur le mariage homosexuel se trouvait devant les tribunaux en 2003.
Je voudrais vous poser une question sur les finances, parce qu'il me semble que c'est le thème du jour à cette séance.
Dans votre mémoire, monsieur Elliot, à la section intitulée « Tirer parti du secteur privé », vous parlez de subvention croisée venant des cabinets de droit de petite taille et de taille moyenne. Vous avez dit que pour les plaidoyers sur l'article 15, les témoins experts sont cruciaux et qu'ils fournissent souvent leurs services pour des honoraires très modestes. Vous avez souligné que l'article 15 nécessite un lourd fardeau de preuve.
Je voudrais que tous nos témoins nous suggèrent une façon de diviser le tout petit gâteau. Acceptons-nous une, ou deux causes? Il me semble que vous avez suggéré que l'on injecte au plus 225 000 $ pour chaque litige. Ce chiffre est raisonnable, mais je vous avertis que nous ne pourrons pas nous occuper d'un grand nombre de causes.
Madame Go, vous avez siégé au comité de sélection du Programme de contestation judiciaire. Pouvez-vous nous décrire la manière dont vous pensez qu'il devrait fonctionner? Choisirons-nous quelques procès vedettes et très peu d'autres? Comment allons-nous diviser un si petit gâteau entre les groupes qui revendiquent l'égalité?
Nous nous y sommes pris de différentes façons. Par exemple, comme l'a dit M. Elliott, nous devons examiner le bien-fondé de la cause; c'est pourquoi nous n'allons pas financer toutes les causes qu'on nous présentera. Nous devons nous efforcer de financer les causes qui défendent l'égalité. Il nous arrive de recevoir des causes qui portent plus ou moins sur le même problème; nous encouragerons alors les groupes à s'unir pour les défendre. Parfois nous avons des demandeurs individuels qui nous présentent d'excellentes causes, mais qui ne sont pas nécessairement représentés par un bon avocat. Dans ces cas, nous encourageons aussi ces demandeurs à demander l'aide de personnes qui possèdent l'expertise nécessaire. Nous trouvons toutes sortes de façons d'utiliser à bon escient le peu de financement dont nous disposons.
Comme je l'ai dit, le litige ne constitue pas toujours la meilleure solution. Nous suggérons des consultations sur les causes, des études d'impact, tout ce qui soulignera aussi la valeur de la Charte. C'est pourquoi j'ai indiqué qu'il sera nécessaire d'accorder au conseil la latitude nécessaire pour utiliser les fonds de différentes manières. Je me souviens du temps où j'étais vice-président; l'un de nos plus grands défis était de devoir constamment traiter avec le ministère du Patrimoine. Je vous dirai franchement qu'ils faisaient de la microgestion. Nous avions conclu une entente de financement; je ne me souviens pas exactement des chiffres, mais on nous donnait peut-être 500 000 $ pour ci et 10 000 $ pour ça, et nous devions toujours nous battre pour qu'ils nous autorisent à transmettre le solde inutilisé d'un fonds à un autre objectif pour maximiser notre enveloppe totale de financement du Programme de contestation judiciaire.
Merci beaucoup de dire les choses d'une manière si aimable, monsieur Rankin.
J'aime la notion de latitude qu'a suggérée Mme Go. C'est ainsi que fonctionne le Programme de soutien aux droits linguistiques à l'heure actuelle. Les gens qui administrent ce programme sont excellents; ils examinent toutes les causes en fonction des tendances de la jurisprudence, et leur expertise leur permet de déterminer laquelle de ces causes aura le plus d'impact ou si l'une d'entre elles présente une situation multidimensionnelle. En voyant l'évolution de l'article 7, ils choisissent les causes qui auront le plus d'effet.
Si mon allocution vous a laissé l'impression que nous préférons nous concentrer sur un petit nombre de causes que nous mènerons à de bonnes fins, vous avez tout à fait raison. Le programme affectait une somme maximale de 100 000 $ par procès; je crois que maintenant cette somme s'élève à 125 000 $. Si vous appeliez mon cabinet, par exemple, pour nous demander de mener un procès à bien pour 125 000 $, notre associé directeur ferait une crise cardiaque! Personne n'accepterait une telle cause. Il est plus sage d'établir un budget réaliste pour lequel un cabinet d'avocats accepterait de procéder que d'avoir un petit budget en donnant l'impression que nous pourrons financer de nombreuses causes. En réalité nous ne pourrons pas en financer, ou celles que nous financerons seront de mauvaise qualité parce que les gens qui accepteront de s'en occuper ne s'intéresseront qu'à se bourrer les poches même si les causes ne sont pas bonnes.
Mme Go a mentionné que parfois les demandeurs ne sont pas représentés par les bons avocats; en effet, ils trouvent quelqu'un qui leur facture un tiers des honoraires habituels, mais ils obtiennent aussi un tiers de la qualité habituelle. Cela aussi constitue un problème.
C'est presque une règle de la vie quotidienne.
Vous ne pensez donc pas qu'il sera difficile d'établir un équilibre entre...? Une affaire plaidée sur l'article 15 pourrait toucher d'autres groupes, mais une affaire mettant en cause une femme handicapée n'a pas autant d'impact que s'il s'agissait d'une minorité racialisée ou du droit des couples homosexuels. Comment allez-vous expliquer aux groupes qui revendiquent l'équité que vous allez prendre l'affaire de la femme handicapée qui ne semble pas concerner leurs enjeux, même si cette cause fait progresser les enjeux généraux de l'article 15? Cela semble présenter tout un défi.
Je vous dirais honnêtement que c'est le moindre de nos problèmes, en partie parce que notre réseau regroupe des membres de la communauté qui appuient fortement notre programme. Nous avons participé à des conversations, à des dialogues, à des consultations sur des causes et à du réseautage, et toutes ces activités ont fortement renforcé la confiance entre les différents groupes; ils savent que nous ne ferions rien qui risque de nuire à quelqu'un d'autre.
Nous reconnaissons aussi qu'au Canada, tout le monde a des problèmes. Il n'existe pas de hiérarchie allant de l'inégalité à l'égalité. Selon moi, cela ne pose pas de défi. Le vrai problème est celui du manque de fonds. Par exemple, même si le réseau d'action des femmes handicapées s'occupe de 10 affaires, nous ne pourrons en financer qu'une.
Je voudrais approfondir un peu le problème pratique de la preuve.
Revenons à la question des témoins experts. Vous avez mentionné que leurs services sont cruciaux et qu'ils les fournissent souvent sans frais ou pour des honoraires très modestes. Mais vous vous heurtez parfois à un expert chevronné qui n'est pas prêt à donner de son temps. Devrions-nous ajouter cela au programme? Autrement dit, devrions-nous étendre le budget pour les témoignages experts qu'exigent les causes compliquées? Serait-ce trop en demander?
À mon avis, les dirigeants du programme devraient avoir la latitude nécessaire pour financer des témoins experts, mais je vous dirai que quand j'ai plaidé pour le mariage homosexuel, je ne disposais que de 500 $ par témoin expert. Le gouvernement a versé 400 000 $ à ses témoins experts, et c'est moi qui ai gagné la cause.
C'est ça; mais ils n'y consentent pas tous.
Je vous dirai qu'une grande partie de ces difficultés... C'est là que nous nous heurtons vraiment à un problème. Dans certains cas, l'expert dont vous avez vraiment besoin... Je plaide à l'heure actuelle une cause sur l'accès à de l'équipement d'injection stérilisé dans les prisons. Le meilleur modèle d'accès est celui qu'offre la Suisse. Il va falloir que je fasse venir un expert de Suisse pour faire progresser ma cause. Nous devrons payer non seulement son temps, mais son déplacement. Nous avons réellement besoin d'argent pour engager des experts.
Je n'ai qu'une observation très brève. Dans notre organisme, nous avons beaucoup de femmes qui ont traversé des épreuves, mais nous avons aussi des femmes qui ont des diplômes universitaires et de l'expertise et à qui l'on demande souvent de fournir cette expertise et ce niveau d'études sans recevoir d'honoraires.
C'est une question de justice. Nous n'avons pas de fonds pour le travail qu'elles nous fournissent. On s'attend à ce qu'elles le fassent bénévolement. Elles se font constamment critiquer parce qu'elles n'ont pas d'emploi, mais personne ne veut payer leur travail. C'est une question de justice.
Merci beaucoup pour cette réponse.
Je remercie tous les témoins d'être venus aujourd'hui et de nous avoir fourni des renseignements très précieux.
Madame Hutchison, vous avez indiqué que vous aimeriez que l'on établisse des volets différents. Vous avez mentionné particulièrement le volet du droit à l'égalité pour qu'il s'étende au-delà de l'article 15. Voudriez-vous nous donner plus de détails? On nous a évidemment demandé d'examiner l'article 7 également, mais pensez-vous qu'il faudrait même aller plus loin? Que vouliez-vous dire en parlant d'étendre les droits à l'égalité au-delà de l'article 15?
Je ne connais pas assez ce sujet parce que je ne suis pas juriste constitutionnelle, alors je vais demander à mes collègues de m'aider à répondre. Si j'ai bien compris l'article 7, il prévoit l'accès — aidez-moi, s'il vous plaît —, l'accès au soutien du revenu, au logement et au contrat social fondamental avec les Canadiens. C'est l'accès à l'immigration.
Les personnes handicapées ont peine à accéder à tous ces droits. Le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada et l'autre organisme que je préside dans la province, le réseau Alberta Network for Mental Health, passent tout leur temps sur ces questions. Notre mandat est lié aux situations de crise fondamentales dans lesquelles les gens se trouvent. Nous n'avons aucun moyen de protéger l'accès des gens à ces services de soutien et à ces prestations. Nous n'avons aucun moyen de soutenir les droits des gens dans ces domaines. C'est un problème constant pour nous.
Merci.
Si vous me permettez de me tourner à vous pendant quelques instants, madame Go, vous avez mentionné dans votre allocution certains problèmes encore non réglés que les tribunaux vont devoir trancher. Vous avez parlé des problèmes liés à l'article 15. Vous avez dit que dans le contexte du droit pénal, la loi ne traite pas avec précision certaines situations à fondement racial.
Selon vous, qu'est-ce que les tribunaux devront trancher dans ces situations?
Espérons qu'avec le rétablissement du Programme de contestation judiciaire, un bon nombre des problèmes... Par exemple, la pratique policière du carding, ou la collecte officieuse de renseignements dans les rues, qui n'est ni plus ni moins qu'un profilage racial. Il y a aussi la surreprésentation des Autochtones et des Afro-Canadiens dans le système de justice pénale. Le Code criminel et la Loi sur les services policiers contiennent un grand nombre de problèmes mûrs pour la contestation aux termes de l'article 15, et bien entendu aussi de l'article 7 — ce serait un autre exemple — et en vertu d'autres articles de la Charte qui traitent de questions pénales.
Je crois que certains groupes nous demandent d'examiner des causes qui favoriseront considérablement l'égalité, quel que soit l'article de la Charte sur lequel nous plaidions, au lieu de nous concentrer uniquement sur l'article 15. À mon avis, l'article 15 devrait demeurer à la base de nos plaidoyers, mais nous devrions aussi plaider sur d'autres articles comme l'article 7, l'article 8 ou l'article 12 pour certaines causes relatives à l'immigration, s'ils nous permettent de faire bien avancer l'égalité.
J'ai une observation à ajouter à cela. Il existe aussi une discrimination par diagnostic. Je parlais de surreprésentation de certains groupes dans le système pénal, mais à cela s'ajoutent les personnes qui ont subi un traumatisme crânien et celles qui sont atteintes d'une maladie mentale. On ne les voit qu'en trop grand nombre parmi les victimes de violence, bien souvent parce que ces personnes n'ont pas accès au soutien du revenu. Cela est également dû à la confusion des droits prévus à l'article 15 et à l'article 7.
Merci beaucoup.
Je vais me tourner vers M. Elliott. M. Rankin avait posé une question à laquelle on a répondu en parlant du bien-fondé. Je sais que vous avez mentionné cela dans votre allocution, et Mme Go en a parlé aussi, affirmant qu'il est nécessaire d'examiner le bien-fondé d'une cause pour y allouer les ressources qui vous donneront des résultats aussi spectaculaires que possible pour votre argent, si l'on peut dire.
Je voudrais savoir comment cela se déroulait sous l'ancienne version du Programme de contestation judiciaire. Pensez-vous qu'il faudrait évaluer le bien-fondé des causes d'une manière différente?
Dans l'ancienne version du programme, des experts indépendants évaluaient le bien-fondé des causes. Je vous dirai — sans chercher à faire rougir Mme Go — qu'ils choisissaient très bien les causes en fonction de leur bien-fondé.
Je suis porté à croire que le processus similaire suivi dans le cadre du Programme de soutien aux droits linguistiques est très efficace. Il favorise le développement d'une relation de confiance entre les experts et les groupes communautaires, surtout à l'occasion de ces consultations multidimensionnelles.
Sous l'ancien programme, nous n'aimions pas le manque de latitude qu'on nous imposait ainsi que la distinction artificielle entre l'article 15 et l'article 7, par exemple. C'était là notre plus grand problème, parce que la jurisprudence sur l'article 7 avait littéralement explosé.
Nous parlons de problèmes multidimensionnels comme l'affaire Insite en Colombie-Britannique, par exemple. Nous avions là des personnes qui s'injectaient des drogues et qui pour la plupart étaient autochtones, ou handicapées, ou atteintes de maladies mentales et qui, pour protéger leur santé, avaient besoin qu'on leur fournisse des seringues propres. Cette cause reposait sur les articles 15 et 7, mais si Mme Go avait dû appliquer les anciennes règles, elle vous aurait dit de séparer les problèmes des demandeurs pour que nous puissions vous financer. C'est absolument ridicule.
Nous faisions face à un autre type de problème. En effet, nous avions des causes très importantes comme l'affaire Vriend et M. c. H., qui reposaient sur des lois provinciales. Ces causes avaient beaucoup d'impact. Le gouvernement fédéral participait à ces procès, et je vous dirai que j'étais très heureux qu'il nous appuie dans l'affaire Vriend. Il était partie prenante de cette affaire, mais Mme Go n'a pas été en mesure de financer ces causes importantes parce qu'elles relevaient du gouvernement provincial.
Très brièvement, parce que nous devons entendre l'autre groupe de témoins. Ce sera la dernière observation de votre groupe.
Le comité de sélection jouissait aussi du soutien d'une grande partie du personnel, qui menait beaucoup de recherches pour analyser le bien-fondé de cette affaire. Certaines de ces recherches sont extraordinaires. Les résultats de ces recherches auraient dû être distribués aussi aux parties.
Il s'agit de recherches sur l'égalité matérielle; elles suggèrent des façons d'améliorer les plaidoyers. Elles facilitent considérablement la prise de décisions du comité.
Merci beaucoup, madame Hutchison, monsieur Elliott et madame Go. Merci beaucoup de nous avoir apporté ces contributions. Nous allons étudier tout ce que vous nous avez dit et nous examinerons vos mémoires. Je le répète, vos présentations étaient très intéressantes, et nous vous en remercions beaucoup.
Merci, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes questions que des membres de votre comité pourraient avoir.
Je prie le prochain groupe de témoins de venir à l'avant. Nous allons prendre une courte pause pendant que le nouveau groupe s'installe.
Je souhaite la bienvenue à tous les témoins de ce deuxième groupe. Merci beaucoup d'être venus. Le comité vous remercie d'être venus à Ottawa pour nous faire part de vos points de vue.
Je vous présente M. Bruce Porter, qui est le directeur exécutif du Social Rights Advocacy Centre. De Canada sans pauvreté, nous avons Harriett McLachlan, présidente du conseil d'administration et Michèle Biss, coordonnatrice de l'éducation juridique et de la mobilisation communautaire. Bienvenue. Nous avons aussi Bonnie Morton, qui est la présidente du Charter Committee on Poverty Issues et qui, si j'ai bien compris, siégeait au comité de sélection du Programme de contestation judiciaire.
Votre expertise nous est très précieuse. Nous allons écouter vos allocutions, puis nous vous poserons des questions.
Nous allons commencer par M. Porter.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie tous de m'avoir invité à prendre part à cette discussion importante et dynamique.
J'ai participé au Programme de contestation judiciaire dès sa création. J'ai plaidé de nombreuses causes dont la solution a fait jurisprudence, certaines financées par le programme. J'ai travaillé très souvent avec mes collègues qui sont ici, autant avec Canada sans pauvreté — anciennement l'Organisation nationale anti-pauvreté — qu'avec le Charter Committee on Poverty Issues.
À la deuxième page de mon mémoire, vous trouverez quelques recommandations cruciales que mes collègues et moi présentons sur le programme. Je ne vais pas m'y attarder trop longtemps aujourd'hui. Je tiens cependant à souligner deux ou trois d'entre elles afin que mes collègues puissent les présenter plus en détail après cela.
Nous sommes convaincus qu'il est crucial d'étendre la portée du programme en y ajoutant certaines causes plaidées sur l'article 7, surtout dans les cas de dénuement et de désavantage socioéconomique et sur les enjeux liés à la pauvreté. Les témoins du groupe précédent ont très bien décrit les problèmes de multidimensionnalité. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de tout amender d'un coup. Nous devrions nous concentrer sur les causes dont le programme s'occupe depuis toujours, les problèmes des groupes défavorisés et certainement aussi les problèmes de pauvreté aux termes de l'article 7 et de l'article 15.
Je tiens aussi à souligner l'importance d'ouvrir l'accès aux mécanismes internationaux de défense des droits de la personne lorsqu'on a épuisé tous les mécanismes disponibles au pays. Nous découvrons de plus en plus un croisement des jurisprudences nationales et internationales. Je m'occupe à l'heure actuelle de plusieurs causes pour lesquelles nous présentons des pétitions au Comité des droits de l'homme de l'ONU lorsque nous avons épuisé toutes les solutions possibles au Canada. Il s'agit d'un mécanisme de redressement très important qui nous permet de poursuivre une cause qui n'a pas eu de succès dans les tribunaux du pays.
Comme depuis quelques années je travaille plus souvent à l'étranger qu'auparavant, je me suis dit que je vous serais plus utile en me concentrant un peu sur la situation mondiale; cela vous aidera à orienter votre étude sur le Programme de contestation judiciaire du point de vue de l'accès à la justice et de l'interprétation de la Charte. Plus exactement, je suggère au comité d'examiner directement l'engagement que le premier ministre décrit dans sa lettre de mandat au ministre de la Justice; dans cette lettre, le gouvernement s'engage à entreprendre un examen approfondi des positions qu'il défend quand il prend part à des contestations judiciaires. À mon avis, l'accès à la justice ne se limite pas au rétablissement du financement du Programme de contestation judiciaire, aussi important que cet argent puisse être. Il s'agit d'un engagement envers la Charte et de ce qu'elle signifiait lorsqu'on l'a rédigée. Je me suis dit qu'il vous serait utile que je vous décrive une partie de l'expérience que j'ai acquise sur l'application de la Charte telle que ses auteurs l'interprétaient en la rédigeant; nous avons en quelque sorte perdu de vue les notions et les visions initiales de la Charte, et je pense qu'il est grand temps que nous nous réengagions envers ces visions.
Cette année, les Nations unies célèbrent le 50e anniversaire de l'adoption de deux pactes qui codifient la déclaration universelle: le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L'Assemblée générale des Nations unies a adopté ces deux pactes en 1966 et les a ouverts à la ratification 10 ans plus tard.
Imaginez donc qu'aujourd'hui, le 19 mai, marque justement le 40e anniversaire de la ratification de ces deux pactes par le Canada. C'est une date à célébrer, parce qu'en ratifiant ces deux pactes d'un même trait de plume il y a 40 ans, le Canada s'est distingué des États-Unis et de bien d'autres nations en prenant l'engagement de respecter le cadre unifié de la Déclaration universelle des droits de l'homme, que nous devons en grande partie au très distingué Canadien John Humphrey.
Évidemment que la division de la déclaration universelle en deux pactes pendant la guerre froide nous a beaucoup nui. Pendant plusieurs années, les gouvernements ont considéré les droits sociaux et économiques — les droits à la nourriture, au logement, aux vêtements et aux soins de santé — comme étant secondaires; selon eux, l'accès à la justice ne se trouvait pas à la base de ces droits comme il l'est dans le cas des droits civils et politiques. Ce point de vue a été totalement rejeté par la plupart des gouvernements partout au monde. Il a été rejeté par l'Assemblée générale des Nations unies et par le Conseil des droits de l'homme.
Puis en 2008, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. J'ai participé pendant des années au débat qui a débouché sur un moment historique, ce moment que Louise Arbour, qui était alors Haute Commissaire aux droits de l'homme après avoir siégé à la Cour suprême de notre pays, a cité comme étant absolument historique; elle a affirmé que l'on avait établi « les droits de l'homme comme un tout ». Nous reconnaissons enfin que les gens qui vivent dans la pauvreté, qui souffrent de faim et à qui l'on refuse l'accès au logement ont droit aux mêmes principes d'accès à la justice que les personnes dont les droits civils et politiques ont été violés.
À l'heure actuelle, le Canada fait un pas en arrière sur cette question. Le Canada n'a pas pris une position progressive aux Nations unies quand il s'agissait d'affirmer que les droits sociaux sont eux aussi reliés à l'accès à la justice. La communauté internationale a fait de grands progrès, alors que les tribunaux et les gouvernements canadiens ont fait des pas en arrière. Il est arrivé, quoique rarement, que des gens aient réussi à contester la loi devant les tribunaux pour se plaindre de taux d'aide sociale inadéquats, d'incapacité d'obtenir un logement et d'un manque d'accès à des soins médicaux nécessaires à la vie. Ils ont dû contrer la position la plus extrême des gouvernements canadiens qui affirmaient que les gouvernements n'ont aucune obligation concrète de protéger le droit à la vie, la sécurité des personnes et l'égalité et qu'ils n'étaient nullement responsables de prendre des mesures pour aider les sans-abri ou pour lutter contre la faim et contre la pauvreté.
Non seulement ces positions violent les droits internationaux de la personne, mais ils violent les dispositions de la Charte selon l'interprétation qu'en faisaient ses auteurs en la rédigeant.
Il y a quelques années, à l’occasion du 25e anniversaire de la Charte, les responsables du Programme de contestation judiciaire m’ont demandé de faire une recherche sur ce qu’espéraient traditionnellement les groupes de promotion de l’égalité au moment où la Charte a été adoptée. Dans le cadre de cette recherche, j’ai examiné les transcriptions des délibérations du Sous-comité des droits à l’égalité du Comité permanent de la justice et des affaires juridiques, présidé à l’époque, comme vous vous en souvenez peut-être, par Patrick Boyer. J’ai également examiné les mémoires adressés au sous-comité. C’est ce comité qui a recommandé l’extension du Programme de contestation judiciaire pour y inclure les droits à l’égalité.
J’ai été très frappé par la modernité des groupes de promotion des droits à l’égalité en 1985: ils faisaient valoir la notion d’égalité de fond et de l’universalité des droits de la personne, comme Louise Arbour en a parlé dans un contexte plus récent. Leur idée de l’égalité découlait largement de l’engagement du Canada à l’égard des droits sociaux en vertu du droit international. Les organisations de femmes affirmaient que la pauvreté des femmes au Canada est la principale source d’inégalité dans ce pays et que les obligations du gouvernement à cet égard devaient être au centre de l’article 15. Les personnes handicapées renvoyaient aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne pour affirmer que l’égalité signifie un endroit décent où vivre, l’accès à un emploi utile, un revenu suffisant et tout un éventail de possibilités sociales. Les représentants des Autochtones, les groupes antiracistes et d’autres, tous rappelaient l’importance de trouver des solutions à la discrimination systémique et aux inégalités socio-économiques.
Et pourtant nous avons perdu cet engagement commun à l’égard de ce genre de compréhension inclusive et progressiste du sens de la Charte. On ne peut pas jeter le blâme uniquement sur les tribunaux. En fait, la Cour suprême a laissé ouverte la question du champ d’application de la Charte en matière de protection des droits sociaux. L’examen de la situation au Canada par le Comité des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels, effectué en février, révèle clairement qu’il incombe au gouvernement d’adopter et de promouvoir une interprétation de la Charte qui soit conforme à ses obligations internationales en matière de droits de la personne. Le Comité a instamment invité le gouvernement à rencontrer les organisations de la société civile pour discuter des positions à adopter et veiller à ce que les juges soient sensibilisés à leurs obligations de garantir la conformité du Canada à ses obligations internationales en matière de droits de la personne. Ces audiences seront peut-être le commencement d’une nouvelle conversation sur ce que la Charte est réellement censée vouloir dire et l’aube d’un renouvellement de l’engagement à inclure dans cette conversation ceux qui vivent dans la pauvreté.
Merci.
Merci d’avoir invité Canada sans pauvreté à participer à cette importante étude sur l’accès à la justice. CSP est un organisme caritatif sous réglementation fédérale, voué à l’élimination de la pauvreté au Canada. Depuis la création de l’organisme en 1971 sous le nom d’Organisation nationale anti-pauvreté, nous sommes administrés par des gens qui ont une expérience directe et vivante de la pauvreté, qu’ils l’aient vécue dans l’enfance ou à l’âge adulte. Cette expérience éclaire tous les aspects de notre travail.
Je suis présidente du conseil d’administration, et, bien que je sois instruite et occupe un emploi professionnel, j’ai vécu la plus grande partie de ma vie dans la pauvreté. J’ai une expérience directe des obstacles considérables auxquels se heurte une personne sur sept au Canada, parce qu’elle est pauvre, quand il s’agit d’avoir accès à la justice. Je suis convaincue que, si le système de justice était accessible, je n’aurais pas vécu 34 ans dans la pauvreté. Je suis accompagnée ici par Michèle Biss, qui est la coordonnatrice de l’éducation juridique et de la mobilisation communautaire et qui est également avocate en matière de droits de la personne.
L’un des principaux obstacles auxquels se heurtent les personnes vivant dans la pauvreté quand elles essaient de solliciter le système de justice est le manque de ressources financières. Les frais juridiques, les frais administratifs et d’autres frais annexes limitent directement la possibilité pour les personnes vivant dans la pauvreté d’avoir accès aux mécanismes juridiques. Dans les collectivités où il n’y a pas d’aide juridique, surtout dans les affaires civiles et administratives, les plus marginalisés qui vivent dans la pauvreté sont souvent privés de justice. Par exemple, comme l’a souligné le Comité des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels dans ses observations finales de 2006, les coupures imposées en Colombie-Britannique aux services d’aide juridique en matière de droit civil et de droit de la famille ont des effets disproportionnés sur les femmes. Au lieu de remédier à cette lacune, la C.-B. a pris d’autres mesures pour éliminer tout le financement de l’aide juridique en matière de logement et d’éviction, de bien-être social, de prestations d’invalidité et de dette.
Nous vivons à une époque où la protection sociale des plus vulnérables est presque constamment menacée. L’une des causes sous-jacentes de l’affaiblissement constant de ces programmes est d’ordre attitudinal. C’est une question d’attitude. Au Canada, malgré la nature visiblement systémique de la pauvreté, le discours dominant continue de stigmatiser les pauvres comme des gens qui sont paresseux et sans mérite. Par conséquent, tout service fourni, si dérisoire soit-il, est réputé être un acte de bienveillance de la part des gouvernements plutôt que le fait pour eux de remplir leurs obligations en matière de droits de la personne en veillant à la participation active des gens pauvres dans une démocratie.
Le stigma intrinsèquement attaché à la pauvreté est souvent intériorisé et peut entraîner la crainte de représailles et d’autres préjudices, notamment quand il s’agit de revendiquer ses droits juridiques. La peur de revendiquer ses droits par le biais du système de justice est exacerbée par la tendance croissante du gouvernement à entamer des litiges agressifs qui rappellent que l’affirmation des droits de ce segment de population ne doit pas être entendue. Par exemple, dans l’affaire Tanudjaja c. Procureur général, quand quatre sans-abri ont tenté de faire valoir leur droit à un logement devant les tribunaux, le représentant du gouvernement a déposé une requête portant que cet exercice des droits était frivole et vexatoire. Les sans-abri se sont retrouvés sans recours pour revendiquer leurs droits fondamentaux, et ce sans qu’on ait examiné les 9 000 pages de témoignages d’experts déposées par les demandeurs.
Le Programme de contestation judiciaire a confirmé la légitimité des gens pauvres en tant qu’ils ont des droits. Ce programme permet de lutter contre les stéréotypes discriminatoires pesant sur les gens pauvres en leur donnant accès à la justice.
Je vais maintenant passer la parole à ma collègue Michèle.
Avant 2006, le Programme de contestation judiciaire était exceptionnel, selon moi. Nous sommes heureux de voir que le gouvernement a décidé de refinancer le volet de ce programme consacré à la défense des droits de la personne, mais nous rappelons que la modernisation du programme ne passe pas nécessairement par une relance complète. Nous pensons qu’il faudrait conserver les meilleurs aspects du programme, ceux qui se sont révélés efficaces, notamment pour les personnes vivant dans la pauvreté qui veulent faire valoir leurs droits.
Il y a bien des aspects uniques du programme de contestation judiciaire dont d’autres ont sans aucun doute parlé, mais ce dont on parle moins, c’est la façon dont il a servi de mécanisme d’imputabilité garantissant que le Canada remplisse ses obligations internationales en matière de droits de la personne.
Les Nations unies considèrent ce programme comme un mécanisme de défense des droits de la personne découlant de nos engagements internationaux en vertu de traités. Par exemple, en 1993, selon les observations finales du Comité des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels, ce programme permettait aux groupes ou particuliers défavorisés de saisir les tribunaux de causes importantes faisant jurisprudence par la suite. Le comité a félicité le gouvernement pour ce programme et le Canada de reconnaître l’importance de recours juridiques efficaces contre les violations des droits sociaux, économiques et culturels et de remédier aux désavantages sociaux et économiques des groupes et particuliers les plus vulnérables.
Dans ses observations finales de 1993, 1998 et 2006, le comité est allé plus loin et a recommandé le financement des contestations judiciaires à l’échelle provinciale et territoriale. Nous proposons de mettre cette recommandation en oeuvre.
D’après nous, l’examen du programme est également une excellente occasion d’envisager des mesures garantissant que le programme soit indépendant et protégé par la loi. À cet égard, le Programme de contestation judiciaire devrait rester une institution autonome, exempte de tout lien avec une institution académique comme c’était le cas avant 2006. Il devrait également conserver son comité de l’égalité autonome, composé de membres de toutes sortes de secteurs et chargé de déterminer les causes qui devraient être soutenues par le programme.
Progressivement, les fonds accordés à ce programme essentiel ont été réduits plusieurs fois, et cette incertitude doit cesser. L’accès à la justice et la revendication des droits à l’égalité doivent faire l’objet de la plus haute protection contre les caprices politiques. C’est pourquoi nous proposons que le programme soit le produit d’une loi.
Nous invitons le comité à évaluer la portée du programme pour veiller à ce qu’il puisse couvrir les différents types de droits à l’égalité que souhaitent faire valoir les personnes vivant dans la pauvreté. Lorsque le programme sera modernisé, nous recommandons d’en élargir le champ d’application au-delà des revendications découlant de l’application de l’article 15 de la Charte, pour y inclure les revendications en vertu de l’article 7, qui a trait au droit à la vie, à la sécurité et à l’égalité des personnes vivant dans la pauvreté et des sans-abri.
Il est temps que le gouvernement du Canada reconnaisse le lien étroit entre le droit à la vie et ceux qui sont le plus marginalisés, c’est-à-dire les personnes vivant dans la pauvreté et les sans-abri. Par exemple, une étude effectuée à Hamilton (Ontario) a révélé que les personnes vivant dans des quartiers riches ont une espérance de vie de 21 ans de plus que ceux qui vivent dans des quartiers pauvres.
Ces chiffres ne vont pas en s’améliorant. En Colombie-Britannique, une étude récente a révélé une augmentation de 70 % de décès parmi les sans-abri en 2014 par rapport à l’année précédente. Comme l’a fait remarquer madame la juge L'Heureux-Dubé dans l’affaire Regina c. Ewanchuk, les articles 7 et 15 ont une importance particulière du fait qu’ils sont les véhicules au moyen desquels sont appliquées les lois internationales en matière de droits de la personne. Du point de vue des obstacles auxquels se heurtent plus particulièrement les personnes vivant dans la pauvreté et du rôle que joue le programme dans la concrétisation des obligations du gouvernement, nous invitons le comité à envisager sérieusement d’ouvrir le programme aux revendications renvoyant à l’article 7 qui pourraient s’appliquer notamment aux personnes vivant dans la pauvreté et aux sans-abri.
Ce gouvernement a pris une mesure importante, comme chef de file international des droits de la personne, en refinançant le programme de contestation judiciaire pour les revendications des droits à l’égalité. Il y a là une occasion exceptionnelle de veiller à ce que les personnes marginalisées et stigmatisées puissent avoir accès à la justice et faire valoir leurs droits juridiques.
En résumé, dans vos délibérations sur la modernisation du programme, nous vous demandons, d’abord, de conserver les atouts de 2006, puis, deuxièmement, d’adopter le programme en vertu d’une loi, et enfin, troisièmement, d’étendre la portée du programme aux revendications des droits à l’échelle provinciale et territoriale et aux revendications renvoyant à l’article 7 qui ont partie liée avec les inégalités socioéconomiques et la discrimination.
Ça pourrait être un héritage important légué par ce gouvernement aux 4,9 millions de personnes vivant dans la pauvreté au Canada.
Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Merci.
Merci beaucoup.
Je tiens, moi aussi, à vous remercier d’avoir invité le Charter Committee on Poverty Issues à témoigner aujourd’hui.
Je suis la présidente de ce comité, que nous appelons affectueusement le CCPI. J’ai rejoint ses rangs à une époque où je vivais moi-même dans la pauvreté. C’était en 1989. Je continue à m’intéresser aux enjeux de la pauvreté à l’échelle locale, nationale et internationale à titre de ministre de l’Église Unie dans le cadre du Regina Anti-Poverty Ministry.
Le Regina Anti-Poverty Ministry ne défend pas des particuliers. Nous faisons de la sensibilisation aux enjeux de la pauvreté et nous dénonçons la discrimination systémique, dans le genre de ce que fait le Charter Committee on Poverty Issues, mais un peu différemment.
Le CCPI est un comité national créé en 1989 dans le but de regrouper des représentants de personnes à faible revenu, des spécialistes de la Constitution et des avocats et d’aider les personnes vivant dans la pauvreté au Canada à revendiquer leurs droits en vertu de la Charte et des lois et traités internationaux en matière de droits de la personne. Le comité se concerte avec les personnes vivant dans la pauvreté aussi bien qu’avec des spécialistes du Canada et de l’étranger pour élaborer ses positions à l’égard de certaines questions.
Le CCPI n’a jamais eu de budget opérationnel. Nous comptons sur le financement du Programme de contestation judiciaire du Canada, en abordant un projet ou une cause à la fois, pour faire nos recherches, consulter des spécialistes et prendre l’avis des groupes touchés sur les différents enjeux associés à l’application de l’article 15 de la Charte.
Le comité n’existerait pas sans le Programme de contestation judiciaire. Il est devenu clair en 1989 que les problèmes d’égalité et de discrimination touchant les personnes vivant dans la pauvreté au Canada n’étaient pas abordés dans les causes invoquant la Charte. Le Programme de contestation judiciaire a pris l’initiative d’organiser et de financer une rencontre nationale sur les enjeux de la pauvreté. C’est à l’occasion de cette rencontre qu’a été formé le Charter Committee on Poverty Issues. Le Programme de contestation judiciaire a aussi décidé prioritairement d’inclure des personnes ayant l’expérience de la pauvreté dans sa gouvernance.
J’ai participé au programme dans le passé. Je fais toujours partie du conseil d’administration. J’ai déjà vécu dans la pauvreté. Aujourd’hui, je peux affirmer avoir fait l’expérience de la pauvreté.
La dernière fois que j’ai été élue au conseil d’administration du programme, c’était en 2006, et j’en reste membre jusqu’ici. Depuis sa création en 1989, le CCPI est intervenu dans 14 causes portées devant la Cour suprême et il a été partie prenante ou intervenant dans beaucoup d’autres causes portées devant des tribunaux inférieurs. Nous nous sommes appuyés sur le Programme de contestation judiciaire dans beaucoup de ces interventions.
Comme l’ont fait remarquer des témoins précédents, il est indispensable de récupérer un programme de contestation judiciaire capable d’identifier les groupes qui n’ont pas accès à la justice, comme on l’a fait des personnes vivant dans la pauvreté, et de les aider à développer leur capacité à circonscrire les principaux enjeux, assembler des équipes de juristes, élaborer des preuves et des arguments et veiller à ce que les stratégies procédurales soient liées à la sensibilisation et au réseautage. Autrement dit, le programme doit faire plus que simplement répondre aux demandes déposées par des avocats. Il doit faciliter l’accès à la justice de toutes sortes de façons, notamment en facilitant l’élaboration de causes, les réunions, les consultations auprès des groupes touchés, la sensibilisation de la population, ainsi que les actions en justice pour veiller à ce que les décisions soient appliquées.
Dans la perspective de son engagement à l’égard des enjeux de la pauvreté, le Programme de contestation judiciaire a toujours veillé à ce que les groupes touchés par la pauvreté, notamment les Autochtones, les femmes, les personnes handicapées et les communautés racialisées, sont inclus dans les litiges et les stratégies d’information. Cet engagement à l’égard de l’égalité et de l’inclusion au sein du mouvement pour les droits de la personne est indispensable au succès du programme, et, d’après nous, ça doit rester un aspect central du programme tel qu’il sera rétabli.
Le CCPI est convaincu qu’il est tout aussi absolument important que la conception du Programme de contestation judiciaire continue de garantir l’imputabilité par le biais de groupes linguistiques et de groupes voués à l’égalité. Nous estimons que le programme ne doit pas être administré par une université ou une autre organisation ou institution.
Le programme comporte un aspect unique qui est de regrouper toutes sortes de groupes autour de l’avancement de causes dans le respect les uns des autres. Vous avez entendu Mme Avvy Go vous dire tout à l’heure que ça ne crée pas de tort non plus pour autrui. Les réunions annuelles de contestation judiciaire ont de l’importance pour maintenir l’engagement à l’égard de l’égalité et s’assurer que nous comprenons mieux les problèmes les uns des autres.
L’un des aspects cruciaux des litiges engagés par le CCPI a été d’assurer la responsabilisation d’une équipe de projet comprenant des avocats à faible revenu, des personnes vivant elles-mêmes dans la pauvreté. Il nous est arrivé de demander à des avocats de faire valoir des arguments qu’ils pouvaient ne pas juger utiles à court terme, mais auxquels nous tenions dans le cadre de notre stratégie à long terme. Quand le CCPI a commencé ses activités, par exemple, les avocats hésitaient à invoquer les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne pour faire valoir le droit d’accès à une alimentation suffisante, un logement, et un niveau de vie suffisant, mais nous avons insisté, car ces droits sont fondamentaux du point de vue de nos droits à l’égalité et à la sécurité de la personne.
Les avocats et les tribunaux se sont progressivement habitués au fait que nous invoquions ces obligations internationales. Nous estimons aussi que le Programme de contestation judiciaire doit rendre des comptes aux groupes linguistiques et voués à l’égalité et soit géré par eux pour garantir qu’il soit tenu compte des besoins et des aspirations des collectivités concernées dans les litiges.
Par ailleurs, nous invitons instamment le comité à envisager d’étendre le mandat du Programme de contestation judiciaire aux mécanismes internationaux liés aux droits de la personne lorsqu’ils servent à appuyer des litiges internes ou pour contester des décisions défavorables qui sont contraires à ce droit.
D’après nous, le pont avec les mécanismes internationaux liés aux droits de la personne fait partie de la modernisation du Programme de contestation judiciaire. Les tribunaux canadiens sont en retard sur les normes internationales en matière de droits de la personne, notamment dans les domaines de la pauvreté et des droits sociaux et économiques. Il est particulièrement important pour les personnes vivant dans la pauvreté au Canada que nous ayons accès aux mécanismes internationaux pour souligner les échecs de nos tribunaux en matière d’accès à la justice.
Nous invitons instamment le gouvernement à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, et à s’assurer qu’un appui est fourni au Programme de contestation judiciaire pour que ces mécanismes internationaux puissent être utilisés dans les cas qui conviennent.
Il y a un autre enjeu crucial pour les personnes vivant dans la pauvreté, et la représentante de Canada sans pauvreté l’a fait remarquer: c’est la nécessité d’étendre le mandat du Programme de contestation judiciaire à certains cas renvoyant à l’article 7 de la Charte. De plus, comme l’a fait remarquer Bruce, la garantie de l’accès à de la nourriture, un logement, de l’eau, des services sanitaires, des soins de santé et le respect d’autres droits sociaux et économiques dans un pays aussi riche que le Canada sont essentiels à la perspective d’une égalité de fond qui est l’objet même de la création du CCPI.
Ces questions sont fréquemment soulevées dans le cadre de l’interprétation par les tribunaux des droits à la vie et à la sécurité de la personne garantis par l’article 7. Il est important que les personnes vivant dans la pauvreté soient en mesure de faire valoir une interprétation de ces droits qui n’exclue pas les enjeux de l’itinérance, de la faim ou de la pauvreté.
Nous pensons qu’il est devenu essentiel que les causes renvoyant à l’article 7 et à la privation des droits sociaux et économiques soient admissibles au financement du programme. Le CCPI appuie également les propositions d’extension du programme aux causes provinciales et territoriales d’importance nationale. Il incombe au gouvernement fédéral de veiller à l’accès à la justice pour garantir le respect des droits de la personne à tous les paliers de gouvernement, et ce en vertu des conventions internationales sur les droits de la personne auxquelles ils sont partie.
Dans les premières années, nous étions protégés par le Régime d’assistance publique du Canada, qui était une loi bien avant, peut-être, certains de ceux qui sont assis à cette table. En 1996, quand ça a été supprimé et remplacé par les transferts en matière de santé et de services sociaux, nous avons perdu les normes protégées en vertu de cette loi. Nous n’avons plus ces garanties aujourd’hui. Ça veut dire que les personnes vivant dans la pauvreté invoquent plus largement la Charte pour obtenir que les lois et politiques provinciales et territoriales ne les privent pas de leurs droits fondamentaux à la vie, à la sécurité de la personne et à la dignité.
Lorsqu’une cause fédérale s’inscrit dans un contexte provincial ou territorial, l’interprétation que fait la Cour suprême des droits énoncés dans la Charte s’applique à tous les paliers de gouvernement. La plupart des enjeux de la pauvreté s’inscrivent dans le contexte provincial et territorial, et il est important que le comité de la Charte veille à financer la contestation de certaines de ces violations ou que le Programme de contestation judiciaire s’en occupe.
En conclusion, je tiens à rappeler que le CCPI accueille favorablement l’engagement du nouveau gouvernement à rétablir et à moderniser le Programme de contestation judiciaire et à réexaminer les positions qu’il a adoptées devant les tribunaux. C’est particulièrement important…
D’accord.
Ce matin, comme je quittais l’hôtel Westin, où on m’a aimablement logée, j’ai vu, à quelques pas, un homme couché dans la rue, un sans-abri. Ça ne devrait pas arriver à quelques mètres de la Chambre des communes. Devant l’hôtel Lord Elgin, une femme tendait une casquette en demandant de l’argent. Ça ne devrait pas arriver au milieu de tant de richesse.
Comme l’a dit un jour Gandhi, la pauvreté est la pire forme de violence. Il a dit aussi qu’il faut être le changement qu’on veut voir advenir dans le monde. Mettons à l’oeuvre tous les mécanismes de changement tandis que nous modernisons le Programme de contestation judiciaire, afin de garantir la justice pour tous et, ce faisant, mettre fin à la violence de la pauvreté au Canada.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Merci beaucoup. Le greffier les prendra et les traduira pour les membres du Comité.
Monsieur Nicholson.
Merci beaucoup.
Merci de votre témoignage.
Je sais que nous n’avons que quelques minutes.
Madame Morton, vous disiez que les tribunaux canadiens sont en retard concernant des enjeux comme la pauvreté. Vous devez être assez pessimiste de voir que, si le gouvernement rétablit, comme il l’a promis, le Programme de contestation judiciaire, il financera des causes qui n’ont pas grand-chose à voir avec la pauvreté ou ne régleront pas ces enjeux. C’est bien ça?
Pas du tout. Je dis que, actuellement, les tribunaux ne tranchent pas en notre faveur. Nous n’avons pas non plus eu l’occasion de porter beaucoup de causes de ce genre devant les tribunaux jusqu’ici…
Vous avez dit que les tribunaux sont en regard à ce sujet. Est-ce que vous espérez que, le nombre de causes aidant, ils commencent à changer d’avoir ou…
On commence à voir ça. J’ai indiqué dans mon mémoire qu’on commence à voir les tribunaux et les avocats s’intéresser à… et les juges dissidents se servent des principes internationaux applicables aux droits de la personne pour défendre leurs positions.
Je vois. Merci.
Madame McLachlan, merci encore de votre témoignage également.
Vous avez parlé de l’époque difficile où vous avez vécu dans la pauvreté et vous avez expliqué que certaines des mesures de soutien juridique n’étaient pas… Est-ce que vous parliez de quelque chose comme le Programme de contestation judiciaire ou de l’aide juridique civile fournie aux particuliers par opposition au recours collectif, par exemple? De quoi parliez-vous exactement?
Je parlais à l’échelle individuelle, du manque d’accès. Ça a eu des effets très importants sur ma vie. Je ne pense pas que ce serait quelque chose… peut-être que ç’aurait pu être porté à l’attention du programme, mais c’était plus individuel.
La version québécoise de l’aide juridique ne finançait pas ce genre de cause ou… Est-ce que vous parlez de choses comme les conflits matrimoniaux, les pensions alimentaires, la répartition des biens entre les conjoints, ou est-ce que vous parlez de logement et d’obtenir de l’aide juridique pour ça?
C’est un certain nombre de choses. C’est complexe. Comme travailleuse sociale, j’ai vu toutes sortes de situations complexes dont les différents aspects se croisent et se combinent.
Je présume que votre organisme et d’autres sont favorables au financement de l’aide juridique et font pression auprès des deux paliers de gouvernement à cet égard. Est-ce que ça fait partie de votre mission?
C’est un élément important, c’est certain. Les choses doivent changer là où il n’existe pas d’aide juridique. Il faut que les gens aient plus largement accès à l’aide juridique. Les tarifs sont parfois incroyables… les gens doivent être dans une situation extrême pour avoir droit à l’aide juridique. Et il faut examiner ce problème.
Je suppose qu’une partie de la mission de votre organisation et de la vôtre, madame Morton, est de faire pression auprès des provinces pour qu’elles s’ouvrent à l’aide juridique. Dans certains cas, l’aide juridique est financée indirectement par le gouvernement fédéral. Mais je suppose que c’est quand même une partie de votre mission, n’est-ce pas?
Oui, par le biais de notre ministère, nous faisons pression pour obtenir des fonds provinciaux pour financer plus largement l’aide juridique. J’habite en Saskatchewan. En 1987, le gouvernement a modifié le mandat de l’aide juridique pour la limiter aux questions matrimoniales et encore… ça concerne le droit de la famille uniquement, et plutôt les intérêts des enfants. On ne peut pas avoir d’avocat pour régler la répartition des biens et des choses comme ça. Du côté du droit pénal, s’il n’y a pas de risque d’emprisonnement, il n’y a pas d’aide juridique. L’aide juridique fonctionne différemment d’une région à l’autre du pays.
Merci de vos précisions. C’est très intéressant.
Monsieur Porter, vous vous êtes occupé de beaucoup de cas depuis des années. Vous avez parlé de l’aspect international des droits de la personne. Qu’est-ce que vous proposez exactement pour le Programme de contestation judiciaire? Voulez-vous qu’on puisse invoquer devant les tribunaux canadiens les obligations internationales du Canada en vertu des traités qu’il a signés et qui ont été adoptés par les Nations unies ou d’autres organisations internationales? Est-ce que, d’après vous, le programme devrait couvrir assez large pour vous permettre de porter votre cause devant un tribunal international ou les Nations unies? C’est ça?
Est-ce que vous voulez que le programme ait une portée suffisamment large pour permettre de faire valoir ces arguments devant les tribunaux canadiens, ou peut-être les deux? Je ne suis pas sûr.
Le programme permet le recours aux principes internationaux applicables aux droits de la personne pour interpréter l’article 15 de la Charte. Je pense donc que ça continuera ainsi.
Je participe actuellement à la défense d’une cause ayant trait au déni d’accès à la prestation fédérale pour soins de santé pour une personne qui a fait une demande pour motifs humanitaires et qui n’était pas admissible. Nous avons conclu qu’on avait porté atteinte à son droit à la vie, mais les tribunaux canadiens ont statué que cette décision était conforme aux principes de la justice naturelle en vertu de la Charte. Et la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’appel. Nous avons pu déposer une requête en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, où nous faisons valoir les mêmes arguments devant un organisme international de surveillance des traités sur les droits de la personne. Les décisions rendues en vertu des protocoles facultatifs ont un certain poids. Elles peuvent influer sur la façon dont les tribunaux canadiens vont réexaminer ce qu’ils ont décidé et les inciter à reconsidérer les choses, peut-être pas dans ce cas-ci, mais dans un autre. Ce n’est pas une procédure d’appel, mais c’est un moyen important d’obtenir, pour les groupes défavorisés, la révision d’une question par un organisme faisant autorité, et ça peut ensuite alimenter d’autres causes.
J’espère que, dans un cas comme le mien, le Programme de contestation judiciaire serait en mesure d’examiner… En fait, nous avons obtenu des fonds du comité de financement des causes faisant jurisprudence pour défendre cette cause aux Nations unies. Donc le comité reconnaît que, dans certains cas, il est important d’avoir accès à des recours internationaux quand les recours internes sont épuisés.
C’est ça que je propose.
Merci à vous tous.
Je suppose que vous allez vérifier si le nouveau gouvernement inclut certains aspects sous compétence provinciale, comme le logement, certaines questions relevant du droit de la famille, et certains aspects de la pauvreté. Je suppose que vous êtes unanimes à penser que le gouvernement devrait financer tout ça aussi.
Vous soulevez une question intéressante, mais je crois qu’il ne faut pas perdre de vue le fait que, en vertu des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, tous les paliers de gouvernement sont responsables de la pauvreté. Chaque palier de gouvernement est responsable au regard du droit au logement, du droit à la nourriture, du droit à la vie… et, comme l’a rappelé Bonnie, que des gens ne vivent pas dans la rue à deux pas du Parlement. Tous les paliers de gouvernement sont responsables. Il y a un rôle à jouer pour chacun, que ce soit à l’échelle provinciale, territoriale ou locale.
Il ne faut pas perdre de vue le fait que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer ici. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous nous intéressons au Programme de contestation judiciaire: il nous permet d’aborder les questions systémiques. Il nous permet d’invoquer la Charte pour démontrer qu’il y a discrimination systémique à l’égard des personnes vivant dans la pauvreté et des sans-abri. Ça relève effectivement de tous les paliers de gouvernement.
Merci, monsieur le président.
J’aimerais remercier tous les témoins d’être parmi nous aujourd’hui et de nous parler de leurs propositions pour améliorer le Programme de contestation judiciaire.
Je voudrais m’adresser d’abord à Mme Biss et Mme McLachlan, mais ouvrir ensuite la question à tout le groupe. Vous avez parlé de nos obligations internationales en matière de droits de la personne et de la nécessité, dans le cadre de la modernisation du Programme de contestation judiciaire, d’en élargir le champ d’application et de l’ouvrir aux revendications dépassant l’article 15 et aux questions relatives à la pauvreté et à l’itinérance.
Le budget de 2016 prévoit 12 millions de dollars sur cinq ans pour relancer le Programme de contestation judiciaire. Si on combine ça avec les investissements fédéraux actuels, ça donne un budget total de 5 millions de dollars par an pour un programme élargi et renouvelé. D’après vous, est-ce que ce montant suffira à permettre l’élargissement du champ d’application du programme en plus des questions d’ordre provincial et territorial?
Je m’adresse d’abord à vous, madame Biss, mais les autres peuvent répondre aussi.
Oui.
Sur le plan concret, je m'en remettrai à la réponse de mes très savants collègues quant aux tenants et aboutissants sur le plan financier et sur la somme qui doit être allouée au programme. Comme ça s'est passé en 2006, je n'ai jamais eu l'occasion, en tant qu'avocate, de recourir au programme.
Cela étant dit, il est intéressant que vous mentionniez le budget de 2016 et le financement octroyé, car ce programme fonctionne conjointement avec un grand nombre de programmes qui sont également nécessaires pour résoudre ce genre de questions. Ce sont tous des programmes qui exigent un financement adéquat pour permettre de mener à bien une stratégie nationale en matière de logement et un plan national de lutte contre la pauvreté, deux initiatives qui reposent essentiellement sur les droits de la personne. Ce financement est crucial, mais il faut que le programme fonctionne conjointement avec de nombreuses autres politiques et lois visant à aider les personnes qui vivent dans la pauvreté.
Voilà une question importante. Ce ne sera clairement pas suffisant, mais nos ressources sont limitées. Je pense que ce qui compte d'abord et avant tout, c'est de nous assurer que nous sommes en mesure de participer aux affaires les plus importantes et de faire de notre mieux.
Pour ce qui est de la pauvreté, si l'on en vient à statuer sur la question la plus importante qui touche à l'interprétation de l'article 7, et il est fort possible que ce soit le cas étant donné que la cause relève d'un tribunal provincial ou territorial, il est crucial que nous puissions soutenir la cause en question. C'est à ce moment-là que la Cour suprême du Canada rendra sa décision et, comme Bonnie Morton l'a indiqué, cette décision liera tous les gouvernements. Il n'est pas très efficace d'affirmer qu'on ne peut pas s'occuper des causes les plus importantes au simple motif que celles-ci relèvent d'un tribunal provincial ou territorial. Il sera plus difficile pour le panel de sélectionner les causes qui recevront un financement. Il est probable que, lorsqu'ils auront un mandat plus étendu, les membres du groupe de témoins seront en mesure de sélectionner les causes les plus importantes.
Je tiens à rappeler à toutes et à tous que le Canada ne peut ratifier ces pactes à moins que chaque province et chaque territoire acceptent de défendre les droits qui y sont énoncés. C'est ce qui s'est passé en 1976. De tels pactes lient d'une même manière les provinces et les territoires aux engagements pris dans le cadre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
C'est un document qui accompagne les droits civils et politiques. Il n'a jamais été question de conférer plus de poids ou d'autorité à l'un ou à l'autre des documents. Ils ne représentent pas plus l'un que l'autre. Or, les droits sociaux et économiques ont été distancés. Il est temps que nos tribunaux commencent à les considérer comme étant aussi valables et importants que les droits civils et politiques. Faudra-t-il du temps pour y arriver? Fort probablement. Chaque province et chaque territoire ont l'obligation juridique de défendre ces droits.
Voilà pourquoi il est important de financer le Programme de contestation judiciaire si l'on veut que des causes de cette nature puissent être plaidées devant les tribunaux. On prévoit un financement de 5 millions de dollars pour lancer le programme. J'espère que cette somme n'est qu'un début pour l'avenir de ce programme et pour l'accès à la justice dans ce pays. En effet, 5 millions de dollars est une somme infime si on la compare aux millions, aux milliards et aux trillions de dollars que nous consacrons à d'autres choses dans ce pays. Redonnons à l'égalité sa juste place et n'essayons pas de la contraindre et de lui attribuer une valeur monétaire. C'est un début, et j'espère que ce n'est que le début et que nous n'en resterons pas à 5 millions de dollars pendant 10 ans.
D'accord.
Monsieur Porter, j'aimerais connaître votre point de vue sur la manière dont nous pourrons garantir l'autonomie du programme à l'avenir, c'est-à-dire nous assurer qu'il n'est pas à la merci des compressions budgétaires ou d'une simple dissolution, comme ce fut le cas en 2006. Qu'en pensez-vous?
Je crains que je doive abonder un peu dans le même sens que le groupe de témoins précédent et dire que je n'ai pas de solution miracle. Je crois cependant qu'un acte législatif quelconque permettrait au moins d'assurer une certaine pérennité au programme. Comme le groupe de témoins précédent l'a indiqué, une fois qu'il sera rétabli, il faudra faire veiller à ce qu'il ne soit pas éliminé de nouveau.
Merci.
J'aimerais vous remercier tous d'être venus. Voilà un groupe de témoins aux propos incisifs.
Je vais revenir sur une question posée par M. Hussen. Je pensais à l'affaire Rodriguez, qui a été entendue en 1993. La personne qui souhaitait obtenir une aide médicale à mourir a perdu. L'an dernier, un tribunal a renversé cette décision à l'unanimité. Il y a plusieurs années, la Cour suprême a statué sur l'affaire Gosselin, qui avait trait à l'article 7 et au droit de pauvres. Je constate que vous acquiescez tous. L'article 7 garantit le droit à un degré adéquat d'assistance sociale. La plaignante contestait une loi québécoise qui révoquait le droit des citoyens de moins de 30 ans de toucher des prestations d'aide sociale, et elle a perdu.
Êtes-vous d'avis que le Programme de contestation judiciaire devrait permettre de financer des causes comme celles-là, qui pourraient connaître une issue très différente aujourd'hui, comme ce fut le cas pour l'affaire Rodriguez? Suggérons-nous, en tant que comité, que le Programme de contestation judiciaire devrait réserver des fonds aux affaires liées au droit des pauvres? Vous avez entendu le groupe de témoins précédent dire qu'il faudrait déterminer quelle est la meilleure affaire au regard de l'article 15. Qu'il s'agisse de l'égalité des sexes, des minorités raciales ou des personnes handicapées, remettons-nous-en à ceux qui prendront les bonnes décisions. Sinon, devrions-nous aller encore plus loin et exiger que des sommes soient réservées pour les affaires touchant au droit des pauvres, de sorte que nous puissions modifier certains des précédents à cet égard, comme cela s'est produit dans le cas de l'aide médicale à mourir?
Cette question s'adresse à tout le monde, mais peut-être que M. Porter peut commencer.
Je suis entièrement d'accord avec vous. L'affaire Gosselin n'a pas réglé la question. La Cour suprême du Canada ne s'est prononcée qu'à deux reprises sur l'inclusion des droits sociaux et économiques dans l'article 7. La première fois, ce fut dans le cadre de l'affaire des jouets Irwin, et la question n'a pas été résolue. La seconde fois, ce fut dans le cadre de l'affaire Gosselin; huit des neuf juges ont insisté pour dire qu'ils laissaient la question ouverte dans une autre affaire. Les circonstances dans cette affaire étaient très particulières, et il était question de l'accès au marché du travail.
Il est assez stupéfiant de constater qu'en 30 ans d'application de la Charte, il n'y a eu qu'une affaire dans laquelle la Cour suprême s'est penchée sur la question. Cette dernière n'a pas été résolue, et nous n'avons pas eu l'occasion d'en redébattre. Comme il l'a été mentionné plus tôt, les personnes itinérantes qui ont cherché à faire valoir cette question dans l'affaire Tenudjaja se sont vues refuser la possibilité de faire entendre ne serait-ce que la preuve. Alors oui, l'idée est de...
Je veux dire, c'est un peu ce à quoi servait le programme par le passé. Il n'y avait pas d'affectation précise, mais comme Bonnie Morton l'a indiqué, on a remarqué que les problèmes de pauvreté ne recevaient pas l'attention qu'ils méritaient et on a pris des mesures pour travailler avec les communautés et faire entendre leurs causes. Voilà ce que nous devrions faire.
Voici ce que j'aimerais savoir. Selon vous, devrions-nous effectivement affirmer, en tant que comité de la justice, qu'il faudrait affecter des sommes données au problème du droit des pauvres? Ou alors, devrions-nous simplement laisser le Programme de contestation judiciaire traiter de ces questions comme de toute autre question de droit à l'égalité en regard des décisions rendues relativement aux articles 7 et 15?
J'ai vécu très longtemps dans la pauvreté et, en tant que travailleuse sociale, je peux affirmer que la pauvreté concerne une grande diversité de personnes, et ce, pour d'innombrables raisons. Je répondrai donc par l'affirmative, mais tâchons de demeurer souples et d'être plus explicites. Les gens ne parlent pas de pauvreté ou, s'ils le font, c'est en des termes dégradants. Je crois que la préaffectation de fonds conférerait plus de légitimité à la question et permettrait de soutenir un enjeu qui est négligé depuis trop longtemps; c'est pour cette raison que l'on dénigre les pauvres. Cela dit, il faut demeurer souple. La pauvreté est un enjeu très vaste qui touche un grand éventail de personnes de tous les milieux. Je crois que c'est un point important à prendre en compte.
Une affaire reliée à l'itinérance en vertu de l'article 7 a été entendue dans ma circonscription. Les résidents de Victoria, en Colombie-Britannique, se sont vu accorder le droit de dormir dans les parcs s'ils n'avaient pas d'endroit où aller. Nous sommes aux prises avec une crise du logement.
Je m'attends à ce que vous, madame Morton, puissiez répondre à cette question, parce que j'ai trouvé que vous avez fait valoir un excellent point quand vous avez parlé de la façon dont, par le passé, une affaire aurait pu être réglée en vertu du Régime d’assistance publique du Canada. Or, comme ces normes ont été supprimées, nous devons maintenant nous en remettre aux fameux transferts sociaux. Le gouvernement fédéral accorde des crédits parlementaires aux provinces qui, semble-t-il peuvent les utiliser comme bon leur semble. Il pourrait être possible de s'en prendre à vos droits sociaux et économiques si nous en venions à dire que ces transferts peuvent être assortis de conditions et que les crédits parlementaires doivent être utilisés aux fins prévues, comme pour combattre l'itinérance et ce genre de choses.
Estimez-vous que nous devrions recommander que le gouvernement puisse exercer un plus grand contrôle sur la capacité du Programme de contestation judiciaire de prendre en charge des affaires reliées la pauvreté comme celle-là? Ai-je bien compris vos propos?
J'ai surtout parlé du rétablissement du Programme de contestation judiciaire et de ce qu'il devrait couvrir. Cela dit, je soutiens tout à fait l'idée que nous devrions assortir les transferts aux provinces de certaines conditions.
Je crois que le gouvernement devrait — en tant que forme d'accès à la justice — rouvrir le dialogue avec les provinces et les territoires et fixer ces normes, car, lorsque l'entente sur le RAPC a été conclue en 1966, celle-ci a contribué à harmoniser la pauvreté à l'échelle du pays. Ce n'est pas que l'harmonisation ait été une bonne chose; elle ne l'a pas été, mais elle a contribué à niveler la pauvreté au Canada. Depuis que le RAPC a été supprimé, nous observons des degrés de pauvreté différents aux quatre coins du pays, et il faut que le gouvernement fédéral négocie avec les provinces en vue d'intégrer certaines normes aux programmes et politiques gouvernementaux. Cela pourrait même nous empêcher de recourir au financement du Programme de contestation judiciaire, car nous aurions alors une solution de rechange.
Ou, si ce n'est pas le cas, vous aurez au moins fait adopter des normes en vertu desquelles vous serez en mesure de défendre des causes reliées à l'itinérance et à la pauvreté, et le Programme de contestation judiciaire pourrait s'avérer utile à cet égard.
Eh bien, je participe à la lutte contre la pauvreté dans la province, car l'aide juridique ne le fait pas. Avant, nous appliquions l'entente du RAPC pour défendre des causes. Ça n'est jamais allé plus loin que les appels aux paliers local et provincial.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence et de leurs excellents exposés.
Je suis intrigué par l'insistance que vous avez tous mis sur l'idée de financer l'accès à des mécanismes internationaux. Je crois que c'est très singulier de la part de ce groupe de témoins.
Monsieur Porter, vous avez indiqué que le financement devrait être disponible pour les causes jugées appropriées. Vous en avez donné un exemple plus tôt. Ces causes pourraient-elles être examinées sous l'angle de l'article 15 ou de l'article 7 ou des deux? Ce sont, selon vous, des causes dont nos tribunaux nationaux ont fait le tour. Y a-t-il d'autres causes que vous recommanderiez à cet égard?
J'ai surtout de l'expérience en ce qui concerne les articles 7 et 15. Nous sommes d'avis qu'il faudrait améliorer la souplesse. Cela dit, je crois que nous devons réellement garder en tête le mandat ciblé du programme en ce qui a trait aux groupes désavantagés, car, dès que le mandat devient trop large, on se heurte au genre de préoccupations exprimées dans les échanges précédents sur le trop grand nombre de demandes à gérer, sur la façon dont on sélectionne effectivement...
Je crois qu'il est important que votre comité demande que le programme continue de se concentrer sur les groupes les plus désavantagés et sur les affaires liées aux articles 7 et 15. En ce qui a trait aux cas soulevés en vertu d'autres articles, on pourrait faire preuve d'une certaine souplesse.
Comme je l'ai fait remarquer dans mon exposé, c'est en ce qui a trait aux obligations positives de s'attaquer au dénuement socioéconomique que les tribunaux canadiens sont, comme Bonnie Morton l'a souligné, si déphasés. Dans ces cas-là, il peut être très crucial d'avoir accès aux mécanismes internationaux, puisque ces derniers ont pour fonction d'apporter des correctifs. Ces objectifs stratégiques du Programme de contestation judiciaire pourraient être améliorés considérablement si l'on permettait au programme de financer le recours aux mécanismes internationaux dans les cas appropriés, mais je crois que ça serait relativement rare. Je ne pense pas que ce soit un élargissement considérable du mandat.
En ce qui a trait à ces mécanismes internationaux, vous avez mentionné un certain nombre de traités. Avez-vous d'autres mécanismes en tête, ou seulement ces traités?
Il y a un certain nombre de mécanismes auxquels il est possible de recourir. Il y a le mécanisme régional de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, qui a parfois été utilisé. Il y a également des mécanismes de communications disponibles par le truchement de procédures spéciales. La personne appropriée est le Rapporteur spécial sur le logement convenable, qui est la Canadienne Lailani Farha à l'heure actuelle.
Ce sont des procédures qui permettent aux groupes de faire entendre leur cause en vertu de divers mécanismes internationaux et qui obligent le gouvernement à répondre aux communications de rapporteurs spéciaux. Il y a un certain nombre de domaines dans lesquels cela...
La plupart des groupes ayant eu recours au Programme de contestation judiciaire par le passé travaillent aujourd'hui activement dans le cadre des mécanismes internationaux relatifs aux droits de la personne. C'est pourquoi je suis d'accord avec Michèle, soit qu'il est temps de se moderniser. C'est ainsi que les litiges stratégiques sont traités à l'heure actuelle. Les instances nationales et internationales travaillent de concert, et le Programme de contestation judiciaire doit demeurer sensible à ce genre de démarche.
J'ai une question pour Mme Biss ou pour Mme McLachlan sur le projet d'élargir le programme afin qu'il englobe l'article 7 en ce qui a trait au dénuement économique et social. Est-ce la seule façon dont le programme devrait être étendu à l'article 7...? En dehors de l'article 7, y a-t-il d'autres articles qui devraient être inclus dans le programme, comme l'article 2, par exemple?
Voilà une excellente question.
Comme Harriett l'a mentionné plus tôt, la pauvreté peut être vécue de toutes sortes de manières, et il y a une incroyable variété de violations possibles. Évidemment, la question à laquelle nous pensons en tout premier lieu au regard de l'élargissement du champ d'application du programme est le droit à la vie. Toute violation est évidente. Elle est invoquée assez souvent. En fait, et cela est très intéressant, M. Rankin a mentionné le supra dans l'affaire relative au village de tentes. L'injonction de dissoudre le campement n'a pas été accordée et aucune décision n'a encore été rendue. L'un des principaux arguments avancés dans cette cause est le droit à la vie garanti par l'article 7.
Cela étant dit, il pourrait y avoir une certaine ouverture à des discussions sur d'autres articles de la Charte. Je pense notamment à l'article 2, qui couvre la liberté d'expression des personnes vivant dans la pauvreté. Comme nous le savons tous, ces personnes doivent surmonter certains obstacles pour prendre leur place dans les forums publics.
À bien y penser, ce groupe de témoins est assez unique. Nous comptons parmi nous deux membres qui ont connu la pauvreté. En toute honnêteté, quand avez-vous entendu pour la dernière fois, sur la Colline, une conversation avec des personnes vivant dans la pauvreté? Il existe de véritables obstacles à la liberté d'expression qui se manifestent de différentes façons pour les personnes vivant dans la pauvreté. En ce qui a trait à la liberté d'association, il est également possible que des revendications au titre de la Charte touchent les personnes vivant dans la pauvreté. Une solution consiste certainement à ouvrir le programme aux causes visées par les différents articles de la Charte.
Maintenant, si nous examinons la question, à l'exception du financement, je crois que mes arguments, certainement du point de vue de CSP, portent principalement sur l'article 7, puisque c'est le plus visible. Il est intéressant que vous indiquiez qu'il y aura peut-être éventuellement une ouverture à l'article 2 ou à d'autres articles de la Charte. Divers groupes autochtones ont aussi indiqué qu'ils aimeraient y voir inclus d'autres articles de la Charte. Je trouve intéressant que vous le mentionniez.
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