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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 011 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 9 mai 2016

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Bonjour, tout le monde. Nous allons commencer. D'abord, j'aimerais vous remercier d'être revenus au Comité. Aujourd'hui, nous retournons à l'école puisque nous accueillons trois universitaires distingués. Stewart Elgie enseigne à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa. André Plourde est professeur titulaire et doyen de la faculté des affaires publiques de l'Université Carleton, et Michal Moore, qui nous parle par vidéoconférence depuis Calgary, est professeur à l'École de politique publique. Quant à M. Doherty, il se joint à nous aujourd'hui pour la deuxième fois. On dirait qu'il a bien aimé son premier passage puisque le voici de retour, à moins qu'il ait envie de retourner à l'école.
    Permettez-moi cependant de préciser que je n'ai pas été réinvité.
    L'invitation est permanente.
    Je vais donner la parole à M. Elgie.
    Vous pouvez peut-être commencer par un exposé d'une dizaine de minutes ou moins.
    J'ai apporté quelques diapositives qui vont apparaître d'un instant à l'autre. Je pense qu'il y a également une version en anglais.
    Comme l'a fait remarquer le président, je suis professeur à l'Université d'Ottawa où je dirige l'Institut interdisciplinaire de l'environnement. Je préside également le plus grand groupe de réflexion du pays sur l'économie environnementale qui s'appelle La Prospérité durable. Le point de vue que je vais exposer aujourd'hui explique comment nous pouvons appuyer en même temps les objectifs économiques et les objectifs environnementaux du secteur pétrolier et gazier.
     Je devrais préciser d'entrée de jeu que j'ai passé le plus clair de mon temps, au cours des années 1990, à poursuivre l'industrie pétrolière, en tant que fondateur de la principale ONG canadienne dans le secteur du droit de l'environnement, avant d'entamer ma carrière de professeur. Apparemment, ils m'ont pardonné puisque l'an dernier, j'ai siégé au comité consultatif de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, à titre de représentant universitaire. J'ai eu l'occasion d'en apprendre beaucoup de l'intérieur sur cette industrie et je dois dire en particulier que j'ai appris à respecter certains PDG de l'industrie qui font, à mon avis, un effort réel pour tenter de trouver des solutions aux problèmes environnementaux tout en maintenant la compétitivité de l'industrie.
     De fait, nous avons récemment lancé une nouvelle initiative visant à repositionner l'économie du Canada dans son ensemble afin que notre pays devienne un chef de file mondial en matière de croissance propre. Nous avons eu la chance d'avoir bénéficié de la présence du premier ministre lors du lancement. Cette initiative regroupe 27 PDG de tous les secteurs de l'économie, y compris le secteur des ressources, ainsi que des représentants de groupes environnementaux, des dirigeants autochtones, des leaders sociaux, des jeunes dirigeants. Notre groupe est à l'image même du Canada et nous avons tous convenu que c'était une bonne idée pour notre pays d'adopter la tendance qui se dessine dans le monde d'aujourd'hui vers une croissance et une innovation propres.
    Je vais me concentrer surtout sur le secteur du pétrole et du gaz, mais une bonne partie de la réflexion et des orientations que vous trouverez ici sont semblables à celles que je vais utiliser à propos du secteur du pétrole et du gaz en particulier.
    Commençons par le pétrole et le gaz en général. Je n'ai pas besoin de vous dire que nous vivons dans un monde sous contrainte carbone, avec les engagements pris par le Canada à Paris, les engagements du G7 en matière de décarbonisation d'envergure au cours des 50 prochaines années. Comment va évoluer l'industrie pétrolière et gazière dans un monde où nous devrons réduire considérablement nos émissions de gaz à effet de serre, en particulier au-delà de 2050? Je ne prétends pas être un expert mondial sur toutes les technologies et leur évolution, mais d'après le consensus général, nous utiliserons beaucoup moins de pétrole et de gaz, en particulier au cours de la deuxième moitié du siècle.
    Que cela signifie-t-il pour l'industrie qui retient notre attention aujourd'hui? Voici les prévisions énergétiques mondiales produites par l'Agence internationale de l'énergie. Ces prévisions sont considérées généralement comme modérées, ce qui veut dire que nous devons adopter d'importantes nouvelles politiques sur le climat.
    Les deux zones bleues — bleu foncé et bleu clair — représentent le pétrole et le gaz. Vous remarquerez qu'elles atteignent un sommet aux environs de 2040, puis qu'elles se stabilisent avant de décliner. On constate une croissance dans les courbes du haut, qui représentent l'énergie éolienne et l'énergie solaire, et dans les courbes du bas, qui représentent la biomasse et l'hydroélectricité. Il est intéressant de noter que la consommation de pétrole et de gaz est toujours importante, même en 2075. D'après ces projections, nous produirons à peu près les mêmes volumes que dans les années 1970.
    On sait que la consommation va diminuer et que l'énergie propre sera en croissance, mais ce n'est pas un changement exclusif. Nous allons continuer à utiliser les deux types d'énergie pendant encore 50 ou 60 ans. Nous ne sommes pas certains de la rapidité et de l'ampleur du changement, mais, de manière générale, ce scénario est largement accepté.
    Ceci est un simple forage descendant — je ne devrais sans doute pas utiliser le mot forage — dans le domaine du pétrole et du gaz. Telle sera notre consommation de pétrole et de gaz jusqu'en 2040. Il est important de noter également que cette consommation atteindra un plateau autour de 2040 et que la consommation de gaz naturel sera en hausse. La zone vert foncé, au bas du graphique, représente les champs pétroliers et gaziers existants dont l'importance diminue. Les deux couches de vert au-dessus représentent les champs pétroliers et gaziers qui n'ont pas encore été découverts ni exploités. Ces deux lignes sont ascendantes. Une part de plus en plus grande du pétrole et du gaz que nous utiliserons en 2040 proviendra de gisements qui ne sont pas encore exploités commercialement. La barre sombre, qui m'a l'air de couleur noire, représente les projections dans le secteur des sables bitumineux qui sont considérés généralement comme faisant partie du bouquet énergétique que nous aurons.
    Comme je l'ai dit, l'idée que nous pourrons choisir entre l'une ou l'autre source est totalement fausse.
    Regardons maintenant à quoi ressemblera ou pourra ressembler l'avenir pour l'industrie canadienne du pétrole et du gaz dans un monde sous contrainte carbone au cours des prochaines décennies. Permettez-moi de préciser tout d'abord que lorsqu'on parle de compétitivité, on pense traditionnellement aux coûts. Les coûts continueront d'être un facteur important, mais la compétitivité environnementale prendra de plus en plus d'importance. Certains PDG des grandes pétrolières diraient exactement la même chose s'ils étaient ici aujourd'hui. Les coûts et l'empreinte environnementale seront les enjeux de la concurrence mondiale.
(1540)
    Ce tableau établi par la Dotation Carnegie est vraiment intéressant, parce qu'il fait état de trois éléments. La largeur des barres indique le volume de pétrole et de gaz en 2020, selon les prévisions. À la droite du tableau, ce sont évidemment les sables bitumineux. La barre grise indique le coût de production. On constate donc que la production de pétrole à partir de sables bitumineux entraîne les coûts les plus élevés. C'est surtout vrai pour la production de haut de gamme, moins pour la production de bas de gamme. La dernière barre, cette barre noire avec un X au milieu, indique les émissions moyennes de gaz à effet de serre par baril. C'est le coût environnemental. Là encore, c'est parmi les coûts les plus élevés.
    C'est vraiment là que se situe le défi que doit relever l'industrie pétrolière et gazière au Canada. Le Canada est un producteur à coût économique élevé et à l'empreinte écologique encore plus élevée, dans un monde où la concurrence sera de plus en plus vive à mesure que la demande diminuera. Voilà les deux défis que nous aurons à relever.
    Je n'ai probablement à rappeler à personne dans cette salle qu'une mauvaise réputation environnementale a un coût et que l'on peut le chiffrer. À l'heure actuelle, cette mauvaise réputation coûte environ 10 à 15 milliards de dollars par année au secteur pétrolier et gazier. En effet, sa mauvaise réputation environnementale est une des grandes raisons pour lesquelles son pipeline est bloqué. Que cette réputation soit méritée ou pas — cela pourrait peut-être faire l'objet d'un autre débat —, elle leur coûte chaque année entre 10 et 15 milliards de dollars en liquidités, montant largement supérieur à ce que paieraient les producteurs à la suite de l'application d'un régime de tarification du carbone dans les années à venir.
    Le coût d'une mauvaise réputation environnementale est énorme et réel. Comment s'en sortir? Quelle est la voie de l'avenir?
    Je pense que la solution se trouve dans l'innovation propre, et il est intéressant de noter que de plus en plus de dirigeants du secteur pétrolier en sont aussi convaincus. Pour eux, c'est vraiment la carte gagnante. Ils doivent diminuer leur empreinte écologique sans pour autant augmenter leurs coûts.
    Nous pourrions et devrions avoir une plus longue conversation sur la façon de mettre en place l'innovation propre. Je vous présente ici un tableau extrêmement complexe. Je l'ai inclus parce qu'il s'agit d'une explication énormément simplifiée de la réalité de l'innovation. D'un côté du diagramme, il y a les gens qui imaginent de brillantes idées et de l'autre côté, ces idées donnent naissance à des entreprises qui produisent des emplois et de la croissance. Entre ces deux pôles, le processus passe du modèle à la démonstration et à la commercialisation, avec la participation de divers investisseurs.
    Ici, j'aimerais faire deux remarques. Premièrement, toute innovation a besoin du soutien du gouvernement. Au siècle dernier, pratiquement aucune technologie importante n'a pu se développer sans un important investissement du gouvernement à un moment ou un autre du processus. C'est le cas pour chacune des composantes du téléphone intelligent que nous avons tous, et aussi des sables bitumineux qui ont reçu des dizaines de milliards de dollars en subventions de démarrage pour mettre au point les technologies qui les rendent viables. C'est vraiment un grand succès de l'innovation canadienne.
    On se rend compte de plus en plus qu'il est faux de croire que l'innovation est portée par le marché. Il est vrai que le marché est crucial, mais le gouvernement a un rôle clé à jouer pour pallier les déficiences du marché. Le volet principal est la propagation des connaissances.
    Le problème avec l'innovation propre, c'est qu'elle se heurte à deux déficiences du marché. Il y a tout d'abord les déficiences générales qui entourent l'innovation, mais il faut ajouter à cela que l'innovation n'a pas de valeur marchande. Vous ne pouvez pas aller au supermarché pour acheter de la faible teneur en carbone. Vous ne pouvez pas acheter de l'air propre. Ce sont des choses que les économistes appellent les « effets externes », je crois. Comme ce sont des choses gratuites, la demande en matière d'innovation propre est activée par la politique gouvernementale, dans une large mesure. Si je produis de l'air plus propre, je ne peux pas le vendre de la même manière que je vendrais un téléphone intelligent.
    Le gouvernement a un rôle indispensable à jouer pour encourager l'innovation propre, beaucoup plus que dans la plupart des autres types d'innovation, et c'est tout aussi vrai lorsqu'il s'agit du secteur du pétrole et du gaz. Au niveau macroéconomique, c'est probablement la notion essentielle que j'aimerais que vous reteniez.
    Que fait le gouvernement? Là encore, j'entends par là... Nous devrions probablement avoir une plus longue discussion à ce sujet, mais je vous présente maintenant un diagramme à bulles. La ligne au bas de la page indique les différentes étapes de l'innovation. Sur ce diagramme également, à l'extrémité gauche se trouve la recherche et à l'extrémité droite la commercialisation. Vous verrez qu'il y a un ensemble de choses que le gouvernement doit mettre en place pour encourager efficacement l'innovation.
    Tout en haut, on voit que vous devez avoir une stratégie, comme dans n'importe quelle entreprise, si vous voulez faire des choix. Vous devez avoir une stratégie qui définit ce que sera l'avenir grâce à l'innovation propre, y compris pour le secteur du pétrole et du gaz. Ensuite, quand on descend... Bien entendu, je ne parlerai pas de la recherche: nous l'avons déjà.
    Une des étapes les plus importantes est la tarification du carbone. L'OCDE publie étude sur étude pour affirmer que les réglementations flexibles et fondées sur les prix sont de loin les meilleurs moyens d'encourager l'innovation, parce que la réduction de l'empreinte étant plus profitable pour les entreprises, c'est un incitatif pour continuer dans cette direction. Les entreprises qui réduisent le plus leur empreinte voient leurs recettes augmenter, contrairement à une réglementation du type « limite de vitesse » qui imposerait les mêmes normes à tous.
(1545)
    Par conséquent, les approches réglementaires souples et fondées sur les prix stimulent beaucoup plus l'innovation. Ensuite, il y a toutes sortes d'autres choses, y compris d'autres aspects dont vous avez sans doute entendu parler, tels que l'investissement de soutien, en particulier au cours des premières étapes, au sortir du laboratoire de recherche et au cours des étapes de démonstration et au lancement, et, dans une certaine mesure, pendant les étapes de commercialisation également.
    Et enfin, la dernière chose dont je parlerai, c'est cette bulle qui concerne la simplification du système et l'élimination des obstacles, faute de meilleur terme. Pour permettre à ces inventeurs travaillant dans leurs garages de rencontrer les Suncor et les Shell de ce monde pour qu'ils puissent mettre en pratique leurs idées brillantes. En fait, c'est un peu comme un service de rencontres; ici, le gouvernement peut jouer un rôle crucial, parce que le marché n'est pas très efficace pour provoquer cette rencontre.
    La bonne nouvelle, c'est que nous faisons des progrès à cet égard. L'Alberta est actuellement la seule grande région productrice de pétrole du monde à avoir une véritable tarification du carbone et un plafond sur les émissions. Ces deux éléments vont stimuler l'innovation.
    J'ai eu le privilège, le difficile privilège, de prendre part aux négociations en coulisse à ce propos. C'était difficile, pour l'industrie comme pour les ONG, d'accepter cette formule, mais elle répond vraiment à l'objectif recherché qui est de modifier la courbe des coûts dans le processus de réduction des émissions de carbone.
    L'industrie redouble d'efforts pour innover. La création de COSIA, l'Alliance canadienne pour l'innovation dans les sables bitumineux, il y a trois ans, démontre un effort véritable de l'industrie pour partager toutes ces innovations propres. Il y a des partenariats avec des représentants du secteur privé comme Evok, un partenariat entre BC Cleantech et les sables bitumineux de l'Alberta qui tentent de jeter des ponts entre la technologie propre et le secteur pétrolier et gazier. C'est un excellent début, mais le but n'est pas encore atteint et ils seront les premiers à l'admettre. Il leur reste encore de 5 à 10 ans de dur labeur avant de pouvoir infléchir la courbe des coûts. Il leur faudra entreprendre un bon nombre des actions mentionnées dans le diagramme précédent. Le prix de 30 $ la tonne n'est pas suffisant pour induire une innovation propre. Ils doivent aller au-delà de 80 $ et ils vous le diront eux-mêmes en privé si vous leur parlez de leur courbe des prix.
    Les technologies vraiment révolutionnaires vont faire leur apparition lorsque la tonne atteindra 80, 90 ou même plus de 100 $. Voilà la courbe que doivent suivre les coûts pour que ces innovations soient valables sur le plan économique.
    Les investissements vont augmenter. Au cours des cinq prochaines années, nous allons devoir investir beaucoup d'argent dans ces idées embryonnaires, ainsi que dans des démonstrations, et il faudra s'attendre à des échecs comme avec tout capital de risque en matière de technologie. Toutes les idées n'arriveront pas à maturité, mais celles qui réussiront seront vraiment porteuses de changement.
    En conclusion, je pense que l'industrie pétrolière se trouve actuellement dans la même position que l'industrie forestière dans les années 1990. Vous vous souvenez sans doute de la baie Clayoquot et du mouvement mondial de protestation. L'industrie forestière était vraiment la cible idéale du mouvement écologique mondial. Elle a revu entièrement sa stratégie commerciale afin de transformer la durabilité en opportunité plutôt qu'en menace. Désormais, les mêmes militants qui boycottaient ses produits en font aujourd'hui la promotion.
    L'industrie pétrolière entame actuellement ce changement. Nous saurons dans 5 ou 10 ans si elle a réussi, mais je pense qu'il existe une masse critique de dirigeants qui font les efforts nécessaires.
    Si nous y parvenons et si nous faisons les bons investissements, l'industrie pétrolière ne sera pas la seule à en bénéficier. Les technologies que nous inventerons auront leur propre valeur intrinsèque et nous pourrons les exporter. Elles entraîneront des retombées qui créeront aussi une valeur — cela ressemble beaucoup à l'approche norvégienne — et les ressources et les revenus que nous en tirerons nous aideront en fait à investir dans l'avènement au Canada d'une économie plus propre, celle de la prochaine génération.
    Il est indispensable de considérer qu'il s'agit là d'une solution de transition vers une économie plus propre au cours de la prochaine moitié du siècle.
    Ceci met fin à ma présentation. Merci.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à Michal Moore de Calgary.
    C'est agréable de témoigner en compagnie d'André et de Stewart.
    Dans mon exposé aujourd'hui, j'aimerais réitérer quelques-uns des points forts des marchés du pétrole et du gaz. J'aimerais commencer par éliminer une source de confusion, tout au moins pour moi, lorsque les gens parlent des marchés du pétrole et du gaz et oublient de faire la distinction avec les marchés totalement différents que sont les marchés de l'électricité, le secteur avec lequel je travaille le plus. On entend souvent parler du marché de l'énergie dans les médias ou dans les débats politiques. Or, le marché de l'énergie, avec un « e » minuscule, est un marché qui regroupe beaucoup de combustibles différents, mais ce n'est pas nécessairement le marché du pétrole, et il ne représente que partiellement le marché du gaz quand il s'agit de production.
    Conformément aux instructions que vous m'avez données, je vais limiter mes remarques au marché du pétrole et à certains marchés du gaz; je ferai également quelques commentaires sur le charbon, mais aucun sur l'électricité. Ce faisant, j'ai bien conscience de faire une erreur, puisque tous ces marchés sont tributaires de l'électricité pour le fonctionnement des pompes et les systèmes de commande. En conséquence, l'électricité appartient bel et bien au domaine sur lequel vous vous penchez.
    Les quatre grandes forces — qui nous amènent à nous demander si nous pouvons devenir plus compétitifs dans le secteur du pétrole et du gaz — relèvent à plus d'un titre du monde extérieur. Nous avons beaucoup de concurrence dans le monde. Le pétrole est abondant et relativement facile à extraire. La concurrence est vive sur les marchés mondiaux, aussi bien en Afrique qu'en Amérique du Sud, au Mexique ou en Asie-Pacifique. L'approvisionnement en pétrole vient en grande partie d'autres régions du monde, le principal exportateur étant l'Arabie saoudite. Ce pays producteur, dont les coûts marginaux de production dans des champs pétrolifères mis en exploitation au milieu des années 1950 sont aussi faibles que 6 $ le baril, n'hésitera pas à abaisser les prix ou à forcer la capitulation des marchés mondiaux. Nous sommes, bien entendu, extrêmement fragiles face à de telles pratiques.
    La demande de la part de notre principal client, les États-Unis, a diminué. Il y a plusieurs raisons à cela, mais les États-Unis ont augmenté leur propre production et ils encouragent certainement aussi leurs propres innovations dans le secteur de la demande.
    Comme l'a indiqué M. Elgie dans ses commentaires, nous devons nous conformer à de nouvelles normes environnementales qui s'appliquent à la façon dont nous achetons et nous traitons le pétrole et d'autres hydrocarbures. Ces normes commencent à se faire sentir et à limiter notre capacité à créer non seulement de nouvelles installations au Canada, mais également à vendre nos produits aux États-Unis et sur d'autres marchés.
    Mes recommandations et mes prévisions relativement aux avenues que nous devrions prendre dépendent de la façon dont nous allons réagir à la situation et de la structure de gouvernance et d'incitatifs qui sera mise en place dans la sphère politique plus générale au Canada.
    Je suggère que nous encouragions quelques changements qui seront fondamentaux pour offrir des incitatifs favorisant les innovations et les nouvelles inventions ou de nouvelles façons de faire des affaires.
    Premièrement, nous devons disposer d'un meilleur système d'information. Nous avons besoin d'un organisme semblable à l'EIA aux États-Unis comme source d'information — et c'est valable pour tous nos intervenants, y compris les provinces ou les futurs investisseurs. Il faut pouvoir offrir au marché des informations impartiales, précises et fiables sur l'énergie. Actuellement, il y a une lacune à cet égard. Nous devons nous contenter de sources d'information limitées et orientées, tout au moins du point de vue du marché, qui ne profitent pas toujours de manière égale à toutes les provinces ou à tous les secteurs.
(1550)
    Deuxièmement, je crois que nous avons besoin d'une stratégie de l'énergie, une véritable stratégie de l'énergie, pas simplement des platitudes ou des prescriptions politiques qui sont le reflet de la situation politique du moment, mais d'une stratégie qui précise l'objectif que nous nous donnons en tant que nation en ce qui a trait à nos investissements et nos politiques à long terme, une stratégie qui réunirait les provinces plutôt que de soutenir 10 politiques énergétiques différentes, 10 structures distinctes pour traiter avec le monde extérieur. Si nous voulons être en mesure d'appuyer ce type de stratégie de l'énergie, nous aurons une meilleure vision de l'avenir et une meilleure compréhension de la façon dont les marchés fonctionnent.
    Dans ce sens, j'ai l'impression que nous avons l'habitude de courir après les marchés, plutôt que de planifier pour eux. Sur les marchés de l'énergie que nous visons, nous pourrions offrir tous nos hydrocarbures et pas uniquement notre pétrole brut, notre gaz naturel ou notre gaz naturel liquéfié. De fait, les marchés sont intéressés par différents produits et nous allons devoir anticiper cette demande et aller au-devant de leurs besoins.
    Cela nous mène, inévitablement, vers de plus grands investissements. Pour ajouter à ce qu'a dit Stewart Elgie, nous avons besoin d'augmenter les investissements afin de tenter de comprendre ce que l'avenir nous réserve en matière de technologie et de comprendre comment fabriquer de meilleurs produits qui utilisent de manière plus efficiente l'énergie sous toutes ses formes à plus long terme.
    À mon avis, l'innovation s'appuiera sur une meilleure compréhension des fondements des technologies que nous utilisons et sur le choix des avenues que nous voulons encourager. Dans le domaine des nouvelles technologies en développement, domaine que je connais extrêmement bien pour avoir travaillé dans les laboratoires nationaux de recherche sur l'énergie aux États-Unis, il faut savoir quand abandonner une idée. Il y a beaucoup de technologies qui peuvent paraître prometteuses, mais qui ne survivront jamais à ce qu'on appelle la courbe en S, la vallée de la mort qui empêche leur commercialisation future.
    Je pense que nous pouvons cibler l'innovation de manière plus profitable en nous renseignant sur les choix que nous offre la technologie, sur les façons les plus efficaces de l'utiliser et sur les choix comportementaux qui sont à la base même de l'information du public. Au cours d'une étude que nous avons effectuée avec l'Université Carleton, nous avons découvert qu'il est possible d'améliorer considérablement l'appui que le public réserve aux changements technologiques et l'amener à adopter de nouvelles solutions. Enfin, il faudrait diminuer l'incertitude qui entoure les investissements, grâce à une plus grande cohérence des objectifs politiques et des opportunités, une plus grande homogénéité entre les provinces et les possibilités d'investissement.
    Permettez-moi de vous citer quelques domaines où, d'après moi, l'innovation et le changement technologique pourraient nous être utiles pour écouler nos ressources pétrolières et gazières ou nos hydrocarbures, lorsqu'ils ne seront plus utiles ou attrayants sur le marché. Entre parenthèses, je pense que la date de 2040 citée par M. Elgie est probablement très proche de la réalité. La probabilité que le secteur des transports soit un marché pour les produits pétroliers après 2050 est assez faible. Ils seront vraisemblablement remplacés par l'électricité qui aura la préférence par rapport aux carburants d'origine fossile.
    Nous pouvons utiliser les hydrocarbures, y compris le gaz naturel, pour rapatrier au Canada les industries de fabrication des engrais. Les engrais seront probablement utiles lorsque l'agriculture pratiquera des alternances plus grandes et s'étendra plus au nord. L'industrie de fabrication de nouveaux produits chimiques utilisant des résidus du pétrole de manière très très productive, paraît prometteuse. Il existe un attrayant marché d'exportation qui nous tend les bras. Nous pouvons également penser à exporter de l'électricité, énergie que nous n'avons pas à transporter en vrac. Autrement dit, si l'on peut produire de l'électricité de diverses manières, nous pouvons commencer à exporter cette énergie plutôt que d'exporter les combustibles eux-mêmes.
(1555)
    Il y a de nouveaux débouchés pour les plastiques et les produits synthétiques — et, à long terme, une des utilisations parmi les plus attrayantes de notre réseau d'oléoducs serait peut-être de les convertir pour le transport de l'eau vers les nouveaux marchés demandeurs d'eau.
    Les arguments que j'ai exposés aujourd'hui reposent sur l'idée d'une plus grande cohérence de nos politiques et sur l'adoption de stratégies qui uniraient les provinces vers un objectif visant à comprendre l'orientation future des marchés de l'énergie dans le vaste monde par rapport à la situation antérieure. Je crois que si ces principes sont exposés plus clairement aux investisseurs, le Canada sera plus attrayant pour les investissements et prêt à faire une transition qui sera plus intéressante pour les investisseurs de l'étranger.
    En conclusion, je dirais que nous sommes voisins d'un pays qui a investi des sommes énormes dans le développement de 11 laboratoires nationaux de recherche sur l'énergie, juste au sud de la frontière. En ce moment, chacun de ces laboratoires est ouvert aux possibilités de recherche et à la collaboration en vue de développer de nouvelles technologies. L'une d'entre elles est déjà ébauchée et consiste à investir 240 millions de dollars dans la modernisation du réseau de transmission afin de le rendre plus résilient et conforme aux normes du XXIe siècle. Ce sont là des possibilités de collaboration avec des experts dont l'occupation quotidienne est la recherche. Une des façons les plus efficientes d'exploiter les talents de nos propres chercheurs consistera à collaborer avec nos collègues des États-Unis afin de franchir plus rapidement cette courbe en S que M. Elgie a mentionnée.
    Merci.
(1600)
    Merci, monsieur.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Plourde.
    Avant de commencer, permettez-moi d'exprimer ma solidarité avec les gens de Fort McMurray en cette période éprouvante.
    Au cours des quelques minutes que j'ai à ma disposition, j'aimerais m'attarder à quatre points. Je vais peut-être adopter une approche légèrement plus abstraite et mettre l'accent sur la nature ou les caractéristiques d'un cadre politique qui me paraît prometteur pour l'avenir tel que je l'imagine et souligner peut-être quelques éléments que nous avons appris de notre expérience passée.
    Premièrement, la durabilité des industries traditionnelles de l'énergie au Canada repose, selon moi, sur notre capacité à concilier leur maintien avec les objectifs du Canada en matière de politique climatique. Les deux orateurs qui m'ont précédé ont abondé dans le même sens. C'est un facteur déterminant essentiel dont dépend la durabilité des industries canadiennes traditionnelles du secteur de l'énergie au cours des prochaines décennies. Leur survie est menacée si elles ne peuvent s'ajuster aux nouvelles réalités.
    Quant à mon deuxième point, je pense que dans ce contexte, les grandes orientations adoptées par le passé avaient pour principe que les personnes, les entreprises et les autres acteurs collectifs devaient accepter le fait que les émissions de gaz à effet de serre étaient coûteuses pour les producteurs de ces émissions, alors qu'en fait, elles ne coûtent rien ou presque rien. En donnant l'impression que ces émissions étaient horribles ou que les orientations politiques n'étaient pas nécessairement souhaitables, mais sans donner d'autres signaux, on croyait que cela inciterait les gens à penser que c'était un processus coûteux à réaliser, alors que ce n'est pas le cas.
    On ne saurait être surpris, en l'absence de signaux formels, que cette approche politique n'ait pas donné de bons résultats. On a pu le constater au Canada ainsi que dans d'autres pays industrialisés. Il a été prouvé à maintes reprises que l'idée de l'exhortation seule n'était pas efficace.
    Pour induire le changement, il faut donner un signal économique clair, par exemple, la tarification du carbone et l'inscrire dans les orientations politiques. Encore une fois, les deux orateurs précédents ont démontré que l'intervention du gouvernement sous une forme ou sous une autre serait indispensable pour formuler le cadre approprié à ce type d'enjeux que devraient respecter les intervenants du secteur privé. Je suis d'accord avec eux sur ce point.
    Le troisième point que j'aimerais exposer porte sur l'innovation. Cette activité dépend, tout au moins en partie, d'une activité soutenue et florissante de recherche et développement. Comme l'a dit M. Elgie, sur le plan économique, des arguments de poids plaident en faveur du soutien gouvernemental dans ce secteur. Ce soutien peut prendre toutes sortes de formes: subventions aux activités et aux investissements du secteur privé; recherche parrainée par le gouvernement; ou activités de recherche entreprises directement par le gouvernement, de son propre chef ou en partenariat avec d'autres acteurs économiques.
    Ici, c'est une question de choix. Il y a toutes sortes d'activités différentes, y compris les possibilités d'investissement dans la R-D du secteur public, auxquelles on peut faire appel pour appuyer les industries énergétiques. Il n'y aura jamais assez de fonds publics pour alimenter toutes ces activités. Par conséquent, quel type d'approche pourrait sembler logique?
    Je prétends qu'il est de l'intérêt du Canada de s'intéresser en premier lieu aux enjeux et aux problèmes que les autres pays ou acteurs de l'extérieur du Canada n'examineront tout simplement pas. À titre d'exemple, prenons le cas des sables bitumineux. Les caractéristiques des gisements de sables bitumineux au Canada nous ont amenés à utiliser des technologies de types très particuliers. Par conséquent, les approches choisies pour réagir aux enjeux environnementaux liés à la production du pétrole à partir des sables bitumineux du Canada sont elles aussi particulières. Étant donné que ces gisements sont pratiquement sans pareils à l'échelle internationale, personne ne va essayer de régler ces problèmes pour nous, ni aborder à notre place ces enjeux environnementaux. Voilà un créneau qui devrait être particulièrement attrayant pour les gouvernements fédéral et provincial.
(1605)
    La prochaine étape consiste à souligner les types de partenariats internationaux que nous pouvons conclure afin d'élargir notre cercle de collaboration au-delà des limites que nous lui imposons normalement. M. Moore a soulevé ce point en parlant des laboratoires nationaux des États-Unis qui recherchent des possibilités de collaboration. De nos jours, c'est pratique courante dans le monde et nous devrions, par conséquent, tenter de trouver le type approprié de partenaires qui pourraient nous aider à réagir à ces enjeux. De telles collaborations seraient profitables à tous. Le Canada ne peut pas confronter ni résoudre tous ces problèmes isolément.
    Enfin, à mesure qu'évoluera la structure des incitations économiques au Canada et dans d'autres pays, d'autres opportunités économiques émergeront. Les entreprises des secteurs examinés réagiront et décideront quelles sont les opportunités qu'elles souhaitent exploiter. Dans ce contexte, il est préférable que le gouvernement laisse l'industrie jouer ce rôle et ne soit pas trop directif dans le choix des secteurs technologiques ou aspects gagnants.
    Le rôle crucial du gouvernement a déjà été souligné et les deux points que j'ai signalés un peu plus tôt visent à mettre en place un contexte politique qui envoie des signaux clairs à tous les secteurs de l'économie, afin de réduire l'incertitude; qui fournit des incitations claires liées aux orientations générales que nous voulons explorer; et qui laisse les intervenants qui ont réuni un bon nombre d'informations et qui feront ultimement les investissements principaux dans ce secteur, déterminer les voies qu'ils souhaitent emprunter. Le rôle du gouvernement ou de l'État est de fournir un cadre plus vaste à l'intérieur duquel l'industrie jouera un rôle prépondérant dans l'élaboration des nouvelles phases de production.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant ouvrir la période de questions.
    Je donne d'abord la parole à M. Tan pour sept minutes.
    Merci, messieurs, pour vos exposés instructifs.
    Monsieur Plourde, vous avez dit que le Canada a besoin d'un meilleur cadre politique. En tant qu'expert, pensez-vous que le Canada a besoin d'effectuer une évaluation environnementale approfondie s'il souhaite atteindre le niveau de protection environnementale que souhaitent les Canadiens? Pensez-vous que le Canada doit exercer une surveillance environnementale plus approfondie dans le processus d'approbation réglementaire?
(1610)
    C'est, bien entendu, une des composantes du casse-tête, mais pas la seule. Comme je l'ai déjà dit, et je n'étais peut-être pas le premier, nous avons besoin d'un cadre plus vaste que de simples prescriptions, mesures de contrôle ou directives. Comme l'a souligné M. Elgie, on ne peut pas se contenter d'une ligne horizontale, il faut offrir des incitations plus stimulantes pour passer à l'action.
    Il est important que le cadre réglementaire que nous appliquons aux projets englobe une approche qui reconnaît clairement les avantages, mais aussi les coûts, y compris les coûts environnementaux du développement de certains projets. Selon moi, cela ne serait pas suffisant. Nous avons besoin d'un cadre plus vaste qui s'applique à un niveau où la surveillance réglementaire n'est pas nécessairement un facteur important dans les activités.
    Monsieur Moore, quelle devrait être la politique du gouvernement en matière d'évaluation efficace de toutes vos activités si nous voulons aider l'industrie à demeurer compétitive et durablement verte?
    Je vais faire écho à ce qu'a dit M. Plourde, à savoir que le rôle du gouvernement est d'offrir des incitations. C'est ce que nous faisons dans de nombreuses industries aujourd'hui en proposant des technologies qui peuvent rivaliser pour obtenir un soutien financier. Je reprends l'idée selon laquelle la volonté de chercher ou choisir un gagnant ne sera pas très productive à long terme. Par contre, lorsque nous offrons des incitations pour lesquelles les gens rivalisent afin de dépasser la concurrence et de devenir plus compétitifs sur le marché ou de concevoir de nouvelles solutions qui leur permettront de participer plus pleinement dans un marché plus vaste, nous aurons alors une plus grande influence et un impact plus rapide. C'est alors que s'imposeront certaines des technologies qui seront destinées à être gagnantes.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Elgie. Vous avez mentionné dans votre exposé que l'industrie pétrolière canadienne a peut-être une mauvaise réputation en matière d'environnement. Vous proposez donc de soutenir davantage l'innovation afin de réduire l'empreinte carbone. C'est logique, mais quelles sont les innovations?
    Comme l'a mentionné M. Moore, quand on parle d'innovations, il faut en avoir une connaissance de base. Dans quelle mesure pouvons-nous utiliser ces innovations pour répondre à nos besoins énergétiques quotidiens? Quelles sont les innovations?
    Si je connaissais la réponse, je serais beaucoup plus riche et je ne serais pas professeur.
    Bien entendu, certaines technologies se pointent à l'horizon. Je parle plus de production que de consommation, parce que les technologies sont complètement différentes dans chaque cas. Les transports sont essentiellement à l'origine de la demande et, dans ce domaine, nous disposons de tout un panier de technologies.
    Concentrons-nous sur le volet production. En fait, le grand défi des sables bitumineux est qu'ils doivent utiliser énormément d'énergie pour produire la vapeur et la chaleur nécessaires pour séparer le pétrole des résidus. Il faut trouver des technologies qui nécessitent moins d'énergie et de chaleur pour effectuer cette séparation. Certaines d'entre elles sont actuellement au stade de la démonstration. Elles ne seront probablement pas viables avant 5 ou 10 ans au mieux. Il en existe deux ou trois et je ne sais pas encore quelle est celle qui l'emportera. Eux non plus.
    Je vais faire écho à ce qu'a dit M. Moore. Ce n'est pas au gouvernement de prendre la décision sur le choix de la bonne technologie, ni à un professeur, à moins qu'il enseigne l'ingénierie de pointe, ce qui n'est pas mon cas. Ce que vous devriez faire, c'est créer les conditions qui permettront d'accélérer le processus afin d'obtenir une réponse et qui les inciteront à trouver cette réponse plus rapidement que leurs concurrents.
    La concurrence en matière de performance environnementale est aujourd'hui plus vive que jamais. Autrefois, on se faisait concurrence au niveau des coûts de la main-d'oeuvre et autres. Désormais, c'est au niveau de la performance environnementale. Tout comme nous voulons motiver la productivité de la main-d'oeuvre et l'innovation, nous voulons motiver l'innovation et la productivité en matière d'environnement. Croyez-le ou non, la façon d'y parvenir, c'est d'adopter des normes strictes, mais prévisibles.
    M. Moore a soulevé un point très important. Si les investisseurs et les entreprises savent 10 ou 15 ans à l'avance quelle est la cible qu'ils doivent atteindre et si celle-ci est prévisible, les investissements qu'ils font aujourd'hui refléteront cette attente, sachant qu'ils auront à respecter une norme environnementale toujours plus stricte. Le fait de créer l'attente d'une réglementation toujours plus stricte et efficiente contribuera énormément à l'adoption des choix judicieux. Mais je ne connais pas nécessairement la réponse aujourd'hui.
(1615)
    D'après ce que j'ai entendu, même si le gouvernement a manifesté son appui envers l'innovation, les technologies propres et les nouvelles technologies, nous devons, au moins pour le moment continuer à appuyer notre industrie pétrolière et gazière.
    Oui, mais une grande partie de cette technologie propre verra le jour dans l'industrie pétrolière et gazière. Je pense que cela fait partie du défi. Il faut bien se garder d'entrer dans un faux débat en pensant que nous avons, d'une part, une nouvelle économie verte et une ancienne économie, brune.
    L'innovation a tendance à se greffer sur les processus que l'on utilise déjà dans l'économie. L'innovation, ce n'est généralement pas un éclair blanc qui frappe soudain à l'endroit où personne ne regarde. On innove dans les domaines où l'on a déjà de bonnes compétences et dans lesquels on multiplie déjà les efforts.
    Toute l'expertise que nous avons acquise dans le secteur du pétrole et du gaz, dans le domaine de l'automobile et des autres dimensions régionales de notre économie nous amènera à innover dans ces mêmes domaines. On ne peut pas plus savoir où nous mènera l'innovation qu'on ne sait où se dirigeront les racines d'un arbre. Nous l'ignorons, mais plus nous stimulons l'innovation et plus elle créera de la valeur, non seulement pour l'industrie pétrolière, mais aussi pour un grand nombre d'autres industries connexes qui émergeront autour de certaines de ces technologies inédites.
    Madame Bergen, c'est à vous.
    Merci à nos trois invités d'être venus aujourd'hui.
    Monsieur Moore, je vais d'abord m'adresser à vous. J'aimerais commencer par dire que j'entends deux énoncés différents. D'un côté, j'entends dire que le Canada a la réputation peu enviable de n'être pas responsable sur le plan environnemental. D'autre part, j'entends dire que nous disposons de quelques-unes des technologies les plus vertes et les meilleures pour l'extraction du pétrole.
    Dites-moi si je me trompe, mais il semble qu'en tant que leaders, nous jouons un mauvais tour à notre secteur de l'énergie,mais en particulier au secteur pétrolier et gazier, lorsqu'on répète des faussetés semblables selon lesquelles nous produisons du pétrole sale et que, comparativement aux autres, nous ne savons pas extraire nos ressources naturelles de façon responsable.
    J'aimerais vous demander, monsieur Moore, quelle est votre opinion à ce sujet et si vous pensez qu'en tant que dirigeants — politiques, universitaires, ONG ou autres — nous avons pour responsabilité de faire la vérité sur la responsabilité canadienne en matière d'environnement.
    Le Canada a certainement fait des progrès importants, s'efforçant de comprendre comment extraire, raffiner et utiliser les hydrocarbures de façon plus responsable et plus efficace au fil des années. M. Plourde l'a souligné dans ses remarques, et je réitère que nous avons fait de grands progrès dans nos efforts en vue de comprendre leur nature et leur valeur. La plupart des économistes comme moi sont favorables à une taxe sur le carbone reflétant les impacts ou les externalités potentielles de l'utilisation de ces carburants. Nous avons un début, nous avons un cadre et c'est ici que cela a commencé. D'ailleurs, le départ est si prometteur que je pense que nous pouvons nous en servir comme base et commencer à raffiner certains de ces changements afin de mieux les harmoniser avec le comportement des consommateurs.
    Les procédés que nous avons développés nous permettent, je pense, de faire d'autres progrès en utilisant une base d'hydrocarbures — peu importe qu'ils viennent de l'Oklahoma, d'Indonésie ou d'ici — de telle manière que lorsque nous les brûlons, à la fin du cycle, nous produisons des émissions atmosphériques et des composés toxiques qu'il faut ensuite traiter d'une manière quelconque.
    Il y a beaucoup d'autres industries qui produisent des composés toxiques auxquelles nous pouvons apporter des solutions. Je ne nommerai qu'une seule source de CO2 et de méthane, celle qui provient de la construction de fondations en ciment, de ponts ou de voies routières en béton. Le volume de CO2 que produit la transformation du ciment Portland en béton est nettement supérieur à celui que nous produisons dans l'exploitation des sables bitumineux.
    À l'autre extrémité, la tragédie qui a frappé le nord de l'Alberta a produit des émissions toxiques en raison de l'incendie des forêts et de la transformation des produits du ciment — qui devront être détruits parce qu'ils ont perdu leur intégrité — contribuera à son tour à exacerber le problème que nous avons.
    Il me semble que nous avons en main une possibilité d'innovation que nous ne savons pas encore comment utiliser. Ces hydrocarbures seront peut-être à la base d'un nouveau procédé de production ou d'élaboration de matériaux structuraux utilisables dans la construction. Nous pouvons faire un substitut moins riche en carbone que le ciment ne l'a jamais été dans le passé. Nous pourrons envisager de revenir aux anciennes méthodes de construction des routes. Je dis simplement qu'il y a des façons d'utiliser nos procédés de manière plus efficace.
(1620)
    Dans les trois minutes qu'il me reste, je veux poser une autre question et voir si je peux faire participer M. Plourde à la discussion.
    Monsieur Moore, vous avez parlé d'une véritable stratégie nationale de l'énergie. Je suis intéressée par une stratégie nord-américaine et par vos commentaires à ce sujet. L'un d'entre vous — je ne sais pas vraiment qui, puisque j'ai manqué une partie de l'exposé de M. Elgie — a dit que notre plus grand client est maintenant notre plus grand concurrent, soit les États-Unis. Je sais que toutes les comparaisons sont boiteuses, mais ne pensez-vous pas que, même dans notre processus réglementaire, nous allons à l'encontre de nos propres intérêts et nuisons à notre compétitivité lorsque nous imposons des taxes provinciales et nationales sur le carbone, alors que les États-Unis et le Mexique ne le font pas, et lorsque nous ajoutons des couches supplémentaires et une dose d'incertitude, par exemple, aux processus d'approbation des oléoducs et en interdisant le passage de pétroliers au large de la côte de la Colombie-Britannique, alors que les États-Unis font juste le contraire? Pouvez-vous commenter cette situation dans laquelle nous nous donnons un désavantage concurrentiel?
    Nous nous donnons un désavantage concurrentiel en ne collaborant pas avec nos voisins.
    Je vous remercie d'avoir abordé cette question, parce que dans sept jours, je serai à Cuernavaca, au Mexique, afin de préparer une réunion de stratégie énergétique à l'échelle de toute l'Amérique du Nord, réunion que nous espérons tenir en août, avec des participants canadiens, américains et mexicains. Nous espérons pouvoir présenter des informations qui portent exactement sur le sujet de vos délibérations.
    Est-ce qu'il reste du temps pour M. Plourde?
    Le président: Une minute.
    L'hon. Candice Bergen: Vous avez une minute, monsieur Plourde. Avez-vous des commentaires à faire?
    Je dirais quant à moi que ce sont nos problèmes environnementaux que nous devons régler. Nous avons parlé des externalités. Si certaines activités entraînent des coûts qui ne sont assumés par personne, il faut, d'après moi, que le cadre de politique prévoie une façon de les prendre en compte. Cela étant dit, nous devons également nous assurer que cette prise en compte se fasse de la manière la moins coûteuse possible, afin de répondre exactement aux questions que vous avez soulevées. Il n'est pas logique d'imposer des coûts trop élevés pour trouver une solution à un problème particulier quand il existe des façons moins onéreuses de le résoudre. Le cadre de politique que nous mettons en place devrait préconiser des façons économiques de régler le problème.
    Rapidement, deux remarques. La plupart des PDG du secteur pétrolier et gazier souhaitent une tarification du carbone, et les États-Unis examinent, dès le processus d'évaluation environnementale, les impacts en amont des activités de développement des infrastructures pétrolières et gazières.
    Mais, je...
    C'est fini.
    Très bien... au prochain.
    Monsieur Cannings.
    Je vais poursuivre dans la même ligne que le dernier commentaire, parce que c'est une question que je voulais vous poser, monsieur Elgie.
    Vous avez parlé de la réputation environnementale du Canada et des efforts qui sont déployés en vue de mettre au point des innovations capables d'y remédier. Or, une des inquiétudes que soulèvent les projets d'oléoducs et autres est qu'ils vont encourager la croissance des activités dans le secteur des sables bitumineux et entraîner une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. J'aimerais vous demander de donner votre point de vue à ce sujet, ainsi que sur les impacts en amont des projets tels que celui-là sur notre impact environnemental.
    Voilà une question facile, n'est-ce pas?
    De manière générale, je pense que le défi que doit relever le secteur pétrolier et gazier n'est pas différent de celui des autres industries, en ce sens que nous devons cesser de considérer que la performance environnementale est une menace à la compétitivité, mais en la considérant plutôt comme une opportunité. Que vous le veuillez ou non, le monde progresse dans cette direction. Nous avons le choix d'aller dans cette direction ou de nous mettre la tête dans le sable en espérant que le problème disparaîtra de lui-même. La plupart des PDG clairvoyants ont compris qu'il s'agissait là d'un changement structurel fondamental de l'économie mondiale. Le choix d'aller vers une performance environnementale plus durable est bon pour les affaires. C'est vrai également pour le pétrole et le gaz.
    Qu'en est-il pour les pipelines? D'une certaine façon, je crois que c'est le plus grand défi politique auquel fait face notre pays aujourd'hui. Je vais vous donner mon point de vue, un point de vue partagé par de plus en plus de gens du mouvement environnemental de l'industrie pétrolière. Le monde va continuer à utiliser le pétrole et le gaz pendant des décennies. Il y aura un marché pour ces produits. Il n'y a aucune raison que le Canada soit le seul producteur du monde à refuser de prendre part à ce marché. La Norvège y est. Nous ne devons pas dire que nous ne devrions pas vendre nos produits. Le monde les utilisera.
    Ce que nous devrions faire, c'est nous donner les moyens de dire que nous produisons ces ressources de manière responsable sur le plan environnemental. Débarrassons-nous des étiquettes et regardons uniquement les chiffres. L'empreinte de notre pétrole et de notre gaz par baril est plus élevée que celle de la plupart de nos concurrents. L'industrie du pétrole et du gaz elle-même le reconnaît. Cela est dû en partie à la nature des gisements. C'est dû à la nature du processus d'extraction. La seule façon d'y remédier est de prendre les moyens de ne plus être un producteur ayant une grande empreinte carbone. Ils le savent. Ils le comprennent et c'est une partie importante de leur stratégie commerciale.
    D'après moi, voici comment se présente le défi. Les investissements et les politiques que nous mettons en place aujourd'hui nous permettront probablement d'atteindre notre but dans 5 à 10 ans. Le défi, c'est que nous devons obtenir aujourd'hui des décisions au sujet de l'approbation du pipeline, avant de constater un fléchissement des coûts du carbone.
    Selon moi, l'Alberta et l'industrie pétrolière ont maintenant mis en place une politique et un cadre d'innovation et si les critères sont plus exigeants, cela nous mettra sur la voie. Cela devrait permettre aux producteurs d'avoir accès au marché pour écouler leurs produits.
    Tant que nous produirons notre pétrole et notre gaz de manière écologiquement responsable, il n'y a aucune raison que le Canada ne puisse pas mettre ces produits en marché. Le défi sera de démontrer que les mesures politiques que nous mettons en place aujourd'hui continueront à encourager la courbe de l'innovation, parce que les deux progressent la main dans la main.
    C'est un problème difficile, mais voilà mon point de vue. Ça vaut ce que ça vaut.
(1625)
    Je vais poser ma prochaine question à M. Plourde.
    Nous semblons tous convenir — vous avez l'air d'accord tous les trois — que la tarification du carbone est une étape nécessaire en direction de l'objectif que nous devons atteindre. J'aimerais connaître votre point de vue au sujet de la taxe sur le carbone, à savoir si elle devrait être consacrée aux stratégies d'innovation ou si elle devrait tout simplement être sans incidence sur les recettes.
    Merci.
    Une voix: Une autre question facile.
    Des voix: Oh, oh!
    M. André Plourde: Oui, une autre question facile. Merci de l'avoir posée.
    Il y a, comme vous le savez, deux façons générales de traiter cette question ou de l'appréhender. La première consiste à l'aborder selon une approche sans incidence sur les recettes, comme c'est le cas en Colombie-Britannique. Selon cette approche, les recettes produites sont retournées sans établir de lien avec la source des émissions, si bien que les recettes ne sont pas liées au système d'incitations. L'autre formule consiste à utiliser les recettes pour subventionner une forme d'investissement dans le domaine.
    Pour ma part, j'affirme dès le départ qu'il est nécessaire pour le secteur public d'investir sous une forme ou une autre, comme nous l'avons tous dit, dans le développement de technologies propres, à compter de maintenant. Je pense que c'est une décision qui est complètement distincte de la taxe sur le carbone que vous voulez mettre en place. J'insiste pour faire la distinction entre les deux.
    Personnellement, je dirais: « Vous avez choisi cette option, c'est formidable, alors maintenant organisez votre état budgétaire pour être en mesure d'offrir le type de soutien que vous souhaitez. » D'un autre côté, il y a toutes sortes de façons de générer des recettes. Vous produisez des recettes de la manière habituelle et si vous voulez agir de manière différente et retourner ces recettes au public, vous pouvez le faire.
    Je voudrais éviter d'avoir un lien explicite entre les deux. C'est trop facile à manipuler. Je ne nie pas la nécessité de l'investissement public, mais d'un autre côté, la relation étroite entre les deux m'inquiète. Je préférerais qu'il n'y ait aucun lien.
    Monsieur Moore, j'aimerais vous entendre parler de la véritable stratégie nationale de l'énergie que vous avez évoquée. Pouvez-vous nous dire à quoi ressemblerait cette stratégie et quelles en seraient les composantes importantes? Vous en avez cité, je crois, quelques-unes. Je vais vous donner tout le temps qu'il me reste.
    Le président: Il vous reste une minute.
    En une minute ou moins, permettez-moi de vous dire que dans les documents que j'ai déposés, on trouve un lien vers un article que j'ai écrit et publié il y a trois mois, dans lequel je décris les caractéristiques que pourrait revêtir une stratégie nationale de l'énergie.
    Essentiellement, je dis qu'une intention stratégique n'est pas un plan. C'est une vision établissant les façons dont la nation et les provinces vont collaborer, prévoir comment les marchés vont réagir, prévoir comment s'adapter aux forces qui vont se dessiner, telles que celles qu'a mentionnées M. Plourde, et commencer à développer l'innovation, la technologie et les politiques qui aideront le pays à s'adapter à ces conditions.
    C'est une vision de l'avenir et le plan que je propose décrit le processus que vous pourriez utiliser pour y parvenir de la manière la plus efficiente.
(1630)
    Monsieur Serré, la parole est à vous.
    Merci à nos trois invités pour leurs exposés. J'ai vraiment apprécié les connaissances et les points de vue d'experts qu'ils ont présentés. Pour moi, personnellement, ce fut une des meilleures présentations que nous ayons entendues jusqu'à présent, parce que vous ne dissociez pas le secteur pétrolier de l'environnement et parce que vous vous penchez sur la façon d'utiliser l'innovation. C'est assez captivant.
    L'autre élément que je voulais commenter avant de poser ma question se rapporte à la collaboration avec nos partenaires, les États-Unis et le Mexique. Vous avez également parlé des provinces et de la façon dont elles s'intègrent dans tout ceci, ainsi que des préoccupations environnementales des Premières Nations.
    J'aimerais que M. Elgie nous parle un peu de ce qui s'est passé au cours des dernières années. D'après les exposés que nous avons entendus, nous savons qu'en 2040, avec la croissance nécessaire et même la demande en matière de pétrole et d'énergie en 2060 et au-delà... Qu'est-ce qui explique, à votre avis, le manque de consultation qui a abouti à cet échec au cours des dernières années? Comment pouvons-nous nous y prendre pour nous assurer que nos ressources soient transportées jusqu'à la côte? Par ailleurs, j'aimerais vous entendre commenter les cinq principes que le gouvernement a récemment mis en place.
    Je dirais que si l'on essaie de comprendre l'opposition aux pipelines, on constate qu'il y a un mélange de préoccupations locales et régionales propres à certains sites où passent les pipelines eux-mêmes, et une préoccupation quant à la performance environnementale des sables bitumineux. C'est très difficile de séparer les deux types de préoccupations et, que l'on se dirige vers l'est, l'ouest ou le sud, ces deux facteurs sont toujours en jeu. Dans l'ouest, on constate un mélange de préoccupations des Premières Nations, de préoccupations relatives aux eaux de cale et aux navires pétroliers; dans l'est, il y a également beaucoup de préoccupations semblables; tandis qu'au sud, nous avons Donald Trump et Hillary Clinton et beaucoup d'autres choses, et aussi Barack Obama. Vous avez raison.
    Dans tout cela, si l'on enlève le facteur relatif à la réputation écologique des sables bitumineux... Nous construisons des pipelines au Canada depuis des dizaines d'années et aucun d'entre eux n'a suscité autant de controverse que ceux-ci. Je crois que l'opposition aux pipelines symbolise la lutte contre les sables bitumineux, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'opposition régionale ou locale aux pipelines. Il y en aura toujours, mais nous avons surmonté ce genre d'obstacles au Canada avant et je pense que nous y parviendrons encore cette fois-ci.
    Je pense que pour comprendre l'opposition aux pipelines, il faut analyser les défis environnementaux auxquels fait face l'industrie des sables bitumineux. Je crois, comme je l'ai dit auparavant, que nous sommes en bonne voie d'y parvenir. Je pense que nous savons comment obtenir un permis social pour les pipelines. Nous pouvons faire mieux, mais ce n'est pas quelque chose qui nous est inconnu.
    J'aimerais ajouter une seule chose qui va dans le même sens que la question posée à M. Plourde. Une de mes plus grandes préoccupations, c'est que nous avons besoin d'une impulsion d'investissement, d'un investissement public au cours des 5 à 10 prochaines années, afin de poser les fondations de l'infrastructure et de la technologie sur lesquelles reposera en grande partie notre économie de 2050 à 2060. Il est clair que notre empreinte carbone dépendra des choix que nous ferons au cours des cinq prochaines années en matière d'infrastructure et de technologie. C'est pourquoi nous avons besoin d'un important investissement du secteur public et du secteur privé.
    C'est là que la question de la tarification me préoccupe un peu plus, parce que je crois que le gouvernement fédéral et les provinces devront jouer un rôle important. La plupart des enjeux sont d'intérêt national et pas seulement local, et ce qui me préoccupe, c'est que si l'on fait appel au financement du déficit, cela peut fonctionner à court terme, mais à long terme, je pense que les gouvernements fédéral et provinciaux auront besoin des recettes en provenance de la tarification du carbone afin d'investir dans l'économie de l'avenir. En réalité, je pense que nous n'aurons pas toujours la volonté politique de faire ces investissements à moins qu'ils ne produisent un flux de recettes. Ce sera aussi le cas au gouvernement fédéral. Je pense que la tarification du carbone devrait produire une sorte de flux de recettes qui retourneraient aux provinces, mais cela aide à résoudre les enjeux d'intérêt national qui s'ajoutent à tous les enjeux provinciaux.
(1635)
    Ma question s'adresse également à M. Moore. Vous avez parlé un peu plus tôt des laboratoires de recherche sur l'énergie et aussi de l'intention de notre gouvernement d'investir dans le volet innovation des ressources naturelles. Que pouvons-nous faire de plus en tant que gouvernement pour appuyer ces initiatives? Pouvez-vous ajouter quelques précisions à ce que vous avez déjà dit?
    Les laboratoires nationaux du département de l'Énergie des États-Unis ont investi dans ce domaine depuis les années 1950 afin de créer un secteur de recherche sur l'énergie qui avait pour mission de se pencher sur l'énergie atomique, les combustibles fossiles et les réseaux de transport. Les États-Unis ont fait d'énormes investissements dans ces laboratoires. Il y en a 11 dans les diverses régions du pays et je crois, franchement que ces laboratoires sont aujourd'hui sous-utilisés. C'est pourquoi ils recherchent des clients.
    Je proposais d'utiliser les talents des scientifiques qui travaillent dans ce domaine afin d'obtenir le type de produit dont nous avons besoin sans dépenser des sommes excessives, comme l'a précisé M. Plourde. Cela ne veut pas dire que les laboratoires technologiques canadiens soient déficients ou insuffisants. Je voulais simplement souligner que nous pouvons augmenter considérablement leur utilité.
    Comme je l'ai mentionné, je vais au Mexique la semaine prochaine. Nous proposons aux Mexicains, par l'intermédiaire de notre gouvernement, de les aider à découvrir une partie de leur potentiel technologique en utilisant le nôtre, en échangeant nos compétences, afin de favoriser également leur essor.
    J'ajouterais qu'en utilisant certains des outils dont nous disposons pour cibler les incitations, les investissements et l'innovation dans nos propres industries, en devenant nous-mêmes des laboratoires vivants, nous pouvons encourager et diriger le type d'innovation que nous souhaitons, sans nécessairement le préciser au niveau gouvernemental.
    Nous allons maintenant passer au tour de cinq minutes et je vais donner la parole à M. Barlow.
    Monsieur Plourde, je vous remercie d'avoir parlé de Fort McMurray. En tant qu'Albertain, je trouve que nous traversons des moments très difficiles. Je suis de High River, où nous avons été frappés par les inondations en 2013. Aujourd'hui, nous sommes aux prises avec les feux de forêt, cette catastrophe qui est éprouvante non seulement pour Fort McMurray, mais pour l'ensemble des Albertains. Quant à moi, j'ai l'impression de revivre à nouveau l'épisode des inondations.
    Monsieur Elgie, j'aimerais pouvoir partager votre optimisme et croire qu'il suffit de faire adopter cette vision environnementale. Je me demande souvent ce qu'il faudrait faire pour réussir à mettre le Sierra Club, Leadnow et les autres groupes de lobbyisme de notre côté. Je me demande vraiment ce qu'il faudrait faire pour les faire changer d'avis. Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas continuer nos efforts et j'ai apprécié vos commentaires.
    Vous avez évoqué notre mauvaise réputation en matière d'environnement et vous demandez si elle est justifiée. Que pouvons-nous faire à ce sujet? Je pense qu'une grande partie de l'image que nous avons dépend de la façon dont nous nous présentons. Il y a des groupes comme le vôtre ou comme Intelli prospérité, COSIA et l'In Situ Oil Sands Alliance de l'Alberta qui commencent à diffuser une image différente. Il ne suffit peut-être pas d'intervenir sur le plan de la réglementation, mais de s'organiser simplement pour proposer un meilleur message et mettre sur pied un meilleur plan de relations publiques. Je ne sais pas si je m'exprime clairement.
    Il me semble que notre histoire est intéressante et que nous avons un bon dossier sur le plan environnemental, mais quoi que nous fassions, même lorsque des groupes du secteur privé comme COSIA, un organisme épatant, conjuguent leurs ressources, leurs idées et leurs innovations, nous ne semblons pas être en mesure de faire un bon travail de diffusion auprès du public.
    Que pouvons-nous faire pour tenter de changer cette perception?
    Vous demandez à un avocat et à un économiste de raconter des histoires.
    Je sais que cela éveille l'enfant en vous.
    D'une certaine manière, c'est la mission que s'est donnée l'initiative Intelli prospérité. Probablement qu'il suffirait de changer notre façon d'exposer les faits, de bâtir une psychologie du succès au pays, de parler de ce que nous pouvons bien faire et de ce que nous faisons déjà bien. Mais, comme vous le savez probablement, à la base de tout narratif, il y a la réalité, et je crois que dans notre cas, la réalité c'est que nous voulons transformer l'exploitation des sables bitumineux, mais, parallèlement, voilà l'histoire que nous devons raconter.
    À vrai dire, nous poursuivons nos efforts. Quand on parvient à réunir les dirigeants de quatre des plus grands groupes environnementaux du Canada avec la première ministre Notley et quatre des plus grands PDG du secteur pétrolier, on constate que l'obstacle n'est pas insurmontable. Il y a eu un point de rencontre, puisque les PDG de quatre des plus grands groupes étaient sur l'estrade et que Greenpeace a publié un communiqué soulignant les côtés positifs de cette rencontre.
    Par contre, cela n'a pas contribué à ralentir les campagnes contre le projet Oléoduc Énergie Est, mais cela prend du temps, et la dynamique est en train de changer.
    Par conséquent, je pense qu'il faut continuer à changer les pratiques réelles, et pas seulement dans l'industrie pétrolière. Laissons certains groupes environnementaux responsables qui souhaitent un changement raconter eux-mêmes les progrès réalisés, car les industries pétrolières souffrent d'un certain manque de crédibilité lorsqu'elles en parlent. Quand ils sont sur l'estrade avec des représentants de l'Institut Pembina ou de l'initiative Intelli prospérité pour faire part de leur cheminement commun... Vous trouverez sur le Web toutes sortes d'histoires parlant d'innovation dans le secteur du pétrole et du gaz. Cela ne change pas le fait que nous avons toujours une énorme empreinte carbone, mais on peut voir les captivantes innovations dont nous faisons l'essai. Et si nous poursuivons nos efforts, ces innovations seront réalité dans cinq ans. Voilà la véritable histoire.
(1640)
    Je comprends. Cependant, quand on parle aux gens de l'ACPP, on comprend que ces quatre PDG debout sur l'estrade avec Rachel Notley n'ont pas fait grand-chose pour les petits et moyens producteurs. Ils ne sont pas si heureux de la situation. Pour certains Albertains du secteur pétrolier et gazier, ces quatre PDG ont vendu leur âme en pensant que la population donnerait sa bénédiction aux oléoducs et que Greenpeace cesserait son opposition. Rien de tout cela ne s'est passé. Il est certain qu'ils devaient avoir quelque chose derrière la tête, espérant qu'en se tenant aux côtés de Rachel Notley après la présentation de son programme de réduction des émissions de carbone, ils auraient moins de difficultés à faire accepter leurs oléoducs. Cela ne s'est pas produit.
    Je comprends ce que vous dites...
    D'un autre côté, il ne faut pas oublier que les groupes environnementaux qui étaient présents sur l'estrade ont été eux aussi attaqués par la frange radicale de leur mouvement. Voilà un groupe de dirigeants qui tentent de trouver un espace de solution au coeur même d'un débat acrimonieux et extrêmement conflictuel et qui se font attaquer par leurs propres partisans qui critiquent leurs efforts en vue de trouver un espace de solution.
    Je leur reconnais le mérite d'avoir essayé. Il leur faut vraiment du courage pour demeurer insensibles, mais quelqu'un doit bien faire l'effort de trouver cet espace de solution.
    Oui, bien sûr. On ne peut pas tout simplement baisser les bras devant les difficultés.
    Monsieur Moore, j'aimerais...
    Désolé, c'est tout le temps que vous aviez.
    M. John Barlow: Ah, mes cinq minutes sont écoulées!
    Merci.
    Le président: Monsieur Lemieux.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les trois témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    Ma question s'adresse à M. Moore.
    Le 13 avril dernier, M. Alex Ferguson, qui est vice-président de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, a témoigné devant notre comité. Je lui ai posé une question sur l'acheminement du pétrole canadien vers les marchés étant donné que c'est un aspect qui m'interpelle énormément. M. Ferguson a alors déclaré ceci:
Si nous croyons que les ressources naturelles de notre pays forment, et continueront de former, une part importante de notre économie, alors il faut se concerter afin de trouver la solution pour obtenir le maximum de flexibilité pour que toutes nos ressources naturelles atteignent toujours les bons marchés, au bon moment.
    Monsieur Moore, en quatre minutes, pouvez-vous nous expliquer comment, selon vous, le gouvernement canadien peut contribuer à trouver des solutions concertées pour obtenir le maximum de flexibilité afin que tous nos produits pétroliers atteignent toujours les bons marchés, et ce, au bon moment?

[Traduction]

    Je dirais qu'il y a trois choses que le gouvernement peut faire pour que les produits atteignent le marché, de la façon la plus compétitive et au bon moment. Nous ne pouvons manipuler le marché pour faire en sorte que nos ressources soient livrées plus ou moins rapidement ou qu'elles soient vendues plus rapidement que les autres produits, mais nous pouvons nous assurer qu'elles soient acheminées de la manière la plus efficiente possible.
    La première chose à reconnaître est que nos produits pétroliers se vendent au meilleur prix sur les marchés mondiaux. Les produits pétroliers lourds valent moins cher lorsqu'ils sont transportés vers des raffineries éloignées. De nos jours, la plupart des raffineries sont situées au milieu du continent. Les États-Unis disposent d'une grande capacité. Ils peuvent traiter essentiellement tous les produits que nous pouvons leur faire parvenir, mais à prix réduit, pas seulement en raison de la qualité — en d'autres termes, les raffineries paient moins cher le pétrole brut — mais en outre, le transport nous coûte plus cher. Nous pouvons transporter des produits vers ces marchés et obtenir le meilleur prix possible lorsque nous bénéficions de l'accord le plus efficace ou que nous avons la permission de les transporter par oléoduc.
    Deuxièmement, nous pouvons aller de l'avant et commencer à repérer les emprises dont nous aurons besoin pour les oléoducs, les câbles, la capacité de stockage et aussi pour les nouvelles installations ferroviaires, lorsque cela est nécessaire. Le gouvernement peut jouer un rôle capital dans le choix de l'emplacement de ces emprises. Il faudra parfois consulter les groupes autochtones et certaines emprises peuvent empiéter sur des terres privées pour lesquelles il faudra négocier une compensation avec les propriétaires.
    Enfin, je pense que nous pouvons rendre un grand service à l'industrie en la rendant la plus efficiente possible grâce au repérage des ports de sortie dont nous aurons besoin au cours des années à venir. Nous ne pourrons pas toujours demeurer tributaires de la capacité portuaire limitée des Maritimes ou de Vancouver. Nous aurons besoin d'autres ports pour augmenter l'efficience de nos exportations. Dans la mesure où le gouvernement pourra effectuer ce travail de repérage, aplanir les détails relatifs au dédommagement et à la propriété des terres, de la manière la plus égalitaire possible et en réduisant la concurrence éventuelle entre 16 sites portuaires différents, en utilisant l'autorité fédérale, le leadership fédéral, nous pourrons faire en sorte que ce marché soit le plus transparent et le plus rentable possible.
(1645)

[Français]

    En terminant, j'ai une brève question pour vous, monsieur Moore.
    Vous avez dit tout à l'heure que c'était une bonne idée de réunir les provinces et le gouvernement fédéral afin de discuter de la question énergétique et de l'environnement. Que pensez-vous de la dernière rencontre qui a réuni à Vancouver le gouvernement fédéral et les gouvernements de toutes les provinces?

[Traduction]

    Oui, j'admets mon préjugé initial. Je suis fédéraliste par nature et de comportement et j'applaudis le leadership du gouvernement fédéral qui a décidé de réunir les intervenants et de souligner le pouvoir unificateur du débat. Je pense que cela ne peut être que positif si nous maintenons cette attitude et si nous offrons la tribune appropriée pour permettre aux gens de surmonter les différences régionales et provinciales.
    Monsieur Doherty, la parole est à vous.
    Monsieur Moore, j'ai vraiment apprécié certains commentaires que vous avez faits. J'ai lu vos deux rapports Risky Business: The Issue of Timing, Entry and Performance in the Asia-Pacific LNG Market et votre document sur la stratégie nationale.
    Je viens de Cariboo-Prince George et je suis fier de ma province. En Colombie-Britannique, nous avons d'extraordinaires projets de GNL qui pourront avoir une incidence énorme à l'échelle nationale.
    Aujourd'hui, tous nos témoins et invités ont parlé de l'avantage concurrentiel qu'a le Canada, mais c'est également une question de temps. Comme l'a dit M. Elgie, il faut que certains pipelines soient approuvés dès maintenant. Au Canada, il y a des centaines de milliers de chômeurs.
    Mais, monsieur Moore, pour en revenir au GNL, la Colombie-Britannique a un des plus grands projets potentiels d'investissement de son histoire, peut-être même de l'histoire canadienne. Selon les estimations, ce projet aurait des retombées économiques de 32 000 milliards de dollars en retombées économiques pour notre PIB et pour le gouvernement canadien. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a adopté une stratégie GNL dont l'objectif est d'avoir trois installations de GNL en activité d'ici 2020. Pouvez-vous nous parler des exportations de gaz naturel liquéfié outre-mer et des incidences que cela aurait sur l'emploi et la croissance économique au Canada?
    J'ai consacré un rapport à ce sujet et je vous ai donné le lien pour y accéder. Je vais en résumer les conclusions et passer en revue les incidences probables d'un tel projet.
    La première conclusion est qu'il faut beaucoup de temps pour mettre au point un tel projet et les propositions d'investissement et ensuite les faire analyser par les divers paliers de gouvernement. Entre-temps, le marché de la région Asie-Pacifique a changé considérablement. Permettez-moi de vous parler de deux éléments en particulier.
    Premièrement, à la suite du tremblement de terre et des dégâts subis par la centrale nucléaire au Japon, la demande en GNL destiné à l'industrie de l'électricité a augmenté de manière astronomique — jusqu'à sept trains de GNL par an. C'est une augmentation exponentielle. Les prix ont augmenté et il était très intéressant pour nous d'envisager d'investir dans ce marché. Aujourd'hui, les installations nucléaires sont remises en activité et la demande et les marges de profit ont diminué sensiblement. La dynamique n'est plus la même et il faudra modifier le nombre de trains de GNL que nous pourrons utiliser pour accéder à ce marché.
    Deuxièmement, le marché fonctionne sur une base contractuelle et le marché du GNL est différent du marché pétrolier. Les marchés sont conclus longtemps en avance et leur durée d'application est d'une vingtaine d'années. Si un concurrent vous coupe l'herbe sous les pieds et emporte le marché, vous devrez attendre longtemps avant de pouvoir faire une autre soumission. Pourtant, les conditions changent; de nos jours, on s'adresse plus souvent au marché au comptant. Je crois que si nous prenons une décision et que nous réduisons le nombre de candidats, nous serons plus concurrentiels et nous aurons une meilleure chance de pouvoir accéder à ce qu'il reste de ce marché.
(1650)
    Ne pensez-vous pas, malgré tout, que le temps presse et que nous devons agir dès maintenant?
    Tout à fait, monsieur...
    Merci.
    ... nous sommes sur le point de nous faire grignoter.
    Monsieur Elgie, nous avons parlé de la mise en place d'un environnement concurrentiel. Nous semblons communiquer avec nos partenaires du sud, mais tout ce que nous faisons... Le temps que nous prenons à réfléchir est très important, mais le Canada doit demeurer concurrentiel. Le Canada doit demeurer concurrentiel. Vous avez parlé de l'imposition d'une taxe nationale sur le carbone. Ne pensez-vous pas que cela pénaliserait le Canada par rapport à certains de nos concurrents du sud, en matière de tarification du carbone?
    C'est le coût global de l'enveloppe qui importe, n'est-ce pas? Ce que je veux dire, c'est que la baisse du dollar canadien au cours de l'année écoulée a réduit considérablement les coûts, beaucoup plus qu'une tarification du carbone. J'ai aussi entendu des PDG du secteur pétrolier et gazier dire que la taxe sur le carbone est un prix modeste à payer par comparaison aux sommes qu'ils perdent faute de pouvoir avoir accès au marché. Leur point de vue à ce sujet a probablement plus d'intérêt que le mien. Je dirais qu'une taxe sur le carbone est relativement modeste, en particulier si les recettes sont réinvesties pour stimuler la compétitivité, soit par des réductions d'impôt, soit en investissant dans l'innovation et la technologie.
    Nous n'avons plus de temps.
    Nous allons passer à la prochaine série de questions.
    Monsieur Harvey.
    Monsieur Elgie, vous avez dit dans vos remarques préliminaires, que le manque de confiance environnementale ou le manque de confiance dans l'industrie en général coûtait à celle-ci de 10 à 15 milliards de dollars.
    Je pense que notre secteur pétrolier et gazier est un des plus novateurs du monde. Je crois qu'il n'y a personne dans cette salle qui puisse douter d'une telle affirmation. Je ne veux absolument pas amoindrir le mérite de ce secteur.
    À mesure que nous nous dirigeons vers une politique mettant plus l'accent sur la confiance totale du public et sur une approche plus verte, compte tenu du fait que je ne crois pas — les diagrammes l'ont bien montré — à cette idée que nous devons faire un choix conscient entre les deux, nous devons adopter une approche concertée afin de pouvoir respecter les normes en matière d'émissions de gaz à effet de serre au cours des 20, 40, 50 prochaines années. Un secteur pétrolier et gazier viable faisant appel aux innovations et à la technologie, ainsi qu'à une approche plus verte au cours des années à venir, nous placera dans une positon concurrentielle plus avantageuse par rapport aux autres régions qui auront choisi de conserver les anciens types de production.
    Voici ma première question. D'après vous, où se situe le rôle du gouvernement dans ce processus? Deuxièmement, pensez-vous que les entreprises du secteur privé peuvent collaborer avec le gouvernement dans le cadre de ce processus, compte tenu du fait que la majorité des grands producteurs ont affirmé que la tarification du carbone jouerait à leur avantage?
(1655)
    Je suppose que les deux vont de pair, n'est-ce pas? Quel devrait être le rôle du gouvernement, et collaborez-vous avec le secteur privé?
    Je crois que les occasions de collaboration sont plus grandes maintenant, car la plupart des grandes sociétés pétrolières et gazières sont maintenant d'accord avec cette vision pour leur avenir. Ce n'est pas qu'on essaie forcément de les entraîner dans un sens où elles ne veulent pas aller. D'une certaine façon, elles devancent effectivement le gouvernement, ou elles l'avaient devancé. Au cours des dernières années, elles ont cherché à entraîner le gouvernement dans ce sens. Je pense que c'est une bonne occasion de collaboration.
    Quel devrait être le rôle du gouvernement? On en a parlé un peu. De toute évidence, c'est une conversation bien plus profonde. Il faut entraîner l'innovation sur tout le spectre dont nous avons parlé. M. Moore a parlé de construire certains de ces laboratoires de recherche, et de nous relier à la capacité des États-Unis.
    À l'extrémité du spectre, nous avons dit que s'il n'y a pas de prix, il n'y a pas de demande pour l'innovation propre. C'est aussi simple que cela. Il faut avoir soit des normes réglementaires souples, soit un prix qui crée la demande, et le gouvernement doit intervenir à un certain niveau en complémentant les investissements, surtout pour les étapes du début où le capital privé ne le fait jamais. On l'appelle la vallée de la mort pour une bonne raison. L'industrie a fait des efforts plus que jamais auparavant. Je crois que la volonté d'avancer est réellement là.
    L'autre aspect dont nous n'avons pas parlé et qui se rapporte aux coûts, c'est que tout doit être fait d'une façon qui permet à l'industrie de ne pas hausser ses coûts et, dans l'idéal, fait baisser un peu ces derniers.
     L'innovation contribuera à cela, en quelque sorte, mais une fois de plus — et les écologistes ne seront pas heureux de me l'entendre dire —, il nous faut aussi, entre autres, trouver des moyens d'atteindre une plus grande efficience réglementaire. Le système d'approbation comprend-il des règlements coûteux et encombrants, que nous pourrions rendre plus efficients et dont nous pourrions réduire les coûts, de sorte qu'elles puissent investir davantage d'argent dans les solutions vertes que nous voulons et moins dans les coûts réglementaires qui ne mènent pas forcément à des résultats? Et cela est seulement dans le cas des conduites menant à l'approbation qu'elles doivent suivre et dans lesquelles on pourrait trouver quelques efficiences à réaliser qui leur occasionneront une économie de coûts.
    Il y a trois ans, je n'aurais pas été très optimiste. Aujourd'hui, je crois que nous avons une bonne chance de mettre l'industrie sur la trajectoire d'une performance environnementale concurrentielle sur la scène mondiale. Nous ne saurons pas avant cinq ou dix ans si nous avons réussi, mais nous nous dirigeons dans ce sens maintenant, ce qui est encourageant.
    Monsieur Plourde, j'ai une petite question pour vous.
    Sur le plan des émissions de carbone, dans notre transition pendant les 10, 15 ou 20 prochaines années, pensez-vous que nous aurons de meilleurs résultats si nous tentons d'imposer une tarification modérée au carbone? Et cela en reconnaissant, comme je le fais et tout le monde le fait, que les sociétés doivent pouvoir être profitables et réinvestir en elles-mêmes. L'industrie stimule toujours l'innovation — absolument.
    Pensez-vous que les sociétés seront en mesure de faire avancer leur innovation plus rapidement avec une tarification modérée du carbone suivie de subventions à l'innovation par le gouvernement, ou par simplement des subventions directes à l'innovation? Quelle serait la voie la plus efficace?
    D'après l'histoire de la politique climatique du Canada au cours des 25 dernières années, nous nous sommes appuyés principalement sur la méthode des subventions et nous n'avons pas obtenu les résultats escomptés.
    Essentiellement, pour motiver les gens à investir, il faut attribuer un prix aux émissions. Je crois que c'est ce que nous avons dit tous les trois d'une façon ou d'une autre. Cela produit le rôle actif. Chaque fois qu'une société peut réduire ses émissions d'une tonne, elle évite, à toutes fins pratiques, de payer la taxe. Ce système offre une motivation continue.
    À mon avis, nous avons besoin d'une combinaison des deux approches. Il faut d'une part donner le message clair selon lequel produire des émissions s'accompagne d'un coût, mais d'autre part accorder un certain investissement de R-D ou du secteur public pour l'innovation comme vous l'avez dit.
    À mon avis, les deux sont inséparables. S'appuyer sur un seulement équivaut à omettre un élément de la stratégie.
    Monsieur Cannings, à vous la parole. Vous avez trois minutes.
    Je commencerai avec M. Elgie.
     La ministre Bennett est à New York aujourd'hui, annonçant que le Canada adhère pleinement à la grande Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Dans cette déclaration, le principe du consentement préalable, libre et éclairé occupe une grande place.
    Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de cette idée et de la façon dont elle se rapporte à ce dont nous parlons?
(1700)
    Pouvons-nous résoudre les problèmes autochtones au Canada? Je crois que c'est une bonne chose pour nous que de signer cette déclaration. Je crois que les Premières Nations ont le pouvoir maintenant de gêner, voire bloquer tout nouveau développement linéaire si celui-ci n'est pas à leur avantage en bout de compte. C'est probablement une bonne chose. Je n'ai pas besoin de vous dire ici à quel point est fort le besoin de développement économique durable dans les Premières Nations et les régions autochtones du pays.
    À mon sens, le grand défi consiste à savoir faire cela d'une façon qui établit des économies raisonnables, durables et viables dans les régions des Premières Nations. Il ne s'agit pas simplement de leur donner suffisamment d'argent pour qu'elles autorisent le passage de l'oléoduc. Il s'agit de créer les compétences, la formation et les possibilités d'emploi qui permettront à ces endroits de prospérer dans 20, 30, 40, 50 ou 100 ans, deux ou trois générations plus tard.
    Ce sont d'énormes défis. Je répète, c'est un des plus grands défis de notre nation. Si nous pouvons prendre une partie de la richesse que nous générons en faisant ceci et la réinvestir avec ce but précis à l'esprit, nous aurons réglé un des plus grands défis auxquels ce pays est confronté.
    Voici une question rapide et facile pour M. Plourde.
    Nous avons beaucoup parlé de la tarification du carbone. Le Canada a accepté, avec le reste du monde, de viser une limite de 2 °C pour le réchauffement de la planète.
    Avez-vous un chiffre magique pour le prix du carbone, qui donnerait un message assez fort aux Canadiens pour qu'ils fassent leur part?
    Cette question diffère de ce qu'elle était au départ. Il n'y a pas de prix que les Canadiens pourraient payer qui produirait une solution de 2 °C pour le monde. C'est une chose que nous devons comprendre clairement, à mon avis.
    Cela exige une coopération à l'échelle mondiale et c'est le message que j'aimerais vous communiquer.
    Oui, il y a un prix. Si nous sommes disposés à le payer, c'est une tout autre paire de manches, mais le Canada ne peut pas, à lui seul, établir un prix à cet effet.
    Quel est alors le prix du carbone que le monde aura à payer pour faire ce qu'il faut?
    Je crois qu'il est beaucoup plus élevé que ce que les gens paient maintenant. M. Elgie parlait d'un ordre de 100 $. C'est à ce niveau que la conversation doit débuter.
    Il y a, dans le monde aujourd'hui, des endroits qui ont des prix de cet ordre et qui ont des économies concurrentielles viables.
    C'est tout le temps que nous avons à l'horaire. Je propose que nous suspendions la séance pendant quelques instants afin de déterminer comment nous utiliserons le reste de notre temps, si les témoins peuvent patienter un moment.
    En tant que père monoparental cette semaine, je serai dans de très mauvais draps à la garderie si je n'ai pas quitté dans 10 minutes; je resterai donc 10 minutes, mais ne vous sentez pas visé si je pars après ça.
    Merci de nous en avertir.
    Nous ne prendrons pas ombrage. Nous devrions donc vous poser en premier toutes les questions qui vous concernent.
    Madame Bergen, à vous la parole pendant cinq minutes.
    Monsieur Elgie, je vous demanderai d'abord vos observations sur une tout autre orientation de la question. Le gouvernement actuel a intégré le contrôle des émissions de GES en amont dans le processus d'approbation des nouveaux projets, pas seulement des oléoducs, mais d'exploitation minière et du GNL également.
    J'étais récemment en Chine et j'ai entendu un nouveau terme là-bas que je trouve assez intéressant. Il était question d'empreinte positive par opposition à empreinte tout court. Vous souriez, et je suis donc curieuse de savoir ce que vous en pensez. Selon cette notion, un pays comme le Canada obtiendrait un crédit si, par exemple, il vend le GNL à la Chine ou des produits forestiers à la Chine, au lieu de laisser cette dernière utiliser le béton, qui produit d'énormes émissions de GES. C'est peut-être une idée étrange, mais pensez-vous que le Canada pourrait bénéficier d'un certain crédit pour avoir aidé à réduire l'empreinte mondiale dans des endroits comme la Chine lorsqu'il vend ses ressources naturelles à l'étranger?
    Avez-vous entendu parler de la notion d'empreinte « positive »? Pensez-vous que c'est une chose que le gouvernement devrait prendre en compte dans son remaniement de l'ONE et du processus de réglementation? S'il examine le principe des GES en amont, pourquoi ne pas envisager celui de l'impact de l'empreinte positive en aval que le Canada aurait dans le monde?
(1705)
    C'est une bonne question. En effet, en théorie, comme l'a dit M. Plourde, le changement climatique est un problème mondial. Les seules solutions qui comptent le plus sont les systèmes mondiaux que nous changeons sur le plan de la production, du transport et de la consommation. Pour ce qui est du débat sur la responsabilisation nationale, à qui le crédit et à qui le débit, il n'y a pas de bonne réponse. La Chine ne serait pas heureuse si nous récoltions tout le crédit, parce qu'elle n'en aurait pas pour avoir réduit ses émissions.
    Tout ce que je pourrais dire — et c'est là que M. Moore pourrait en dire davantage —, c'est qu'il n'est pas évident fondamentalement que vendre du gaz naturel à la Chine ou à d'autres pays d'Asie ne fera que remplacer le charbon. Ces pays investissent davantage maintenant dans les énergies éoliennes et solaires qu'ils ne le font dans les nouvelles capacités énergétiques au charbon. C'est quelque chose qui doit être examiné au cas par cas pour savoir qu'est-ce qui remplace quoi; mais oui, dans la mesure où...
    C'est ce que nous faisons avec la méthode en amont. Nous procédons au cas par cas.
    Oui, le cas par cas fonctionne, dans la mesure où on procède à des calculs honnêtes et exacts.
    Mais à toute fin pratique, dans un monde où la tarification ou des politiques climatiques sévères sont instaurées, la demande nous poussera dans ce sens. C'est là la beauté d'un système de tarification. Au lieu que le gouvernement n'ait à s'engager dans une réglementation et à se demander comment réglementer le comportement de tous pour faire en sorte qu'ils se comportent comme s'il y avait un prix, il suffit de laisser le marché déterminer les coûts environnementaux, que ce soit en Chine, au Canada, aux États-Unis ou n'importe où ailleurs. À ce stade, les investissements privés nous pousseront dans ce sens de toute manière, et il ne sera pas nécessaire que le gouvernement dise à tout le monde comment se comporter comme si l'environnement avait un prix.
    Je crois que j'ai le temps d'entendre les observations de M. Moore ou de M. Plourde.
    J'aimerais ajouter une chose à ce que M. Elgie a dit, et c'est au sujet des systèmes de comptabilité nationaux. Une des raisons pour lesquelles nous entamons cette discussion avec le Mexique et les États-Unis, c'est pour tenter d'imaginer un cadre régional qui pourrait être un précurseur de ce dont vous parlez. C'est un peu plus simple à gérer, parce qu'il n'y a que trois intervenants. De fait, si nous réussissons à l'échelle nord-américaine et arrivons à une transférabilité, des taxes efficaces et une comptabilisation des émissions, il est probable qu'à l'avenir d'autres pays plus grands et plus diversifiés adoptent cette formule ou la trouvent très attrayante. C'est un bon point de départ.
    Monsieur Plourde.
    J'ai deux points rapides. Je conviens avec M. Moore que l'Amérique du Nord est un laboratoire d'expérience pour ceci. Je ne suis pas un grand promoteur des transferts de crédits, parce que les problèmes de comptabilité sont phénoménaux pour ce qui est de suivre tout cela correctement. Est-ce permanent? Est-ce temporaire? Est-ce important? Il y a beaucoup de choses à prendre en compte. C'est un projet pour faire travailler les fonctionnaires qui, à mon avis, ont bien d'autres choses à faire de mieux que cela.
    Plus tard, j'aimerais voir quelque chose qui soit davantage relié à l'Organisation mondiale du commerce pour ce genre de système. Si nous voulons nous étendre au-delà de l'Amérique du Nord, c'est la voie à envisager.
    Monsieur Serré, à vous la parole.
    Nous avons parlé des défis que nous avons eus au cours des dernières années et sur le plan environnemental. Peut-être que M. Elgie pourrait nous en parler davantage. J'ai fait allusion plus tôt aux principes intérimaires annoncés par notre gouvernement en janvier. Comment suscitent-ils la confiance du public dans les grands projets? Avez-vous des exemples? Pouvez-vous me donner quelques exemples de la façon dont vous simplifierez le processus de réglementation?
    Je conviens avec M. Plourde que l'évaluation environnementale n'est qu'une partie de la formule réglementaire et qu'elle représente un seuil bas. Il faut au moins faire cela. Ce sont les incitatifs que nous créerons qui produiront l'excellence que nous visons. Il n'en demeure pas moins que des exigences minimales sont importantes aussi.
    Examiner le coût environnemental d'un projet relève du bon sens. Ce n'est pas une bonne idée de fermer les yeux sur le coût total. Il ne s'agit pas de changer les renseignements dont on dispose, mais de connaître le coût total. Nous avons déjà fait cela. Dans le cadre de la dernière affaire au cours de laquelle j'étais avocat plaidant, je défendais exactement ce point au sujet des exportations d'énergie du barrage de Grande-Baleine. La Cour suprême du Canada a déclaré qu'il est évident, fondamentalement, qu'il faille examiner les répercussions en amont de la production d'énergie quand on en autorise le transport. Ce n'est donc pas une nouvelle idée. Cette notion est un élément inhérent de l'évaluation environnementale en Amérique du Nord depuis longtemps.
    Ceci étant dit, à mon avis, les évaluations environnementales ne devraient pas être utilisées comme tactiques de temporisation. Elles sont quelquefois utilisées ainsi. J'apprécie certaines des choses que le gouvernement précédent a adoptées, notamment les limites de temps imposées aux évaluations environnementales. Il faut faire preuve de souplesse. Il faut reconnaître que tout comme chaque structure ne met pas le même temps à être construite, chaque évaluation environnementale ne prendra pas le même temps. Le temps de construction d'un bungalow et celui d'un gratte-ciel ne sont pas les mêmes. Il faut donc prévoir une certaine souplesse, mais en intégrant certains de ces aspects d'efficience.
    En dernier lieu, si vous réglez les défis liés aux sables bitumineux, vous éliminez une grande portion de ce qui entrave le processus d'évaluation environnementale pour l'approbation des oléoducs. Les gens ne pensent pas avoir un forum dans lequel parler des problèmes liés aux sables bitumineux, et ils empilent donc tout dans le processus de l'approbation des oléoducs. Ça ne devrait pas être le cas. Si vous éliminez cet aspect, les oléoducs redeviennent le sujet principal.
(1710)
    Monsieur Moore, vous avez parlé de la nécessité de disposer d'une stratégie énergétique. Vous avez aussi mentionné le fait que Wayne Gretzky allait là où la rondelle allait se trouver et non pas là où elle était. J'en déduis que, à votre avis, la stratégie ou le système actuel ne fonctionne pas, ou qu'il doit être amélioré.
    Je ne pense pas que nous ayons une stratégie, à l'heure actuelle. Nous avons une série d'accords mouvants et quelques politiques fixes entre les provinces ou les parties, dont la validité n'est pas de longue durée. Si nous pouvions changer la façon dont nous réagissons aux marchés et agissons dans un plus grand esprit de collaboration, nous serions capables de définir une intention stratégique.
    Où voulons-nous être demain? Voulons-nous continuer à être un exportateur de produits énergétiques? Voulons-nous participer aux industries transformatives qui passent à l'étape suivante, qui est probablement davantage d'électricité et de produits chimiques plutôt que de matières premières pétrolières et gazières brutes et non traitées? Si nous pouvons mener ce débat et décider d'un objectif stratégique, nous serons au début d'une stratégie plutôt qu'au milieu d'une série de plans imbriqués.
    Vous avez aussi déclaré plus tôt que vous êtes un fédéraliste, et vous semblez applaudir le fait que le gouvernement fédéral tend la main aux provinces. J'en déduis que vous estimez qu'un engagement public est nécessaire. Il ne devrait pas être mandaté. Il devrait se fonder sur des consultations et sur l'obtention du point de vue des personnes qui participent au processus. Est-ce exact?
    C'est exact. Je dirai qu'en intégrant le public, on crée la transparence en ce qui a trait à la nature des décisions et à ce qui est en cause. Les participants devraient sentir leur inclusion, sans toutefois avoir peur de demander un répit ni craindre de prendre une décision. Ils devraient exercer le leadership unificateur qui est la marque d'une fédération, par opposition à une chaîne de provinces qui fonctionnent indépendamment les unes des autres et du gouvernement fédéral, dans leurs décisions en matière d'énergie.
    Je suppose que vous convenez que ce processus devrait inclure tous les ordres de gouvernement, le secteur industriel, la collectivité autochtone et les groupes environnementaux. Ai-je raison?
    Vous avez tout à fait raison.
    Monsieur Barlow, à vous la parole.
    Merci, monsieur le président. J'apprécie avoir un peu plus de temps. Je vais commencer par M. Plourde.
    Vous dites que d'après vous, la chose la plus importante que nous puissions faire serait de permettre à l'industrie de jouer un rôle clé et au gouvernement d'établir les politiques. J'ai parlé à de nombreux représentants de l'industrie, et j'en déduis qu'ils ne demandent pas la charité. Ils veulent simplement un cadre dans lequel ils peuvent fonctionner. Les industries investiront l'argent et s'occuperont de cet aspect.
    Quel est, d'après vous, le rôle que ce comité devrait avoir? Quel message devrions-nous transmettre au gouvernement et au ministre? Quel devrait être le rôle du gouvernement et celui de l'industrie privée? Devrions-nous nous écarter du chemin et laisser l'industrie privée tenter de mener cette innovation et la politique environnementale, ou ne pas mener la politique environnementale, mais assumer le rôle de leader plutôt que de le conférer au gouvernement?
(1715)
    Je dirais que les gouvernements devraient avoir d'ambitieux objectifs de politique publique. J'estime que c'est au gouvernement que revient la responsabilité de déterminer la nature des objectifs de politique publique et de veiller à établir des mécanismes de mesure ambitieux. Par exemple, il y a les accords internationaux que nous devons respecter. Il y a toute une gamme d'autres choses. Ensuite, je crois que le rôle principal des gouvernements est l'établissement du cadre stratégique, comme je l'ai dit plus tôt. Après cela, il y a éventuellement le rôle de participant direct dans les projets de R-D. Il y a aussi, comme cela a été dit précédemment, le rôle d'établissement du cadre réglementaire et d'application de ce cadre réglementaire.
    Je trouve plus difficile d'attribuer au gouvernement un rôle dans l'établissement de l'orientation que l'industrie devrait adopter. Les signes devraient venir des gouvernements, et les décisions devraient être celles des personnes qui mettent la main aux activités. À mon avis, ces dernières savent mieux que quiconque qui est assis dans un bureau quelque part à distance de tout, quelles sont les décisions à prendre et les avantages concurrentiels à exploiter. C'est mon opinion.
    J'aimerais faire suite à votre réponse à la question de ma collègue, quand vous avez dit que c'est en vendant notre GNL à la Chine que nous pourrions avoir la plus grande influence, en tant que Canadiens, sur les émissions mondiales de GES. Cela aurait un impact beaucoup plus profond que ce que nous faisons actuellement en nous souciant de notre 2 %. Je voulais simplement préciser cela, que mettre sur le marché nos produits aurait une bien plus profonde influence sur les émissions mondiales de GES.
    Vous avez parlé aussi de l'importance d'une stratégie à long terme sur 10 à 15 ans. On entend toujours parler de l'effet néfaste qu'a l'incertitude sur l'industrie. En tant qu'Albertain, j'entends cela tous les jours. Pouvez-vous nous parler un peu plus de cette stratégie? De quoi aurait l'air cette stratégie ou ce cadre? À l'heure actuelle, le processus d'approbation est en train d'être remanié, mais personne n'a expliqué quel sera le résultat de ce remaniement. Nous allons faire cela pendant des mois, alors que nous avons deux projets clés qui attendent et qui sont prêts à se soumettre à ce processus. De quoi aurait l'air cette stratégie, et à quel point estimez-vous qu'il est important pour l'industrie qu'une fois que nous avons pris certaines décisions, nous respections vigoureusement le protocole de sorte que l'industrie connaisse la stratégie et la structure selon lesquelles elle doit fonctionner?
    J'aimerais dire deux choses en réponse. Tout d'abord, l'industrie doit vivre avec beaucoup d'incertitude sur le plan des taux de change et aussi sur l'existence des contrats en vertu desquels elle vendra le produit. Ces éléments d'incertitude sont une caractéristique de l'environnement opérationnel de l'industrie de l'énergie conventionnelle. Il me semble que toute politique devrait viser à ne pas aggraver le contexte d'incertitude dans lequel l'industrie doit évoluer.
    Ceci étant dit, il est important à mon avis de donner des signaux clairs. Je crois assurément que le secteur public a un rôle à jouer dans l'investissement dans la recherche et le développement. Je crois que nous avons tous dit à peu près la même chose. Mais je voudrais signaler aussi que l'Alberta a entièrement remanié ses pratiques de réglementation de l'énergie au cours des 10 dernières années. Elle l'a fait de façon consultative, mais elle l'a fait aussi parce que les réalités de l'industrie changent au fil du temps. Les politiques et les règlements doivent suivre ces changements.
    Ce que j'essaie de dire, c'est que ce serait une mauvaise idée que de mettre en place quelque chose qui ne changera pas pendant les 15 prochaines années. Nous devons nous assurer de demeurer à l'avant-plan des besoins des consommateurs et des producteurs, ainsi que des Canadiens en général. Cela exigera certains ajustements au fur et à mesure que nous avançons. Prenons l'exemple de l'Alberta où ce type de changement s'est produit au cours des 10 dernières années.
    Souplesse.
    Mais souplesse appuyée par des principes, et non pas se réveiller simplement un matin et décider qu'on veut faire quelque chose de différent.
    Exactement.
    Monsieur Harvey, c'est votre tour.
(1720)
    Monsieur Moore, ma question porte sur l'innovation — principalement poussée par l'industrie — que nous avons vue au cours des dernières années et que l'industrie pétrolière et gazière continuera à faire pour tenter de répondre aux exigences du permis social de fonctionnement. Pensez-vous que l'industrie pourrait bénéficier davantage d'une tarification du carbone, ou d'un système de plafonnement et échange? Quel système offre à l'industrie le plus haut degré de souplesse et d'exploitabilité dans ses projets d'innovation et de croissance?
    Le concept de la taxe sur le carbone offre considérablement plus de certitude à l'industrie. Même s'il est prévu que la taxe variera, l'industrie peut comprendre ce qu'elle lui dit au sujet des technologies, des procédures ou des procédés qu'elle utilise, alors qu'un système de plafonnement et échange — surtout pour quelque chose qui contient du méthane ou du dioxyde de carbone, qui ne sont pas du tout localisés une fois dans l'atmosphère — permet une plus grande souplesse de changements du point de vue législatif ou politique, et intensifie la caractéristique de risque dont M. Plourde vient de parler. Réduire la perception de risque ou le risque face au marché pour le financement ou pour la poursuite des opérations est quelque chose de bon.
    Dans ce contexte, pour ce type de problème, le fait de fixer une taxe ou un droit approprié, clair et transparent sur le carbone fondé sur ce qu'exige la neutralisation des mauvais éléments du dioxyde de carbone ou du méthane est de loin préférable à un système de plafonnement et échange.
    Au cours des derniers mois, on a beaucoup parlé du leadership qu'a assumé le gouvernement fédéral dans le dossier du changement climatique, et de ses efforts visant à encourager la collaboration avec ses homologues provinciaux. J'aimerais avoir votre opinion sur cette approche et sur la façon dont vont les choses. Le leadership du gouvernement et son encouragement des provinces à se joindre à l'élan et à travailler en collaboration feront-ils avancer notre objectif de tenter non seulement de respecter nos obligations quant aux émissions de GES, mais aussi d'encourager le type d'environnement qui permettra aux projets comme l'oléoduc Énergie Est ou l'oléoduc proposé par la Pacific NorthWest LNG d'aller de l'avant?
    Comme l'a fait remarquer votre président, j'ai révélé mon opinion biaisée au sujet d'où la centralisation et, disons, le leadership le plus persuasif devraient venir. Collectivement, en tant que nation, nous nous sommes écartés grandement de la vision que j'ai projetée dans le document sur la stratégie énergétique nationale que vous avez ici. Nous ne reviendrons pas en un clin d'oeil au stade où nous aurons des normes fédérales sur la qualité environnementale ou même sur le leadership en matière de débouchés commerciaux.
    Cependant, je crois que vous êtes sur la bonne voie. Que le gouvernement fédéral fournisse des incitatifs et démontre les possibilités qui existent produira, franchement, un bien meilleur résultat, un résultat dont les avantages collectifs pour le Canada dépassent de loin tout ce qu'une province individuelle pourrait créer au moyen d'un programme de plafonnement et échange avec un pays étranger, ou quelqu'autre avantage en matière de relations strictement nord-sud.
    Il y aura quelques occasions de démontrer les avantages collectifs, ou les choses par lesquelles récompenser les provinces: un réseau est-ouest, ou ouest-est d'électricité est probablement à l'horizon, et il offrira d'immenses avantages collectifs. Il en va de même avec un système énergétique qui fournit des données et des analyses à toutes les provinces pour qu'elles améliorent leur sort. Tout cela sera stimulé par le leadership et l'exemple fédéraux.
(1725)
    Monsieur Cannings, vous avez la parole.
    J'ai une seule chose à demander à M. Moore. Nous avons entendu beaucoup d'opinions à ce comité au cours des dernières semaines au sujet de l'innovation et de la façon dont nous devons l'encourager, surtout dans le cas des sables bitumineux — comme M. Elgie le disait — pour aider notre réputation environnementale ainsi que, on l'espère, réduire les coûts. Cependant, COSIA nous a informés que les innovations auxquelles ses membres travaillent — dont certaines sont très excitantes — ne seront appliquées que dans les nouveaux projets de sables bitumineux. En général, les projets existants ne les appliqueront pas. Or, le prix du pétrole dans le monde restreint le nombre des nouveaux projets de sables bitumineux.
    Je me demandais simplement si vous aviez une idée du prix du pétrole auquel ces projets reprendront.
    Eh bien mon opinion sur ce que devrait être le prix du pétrole n'est certainement pas ce que le prix du pétrole a été. Je suppose qu'il est peu probable que nous puissions voir un prix supérieur à 60 $ à l'avenir, et cela sera un prix mondial du pétrole tenant compte des coûts d'extraction et de traitement. Ce prix ne suffirait pas à motiver de nouvelles et plus petites firmes à participer. De fait, l'investissement reviendrait probablement vers les sociétés bien établies qui peuvent se le permettre.
    Je vais vous donner un court exemple. Il y a plusieurs années, certains des ingénieurs de Shell essayaient, à titre expérimental, d'utiliser le dioxyde de carbone comme source de propulsion du coke de pétrole dans un oléoduc. Autrement dit, ils essayaient de créer une boue en utilisant le dioxyde de carbone tellement pressurisé qu'il était liquide, permettant de propulser les deux produits vers le sud, par exemple, où ils pourraient être injectés ou neutralisés. Cela n'est pas venu d'incitatifs du gouvernement, mais de leurs efforts de régler de façon créative le problème des restrictions futures sur le dioxyde de carbone. Je crois que seules des grandes entreprises bien établies pourraient probablement encourager une telle chose.
    Vous avez 30 secondes, si vous voulez.
    Monsieur Plourde, vous avez 30 secondes pour répondre.
    Vous en avez maintenant 20.
    L'avenir des sables bitumineux, à mon avis, réside au sein des très grandes entreprises, parce que ces projets, individuellement, sont si coûteux qu'il est très difficile de rassembler le capital nécessaire à leur exploitation. À mon avis, l'avenir des sables bitumineux exige de gros investissements sur le plan des opérations et de l'environnement. Je ne vois pas un grand nombre de petits intervenants participer.
    Très bien.
    Je vous remercie beaucoup, ainsi que M. Elgie qui, si j'ai bien compris, a dû partir.
    C'était très informatif et utile. C'était un peu comme retourner à l'école, à la différence près que j'ai effectivement prêté attention et pris beaucoup de notes aujourd'hui, ce qui est un compliment à vous deux.
    Je ne pense pas qu'il y a autre chose à l'ordre du jour aujourd'hui. Nous nous reverrons tous mercredi, mais j'ignore où.
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