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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 038 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 décembre 2016

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

     Bonjour à tous. Je suis heureux de vous voir ici pour cette réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne. Nous entamons la première de deux séances sur le travail des défenseurs des droits internationaux de la personne. Bien entendu, nous allons souligner la Journée des droits de l'homme et le mois des droits de la personne.
    Nous étions censés avoir deux témoins aujourd'hui. Malheureusement, Mme Hansen a dû se retirer. Nous sommes toutefois ravis et honorés d'accueillir M. Frédéric Hareau, qui est directeur des programmes chez Equitas. Merci beaucoup de votre présence.
    Fondée en 1967, Equitas est une organisation canadienne à but non lucratif dont les travaux portent essentiellement sur l'éducation en matière de droits de la personne. Comptant 40 employés, elle a formé plus de 5 000 défenseurs des droits de la personne venant de 140 pays dans le cadre notamment du Programme international de formation aux droits humains qu'elle donne chaque année pendant trois semaines. Equitas fait équipe avec les anciens de ce programme pour offrir d'autres programmes d'éducation en Asie, en Afrique, dans les Amériques, en Europe centrale et de l'Est, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Equitas a aussi mis en place des programmes pour les jeunes Canadiens, notamment On ne joue pas avec les droits et Parlons droits. Les trousses pédagogiques sur les droits de la personne qu'ils comprennent peuvent être utilisées lors de camps de jour et de programmes parascolaires. Equitas est soutenue financièrement par le gouvernement du Canada, les gouvernements provinciaux et les administrations municipales.
    Equitas offre une vaste gamme de services pour soutenir les défenseurs des droits de la personne, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde. Je ne crois pas qu'il y ait un meilleur organisme que celui-là pour nous parler des droits de la personne. Cela dit, je vais laisser la parole à notre invité, puis nous pourrons lui poser des questions.
    Merci, monsieur Hareau.
     Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais faire mon exposé en français, mais quand j'aurai terminé, je pourrai assurément répondre à quelques questions en anglais.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Sous-comité, j'aimerais tout d'abord vous remercier de cette invitation. Je vous remercie également de mener une étude sur la question des défenseurs des droits de la personne.
    Comme vous l'imaginez, c'est une question qui est au coeur du travail d'Equitas depuis de nombreuses années et qui, de plus, nous apparaît extrêmement importante dans le contexte actuel.
    Depuis plus de 50 ans, Equitas – Centre international d'éducation aux droits humains promeut l'éducation aux droits de la personne tant au Canada qu'à l'échelle internationale. Grâce au soutien du gouvernement, nos programmes de renforcement des capacités ont équipé plus de 5 000 défenseurs des droits de la personne dans plus de 140 pays.
    Les actions d'Equitas visent à générer des changements profonds et durables en s'attaquant aux inégalités qui marginalisent les individus et les groupes auxquels ils sont rattachés et qui empêchent les hommes et les femmes de réaliser leur plein potentiel et de participer activement au développement social, politique et économique de leur communauté et de leur nation. Les défenseurs des droits de la personne sont les catalyseurs de tels changements.
    Mon témoignage à votre intention s'appuie sur la longue expérience d'Equitas, de même que sur celle des centaines de défenseurs des droits de la personne avec qui nous travaillons dans l'ensemble du monde. Il s'appuie également sur notre collaboration avec nombre d'institutions internationales, incluant le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme et les rapporteurs spéciaux qui travaillent à la question des défenseurs des droits de la personne, qu'il s'agisse de Michel Forst, le rapporteur spécial actuel, que nous avons récemment fait venir au Canada, ou de Margaret Sekkagya, ancienne rapporteuse spéciale originaire de l'Ouganda et maintenant membre honoraire du conseil d'administration d'Equitas.
    Mon témoignage s'appuie aussi sur les consultations que nous avons menées dans les derniers mois auprès de défenseurs des droits de la personne dans le cadre de l'examen de la politique internationale du Canada mené par Affaires mondiales Canada.
    Pendant mon intervention, j'aimerais aborder trois éléments. Tout d'abord, il y a le contexte international, qui influe fortement sur la réalité et le travail des défenseurs des droits de la personne actuellement. J'aimerais également souligner certains des aspects qui touchent plus particulièrement la situation des défenseurs des droits de la personne. Enfin, j'aimerais proposer quelques recommandations quant au rôle que le Canada pourrait jouer à l'échelle internationale pour appuyer le travail des défenseurs des droits de la personne.
    Concernant le contexte actuel, je ne donnerai pas un aperçu d'ensemble, mais je soulignerai simplement trois éléments importants.
    Tout d'abord, il y a la résurgence ou l'apparition de nouveaux conflits dans plusieurs régions du monde et les grandes crises humanitaires qui en découlent. Tout le monde est au courant, par exemple, de la crise des réfugiés. Le nombre de réfugiés ne cesse de s'accroître. Aux réfugiés qui fuient leur pays en guerre s'ajoutent des personnes déplacées par des catastrophes naturelles. Les femmes et les enfants réfugiées sont particulièrement vulnérables, notamment aux violences sexuelles.
    Le deuxième élément important est l'insécurité mondiale grandissante qu'on peut observer. Cette insécurité est d'abord liée aux attaques et aux mouvements terroristes, mais également aux mesures répressives et à la militarisation qui en résultent, qu'un certain nombre d'États mettent en place, lesquelles mènent souvent à des violations flagrantes des droits de la personne et placent les enjeux de sécurité au coeur du travail des défenseurs des droits de la personne.
    Enfin, j'aimerais souligner que l'environnement est de plus en plus difficile pour la société civile à l'échelle internationale. Paradoxalement, le rôle de la société civile est de plus en plus reconnu à l'échelle internationale et au Canada, mais dans un certain nombre de pays, on observe que l'espace dont elle dispose pour faire son travail se réduit.
    Une étude menée par la Fondation Carnegie pour la paix internationale en 2015 a révélé qu'en trois ans, plus de 60 pays du monde ont adopté ou rédigé des lois qui restreignent l'activité des organisations de la société civile.
    Dans un rapport récent, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme a souligné que les organisations de la société civile étaient de plus en plus l'objet d'attaques dans de nombreuses régions du monde.
     Le haut-commissaire aux droits de l'homme a également souligné, dans ce même rapport, que cinq composantes étaient essentielles pour appuyer le travail de la société civile et pour créer un environnement sécuritaire et propice : un cadre juridique robuste conforme aux normes internationales et qui protège les libertés publiques et l'accès à la justice; un environnement politique propice; un accès à l'information; des espaces de participation aux processus décisionnels pour la société civile; et, enfin, un soutien et des ressources à long terme.
    Cependant, force est de constater que ces conditions sont loin d'être remplies dans de nombreux pays du monde. En fait, dans certains pays, on a observé une régression dans les dernières années.
    Examinons maintenant la situation des défenseurs des droits de la personne, qui sont évidemment les premiers touchés par cette régression.
    Dans son rapport présenté en 2015 à l'Assemblée générale de l'ONU, Michel Forst, le rapporteur spécial, souligne une détérioration de la situation des défenseurs des droits de la personne et une complexification des menaces auxquelles ils sont confrontés. Cette complexification est attribuable à la multiplication des formes de menaces, qu'elles soient physiques, psychologiques, économiques ou sociales. Il souligne également une interaction entre plusieurs facteurs, dont la mauvaise gouvernance, l'absence de l'État de droit, la montée de l'intolérance et des fondamentalismes religieux ainsi que les tensions sur les questions de développement. Enfin, il souligne que les menaces et les violations des droits des défenseurs sont perpétrées par de plus en plus d'acteurs, que ce soit des acteurs étatiques, privés, politiques ou économiques, ou encore des groupes religieux extrémistes.
    Certaines catégories de défenseurs sont particulièrement à risque en raison de leur identité, de la nature de leurs activités ou du contexte dans lequel ils opèrent. Parmi les groupes les plus à risque, on peut citer les femmes défenseures, les défenseurs des droits des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transsexuelles et transgenres, les défenseurs des minorités, les défenseurs agissant contre la corruption et l'impunité, les défenseurs de l'environnement, les défenseurs des peuples autochtones, les journalistes et les blogueurs, les avocats travaillant à la promotion et à la protection des droits ainsi que les défenseurs agissant dans les zones de conflit ou postconflit.
    En raison de leur engagement, les défenseurs font souvent face à des menaces personnelles qui peuvent prendre plusieurs formes. Il peut s'agir autant de stigmatisation ou de dénigrement que d'entrave à la liberté de mouvement, de mesures administratives abusives, d'atteintes aux moyens de subsistance, de menaces à la famille, d'enlèvement ou de torture. Cela peut aller jusqu'au meurtre.
    Au cours des dernières années, nous avons également vu une augmentation et une sophistication des menaces auxquelles ils sont confrontés. Parmi les nouvelles menaces, on peut signaler les campagnes de diffamation dans les médias sociaux ou sur les blogues, les menaces liées à la sécurité ainsi que l'instrumentalisation progressive de la loi, incluant son application abusive, que ce soit pour limiter le travail des défenseurs, par exemple au moyen de la détention arbitraire ou de peines disproportionnées, ou que ce soit pour limiter le travail de leurs organisations, alors qu'on augmente la difficulté de recevoir du financement, de s'enregistrer ou d'obtenir des autorisations pour organiser des activités.
    Il convient enfin de souligner que, de façon générale, le travail des défenseurs reste très peu connu et reconnu tant par le grand public que par les autorités étatiques dans nombre de pays. Cela contribue à leur vulnérabilité.
    Malgré tous ces défis, je ne saurais trop souligner qu'au cours des dernières années, nous avons vu le mouvement des droits de la personne se renforcer, se diversifier, s'organiser, se mobiliser et continuer à accomplir un travail remarquable, que ce soit pour renforcer la bonne gouvernance, pour lutter contre les conflits, pour donner une voix aux sans-voix ou pour assurer une meilleure réalisation des droits de la personne, en particulier pour les groupes les plus vulnérables.
    Si les défis sont bien réels, le rôle des défenseurs des droits de la personne apparaît aujourd'hui plus important que jamais, si on veut bâtir des sociétés inclusives, justes et équitables.
    Le rôle des défenseurs est crucial si l'on veut réaliser le Programme 2030 et les objectifs pour le développement durable. Au coeur de ce programme se trouve la lutte contre les inégalités qui sont les causes profondes de la pauvreté et des conflits dans le monde. Cet engagement est articulé dans le principe fondateur selon lequel nul ne doit être laissé derrière.
    Pour le Canada, un engagement envers les défenseurs des droits de la personne représente une occasion unique de se distinguer en adoptant des approches innovantes qui répondent aux défis actuels.
    Le gouvernement devrait axer ses efforts sur la promotion et la protection d'un environnement propice et sécuritaire pour les organisations de la société civile, et en particulier pour les défenseurs des droits de la personne.
    Le Canada possède une grande expérience de travail avec les organisations de la société civile ici et ailleurs. Toutefois, il apparaît nécessaire d'accorder une attention plus explicite à cette question pour assurer une plus grande cohérence des politiques et produire des résultats plus significatifs. Le Canada devrait combiner des programmes ciblés sur les droits de la personne dans le cadre de ses interventions internationales de développement avec une action politique vigoureuse au niveau du gouvernement et des missions diplomatiques quand l'espace de la société civile est menacé.
    J'aimerais terminer en proposant quelques recommandations ou possibilités d'action pour le gouvernement du Canada.
    Premièrement, il devrait adopter un plan d'action pour mettre en oeuvre la Politique de partenariat avec la société civile pour le développement international et l’aide humanitaire. Cette politique, qui a été élaborée par Affaires mondiales Canada, expose les principes directeurs et les grands objectifs de l'engagement du Canada auprès de la société civile à assurer un environnement propice et à améliorer l'efficacité de la coopération avec les organisations de la société civile.
    Deuxièmement, il devrait élaborer une politique et une stratégie gouvernementales portant précisément sur l'assistance aux défenseurs des droits de la personne qui conjuguent soutien financier, engagement diplomatique et aide d'urgence, ce qui peut inclure une relocalisation, une assistance juridique et médicale ainsi que des villes d'accueil. Une attention particulière devrait être accordée aux groupes particulièrement vulnérables, notamment les femmes et les défenseurs des droits des personnes LGBTQI.
    Troisièmement, il faudrait s'assurer que les droits de la personne sont au coeur des relations politiques et commerciales du Canada.
    Quatrièmement, il faudrait appuyer les programmes de renforcement des capacités des défenseurs des droits de la personne afin de les outiller à mobiliser les communautés autour des valeurs et des principes des droits de la personne, à dialoguer efficacement avec les gouvernements, à mettre en pratique des approches fondées sur les droits de la personne, à élaborer et mettre en place des stratégies permettant d'assurer leur sécurité et, enfin, à appuyer l'émergence de réseaux nationaux, régionaux et internationaux de défenseurs des droits de la personne.
    Il faut appuyer la création et le renforcement de mécanismes de protection pour les défenseurs des droits de la personne particulièrement à risque, incluant un appui aux mécanismes déjà existants, tels que celui du rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme des Nations unies.
    Sur une base régulière, il faut promouvoir les dialogues entre les partenaires gouvernementaux, auxquels sont également invitées à participer les organisations de la société civile, que ce soit à l'échelle locale, régionale ou internationale.
    Je suggère également qu'on cerne les points focaux chargés de la question des défenseurs au sein des représentations diplomatiques du Canada à l'étranger.
    Il faut créer des programmes qui offrent aux défenseurs des possibilités de financement flexibles et prévisibles, leur permettant ainsi de continuer leur action même dans des environnements qui peuvent parfois être extrêmement difficiles et complexes, par exemple au Burundi.
    Enfin, il faut mieux faire connaître le travail des défenseurs et soutenir publiquement leur action par des campagnes et des actions concrètes de communication et d'information.
    Pour terminer, j'aimerais souligner la volonté et l'engagement d'Equitas à collaborer avec le Sous-comité, le Parlement et le gouvernement dans leurs efforts en vue d'appuyer le travail que réalisent les défenseurs ici et dans le monde entier pour une société plus juste et plus équitable.
    Je vous remercie.
(1320)

[Traduction]

     Merci beaucoup de votre exposé.
    Nous allons passer à la première série de questions, en commençant par le député Anderson.
    Je remercie notre témoin de sa présence.
    L'une des raisons pour lesquelles nous tenons cette séance est de souligner la Journée des droits de l'homme. Je voudrais simplement que vous nous disiez si nous avons quoi que ce soit à célébrer.
    Dois-je répondre maintenant?
    Bien sûr.
    Je crois que nous avons un certain nombre de choses qui méritent d'être célébrées. Comme je l'ai dit, nous avons constaté que le mouvement pour les droits humains a pris de la vigueur durant la dernière année. Il y a eu des développements d'un genre nouveau.
    Par exemple, si nous regardons ce qui se passait il y a 20 ou 25 ans sur le plan des droits des femmes et de l'émergence de ces droits, nous pouvons voir que certaines choses ont été faites dans l'optique d'un cadre international, de la mise en oeuvre concrète des droits humains.
    Bien sûr, j'ai dit qu'il y avait des problèmes, mais j'estime qu'il y a aussi un certain nombre de choses qu'il faut célébrer. Je crois en fait qu'il est très important de ne pas regarder que les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Il faut aussi reconnaître ce qui a été fait et le travail de terrain en cours dans de nombreux pays autour du globe.
    Prenons l'exemple de la Tunisie, et du rôle que la société civile a joué pour assurer qu'il y ait une transition démocratique durant la période très difficile qui a suivi la révolution. Le rôle joué par les défenseurs des droits humains est le genre de choses que nous pouvons célébrer. Il faut aussi s'intéresser aux choses qui vont nous permettre d'aller plus loin.
    Parlons un peu de votre organisme.
    D'après ce que j'ai pu comprendre, vous avez eu un certain financement en Tanzanie, au Sénégal, en Haïti et en Colombie. Pouvez-vous nous parler de vos réussites? Sur quoi travaillez-vous là-bas et à quoi saurez-vous que vos programmes donnent les résultats escomptés?
    Sur le plan des programmes, nous avons reçu du financement pour soutenir l'édification des capacités d'organismes internationaux par l'intermédiaire du Programme international de formation aux droits humains qui est offert chaque année à Montréal, et en réunissant environ 90 à 100 défenseurs des droits humains pour une séance d'édification des capacités. Nous avons également un savoir-faire particulier et plus complet en ce qui concerne la mise en oeuvre de programmes ciblés au Sénégal, comme vous l'avez dit, et en Colombie, en Tanzanie et en Haïti.
    Je vais prendre l'exemple d'Haïti. Le contexte est très difficile. Nous travaillons là-bas depuis 1988. Nous nous y sommes beaucoup investis après le tremblement de terre de 2010. Je crois que ce que nous constatons en Haïti, c'est le développement de l'engagement communautaire, c'est l'édification des communautés en fonction des principes et des valeurs des droits humains. Nous avons été en mesure de travailler dans différentes communautés de ce pays pour appuyer l'intégration d'une approche fondée sur les droits humains à une échelle très locale. Nous commençons donc à voir les différentes compétences des personnes qui travaillent ensemble — dont des handicapés, des femmes et, parfois, des groupes LGBT — quant à l'élaboration d'un plan détaillé de développement fondé sur les droits humains.
     C'est un peu tôt pour le dire, mais nous espérons que le nouveau président nous permettra de continuer de travailler en Haïti et d'interagir avec les autorités. Il n'y avait pas de gouvernement, mais nous trouvons maintenant des occasions de travailler avec les gens. Nous pouvons leur parler des droits humains et les aider à comprendre de quoi il s'agit. Nous pouvons aussi interagir avec les autorités pour veiller à ce que cette transformation ait aussi une incidence sur le cadre stratégique.
    Dans un endroit comme celui-là, avez-vous ce qu'il faut pour travailler à l'édification des forces au sein des institutions? Préférez-vous mettre l'accent sur l'éducation, puis d'essayer de...
    Nous nous focalisons d'abord sur l'éducation, mais nous cherchons aussi à bâtir des ponts et à collaborer. L'un de nos principaux partenaires là-bas est le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, qui travaille très fort à l'édification d'institutions en Haïti. J'ai donc le sentiment que nous essayons de bâtir des ponts.
    La force d'Equitas, c'est vraiment l'éducation en matière de droits humains et l'édification des capacités. Toutefois, notre travail nous amène aussi à bâtir des ponts entre les organismes de la société civile et le gouvernement. Il est évident que la société civile ne pourra pas régler les problèmes à elle seule. Il faut une interaction et de la collaboration entre les institutions gouvernementales et la société civile.
    Je pense que nous avons vu un exemple d'un endroit où cela n'a pas fonctionné. Nous étudions la situation du Burundi depuis quelques semaines. Dans ce pays, l'un des groupes ciblés est celui des défendeurs des droits de la personne.
    Sur le plan pratique, dans une situation comme celle-là, à quels types de priorités les défendeurs des droits de la personne doivent-ils s'adapter? Comment pouvez-vous vous adapter à cela? Je sais que beaucoup d'entre eux sont maintenant forcés de quitter le pays, mais comment les gens ont-ils réagi lorsque cela a commencé?
    C'est une question très difficile, surtout en ce qui concerne le Burundi, puisqu'il s'agit d'un contexte tellement extrême.
    L'intervention doit se faire à différents paliers. L'ancien président, Pacifique Nininahazwe, du Forum pour la conscience et le développement, a parlé de ce qui se passe là-bas. Je crois qu'il est désormais basé entre le Rwanda et l'Ouganda. On a forcé les défendeurs des droits humains à sortir du pays. Ils documentent les violations des droits humains, les disparitions, et c'est très important, car il faut que ce qui se passe au Burundi soit documenté. Ils ont un réseau sur le terrain, mais ils ne peuvent pas agir ouvertement.
    Il y a deux semaines, j'ai participé à une séance de formation régionale au Cameroun, et nous avons eu quelques participants du Burundi. Nous travaillions à l'édification des capacités des organismes de la société civile. Ils voient qu'il reste encore du travail à faire. Il reste encore de la place pour les inciter à bâtir des ponts au sein des communautés, à utiliser les principes et les valeurs des droits humains pour continuer à bâtir ces ponts, car je crois que les divisions entre les différentes communautés du Burundi créent d'énormes risques.
    C'est aussi la question de trouver un contexte propice, certains acteurs qui ne s'attaqueraient peut-être pas à des questions très difficiles sur le plan politique, mais un contexte propice qui permettrait de travailler à petite échelle au niveau de la communauté. J'estime que nous devons continuer à appuyer ce mouvement à l'intérieur du pays.
(1325)
    Je vais un peu dans toutes les directions, mais Equitas a continué à travailler au Sri Lanka par l'intermédiaire du Centre international d’éducation aux droits humains. Je crois que votre objectif est d'amener différents groupes confessionnels à se rencontrer, à s'asseoir et à discuter.
    Je m'intéresse à la liberté religieuse. Comment ce projet contribue-t-il au développement et au soutien de la liberté religieuse au Sri Lanka?
    Ce projet au Sri Lanka a différentes composantes. L'une d'elles est la recherche des causes profondes du conflit, surtout au sein de la communauté. Le projet examine les incidents qui ont créé le conflit religieux dans ce pays et les déclencheurs connexes. Enfin, le projet tente de trouver des stratégies pour régler le problème. C'était une dimension importante du projet.
    Puis, il s'agissait de trouver des façons de nouer des relations et de créer des liens entre les différents acteurs communautaires, les dirigeants religieux, les autorités locales et les organismes de la société civile, et de mettre en place certains mécanismes pour anticiper les problèmes et les signaler.
    Tout d'abord, il faut instaurer un dialogue. Une certaine éducation doit se faire dans la population pour amener les gens à changer leur perception des autres groupes religieux. Il importe aussi de créer des liens entre les différents acteurs.
    Comment les choses se passent-elles?
    Nous avons vu un certain mouvement. Bien entendu, cela n'est pas dû uniquement à l'action d'Equitas. Je crois que c'est l'interaction entre les différents acteurs. Le changement de gouvernement au Sri Lanka a aussi créé une ouverture en ce sens. Nous voyons une certaine volonté politique quant à la mise en place d'institutions pour appuyer le processus de la réconciliation nationale. Il faut trouver comment bâtir des ponts et appuyer les efforts existants. Il faut éviter de faire ce qui se fait déjà ou de travailler en parallèle.
    Pour ce qui est d'édifier les capacités, nous travaillons avec la communauté. Toutefois, nous travaillons aussi en étroite collaboration avec le gouvernement et les institutions gouvernementales du Sri Lanka, qui tentent de trouver des moyens de concrétiser la réconciliation.
    Voici une question d'ordre pratique. Vous parliez de certains des problèmes des défenseurs des droits de la personne, précisant que les menaces devenaient de plus en plus sophistiquées, qu'il y avait des questions sur les lois en matière de sécurité, etc.
    Quelles stratégies les défenseurs des droits de la personne adoptent-ils, notamment en ce qui a trait à la surveillance électronique et personnelle? Avez-vous des outils pour vous protéger?
    Oui. Il y a des outils très techniques. Je crois qu'il y a un certain nombre de communautés en ligne qui travaillent à la mise au point de tels outils. Moodle, par exemple, crée et utilise des plateformes de communication. Je crois qu'il y a un certain nombre de choses très techniques. Nous nous intéressons présentement à cette question, à la façon de montrer aux défendeurs des droits humains comment se servir de cela.
    C'est un mouvement en devenir. Le problème est aussi le fait que les forces en matière de surveillance avancent elles aussi très rapidement, alors c'est un combat et une concurrence perpétuels pour savoir qui sera en avance sur l'autre.
    Une autre chose dont nous nous sommes aperçus, c'est que les défenseurs des droits humains prennent très peu de moyens pour se protéger sur le terrain, même s'il sont conscients des menaces qui pèsent sur eux. Il faut aussi leur apprendre qu'essentiellement, toutes leurs communications peuvent être interceptées, et qu'ils doivent par conséquent tenir compte de cela au moment de choisir leur façon de communiquer. Il y a des précautions très simples et très réalistes qui peuvent être prises pour se protéger, mais dans beaucoup de cas, les défenseurs n'en prennent aucune.
    Cela fait-il partie de ce que vous enseignez?
    Absolument, et de plus en plus en fait.
    Très bien. Je crois que mon temps de parole est écoulé.
    Merci, monsieur Anderson.
    Passons maintenant à monsieur Miller.

[Français]

    En présence de vos collègues, j'ai eu l'honneur d'annoncer, au nom de la ministre du Patrimoine canadien, une subvention de 1 million de dollars dans le contexte de votre engagement civique. J'ai pu voir vos collègues en action et obtenir une bonne description de vos activités.
    J'aimerais revenir sur vos activités au pays, puisqu'il est question ici surtout de l'engagement civique au Canada.
    Dans le contexte de notre étude sur les yézidis, un témoin a mentionné que la plupart des violations des droits de la personne étaient commises par des gens qui étaient connus dans les villages, quand ceux-ci vivaient une désagrégation sociale, un effritement du tissu social.
    Comment votre action peut-elle aider à renforcer le dialogue entre les différentes personnes qui seraient menacées dans un contexte de fragilisation de la société, comme les yézidis et les gens qui les entourent?
(1330)
    Il s'agirait d'abord de favoriser une prise de conscience des questions relatives aux droits de la personne et d'amener les gens à avoir une réflexion critique sur une culture de la violence qui est souvent prévalente dans beaucoup de communautés.
    Comment pourrait-on amener les personnes à réfléchir davantage aux interrelations, aux questions d'inclusion et d'exclusion, de discrimination et de marginalisation? Il s'agirait de cadrer cela dans une approche communautaire, à la base, et de rassembler différents acteurs.
    Bien sûr, au sein des communautés, des gens commettent des violations des droits de la personne. Il faudra trouver des façons de gérer cela et certaines personnes devront être amenées devant la justice.
    Il s'agit aussi de bâtir une réflexion face à cet engagement communautaire ensemble. Il faut renforcer la découverte de son pouvoir et l'habilitation des acteurs communautaires pour essayer de favoriser leurs objectifs en ce qui a trait aux droits de la personne. Il s'agit d'un travail de longue haleine.
    Absolument.
    En matière d'éducation et de sensibilisation, quelles seraient les mesures concrètes à prendre dans le contexte d'un programme dans un pays du tiers-monde ou en développement?
    Cela demande d'abord une prise de conscience des populations locales. Elles doivent comprendre les valeurs et les principes qui sous-tendent les droits de la personne, les principes de l'inclusion et ceux de la non-discrimination, et voir quelles sont les conséquences des violations des droits de la personne sur la communauté elle-même.
    Ensuite, il s'agit de bâtir des habiletés sur le plan de l'engagement de la communauté, de bâtir une meilleure connaissance des systèmes de protection légale qui existent relativement aux droits de la personne et de trouver des moyens d'action, qui sont souvent communautaires. On va donc favoriser l'engagement des différents membres de la communauté pour agir en matière de violation des droits de la personne ou des droits en général.
    Cela demande aussi beaucoup d'interactions, souvent, avec les autorités locales.
    Les solutions vont venir davantage de la communauté. Pour notre part, nous apportons un cadre de réflexion sur les capacités en matière de communication, d'engagement et de négociation de la communauté pour arriver à faire avancer ses objectifs sur le plan des droits de la personne.
    Vous interagissez avec les acteurs étatiques, et non seulement avec la société civile pure. Avez-vous établi un dialogue de sensibilisation avec les autorités afin de leur dire, par exemple, qu'elles ne peuvent pas utiliser l'excuse de la lutte contre le terrorisme pour brimer les droits de la personne? C'est sûrement un dialogue très difficile, j'en conviens. Cela dit, cette excuse est souvent utilisée par les acteurs étatiques pour justifier les violations des droits de la personne.
    En effet, c'est un dialogue difficile et à long terme. Souvent, et c'est le cas surtout en Afrique, la violence et la torture sont utilisées comme méthodes d'enquête, tout simplement parce qu'il n'y a pas d'autres moyens d'aller chercher des preuves. On voit cela très souvent.
    Il devrait y avoir plusieurs niveaux d'intervention. Tout d'abord, il y a une question d'ignorance des obligations et des lois existantes. On doit absolument mobiliser les autorités relativement à ces questions. Il faut aussi essayer de travailler avec les autorités de haut niveau et avec les autorités à la base. Parfois, même si on ne va pas avoir un engagement très fort sur le plan national, on pourra faire un travail à la base avec les autorités locales. Il faut essayer de créer un dialogue relativement aux obligations et à la loi qui existent.
    Quand nous travaillons avec les autorités, c'est pour nous un engagement au cours de toutes les étapes de la mise en oeuvre de nos projets. Il ne s'agit pas seulement de faire affaire avec un acteur particulier qui se situe à l'extérieur de nos interventions. Nous cherchons aussi à créer, dès le démarrage, des liens et des relations entre les autorités étatiques et les acteurs de la société civile.
    Est-ce que vous avez le sentiment qu'il y a du progrès ou est-ce que vous avez l'impression que l'État vous utilise parfois comme excuse pour justifier en quelque sorte ses agissements en matière de droits de la personne? Est-ce qu'il y a une tension en ce sens?
    Nous essayons de tout mettre en oeuvre pour éviter d'être utilisés par l'État de cette façon. Le niveau de dialogue possible va dépendre des circonstances.
    Est-ce qu'il y a du progrès? Je pense qu'il y en a, dans la mesure où il y a une prise de conscience et une reconnaissance des droits de la personne. Maintenant, il faut vraiment arriver à mettre en application ce contexte des droits de la personne, et, à cet égard, il y a encore beaucoup de travail à faire.
    Cela va dépendre des contextes et des enjeux auxquels nous travaillons.
(1335)
    Ma prochaine question porte sur l'implication, l'éducation et la sensibilisation des Canadiens. Quand j'ai parlé avec vos collègues, il a surtout été question de la sensibilisation des Canadiens aux droits de la personne.
    Pouvez-vous nous parler brièvement de l'utilité de cette initiative?
    Sur le plan canadien, nous travaillons beaucoup auprès des enfants et des jeunes pour les sensibiliser aux valeurs qui sous-tendent les droits de la personne, notamment l'inclusion, la diversité, la participation, la non-discrimination et l'égalité entre les hommes et les femmes. Nous voyons l'importance de promouvoir ces valeurs pour créer des sociétés inclusives et démocratiques. L'éducation aux droits de la personne se fait à tout âge. Elle commence par une compréhension chez l'enfant de ce que l'inclusion signifie pour lui au quotidien, quand il est à l'école, dans la cour de récréation, dans sa famille, dans sa communauté. Il s'agit donc de construire, à partir d'un très jeune âge, tout cet apprentissage et cette compréhension des valeurs.
    Il s'agit aussi de développer l'engagement, qui est progressif chez les enfants et les jeunes, pour que ceux-ci s'impliquent dans leur société et deviennent eux-mêmes des acteurs de changement et des leaders quand vient le temps de bâtir ces interactions. Cela paraît particulièrement important quand il y a une grande diversité dans les communautés. De plus en plus, la réalité de tous les pays du monde, incluant le Canada, est une énorme diversité.
    Comment arrive-t-on à créer cette compréhension mutuelle? À cet égard, les valeurs qui sous-tendent les droits de la personne sont pour nous un élément fondamental. Comme je l'ai dit déjà, il est important d'engager les enfants et les jeunes dans ces processus en tant qu'acteurs de changement.
    Notre démarche touche maintenant plus de 100 000 enfants au Canada. Nous avons commencé par les enfants de 6 à 12 ans et nous travaillons maintenant auprès des adolescents. En ce moment, nous nous employons à promouvoir ces valeurs auprès des enfants réfugiés qui arrivent au Canada en provenance de plusieurs pays du monde et à développer des liens au sein des communautés autochtones.
    Je pense qu'il y a beaucoup de choses à bâtir ensemble, notamment des liens et des connexions.
    Merci.

[Traduction]

     Merci, monsieur Miller.
    Madame Hardcastle, vous avez la parole.
    J'aimerais continuer à parler de la situation au Burundi, parce que nous sommes en train de préparer notre rapport et de formuler certains règlements. Nous avons entendu parler de la sécurité des défendeurs des droits de la personne et du personnel connexe. Je sais que cela fait partie de vos recommandations pour l'avenir. Pouvez-vous nous donner d'autres exemples pour illustrer comment nous devrions, selon vous, formuler un plan?

[Français]

    Je veux simplement souligner qu'Equitas ne suit pas précisément la situation des défenseurs des droits de la personne au Burundi.
    Pour ce qui est des mécanismes de prévention, je pense qu'un certain nombre d'acteurs s'emploient déjà à assurer la sécurité des défenseurs des droits de la personne au Burundi, qu'ils soient encore dans le pays ou qu'ils soient à l'étranger. Comme on le sait, ceux qui se trouvent dans les pays limitrophes du Burundi risquent aussi d'être assassinés.
    L'une des principales organisations, l'East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, est basée en Ouganda. Elle a déjà mis sur pied des structures d'appui pour les défenseurs. Ce serait pour moi un plaisir de vous faire part des recommandations plus précises qu'ont émises ces organisations au sujet des défenseurs. Le rapporteur spécial des Nations unies, Michel Forst, s'est aussi engagé à faire des recommandations à ce sujet.

[Traduction]

    En ce qui concerne tout particulièrement le rôle du gouvernement, croyez-vous que ce soit vraiment le financement qui pourra régler... Comment devrions-nous approcher l'édification des capacités?
    Parlez-vous spécifiquement du Burundi ou en général?
     De façon plus générale, de ce qu'il y aurait lieu de faire pour appuyer le travail des défenseurs des droits de la personne. Vous pourriez nous en dire un peu plus long au sujet du mandat. Devrions-nous examiner le mandat et chercher comment cibler davantage la société civile, ou est-ce seulement une question de financement? En gros, c'est ce que je cherche à savoir.
(1340)
    Le rôle du Canada peut prendre la forme de diverses interventions. En ce qui concerne précisément le soutien sur le terrain, j'ai recommandé de mettre l'accent sur les points focaux chargés de la question des défenseurs des droits de la personne au sein des représentations diplomatiques canadiennes. Ce serait d'une grande aide.
    Lorsque survient une situation qui menace des défenseurs des droits de la personne, la diffusion de l'information est un aspect important. Il faut des lignes directrices relativement à ce que les missions pourraient également faire pour appuyer le travail des défenseurs des droits de la personne, en faire la promotion à divers échelons et réaliser des activités de communication avec un message précis. Si une menace pèse sur ces gens, cela leur permet de faire appel à un mécanisme existant ou cela permet de leur fournir des fonds pour les réinstaller ailleurs. Voilà un rôle précis que peut jouer la mission.
    Le financement est évidemment un autre problème, en particulier dans le cas où la situation est difficile dans un pays. C'est très difficile pour des défenseurs des droits de la personne qui fonctionnent souvent en marge des lois d'obtenir du financement par l'entremise d'un mécanisme existant, parce qu'ils n'ont pas nécessairement une structure administrative bien établie pour avoir recours à ce cadre. Cela crée souvent des tensions pour eux. Ce qu'ils font est très important, mais ils ne sont pas nécessairement en position d'utiliser le mécanisme de financement normal. Je crois qu'il serait peut-être très important d'examiner cet aspect et d'être en mesure de leur offrir du financement souple qui leur permettrait de poursuivre leur travail.
    À mon avis, le Fonds canadien d'initiatives locales par l'entremise des ambassades a été très utile pour soutenir certains groupes sur le terrain, mais ce n'est parfois peut-être pas adapté parfaitement à la situation des défenseurs des droits de la personne. Selon des défenseurs des droits de la personne du Burundi qui se trouvent à l'extérieur du pays, c'est l'un de leurs principaux problèmes, parce que tout le monde reconnaît la gravité de la situation au Burundi et les grands risques qu'un drame y survienne, mais le soutien est très limité. J'étais très surpris. Il n'y a pratiquement aucun soutien pour les défenseurs des droits de la personne du Burundi qui se trouvent à l'extérieur du pays. Ces gens ont débuté sans ressources et continuent d'essayer de faire leur travail sans ressources. Voilà un autre élément que je crois qu'il serait important d'examiner, soit la manière dont nous soutenons les défenseurs des droits de la personne.
    Selon moi, il est également important d'appuyer le mécanisme sur les scènes régionale ou internationale. J'ai mentionné le mandat du rapporteur spécial. Il y a d'autres mécanismes qui peuvent vraiment contribuer à améliorer la visibilité sur la scène internationale du rôle des défenseurs des droits de la personne.
    J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet. Y a-t-il quelque chose qui fonctionne et que nous devrions mettre en pratique?
    Je ne suis pas certaine de la manière dont nous pouvons rendre possible le travail, créer l'espace et augmenter cet espace pour la société civile sans la présence des défenseurs des droits de la personne, mais il y a des endroits où ce n'est pas possible. Comment ces groupes se forment-ils naturellement? Comment pouvons-nous encourager la croissance naturelle d'un mouvement civil en augmentant l'espace lorsqu'une telle menace pèse sur les défenseurs des droits de la personne et que les situations évoluent très rapidement?
    Nous parlons du Burundi où la situation sur le terrain rend cela très difficile. Je crois que le poids qu'a votre soutien à l'égard du travail sur le terrain est très limité.
    Fait surprenant, des personnes sont encore en mesure de fonctionner dans le pays et de poursuivre une partie du travail. Je crois qu'il faut les trouver et essayer de déterminer des moyens de les soutenir. Par exemple, cela peut souvent passer par le renforcement des compétences à l'échelle régionale. Je crois que c'est ce que nous essayons de faire, et c'est ce que nous voyons. Il est essentiel de créer des liens avec d'autres défenseurs des droits de la personne et d'autres organisations dans la région en vue d'être en mesure de soulever l'enjeu et d'offrir un réseau de soutien et de solidarité.
    Par ailleurs en ce qui concerne le rôle que peut jouer la société civile au Burundi, je crois que nous devons aussi être réalistes, même compte tenu de la situation actuelle. Le gouvernement n'est pas très ouvert à écouter qui que ce soit. Au sein de la communauté internationale, il y a eu de nombreuses tentatives de faire bouger le gouvernement, y compris une récente tentative de la part de la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples. Des déclarations fermes ont été faites. Je crois que cela doit se faire à des échelons très différents et qu'il faut évidemment exercer des pressions par les canaux diplomatiques sur le gouvernement pour le faire bouger.
    Nous espérons que cela produise des résultats, mais je crois qu'il n'y a aucune garantie pour l'instant que cela fasse bouger les choses.
(1345)
    Merci.
    Madame Khalid, allez-y.
    Monsieur Hareau, merci de votre présence, de votre témoignage et de votre travail acharné concernant cet important enjeu.
    Vous avez mentionné dans votre exposé aujourd'hui que le travail des défenseurs des droits de la personne ne fait pas l'objet de promotion et que le monde n'est pas vraiment au courant des grands efforts que déploient les défenseurs des droits de la personne pour s'assurer d'accroître le respect des droits de la personne dans le monde. Par ailleurs, les médias sociaux sont un puissant outil pour diffuser cette information, mais cela occasionne une situation assez malsaine. Si les défenseurs des droits de la personne ont une présence accrue sur les médias sociaux, les gouvernements peuvent s'en servir pour les surveiller et peut-être les cibler.
    D'après vous, comment pouvons-nous assurer une promotion adéquate de l'excellent travail des défenseurs des droits de la personne à titre individuel et des organisations et sensibiliser davantage la population aux problèmes auxquels ils s'attaquent pour aller chercher le soutien de la communauté internationale, tout en essayant aussi d'atténuer les représailles qu'une telle publicité pourrait leur faire subir?
    Pourrais-je avoir vos commentaires à cet égard?
    Premièrement, je dirais qu'il est possible de faire la promotion du travail des défenseurs des droits de la personne dans bon nombre de pays. Je crois qu'il est essentiel de montrer la manière dont ils améliorent la vie des personnes pour éviter que cela demeure des concepts et des idées très vagues. Il faut démontrer que ce travail entraîne des résultats très concrets. Selon moi, nous pouvons utiliser de nombreux exemples de ce qu'ils font dans les collectivités et de la façon dont cela améliore la vie des gens; ils font adopter des lois, incitent les gens à participer et s'assurent de faire entendre la voix de ceux qui n'en ont pas et d'encourager les autorités à en tenir compte au moment d'élaborer des politiques et des programmes.
    Voilà où cela se trouve.
    Pour ce qui est des questions plus controversées, je crois qu'il est fondamental de collaborer avec les citoyens du pays, parce qu'ils sont beaucoup mieux placés que nous pour voir la situation et déterminer le message qui trouvera écho dans le pays. Voici un exemple. Nous mettons l'accent sur les droits des personnes LGBT dans divers pays dans le monde, et il est possible d'en faire la promotion et d'exposer le problème. La meilleure stratégie pour trouver le moyen de mettre cette question à l'ordre du jour sans mettre en danger les défenseurs des droits de la personne, c'est de passer par les citoyens du pays qui sont les mieux placés pour ce faire. Je pense à Haïti, par exemple. Dans de telles situations, nous tenons mordicus à ce qu'Equitas ne soit pas en première ligne, parce que c'est perçu comme une intervention externe.
    Je crois qu'il faut vraiment collaborer avec les défenseurs des droits de la personne et examiner la situation qui prévaut dans le pays. Tout dépend de la manière dont nous exposons le problème. Il est parfois possible de dire que c'est un problème social plutôt qu'un problème lié aux droits de la personne. Tout dépend de la situation qui prévaut et de la façon dont le mouvement souhaite s'y prendre.
    C'est évidemment possible, mais ce n'est pas souvent fait, ou c'est perçu comme si nous imposions les valeurs occidentales aux habitants du pays. Comment pouvons-nous trouver un équilibre dans tout cela?
    Vous avez également mentionné dans votre exposé cinq composants essentiels pour assurer la sécurité des défenseurs des droits de la personne et leur permettre de faire leur travail. Vous avez énuméré certains facteurs, notamment un cadre juridique robuste, un environnement politique propice et d'autres mesures de protection. Les pays qui possèdent ces composants n'ont pas nécessairement un nombre suffisant de violations des droits de la personne pour nécessiter la présence de telles mesures de protection pour les défenseurs des droits de la personne.
    À mon humble avis, l'éducation est la clé, si nous voulons voir des effets à l'échelle locale et promouvoir les droits de la personne et leur respect.
    Comment votre organisme fait-il, le cas échéant, la promotion de l'éducation sur les droits de la personne? Comment des pays comme le Canada peuvent-ils contribuer à la promotion des droits de la personne au sein des systèmes d'éducation?
    Je crois que c'est déjà ce que le Canada fait pour Equitas, parce que c'est vraiment le coeur de notre travail, soit l'éducation sur les droits de la personne et le renforcement des capacités des défenseurs des droits de la personne. Nous l'intégrons dans les systèmes d'éducation formels et officieux. Des pays entreprennent de nombreuses initiatives en vue d'inclure l'éducation sur les droits de la personne dans leur système. Le Canada a beaucoup d'expertise et d'expérience à offrir et l'a fait dans de nombreux pays. Je pense par exemple au Sénégal. Il s'agit d'essayer de renforcer... et de nous assurer que, lorsque nous parlons d'éducation, nous parlons également de la qualité de l'éducation. Le droit de recevoir des renseignements au sujet des droits de la personne fait partie intégrante du droit à l'éducation. Cela vise donc à nous assurer de l'intégrer.
    De nombreux programmes ont été élaborés au Canada et ailleurs dans le monde. Il s'agit de trouver le moyen d'établir de tels liens pour nous assurer que les pays qui veulent inclure l'éducation sur les droits de la personne dans leur système pédagogique peuvent tirer profit de ce qui a été fait ailleurs. Il est essentiel d'établir de tels réseaux et de donner accès aux ressources.
(1350)
    Dans une grande partie du monde, il n'y a aucun système d'éducation, et c'est particulièrement vrai dans les régions rurales où l'infrastructure déficiente rend impossible la présence d'écoles. Equitas joue-t-il un rôle dans la construction d'infrastructure dans les régions rurales dans le monde?
    Dans le système d'éducation formel?
    Oui.
    Non. Nous offrons davantage des programmes d'éducation officieux. Nous cherchons à profiter des possibilités à l'extérieur du système d'éducation où les droits de la personne ne sont pas enseignés. Cela se fait grâce à la collaboration et à une approche très axée sur la participation relativement à l'éducation. Nous comptons donc sur l'engagement des gens à offrir un tel enseignement dans leur collectivité.
    Une partie de ce programme d'éducation traite-t-il aussi d'aspects comme la santé mentale et en particulier l'état de stress post-traumatique lorsqu'il est question de jeunes dans des pays où la violence est omniprésente?
    Nous ne nous en occupons pas directement, mais nous collaborons évidemment avec des organismes capables d'offrir de tels services où les gens en ont besoin. Il y a certainement des lacunes dans un grand nombre de pays. Les ressources en la matière sont très limitées à la suite d'un conflit. Nous essayons autant que faire se peut d'offrir un tel service, mais ce n'est pas notre expertise à Equitas.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Sweet, vous avez la parole.
    Nous vous remercions de votre témoignage, mais nous vous remercions encore plus du travail que vous faites en vue d'éduquer les gens au sujet des droits de la personne. Nous célébrons aujourd'hui la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes.
    L'un des aspects que j'ai remarqués au cours de la dizaine d'années que j'ai passées au Comité est l'utilisation — comment le dire — très troublante, voire barbare, des femmes de nos jours en temps de guerre. Les pires gestes sont commis contre des femmes pour les dénigrer en face de leur famille et démoraliser leur famille. Nous n'en étions pas témoins à un tel degré dans le terrorisme ou la guerre par le passé.
    Premièrement, constatez-vous la même augmentation que moi? Deuxièmement, comment abordez-vous la réalité de ces terribles pratiques inhumaines?
    En ce qui concerne la première partie de votre question, nous observons une telle augmentation pendant et après les conflits. Malheureusement, nous constatons qu'un tel environnement est de plus en plus présent dans de nombreux endroits dans le monde. Il est vrai que, lorsqu'un conflit fait rage, nous sommes témoins de la dégradation des femmes, comme vous l'avez dit, et de terribles violations de leurs droits. Ailleurs où la situation est plus stable, nous avons vu le contraire. De nombreux intervenants ont collaboré en vue d'essayer de lutter contre la violence faite aux femmes. Ce point se trouve de plus en plus au sommet de l'ordre du jour des défenseurs des droits de la personne partout dans le monde.
    Nous essayons de présenter la question de l'égalité des sexes et de la violence faite aux femmes comme un élément essentiel des droits de la personne lorsque nous parlons de l'éducation sur les droits de la personne. Les droits des femmes sont les droits de la personne. C'est l'une des violations très répandues. La violence et la violence culturelle qui existent à l'égard des femmes et des enfants sont un aspect important que nous voulons aborder lorsqu'il est question des droits de la personne. Il ne s'agit pas seulement du cadre. Il est également question de repenser notre manière de voir la violence.
    Il est très difficile de défendre les droits de la personne pendant les conflits. J'y faisais allusion au début. Comment pouvons-nous trouver la meilleure façon de collaborer avec les intervenants dans la zone de conflit? Après les conflits, nous devons certainement essayer de nous assurer que le cadre de protection des droits de la personne fait partie des mesures pour remettre sur pied le pays et ses citoyens et traite de ces éléments. Pendant les conflits proprement dits, il est très difficile de défendre les droits de la personne sur place.
(1355)
    Nous avons eu le privilège d'entendre bon nombre d'ardentes défenseures des droits de la personne qui se dressent contre de tels actes et qui essaient aussi d'encourager et d'autonomiser les femmes qui en sont victimes. Nous avons également entendu des témoignages notamment de yézidies qui préfèrent mourir plutôt que de subir les terribles violences qui visent à les démoraliser et à les dégrader.
    Je me souviens de nombreuses choses au Comité. Je me souviens entre autres d'une conférence de presse que nous avions organisée à un moment donné. Je m'en veux de ne pas me rappeler la raison exacte, mais il s'agissait d'une autre crise concernant les droits de la personne où il était question du traitement haineux des gens. Un journaliste était présent et a posé une question à mon collègue Irwin Cotler. Le journaliste lui a demandé ce qu'il comptait faire à ce sujet. C'est un dur. Il lui a répondu : « Ce que nous voulons vraiment savoir, c'est ce que vous comptez faire à ce sujet. »
    Nous rédigeons notamment un grand nombre de rapports; or, les médias de masse ne rendent pas vraiment justice à notre travail. Lorsque nous pensons aux conséquences que cela a sur les femmes, les hommes et les violations des droits de la personne dans le monde, en particulier actuellement en Irak et en Syrie, où il y a de nombreuses personnes déplacées, les médias de masse ne réussissent vraiment pas à exprimer à quel point les violations des droits de la personne causent du tort.
    Collaborez-vous avec les médias de masse pour les sensibiliser au problème afin qu'ils en soient plus conscients et qu'ils informent le monde occidental au sujet de ce qui se passe dans le monde?
    Nous collaborons beaucoup avec les médias dans les divers pays où nous sommes présents. Je suis tout à fait d'accord avec vous, à savoir qu'il faut nous assurer que les médias comprennent les droits de la personne — ce serait un bon début —, qu'ils examinent les conséquences des violations des droits de la personne et qu'ils sont ensuite capables de véhiculer ce message.
    À l'opposé, dans de nombreuses situations, les médias peuvent avoir des répercussions très négatives. Prenons l'exemple du Rwanda et de la Radio Télévision Libre des Milles Collines, qui a joué un rôle considérable dans le génocide. Il y a de nombreux autres exemples.
    Comment pouvons-nous renforcer cette pensée critique dans les médias et les éduquer sur les droits de la personne? Dans le monde occidental, nous essayons de discuter avec eux. Nous aimerions en faire plus. Je suis d'accord avec vous qu'il reste encore beaucoup à faire en la matière.
    J'aimerais également me faire l'écho de ce qui a été dit plus tôt en ce qui concerne les moyens d'utiliser d'autres types de médias, comme les médias sociaux. Il existe d'autres façons de diffuser l'information. En ce qui a trait au mouvement de protection des droits de la personne, nous n'avons pas été en mesure de vraiment mobiliser les troupes autant que nous l'aurions voulu. Je crois que c'est une autre manière de... et nous savons que de plus en plus de gens se tournent vers ces types de médias pour s'informer.
    Comment pouvons-nous tabler sur cette situation? C'est actuellement une question importante pour le mouvement de protection des droits de la personne.
    Il y a beaucoup de mouvement à ce chapitre. De nombreux groupes s'en servent efficacement, mais il faut utiliser encore plus les médias sociaux.
    Monsieur le président, il me reste un dernier commentaire.
    Le travail réalisé par cet organisme me rend très heureux. Si jamais vous décidez d'organiser des assemblées publiques, je serai certainement disposé à en organiser dans ma circonscription pour attirer l'attention des gens sur les violations des droits de la personne, les sensibiliser aux très nombreuses questions liées aux droits de la personne dans le monde et leur expliquer comment ils peuvent participer, même s'ils ne font qu'un simple don ou qu'ils s'assurent tout simplement que leurs enfants en sont conscients à mesure qu'ils grandissent.
    Merci beaucoup. Nous en prenons bonne note.
    Je vois qu'il est exactement 14 heures.
    Je tiens à vous remercier énormément d'avoir témoigné aujourd'hui devant le Comité à quelques jours de la Journée internationale des défenseurs des droits de l'Homme, qui est le 10 décembre. C'est vraiment un point sur lequel nous avons insisté au Comité. Vous nous avez certainement permis de faire un peu le tour du monde avec votre expertise en parlant du travail exceptionnel de votre organisme. Cela se reflète évidemment sur le travail des défenseurs des droits de la personne dans le monde. Merci de votre présence.
    Deux autres témoins seront des nôtres jeudi pour discuter de ce sujet.
    Sur ce, la séance est levée.
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