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Bienvenue à la 56
e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
La réunion d'aujourd'hui se déroule de façon hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres y assistent en personne dans la salle, ou à distance sur Zoom.
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des députés.
Veuillez attendre que je vous reconnaisse par votre nom avant de prendre la parole. Pour les personnes qui participent par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez mettre votre micro en sourdine lorsque vous ne parlez pas. Pour les personnes qui utilisent Zoom, l'interprétation se trouve au bas de votre écran. Vous avez le choix entre le parquet, l'anglais et le français. Pour celles qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
Conformément à notre motion de routine, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant notre réunion.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et aux motions adoptées par le Comité le lundi 31 janvier 2022 et le jeudi 2 février 2023, le Comité tient une séance d'information avec l'ambassadeur et représentant permanent du Canada aux Nations unies.
J'ai maintenant le grand honneur d'accueillir au sein de notre comité Son Excellence Robert Rae, notre ambassadeur et représentant permanent auprès des Nations Unies.
Monsieur l'ambassadeur Rae, nous vous sommes très reconnaissants de votre présence parmi nous aujourd'hui. Vous avez cinq minutes pour présenter votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions des députés.
La parole est à vous pour cinq minutes, monsieur.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis heureux de présenter un bref rapport, puis de répondre à vos questions. Je vous suis très reconnaissant de l'occasion qui m'est fournie.
Mon travail a commencé à l'été 2020 lorsque le Canada, le monde et les Nations unies ont été confrontés à une série de défis difficiles, y compris la pire pandémie mondiale depuis 1918, le plus grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, des conflits graves dans les pays et entre ceux‑ci, qui ont été exacerbés par la présence de groupes extrémistes et de gouvernements autoritaires, le changement climatique, ainsi que les conséquences financières, économiques et sociales de toutes ces crises successives.
[Français]
En tant qu'ambassadeur, je dirige une équipe diversifiée et talentueuse composée d'agents du service extérieur, de membres des Forces armées canadiennes, de policiers canadiens ainsi que d'experts chargés de répondre à nos besoins dans les domaines de la communication, de la technologie et de l'information, en plus de nous appuyer dans notre responsabilité d'accueillir une myriade d'événements, de visites et de conférences s'inscrivant dans notre programme fort chargé tout au long de l'année.
Lorsque je suis arrivé à New York, les Nations unies et les bureaux du Canada à New York ont été touchés par la COVID‑19. Nous fonctionnons maintenant à pleine vitesse et à plein régime.
Ma première obligation est de diriger cette équipe, de coordonner nos activités avec l'administration centrale à Ottawa et de veiller à ce que notre travail soit mené avec intelligence et intégrité. Je suis très fier de la façon dont nous représentons le Canada et les Canadiens.
[Traduction]
Mes autres fonctions comprennent celles de président de la Commission de consolidation de la paix des Nations unies de 2020 à 2021, de président du comité consultatif de l'ECOSOC sur Haïti pendant tout le temps que j'ai passé à New York, et de président d'un certain nombre de « groupes d'amis », y compris ceux sur l'Afghanistan, le Myanmar, les enfants et les conflits armés, et le financement du développement. J'ai également présidé le groupe de travail de New York de l'assemblée des États parties de la Cour pénale internationale, ce qui signifie que je suis également vice-président de l'assemblée de 2021 à la fin de cette année.
En juillet prochain, le Canada assumera la vice-présidence de l'ECOSOC qui, avec l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité, est l'organe des Nations unies dont les responsabilités sont énoncées dans la Charte des Nations unies. Dans le cours normal des choses, le Canada pourrait s'attendre à assumer la présidence de l'ECOSOC en 2024‑2025.
Plusieurs autres crises ont profondément influencé le déroulement de notre mission. L'Irak et la Syrie sont à l'origine de problèmes persistants liés aux conflits, aux déplacements et aux réfugiés. L'effondrement du gouvernement élu de l'Afghanistan et la prise de contrôle par les talibans en décembre 2021 ont créé des centaines de milliers de réfugiés déplacés. Le traitement réservé aux femmes a mené à l'allégation d'apartheid sexuel. Nous avons dû composer avec des enjeux difficiles touchant les femmes en Iran et en Afghanistan. Conformément à notre politique d'aide étrangère féministe, cette question reste au centre de nos activités.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie a entraîné le déplacement de millions de personnes à l'intérieur du pays et a donné lieu à des débats et à des discussions constants au sein de l'Assemblée générale des Nations unies. La crise humanitaire et politique croissante en Haïti met directement en cause le Canada dans de nombreuses discussions. Le Myanmar et la crise des Rohingyas ont donné lieu à des conflits majeurs, à des catastrophes humanitaires et à d'importantes questions de responsabilisation. La même chose se produit dans le Sahel. Il y a des crises des droits de la personne en Iran, en Afghanistan, en Chine et à de nombreux autres endroits. Nous soulevons régulièrement ces questions. Nous devons également nous occuper de la question des déplacements au Venezuela, en Colombie et en Amérique centrale.
Ce monde en tourmente a un effet important sur notre travail en tant que mission, sur mon rôle de conseiller auprès des ministres d'AMC et du et de son personnel, et, bien sûr, sur mon rôle d'ambassadeur ici.
[Français]
Le monde est profondément troublé en ce moment, et mes responsabilités consistent à la fois à faire rapport au gouvernement fédéral des conséquences de la guerre, des conflits, des effondrements financiers, des changements de loyauté et des événements complexes, et à fournir mon aide lorsqu'il s'agit d'expliquer aux Canadiens, aux membres des Nations unies et à une société civile active la façon dont nous percevons le monde. Mon rôle relève à la fois de la diplomatie traditionnelle et de la défense de nos intérêts et de nos valeurs dans la sphère publique.
En tant que chef de la délégation canadienne, je suis fier de pouvoir m'exprimer sur des questions telles que les droits de la personne, l'État de droit, l'égalité entre les genres, la Politique d'aide internationale féministe du Canada, la paix et les conflits, les changements climatiques et d'autres questions brûlantes d'actualité.
Je suis également fier de représenter le point de vue du Canada dans de nombreuses discussions à huis clos entre des pays qui partagent les mêmes idées que nous et des pays qui sont souvent en désaccord avec nous ou en désaccord les uns avec les autres.
[Traduction]
Je serai très heureux de répondre à vos questions dans le temps dont je dispose. J'ajouterai que je serai heureux de revenir devant le Comité chaque fois que cela s'avérera utile.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur l'ambassadeur Rae. Je suis ravi de savoir que vous vous ferez un plaisir de revenir au Comité dans l'avenir. Il y a de nombreux enjeux, et il a fallu un certain temps pour vous réserver. Quoi qu'il en soit, je m'en tiendrai là. Nous vous souhaitons à nouveau à bienvenue.
Pour commencer, j'aimerais vous poser des questions sur la reconnaissance du génocide. Nous savons que lorsque la Chambre des communes reconnaît un génocide, cela ne signifie pas nécessairement que le gouvernement du Canada reconnaît ce génocide ni qu'il milite pour cette reconnaissance à l'échelle internationale.
Votre bureau pourrait jouer un rôle important en plaidant pour la reconnaissance des génocides dans certains cas sur la scène internationale, mais il y a eu un certain nombre de cas récents de reconnaissance de génocides à la Chambre sur lesquels le gouvernement n'a fait aucun commentaire. Je voudrais vous demander, à propos de certains cas particuliers, si votre bureau plaide en faveur d'une reconnaissance internationale plus large de ces génocides et quelle est la position du gouvernement du Canada.
Commençons par le génocide tamoul à la fin de la guerre civile au Sri Lanka. Le gouvernement du Canada considère‑t‑il qu'il s'agit d'un génocide, et votre bureau préconise‑t‑il une reconnaissance plus large du génocide?
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Ce n'est pas seulement mon bureau, monsieur Genuis. C'est aussi notre bureau à Genève, qui est très concerné par la question de ce qui est arrivé aux Tamouls.
Je me suis beaucoup intéressé à cette question depuis que je travaille au Forum des fédérations, soit depuis la fin du siècle dernier. Il a donc fallu attendre longtemps.
Il y a deux questions en ce qui concerne la reconnaissance. La première consiste à savoir si nous décrivons les choses comme un génocide dans nos discours et dans nos commentaires. La réponse est oui. La deuxième, c'est que la reconnaissance officielle ou formelle d'un génocide est quelque chose qui se fait entre les États parties à la CIJ, la Cour internationale de justice, comme vous le savez bien.
Habituellement, les Nations unies ne font pas de déclaration à l'Assemblée générale relativement à cette question, mais c'est quelque chose que nous n'hésitons pas à mentionner dans nos discours, que cela concerne la situation touchant les Tamouls, la situation touchant les Ouïghours ou de nombreuses autres situations que vous et moi — si je peux le dire, puisque notre amitié dure depuis des années — connaissons très bien.
Oui, c'est quelque chose dont nous discutons fréquemment.
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Je pense qu'il y a en Inde un débat en cours au sujet de la question du nationalisme, de la façon dont ce nationalisme populiste s'exprime et du traitement réservé aux diverses minorités au pays. Je n'assimile pas cette situation à quelques autres dont je suis témoin.
Évidemment, comme vous le savez peut-être, le gouvernement du Canada m'a demandé, il y a 17 ans, d'examiner l'attentat à la bombe contre Air India. J'ai appris à connaître très bien les défis qui ont donné lieu à cette situation tragique. J'ai toujours senti qu'il était important pour nous de bien comprendre que l'Inde a un gouvernement élu. C'est un gouvernement élu et réélu, et les élections sont contestées à l'échelle fédérale en Inde, ainsi que dans tous les États.
C'est une approche très différente, si vous voulez, de celle que nous adopterions dans d'autres situations où les gouvernements ne sont pas élus, ne sont pas démocratiques et sont très répressifs. Il faut composer avec ces situations en faisant preuve de beaucoup de sensibilité et de compréhension.
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Comme vous le savez peut-être, Randeep — si je peux me permettre — j'étais ici à New York. Nous observions très attentivement avec beaucoup d'inquiétude la spéculation croissante que la Russie pourrait, en fait, lancer une attaque contre l'Ukraine. Le Conseil de sécurité se réunissait le soir au moment même où la guerre a été lancée. Le membre russe, le président du comité à l'époque, ne savait pas que cela allait se produire. Je ne pense pas qu'il le savait. Il n'a certainement pas dit qu'il était au courant.
Au cours de la soirée, il est devenu clair que l'attaque allait viser directement Kiev, la capitale de l'Ukraine, contrairement aux nombreuses spéculations selon lesquelles la guerre se limiterait au conflit en cours à Donetsk et à Luhansk. Ce que nous avons vu tout de suite, c'est qu'il allait s'agir d'une attaque massive.
Un certain nombre d'entre nous étions en train de discuter pour savoir comment nous pourrions réagir. La réponse était que nous allions faire tout en notre pouvoir pour nous assurer que, comme nous savions que les Russes pouvaient exercer un veto sur tout ce que le Conseil de sécurité pourrait faire ou ne pas faire, le centre d'action se déplace vers l'Assemblée générale, et c'est exactement ce qui s'est passé. Nous avons participé activement à ces conversations et à ces discussions sur la manière dont nous allions procéder ensemble, sur la forme que prendraient les résolutions à l'Assemblée générale et sur la manière dont nous allions commencer à mobiliser le soutien international pour ce qui était en train de se passer.
Parallèlement, nous devions entamer des conversations avec le Secrétariat des Nations unies et avec l'organisation appelée BCAH, qui est l'agence de coordination humanitaire des Nations unies, sur la manière dont nous devrions pouvoir mobiliser tous les efforts sur le terrain pour soutenir les personnes qui seraient fortement touchées par la guerre au fur et à mesure qu'elle se déroulait.
Évidemment, j'entretenais un dialogue constant avec les représentants à Ottawa, tant par téléphone que par courriel, etc. Nous parlions de la façon dont nous coordonnerions nos activités et de ce que cela signifierait, ainsi que des activités qui se dérouleraient à Genève et ailleurs.
C'était une période très occupée. Le 24 février n'est pas une date que je vais oublier facilement. Cela a été un moment très dramatique.
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En ce qui concerne les répercussions globales, je pense qu'il ne fait aucun doute que la guerre et ses répercussions économiques et sociales ont été énormes. Elles l'ont été pour l'Ukraine. La situation humanitaire en Ukraine demeure extrêmement difficile. Les bombes peuvent frapper n'importe où dans le pays et à n'importe quel moment. Il est clair que les Russes ont ciblé l'infrastructure civile et les sites civils. Ils ont tué des milliers d'innocents qui ne sont pas impliqués dans le conflit.
Cela a eu des répercussions traumatisantes sur l'Ukraine, mais aussi de fortes répercussions économiques et sociales sur le reste du monde, parce que l'Ukraine, comme vous l'avez dit, est un fournisseur majeur d'aliments et d'engrais. Les ports ukrainiens sont largement utilisés pour acheminer, par la mer Noire, des produits alimentaires dans le monde entier. Ces lignes d'approvisionnement ont été perturbées. Un certain nombre des ports, dont celui de Marioupol, ont été complètement détruits. Les Russes ont continué de bombarder Odessa, bien qu'un accord ait été conclu pour évacuer les céréales. Les répercussions ont été extraordinaires, comme je l'ai dit, pour le peuple ukrainien et pour le monde entier.
À l'échelle mondiale, naturellement, je dois dire qu'un certain nombre de pays ont eu l'impression que l'Occident répondait de cette manière à l'Ukraine et aux réfugiés ukrainiens, aux besoins humanitaires avec la quantité d'aide que nous fournissons, mais quand il s'agissait de leur situation, ils ne voyaient pas le même niveau de réponse. C'est un défi permanent pour nous, en tant que pays ayant soutenu l'Ukraine, de dire que nous pouvons en fait soutenir plus d'un groupe à la fois.
Je pense que les politiques d'immigration du Canada et que nos politiques relatives aux réfugiés nous ont aidés pour ce qui est de notre propre crédibilité en tant que pays, en disant: « Voici ce que nous faisons dans l'ensemble. » Sous réserve de ce qui se passera cet après-midi à 16 h, nous avons maintenu un niveau très élevé de soutien et d'aide à un certain nombre de pays. Nous avons maintenu notre aide d'urgence. Nous avons maintenu et amélioré notre soutien aux organismes humanitaires, au BCAH, non seulement dans le cadre de son travail en Ukraine, mais partout dans le monde. Notre part globale du budget des Nations unies demeure très élevée. Nous comptons parmi les 10 principaux donateurs aux Nations unies et à toutes ses agences. Nous maintenons une position solide dans nos discussions avec les pays africains, les pays asiatiques et d'autres qui reçoivent de grandes quantités de denrées alimentaires et d'autres produits de la région. Nous disons que nous faisons ce que nous pouvons pour aider.
Je ne pense pas que quiconque devrait sous-estimer les répercussions de l'inflation alimentaire, les répercussions du coût des intrants dans l'agriculture et les répercussions générales que cela a sur les pays en développement. Cela a eu de graves répercussions sur leur situation financière, économique et sociale. Je ne pense pas que nous devrions les sous-estimer.
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Merci, monsieur le président. J'espère pouvoir bénéficier de la même mansuétude de votre part.
Votre Excellence, je suis très heureux de vous revoir. Il y a bien longtemps que nous vous attendions. J'avais même demandé votre comparution avant même votre nomination à titre d'ambassadeur et de représentant permanent du Canada auprès des Nations Unies, afin que vous nous présentiez votre vision du mandat associé à cette fonction. Malheureusement, pour toutes sortes de raisons qu'il serait trop long d'expliquer ici, cela n'a pas été possible. Aujourd'hui, nous avons enfin l'occasion de vous voir et de vous entendre.
Selon ma conception des choses, et vous me le direz si je fais erreur, votre rôle consiste à représenter les intérêts du gouvernement du Canada, mais aussi à présenter une image positive de notre pays à l'étranger et à entretenir des relations cordiales et respectueuses avec les États étrangers, particulièrement nos alliés.
Comme vous le savez, il existe deux conceptions du vivre-ensemble dans ce pays: une vision davantage multiculturaliste, d'inspiration anglo-saxonne, et une vision axée davantage sur la laïcité, d'inspiration française et républicaine. Chacune de ces visions n'est ni meilleure ni pire que l'autre, mais elles doivent être respectées en fonction de la volonté des gens qui composent ce pays en ce moment.
Or, le 12 décembre 2021, vous avez repris un gazouillis de Mme Elghawaby, qui n'avait alors pas encore été nommée représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l'islamophobie, mais qui critiquait déjà le Québec et son projet de loi no 21 à en vomir, disait-elle. Vous avez déclaré:
[Traduction]
« Il y a un sens profond et discriminatoire à cette loi. Elle va clairement à l'encontre de la Déclaration universelle des droits de l'homme. »
[Français]
Avez-vous le sentiment qu'en faisant une telle déclaration, vous avez, d'une certaine façon, entaché à l'étranger non seulement l'image du Québec, mais aussi celle du Canada?
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Pas du tout, monsieur Bergeron. Il y a plusieurs visions du Canada ou idées sur le Canada. Vous en avez décrit seulement deux, mais nous pourrions discuter d'une dizaine ou d'une douzaine d'autres. Je crois que c'est important que ce soit reflété.
Depuis le début de ma carrière publique, j'ai toujours parlé de l'importance de respecter les droits de la personne, le pluralisme canadien et la spécificité du Québec. Cela fait longtemps que je lutte pour cela. Je l'ai fait lors de nombreux débats constitutionnels, quand j'étais député fédéral, quand j'étais premier ministre de l'Ontario et quand j'ai pris part aux discussions entourant l'accord de Charlottetown. Toute ma vie, j'ai fait preuve de respect envers la spécificité du Québec et la société distincte du Québec. Je suis un fédéraliste convaincu, mais, pour moi, le fédéralisme ne signifie pas un gouvernement centralisateur. Cela veut plutôt dire que le gouvernement respecte les différences au sein du pays et les champs de compétence des provinces. C'est la position que j'ai toujours prise.
En ce qui concerne le gazouillis dont vous avez parlé, j'y ai exprimé mon opinion personnelle, comme je le fais dans tous les gazouillis que je publie. Je travaille de près avec des professionnelles de la fonction publique du Canada qui portent le hidjab. Naturellement, je pense que leur opinion est égale à la mienne, et je vais continuer d'appuyer leur travail. Je vais laisser à d'autres le soin de discuter de la loi 21, qui s'est retrouvée devant les tribunaux du Québec et du Canada.
En toute franchise, je dois dire que j'ai toujours eu beaucoup de respect pour la diversité d'opinions au Québec. Par exemple, la semaine passée, Mme Desbiens faisait partie de notre délégation qui participait à la conférence des Nations unies sur l'eau. Je suis toujours respectueux des gens du Parlement du Canada qui viennent nous faire part de leurs opinions.
Naturellement, je suis au courant du débat qui a suivi mon gazouillis, mais je ne vais pas poursuivre ce débat. Je n'ai jamais eu l'intention de le faire et je ne vais pas le faire aujourd'hui non plus.
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Vous avez ouvert la porte aux échanges, il y a quelques instants, alors j'ose espérer que nous aurons l'occasion d'échanger plus longuement.
Selon un article du Journal de Montréal paru le 13 décembre 2019, plusieurs pays d'Europe comme la France et la Belgique, de même que des cantons suisses et des länder allemands, pour ne citer que ceux-là, ont des réglementations ou des lois très analogues à la loi 21. Dans certains cas, on va même plus loin en interdisant le port de signes religieux dans l'espace public.
En tant qu'ambassadeur, diriez-vous que la laïcité française, par exemple, a un caractère discriminatoire et va à l'encontre de la Déclaration universelle des droits de l'homme?
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur l'ambassadeur, d'être avec nous aujourd'hui.
Je veux prendre un moment pour vous remercier du travail que vous faites en ce qui concerne l'Ukraine. J'y étais récemment. J'ai vu, tout comme vous l'avez décrit, que les civils ont été la cible de la Russie. C'est une guerre horrible. Je vous remercie de vous être prononcé à ce sujet.
Monsieur l'ambassadeur, vous avez beaucoup parlé de la façon dont le monde est profondément troublé et de tous les défis auxquels nous sommes confrontés. Une de mes préoccupations, en tant que Canadienne, c'est que je ne comprends pas notre réponse aux droits de la personne dans le monde. Cela ne semble pas équitable. Cela ne semble pas juste. Il semble que nous fassions une sélection lorsque nous protégeons les droits de la personne et lorsque nous ne les protégeons pas.
Les deux ou trois premières questions que j'aimerais vous poser concernent votre rôle au sein des Nations unies et le dossier de vote du Canada en ce qui concerne Israël et la Palestine. Je ne pense pas que vous serez surpris d'entendre que j'ai des préoccupations à ce sujet.
Au cours des dernières années, le Canada a voté contre des résolutions qui exhortent la communauté internationale à augmenter l'aide humanitaire à la Palestine. Nous avons voté contre un appel qui exhorte Israël à cesser d'enfreindre le droit international dans les territoires occupés. Nous avons voté contre la réaffirmation du fait que les colonies d'Israël sont illégales et constituent un obstacle à la paix. Nous avons voté contre le fait d'exhorter Israël à se conformer aux dispositions du droit international.
Monsieur l'ambassadeur, le Canada fait partie de la minorité par rapport à ces résolutions. Nous avons rejoint la Micronésie, les Îles Marshall, Nauru, le Togo et Palau. Nous n'avons pas rejoint la Norvège, la Suède, l'Allemagne, le Royaume‑Uni, la France et le Danemark. Cette année, en particulier, le Canada a voté contre une résolution appelant la Cour internationale de justice à demander un simple avis consultatif sur l'illégalité de l'occupation du territoire palestinien par Israël.
Je vous rappelle, monsieur l'ambassadeur, que le Canada demande très fermement que justice soit rendue à l'Ukraine. J'ai participé à cet appel. Nous avons tous, dans cette enceinte, participé à cet appel, mais je ne comprends pas pourquoi nous avons un point de vue différent selon les régions.
Pouvez-vous m'expliquer pourquoi le Canada continue de voter contre les appels à la justice et les droits de la personne des Palestiniens?
Le vote du Canada changera‑t‑il au cours de l'année à venir en raison des politiques dangereuses du gouvernement de l'extrême droite en Israël et de la crise croissante, qui a une incidence négative sur les Israéliens et les Palestiniens?
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Je vais faire quelques remarques en réponse à votre question.
La première, c'est que les décisions sur la façon dont nous votons sont prises par le gouvernement du Canada, par la et à l'issue de discussions au cabinet du et ailleurs. Je pense qu'il serait préférable que ces discussions aient lieu à la Chambre des communes, car je ne suis pas ici pour débattre avec vous d'un vote ou d'un autre.
Je m'opposerais à un commentaire que vous avez formulé, à savoir que notre position sur les droits de la personne est incohérente par rapport à la situation au Moyen‑Orient. Notre position à l'égard du Moyen‑Orient est très claire. Elle figure sur le site Web du ministère des Affaires étrangères. C'est très clair en ce qui concerne notre appui à deux États pour deux peuples, ce qui est notre position depuis la fin des années 1940.
Le gouvernement — tant durant les années de M. Martin que celles de M. Harper, et maintenant à l'époque de — a décidé il y a quelque temps que nous n'allions pas choisir entre toute une série de résolutions qui nous était présentée...
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Je ne vous ai pas interrompue.
Vous me pardonnerez si je réponds en disant que je pense que la décision que nous avons prise quant à la façon dont nous votons par rapport au Moyen-Orient était de dire: « Écoutez, nous n'allons pas faire une sélection parmi un certain nombre de résolutions. » C'est une position que le gouvernement a prise pour l'instant. J'ignore si cette position changera ou non.
Je suis heureux de vous dire que le gouvernement du Canada a été très constant. En fait, j'ai fait un gazouillis à ce propos il y a deux jours. Nous pensons que la règle de droit devrait protéger tout le monde en Israël et en Palestine. Nous pensons que tout le monde devrait être protégé par la règle de droit. Nous pensons qu'il est extrêmement important qu'il y ait deux États pour deux peuples.
Nous sommes profondément en désaccord avec les personnes qui disent que les Palestiniens n'ont pas le droit à l'autodétermination. Nous pensons qu'ils ont ce droit. Nous pensons que les parties doivent décider ensemble, en vertu du droit international, comment elles vont négocier une meilleure solution. Le fait qu'elles n'aient pas pu...
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Monsieur l'ambassadeur, je vais vous interrompre. Vous connaissez la procédure. Vous savez que nous ne disposons que d'un temps limité pour poser nos questions, et je veux donc m'assurer que nous ne manquerons pas de temps.
Puisque je connais la réalité en ce moment, tout d'abord, je dirai que j'estime que les votes ont été incroyablement incompatibles avec la politique des deux États, comme je l'ai expliqué aujourd'hui.
Des extrémistes au sein du gouvernement israélien sont maintenant responsables de la sécurité à l'intérieur d'Israël dans les territoires occupés. Ils menacent d'annexer le territoire palestinien, ce qui constitue une violation, comme vous le savez, du droit international. Hier encore, le chef du gouvernement israélien a promis de créer une milice dirigée par l'extrémiste Ben Gvir. Le gouvernement israélien nous dit très clairement qu'il prévoit continuer de violer le droit international et les principes mêmes des Nations unies.
Comment pouvons-nous continuer de justifier cela?
Une chose que j'aimerais signaler, c'est que des milliers de personnes en Israël — et, en fait, des juifs du monde entier — protestent contre ce que le gouvernement fait. Assurément, le gouvernement canadien peut avoir le courage de voter avec la population israélienne et contre certaines de ces décisions d'extrême droite.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur l'ambassadeur, de vous joindre à nous aujourd'hui.
C'est vous qui avez dit que votre fonction publique a commencé au siècle dernier, alors je reconnais que j'ai commencé à interagir avec votre gouvernement en Ontario au cours de la dernière décennie du siècle dernier, en particulier avec votre ministre Buchanan.
Je vais revenir à l'alimentation dans un moment, mais je veux commencer par le groupe Wagner. Sa présence se fait ressentir dans toute l'Afrique subsaharienne et dans de nombreuses autres régions du monde. En particulier, bien sûr, la Russie utilise maintenant des services en Ukraine.
Une étude récente que nous venons d'achever ici au comité des affaires étrangères a recommandé que le groupe soit inscrit sur la liste des groupes terroristes. Pouvez-vous nous faire part de vos commentaires, s'il vous plaît?
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Merci, monsieur Epp. Je suis heureux de vous revoir.
Toute décision d'inscription sur la liste des entités terroristes est prise par vos collègues à Ottawa. Je suis sûr que le gouvernement examinera très sérieusement cette question.
L'utilisation d'une armée privée où que ce soit dans le monde est une source de préoccupation. Le recours au groupe Wagner est particulièrement préoccupant en raison de ses antécédents, de la manière dont il se comporte et de la manière dont il s'est comporté. Le fait qu'il soit maintenant largement utilisé en Afrique est très préoccupant pour moi. Cela préoccupe énormément le gouvernement.
Je pense que cela s'explique en partie par le défi en matière de consolidation de la paix. Le secrétaire général publiera un rapport au cours des prochaines semaines sur l'avenir de la consolidation de la paix dans le système des Nations unies. Nous participerons très activement à cette discussion, car je pense que nous sommes tous très soucieux de garantir l'efficacité publique du maintien de la paix.
Il faut dire que le gouvernement du Mali a pris la décision d'inviter le groupe Wagner. Ce groupe est aussi actif en République centrafricaine. La situation globale dans le Sahel et dans d'autres parties de l'Afrique est extrêmement préoccupante pour nous lorsque nous regardons quelles ont été les conséquences.
En ce qui concerne la question particulière que vous avez posée au sujet de la désignation terroriste, c'est une décision qui appartient au gouvernement fédéral.
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Merci, monsieur le président.
Merci encore une fois à vous, monsieur l'ambassadeur, d'être revenu au Comité. J'aimerais rappeler à mes collègues que vous étiez ici en février de l'année dernière, et je suis heureuse de vous accueillir à nouveau ici.
J'aimerais parler de quelque chose qui s'est passé hier soir sur la Colline du Parlement. Nous avons été en mesure de rencontrer Masih Alinejad et Nazanin Boniadi, ainsi que d'autres personnes de l'Alliance pour la démocratie et la liberté en Iran. Plusieurs membres du gouvernement et du Sénat avons été encouragés, en tant que parlementaires, à utiliser le terme « apartheid sexuel ». J'ai remarqué que vous, monsieur l'ambassadeur, avez utilisé ce même terme ici aujourd'hui devant notre comité.
Pourriez-vous expliquer l'importance de l'utilisation de ce terme et peut-être nous dire s'il est de plus en plus utilisé aux Nations unies et dans d'autres tribunes internationales?
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Merci, monsieur l'ambassadeur.
J'en suis aussi fière. Merci d'avoir mené la charge aux Nations unies en nous représentant si bien et en faisant valoir le point de vue du Canada sur ce qui se passe en Iran.
Je m'en voudrais de ne pas parler du fait que, il y a quelques jours à peine, le président Biden est venu à Ottawa et s'est adressé au Parlement. Dans son adresse, il a conclu en disant que nous avons une occasion exceptionnelle, et je vais le citer. Il a dit ceci:
... une occasion exceptionnelle s'offre à nous de travailler ensemble afin que le Canada et les États-Unis puissent produire et fournir, ici même en Amérique du Nord, tout ce dont nous avons besoin pour créer des chaînes d'approvisionnement fiables et résilientes.
... Le Canada et les États-Unis peuvent faire de grandes choses, se tenir debout et grandir, ensemble. Nous allons bâtir l'avenir ensemble...
Je ne veux bien sûr pas parler de ce qui arrivera à 16 heures cet après-midi, mais avez-vous l'impression aux Nations unies que le Canada et les États-Unis sont alignés non seulement en ce qui concerne l'économie, mais aussi les préoccupations en matière de sécurité et tous les aspects de notre relation? Avez-vous ce sentiment aujourd'hui, dans les corridors où vous circulez, que le Canada et les États-Unis sont très bien alignés, plus que jamais?
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Je dirais que la façon dont nous défendons le pluralisme et le fait que nous sommes un pays multiracial et multiculturel est pour moi un principe important. Vous avez droit à vos opinions, monsieur Bergeron, et le gouvernement du Québec a le droit d'agir dans ses champs de compétence. Ce sera aux tribunaux de décider si la position qu'il prend est constitutionnelle. En même temps, je pense que vous devez accepter le fait que beaucoup de Canadiens n'appuient pas cette politique.
Pour ma part, j'ai pris un moment pour défendre, encore une fois, le principe du multiculturalisme et le caractère multiracial et pluraliste du Canada, car c'est un principe important.
Est-ce que le Canada est l'Europe? Non. Nous avons une expérience différente. Le Canada n'est pas exactement dans la même position que les autres pays, et je l'accepte.
J'accepte également le principe selon lequel les gens ont le droit de pratiquer leur religion ou d'être de n'importe quelle foi que ce soit tout en servant l'État. Je n'accepte pas l'idée qu'on doive choisir entre son identité religieuse et son identité démocratique. Je pense que les gens peuvent avoir les deux. J'accepte complètement qu'on ait le droit de...
Encore une fois, merci énormément d'être avec nous aujourd'hui, monsieur l'ambassadeur.
Monsieur l'ambassadeur, je sais que vous avez beaucoup travaillé dans le domaine du désarmement, mais en 2014, vous siégiez au Comité lorsqu'il a étudié la Loi interdisant les armes à sous-munitions que le Canada avait proposée. Aujourd'hui, dans le cadre de ses travaux, le Comité va examiner différentes lois, et nous allons nous pencher sur des dispositions similaires.
À l'époque, vous vous êtes opposé à l'article 11 de la loi qui permettait aux membres des Forces armées canadiennes d'ordonner l'emploi d'armes à sous-munitions. Vous avez dit que cela était « en contradiction totale avec le fait que le Canada est contre l'utilisation de ces bombes ».
Je propose un amendement au projet de loi à l'étude qui vise à corriger enfin cet article de la Loi interdisant les armes à sous-munitions, laquelle, comme vous l'aviez dit jadis, posait un sérieux problème. Votre gouvernement va‑t‑il soutenir l'amendement? Le savez-vous?
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Bonjour, monsieur l'ambassadeur.
Le 23 février 2022, vous avez reconnu qu'il n'est jamais trop tard pour arrêter, et qu'il n'est jamais trop tard pour aller vers la diplomatie.
Je crois que nous pouvons reconnaître, nous tous, que, comme la Russie se montre de plus en plus déterminée à poursuivre sa campagne militaire en Ukraine, que tout espoir de résolution diplomatique que nous pouvions avoir est en train de s'éteindre. Pourriez-vous s'il vous plaît parler de notre soutien à l'Ukraine? Nous devons soutenir l'Ukraine, c'est sans équivoque. Nous avons besoin d'une victoire tout à fait décisive.
Je vais vous laisser en dire un peu plus sur le sujet, mais, compte tenu du temps, pourriez-vous aussi approfondir un peu plus vos commentaires quant à la position du Canada sur l'invasion de l'Ukraine et nous expliquer pourquoi il s'agit d'un génocide?
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En ce qui concerne la question du génocide, il faut écouter très attentivement les discours du président Poutine pour comprendre quel but visait la Russie en se lançant dans cette guerre.
Il ne fait aucun doute dans mon esprit, d'après ce que j'ai lu, ce que j'ai vu et ce que je lui ai entendu dire publiquement — j'observe Poutine depuis très longtemps —, qu'il reconnaît l'indépendance, la souveraineté et le caractère distinct de l'Ukraine et de la culture et du peuple ukrainiens. Voilà pourquoi je pense que l'expression de « génocide » n'est pas inappropriée.
Quant à ce que fait le Canada, je pense que le Canada s'est montré exemplaire, sincèrement, en ce qui a trait aux sanctions et à l'approvisionnement militaire et parce qu'il soutient intégralement l'Ukraine en lui donnant ce dont elle a besoin quand elle en a besoin. Je pense que nous avons répondu à toutes les demandes. Pour soutenir l'Ukraine, nous sommes intervenus sur les plans politique, militaire, diplomatique et humanitaire, et nous avons déployé tous les efforts pour faire ce qui devrait être fait.
Pourrions-nous en faire plus? Oui, bien sûr, tout le monde peut en faire plus, et nous en ferons plus. Le a été très clair dans toutes ses déclarations: nous sommes prêts à intervenir et nos interventions seront efficaces.
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La situation en Haïti est très grave. Les gangs ont pris le contrôle d'une bonne partie du pays et de la plus grande partie de Port-au-Prince. La situation est grave pour les femmes et les enfants dans ce pays. Il y a une sérieuse pénurie de nourriture. La situation est vraiment très troublante.
Nos interventions suivent un principe de base: concrètement, c'est premièrement au gouvernement — et, franchement, au peuple haïtien et aux dirigeants politiques d'Haïti — que revient la responsabilité de recevoir l'aide offerte et de faire tout ce qu'il peut pour rétablir l'ordre public, puis s'engager sur la voie de la démocratie vers des élections.
Il y en a qui disent que les Haïtiens ne peuvent pas le faire seuls. Le gouvernement a fait savoir qu'il veut essayer qu'ils le fassent, il veut créer des conditions dans lesquelles cela est possible. Nous offrons franchement à Haïti un soutien sans précédent, et nous en ferons plus. Nous travaillons dur pour nous assurer non seulement que l'ordre civil puisse être rétabli, mais aussi pour que les droits civils puissent être maintenus. Nous ne croyons pas que l'ordre et les droits sont incompatibles. Nous pensons que les deux doivent exister. Vous n'avez pas seulement besoin de sécurité publique, vous avez aussi besoin de vous assurer du respect de vos droits démocratiques.
Présentement, la violence des gangs est terrible; le manque de respect des gangs envers le peuple haïtien est épouvantable. Nous devons faire tout en notre pouvoir pour perturber les activités des gangs, mais nous devons le faire d'une façon qui met de l'avant les forces haïtiennes.
La raison pour laquelle nous agissons ainsi, c'est que les autres formes d'intervention peuvent avoir de graves conséquences, dont nous devons tenir compte. Ce ne sont pas toutes les interventions précédentes qui ont réussi ou qui ont donné des résultats durables. Nous devons continuer de mettre l'accent sur le principe de la durabilité. Voilà, essentiellement, ce que nous essayons de faire.
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Merci, monsieur le président.
Si vous me le permettez, j'aimerais dire, à titre personnel, que j'ai été ravi, monsieur le président, que vous ayez pu vous joindre à nous, à New York, durant le débat sur l'Iran. J'aimerais aussi que les autres membres sachent que vous êtes tous les bienvenus, si vous pouvez assister aux réunions de l'Assemblée générale, aux réunions des Nations unies. Vous y serez toujours les bienvenus, et nous trouverons toujours moyen de vous fournir de l'aide, si vous en avez besoin.
Comme je l'ai dit, je suis très heureux de participer à nouveau aux travaux du Comité. C'est parfois difficile à cause de nos horaires, le mien et apparemment les vôtres aussi, mais c'est toujours un grand plaisir pour moi. Je vous suis vraiment reconnaissant d'avoir pu être avec vous aujourd'hui.
Merci beaucoup de l'invitation.
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Je souhaite à nouveau la bienvenue à tous et à toutes.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 16 novembre 2022, le Comité reprend son étude du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski), la Loi sur la radiodiffusion et la Loi interdisant les armes à sous-munitions.
J'ai maintenant le grand plaisir d'accueillir nos deux distingués témoins.
D'abord, nous accueillons M. Alex Neve, qui, comme vous le savez tous, est agrégé supérieur à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa. Nous accueillons aussi Mme Laura Harth, directrice de campagne de la Fundacion Safeguard Defenders. Mme Harth a témoigné la semaine dernière devant un autre comité.
Un grand merci à vous deux.
Premièrement, nous allons écouter vos déclarations préliminaires, et les députés auront ensuite des questions à vous poser. Vous avez cinq minutes chacun. Quand votre temps sera presque écoulé, vous me verrez tenir ceci, et je vous serais reconnaissant de bien vouloir conclure vos réponses ou vos commentaires le plus vite possible.
Puisque vous êtes avec nous en personne, monsieur Neve, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
Je pensais que vous alliez proposer de prendre un égoportrait de nous ou quelque chose du genre.
C'est un plaisir d'être parmi vous et de contribuer à votre étude sur cet important projet de loi.
Depuis que la Déclaration universelle des droits de l'homme a été adoptée, il y a presque 75 ans, les États ont créé un large éventail de normes, d'organismes et de processus pour protéger les droits de la personne dans toutes les régions du monde.
Il existe 18 principaux traités de l'ONU sur les droits de la personne, incluant les protocoles facultatifs. Dix comités d'experts surveillent la conformité des États à ces traités. Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies se réunit trois fois par année, en plus de tenir fréquemment des sessions extraordinaires. Tous les quatre ans et demi, dans le cadre de son examen périodique universel, le Conseil revoit le bilan de chaque État membre de l'ONU en matière de droits de la personne. Le Conseil, par l'intermédiaire d'un ensemble spécial de procédures regroupant 45 experts indépendants spécialisés par thème et 14 experts indépendants spécialisés par pays, examine de façon rigoureuse les défis qui existent dans le monde relativement aux droits de la personne. Des commissions d'enquête indépendantes, établies par le Conseil, réalisent des enquêtes approfondies sur les situations dans le monde où les droits de la personne sont violés de façon généralisée.
Malgré tout cela, il continue d'y avoir dans notre monde d'énormes défis en matière de droits de la personne. Des gouvernements sur chacun des continents méprisent les obligations contraignantes qu'ils sont tenus de respecter. Il y a peu de redditions de comptes ou de mesures pour faire respecter ces obligations; on se fie principalement sur la bonne foi et l'intérêt personnel.
Le Canada a joué un rôle clé dans une grande partie de ces progrès et est grandement respecté en tant que champion international des droits de la personne, mais il y a encore beaucoup de choses que nous pouvons et devons faire.
D'une part — même si ce n'est pas le sujet de la réunion d'aujourd'hui —, nous devons absolument donner un meilleur exemple en mettant en œuvre efficacement nos propres obligations internationales en matière de droits de la personne au Canada. D'autre part, même si les gouvernements canadiens parlent de l'importance des droits de la personne dans nos politiques étrangères, il nous manque pour soutenir cela une reddition de comptes, des plans et des engagements transparents et vérifiables qui montrent concrètement, à l'étranger, que les droits de la personne sont une priorité au Canada.
Le projet de loi nous permet de progresser dans cette direction de deux façons: avec un rapport annuel expliquant les mesures que le gouvernement a prises pour promouvoir les droits de la personne à l'échelle internationale et avec une liste des prisonniers d'opinion dont le Canada réclame la libération. Je crois que ces deux propositions peuvent et doivent aller plus loin.
En ce qui a trait à la première proposition, je crains qu'un rapport annuel ne soit pas suffisant s'il n'y a pas de cadre solide comme fondement. C'est pour cette raison que les défenseurs des droits de la personne demandent depuis de nombreuses années que le Canada adopte un plan d'action pangouvernemental sur les droits de la personne à l'échelle internationale; que ce plan doit être élaboré à la lumière de consultations avec des organisations de la société civile et des organisations autochtones et il doit aussi être mis à jour régulièrement et faire l'objet de rapports d'étapes annuels, qui seront examinés par le Parlement et rendus publics.
Je proposerais une modification au projet de loi , afin d'exiger qu'un tel plan d'action et de tels processus de reddition de comptes soient élaborés.
Pour ce qui est de la deuxième proposition, il faut garder à l'esprit un certain nombre de considérations. Je vais en souligner deux seulement.
Premièrement, l'expression « prisonnier d'opinion » — une expression puissante, adoptée après des décennies de campagnes menées par Amnistie internationale —, n'est toutefois pas définie en droit. Il y a beaucoup de personnes détenues injustement, mais dont la situation n'est pas englobée par cette expression, par exemple des personnes qui risquent d'être soumises à la torture, de disparaître ou d'être mises à mort. Ce que je proposerais, plutôt, c'est de mettre l'accent sur les personnes qui sont détenues ou qui risquent de subir d'autres traitements contrevenant aux obligations internationales en matière de droits de la personne.
Deuxièmement, il y a plusieurs considérations stratégiques dont il faut tenir compte relativement à la publication de listes de prisonniers. Même si nous avons absolument besoin de plus de transparence et de reddition de comptes, nous avons aussi des raisons tout à fait légitimes d'être prudents et de protéger la confidentialité. Il y a certains prisonniers dont la situation pourrait s'améliorer si elle était rendue publique, mais dans d'autres cas, c'est inutile. Je me préoccupe du genre de message qu'on enverrait si une affaire n'apparaissait pas sur la liste, pour une raison ou pour une autre.
Cela fait des décennies que je travaille à encourager la diplomatie canadienne à s'intéresser au cas des prisonniers, y compris des citoyens canadiens injustement emprisonnés à l'étranger, mais ma préoccupation la plus pressante a été le défaut, voire même le refus, de fournir de l'information concrète aux membres de la famille, aux avocats et aux groupes de la société civile qui contribuent activement à des affaires données.
Au lieu de seulement nous concentrer sur cette seule liste publique de noms de prisonniers, je recommanderais fortement que le projet de loi soit modifié de façon à exiger que l'on élabore une stratégie claire pour la diplomatie du gouvernement canadien à l'égard des cas de prisonniers, que cette stratégie soit peut-être intégrée au plan d'action international sur les droits de la personne et qu'elle comprenne les normes suivantes: premièrement, il faut veiller à la cohérence, y compris lorsque cela concerne les groupes de défense d'intérêt public; deuxièmement, il faut inclure davantage les familles, les avocats et les groupes de la société civile dans le travail sur les cas de prisonniers; troisièmement, il faut orienter les rapports publics sur les efforts du gouvernement, y compris le nombre de dossiers sur lesquels il travaille, les activités qu'il mène et les préoccupations en matière des droits de la personne que cela soulève.
Merci, j'ai terminé mes commentaires.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux membres du Comité de m'avoir invitée à nouveau à témoigner au nom de la Fundacion Safeguard Defenders.
Comme vous le savez peut-être, notre mission consiste à lutter contre les violations graves des droits de la personne, notamment en invoquant les cadres réglementaires existants. Nos efforts visent non seulement à ce que ceux qui commettent des violations des droits de la personne soient tenus responsables, mais aussi à faire respecter l'ordre international fondé sur des règles, fermement encadré par la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Comme M. Neve vient tout juste de le souligner, à juste titre, cet enjeu concerne autant la politique étrangère que la nécessité de veiller à ce que les normes soient respectées dans toutes les sociétés démocratiques, y compris la nôtre.
Si vous me le permettez, je vais donc mettre l'accent, dans mon témoignage, sur la question de la Loi sur la radiodiffusion, pour laquelle, si je ne me trompe, un amendement a été proposé.
Après la montée au pouvoir de Xi Jinping en République populaire de Chine, la Télévision centrale de Chine, aussi appelée la CCTV, et son organe international, le CGTN, ont commencé à diffuser de façon systématique des confessions forcées de défenseurs des droits de la personne, de cibles étrangères et aussi de personnes soupçonnées pour des motifs non politiques.
Dans notre rapport de 2018, intitulé Scripted and Staged — avec scénario et mise en scène —, nous avons analysé les enregistrements de 45 confessions diffusées entre 2013 et 2018, y compris les entrevues avec une dizaine de victimes ou de membres de leur famille. Les confessions sont couramment obtenues avant le procès, avant même que la personne n'ait rencontré un avocat et souvent même avant qu'elle ne soit officiellement arrêtée. Ces confessions, qui sont écrites par la police, sont arrachées par la menace, la torture et la peur, y compris la persécution des proches et des membres de la famille de la personne. Cela viole le droit fondamental de la personne à un procès équitable, à la présomption d'innocence, au droit de garder le silence et au droit de ne pas s'incriminer.
Nous avons réussi à démontrer devant Ofcom, l'organisme de réglementation de la radiodiffusion du Royaume-Uni, que les organes de presse du parti chinois, le CGTN et la CCTV, ne font pas que simplement diffuser ces confessions; ils participent activement à leur écriture et à leur mise en scène, ce qui veut dire qu'ils participent directement à la violation de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale. Faisant suite à nos plaintes, ce même organisme de réglementation du Royaume-Uni a infligé une série d'amendes aux radiodiffuseurs pour avoir diffusé ce genre de confessions forcées télévisées. D'autres amendes ont aussi été infligées en lien avec leurs reportages extrêmement tendancieux sur les manifestations pour la démocratie à Hong Kong.
Nous avons aussi présenté des preuves du contrôle éditorial direct exercé par le Parti communiste de Chine sur ces organes de presse, à la suite d'une réforme stratégique en 2018. Le CGTN a été incapable de réfuter cette information.
Votre comité trouvera d'ailleurs intéressant de savoir que les rapports annuels sur la responsabilité sociale des entreprises du CGTN énoncent à plusieurs reprises que son objectif et sa mission sont de soutenir le Parti communiste chinois, avec Xi Jinping en son centre. Ainsi, et grâce au cadre réglementaire applicable du Royaume-Uni, Ofcom a pu annuler la licence de radiodiffusion du CGTN, au début de 2021, puisque les chaînes qui sont la propriété directe d'un parti politique ou qui sont contrôlées directement par un parti politique sont interdites de diffusion au Royaume-Uni.
Un point important à souligner est que des plaintes similaires et des lettres de bon nombre de victimes de ces confessions télévisées forcées ont été envoyées à des radiodiffuseurs individuels qui diffusaient une partie ou l'intégralité du contenu du CGTN et de la CCTV et que, conformément à leurs responsabilités sociales, notamment au titre du Pacte mondial des Nations unies, des radiodiffuseurs de l'Australie, de la Suède et de la Norvège ont décidé indépendamment de retirer ces chaînes de leurs forfaits. Il y a aussi des plaintes réglementaires officielles concernant les confessions forcées télévisées qui sont en cours d'examen en France et au Canada.
Il est important de souligner que, même si les organismes de réglementation des pays démocratiques sont généralement liés par les mêmes principes en matière de droits de la personne, les détails de leur réglementation en matière de radiodiffusion varient énormément, ce qui fait que la capacité d'intervention des organismes de réglementation est limitée. Malgré tout, en tant qu'organisation, nous avons constaté que les interventions réglementaires, dans ce genre d'affaires, sont une trousse d'outils très efficaces, quand elle est utilisée. Nous savons que le CGTN, même s'il n'y a pas complètement mis fin, a réduit considérablement la diffusion de confessions forcées télévisées.
La CCTV, qui n'a pas été touchée par des mesures réglementaires, jusqu'ici, a continué de produire et de diffuser à l'échelle internationale des confessions forcées télévisées en toute impunité. Rien qu'en janvier de cette année, il y a eu 26 nouvelles confessions forcées télévisées; elles font d'ailleurs l'objet de notre dernière plainte à l'organisme de réglementation français.
Donc, nous sommes fermement en faveur de tout effort visant à renforcer les cadres réglementaires, pour veiller à ce que les organismes de réglementation en matière de radiodiffusion aient tous les outils nécessaires pour lutter efficacement contre ce genre de violation éhontée des droits de la personne, commise à des fins de propagande et de mésinformation, dans le paysage médiatique mondial d'aujourd'hui.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins de nous avoir présenté leurs déclarations préliminaires.
J'ai quelques questions pour Mme Harth.
Monsieur Neve, j'aimerais beaucoup vous poser quelques questions aussi, mais le temps m'est compté. Je trouve que vous avez soulevé d'excellents points en ce qui concerne le besoin de rapports transparents d'Affaires mondiales Canada. D'ailleurs, cette semaine, la vérificatrice générale a publié un rapport soulignant exactement cela, à l'égard de la Politique d'aide internationale féministe du gouvernement, alors merci de ce témoignage.
J'aimerais demander à notre témoin de nous parler de la plainte de Safeguard Defenders au CRTC. L'organisme a déposé une plainte au sujet de la diffusion de confessions forcées par le CGTN au Canada. Pouvez-vous nous donner les dernières nouvelles sur cette plainte?
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Oui. Merci de la question.
Sans trop entrer dans les détails, puisque la plainte n'est évidemment pas réglée, nous avons déposé la plainte initiale en décembre 2019. Cette plainte initiale concernait une confession forcée en particulier qui avait été télévisée, mais elle mettait aussi en relief l'utilisation générale par la CCTV‑4 et le CGTN de ce genre de confessions forcées télévisées. Pour revenir aux déclarations du CRTC, quand il a d'abord permis la diffusion de la CCTV‑4, et plus tard du CGTN au Canada, nous avons envoyé une lettre de suivi en 2021, après la décision d'Ofcom. Nous avons aussi envoyé des lettres de suivi rédigées par des victimes, notamment à Rogers, parce qu'il diffusait certaines de ces chaînes.
Aux dernières nouvelles, d'après ce que nous savons, au début de l'année en cours, l'homologue chinois du CRTC a répondu à certaines de ces questions. Après avoir reçu la réponse du CRTC, nous avons offert de répondre à certaines des allégations faites par le CGTN en réponse au CRTC, mais, jusqu'ici, nous n'avons pas obtenu d'autre réponse.
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Je vous remercie de cette réponse.
L'année dernière, il y a eu beaucoup de plaintes, non seulement au sujet de la chaîne CGTN, mais également des radiodiffuseurs d'États autoritaires, comme Russia Today, et je note que, après que la guerre en Ukraine a éclaté, le 24 février de l'année dernière, après environ une semaine et demie ou deux, le gouvernement du Canada, particulièrement le , a pris un décret en conseil, ordonnant et demandant au CRTC, en vertu de l'article 15 de la Loi sur la radiodiffusion, d'examiner la licence de Russia Today. Dans les semaines qui ont suivi, Russia Today s'était vu retirer sa licence de la liste des programmes non canadiens. Je me demande pourquoi il faut tant de temps pour traiter cette plainte contre le CGTN et pourquoi le gouvernement n'adopte pas la même approche à l'égard du CGTN, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion actuelle.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins de leur témoignage.
Comme on l'a déjà dit, M. Neve a présenté quelques arguments convaincants. Je ne vais pas lui poser de questions, mais j'aimerais vraiment en poser une à Mme Harth.
Nous savons que de nombreuses personnes se sont opposées à des projets de loi que le a soumis à la Chambre concernant certaines des multinationales étrangères qui ont diffusé certaines informations, y compris des organismes comme Netflix, etc. Ma préoccupation est la suivante: comment concilier, dans une bonne loi, la liberté de la presse et la capacité de lutter contre la désinformation et la propagande, comme vous le dites?
J'aimerais poser cette question, et j'aimerais vous donner le temps d'y répondre, parce que je pense que c'est au cœur de la question de savoir comment on conserve la liberté de presse, et comment le faire, puisque le CRTC est un organe quasi judiciaire et que le gouvernement du Canada ne peut pas le contraindre à faire quoi que ce soit? Puisque c'est un organe quasi judiciaire, le fait que le gouvernement tente de dire au CRTC exactement ce qu'il doit faire est en fait considéré comme de l'ingérence.
Par ailleurs, comment résoudre le problème de la liberté de presse par rapport à la désinformation et à la propagande? C'est une nécessité, et je suis d'accord qu'il est nécessaire de le faire, mais comment le faire? Avez-vous des idées? Y a‑t‑il une façon claire de le faire?
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Merci beaucoup de la question.
C'était très important pour nous, et je pense que vous constaterez, à la lecture de nos plaintes, que, d'une certaine manière, nous avons précisément ciblé, quoique cibler n'est pas le mot... Nous avons dénoncé le fait que CCTV‑4 et le CGTN aient diffusé ces confessions forcées télévisées. En ce qui concerne les autres plaintes — par exemple, la plainte relative à la façon dont les manifestations à Hong Kong ont été couvertes par le CGTN, et l'objet des plaintes au Royaume-Uni et des sanctions imposées par l'organisme de réglementations Ofcom —, celles‑ci relèvent davantage de l'aspect de la partialité et de la désinformation.
Nous sommes confrontés à la même question. Nous comprenons que c'est très difficile. Cependant, dans le cas du CGTN et de CCTV‑4, nous avons très clairement affaire à des violations flagrantes des droits de la personne.
Très brièvement, si vous me le permettez, j'aimerais rappeler les déclarations du CRTC en 2006 quand, après un long examen, il a pris la décision d'autoriser l'ajout de CCTV‑4 à la liste des radiodiffuseurs numériques. Voici ce que le CRTC a dit:
[…] le Conseil a relevé plusieurs cas où le contenu de radiodiffusion du service comportait, selon lui, des commentaires offensants. Étant donné que ces cas remontent à 1999 et 2001, et vu l'absence de preuve pour étayer les allégations voulant que d'autres propos de ce genre aient été diffusés plus récemment […]
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil approuve la demande […] [et] estime inutile d'autoriser sa distribution sous réserve de conditions précises, autres que celles qui s'appliquent généralement à de tels services.
Ensuite, quand il a ajouté le CGTN, le Conseil a noté que ces blocs de services devaient respecter « les lois de tous les pays dans lesquels ses services sont diffusés » et que ces services « se conformeront aux articles des codes qui régissent la télédiffusion du Canada ». Cependant, le retrait d'un service de la liste est « un recours que [le Conseil] est prêt à utiliser » « s'il est prouvé que le service a diffusé des propos offensants au Canada ».
Voilà ce que déclarait le CRTC à l'époque, et c'est le genre de déclarations auxquelles on s'intéresse lorsqu'il s'agit de la diffusion de confessions forcées télévisées, qui sont clairement une violation qui a été commise, y compris sur les ondes canadiennes.
Cela ne répond pas tout à fait à la question de savoir comment traiter la désinformation — et la propagande, qui est d'ailleurs une autre question —, mais il s'agit vraiment de faire respecter le règlement sur la radiodiffusion et de veiller à ce qu'aucune atteinte aux droits de la personne ne puisse être diffusée sur les ondes canadiennes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins pour leur éclairage extrêmement pertinent et intéressant concernant le projet de loi .
Monsieur Neve, vous et moi avons eu l'occasion, dans une vie antérieure, de travailler sur un certain nombre de dossiers, dont celui de M. William Sampson. Dans ce cas particulier, il était souhaitable de jouer le tout en sourdine, c'est-à-dire de ne pas s'exprimer publiquement afin que les démarches puissent se poursuivre.
J'avais une préoccupation, et je l'ai exprimée la semaine dernière au parrain du projet de loi et aux représentants d'Affaires mondiales Canada. Je vous remercie de vos excellentes suggestions d'amendement, qui me semblent répondre à certaines de mes préoccupations, particulièrement au sujet des premiers éléments de ce projet de loi.
J'aimerais revenir sur une déclaration que vous avez faite dans The Globe and Mail, en date du 14 janvier, concernant les effets de la loi de Magnitski. Vous avez écrit que « le gouvernement canadien demeure réticent à imposer des sanctions à l'encontre des représentants coupables du gouvernement chinois au moyen de l'instrument communément appelé la loi de Magnitski ».
Je signale cependant que le gouvernement a imposé des sanctions à quatre particuliers chinois et à une entité chinoise en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales.
Selon vous, quel objectif parvient-on à atteindre en imposant des sanctions en vertu de la loi de Magnitski qu'on ne parvient pas à atteindre en imposant des sanctions en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales?
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Merci beaucoup, monsieur Bergeron.
[Traduction]
C'est un bon rappel du travail qui a été fait il y a plus de 20 ans dans l'affaire William Sampson. Je pense que cela nous rappelle qu'il y a des cas où la publicité n'est pas nécessairement dans l'intérêt stratégique du prisonnier concerné.
En ce qui concerne la loi de Magnitski et, je suppose, la Chine, bien que je pense que votre question va plus loin que cela, la loi de Magnitski offre évidemment un ensemble de sanctions plus complètes et plus ciblées en mettant l'accent sur les personnes responsables. Je pense que le lien très spécifique que l'on fait entre la sanction et les préoccupations relatives aux violations des droits humains internationaux est très important et très utile.
Je pense que les sanctions ont des conséquences à la fois concrètes et symboliques. Je pense que c'est toujours le cas avec les sanctions, mais c'est certainement le cas avec les dispositions de la loi de Magnitski. Certainement, elles peuvent avoir des répercussions directes sur la personne concernée. Cependant, on note que, dans de nombreuses situations, ce n'est probablement pas le cas. Il n'y a peut-être pas d'actifs ou de projets de voyage ou d'autres mesures qui seront directement touchés, mais cela a envoyé un message très fort à l'échelle mondiale, à savoir que le Canada surveille, et qu'il se préoccupe du comportement de cette personne au regard des droits humains internationaux et qu'il est prêt à aller au‑delà du discours et à imposer réellement des sanctions.
Bien sûr, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, la seule chose qui fait encore cruellement défaut dans le système international des droits de la personne, c'est l'application et la reddition de comptes. Ces dispositions nous entraînent dans cette direction, et à un degré qui peut vraiment nuire, à savoir la responsabilisation et la responsabilité personnelles.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Neve, je vous remercie d'être ici. Je pense que tout le monde ici présent reconnaît que vous êtes l'une des voix les plus importantes pour la défense des droits de la personne dans notre pays. Nous apprécions énormément que vous nous fassiez profiter de votre expertise à ce stade‑ci.
J'aimerais d'abord souligner qu'il est très important de ne jamais oublier que, au bout du compte, quand on parle de prisonniers, ils ont une famille. Ce sont des pères. Ce sont des enfants. Ce sont des personnes. Hier, j'ai eu une réunion bouleversante avec des Turcs qui avaient été détenus arbitrairement. J'ai également rencontré Enes Kanter Freedom, qui est un allié incroyable pour ces personnes.
Je sais que vous m'avez parlé de Dong Guangping. J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de ce que ce projet de loi signifiera et que vous nous disiez si nous pouvons l'améliorer au point où il aidera vraiment les défenseurs des droits de la personne et ceux qui ont été détenus arbitrairement.
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Dong Guangping, en deux minutes... Dong Guangping est un défenseur des droits de la personne chinois incroyable, qui a été emprisonné trois fois en Chine, à cause de son militantisme, dont une grande partie est liée à la place Tiananmen Square.
Son épouse, sa fille et lui ont fui la Chine en 2015. Il a presque réussi à venir au Canada, à l'époque. Il avait été accepté dans le cadre de la réinstallation des réfugiés, mais le gouvernement thaïlandais les ont retrouvés à l'endroit où ils se cachaient, et l'a malheureusement livré aux autorités chinoises, quelques jours seulement avant qu'il ne s'envole pour venir au Canada. Il a été renvoyé en Chine et a de nouveau été emprisonné. Il a ensuite été libéré de cette troisième période d'emprisonnement. Il était déterminé à retrouver de nouveau le chemin de la liberté, surtout que son épouse et sa fille étaient maintenant ici, au Canada. Évidemment, il voulait être avec elles.
Sa première tentative incroyable a été de nager littéralement vers la liberté. Il a tenté de nager au large des côtes chinoises pour atteindre une île au large des côtes contrôlée par Taïwan. Il a failli se noyer. Il n'y est pas arrivé. Il a été rescapé par un bateau de pêcheurs et ramené en Chine. Il a fait une autre tentative, cette fois‑là par voie terrestre jusqu'au Vietnam, où il est resté caché pendant deux ans et demi — il a enduré la COVID, par exemple —, en cherchant avant tout à ne pas attirer l'attention des autorités vietnamiennes, pendant que le gouvernement canadien réfléchissait soigneusement à la façon dont il pouvait encourager le Vietnam à le laisser quitter le pays et venir au Canada.
Malheureusement, le 24 août de l'année dernière, il y a sept mois, alors que son départ pour le Canada semblait approcher, il a été arrêté par la police vietnamienne. Il n'a plus donné signe de vie depuis.
Pour relier cela au projet de loi , je pense que la famille — et certainement les militants — ont accueilli très favorablement la participation du Canada à la défense de ses droits. En particulier, le et la ont abordé son sujet à des niveaux élevés, à l'automne, lorsqu'ils ont participé à un certain nombre de sommets en Asie du Sud-Est, mais au‑delà de cela, il a été très difficile pour la famille d'avoir une idée claire de ce qui est ou n'est pas fait.
On nous assure qu'on s'en occupe, mais il n'y a jamais de rapport sur ce qu'il en est et aucune indication quant aux résultats ou à l'issue. Je pense que cela laisse la famille dans l'ignorance totale. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'insiste sur le fait que le projet de loi pourrait être davantage renforcé s'il tenait compte de cet aspect de la question. Comment s'assurer que les membres de la famille et les militants reçoivent plus d'informations fiables?
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Merci, monsieur le président.
Je vais commencer par un commentaire sur la question de la liberté de presse; puis, madame Harth, j'aimerais obtenir votre réponse à ce sujet.
Je pense que la liberté de presse est très importante. Cependant, j'aimerais aborder quelques points dans le contexte de ce projet de loi. Tout d'abord, la liberté de presse n'exige pas que tout le monde ait une licence de radiodiffusion publique. Certaines règles régissent les licences de radiodiffusion publique. Vous pouvez toujours obtenir RT au Canada. Vous pouvez visionner cette chaîne en ligne. Je n'en fais pas la promotion. Je ne pense pas que vous devriez l'écouter, mais elle est accessible en ligne, et le CGTN serait toujours accessible en ligne si sa licence de radiodiffusion était retirée.
Une autre façon de répondre à cela est de dire que ce ne sont pas des chaînes de nouvelles. Par exemple, vous pouvez obtenir beaucoup d'information sur conservateur.ca. Il s'agit du site Internet d'un parti politique, mais il ne s'agit pas d'un organe de presse et il en est de même pour les organisations qui existent uniquement pour diffuser les opinions des partis politiques étrangers.
Aussi, c'est comme si on disait que, lorsque ces supposées organisations médiatiques qui n'en sont pas enfreignent elles-mêmes directement les droits de la personne, il est évident qu'elles perdraient le bon nom de supposée association de la presse. De manière générale, la notion de liberté de parole et de liberté d'expression ne veut pas dire que les gouvernements autoritaires étrangers peuvent diffuser leurs messages dans notre pays, particulièrement avec le privilège d'avoir une licence de diffusion.
Je pense qu'il y a des distinctions très claires à faire entre ce que font les vrais journalistes et ce que font ces organes de propagande qui enfreignent les droits de la personne. Aucune raison ne justifie qu'elles puissent bénéficier d'une licence de radiodiffusion.
Madame Harth, j'aimerais avoir votre opinion là‑dessus, s'il vous plaît.
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Merci, monsieur le président.
Je vais m'adresser à M. Neve.
Merci d'être ici et de nous conseiller au sujet du projet de loi. Je pense que c'est très important et c'est pourquoi j'aimerais que vous en parliez davantage.
Je pense à des affaires sur lesquelles nous avons travaillé ensemble il y a de nombreuses années, des affaires où il était justifié que le gouvernement et la société civile se fassent bien entendre et des affaires où il était important que la société civile se fasse entendre et que le gouvernement ne dise rien. Il y a aussi eu des cas où il était important que la société civile comme le gouvernement se taisent pour sauver des vies.
J'apprécie grandement vos remarques concernant la publicisation de ces noms. Je n'avais pas pensé à ce qui arrive lorsque le nom d'une personne ne figure pas sur la liste, ce qui pourrait peut-être signaler la mauvaise chose. J'apprécie aussi beaucoup votre préoccupation quant au fait que le terme « prisonnier d'opinion » n'est pas bien défini sur le plan juridique et j'apprécie grandement vos remarques concernant la façon dont on pourrait le définir.
J'aimerais vous laisser le reste du temps qui m'est alloué afin que vous parliez un peu plus des avantages et des inconvénients de publier une telle liste et de la façon de nommer ce que nous faisons.
Votre résumé est excellent: parfois, la publicité est tout à fait la meilleure stratégie à adopter, tandis que d'autres fois, ce ne l'est peut-être pas, même pour la société civile. Je pense qu'on présume que la société civile veut toujours rendre les choses très publiques, mais, souvent, notre militantisme se fait dans la discrétion, en coulisses.
Cela dit, si je disais qu'on avait besoin d'une stratégie à cet égard, c'est que je pense que, si nous pouvions bien réfléchir à l'élaboration de directives plus cohérentes pour aider les gouvernements à décider dans quels cas il serait avantageux ou non de rendre une affaire publique, quelles considérations sont légitimes et lesquelles ne le sont pas... À tort ou à raison, je pense qu'on croit souvent que le problème, avec la publicité, c'est qu'elle pourrait créer un malaise ou rendre les choses plus difficiles et exercer une pression supplémentaire sur le gouvernement en nuisant à ses efforts dans le domaine public. Je dirais qu'il ne s'agit pas vraiment d'une considération légitime. Je pense que ce dont il faut tenir compte, c'est de ce que vous avez souligné — vos préoccupations quant au fait que, parfois, la publicité peut rendre les choses plus difficiles ou même mettre en péril le prisonnier.
Il serait très utile de faire ce travail en s'appuyant sur une vaste consultation. Cela nous donnerait aussi l'occasion d'envisager d'autres aspects stratégiques sur lesquels il faut se pencher, comme la nature de la relation avec les membres de la famille.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Neve, je ne saurais être plus d'accord avec vous lorsque vous dites que les gouvernements, peu importe leur couleur, hésitent à intervenir lorsqu'il est question de pays comme la Chine. Cela dit, la loi de Magnitski n'était pas en vigueur à l'époque du gouvernement conservateur. Le gouvernement libéral, de son côté, a appliqué des sanctions en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales.
Dans le cadre actuel, maintenant qu'il y a cette nouvelle loi, qu'est-ce qui empêche le gouvernement d'appliquer des sanctions en vertu de la loi de Magnitski? Serait-ce, comme on le prétend, que le tout doit être coordonné avec les pays partageant les mêmes valeurs?
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C'est une bonne question, et j'aimerais bien connaître la réponse.
Je pense qu'il faut certainement réfléchir à votre dernier point. Selon moi, il est légitime de se dire que la coordination avec d'autres pays, même si elle ne devrait pas être une raison de ne pas imposer de sanctions — il y a beaucoup de « ne pas », ici — est certainement importante pour renforcer les sanctions quand elles sont imposées, si elles le sont, particulièrement en ce qui nous concerne. Nous ne sommes pas un très gros joueur. Nous ne sommes pas un joueur sans importance, mais nous n'en sommes pas un très gros. Si le Canada est en mesure de se coordonner avec d'autres pays, cela renforcera certainement les choses.
Je pense que, malheureusement, les obstacles, particulièrement en ce qui concerne la Chine, comme je l'ai dit plus tôt, tendent à être plus de nature politique et concernent moins les principes. Je ne pense pas que c'est essentiellement parce qu'on croit que les sanctions ne sont pas appropriées ou qu'elles ne sont pas suffisamment appuyées sur des préoccupations en matière de droits de la personne. Bien au contraire, je pense qu'on reconnaît habituellement la gravité des préoccupations en matière de droits de la personne; mais, comme je l'ai dit, nous avons vu de la réticence et de la nervosité de la part des gouvernements des deux affiliations depuis les 15 à 20 dernières années, en ce qui concerne la Chine. Ils ne veulent pas frapper un grand coup.
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Merci, monsieur le président.
C'est toujours un plaisir pour moi de pouvoir poser la toute dernière question.
Monsieur Neve, je vais vous en poser deux, puis vous laisser le reste du temps pour répondre. Les deux questions concernent les amendements que je vais déposer.
La première question est la suivante: compte tenu du défi que pose l'emploi du terme « prisonnier d'opinion », seriez-vous d'accord d'utiliser une formulation comme « prisonniers détenus dans le monde en violation des lois et des normes internationales en matière de droits de la personne »? C'est la première question.
Ensuite, je vais proposer un amendement visant à supprimer l'article 11 de la loi canadienne sur les armes à sous-minutions. Il s'agit bien entendu comme vous le savez de l'article qui permet aux Forces canadiennes de transporter des armes à sous-minutions et d'ordonner leur utilisation lors d'opérations interarmées avec un État non participant. Seriez-vous en faveur d'un tel amendement?
En ce qui concerne les armes à sous-munitions, j'ai effectué des recherches sur le terrain dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne. J'ai interviewé des survivants d'attaques par arme à sous-munitions. J'ai vu sur le terrain des bombes à sous-minutions qui n'avaient pas détoné et d'autres qui avaient explosé. Elles sont odieuses. Elles n'ont pas leur place dans les opérations militaires, et le Canada ne devrait pas ouvrir la porte le moindrement à la possibilité de participer à des opérations qui ne font même qu'envisager l'utilisation d'armes à sous-munitions, donc oui, je suis très en faveur de cet amendement.
Pour ce qui est de l'amendement qui viserait à préciser et améliorer le terme « prisonnier d'opinion » utilisé actuellement, je pense qu'il s'agit d'une bonne proposition. Par contre, j'irais peut-être un peu plus loin. Je pense que, en mettant l'accent sur la détention, on risque de ne pas englober toutes les situations; je pense au cas de Dong Guangping. En fait, nous ne savons pas s'il est détenu, présentement. Nous savons qu'il a disparu. Nous savons qu'il a été arrêté et enlevé.
Je pense que, dans mes commentaires, j'ai suggéré quelque chose comme « personnes détenues ou victimes d'autres traitements contrevenant aux normes internationales en matière de droits de la personne », juste pour nous assurer que la portée est suffisamment large pour englober tous les cas préoccupants.