Le processus législatif / Divers

Motion d’attribution de temps, recevabilité: étape du rapport et de la troisième lecture

Débats, p. 18380-18381

Contexte

Le 15 août 1988, au cours du débat à l’étape du rapport du projet de loi C‑130 concernant l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, l’hon. Doug Lewis (ministre d’État et ministre d’État (Conseil du Trésor)) invoque le Règlement pour déclarer que les deux partis de l’opposition se sont entendus pour limiter la durée du débat sur le projet de loi à l’étape du rapport et de la troisième lecture. Selon le ministre, cette entente prévoit 150 jours de débat à l’étape du rapport et 200 jours à la troisième lecture. En indiquant que c’était se moquer des négociations, le ministre donne avis que le gouvernement a l’intention de proposer une motion d’attribution de temps aux termes du Règlement[1]. Immédiatement après, l’hon. Herb Gray (Windsor-Ouest) invoque le Règlement pour s’opposer à cet avis. Il fait valoir que l’avis présente deux défauts : il ne précise pas le temps qui sera attribué et, comme le ministre le fait remarquer, puisque les partis de l’opposition se sont entendus, selon M. Gray, les exigences du Règlement sont respectées, et l’avis n’est pas valable[2].

Le débat sur cette question reprend le lendemain lorsque le ministre propose de présenter la motion d’attribution de temps. M. Gray invoque à nouveau le Règlement pour plaider contre la motion[3]. Le débat porte alors surtout sur la question de savoir si l’accord conclu par les partis de l’opposition, auquel le ministre faisait allusion, répond aux exigences du Règlement qui stipulent que « la majorité des représentants des divers partis à la Chambre ont convenu de l’attribution proposée. » Après avoir entendu les commentaires d’autres députés, le Président rend plus tard dans la journée une décision sur les deux points. Celle-ci est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M.  Le Président : Hier, l’honorable ministre d’État (Conseil du Trésor) a donné avis, conformément à l’article 117 du Règlement, d’une motion d’attribution de temps au sujet de l’étude aux étapes du rapport et de la troisième lecture du projet de loi C‑130, Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis d’Amérique.

Le député de Windsor-Ouest a invoqué le Règlement et soutenu que l’avis comportait une lacune parce qu’il ne précisait pas le nombre d’heures ou de jours à attribuer. Il a en outre affirmé que le ministre ne pouvait aller de l’avant parce que « la majorité des représentants des divers partis » avaient convenu d’une attribution de temps proposée conformément à l’article 116 du Règlement.

L’honorable député de Kamloops—Shuswap (M. Nelson Riis) a appuyé les propos de l’honorable député de Windsor-Ouest et affirmé que le leader parlementaire du gouvernement ne pouvait invoquer l’article 117 du Règlement parce que le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique s’étaient entendus au sujet d’un nombre précis de jours de débat à consacrer à l’étude aux étapes du rapport. Ils s’étaient mis d’accord sur 150 jours à l’étape du rapport et 200 jours à la troisième lecture pour le projet de loi sur le libre-échange, de la façon prescrite par le Règlement

Je répondrai d’abord à l’intervention selon laquelle l’avis oral comporte une lacune parce qu’il ne précise pas le temps à attribuer au reste du débat. La présidence a relu attentivement l’article 117 du Règlement. Au sujet de l’avis, on lit ceci dans le texte de l’article : « […] et qui a donné avis de son intention de ce faire[...] ». L’article ne semble exiger qu’un avis d’intention seulement et non un avis du texte de la motion en soi.

De plus, je reporte les députés à deux précédents récents des 3 mai et 3 juin 1988, dates auxquelles on a donné le même avis d’intention sans préciser le nombre de jours. Je m’empresse d’ajouter que je ne signale pas ces deux cas aux députés pour laisser entendre que, parce que cela a été fait une fois nous devrions nécessairement nous en tenir à cette ligne de conduite. J’attire simplement l’attention de la Chambre sur ces faits. Ces deux incidents ne constituent pas un précédent pour ce qui est de la procédure, mais j’aimerais que la Chambre en tienne compte.

Je rappelle aux députés que la motion que la présidence soumettra peut-être à la Chambre est celle du ministre. Entre-temps, on a invoqué le Règlement. Je dois décider si la motion du ministre est recevable. Si oui, la motion que la présidence pourrait éventuellement soumettre à la Chambre devra être précise et prévoir au moins un jour de séance à l’étape du rapport et au moins un jour de séance à celle de la troisième lecture. À mon sens, le Règlement est clair sur ce point-là.

Je dois donc décider que le ministre a donné avis de son intention de la façon appropriée.

Le deuxième point soulevé ce matin par le député de Windsor-Ouest est plus complexe. Reformulé simplement, ce point est le suivant : Un ministre de la Couronne peut-il invoquer l’article 117 du Règlement si la majorité des partis, qui ne comprend pas le gouvernement, déclare qu’elle est parvenue à une entente en vertu de l’article 116 du Règlement?

Il convient de répéter ici la première phrase de l’article 116 du Règlement :

Lorsqu’un ministre de la Couronne, de son siège à la Chambre, déclare que la majorité des représentants des divers partis à la Chambre ont convenu de l’attribution proposée de jours ou d’heures pour les délibérations à une étape quelconque de l’adoption d’un projet de loi public […].

J’ai lu attentivement les mots « représentants des divers partis ». L’honorable député de Windsor-Ouest a déclaré que ces mots désignaient les leaders parlementaires des trois partis, mais le mot « représentants » peut être interprété de toutes sortes de façons et pourrait vouloir dire une majorité des députés de chaque parti ou même une majorité des députés à la Chambre. Je rappelle aux députés de Windsor-Ouest et de Kamloops—Shuswap que, un peu plus tôt, j’avais tenu des propos à cet effet. J’aurais sans doute dû observer les conseils des députés d’expérience qui m’ont appris à faire le travail de juriste et qui ont toujours soutenu qu’un juge sage s’abstenait de faire des observations pendant la présentation d’un argument.

Quoi qu’il en soit, ces mots n’ont jamais été explicités. Je dois avouer que, après avoir examiné les instances présentées par les deux députés, je serais porté à me rallier au point de vue voulant que les mots en cause désignent les leaders parlementaires des divers partis, ou leur représentant désigné, car aucune autre définition ne peut se révéler pratique, puisque le Règlement ne prévoit aucune façon officielle de déterminer la majorité d’un groupe plus étendu de députés.

Cela étant dit, je ne suis pas sûr de pouvoir convenir avec les députés de Windsor-Ouest et de Kamloops—Shuswap que les deux partis d’opposition peuvent à eux seuls conclure une entente qui obligerait un ministre de la Couronne à agir en vertu de l’article 116 du Règlement. Pour la gouverne des députés et du grand public, je tiens à rappeler que, si la présidence accepte cette prémisse, cela signifie que deux ou trois partis d’opposition, peu en importe le nombre, pourraient conclure une entente décidant du nombre de jours de débat à consacrer à un projet de loi donné, et que le gouvernement serait ainsi lié par cette entente. La première phrase de ces trois articles du Règlement, soit les articles 115, 116 et 117-qui portent tous sur la question de l’attribution de temps aux diverses étapes du débat sur un projet de loi-laisse clairement au ministre l’initiative d’annoncer qu’il y a eu entente ou qu’il n’y a pas eu entente. J’estime de plus que le ministre doit être partie à toute entente et que le fait de prendre la parole de son siège à la Chambre en vertu de l’article 115 ou 116 du Règlement pour prendre une initiative quelconque signifie qu’il appuie l’attribution de temps proposée.

L’article 117 du Règlement permet à un ministre d’agir s’il n’y a pas entente et, comme je l’ai dit le 6 juin 1988, la présidence doit accepter sans réserve la déclaration du ministre et ne peut juger de la qualité des négociations qui ont pu avoir lieu ni de toute proposition qui a pu être avancée. Dans le cas présent, on ne m’a même pas demandé de juger la qualité des négociations parce qu’il y a un document qui indique qu’au moins deux partis à la Chambre ont consenti à cet arrangement, encore que celui du gouvernement ne soit pas du nombre.

En conséquence, je dois déclarer recevables le préavis et la motion.

Post-scriptum

À la suite de la décision du Président, le ministre propose la motion d’attribution de temps qui est adoptée par la suite.

F0504-f

33-2

1988-08-16

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[1] Débats, 15 août 1988, p. 18309-18310.

[2] Débats, 15 août 1988, p. 18310-18311.

[3] Débats, 16 août 1988, p. 18352-18355.