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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 novembre 1999

• 1312

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Conformément au mandat qui lui est conféré par le paragraphe 83(1) du Règlement, le comité reprend ses consultations prébudgétaires.

Cet après-midi, nous avons le privilège d'avoir parmi nous des représentants de la Fédération canadienne des doyens des écoles d'administration, entre autres M. Timothy-Daniel Daus, directeur des opérations; M. Bernard Garnier, doyen de la Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval; et M. David Conrath, ancien doyen de l'École des affaires Michael G. de Groote de l'Université McMaster.

Y aura-t-il une présentation ou trois?

M. Bernard Garnier (doyen, Faculté des sciences de l'administration, Université Laval, Fédération canadienne des doyens des écoles d'administration): Une.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Alors, je vous accorde de 10 à 15 minutes.

M. Bernard Garnier: Je m'étais préparé pour une présentation de cinq minutes.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Parfait. Nous allons donc vous accorder entre cinq et dix minutes. Nous sommes très flexibles.

M. Bernard Garnier: Parfait.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bienvenue, monsieur Garnier.

M. Bernard Garnier: Monsieur le président, membres du Comité permanent des finances, nous vous remercions de nous recevoir pour faire valoir le point de vue de la Fédération canadienne des doyens des écoles d'administration dans le cadre de ces consultations prébudgétaires tenues en prévision du prochain budget fédéral. Permettez-nous de nous présenter rapidement. Je m'appelle Bernard Garnier. Je suis doyen, membre du conseil d'administration de la fédération et président de la région du Québec. Voici M. David Conrath qui, jusqu'à tout récemment, était doyen de l'École d'affaires de McMaster et qui a aidé la fédération à rédiger le mémoire que nous vous présentons. Je vous présente également M. Tim Daus, qui est notre directeur des opérations.

Permettez-moi de vous dire quelques mots de la Fédération canadienne des doyens. C'est un organisme qui a été créé en 1976 et qui représente une cinquantaine d'écoles de gestion comptant 120 000 étudiants en gestion, 2 800 professeurs, 35 programmes de MBA et 16 programmes de doctorat. Il y a aussi sept partenaires de l'industrie qui siègent avec nous et qui nous aident dans nos travaux.

• 1315

Notre mission principale, évidemment, est la promotion de la formation et de la recherche en gestion au Canada.

L'intervention que nous allons faire va traiter de trois points. Il y a d'abord la productivité. Nous allons notamment essayer de vous offrir des suggestions sur ce que devrait faire le gouvernement fédéral pour augmenter la productivité de l'économie canadienne. Nous parlerons ensuite de la nouvelle économie. Nous aimerions vous montrer en quoi il est important de soutenir des écoles de gestion au Canada pour donner une meilleure chance au Canada d'embarquer dans la nouvelle économie. Enfin, il y a l'infrastructure sociale. Nous aimerions vous suggérer quelques éléments permettant d'améliorer l'infrastructure sociale au Canada.

Le message principal que nous voulons vous livrer est le suivant. Il est très important d'investir dans la formation universitaire en gestion car, selon nous, c'est la clé de la croissance et de la productivité. Nous allons essayer de vous en faire la démonstration.

Lorsqu'on regarde les documents produits par différentes sources, notamment le gouvernement du Canada, on voit que le Canada accuse un certain retard en matière de productivité. Selon les sources consultées, nous sommes au dernier rang ou à l'avant-dernier rang des pays du G-7. Nous prétendons que ce retard est dû, pour le Canada, au fait que nous ne formons pas assez de diplômés universitaires en gestion et, notamment, dans les domaines de pointe. Les domaines de pointe que nous allons aborder sont ceux des nouvelles technologies et ceux qui touchent à l'innovation.

Nous avons un petit modèle sous forme de triangle, dont les trois sommets peuvent, selon nous, expliquer l'état de la productivité canadienne. La première pointe concerne le capital et l'investissement; la deuxième pointe concerne l'innovation technologique; et la troisième pointe du triangle concerne le développement du capital humain.

Sur les deux premières pointes, nous estimons que le Canada fait bien. En effet, les primes à l'investissement et les politiques fiscales nous semblent appropriées. Dans le domaine de l'innovation technologique, les diverses initiatives fédérales et provinciales nous semblent adéquates. Selon nous, ce qu'il manque, c'est la dimension développement du capital humain, et notamment le personnel de type managerial, le personnel de gestion qui, selon nous, est négligé.

En effet, lorsqu'on consulte quelque peu la littérature dans le domaine, on voit qu'il y a une forte corrélation entre le degré de formation en gestion des équipes dirigeantes et le succès de leur entreprise. En d'autres mots, plus les équipes dirigeantes sont sophistiquées en termes d'éducation en gestion, meilleur est le succès de leur entreprise.

Or, quand on fait un inventaire des écoles de gestion au Canada et de l'économie canadienne, on constate que nous manquons actuellement de personnel qualifié en gestion, notamment dans le secteur de l'innovation et des technologies de pointe.

Les universités canadiennes font leur possible pour former ces personnes, mais elles ne suffisent pas à la demande, et les programmes existants doivent être mis à jour.

Au Canada, il y a une soixantaine d'universités qui offrent des premiers cycles en gestion et 36 qui offrent des deuxième et troisième cycles, maîtrise et doctorat, en gestion.

C'est peut-être là le point central de ma présentation. Si on fait des comparaisons entre le Canada et les États-Unis... Vous savez que pour nous, les États-Unis sont un modèle de référence. C'est le modèle dont on s'inspire, tout au moins en termes économiques. Si on regarde les chiffres de toutes sources, il est très clair qu'aux États-Unis, 20 p. 100 de tous les diplômés universitaires sont diplômés en gestion. Au Canada, c'est environ 12 p. 100. Donc, il y a presque deux fois moins de diplômés en gestion au Canada qu'aux États-Unis. Au deuxième et troisième cycles, les chiffres sont à peu près identiques: nous formons deux fois moins de gens à la maîtrise et au doctorat en gestion.

• 1320

Pour nous, c'est un facteur important, et nous voyons un lien explicite entre notre compétitivité et la formation en gestion disponible au Canada. On remarque aussi le même retard dans d'autres domaines, notamment ceux de la formation à distance en gestion, de la formation continue et du perfectionnement des cadres. Le Canada traîne de la patte par rapport aux Américains.

Quand on regarde les ressources financières mises à la disposition des écoles de gestion américaines et celles qu'on a au Canada, on voit que tous les chiffres dont on dispose montrent que les écoles de gestion américaines ont deux fois plus de ressources financières que les écoles canadiennes. Les conséquences en sont évidemment nombreuses. Les Américains ont des écoles de gestion beaucoup plus modernes, beaucoup mieux équipées, leur personnel est plus nombreux et—on y reviendra tout à l'heure—le salaire offert aux professeurs est plus élevé, et parfois beaucoup plus élevé.

Si on fait un peu un inventaire de la situation dans nos écoles de gestion au Canada, on s'aperçoit que les ressources financières, depuis quatre ou cinq ans, ont baissé d'une façon dramatique. Je vais vous donner un chiffre qui concerne ma faculté, au Québec, mais pas tout le Canada. Dans notre école de gestion, on a perdu à peu près 30 p. 100 de nos revenus qui proviennent du gouvernement du Québec. Les conséquences sont évidemment très importantes. D'une part, les professeurs qui prennent leur retraite ne sont pas remplacés. D'autre part, et c'est là un peu le lien que je veux faire avec la productivité, un nombre accru de professeurs se tournent vers le secteur privé et se dirigent vers les industries de haute technologie ou dans d'autres domaines connexes très attrayants, comme celui de la finance.

Il y a aussi tout un jeu de chaises musicales entre les universités. Chacune essaie de piquer les professeurs de l'autre. Il y a une sorte de merry-go-round dans le système canadien. Ainsi, les professeurs de Laval s'en vont à Montréal, parce qu'à Montréal il y a quatre universités et des salaires plus élevés, les professeurs des HEC s'en vont à McGill, les professeurs de McGill s'en vont en Ontario, à Western ou à Queen's, et les professeurs de Western s'en vont aux États-Unis. Tout le monde est perdant.

Nous avons du mal à financer nos programmes existants et nous faisons des efforts importants, par exemple dans le domaine de la technologie de l'information et des technologies touchant la production et la gestion des opérations. Nous savons que nous devons mettre sur pied de nouveaux programmes, notamment en commerce électronique et en management de la technologie et de l'innovation, mais nous avons bien du mal à le faire parce que l'argent, tout simplement, n'est pas là.

Évidemment, devant la rareté des ressources, certaines universités sont obligées de prendre des mesures parfois draconiennes. Dans le domaine des nouvelles technologies—pensons par exemple à Queen's et à Dalhousie—, certaines universités ont privatisé leurs programmes.

Je connais bien le cas de Queen's. L'université Queen's offre un programme de MBA en science et technologie pour lequel elle facture entre 27 000 $ et 30 000 $. On peut tolérer qu'une université agisse ainsi une fois, mais si tout le monde se met à le faire... On ne peut pas le faire partout. Je pense aussi que c'est ternir la notion de service public rattachée à l'université pour le peuple canadien. Le gouvernement du Canada a le devoir de soutenir les universités et de ne pas les pousser dans des retranchements qui les incitent à privatiser tous les programmes.

Notre proposition pour remédier à la situation est la suivante. Dans un premier temps, nous demandons un soutien à deux niveaux. Tout d'abord, nous demandons des fonds additionnels pour financer les nouvelles technologies, principalement celles qui sont reliées aux technologies de l'information, ce qui comprend les logiciels, les ordinateurs, les serveurs, les laboratoires et le personnel pour opérer et maintenir cette technologie. Évidemment, je n'ai pas besoin de vous rappeler que la désuétude et l'obsolescence de cette technologie est de plus en plus rapide. Donc, les écoles de gestion sont obligées de remplacer leurs équipements de plus en plus fréquemment.

• 1325

Le deuxième soutien que nous demandons est un budget de fonctionnement accru pour les programmes existants, dont je vous ai parlé tout à l'heure, mais aussi pour les nouveaux programmes, les programmes du futur, les programmes sur lesquels le gouvernement canadien met l'accent, notamment le commerce électronique et le management de la technologie et de l'innovation.

Concrètement, nous souhaitons vivement que cela se traduise par une augmentation des fonds fédéraux de transfert aux provinces dans le domaine de l'enseignement postsecondaire, avec l'assurance que les provinces affecteront les fonds aux universités, aux endroits appropriés.

D'une façon globale, je terminerai en disant que le gouvernement fédéral a le devoir d'assumer un leadership dans ce domaine en augmentant ses paiements de transfert pour l'enseignement postsecondaire, d'une part, et, d'autre part, que les gouvernements provinciaux devraient augmenter le budget de fonctionnement des universités, un investissement essentiel dans l'économie du savoir, et ainsi entreprendre des investissements ciblés dans le domaine de la formation en gestion.

Voilà l'essentiel de mon message.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Garnier.

Nous nous entretiendrons avec M. Paul Forseth pendant dix minutes.

[Traduction]

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci infiniment pour votre exposé.

Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il faut investir davantage dans votre secteur, mais à part la possibilité de réaffecter les crédits pour privilégier vos choix par rapport aux choix faits dans le dernier budget fédéral, comment pouvons-nous faire en sorte que votre secteur dispose de ressources accrues? Faut-il simplement réaffecter les fonds actuellement disponibles, ou est-il préférable d'élargir les sources de financement pour mieux réaffecter les fonds?

À votre avis, quels changements faut-il apporter aux politiques actuelles pour soutenir votre secteur en lui assurant une plus grande marge de manoeuvre fiscale, par opposition à l'option qui consisterait simplement à prendre les crédits dans un autre secteur pour vous les donner? Quels changements faut-il apporter aux mesures et aux budgets du passé pour que vous disposiez de ressources plus considérables?

À votre avis, que doit faire le ministre des Finances, surtout que vous avez parlé de productivité, et des trois autres volets, à savoir l'accumulation des capitaux et l'investissement, le développement du capital humain, et l'innovation technologique? Vous avez insisté sur ces trois éléments, en les liant généralement à la question de la productivité, mais j'imagine que vous ne vous contentez pas de nous demander d'en prendre aux autres pour pouvoir vous en donner davantage, sous prétexte que cela stimulera en général l'économie.

Que pouvez-vous proposer qui donne la marge de manoeuvre financière requise pour accroître considérablement les ressources dont dispose votre secteur?

M. David Conrath (Fédération canadienne des doyens des écoles d'administration; ancien doyen, Michael G. de Groote School of Business, université McMaster): Je dirais qu'il faut une démarche à deux volets. Évidemment, si les crédits restent inchangés, une certaine redistribution s'imposera sans doute. Évidemment, un élément de la stratégie qu'on vous propose est le recul—c'est-à-dire les différents types d'activités.

Permettez-moi de vous citer l'exemple de la Fondation canadienne pour l'innovation. L'action de cette dernière concerne strictement l'infrastructure, c'est-à-dire les bâtiments et les machines dans le secteur de la haute technologie. À propos, plusieurs province ont prévu des programmes de financement semblables. Mais la technologie elle-même n'est pas la solution. Autrement dit, qu'arrive-t-il aux technologies qui ne sont pas bien gérées? En réalité, plutôt que d'améliorer sa situation, c'est l'inverse qui peut se produire.

Là je vais employer une expression horrible, mais dans une certaine mesure, nous privilégions une approche systémique; autrement dit, lorsque la décision est prise de financer certaines activités, toutes celles qui sont complémentaires—en l'occurrence la gestion de l'innovation et la gestion des technologies, pour que la société profite au maximum des investissements dans l'innovation et les technologies—seront financées en parallèle.

J'ajouterais que, dans la mesure où l'économie bénéficie de ces investissements, celle-ci prend de l'expansion, l'assiette fiscale s'élargit, et à ce moment-là, vous touchez un rendement de vos investissements. Jusqu'à un certain point, vous faites des investissements d'amorçage, mais en même temps vous obtenez un rendement de vos investissements, en ce sens qu'on peut supposer que le niveau de vie et que l'économie en général vont s'améliorer si les ressources actuelles sont mieux gérées—notamment des ressources—et j'insiste là-dessus—qui favorisent l'avenir, plutôt que le passé.

On peut parler de commerce électronique, comme on peut parler de la gestion de l'innovation. Le Canada n'est pas un chef de file dans ces domaines. Ce qui est intéressant, notamment en ce qui concerne le commerce électronique, c'est que les techniques utilisées au Canada sont aussi avancées que celles de tout autre pays, mais c'est aux États-Unis qu'ils ont vraiment su les exploiter. Ça, c'est une question de gestion, et non de technologie.

• 1330

M. Paul Forseth: Est-ce que d'autres voudraient répondre à ma question?

De toute évidence, vous défendez, même de façon assez énergique, me semble-t-il, la nécessité de faire des investissements équilibrés dans votre secteur, mais ce qui m'intéresse, c'est un accroissement général des crédits disponibles. Pourquoi ne pas examiner les possibilités qu'offre le régime fiscal, par exemple, ou un plan précis de réduction de la dette, ce qui permettrait d'envoyer un message aux autres pays du monde—ou encore d'autres projets qui feraient progresser l'économie à un point tel qu'il nous serait plus facile de financer des initiatives dans votre secteur en particulier?

C'est un peu comme la poule et l'oeuf. J'ai besoin de vos conseils. Au lieu de faire comme les autres groupes qui se présentent devant le Comité des finances en nous disant qu'ils veulent plus d'argent pour leur secteur, donnez-nous plutôt des conseils généraux sur les mesures éventuelles à prendre pour pouvoir donner davantage à tout le monde.

[Français]

M. Bernard Garnier: Permettez-moi un bref commentaire. Je pense qu'une approche nuancée, balancée entre le remboursement de la dette et l'investissement dans l'avenir du Canada, est requise. Maintenant, il me semble qu'il serait inapproprié de notre part de vous donner des chiffres précis. Je peux cependant vous dire qu'en investissant dans le domaine de la formation en gestion, vous ne pouvez pas vous tromper parce que l'avenir du Canada est là. C'est un investissement tout à fait rentable, à mon avis.

[Traduction]

M. David Conrath: Je voudrais répondre également.

L'éducation constitue toujours un investissement dans l'avenir, et on peut donc difficilement parler du rendement—du moins immédiat—de notre système d'éducation. Mais quant au genre d'éducation dont on parle, à mon avis, personne ne tient pour acquis que ce sera uniquement une responsabilité gouvernementale.

L'un des résultats positifs des efforts récemment déployés à cette fin a été le financement de contrepartie. C'est-à-dire que les bénéficiaires immédiats de ces initiatives sont les industries qui engagent les diplômés et recourent à leurs services. Ce genre de programmes semble avoir donné d'assez bons résultats, justement parce que ces initiatives permettent de mobiliser non seulement les ressources gouvernementales, mais aussi celles des personnes qui en profitent directement sur le plan économique. Je suppose par conséquent que les industries feraient également leur part.

M. Paul Forseth: J'ai une petite question complémentaire. Souhaitez-vous qu'on apporte des modifications à la politique ou aux incitations fiscales pour que le secteur privé assume davantage de responsabilités à l'égard de la formation et de la recherche, plutôt que de toujours s'attendre à ce que les établissements publics jouent ce rôle?

M. David Conrath: Là je vais devoir exprimer mon opinion personnelle. Je ne prétends pas parler pour tous les doyens. Pour moi, la réponse serait un oui définitif, notamment en ce qui concerne la formation. Nous avons même parlé de l'éducation permanente et d'autres initiatives du même genre, qui seront à mon avis tout à fait essentielles dans l'économie du savoir.

Permettez-moi de vous en donner un exemple personnel. Avant de devenir doyen, j'étais expert en télécommunications. On m'a demandé d'enseigner une cours sur les télécommunications. Même si je sais écrire ce mot, je ne sais pas du tout ce qui se passe dans ce secteur. Je n'ai tout simplement eu le temps de suivre l'évolution de la situation. Et ce sera vrai pour de plus en plus de secteurs.

Donc, nous avons tout à fait besoin de mesures qui encourageront les industries. Il y va de leur intérêt, mais elles n'en sont pas toujours conscientes.

M. Paul Forseth: Merci.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup.

Monsieur Gallaway, s'il vous plaît.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci.

Monsieur Garnier, il semble que les Américains soient toujours en avance. C'est un fait de la vie. Selon les données que vous avez citées, peut-on dire que la différence entre les cycles, au niveau du baccalauréat ou à un niveau plus élevé, est attribuable à la différence de culture entre nos deux pays ou si c'est une question de... [Note de la rédaction: Mot inaudible]?

M. Bernard Garnier: Mon opinion personnelle est qu'il y a une dimension culturelle. C'est certain que les affaires sont beaucoup plus valorisées aux États-Unis qu'au Canada. Donc, cela a certainement un impact sur l'allocation des ressources et sur le désir de poursuivre une carrière en gestion. Puisqu'on a là un pays qui marche bien au niveau économique, je pense qu'il y a matière à réflexion.

• 1335

Dans notre entourage de doyens, nous avons tous dans nos écoles de gestion plusieurs professeurs qui sont partis pour aller aux États-Unis. J'en ai au moins deux: un jeune professeur qui est allé au Texas et qui a doublé son salaire, et un autre qui est allé dans l'est des États-Unis, qui est devenu doyen d'une business school et qui, lui aussi, a au moins doublé ou triplé son salaire.

Dans un milieu comme celui-ci, il est très difficile de concurrencer. On n'est plus à la hauteur, et nous prétendons que cela peut avoir des conséquences sérieuses pour l'économie canadienne. Si on ne forme plus des gens à la fine pointe, on va avoir des problèmes.

Quand on compare le secteur de l'éducation à celui des hôpitaux, on voit que dans le cas de l'éducation, c'est la mort lente, une douce asphyxie dont on ne se rend pas bien compte. Pourtant, les dommages s'en viennent. C'est ce qui se passe. Je vous cite des chiffres américains, et cela demande vraiment réflexion. Je pense que c'est une clé d'explication. Je ne dis pas que ce soit la seule, mais c'est certainement une bonne clé d'explication.

[Traduction]

M. Roger Gallaway: Monsieur Conrath, je voudrais surtout vous poser une question sur la façon dont fonctionne le système actuel. Je ne suis pas en désaccord avec vous quand vous dites qu'il faut augmenter les transferts aux universités. Je vous dis cela en connaissance de cause, à titre de député de l'Ontario qui a deux fils à l'université. J'ai un peu l'impression d'avoir fait voeu de pauvreté, étant donné que les frais de scolarité ont doublé dans la province au cours des six ou sept dernières années.

Mais dans votre sphère d'activité, comment le système fonctionne-t-il? Supposons que les provinces bénéficient de transferts plus importants pour l'éducation universitaire et postsecondaire. Est-ce qu'on peut alors demander des garanties, pour avoir la certitude que tous ces crédits ne vont pas profiter uniquement aux écoles de génie ou d'autres écoles spécialisées plutôt qu'à votre secteur? Quels contrôles peut-on prévoir? Faut-il que ces crédits bénéficient également à tous les intervenants du système? Faut-il une formule proportionnelle? Ou un province particulière pourrait-elle décider, par exemple, que tous ses crédits seront affectés à l'école de génie de l'Université de Waterloo?

M. David Conrath: Vous soulevez un point extrêmement important. Soyons francs. D'après mon expérience—et je fais partie du système universitaire canadien depuis plus de 30 ans—au mieux, les fonds qui ne sont pas assortis de conditions sont répartis de façon égale, et au pire, les secteurs qui en sont privés sont ceux qui, de l'avis des universités, ont un avantage naturel. Ce sont d'abord et avant tout les écoles commerciales qui ont cet avantage naturel, et les universités estiment généralement que ces dernières sont privilégiées par rapport à d'autres.

Il faut admettre que dans un milieu universitaire, on estime en quelque sorte que le commerce est indigne de nous. Ce n'est pas vraiment une matière scolaire et le fait est que bon nombre d'écoles commerciales sont venues se greffer tardivement à des universités ayant de très grandes traditions. Par conséquent sur le plan interne—c'est-à-dire par rapport à la répartition intra-universitaire des crédits, il est rare que nous nous en tirions bien. Nous avons plus de succès quand nous essayons de réunir des fonds à l'extérieur du milieu universitaire. Donc, vous dire de transférer ces fonds aux universités sans leur imposer de conditions serait tout à fait contraire à mes propres objectifs, puisque ce genre de formule n'a pas donné de bons résultats jusqu'à présent.

Par contre, les programmes prévoyant du financement de contrepartie—c'est-à-dire qu'il peut y avoir du financement de contrepartie pour certains crédits mais pas pour d'autres—contribuent à mieux canaliser les ressources. Les universités ont tendance à réagir quand elles obtiennent deux dollars pour le prix d'un. Elles réagissent certainement mieux que si on leur en donne un pour un. Encore une fois, la Fondation canadienne pour l'innovation et plusieurs initiatives de financement provincial pour des secteurs tels que la haute technologie appliquent ce genre de formule et ont connu pas mal de succès, puisqu'une bonne proportion des ressources ont pu être aiguillée vers d'autres secteurs.

Mais il faut leur en donner un petit peu. D'ailleurs, je voudrais apporter une précision. Une faculté de génie ou une école commerciale non dotée d'une faculté des humanités ou d'une faculté des sciences n'offre pas une véritable éducation à ses étudiants. Nous ne sommes pas en train d'affirmer qu'il faut tout nous donner et négliger les autres secteurs, car ce serait contraire à nos propres intérêts. Il faut aussi des intellectuels, en plus de tous ces programmes concrets. Donc, nous ne souhaitons pas nécessairement séparer les deux, mais en général une redistribution des crédits donnent de meilleurs résultats si les crédits sont en partie ciblés et assortis des mécanismes de récompense appropriés.

[Français]

M. Roger Gallaway: Une dernière question.

Monsieur Garnier, je pense à la Ivey School of Business de London, où il est possible de suivre des cours de MBA, mais où il faut payer tous les frais. Les frais sont, je pense, de 25 000 $ par année. Prévoyez-vous le jour où ce sera le cas pour tous les cours de maîtrise?

• 1340

M. Bernard Garnier: Les universités ontariennes qui ont fait cela l'ont fait un peu en désespoir de cause, par manque de financement public. Il n'est pas impossible que les universités d'autres provinces fassent la même chose, parce qu'il faut survivre. Quand vous êtes le doyen d'une école de gestion, vous avez une responsabilité vis-à-vis de vos étudiants, de vos professeurs et de votre personnel. Il faut survivre.

On devient très inventif pour survivre. Je pense que cela pose, en retour, une question au peuple canadien et à ses représentants. Qu'est-ce que l'université? Est-ce un service public ou si ce n'en est est plus un? Il faut se brancher. On peut tolérer certains des moyens employés, comme ceux de l'Ivey School of Business qui charge les pleins frais, mais si tout le monde fait cela, qu'est-ce qui va se passer? L'accès aux études supérieures, notamment en gestion, sera sérieusement limité.

On aura alors encore plus de problèmes que l'on en a maintenant: moins de spécialistes dans les domaines de pointe. C'est cela, le problème. Il faut savoir quel modèle de société on suit. Cela peut être dangereux de penser à privatiser complètement partout, d'autant plus que les universités sont très variées, que les endroits où elles sont situées sont très différents et que les universités petites et les universités en région ne peuvent pas se permettre, à moins d'exceptions comme Acadia, d'aller dans ce sens-là.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Garnier.

Monsieur Brison.

[Traduction]

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

J'étais bien content que quelqu'un mentionne l'université Acadia, car elle se trouve dans ma circonscription électorale, et grâce notamment au programme «Acadia Advantage», son école commerciale a connu beaucoup de succès.

J'ai quelques questions rapides à poser.

J'aimerais bien connaître votre réaction à la proposition consistant à éliminer l'impôt sur les gains en capital lorsqu'il s'agit de dons d'actions cotées en bourse dont bénéficient des organismes de bienfaisance. Cette proposition nous a été faite par Don Johnson, l'un des solliciteurs de fonds de l'université Western Ontario, et ce serait peut-être une façon de prévoir un traitement plus équitable sur le plan fiscal pour les dons philanthropiques.

Aux États-Unis, quand on fait un don d'actions cotées en bourse, celles-ci ne sont pas assujetties à l'impôt sur les gains en capital. Au Canada, cet impôt a été réduit de 50 p. 100, ce qui a certainement eu un impact positif, mais certains sont d'avis que l'élimination de cet impôt serait peut-être avantageuse. J'aimerais donc savoir ce que vous en pensez.

Deuxièmement, par rapport à la question de M. Gallaway sur les écoles commerciales et la bonne répartition des crédits disponibles, je dois dire que j'ai été surpris d'entendre vos propos à cet égard, parce que les écoles commerciales sont, jusqu'à un certain point, des vaches à lait pour les universités. J'aurais cru que les universités seraient davantage disposées à y investir des fonds pour garantir en quelque sorte leur marge d'autofinancement. C'est du moins l'impression que j'avais, car c'était certainement le cas quand j'ai fait mes études de premier cycle à l'école commerciale de l'université Dalhousie.

Je vous invite donc à commenter ces deux éléments.

M. David Conrath: Je suis solliciteur de fonds depuis cinq ans et je mène actuellement une grande campagne de financement pour l'université McMaster; je peux vous garantir que l'élimination ou l'éventuelle réduction de l'impôt sur les gains en capital serait pour nous une aubaine considérable pour ce qui est de notre capacité d'obtenir du capital de dotation. À terme, les universités ont surtout besoin de capitaux de dotation ou permanents, et il va sans dire que le gouvernement fera alors moins l'objet de pressions pour financer les universités.

On peut toujours établir des comparaisons avec les États-Unis; comme j'ai enseigné aux États-Unis avant de venir ici, je connais bien la situation des deux côtés de la frontière. J'ai été surpris de constater que les universités canadiennes n'ont guère de capital de dotation. La plus forte proportion de leur budget est constituée de crédits qui sont recueillis chaque année. Il ne s'agit pas de revenu de placements.

• 1345

Voilà qui m'amène à parler de vaches à lait. Vous me trouverez peut-être un peu critique, mais tant pis. La plupart des universités n'ont toujours pas compris qu'il faut investir maintenant pour avoir un rendement plus tard. Nous demandons que... Ce qui me paraît problématique, c'est que nous n'avons pas encore réussi à nous organiser correctement, en partie à cause du fait que certains principes, comme celui que je viens d'énoncer, ne sont pas bien compris. Quand les responsables de ces établissements constatent que les écoles commerciales, par exemple, recueillent énormément de fonds, leur réaction immédiate est de tout prendre. Il y a un certain nombre de programmes privés—heureusement que nous n'avons rien à voir dans tout cela, et je ne nommerai pas les universités concernées, mais je sais que c'est vrai pour un établissement en particulier—où 100 p. 100 des revenus gérés par les programmes externes de l'école commerciale sont versés au budget central, et les crédits sont ensuite redistribués pour que l'université puisse couvrir ses coûts. Cela reflète une absence totale de motivation, si bien que l'école en question n'a pas du tout pris d'expansion. Il ne faut pas oublier qu'il y a également les programmes internes à dispenser.

M. Scott Brison: Étant donné que le contenu pédagogique des programmes offerts par les écoles commerciales américaines et canadiennes est sans doute relativement semblable, peut-être pourriez-vous me dire dans quelle mesure vous avez réussi à convaincre les banques d'investissement américaines à recruter activement du personnel dans les universités canadiennes? Par exemple, en ce qui concerne le niveau d'analyste dans les programmes de premier cycle—et c'est très important, car si un nouveau diplômé peut être intégré dans ces différents secteurs au niveau d'analyste, après avoir obtenu son diplôme de premier cycle, c'est idéal, puisque c'est le meilleur moment de l'intégrer—travaillez-vous activement avec les banques d'investissement pour favoriser ces possibilités-là?

M. David Conrath: Sur ce plan-là, la participation des institutions américaines a été plutôt faible. Les États-Unis considèrent toujours le Canada comme une sorte de province rurale. L'activité économique au Canada, en dehors de Toronto, n'est pas bien comprise aux États-Unis.

Ce qui va aider, et c'est déjà une réalité dans certains établissements—HEC en a une, McMaster aussi, et je pense que d'ici trois ans, nous en aurons cinq ou six... Et là je parle des analystes en placements—ce sont des salles de marché vraiment opérationnelles sur les campus des universités qui permettent aux étudiants d'apprendre à effectuer des transactions. Une fois que nous aurons réussi à faire ça—et il n'y en a seulement quatre ou cinq aux États-Unis à l'heure actuelle—les recruteurs viendront nous voir.

Donc nous cherchons activement à attirer des recruteurs, mais pour y arriver, il est tout à fait critique d'être à l'avant-garde sur le plan pédagogique. Comme toutes les universités ont un financement de base qui est resté plus ou moins stables ou a quelque peu diminué ces derniers temps, elles ont été très réticentes à investir dans de nouvelles initiatives. Elles se sont contentées d'offrir leurs programmes traditionnels, et presque la totalité des crédits y sont consacrés.

Pour en revenir à la question des fonds ciblés, il me semble que si vous voulez prendre de nouvelles orientations—même si toute le monde voudrait avoir le loisir de dépenser comme bon lui semble—il est sans doute préférable d'aiguiller les fonds vers certains secteurs en particulier—par exemple, le commerce électronique, les transactions boursières, et d'autres domaines du même genre qui vont faire l'objet d'une importante expansion économique dans les années qui viennent.

M. Scott Brison: Vous disiez tout à l'heure—et je m'en suis rendu compte il y a quelque temps—qu'il existe un écart grandissant entre le Canada et les États-Unis du point de vue de leur exploitation du commerce électronique. Il n'y a pas si longtemps les gens disaient que ça prendrait environ un an, alors qu'à l'heure actuelle, il est plutôt question d'un délai de 18 mois à deux ans.

Est-ce que vous disiez tout à l'heure que c'était à cause d'un problème de gestion? Si c'est vrai, c'est inquiétant. Je suis plutôt d'avis que c'est le résultat d'obstacles structurels qui sont présents dans l'économie canadienne, qu'ils soient réglementaires ou fiscaux. Je n'en suis pas sûr, mais à mon avis, c'est une possibilité.

M. David Conrath: Si je devais mettre le doigt sur deux éléments—évidemment, il y a toute une série de facteurs qui influent sur la situation, entre autres le régime fiscal, jusqu'à un certain point—mais si je devais mettre le doigt sur deux éléments très importants, je dirais que le premier de ces éléments serait d'ordre managérial. Mais je fais aussi le lien entre cela et le deuxième élément, à savoir le goût du risque. Le genre de choses qu'on voit actuellement sur le Web est très risqué, car personne ne sait vraiment comment la situation va évoluer. Quelqu'un peut être milliardaire aujourd'hui, pauvre demain et de nouveau milliardaire la semaine d'après.

M. Scott Brison: C'est un peu comme la politique.

M. David Conrath: C'est exact.

M. Scott Brison: Le mouvement est plutôt sinusoïdal dans ce secteur.

M. David Conrath: Oui, tout à fait, et en dehors des politiciens, la plupart des Canadiens ne semblent pas beaucoup aimer l'activité cyclique. Donc, en ce qui me concerne, il y a deux facteurs: le goût du risque et la gestion.

Si je parle de l'aspect gestion, c'est parce que nombre des technologies en question, qui sont actuellement exploitées aux États-Unis, ont été mises au point au Canada. Allez faire un tour à Silicon Valley et vous y trouverez un nombre impressionnant de Canadiens qui ont toujours leur nationalité canadienne et leur passeport.

• 1350

M. Scott Brison: C'est courant dans les écoles commerciales. Ce qui manque au Canada, par rapport à la culture de l'esprit d'entreprise, c'est le sentiment que l'encadrement est important. Très souvent—et c'est de plus en plus le cas—les plus grands talents décident de quitter le Canada pour aller ailleurs. Cela représente une perte incalculable pour nous.

Si on pouvait mobiliser les industries, les chefs de file qui décident de rester au Canada et les convaincre de collaborer avec les universités et les programmes des écoles commerciales—ou encore les programmes généraux, car le nombre de diplômés des programmes d'arts généraux qui participent aux programmes des écoles commerciales est à la hausse—ce serait formidable, parce que nous avons effectivement un problème d'encadrement au Canada.

M. David Conrath: Je suis d'accord.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Brison.

Monsieur Cullen, vous avez la parole.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

[Français]

Merci beaucoup de votre présentation.

[Traduction]

Vous m'excuserez, mais pour l'instant, j'aime autant parler anglais. Je pense qu'il y a vraiment lieu de vous féliciter d'avoir sensibilisé les Canadiens à l'importance de cette question, car à mon avis, il est vrai que nous devons améliorer notre performance au Canada pour ce qui est de la formation des cadres.

Voilà quelques années, un débat était en cours dans les écoles commerciales américaines puisque certaines écoles commerciales semblaient décidées à mettre d'avantage l'accent sur les compétences non techniques, telles que la déontologie des entreprises, la sensibilisation aux différences culturelles et les protocoles sociaux. Les articles que j'ai lus à ce sujet m'ont beaucoup intéressé. Je crois comprendre, cependant, que certaines écoles traditionnelles, comme Harvard, par exemple, refusent d'emboîter le pas, mais d'autres ont déjà pris cette orientation-là. Ça semble être assez populaire.

Est-ce qu'il y a eu un tel débat au Canada jusqu'à présent? Et dans l'affirmative, sur quoi a-t-il débouché ou quel en a été le résultat?

[Français]

M. Bernard Garnier: Je crois que ce que vous dites est tout à fait vrai. Il y a tout un débat sur l'éthique des affaires, etc. Les écoles de commerce sont aussi devenues des lieux très diversifiés: on y enseigne toutes sortes de matières, y compris la comptabilité traditionnelle, l'éthique des affaires, la nouvelle technologie, le management, l'innovation, etc. Mais lorsqu'on cible les nouvelles technologies et l'innovation, on a beaucoup plus de difficulté à recruter des professeurs parce que le bassin de recrutement est beaucoup plus petit que du côté un peu plus social des affaires, comme en OB ou dans des disciplines semblables. Il est plus facile de recruter des professeurs dans les domaines de la psychologie sociale, de la sociologie ou d'une autre discipline connexe.

À l'heure actuelle, il y a dans les écoles de commerce un grave problème d'exode des professeurs dans les domaines de la finance, des nouvelles technologies, de l'engineering et de la production. Nous sommes toujours confrontés à ce dilemme-là et c'est un paradoxe parce que, par exemple, afin de mettre au point un programme en commerce électronique, il faut des professeurs et des gens qui soient là pour travailler. Or, justement, ce sont les domaines où l'on perd le plus de monde. Les gens partent vers l'industrie ou vers d'autres universités. Ma faculté de technologie de l'information compte huit ou neuf personnes: l'une d'elles a pris sa retraite, une autre est en congé sabbatique prolongé à Hong Kong, une autre jeune professeure a fait le saut dans l'industrie pendant un congé sans solde et ainsi de suite. C'est là où la demande est la plus forte qu'on a le plus de difficulté à retenir nos effectifs. C'est dans ces domaines que nos gens nous quittent. C'est cela, le dilemme.

[Traduction]

M. Roy Cullen: Monsieur Conrath, voulez-vous réagir?

M. David Conrath: Oui, j'ai une ou deux remarques à faire à cet égard.

Non seulement il y a eu ce même débat ici au Canada—et j'y reviendrai—mais nous y avons donné suite. Par exemple, dans au moins trois ou quatre écoles, il y a des cours obligatoires sur la déontologie, les communications, la constitution d'une équipe, la réflexion critique et ce genre de choses. Si vous comparez les programmes d'études actuels à ceux d'il y a cinq ans, vous verrez qu'ils ont évolué. J'ajouterais, cependant, que presque la totalité de ces cours sont dispensés par des enseignants à temps partiel ou des gens de l'extérieur. Nous essayons de trouver des gens qui pourront se charger de ces cours-là, mais on n'en trouve pas parmi les membres permanents du personnel enseignant. Par conséquent, l'expansion que nous avons pu réaliser jusqu'à présent a été plutôt fragmentaire.

M. Roy Cullen: Nous avons parlé plus tôt du goût du risque et de l'attitude contraire. Nous venons d'entendre parler d'un scientifique qui a fait une percée du point de vue de notre compréhension du fonds génétique mais a dû aller aux États-Unis pour obtenir le capital-risque qu'il lui fallait pour mener à bien son projet.

• 1355

Je sais que nous rencontrons ce genre de problème très fréquemment au Canada à cause de notre régime de financement. D'abord, par rapport aux États-Unis, les sources de capital sont moins nombreuses, et en même temps, nous ne semblons pas avoir le goût du risque. C'est certainement un problème quand il s'agit d'encourager la croissance économique. Est-ce une caractéristique culturelle ou peut-on enseigner ce genre de chose dans les universités?

[Français]

M. Bernard Garnier: Non, je parle en tant que formateur et éducateur. Je suis convaincu qu'on peut faire bouger les frontières du savoir et des attitudes. Une école d'administration essaie justement d'enseigner, avec bonheur si possible, la prise de risques raisonnés, etc. Notre lieu de formation vise à faire évoluer un peu les attitudes, évidemment dans un contexte sociétal donné.

[Traduction]

M. David Conrath: Je voudrais ajouter quelque chose, si vous me permettez. Même si en général, le goût du risque est à mon avis une caractéristique culturelle, certains outils, tels que les salles de marché, etc., qui permettent aux gens de mieux comprendre ce que c'est que le risque, vont nécessairement accroître la probabilité qu'ils prennent des risques—des risques calculés. Personne ne souhaite que des imbéciles prennent des risques sans raison, car les conséquences pour notre économie pourraient être très graves. Ce qu'il nous faut, ce sont des gens qui comprennent bien la valeur d'un risque pris en connaissance de cause et les avantages potentiels qu'ils présentent. Vu les nouveaux outils qui deviennent disponibles, à mon avis, nous pourrons apporter des changements au système. Quant à savoir si ces changements seront ou non radicaux, je ne le sais pas.

M. Roy Cullen: Je vous encourage à faire ce que vous pouvez.

Si j'ai le temps, je voudrais vous poser encore quelques petites questions. J'ai suivi un cours de maîtrise en administration publique à l'Université de Victoria. Il y a quelques années, cette dernière a créé une Faculté du commerce. En fait, le doyen a même envoyé un avis pour annoncer son désir de réorienter l'école commerciale.

Il n'est venu une idée pendant que je réfléchissais aux liens entre les secteurs publics et privés. Nous formons des gens pour faire des affaires, et certains d'entre eux viennent à Ottawa mais n'y comprennent rien. Je me demande si ces compétences-là... Peut-être que ça marche dans les deux sens. C'est-à-dire que les gens du secteur public doivent mieux comprendre le fonctionnement du secteur privé. Je me demande s'ils sont sur la même longueur d'onde ou s'il existe encore deux solitudes, en quelque sorte.

[Français]

M. Bernard Garnier: À la lumière des exemples que je connais, je constate qu'il y a de plus en plus de collaboration et de coopération entre les différentes facultés et écoles, notamment dans le domaine des écoles d'administration publique. Nous en avons une à Québec et nous collaborons dans différents domaines, dont celui de la santé. Nous réalisons des projets communs, nous faisons des recherches communes, nous nous co-enseignons et nous accueillons les clientèles de l'un et de l'autre. On apprend donc à travailler ensemble de plus en plus.

[Traduction]

M. Roy Cullen: Peut-être pourrais-je poser une dernière question, monsieur le président...?

Nous avons déjà parlé de ça tout à l'heure. J'ai peut-être manqué une partie de la discussion. Il était question de partenariats avec les entreprises. Il en existe déjà un certain nombre d'exemples, comme les chaires qui sont créées dans les écoles commerciales. Est-ce que cette possibilité vous permet d'aller voir les responsables gouvernementaux en leur disant que l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada est prête à supporter un tiers des coûts d'une chaire en gestion des compétences non techniques, du commerce électronique ou d'autres choses? Vous pourriez éventuellement vous adresser aux administrations provinciales et fédérale, ou à l'une ou à l'autre. Pourriez-vous en faire davantage? Est-ce une stratégie intéressante à explorer?

[Français]

M. Bernard Garnier: Nous le faisons déjà. Par exemple, nous avons créé quatre nouvelles chaires à une faculté d'administration de l'Université Laval au cours des trois ou quatre dernières années. Ces chaires sont dotées par différentes sources. Elles puisent de l'argent auprès des gouvernements fédéral et provincial, des syndicats et du monde des affaires. Il s'agit d'une voie qui m'apparaît très fructueuse. Cependant, bien que je reconnaisse que ces chaires nous aident un peu, elles ne devraient pas relever des gouvernements fédéral et provinciaux, qui ont l'obligation de soutenir leurs universités. Ce serait vraiment dommage qu'on laisser aller nos universités, et notamment nos écoles de gestion. Nous sommes prêts à faire notre part. Bien que je juge que ce soit une bonne avenue, vous devez aussi nous aider.

• 1400

C'est le message qu'on veut vous transmettre.

M. Roy Cullen: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Aucun député ne me signale qu'il veut poser une autre question.

Je vous remercie donc de votre présentation de cet après-midi. J'espère que vous retournerez dans vos universités respectives sachant que vous avez bien transmis leur message. Nous sommes conscients que notre défi est de taille.

Si vous me le permettez, j'aimerais poser une question. Plusieurs personnes nous ont demandé de ramener les transferts aux provinces aux mêmes niveaux qu'ils l'étaient avant les compressions budgétaires. M. Gallaway a soulevé le fait qu'il n'y aurait alors aucune garantie que chaque faculté recevrait sa juste part. Ma question est plus large que celle qu'il a posée. Si nous redonnions ces sommes aux provinces sans aucune condition, comme le recommandent certaines personnes, pouvez-vous nous assurer qu'elles seraient bel et bien utilisées dans le domaine de l'éducation?

M. Bernard Garnier: Merci, monsieur le président. Je souhaitais intervenir à ce sujet, mais je n'en avais pas eu l'occasion. Bien que je connaisse plus particulièrement le gouvernement du Québec puisque je vis dans cette province, je crois que toutes les provinces sont très intéressées au succès de leurs universités. Au Québec, le ministre François Legault a lancé un concours en vue du financement de programmes dans certains domaines de pointe plus précis, notamment ceux des nouvelles technologies, de la technologie de l'information et du commerce électronique.

Je crois que les gouvernements provinciaux sont aussi très intelligents et qu'il devrait y avoir une convergence d'intérêts pas très compliquée entre le fédéral et les provinces pour cibler de l'argent dans les domaines de pointe que tout le monde reconnaît. On devrait pouvoir facilement compter sur le leadership fédéral et sur un accord provincial en vue de consentir des investissements ciblés dans différents domaines, dont celui des universités, y compris leurs écoles de gestion. Je crois que cela est faisable et que les indicateurs sont très favorables.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Je vous souhaite bon retour chez vous.

Nous reprendrons nos délibérations dans 25 minutes, à 14 h 30.

• 1405




• 1431

Le vice-président (M. Nick Discepola): Conformément à son mandat que lui confère le paragraphe 83(1) du Règlement, le comité reprend ses consultations prébudgétaires.

Nous avons le privilège d'avoir avec nous cet après-midi, du Conseil du patronat du Québec, son directeur de la recherche et de l'économie, M. Jacques Garon; de l'Union des producteurs agricoles du Québec, M. Gilbert Lavoie, économiste; de la Confédération des syndicats nationaux, son président, M. Marc Laviolette, et l'adjoint au Comité exécutif, M. Peter Bakvis; de la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Québec, son président, M. Gilles Vaillancourt; et du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, M. Luc Chabot, professeur de toxicologie à l'Université de Montréal. Nous attendons l'arrivée de M. Pierre-Yves Serinet, coordonnateur de Solidarité populaire du Québec.

Nous vous accordons la parole pendant cinq à sept minutes afin que les députés aient suffisamment de temps pour échanger avec vous.

Selon notre ordre du jour, M. Garon devrait prendre la parole en premier lieu.

M. Jacques Garon (directeur, recherche et économie, Conseil du patronat du Québec): M. Taillon fera la présentation au nom du Conseil du patronat du Québec.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Taillon, je vous invite à faire votre présentation.

M. Gilles Taillon (président, Conseil du patronat du Québec): Monsieur le président, je vous remercie. Soyez sans crainte, je laisserai à mon collègue Jacques le soin de répondre à plusieurs questions.

Je veux remercier le Comité permanent des finances de la Chambre des communes de nous recevoir et de nous permettre d'exposer les priorités du Conseil du patronat à l'égard de la préparation du prochain budget fédéral. Je vais rapidement vous présenter notre position.

D'entrée de jeu, j'aimerais vous signaler que nous sommes très heureux d'avoir entre les mains les prévisions économiques du ministre Martin. On pourra sans doute discuter des chiffres, mais ce qui est important, c'est de connaître ces prévisions budgétaires et surtout un plan à long terme. Nous jugeons que le ministre a fait preuve de transparence, et il faut l'en féliciter.

Nous avons compris que le ministre Martin prévoyait des excédents budgétaires intéressants cette année et au cours des cinq prochaines années et qu'il les évaluait à 95,5 milliards de dollars, dont 28,5 milliards de dollars ont été mis de côté pour des éventualités, ce qui laisse 67 milliards de dollars pour des diminutions d'impôts et des investissements de toute nature. Voilà donc la façon dont nous avons interprété les prévisions du ministre.

Je vous ferai maintenant part des priorités budgétaires qu'a identifiées le Conseil du patronat. Nous aimerions d'abord vous signaler que nous sommes un peu inquiets des rumeurs qui circulent selon lesquelles les priorités gouvernementales seraient de consacrer 50 p. 100 des excédents aux dépenses de programmes et 50 p. 100 à la réduction des impôts et de la dette. Le Conseil du patronat lui recommande d'inverser complètement ces priorités.

Nous signalons au comité, et nous allons également le signaler aux autorités gouvernementales, que nous sommes d'avis que 50 p. 100 de l'excédent budgétaire devrait être utilisé pour la réduction des impôts des particuliers et des sociétés, mais très fortement et très majoritairement ceux des particuliers, que 25 p. 100 de cet excédent devrait être consacré à la réduction et au remboursement de la dette, et que la dernière part de 25 p. 100 devrait être dirigée vers des investissements productifs.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Gilles, j'aimerais dire qu'il ne s'agit pas de rumeurs, mais plutôt d'un engagement pris lors de la campagne électorale de 1997 et inscrit dans notre deuxième Livre rouge. Ce ne sont pas des rumeurs qui courent.

M. Gilles Taillon: Parfait. Disons donc que c'est une promesse électorale. Nous pensons toutefois que les promesses peuvent évoluer et nous espérons qu'elles pourront le faire. Si vous évoluiez tranquillement vers notre position, vous pourriez répartir cet excédent de 9,5 milliards de dollars comme suit: 4,7 milliards de dollars pourraient être consacrés à la réduction des impôts, 2,375 milliards de dollars à la dette et 2,375 milliards aux investissements. Notre priorité, comme vous l'avez bien compris, est vraiment la réduction des impôts des particuliers. Nous souhaitons que dès l'exercice financier 2000-2001, le gouvernement élimine la surtaxe de 5 p. 100 pour les salaires supérieurs à 63 000 $, qu'il réduise de 1 p. 100 les taux marginaux moyens et les plus élevés, qu'il procède à une indexation des tables d'impôt et, bien sûr, qu'il réduise les cotisations à l'assurance-emploi. Ces mesures que nous vous proposons tiennent compte des prévisions qui apparaissent en annexe au document déposé par le ministre Martin et totalisent environ 4,2 milliards de dollars.

• 1435

Si le gouvernement appuyait ces priorités que nous lui proposons, il soulagerait fortement les contribuables canadiens qui font partie des citoyens qui paient le plus d'impôts dans les pays les plus industrialisés. De telles mesures donneraient un avantage concurrentiel important au Canada, favoriseraient la consommation et inciteraient à l'épargne et à l'investissement. Notre position est assez claire quant aux effets bénéfiques de telles mesures.

Nous recommandons également un plan quinquennal qui privilégierait la proportion que je viens de vous signaler. Une baisse d'impôt de l'ordre de 50 p. 100 pourrait nous amener rapidement à une quasi-parité fiscale avec nos voisins américains, ce qui favoriserait grandement la croissance économique du Canada.

Il est important qu'une bonne part des réserves pour éventualités soit affectée à la réduction de la dette. On ne pourra pas affirmer que nous sommes dans une situation financière extraordinaire tant qu'on traînera une dette importante qui vient gruger 25 p. 100 des revenus du gouvernement fédéral à des fins de paiement des intérêts du service de la dette.

Notre mémoire renferme également des suggestions relativement aux investissements. Comme je l'indiquais plus tôt, nous sommes en faveur de l'investissement de 2,3 milliards de dollars dans des programmes. Nous souhaitons que ces investissements privilégient d'abord des secteurs productifs au plan de la croissance. Il faudra absolument investir en recherche et développement, dans les domaines qui font en sorte qu'on améliore la productivité, et donc dans les nouvelles technologies ainsi que dans nos infrastructures.

Comme vous le savez, le Conseil du patronat est lié à une coalition qui privilégie un investissement de la part des trois paliers de gouvernements, fédéral, provincial et municipal, dans nos infrastructures. Nous avons la capacité d'engager des dépenses et de créer dans ce domaine, de faire en sorte qu'il y ait ce moteur au développement qui génère en retour des bénéfices fiscaux intéressants pour les gouvernements. Bien que ce soient des investissements dont le coût est très appréciable, ce coût s'avère en fin de compte très raisonnable.

Finalement, une fois qu'on aura privilégié les investissements dans les nouvelles technologies, la productivité et les infrastructures, on pourra investir une partie de la part de 25 p. 100 dans certains programmes sociaux, notamment ceux liés à l'éducation supérieure et à la santé. Le Conseil du patronat souhaite toutefois qu'on agisse dans le respect des juridictions et compétences des gouvernements à ce chapitre. Nous ne souhaiterions pas des interventions directes du gouvernement fédéral dans ces domaines, mais plutôt des interventions par l'entremise des paiements de transferts sociaux canadiens.

Voilà, monsieur le président, les éléments essentiels de notre présentation. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Taillon.

• 1440

Je crois que c'est au tour de MM. Lavoie et D'Amours de l'Union des producteurs agricoles.

M. Gratien D'Amours (vice-président, Union des producteurs agricoles du Québec): Merci, monsieur le président.

L'Union des producteurs agricoles est heureuse de pouvoir participer à ce débat et de présenter son point de vue.

Permettez-moi de vous présenter la personne qui m'accompagne. Il s'agit de M. Gilbert Lavoie, qui est économiste à la Direction de la recherche et de la politique agricole de l'UPA.

L'Union des producteurs agricoles existe depuis 75 ans; c'est notre 75e anniversaire cette année. Elle regroupe l'ensemble des producteurs agricoles du territoire. Elle représente donc près de 45 000 producteurs et productrices répartis dans 35 000 entreprises.

Nous comptons évidemment dans nos rangs des fédérations territoriales régionales, au nombre de 16, qui sont affiliées à la Confédération de l'UPA, de même que 21 syndicats et fédérations spécialisés. Nous représentons donc l'ensemble des productions agricoles du Québec.

Pour ce qui est du point de vue de l'UPA, je laisserai à M. Lavoie le soin de vous le présenter.

M. Gilbert Lavoie (économiste, Union des producteurs agricoles du Québec): Merci.

Ce qui a poussé l'Union des producteurs agricoles à présenter un mémoire dans le cadre des consultations budgétaires, c'est ce dont on a beaucoup discuté à la 40e Conférence annuelle des premiers ministres à Québec, tenue au cours de l'été dernier. On y a beaucoup entendu parler de la théorie voulant que la meilleure avenue pour favoriser l'essor économique et la création d'emploi soit de remettre les surplus budgétaires aux particuliers sous forme de réductions d'impôts.

Dans le secteur agricole, cette théorie pose certaines difficultés. Comme je vais l'expliquer tout à l'heure, pour le secteur agricole, il est incontournable que l'État doive injecter une partie de ses surplus dans les programmes agricoles, programmes qu'il a amputés dans le cadre de sa lutte au déficit.

L'UPA tient aussi à préciser qu'elle ne s'oppose pas à une réduction des impôts des particuliers. Par contre, je veux clairement indiquer que cette seule avenue n'aura pas des retombées suffisantes et que nous allons avoir besoin d'un coup de pouce de l'État devant ce qui s'annonce dans le contexte commercial agricole par rapport au soutien accordé dans les autres pays.

Au fond, essentiellement, dans le cadre de toute la consultation qui se tient, l'union veut présenter sa préoccupation face à cette situation, notamment en ce qui a trait à la création d'emplois et à l'activité économique dans les régions du Québec.

Dans le mémoire qu'on a préparé—je veux en faire un rappel très rapide et succinct—, on a insisté sur l'importance du secteur agricole et agroalimentaire dans l'économie québécoise.

Essentiellement, il est important de rappeler que le secteur agricole et agroalimentaire représente au Québec un emploi sur neuf. Il inclut non seulement l'agriculture mais aussi d'autres secteurs d'activité comme la transformation, la distribution alimentaire et le commerce de détail. C'est aussi un employeur de première importance dans chacune des régions au Québec. Il représente plus de 10 p. 100 des emplois dans 12 des 17 régions administratives du Québec.

De plus, la contribution du secteur agricole et agroalimentaire au PIB du Québec est très importante; sa part est de tout près de 10 p. 100.

Rappelons rapidement que le secteur agricole et agroalimentaire représente tout près d'un milliard de dollars d'investissement dans l'économie québécoise année après année. De cette somme, 40 p. 100, ou un peu plus de 500 millions de dollars par année de capitalisation, sont investis dans le secteur agricole comme tel, sur les fermes.

En agriculture, les pays industrialisés jouent un rôle important et ne sont pas étrangers à la concurrence que les différents pays nous livrent dans les échanges commerciaux. Cette situation s'explique par le fait que les seules lois du marché ne fonctionnent pas en agriculture. À cet égard, même les Américains, pourtant grands défenseurs de cette orientation, ont dû renoncer à l'appliquer en agriculture, cela malgré la dernière entente sur le commerce mondial conclue dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Leur réaction récente en termes de soutien financier en agriculture en est une preuve tangible.

Le premier point qu'on veut souligner à propos de l'échiquier commercial, c'est que le Canada offre à ses agriculteurs une aide inférieure, et de loin, à celle qu'offrent les autres pays aux leurs. Pour illustrer ce point, nous avons sorti les données publiées par l'Organisation de coopération et de développement économiques, mieux connue sous le sigle OCDE. Cette dernière publie annuellement les données d'une mesure de soutien appelée Équivalent subvention à la production, ou simplement ESP dans le jargon. Cette mesure est reconnue internationalement et a été l'indicateur utilisé pour comparer le niveau d'aide offert par les différents pays à leur secteur de production agricole.

• 1445

Cette mesure indique en termes simples les différents types de soutien que les États offrent à leur secteur agricole, que ce soit sous forme d'aide directe, par des paiements de transfert aux producteurs, ou sous forme indirecte, par des mesures de protection aux frontières ou des systèmes de gestion de l'offre, qu'on connaît mieux au Canada.

Pour vous donner un ordre de grandeur de l'ESP du Canada dans les tableaux, je vous dirai qu'il était en 1998 de 16 p. 100, alors que celui des États-Unis était de 22 p. 100 et celui de l'Union européenne, de 45 p. 100.

Et surtout, ce qui est de plus en plus inquiétant, le Canada a réduit de moitié, au cours des dix dernières années, son aide au secteur agricole canadien alors que cette aide demeurait relativement stable dans les autres pays.

Une autre mesure permet parfois une meilleure évaluation de la situation qui prévaut que les pourcentages, qui peuvent rester les mêmes. Il s'agit encore une fois d'une mesure produite par l'OCDE, qui calcule le chiffre par habitant du niveau de soutien accordé au secteur agricole. Grosso modo, l'OCDE, en 1998, évaluait que le Canada offrait un soutien de 140 $US par habitant. Ce soutien est deux fois et demie moindre qu'aux États-Unis. Les Américains offrent un soutien de 363 $US par habitant à leur secteur agricole et l'Europe, un soutien de 381 $US.

Sur une période de dix ans, le soutien à l'agriculture par habitant a chuté de près de la moitié au Canada, pendant qu'il est resté relativement le même aux États-Unis et en Europe. Donc, ce qu'on peut en déduire, c'est que le Canada s'est retiré de ce domaine pendant que ses partenaires commerciaux ne s'en sont pas retirés.

Ces chiffres de 1998 sont d'autant plus inquiétants qu'ils n'incluent pas les actions récentes que les États-Unis viennent d'annoncer, soit des mesures d'aide de tout près de 6 milliards de dollars en 1999 et de 8,7 milliards de dollars de plus en l'an 2000, ce qui aura pour effet d'augmenter le soutien à leur secteur.

Selon une étude réalisée par la firme Sparks, firme internationale dans le domaine de l'agri-business, ce montant d'aide consenti par les Américains représenterait la moitié de leur surplus budgétaire prévu pour la fin de l'année 2000. Il est à noter que ces derniers montants consentis en 1999 et en 2000 auront pour conséquence de faire grimper les ESP des États-Unis pour ces deux années.

Au fond, cette aide fait suite au constat d'échec de la politique non interventionniste que les Américains ont voulu mettre en pratique grâce à leur dernier projet de loi, qui avait été appelé le Freedom to Farm Act.

Cette situation est bien illustrée dans les propos de Dan Glickman, secrétaire d'État américain au secteur agricole, qui dit essentiellement et je cite:

    Nos agriculteurs sont sans défense vis-à-vis des conditions atmosphériques rudes, d'une production mondiale accrue, d'une récession économique générale qui fait baisser la demande. Les marchés savent bien faire volte-face de manière inattendue. Il subsiste un haut degré d'incertitude quant à l'avenir, particulièrement au-delà de deux à trois ans.

Autre fait intéressant, le gouvernement du Canada a réduit ses dépenses de soutien au secteur agroalimentaire de moitié au courant de la même période. Donc, le gouvernement canadien, qui injectait 4,4 milliards de dollars dans les secteurs agricole et agroalimentaire au cour de la dernière décennie, en a injecté seulement 2,3 en 1998-1999.

Essentiellement, on veut montrer qu'au cours de la période où le budget fédéral total diminuait d'environ 5 p. 100, celui du secteur agricole était réduit de moitié. Donc, un retour du balancier s'impose en cette période de surplus budgétaire. Il faut absolument que les dépenses fédérales de soutien en agroalimentaire soient augmentées dans le prochain budget fédéral de manière à rééquilibrer l'échiquier commercial dans lequel évolue notre secteur. Sans ce nouvel apport, notre secteur sera en position précaire et ne pourra rivaliser bien longtemps avec les autres pays producteurs.

En conclusion, nous voulons vous faire savoir que le secteur agroalimentaire canadien reçoit un soutien de l'État de loin inférieur à celui offert par les Américains et les Européens. Pendant qu'il est demeuré relativement stable au cours des dix dernières années dans ces deux régions, il a été réduit de moitié au Canada. Cette situation fait en sorte que les producteurs et productrices agricoles canadiens ne peuvent compter sur un niveau d'aide comparable à celui offert par les autres pays pour passer à travers des conditions climatiques et de marché défavorables, comme c'est le cas présentement.

Il est donc impératif que le gouvernement du Canada utilise une partie de ses surplus de manière à nous offrir un environnement concurrentiel et équitable par rapport aux autres pays, notamment les États-Unis. Il faut toujours se rappeler que la majorité de notre commerce se fait avec les Américains.

À la lumière des coupures effectuées par le gouvernement fédéral dans le soutien de l'agriculture et de l'agroalimentaire et du soutien de loin supérieur offert par les autres pays à leur secteur, cette demande est légitime et essentielle.

Ce sont là, essentiellement, les propos que l'Union des producteurs agricoles voulait tenir aujourd'hui.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur D'Amours, avec-vous quelque chose à ajouter?

• 1450

M. Gratien D'Amours: Oui. Revenons à l'esprit qui anime la position de l'union. Il serait bon de signaler le besoin d'investir dans ce secteur, qui est très dynamique. Il faut développer l'entrepreneurship grâce à un soutien qui corresponde à la volonté de développement du secteur.

On a mentionné l'effet de la diminution de près de la moitié de l'aide à l'agriculture dans le budget Martin—donc, un soutien presque inexistant—, alors que l'augmentation des emplois a été très importante dans le secteur agricole pendant les années 1992 et 1993 par rapport à l'ensemble des autres secteurs. Elle a été de 12 p. 100 comparativement à 6 p. 100 pour l'ensemble des autres secteurs. C'est un élément important, à notre avis.

L'autre élément, c'est que les agriculteurs se trouvent pénalisés doublement dans toute cette rationalisation des dépenses. On rationalise par tout un ensemble d'éléments qui touchent l'ensemble de la société. Les producteurs et productrices agricoles s'en trouvent frappés au même titre que les autres citoyens. Quand, en plus, on applique des mesures de rationalisation dans les ministères à vocation économique tels que celui l'agriculture, on pénalise encore une fois la même clientèle parce que l'effet se fait sentir immédiatement dans les revenus des entreprises.

Je pense qu'on est doublement pénalisés, et c'est la raison pour laquelle on trouve important de rétablir la situation dans le secteur agricole.

Un autre élément qui pourrait s'ajouter, c'est celui des coupures effectuées dans le secteur forestier. Vous savez que 35 p. 100 des entrepreneurs agricoles complètent leurs revenus par la vente du produit des boisés de leur ferme. Or, le soutien qu'accordait le gouvernement fédéral au secteur forestier, qui était de près de 20 millions de dollars par année, a été presque totalement aboli lors du budget Martin.

Vous comprendrez que toutes ces coupures ont eu des effets importants sur les entreprises agricoles du Québec.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur D'Amours.

Maintenant, est-ce M. Laviolette qui va faire la présentation pour la Confédération des syndicats nationaux?

Bienvenue, monsieur Laviolette.

M. Marc Laviolette (président, Confédération des syndicats nationaux): Merci, monsieur le président.

D'abord, il me fait plaisir de faire connaître au Comité permanent de la Chambre des communes la position de la CSN sur la question des surplus budgétaires.

La CSN compte au Québec 235 000 membres répartis dans l'ensemble des activités économiques, tant du secteur privé que du secteur public. Nos membres se partagent environ moitié-moitié entre les deux secteurs.

D'entrée de jeu, j'aimerais rappeler qu'on évalue une société non seulement à son produit intérieur brut ou à la richesse qui y est produite, mais surtout à sa capacité de s'occuper de ses citoyens. En ce sens, les programmes sociaux sont déterminants pour mesurer cet aspect. Au Canada, on a une longue tradition sur ce plan. On a un filet de sécurité sociale qui a fait et qui fait toujours l'envie de plusieurs pays dans le monde.

Le problème qu'on a à gérer est un problème intéressant. Pour une fois, c'est un problème de surplus. Donc, on ne gère pas la décroissance. Mais il faut bien préciser d'où proviennent ces surplus. Les surplus sont générés d'abord, bien entendu, par la croissance économique; le chômage a diminué et il y a donc plus de gens qui travaillent et qui paient des impôts. Ces gens-là consomment, et les taxes à la consommation apportent des revenus supérieurs au gouvernement.

Cependant, le surplus est aussi généré par des coupures importantes faites dans les transferts fédéraux aux provinces. Même si le gouvernement les a augmentés dernièrement, nous sommes encore à 4 milliards de dollars de ce qu'ils étaient en 1994-1995. Parmi les facteurs qui génèrent ces surplus, l'un des plus importants est ce que la CSN appelle le vol de la caisse de l'assurance-chômage. Cette année, on prévoit des surplus de l'ordre de 6,1 milliards de dollars dans cette caisse. Ces surplus sont pompés par le gouvernement dans ses surplus généraux.

En plus, si on accumule de tels surplus dans la caisse de l'assurance-chômage, c'est qu'on a diminué de façon draconienne l'accessibilité de ce régime d'assurance. Moins de 40 p. 100 des chômeurs y ont accès. Si on avait une compagnie d'assurance privée qui donnait accès à une couverture à moins de 40 p. 100 de ses sinistrés, je pense qu'elle ferait rapidement faillite. Les consommateurs se dirigeraient vers d'autres compagnies d'assurance. Mais ce n'est pas le cas de la caisse d'assurance-chômage, qui enregistre un surplus de 6,1 milliards de dollars pour cette année.

• 1455

Il faut se méfier du dogme qu'on répète sur toutes les tribunes selon lequel la réduction des impôts va tout régler au au Canada. On entend le même discours au Québec. On l'entend sur toutes les tribunes en Ontario également. Il faut faire attention à ce genre de discours, parce que réduire les impôts équivaut à réduire les revenus de l'État. On parle d'affaiblir la capacité de l'État de soutenir son filet de sécurité sociale, et c'est ce qui nous inquiète.

Voici ce qu'on devrait faire des surplus, à notre avis. Bien entendu, il faudrait restaurer les transferts aux provinces, les ramener au niveau de 1994-1995. On pense que l'accessibilité de l'assurance-chômage devrait être augmentée même si on a abaissé les cotisations, comme le revendiquait la CSN. Quand je parle d'en augmenter l'accessibilité, je veux dire la rendre accessible à 70 p. 100 des chômeurs. On doit de plus augmenter le montant de la prestation hebdomadaire à 66 p. 100 du salaire hebdomadaire.

On pense qu'il y a aussi un problème sur le plan des impôts. Les mesures fiscales que nous suggérons sont modérées. Il y en a deux: l'indexation des tables d'impôts et de déductions ainsi que l'augmentation des déductions personnelles de base de 6 456 $ à 7 500 $. C'est une mesure universelle qui, avec l'indexation des tables, viendrait en aide principalement à la classe moyenne et aux moins bien nantis de la société.

On entend toutes sortes d'arguments. On parle, entre autres, de parité fiscale avec les États-Unis. Ce qu'on oublie de dire, c'est qu'aux États-Unis, il faut payer pour avoir accès aux services de santé. On a peut-être plus d'argent dans les poches, mais il en sort rapidement pour payer les services dont on a besoin.

On parle aussi beaucoup de la parité avec l'Ontario. Il ne faut pas oublier que l'Ontario finance ses baisses d'impôt à même un déficit. Cette province prévoit un déficit de 2 milliards de dollars pour cette année et de 1,4 milliard de dollars pour l'an prochain. Dans le Globe and Mail du 6 novembre, on pouvait lire qu'on allait encore faire des coupures de 5 p. 100 dans les budgets des ministères, sauf dans la santé et l'éducation. Donc, on finance ces baisses d'impôts par des coupures dans les programmes sociaux.

Pour ce qui est de la création d'emplois, aspect important, certaines firmes comme Informetrica disent avoir calculé que les effets macroéconomiques d'une diminution d'impôt de un milliard de dollars créerait 9 000 emplois. Or, une augmentation des dépenses dans l'éducation en créerait 24 000 et dans la santé, 25 000. C'est normal puisque dans la santé et dans l'éducation, ce sont des personnes qui donnent les services. C'est la même chose pour les infrastructures: une augmentation de un milliard de dollars des dépenses en infrastructures entraîne la création de 15 000 emplois. Donc, il y a des façons plus productives de créer de l'emploi au Canada, et ce n'est certainement pas par les baisses d'impôts.

D'ailleurs, M. Reagan lui-même, au début des années 1980, est parvenu, avec ses baisses d'impôt, à tripler son déficit. Le président Bush, qui lui a succédé, qualifiait cette politique de voodoo economics. Les résultats de ces politiques sont loin d'avoir été prouvés sauf sur un point: elles affaiblissent l'État dans sa mission de redistribuer la richesse, c'est-à-dire dans l'aide qu'il apporte au filet de sécurité sociale. La CSN considère qu'il est important de réparer ce filet durant les périodes de richesse comme celle que nous connaissons, de déparer les dégâts causés par les compressions.

• 1500

Voilà, en gros, la position de la CSN sur l'utilisation des surplus: restaurer le filet de sécurité sociale au moyen des transferts aux provinces et restaurer la caisse de l'assurance-chômage. Ce qui serait honteux, si une grande partie des surplus servait à abaisser les impôts, c'est que les sans-emploi contribueraient à la baisse d'impôts des plus riches, car les réductions d'impôts favorisent toujours les plus riches de la société.

L'autre problème qui se pose, c'est que près de la moitié des contribuables canadiens ont des revenus annuels de 20 000 $ ou moins. Il est vrai que la classe moyenne doit supporter un fardeau fiscal que ces gens-là ne supportent pas. Mais c'est par la création d'emplois et l'amélioration de leurs conditions de travail et de leur salaire qu'ils pourront arriver à supporter leur part du fardeau fiscal. C'est là, selon nous, que se trouvent les solutions, et non pas dans le nouveau dogme qu'on vient d'inventer et qui s'appelle les baisses d'impôts, lesquelles, à notre avis, n'apporteront rien de bon pour le peuple. Ce n'est pas que nous soyons contre les baisses d'impôts, mais nous pensons que, dans le moment, la tâche qui compte, c'est de restaurer le filet de sécurité sociale.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup.

Monsieur Chabot, s'il vous plaît.

M. Luc Chabot (professeur de toxicologie, Université de Montréal, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies): Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'ai le plaisir aujourd'hui de représenter le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies pour vous faire part d'une réflexion qui émane de tous les secteurs de toxicomanie au Canada et au Québec. C'est une réflexion qui s'harmonise ou qui peut s'harmoniser avec les intentions exprimées dans le descriptif du nouveau budget du ministère des Finances, un budget qu'on disait devoir marquer une étape importante dans la construction à long terme d'une économie forte et de la sécurité de la société au Canada.

On disait également que le gouvernement allait agir sur le plan économique et sur les priorité sociales. C'est de ce point que j'aimerais vous entretenir cet après-midi. J'aimerais vous démontrer que la toxicomanie, ou ce qu'on peut appeler les conduites de dépendance, a pris une ampleur que je qualifierais de fondamentale dans tous les groupes de notre société. Aujourd'hui, il ne s'agit pas que des substances mais aussi de toute la pathologie qui en découle. Tous les secteurs qui s'occupent de toxicomanie doivent donc être soutenus par le gouvernement canadien et faire partie de ses intentions dans le contexte du budget.

Je vais d'abord tenter de vous fournir une courte description de la situation, sans pour autant vous inonder de statistiques. On a consacré beaucoup d'efforts au Canada pour essayer de comprendre des choses. Les derniers faits sont alarmants. Les données les plus récentes nous montrent que, malgré tous les efforts qu'on a pu faire relativement à la consommation d'alcool, on n'a pu la réduire chez les adultes et, chez les jeunes, on s'aperçoit qu'encore 11 p. 100 des élèves du secondaire ont une consommation nocive. Ces chiffres proviennent du Centre de toxicomanie et de santé mentale de l'Ontario.

Des études épidémiologiques dont Santé Canada et Santé Québec ont assuré le suivi révèlent que la consommation d'alcool n'est pas aujourd'hui en baisse chez les jeunes, mais en hausse. La consommation nocive est à la hausse. Parmi les jeunes, 6,5 p. 100 se disent incapables d'arrêter de consommer des drogues. Donc, on sait que le phénomène de la toxicomanie est encore bien présent dans notre société, dans la société future qu'on tente de construire.

D'autres faits sont peut-être aussi inquiétants. Quand on s'arrête aux années 1997 à 1999, on s'aperçoit qu'il y a eu une augmentation de la consommation de marijuana, qui est passée de 24,9 p. 100 à 29,2 p. 100. Parmi les jeunes qui en ont consommé, il y en a 21 p. 100 qui l'ont fait plus de 40 fois au cours de la dernière année. Or, nous sommes dans une société qui tente de dédramatiser un peu le problème, alors qu'il y a une hausse de la consommation de marijuana chez les jeunes, ce qui n'est pas peu inquiétant quand on pense aux problèmes qui peuvent en découler.

Je vais vous en entretenir un peu en vous parlant des coûts sociaux afférents. Parmi les jeunes qui consomment de la marijuana, 57 p. 100 présentaient des signes de dépendance au moment de l'évaluation. On connaît bien la réaction en chaîne qui s'ensuit lorsqu'on devient dépendant du cannabis et la progression vers d'autres types de drogues.

• 1505

Il est bien évident qu'on doit également s'attarder sur le tabac lorsqu'on parle de substances psychoactives. Le gouvernement canadien a déjà fait beaucoup d'efforts à ce niveau, mais nous ne devrions pas baisser les bras. Il faut continuer à investir dans cette lutte, comme nous le démontrent les données. Ce sera un choix fondamental que notre société devra faire afin de garantir notre avenir. En 1991, on avait trouvé que 21,7 p. 100 de la population canadienne fumait, et ce chiffre s'est maintenu jusqu'à environ 1997. Les dernières données recensées nous démontrent toutefois que ce pourcentage a grimpé à 28,3 p. 100. Le taux de fumeurs au niveau de la population générale est très variable. On constate malheureusement une très forte proportion de fumeurs chez les jeunes: jusqu'à 41,7 p. 100 des élèves de 11e année fument. Nos jeunes font une surconsommation de tabac, bien que nous soyons conscients de tous les phénomènes et coûts sociaux futurs qu'engendrera leur action.

On peut souligner l'efficacité des campagnes de prévention. Le nombre de fumeurs désireux d'arrêter de fumer est passé de 55 à 66 p. 100. Nous devons donc prévoir des structures visant à favoriser l'arrêt de la consommation de tabac, y compris des méthodes d'intervention qui sauront aider les gens à briser leur accoutumance au tabac.

On remarque que les substances psychoactives sont de nos jours de plus en plus disponibles. Les sondages effectués dans les écoles secondaires au Canada démontrent que 23 p. 100 élèves témoignent du fait que la drogue est un problème important dans leur école. Il s'agit de données qui devraient inquiéter les Canadiens.

Je pourrais continuer à vous donner maints autres exemples. Je ne mentionnerai que les augmentations qu'on a notées entre les données de 1993 et nos plus récentes données dans les huit catégories de drogues les plus consommées au Canada: alcool chez les jeunes—la société de demain—de 56 p. 100 à 65,7 p. 100; épisodes de consommation excessive d'alcool, 17,7 à 28,2 p. 100; cigarette, de 23,8 à 28,3 p. 100; cannabis, de 12,7 à 29,2 p. 100; PCP, de 0,4 à 4,8 p. 100; cocaïne, de 1,5 à 4,1 p. 100. Comme vous pouvez le constater, les chiffres grimpent partout.

Nous pouvons également étudier les problèmes sous-jacents à ces problèmes de dépendance. Des évaluations socioéconomiques démontrent que les coûts sociaux et les coûts reliés à l'usage d'alcool et de drogues au Canada sont de l'ordre de 18,4 milliards de dollars. Les drogues illicites représentent annuellement un commerce de l'ordre de 560 milliards de dollars, soit une somme plus élevée que celle du commerce des produits du pétrole et du mazout combinés, laquelle s'élève à 360 milliards de dollars. Nous sommes dans une économie où les problèmes sont criants et graves. Nous devons continuer à prendre des mesures pour contrer cette situation qui s'aggrave.

Le phénomène grandissant de l'héroïnomanie devrait être source d'inquiétude pour nos sociétés. Lors de la dernière enquête menée dans les trois grandes villes canadiennes de Vancouver, Toronto et Montréal, on a dénombré quelque 12 000 héroïnomanes qui se piquent dans chacune de ces grandes villes. Ce nombre ne comprend pas ceux qui consomment l'héroïne autrement que par injection. À Vancouver, le nombre des héroïnomanes atteint même 14 000. Il en découle des problèmes sociaux et médicaux très difficiles à gérer. On n'a qu'à penser à la transmission de maladies telles que l'hépatite B et le VIH. Les traitements à la méthadone peuvent coûter de 2 000 $ à 4 000 $ par année pour un usager de l'héroïne. Si cette personne est judiciarisée, cela coûte 50 000 $. Si cette personne contracte le sida, la soigner coûte 150 000 $, et on est en présence d'un multiplicateur de contamination. On a déjà fait beaucoup d'efforts en matière de santé publique et il faut continuer à être vigilant et à investir dans ce domaine.

Nous pourrions passer tout l'après-midi à étudier des statistiques et à les analyser. Le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies a pour objectif de démontrer que le gouvernement fédéral doit continuer à maintenir et à augmenter son rôle de leadership en matière de prévention de la dépendance. On doit investir dans la création d'un centre canadien de recherche en toxicomanie, une recommandation qui a émergé de précédents forums sur la santé.

• 1510

Au Canada, on investit 25c. par habitant pour la recherche, tandis que j'apprenais la fin de semaine dernière, alors que je participais à un congrès de la société américaine sur les substances psychoactives à Orlando, qu'on investit aux États-Unis 2,25 $ US par habitant. En permettant une évaluation juste des choses au Canada, on ferait déjà un premier pas important.

Il faut un budget suffisant pour favoriser notre leadership à l'échelle internationale. Je crois que toutes nos grandes sociétés sont aux prises avec ce grave problème de la toxicomanie. Cette question est devenue un enjeu de taille pour la société entière.

Je me suis récemment rendu à Genève, à Barcelone et en France dans le cadre d'une mission en compagnie de notre ministre délégué de la Santé et des Services sociaux du Québec. Nous avons pu constater que nos sociétés étaient préoccupées par les mêmes questions. Ce sont des questions qui auront des répercussions sur l'avenir et auxquelles nous tenons à sensibiliser le Comité permanent des finances. Nous devons continuer à être actifs dans cette lutte et maintenir, voire augmenter les budgets qui y sont consacrés.

Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Chabot.

Monsieur Vaillancourt, s'il vous plaît.

M. Gilles Vaillancourt (président, Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Québec): Merci, monsieur le président. Membres du comité, mesdames et messieurs, je suis accompagné aujourd'hui de M. Martin Lapointe, un ingénieur, qui pourra répondre à vos questions d'ordre technique.

Permettez-moi d'abord de vous remercier de nous avoir invités et surtout de nous donner l'occasion de vous démontrer le lien qui existe entre la productivité du pays, d'une part, et l'état de nos infrastructures, d'autre part.

Mes collègues de la coalition représentent à la fois les municipalités, les experts, les constructeurs, les fournisseurs, les employeurs et les syndicats. Tous ces acteurs de la vie politique et économique du Québec sont unanimes à s'inquiéter de la dégradation de nos infrastructures, que ce soient les réseaux d'égout et d'aqueducs, les ponts ou les routes.

Récemment, nous avons fait un sondage auprès de la population. De façon quasi unanime, elle partage notre conviction que les infrastructures du pays doivent être absolument rénovées. Si la population nous suit, c'est pour deux raisons. Premièrement, elle voit bien dans quel état sont nos routes et elle apprend régulièrement dans les médias des nouvelles inquiétantes concernant les pertes d'eau dans les réseaux d'égout et d'aqueduc. Par ailleurs, tout citoyen sait très bien que s'il n'entretient pas ses actifs, il lui en coûtera beaucoup plus cher de les restaurer plus tard que de les entretenir au moment opportun. C'est une question de gros bon sens.

Je voudrais aussi souligner que 95 p. 100 des citoyens réclament que les gouvernements et les municipalités investissent dans les infrastructures, alors que depuis quelques mois, cette même population refuse qu'on verse des sommes importantes à des clubs sportifs ou à des entreprises, par exemple.

D'un point de vue purement politique, cette unanimité de la population constitue un signal très important. Les citoyens veulent investir dans leur patrimoine collectif dont ils veulent être certains de conserver la propriété chez eux.

Toutefois, l'aspect politique de la rénovation des infrastructures ne doit pas éclipser les données économiques et objectives qui militent, elles aussi, en faveur d'un programme vigoureux d'investissements à long terme.

Les infrastructures de l'ensemble des municipalités canadiennes représentent une partie importante de notre patrimoine, une richesse collective dont le coût de construction est évalué à 200 millions de dollars, mais dont le coût de remplacement actuel serait beaucoup supérieur à ce montant. Il s'agit donc d'un actif primordial que la société se doit de protéger.

Diverses études économiques font clairement ressortir que les investissements dans les infrastructures publiques favorisent la croissance économique et stimulent la productivité du secteur privé. Il est en effet évident que le ralentissement du transport à cause d'une mauvaise qualité de routes et d'autoroutes est néfaste à la croissance économique, sans compter l'accroissement des coûts d'entretien et de réparation des véhicules.

De même, la richesse collective que constituent nos routes nationales, supérieures et locales doit être protégée par les divers niveaux de gouvernement qui en ont la responsabilité.

Le mauvais état des réseaux d'aqueduc et d'égout entraîne à chaque fois une diminution de la qualité de l'eau, une augmentation des quantités d'eau d'alimentation à produire, une augmentation des coûts de pompage, de filtration et de chloration, des risques de refoulement, des risques d'inondation, des augmentations des capacités de traitement des usines et une augmentation des besoins énergétiques en pompage. Dans tous les cas, cela représente une diminution importante de la qualité de vie et constitue une limite importante au développement de nos communautés locales.

• 1515

Déjà en 1984, la Fédération canadienne des municipalités concluait que les infrastructures municipales de l'ensemble du pays se dégradaient rapidement et que leur réfection nécessiterait un apport de capitaux élevé. À l'époque, on parlait de 12 milliards de dollars. Plus récemment, en 1996, une étude réalisée par l'Université McGill évaluait le déficit en matière d'infrastructures à près de 44 milliards de dollars au Canada, dont environ 11 milliards de dollars au Québec, selon une répartition très prudente qui était basée uniquement sur le poids démographique de la province.

Les résultats de deux études récentes réalisées en 1997 par l'Institut national de la recherche scientifique pour le compte du ministère des Affaires municipales du Québec confirmaient ces constatations.

Toutefois, comme cette évaluation était fondée sur un scénario de remplacement complet et que la restauration sera possible dans certains cas, un apport en capitaux de l'ordre de 85 p. 100, représentant un budget d'environ 9 millions de dollars sur 15 ans, est beaucoup plus réaliste.

Je n'ai pas l'intention de définir ici l'ampleur exacte des investissements en matière d'infrastructures qui doivent être entrepris, mais plutôt d'esquisser leur envergure. Si, par exemple, on envisage un remplacement de 1,25 p. 100 de la longueur des conduites d'eau au Québec, il nous faudra plus de 80 ans pour remplacer tout le réseau, qui a déjà entre 35 et 65 ans. Ce rythme de réfection serait quatre à cinq fois supérieur à celui que nous poursuivons actuellement, qui n'est que de 0,25 p. 100 de la longueur de nos installations. Le rythme actuel équivaut à remplacer le réseau d'aqueduc à tous les quatre siècles seulement.

Au Canada, une évaluation prudente nous permet d'évaluer à 9 milliards de dollars les investissements réalisés dans le domaine des aqueducs et des égouts. Si on ajoute le réseau routier, nous devrons prévoir quelque 15 milliards de dollars sur 15 ans, car la situation du réseau routier est tout aussi alarmante.

Au Québec, les besoins de ce réseau sont évalués à plus de 600 millions de dollars par année dans le plan de gestion routier 1995-2000 du ministère des Transports du Québec. Et encore, cette évaluation ne tient pas compte des travaux destinés à adapter le réseau à la demande. Si on exclut les besoins d'adaptation à la demande, l'analyse du budget de ce même ministère montre que seulement 64 p. 100 des besoins ont été comblés en 1995-1996 et que cet effort de rénovation a été encore plus faible en 1996-1997 puisqu'il était tombé à à peine 58 p. 100.

Si on regarde le réseau local et urbain sous la gouverne des municipalités et si on prend l'exemple de la région métropolitaine de recensement de Montréal, la RMR, qui regroupe 111 villes, le total des investissements nécessaires à la reconstruction a été évalué par le Centre d'expertise et de recherche en infrastructures urbaines, le CERIU, à 132 millions de dollars par année pour une période de cinq ans.

Jusqu'à maintenant, aucune étude ne définit les besoins d'investissement pour stabiliser la détérioration et remettre à niveau les routes locales et urbaines des 1 400 villes et municipalités du Québec. Toutefois, en considérant les résultats de cette étude du CERIU, à partir de l'échantillon de la RMR de Montréal, l'ampleur des besoins pour les 78 167 kilomètres du réseau urbain local serait de l'ordre de 360 millions de dollars annuellement pendant les 15 prochaines années. Un tel budget permettrait de restaurer ou de reconstruire environ 25 p. 100 du réseau seulement.

Parlons maintenant de productivité. Une étude qui avait été commandée en 1985 par l'Union des municipalités du Québec sur l'incidence macroénomique des dépenses accélérées pour l'infrastructure municipale concluait que si le gouvernement fédéral participait à un programme tripartite, il récupérerait la majorité, sinon la totalité de son investissement, en augmentant à la fois ses recettes fiscales au titre de l'impôt sur le revenu et de la TPS, ainsi que de la réduction des paiements d'aide sociale et de prestations d'assurance-emploi.

En effet, en plus de contribuer à l'amélioration de nos infrastructures et de notre qualité de vie, de hausser la croissance économique et de stimuler la productivité du secteur privé, la contribution des gouvernements fédéral et provincial, respectivement au tiers, est compensée par des recettes fiscales d'ordre équivalent, c'est-à-dire approximativement 30c. sur les 33c. investis; c'est-à-dire que 90 p. 100 de cette somme serait récupérée par le fédéral et que 24c. sur les 33c. investis, soit 70 p. 100, seraient récupérés par le provincial. Le coût net pour les gouvernements serait donc presque nul, compte tenu des retombées d'un tel programme.

• 1520

De plus, ces investissements, qui auraient un coût pratiquement nul pour les gouvernements, rendraient notre industrie plus performante. Le temps qui m'est imparti ne me permet pas d'entrer dans les détails des nombreux avantages qu'en retireraient nos entreprises.

Je voudrais simplement citer le cas du camionnage, qui est le nerf de la guerre pour la plupart des activités industrielles. La demande en transport augmente constamment depuis les années 1980, alors que les investissements routiers sont sensiblement en recul, si on en croit un certain nombre d'indicateurs. Notre capital routier est passé de 12 à 7 p. 100 relativement à la taille de l'économie entre 1961 et 1993, et le taux d'investissement routier relativement au produit intérieur brut a reculé de 2,5 p. 100 depuis 1961.

En juin dernier, le président Clinton a signé le Transportation Equity Act, en vertu duquel 217 milliards de dollars seront investis au cours des six prochaines années dans la réfection d'infrastructures de transport. La coalition conclut qu'en tant que nation axée sur le commerce, le Canada doit soutenir ces efforts de mise en marché et s'ouvrir sur les marchés mondiaux, comme le fait son principal partenaire et concurrent, les États-Unis. Si nous ne voulons pas perdre nos acquis, il est indispensable que nos gouvernements se concertent afin d'assurer la conservation de nos infrastructures et qu'ils y injectent les sommes requises.

De tels investissements, en plus de favoriser de façon tangible le développement du commerce interprovincial et continental, auraient pour conséquence de réduire les coûts d'entretien du parc d'automobiles et de camions, les coûts du carburant, les coûts des produits et denrées mis en marché, la pollution et les accidents. Cela aiderait également à la croissance du tourisme, du commerce, de l'économie, de la sécurité du réseau, des investissements étrangers en sol canadien, de la concurrence internationale, via la hausse de l'efficacité, de l'emploi et du développement technologique.

Nous croyons qu'à l'instar du modèle américain, il serait opportun pour le gouvernement canadien de mettre sur pied un programme de développement et d'entretien des infrastructures routières en collaboration avec les gouvernements provinciaux. Cela aurait pour conséquence l'atteinte de divers objectifs fédéraux, dont le soutien à la croissance économique du commerce et du tourisme via des infrastructures adaptées à notre modernité, l'affermissement de notre volonté d'accroître la productivité, ainsi que l'amélioration de la qualité de vie, cela à un coût très minime pour les gouvernements.

Cela aurait aussi pour effet de cesser de nous démarquer de façon très négative par rapport aux autres pays. En effet, le Canada est actuellement le seul pays du G-7 à ne pas avoir de stratégie d'investissement à long terme dans le domaine des infrastructures. L'OCDE recommande aux pays d'investir 2 p. 100 de leur PNB dans leurs infrastructures. Le Canada, lui, en investit à peine 0,6 p. 100. Ces chiffres démontrent bien l'effort qu'il nous reste à faire si nous voulons demeurer compétitifs.

Voilà, mesdames et messieurs, le condensé de réflexion des membres de la Coalition pour la rénovation des infrastructures du Québec en ce qui a trait à la productivité.

Je vous remercie de votre attention. Nous sommes disposés à répondre à toutes vos questions.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Chers collègues, je vous accorde sept minutes chacun.

Monsieur Forseth.

[Traduction]

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

Je voudrais tout d'abord adresser une question au représentant du Conseil du patronat du Québec; monsieur Taillon, je suis absolument ravi de constater que vous mettez beaucoup l'accent sur les dégrèvements fiscaux. C'est certainement ce que nous, le Parti réformiste et l'opposition officielle, recommandons, et c'est sans conteste ce que nous conseillons au ministre des Finances. Nous avons d'ailleurs revendiqué de tels changements dans des budgets précédents. On dirait que votre opinion est semblable à la nôtre. Comme vous le savez peut-être, nous au Parti réformiste préconisons une réduction de 25 p. 100 des impôts sur le revenu des particuliers.

À la lumière de vos propos, peut-être pourriez-vous nous dire quelle est votre plus grande priorité et nous expliquer ensuite en quoi, sur le plan philosophique et par rapport aux plus grandes priorités, le prochain budget devrait être différent du dernier. Vous avez parlé d'un certain nombre de changements, mais quelle est votre plus grande priorité, et pour quelles raisons?

• 1525

[Français]

M. Gilles Taillon: Vous avez raison, monsieur Forseth: dans le fond, nous partageons d'assez près les orientations que défend le Parti réformiste. Notre première priorité est véritablement la réduction des impôts des particuliers à la hauteur de 50 p. 100 des excédents budgétaires, que le ministre des Finances estime à 9,5 milliards de dollars. La baisse des impôts personnels est la priorité numéro un des gens d'affaires du Québec. Les trois derniers sondages faits auprès de nos membres indiquent très bien que, pour la croissance économique et le développement des affaires, la réduction des impôts personnels est une priorité essentielle.

Il en va de la rétention d'une-main d'oeuvre de qualité. Il en va de la prévention de l'exode des cerveaux. C'est capital pour faire en sorte que le Québec et le Canada aient une croissance économique acceptable.

[Traduction]

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il n'a pas dit qu'il allait voter pour le Parti réformiste.

M. Paul Forseth: Eh bien, à mon avis, ils vont participer à notre campagne aux prochaines élections.

Je voudrais maintenant adresser une question au représentant du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies.

Vu les coûts sociaux de la tragédie que représente l'alcoolisme et les toxicomanies, quels changements le ministre des Finances pourrait-il apporter à son prochain budget pour encourager des modes de vie qui ne supposent pas le recours à des ressources comme les vôtres? Nous sommes bien conscients des besoins en matière d'éducation et de prévention, et même de programmes de soins post-intervention, mais que peut-on faire dans le cadre d'un budget fédéral pour éviter que des gens abusent de substances psychoactives?

[Français]

M. Luc Chabot: Monsieur Forseth, c'est une réflexion que tous partagent à travers le Canada; on souhaite réduire la première consommation dangereuse de substance illicite ou licite chez les Canadiens. La meilleure stratégie à adopter serait une stratégie préventive. Aujourd'hui, avec les moyens actuels, on tente de faire une prévention généralisée.

Les dernières études nous ont montré que la prévention chez les adolescents était un peu dissoute. On doit commencer la prévention beaucoup plus tôt dans la vie de l'individu, c'est-à-dire à l'âge primaire. Les dernières études longitudinales nous ont montré que les prédicteurs de risques étaient aujourd'hui identifiables en très bas âge. Si on commence à prévenir en très bas âge, il y a plus de chances que quelqu'un ne consomme pas en premier lieu.

Toutes ces choses sont très interreliées: prévention, traitement, dépistage et recherche. La situation n'est pas statique. La consommation de substances psychotropes au Canada est très dynamique. De nouvelles substances arrivent de plus en plus. On est dans un contexte qui change, dans une société qui change, et les jeunes ne sont plus les mêmes qu'il y a cinq ou dix ans.

Actuellement, on est malheureusement dans un contexte de réaction. J'ai l'impression qu'on devra continuer à consacrer de l'énergie et des ressources à ce secteur, mais également augmenter son financement. Actuellement, ce secteur est financé à un niveau strictement minimum.

[Traduction]

M. Paul Forseth: J'ai une autre question.

Elle s'adresse au représentant de la Coalition pour le renouvellement des infrastructures: Avez-vous des recommandations concernant la possibilité qu'une forte proportion de la taxe sur l'essence payée par les automobilistes chez les détaillants soit réservée pour la construction d'autoroutes?

• 1530

Vous avez sans doute entendu parler de ce genre de propositions par le passé. Si vous êtes en faveur d'une telle politique, comment devrait-on procéder pour la mettre en oeuvre? Quels conseils avez-vous à nous donner sur la possibilité d'une taxe sur l'essence qui servirait exclusivement à remettre en état et à construire des routes, au lieu d'être versée au Trésor?

[Français]

M. Gilles Vaillancourt: Nous n'avons pas réfléchi à la façon dont le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral pourraient financer leur portion. D'autres provinces l'ont déjà fait, en particulier la Colombie-Britannique, qui a déjà décidé de financer à la fois l'entretien des réseaux routiers régionaux et le transport en commun par des taxes dédiées qui proviennent de l'essence. C'est une loi qui est relativement récente, mais qui fonctionne actuellement très bien en Colombie-Britannique et qui a créé une certaine forme de jalousie dans l'ensemble des autres provinces canadiennes pour lesquelles les deux gouvernements n'ont pas décidé d'adopter la même mesure. En fait, en Colombie-Britannique, c'est surtout le gouvernement provincial qui l'a fait.

Nous ne verrions aucune objection, bien au contraire, à ce que des fonds soient réservés pour l'entretien et la rénovation des infrastructures routières. Évidemment, l'eau et l'aqueduc ne seraient peut-être pas financées de la même façon, mais il s'agit là d'un modèle sur lequel il vaudrait la peine de réfléchir avant de le mettre de côté.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Vaillancourt.

Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le président, de façon à maximiser l'efficacité de mon intervention, je vais poser des questions à tout le monde, puis je vais leur laisser le temps de répondre. Ainsi, vous ne me couperez pas la parole en cours de route comme vous l'avez fait cet après-midi.

J'aimerais d'abord que M. Taillon ou M. Garon me disent où ils prennent leur ratio idéal de la dette par rapport au PIB, qui semble être de 25 p. 100. Cela me semble assez faible. Au rythme où on rembourse la dette, on va l'atteindre dans une quinzaine d'années.

M. Jacques Garon: Il n'y a pas d'objectif précis. On dit tout simplement que, tant et aussi longtemps qu'on aura une dette de près de 600 milliards de dollars, ou de 580 milliards de dollars pour être plus précis, même en consacrant 40 milliards de dollars rien qu'au service de la dette, il va falloir un temps infini pour abaisser ce ratio.

M. Martin, il y a trois ou quatre ans, avait lancé l'idée qu'un objectif à très moyen terme serait 40 p. 100. Les données que nous avons se rapprochent un petit peu de cela: au bout de cinq ans, on n'est pas encore à 40 p. 100, mais à 46 p. 100. Le problème, c'est qu'avec un ratio dette:PIB de 46 p. 100, on paie encore presque 40 milliards de dollars pour le service de dette.

C'est pour cela qu'il faudrait, pour assurer à long terme la pérennité des services sociaux qu'on veut établir tout de suite, accepter un ratio beaucoup plus bas que 40 p. 100. Ce n'est pas seulement une question de ratio, mais aussi une question de consacrer beaucoup moins de milliards au service de la dette.

M. Yvan Loubier: Merci.

Monsieur Laviolette, je trouve particulièrement intéressant votre tableau de la page 11 sur les effets multiplicateurs de différentes mesures fiscales.

J'aimerais que vous me disiez de quelle façon vous êtes arrivés à ces chiffres. Avez-vous des références techniques? Je trouve cela pas mal intéressant.

M. Marc Laviolette: Les effets multiplicateurs ont été calculés par la firme Informetrica. C'est la reproduction de leur tableau.

M. Yvan Loubier: Est-ce qu'ils ont fait cela cette année?

M. Marc Laviolette: Oui.

M. Peter Bakvis (adjoint au comité exécutif, Confédération des syndicats nationaux): C'est un tableau qu'on retrouve dans un document que le député a peut-être vu et qui s'appelle «Le Budget fédéral alternatif». La CSN fait partie d'un collectif sous l'égide du Centre canadien de politiques alternatives, qui élabore ce document. Nous avons utilisé les projections ou les calculs d'Informetrica. À notre demande, ils ont mis ce tableau à jour pour la production du mémoire. Donc, c'est très récent.

M. Yvan Loubier: Ma prochaine question s'adresse à l'UPA. Votre tableau 3 porte sur le calcul des ESP. Est-ce que ce calcul des ESP inclut l'ESP dans le secteur laitier ou si vous l'avez évacué?

M. Gilbert Lavoie: Cela inclut autant les soutiens directs, comme les paiements de transfert, que les soutiens aux programmes de gestion de l'offre directs et indirects.

M. Yvan Loubier: D'accord. Est-ce que le gouvernement fédéral a signifié son intention, à partir du résultat que vous avez ici quant au soutien au revenu, de faire, à l'ouverture de la négociation de l'OMC à Seattle, un bilan des mesures prises depuis l'application des conclusions de l'Uruguay Round en 1994? Est-ce que le gouvernement fédéral va d'abord faire un bilan des actions entreprises par les pays et mettre en évidence le fait que le Canada a rempli ses obligations, alors que la plupart des pays ne l'ont pas fait?

• 1535

M. Gratien D'Amours: Il est difficile de répondre à cette question. Que je sache, ce moyen-là n'a pas été annoncé. On a essayé de faire en sorte que tous les organismes agricoles canadiens adoptent une position commune. Notre argumentation est basée là-dessus. Il va falloir évaluer les engagements qui ont été pris lors de la dernière négociation. Nous sommes bien conscients que le Canada a pris des engagements qu'il a respectés, alors que ses partenaires commerciaux, particulièrement les États-Unis, n'ont pas respectés les leurs.

C'est sûrement une mesure qui serait intéressante parce que la meilleure façon de voir si les engagements ont été respectés est d'évaluer la situation.

M. Yvan Loubier: Je vous remercie.

Monsieur Chabot, j'aimerais que vous nous fassiez parvenir les statistiques que vous nous avez énoncées sur l'évolution des problèmes de toxicomanie. J'aimerais aussi que vous me disiez de quel ordre sont les ressources que les gouvernements consacrent actuellement à la lutte contre la toxicomanie.

M. Luc Chabot: De mémoire, au Québec, on a un budget de 60 millions de dollars pour l'ensemble du dossier toxicomanie et dépendance.

M. Yvan Loubier: Et cela inclut la lutte contre les trafiquants?

M. Luc Chabot: Le volet répressif est normalement la responsabilité du ministère de la Justice ou de la Sécurité publique et son budget n'est pas calculé dans cela. Ces 60 millions de dollars font partie du budget du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Pour ce qui est des coûts dans l'ensemble du Canada, je pourrai sûrement vous faire parvenir des statistiques.

M. Yvan Loubier: J'apprécierais. Je vous remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Loubier.

[Traduction]

Monsieur Pillitteri, vous avez la parole.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Ma remarque s'adresse aux producteurs agricoles: Je trouve un petit peu curieux que vous prétendiez dans votre exposé qu'étant donné le soutien dont bénéficient les agriculteurs aux États-Unis et en Europe, grâce au Marché commun et l'absence totale de soutien ici au Canada, qu'une réduction des impôts viendrait modifier la situation.

Votre position est un peu différente de celle d'autres régions du Canada, notamment l'Ontario, où la gestion de l'offre est beaucoup moins présente. Ici au Québec, vous avez le secteur des produits laitiers qui représente presque la moitié des produits visés par la gestion de l'offre. Je sais que par rapport à la production laitière, les producteurs du lait... La gestion de l'offre vise également les plumes. Ils font tous de l'argent depuis 10 ans, comme ce marché est protégé contre les concurrents externes. En réalité, seulement 7 p. 100 du marché global est ouvert aux concurrents étrangers.

Vu cette réalité, il me semble que pour eux, une réduction des impôts n'est pas si importante. Mais c'est ça qui serait leur grande priorité... c'est-à-dire que les impôts soient réduits—parce que finalement, vos revenus sont assez intéressants.

Par contre, je peux comprendre que ce soit la position des producteurs de l'Ouest, puisqu'ils font face au problème du prix instable des produits. Nous savons tous ce qui est arrivé sur le plan mondial, et cette situation a eu des conséquences très graves ces dernières années. Les subventions européennes et américaines sont de plus en plus importantes. Mais cela n'a pas beaucoup d'impact sur les secteurs visés par le système de gestion de l'offre.

Si nous ne recommandons pas que les impôts soient réduits, pensez-vous que la somme qu'on pourrait éventuellement y consacrer—en fait, il s'agirait au grand maximum d'un ou de deux milliards de dollars—serait suffisante pour vraiment améliorer le soutien accordé au secteur agricole; est-ce que ça ferait une différence sensible à votre avis?

• 1540

Il y a un autre élément aussi, me semble-t-il, mais vous me corrigerez si je me trompe. Vous dites que les producteurs agricoles tirent 40 p. 100 de leurs revenus des boisés. Pour moi, ça ne fait même pas partie de l'agriculture, et d'autres secteurs ne comprennent pas les boisés. Voilà donc le premier volet de ma question.

Pendant que j'y suis, autant obtenir des précisions concernant l'autre volet de ma question, qui s'adresse à M. Taillon. Vous avez dit que vous étiez un peu d'accord avec M. Forseth du Parti réformiste concernant la possibilité que 25 p. 100 de l'excédent soient consacrés à la réduction de la dette, 25 p. 100, aux nouvelles dépenses et 50 p. 100 à des mesures de réduction des impôts. Mais ne s'agit-il pas là d'une solution à court terme? Est-ce que cela n'est pas contraire à ce qu'a dit M. Garon, à savoir que la solution à court terme consisterait à consacrer 50 p. 100 de l'excédent à la réduction des impôts, plutôt qu'à la réduction de la dette, puisqu'à long terme, cette première option sera plus avantageuse? Comment conciliez-vous ces deux affirmations? L'une contredit l'autre dans un sens, parce que le service de la dette se poursuit à long terme, alors que des mesures de réduction des impôts sont davantage immédiates.

Merci.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Lavoie.

M. Gilbert Lavoie: En ce qui a trait à la première partie de la question, qui concernait la gestion de l'offre au Québec, c'est un fait que la gestion de l'offre est importante au Québec, mais je tiens quand même à rappeler une chose. Je pense au secteur porcin. Il faut se rappeler que le Québec produit plus du tiers de la production canadienne de porc, une production qui transige sur un marché libre. Donc, il n'y a pas de barrière avec les Américains.

Vous avez aussi parlé de l'Union européenne. On a parlé de l'Union européenne pour la mettre en perspective avec les autres, mais on voulait surtout parler des États-Unis, qui ont toujours prétendu être des libre-échangistes et qui en étaient de fervents défenseurs lors de la dernière ronde de ce qu'on appelait à l'époque le GATT et qui est aujourd'hui l'OMC. Ils parlaient de déréglementer le secteur agricole et d'abolir tout subside et toute barrière ou protection, que ce soit au niveau des soutiens internes ou des subsides à l'exportation. Mais après avoir prêché cela, ils font l'inverse. Cela nous pose des problèmes parce que cela a un impact direct sur nos prix intérieurs au Canada. C'est principalement cet aspect qu'on voulait faire ressortir.

Pour ce qui est de la gestion de l'offre, je tiens à vous rappeler qu'il y a les produits porcins, mais aussi d'autres denrées qui sont transigées de façon libre avec les Américains.

L'UPA travaille conjointement avec la Fédération canadienne de l'agriculture et est très bien au fait de toute la problématique de l'Ouest canadien. À cet effet, on siège au Comité consultatif national sur la sécurité du revenu, le comité qui est chargé de conseiller le ministre Vanclief sur les orientations à prendre. Je peux vous assurer que tout ce débat au sujet des soutiens par rapport aux Américains est fait et que des recommandations sont faites à cet égard.

À la dernière réunion, qui a eu lieu vendredi dernier, ce comité consultatif a fait des recommandations face à l'accroissement des aides américaines, qui auront pour effet de réduire les prix des denrées agricoles et d'accroître l'aide des gouvernements dans le cadre des programmes de soutien et de sécurité du revenu, notamment au niveau de ce qu'on appelle le CSRN, ou le NISA en anglais.

Ce sont essentiellement les propos qu'on voulait tenir aujourd'hui.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup.

Monsieur Taillon, s'il vous plaît.

M. Gilles Taillon: Je pense qu'il n'y a pas de contradiction entre ce que j'ai dit et ce que M. Garon a avancé. À court terme, si on veut stimuler l'économie et la consommation et réduire la dette des ménages, il faut réduire les impôts personnels de 50 p. 100. Au bout d'une période de cinq ans, notre situation serait presque égale à celle de nos principaux voisins, nos principaux partenaires commerciaux.

Il faut dès maintenant aussi s'attaquer au remboursement de la dette, ce qui va réduire nos dépenses au niveau du service de la dette. Il faut, d'ici cinq ans, atteindre un ratio qui se rapproche de 40 p. 100 de notre PIB et, à long terme, d'ici 10, 12 ou 15 ans, arriver à un ratio qui se rapproche de 25 p. 100.

• 1545

Nous recommandons donc qu'à court terme, on réduise les impôts afin qu'on puisse rapidement stimuler l'économie. Nous devons également entreprendre dès maintenant le plan de remboursement de la dette en nous fixant un ratio de 40 p. 100 comme objectif à moyen terme et un ratio de 25 p. 100 comme objectif à long terme.

Le vice-président (M. Nick Discepola): J'aimerais obtenir une petite précision pour m'assurer que je vous ai bien compris. Vous ne proposez pas de réduire les impôts de 50 p. 100, mais plutôt d'utiliser tout surplus.

M. Gilles Taillon: Oui, évidemment.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'était une légère précision.

M. Gilles Taillon: Vous disposez peut-être de chiffres que nous ne connaissons pas.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous en avez donné quelques-uns.

Monsieur D'Amours.

M. Gratien D'Amours: J'aimerais intervenir sur la deuxième partie de la question de M. Pillitteri au sujet des producteurs agricoles qui font de l'exploitation forestière. Trente-cinq pour cent des producteurs agricoles ont des boisés qu'ils exploitent. Lors de ma présentation, j'ai fait allusion à l'important soutien à l'aménagement qu'offrait le gouvernement fédéral, mais qu'il a abandonné. Toutes les mesures d'aménagement de la forêt représentaient des investissements très structurants pour les régions rurales. Il faut se rappeler que l'agriculture est le moteur économique des régions rurales. Lorsqu'on investissait dans la forêt, on investissait évidemment dans le milieu rural afin de garder les gens en milieu rural. Il existe un grave problème de dépeuplement de nos campagnes et c'est pour cette raison qu'il est très important de soutenir toutes les ressources qui s'y trouvent, dont l'agriculture et la forêt.

Si vous me le permettez, j'aimerais dire quelques mots au sujet de la gestion de l'offre, à laquelle on a fait allusion ici même et dont on a discuté de façon approfondie lors des dernières négociations de l'OMC. Il faut être conscient de sa valeur; elle permet d'obtenir un certain prix pour un produit sur le marché et de soulager les trésors publics. Elle constitue une excellente mesure de développement régional puisqu'elle permet à l'ensemble des territoires d'aller chercher un prix à un même niveau.

À la rigueur, bien qu'on dise qu'il n'y a pas de gestion de l'offre du côté américain, une forme de gestion de l'offre se fait à partir de grands conglomérats. De grandes compagnies qui oeuvrent dans plusieurs productions contrôlent l'ensemble de la production et gèrent en fonction du besoin, de la demande ou de la consommation. Officiellement, cette gestion ne paraît pas, mais c'est ce qui se passe en pratique.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Pillitteri.

[Traduction]

M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président. Il faut que je demande une autre précision.

Je suis en faveur du système de gestion de l'offre. Je suis agriculteur. Je ne suis pas visé par ce système, mais je comprends leur situation. Souhaitent-ils bénéficier d'une réduction des impôts, oui ou non?

C'est tout. Merci.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. Pouvez-vous répondre par oui ou par non?

M. Gilbert Lavoie: On ne s'y oppose pas.

M. Gratien D'Amours: Non, on ne s'y oppose pas, bien que la priorité demeure, bien sûr, les investissements.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup.

Monsieur Nystrom.

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): J'aimerais poser des questions à MM. Laviolette et Taillon, dont les organisations semblent adopter des positions quelque peu différentes. Il est évident que j'appuie la position du Nouveau parti démocratique, monsieur le président.

Monsieur Taillon, vous avez presque oublié de traiter des programmes sociaux, y compris des paiements de transfert aux provinces en matière de santé. Comme vous le savez, il y a trois ou quatre ans, M. Martin avait grandement réduit ces paiements de transfert. Vous nous recommandiez de stimuler l'économie en utilisant 75 p. 100 de l'excédent pour réduire la dette et les impôts. Combien d'emplois seraient créés si nous consentions à adopter votre approche? J'aimerais que M. Laviolette réponde à cette question par la suite.

La majorité des sondages indiquent que la plupart des Canadiens souhaitent un équilibre entre les réductions de taxes, le paiement de la dette, des investissements accrus en matière de santé et d'éducation, des programmes à l'intention des sans-abri et d'autres programmes sociaux. Vous semblez avoir oublié cette question importante.

M. Gilles Taillon: Nous n'avons pas totalement oublié la question des programmes sociaux. Notre texte traite de l'éducation et de la santé, mais nous y avons accordé de l'importance dans une perspective budgétaire—pour faire plaisir au président—et avons recommandé que 25 p. 100 de l'excédent serve au financement de programmes ou à des investissements.

Nous croyons que les baisses d'impôts représentent le meilleur moyen de créer de l'emploi, comme l'ont démontré les pays et gouvernements qui ont pris de telles mesures. On voit actuellement chuter le taux de chômage en Ontario. Aux États-Unis, on voit très bien que des baisses d'impôts ont stimulé la consommation et créé des situations favorables à l'emploi.

• 1550

Nous éprouvons davantage de crainte face à des programmes qui font en sorte que les dépenses publiques croissent et que des États deviennent trop gros. À ce moment-là, on constate des taux de chômage élevés et une situation de l'emploi délicate.

Si on veut créer de l'emploi, il est important de s'attaquer à une baisse des impôts. Si on veut favoriser l'équité entre les générations, il faut se préoccuper de la dette. Nous pensons aussi qu'il faut faire certains investissements, notamment dans les programmes sociaux. Il faut agir à ce chapitre dans le respect des compétences et juridictions établies dans notre pays, le Canada. Certaines compétences relèvent des provinces, dont la santé et l'éducation. On devrait plutôt procéder par voie de transfert au niveau de ces programmes.

Mr. Lorne Nystrom: Les transferts pour l'éducation et l'assurance-maladie sont de compétence fédérale.

Vous avez recommandé au comité de dépenser 50 p. 100 de l'excédent budgétaire en vue de la réduction des taxes, 25 p. 100 en vue de celle de la dette et 25 p. 100 en vue d'un investissement productif, dont une mince part serait dirigée vers les programmes sociaux. C'est une bien mince part.

M. Gilles Taillon: Ce n'est pas beaucoup, effectivement.

Mr. Lorne Nystrom: Au point de vue de la création d'emplois, ne serait-il pas plus efficace d'engager de plus grandes dépenses dans le domaine de la santé, comme le proposait M. Laviolette?

M. Gilles Taillon: Nous préférons fonder notre opinion sur des expériences passées que sur des études. On sait qu'un des derniers gouvernements à s'être lancé dans d'importantes dépenses publiques et à faire de grands investissements pour soutenir ses programmes s'est retrouvé face à une grave situation déficitaire au niveau de l'emploi. Je fais allusion à l'époque de M. Rae en Ontario.

Les pays qui investissent trop au niveau des programmes sociaux et des secteurs publics—non pas ceux qui n'y investissent pas, mais ceux qui y investissent trop—créent une situation de faillite au niveau des finances publiques. Il s'agit d'une situation qui nous inquiète, d'où l'importance qu'on y accorde, à savoir 25 p. 100.

Mr. Lorne Nystrom: Monsieur Laviolette, est-ce que vous appuyez cette tendance réformiste? Je ne fais pas ici allusion au mot réformiste avec un R majuscule.

M. Marc Laviolette: Absolument pas. D'ailleurs, dans notre mémoire, vous retrouverez des rapports relatifs à la création d'emploi: si on réduisait les impôts de 1 milliard de dollars, on créerait 9 000 emplois, tandis que si on dépensait la même somme en santé ou en éducation, on en créerait 24 000. Lorsque M. Rae avait augmenté ses dépenses, il l'avait fait au moment où nous étions en pleine récession économique en raison de la hausse des taux d'intérêt.

Si on prend l'exemple d'un pays comme la Suède, qui a un des taux d'imposition parmi les plus élevés au monde, on constate qu'elle est le pays le plus productif au monde. Alors, on court-circuite de façon assez rapide ce dogme des baisses d'impôts qu'on nourrit.

Pourquoi y a-t-il moins de chômage en Ontario qu'au Québec? C'est à cause de la vigueur de l'économie américaine et des investissements faits dans l'industrie de l'automobile, particulièrement en raison de la faible valeur du dollar canadien et de l'avantage comparatif de notre système de santé ici, au Canada. Aux États-Unis, en 1995, il en coûtait à GM 1 200 $ en assurance collective pour chaque automobile qu'elle manufacturait. J'ai de la difficulté à comprendre les arguments du Conseil du patronat parce qu'en diminuant nos investissements dans des domaines tels que la santé, on augmente les coûts de production puisque les compagnies devront compenser par des assurances collectives. Nous avons fait une étude à l'usine Bridgestone-Firestone de Joliette et évalué que l'assurance collective coûtait à l'employeur 110 $ par travailleur par mois, tandis qu'aux États-Unis, cette assurance lui coûte 800 $. Cet écart augmente de façon marquée les coûts de production.

D'ailleurs, je me méfie toujours quand le patronat se met à défendre les baisses d'impôt pour le simple contribuable. Je trouve cela assez particulier parce qu'on sait que lorsqu'on baisse les impôts, ceux qui en profitent le plus sont ceux qui gagnent de gros salaires, et non pas le petit monde ordinaire.

Ici, au Québec, les revenus de 52 à 54 p. 100 des contribuables s'élèvent à 20 000 $ ou moins par année. On comprend donc pourquoi la classe moyenne supporte son fardeau fiscal de façon aussi importante. Le problème n'est pas là, mais chez ceux qui gagnent 20 000 $. Qu'est-ce qu'on fait pour stimuler l'augmentation des revenus de ces gens-là?

• 1555

Si on baisse les impôts de façon trop importante, qu'est-ce qu'on réserve à la jeunesse pour plus tard? Parce qu'il y a moins de monde, les jeunes sont moins nombreux dans la pyramide démographique. Qu'est-ce que cela va vouloir dire pour eux? Assumer les charges sociales qu'on assume maintenant; c'est plus d'impôt ou moins de programmes sociaux. C'est ce qu'on réserve aux jeunes de demain.

Pour ce qui est du rapport dette:PIB, je vais être obligé de citer le ministre des Finances lui-même, un libéral, qui dit:

    ...la poursuite d'une stratégie de croissance constitue également la meilleure façon d'alléger le fardeau de la dette.

La dette n'augmente plus. Au Canada, on va même jusqu'à la réduire un peu et il y a une croissance économique. C'est mathématique: le rapport diminue. D'ailleurs, le rapport dette:PIB est passé de 71,2 en 1995 à 64,4 p. 100. Cela se fait automatiquement.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Laviolette.

Monsieur Taillon.

M. Gilles Taillon: J'aimerais faire une petite réplique, si M. Nystrom et le président me le permettent.

D'abord, je voudrais dire à M. Laviolette qu'on ne souhaite pas une diminution des investissements en santé, mais plutôt une légère augmentation. Nous ne souhaitons pas une augmentation supérieure à celle que nous proposons pour les raisons que j'ai expliquées. On sait que tout n'est pas question d'investissement en santé et en éducation. Il y a aussi le mode de gestion, la façon dont les systèmes sont gérés.

Le ministre des Finances du Québec a injecté 1,4 milliard de dollars dans la santé dans le dernier budget. Cela ne va pas améliorer grand-chose. Les choses ne vont pas beaucoup mieux qu'elles n'allaient. On l'a fait en partie pour résorber les déficits, mais il y a encore des déficits et ils croissent plus vite qu'on ne le pensait. Donc, il faut faire attention.

Voici un deuxième élément. Nous sommes bien d'accord que la dette est importante et que la croissance économique va faire en sorte que le dénominateur va augmenter, mais il faut aussi travailler sur le numérateur, c'est-à-dire une partie de remboursement. On veut arriver un jour à éteindre la dette, mais il n'est pas exact que la croissance économique à elle seule, ou le dénominateur, va l'éliminer par magie. On ne croit pas à cela.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Taillon. Quatre autres de mes collègues aimeraient poser des questions.

Monsieur Brison.

[Traduction]

M. Scott Brison: Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins pour leurs exposés.

Ma première question s'adresse à M. Laviolette. Diriez-vous que nous ne sommes pas touchés par la conjoncture mondiale, c'est-à-dire la situation financière ou les stratégies fiscales d'autres pays? Estimez-vous que ces facteurs-là ne sont pas pertinents et qu'ils ne devraient donc pas influencer nos choix?

[Français]

M. Peter Bakvis: Nous ne prétendons pas cela du tout. On entend beaucoup d'arguments comparant la situation du Canada à celle des États-Unis. Si on compare les deux situations, il faut comparer des choses équivalentes. Comparer la fonction qu'assume l'État canadien et celle qu'assume le gouvernement des États-Unis, c'est comparer une Lada à une Cadillac. Ce sont deux voitures différentes dont les prix sont fort différents. Ici, nous finançons la santé et une bonne partie de l'éducation. Ici, au Québec, dans les universités, on a des frais de scolarité qui sont beaucoup plus bas que ce qui peut exister partout aux États-Unis. On finance cela par les impôts. Donc, il faut voir ce qu'on a en retour.

On a présenté récemment un long mémoire au gouvernement provincial. On prétend que les Québécois sont beaucoup plus taxés que les habitants des autres provinces, mais lorsqu'on compare le Québec aux autres pays de l'OCDE, on constate qu'on est quelque part vers le milieu. Le Canada dans son ensemble est sous la moyenne.

• 1600

On ne prétend pas du tout qu'il faut faire abstraction de ce qui existe ailleurs.

[Traduction]

M. Scott Brison: Donc, vous êtes d'accord pour dire qu'il faut se comparer aux autres pays—par exemple, les pays membres de l'OCDE.

À mon avis, il faut reconnaître que nous avons le deuxième taux d'imposition des sociétés le plus élevé par rapport aux autres pays de l'OCDE. L'année dernière, nous étions en troisième place, mais l'Allemagne, qui est un pays socio-démocrate, a décidé de réduire les impôts payés par les sociétés.

Il me semble donc important d'examiner la position d'autres gouvernements socio-démocrates, entre autres celle du Parti travailliste en Grande-Bretagne, qui essaie de ne pas augmenter les dépenses de l'État et semble être résolu à gérer sa dette prudemment et à réduire les impôts.

Vous semblez croire qu'une économie publique ou que le secteur public représente un meilleur moteur de croissance économique que le secteur privé. Et si on va jusqu'au bout de cette hypothèse, logiquement, on pourrait en conclure qu'il serait préférable de ne pas avoir de secteur privé et d'avoir une économie entièrement axée sur le secteur public, de sorte qu'il n'y ait plus toutes ces horribles entreprises à but lucratif?

[Français]

M. Peter Bakvis: Non, mais vous nous prêtez des intentions. Où, dans le mémoire, disons-nous qu'il faut remplacer l'ensemble du secteur privé par le secteur public? Je m'excuse, mais qu'on nous parle de choses sérieuses et nous allons répondre.

Sur la question du fardeau fiscal des corporations...

[Traduction]

M. Scott Brison: J'étais tout à fait sérieux.

[Français]

M. Peter Bakvis: Oui? Où dans le mémoire dit-on qu'il faut remplacer l'ensemble du secteur privé par le secteur public? Pouvez-vous me l'indiquer?

[Traduction]

M. Scott Brison: Non, mais le fait est que, par rapport au reste du monde, et dans le contexte d'un environnement concurrentiel mondialisé, si on maintient un fardeau fiscal plus élevé au Canada qu'ailleurs, il ne peut pas y avoir d'autre résultat que celui que j'ai décrit. Les capitaux et les gens sont extrêmement mobiles de nos jours, et les gouvernements à présent sont bien obligés de mener leurs activités en tenant compte de contraintes et de facteurs mondiaux. À mon avis, c'est un petit peu rétrograde que de ne pas reconnaître la réalité de la discipline de marché, surtout si nous acceptons la notion selon laquelle nous avons une économie de marché dont nous pouvons profiter.

[Français]

M. Peter Bakvis: Non, mais je peux vous donner un élément de réponse. Comme je l'ai dit tout à l'heure, oui, il faut se comparer au reste de l'OCDE.

Selon la logique du député, il faudrait peut-être, au Canada, doubler nos taxes sur la masse salariale, les payroll social security taxes, parce qu'elles sont plus basses au Canada que partout ailleurs dans les pays de l'OCDE. Il faut être un peu rigoureux lorsqu'on compare le fardeau fiscal des différents pays. Examinons tout, non seulement les impôts des sociétés, mais aussi ce que je viens de citer ainsi que d'autres éléments. Les taxes à la consommation sont également plus basses au Canada que dans la plupart des pays de l'OCDE.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Dernière question.

[Traduction]

M. Scott Brison: Saviez-vous que les gouvernements américains consacrent une somme beaucoup plus importante par habitant aux soins de santé que les gouvernements canadiens?

[Français]

M. Peter Bakvis: C'est parce que cela est fait dans le secteur privé justement.

[Traduction]

M. Scott Brison: Non. Personne autour de cette table n'est en faveur du système américain de soins de santé—je sais que moi je ne suis certainement pas en faveur. Et je reconnais que le secteur public a un rôle à jouer dans ce domaine; par contre, ce n'est pas vraiment très juste de comparer le système de soins canadien à celui des États-Unis quand on cherche des arguments qui militeraient contre une réduction des impôts. Le fait est que le système américain de soins de santé est inefficace, et la prime de 15 p. 100 est nécessaire en raison des problèmes que pose leur régime. Donc, cela ne me semble pas très juste de faire valoir cet argument-là pour dénoncer une stratégie de réduction des impôts.

• 1605

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Très brièvement, s'il vous plaît.

M. Marc Laviolette: Je ne sais pas si les députés lisent les journaux de temps à autre, mais le problème de notre système de santé, c'est qu'on l'a désinvesti. Cela nous amène à nous demander, par exemple, si on va mettre des pacemakers à des personnes plus âgées. Cela nous amène à ce que ceux qui sont en bonne santé décident si ceux qui ne le sont pas sont finis ou non. Je pense que ce ne sont pas ces choix de société qu'on a faits au Canada.

Pour atteindre le déficit zéro, on fait des compressions dans notre filet de sécurité sociale et il faut le restaurer, d'abord et principalement. Secondairement, il faut diminuer les impôts. Quand le filet de sécurité sociale sera restauré et qu'on lui aura assuré une pérennité, à ce moment-là, on pourra continuer à diminuer les impôts. Mais quand près de la moitié des contribuables gagnent 20 000 $ ou moins, on a certains problèmes, entre autres celui de savoir ce qu'on fait de ces gens-là. Il faut qu'ils travaillent, qu'ils aient accès à des emplois de qualité, etc.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Laviolette.

Monsieur Gallaway, s'il vous plaît.

M. Roger Gallaway: J'ai une question pour M. Vaillancourt.

[Note de la rédaction: Inaudible] ...la loi américaine 221, parce qu'aux États-Unis M. Clinton, je pense, a voulu le libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. Comme vous l'avez dit, il va dépenser plus de 200 milliards de dollars pendant les dix prochaines années pour l'infrastructure routière. Au Canada, notre réponse a été rien du tout.

Quand on étudie les chiffres concernant le libre-échange, on voit que la plupart des exportations de notre pays—je pense qu'à peu près 80 p. 100 de nos exportations vont aux États-Unis—passent à trois points à la frontière ontarienne, ce qui est intéressant. Mais 35 p. 100 des exportations du Québec passent par l'Ontario pour aller vers les États-Unis.

Ma question est très simple. Votre association pourrait-elle appuyer un programme d'infrastructures routières, sachant que la plupart de l'argent sera dépensé pour les autoroutes en Ontario, même si la question n'en est pas une d'autoroutes mais d'échanges et de commerce entre les deux pays, et sachant que la plus grande partie de l'argent sera dépensée dans les deux provinces, l'Ontario et le Québec?

M. Gilles Vaillancourt: Notre coalition demande un programme national d'infrastructures. Donc, elle est favorable à ce que chacune des provinces, de l'Atlantique au Pacifique, puisse y trouver la satisfaction de ses besoins.

Récemment, les membres du conseil d'administration de la Fédération canadienne des municipalités se réunissaient à l'Île-du-Prince-Édouard, dont le réseau routier est en très piteux état. Pour eux, l'infrastructure fondamentale demeure encore l'infrastructure routière.

Alors, peu importe où on se trouve au Canada, les besoins de renouvellement des infrastructures sont très grands.

Si on considère la position du Canada en termes de qualité de vie—et les municipalités sont véritablement au coeur des valeurs essentielles à la qualité de vie—, on pourrait songer à attirer des chercheurs intéressés à améliorer la performance de nos hôpitaux, de nos universités et de nos centres de recherche par toutes sortes de programmes. Mais si l'eau qui coule dans les conduites n'est pas potable, si on ne traite pas les égouts, si on ne respecte pas l'environnement, si les routes ne fonctionnent pas, si les rues ne sont pas sécuritaires et bien éclairées, rien des résultats obtenus ne pourra se matérialiser parce qu'on ne pourra même pas transporter la personne malade vers le centre universitaire de santé. En ce sens, sur le plan fiscal, nous avons un retard de compétitivité à reprendre vis-à-vis des Américains.

• 1610

J'entendais plusieurs personnes qui disaient qu'il faut investir chez nos jeunes. Dans ma propre famille, des jeunes ont fait un choix de grande mobilité, celui d'aller gagner leur vie dans d'autres provinces ou même aux États-Unis parce que les occasions y étaient meilleures. Donc, le Canada est soumis à une concurrence très forte.

Le gouvernement américain et les gouvernements des États n'investissaient pas dans l'infrastructure urbaine, qui se dégradait rapidement. Mais depuis cinq ans, le gouvernement fédéral et les États américains investissent énormément.

Prenez tout simplement l'exemple de Boston. À Boston, le gouvernement fédéral et l'État du Massachusetts ont mis 10,5 milliards de dollars américains—ce sont de vrais dollars—pour redonner une qualité extraordinaire aux infrastructures de Boston et redonner à cette ville une qualité de vie exceptionnelle.

Si, de notre côté, nous continuons à négliger d'investir dans nos infrastructures, nous allons perdre sur un autre plan de la compétitivité, et je ne sais pas ce qui arrivera à ce moment-là. Nous allons carrément perdre notre population, qui pensera qu'on a ici une stratégie de fermeture de l'entreprise, alors qu'on a ailleurs une stratégie de développement et de maintien de l'entreprise.

M. Roger Gallaway: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Gallaway, avez-vous d'autres questions?

M. Roger Gallaway: Non.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je dois céder la présidence à quelqu'un d'autre parce que j'ai un avion à prendre à 16 h 45. Je demanderai donc à M. Szabo de poser ses questions et à M. Cullen de maintenir un peu d'ordre, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Bon vol. Merci, monsieur le président.

Monsieur Chabot, votre exposé m'a beaucoup intéressé. Comme j'étais membre du Comité de la santé au cours de la dernière législature et que je le suis encore maintenant, j'ai déjà pris connaissance d'une bonne partie de cette information.

Le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies est financé principalement par les deniers publics. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais pensez-vous que cela peut être problématique pour le Centre de traiter de questions aussi délicates que l'alcoolisme et la toxicomanie dans un contexte où les politiques gouvernementales ne cadrent peut-être pas avec la philosophie des personnes qui travaillent pour vous?

[Français]

M. Luc Chabot: Bien sûr, ce sont des questions qui pourraient être interprétées dans un sens très large. Aujourd'hui, on est dans une société qui réagit aux problèmes de toxicomanie du mieux qu'elle le peut avec les budgets qu'elle a.

Dans l'état actuel de la situation, ce qui alarme un peu les spécialistes, c'est qu'on baisse lentement les bras devant la situation. On voit tout l'effort qui est consacré à la situation, et l'existence de gens qui portent aux nues la légalisation de la marijuana, entre autres. Je ne dirais pas que le Centre canadien ne prend pas position quant aux politiques sur les drogues, mais beaucoup de gens ont tendance à dire que que le harm reduction a été un échec aux États-Unis. Donc, on réagit à une situation.

Malheureusement, les experts que je représente tendent plus à croire qu'il faudrait réinvestir pour trouver des solutions différenciées et ne pas croire que le problème des substances est un problème léger. C'est un problème important.

[Traduction]

M. Paul Szabo: Je comprends, et le concept de la réduction des méfaits liés à la drogue est une idée que j'ai personnellement du mal à accepter, en ce sens qu'on admets en quelque sorte qu'on n'y peut rien, et qu'il faut donc se contenter d'atténuer les conséquences négatives de la situation.

M. Luc Chabot: Oui.

M. Paul Szabo: Pour finir je voudrais vous demander si le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies a une opinion sur l'efficacité ou l'opportunité d'une dépense qui serait engagée par le fédéral en collaboration avec les fabricants d'alcool en vue de favoriser la consommation raisonnable de ces produits.

[Français]

M. Luc Chabot: Il est évident que le Centre canadien serait en faveur de toute stratégie qui permettrait l'amélioration de notre société. Donc, si le gouvernement canadien finance un message préventif émis par les sociétés des alcools, il n'y aura absolument rien là-dedans qui ira à l'encontre de la réflexion actuellement menée par le groupe d'experts du Centre canadien.

• 1615

Il faut aussi se rendre compte que le Centre canadien n'est pas nécessairement là pour prendre position, mais davantage pour tenter de financer de meilleurs projets au Canada en regard des problèmes qui existent.

C'est sûr que nous sommes dans une situation évolutive. On change de problématique au fur et à mesure qu'on évolue dans le temps. Je ne pense pas que le Centre canadien, au nom duquel je parle aujourd'hui, s'opposerait à une stratégie canadienne dans ce sens.

[Traduction]

M. Paul Szabo: Vous m'avez faite une réponse toute diplomate, et je suppose que vous n'êtes pas vraiment en mesure de me dire autre chose. Malheureusement, ma position sur la question, c'est qu'il ne faut pas mettre le renard dans le poulailler. L'objectif de l'industrie de fabrication des boissons alcoolisées est de faire de l'argent pour ses actionnaires. L'objectif de Santé Canada est tout à fait autre. Je trouve donc tout à fait ridicule qu'on essaie de se convaincre que ces deux acteurs peuvent vraiment collaborer en vue de réaliser un objectif commun.

Pour vous dire la vérité, je pense qu'il est grand temps que nous cessions de lier nos programmes à ceux des industries et des entreprises et que nous élaborions nous-mêmes une stratégie pour enrayer ce problème, mais sans nécessairement nous réfugier dans l'excès d'une approche de réduction des méfaits liés à la drogue. Nous avons besoin d'une stratégie qui bénéficiera de l'appui des experts, c'est-à-dire d'organismes comme le vôtre, pour rejoindre ces enfants-là.

Personnellement, je ne suis pas convaincu qu'en faisant des publicités représentant un joueur de base-ball de l'équipe des Blue Jays ou des Expos avec une bouteille de bière Labatt ou Molson à la main qui déclare, en s'appuyant sur une belle petite voiture sport, «Si vous buvez, ne prenez pas le volant» on communique vraiment le bon message. Les enfants n'entendent pas la partie du message où on leur dit qu'il ne faut pas prendre le volant après avoir bu. Ce qu'ils voient, c'est que les joueurs de base-ball aiment boire les Labatt Bleu ou les Molson Ex. Donc, les messages sont forcément un peu contradictoire, et malgré tout, nous y consacrons des crédits.

Si j'en parle, c'est parce que vous êtes, à mon avis, dans une situation délicate, et je dirais même, dans un conflit de principes—pas un conflit d'intérêts, mais peut-être un conflit de principe—parce qu'il se trouve que c'est le gouvernement fédéral qui vous finance, et sa vision des choses peut ne pas être tout à fait compatible avec la vôtre, qui se fonde sur l'expertise que vous avez su acquérir au fil des ans.

Je pense qu'il serait bon que vous discutiez avec le ministre de la Santé des solutions à envisager pour éviter que les deniers publics alimentent ce genre de programmes, surtout qu'un programme qui coûte la moitié moins pourrait bien être deux fois plus efficace.

Je vous remercie pour vos commentaires.

[Français]

M. Luc Chabot: Je terminerai rapidement en vous disant que je suis sensibilisé aux mêmes questions que vous. Avant de diriger des programmes d'étude en toxicomanie à l'Université de Montréal, j'ai été directeur général de centres de traitement pour adolescents. J'ai constaté la réalité de la situation des jeunes et des doubles messages souvent très paradoxaux que leur envoie notre société.

Il faut aussi comprendre qu'envers les sociétés d'alcool et les sociétés de tabac, il ne faut pas prendre les mêmes positions. Les gens qui consomment de l'alcool et qui n'ont pas de problème sont plus nombreux que les gens qui en ont. Par contre, il faut trouver un dosage dans le message préventif. Je suis content d'entendre vos préoccupations. Je peux juste vous dire que je les partage à un autre palier que celui que je représente actuellement.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci beaucoup. Je voulais poser une petite question à M. Vaillancourt, mais étant donné l'heure, je le ferai peut-être après la réunion.

Pour le moment, je voudrais remercier tous les témoins ici présents pour leurs excellentes présentations et pour leurs idées importantes. Je vous assure que vos idées seront prises en considération lorsque nous rédigerons notre rapport. Merci beaucoup d'être venus ici aujourd'hui.

La séance est levée.