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SRID Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON HUMAN RIGHTS AND INTERNATIONAL DEVELOPMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 6 juin 2001

• 1542

[Traduction]

La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): La séance est ouverte. C'est la septième réunion du Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Je dois dire d'abord que, étant donné que nous approchons de la fin des travaux de la Chambre des communes pour cette session, il y a beaucoup d'activité à la Chambre et il nous faudra peut-être partir rapidement pour aller voter. Nous n'en savons rien. Je suis désolée si les choses sont un peu incertaines.

Je voudrais aussi mentionner que j'ai passé la semaine dernière en Colombie. À mon avis, ce n'est pas un pays à visiter en ce moment, à moins d'avoir des raisons précises. C'est assez effrayant et dangereux. Pour vous donner une petite idée du niveau de danger, je peux vous dire que la Croix-Rouge a créé une affiche là-bas—on voit des taches blanches sur chaque personne sur l'affiche où il est écrit—certains parlent peut-être espagnol—ne prenez pas les nôtres pour cibles, respectez les règles de la guerre.

Alors, si certains ont des doutes concernant la situation en Colombie, lorsque la Croix-Rouge dit qu'il existe déjà un état de guerre... On voit cette affiche sur la place publique, dans les aéroports, etc., et elle vise à convaincre les guérilleros, les paramilitaires, tous ceux qui tirent sur les gens ou qui les attaquent avec des haches, de se rappeler que bien des gens ne sont pas responsables de la situation et de bien vouloir protéger la population. J'ai vu l'affiche dans un aéroport et on m'a permis d'en rapporter une ou deux.

J'ai ici un article, qui est malheureusement en anglais seulement. Tiré du Ottawa Citizen il parle du militant pour les droits de la personne qui devait prononcer une conférence au Canada, mais qui a disparu, en Colombie. Nous l'avons rencontré jeudi dernier et avons dîné avec lui. Cela me dérange beaucoup, car, même s'il lutte pour les droits de la personne depuis longtemps, j'ai l'impression que c'est à cause de sa rencontre avec nous... Au dîner, un de ses concitoyens lui a dit «Vous savez, vous ne devriez peut-être pas rentrer chez vous, car vous êtes sur la liste et vous devez être prudent», et il a répondu, «Oui, je sais». Il est rentré après le dîner et des gens l'attendaient au village, armés de fusils. Ils l'ont amené quelque part, et personne ne sait ce qu'il est devenu.

• 1545

La situation là-bas est réelle. J'ai eu la possibilité d'y aller, et je croyais que c'était mon devoir, en tant que présidente, puisqu'il est très difficile de juger à partir d'ici ce qui se passe là-bas. Je sais que le comité envisage peut-être d'y aller, et je pense qu'il y a quelques ministres qui aimeraient qu'on le fasse.

L'ambassadeur va suivre la situation de très près avec nous. Si elle se détériore, je suis d'avis que nous ne devrions pas y aller parce qu'il faudrait avoir des gardes armés partout et on serait très mal à l'aise. Si la situation reste la même, je pense que nous devrions absolument y aller à l'automne pour voir ce qui se passe, mais c'est assez effrayant. Nous allons laisser cela au soin de l'ambassadeur pour le moment, qui nous dira à l'automne quelle est la situation dans ce pays.

Je voulais vous dire cela, puisque j'étais absente la semaine dernière et j'ai apparemment manqué des témoignages intéressants, mais je pensais devoir y aller.

Nous allons commencer tout de suite. Nous accueillons aujourd'hui le Congrès canadien du travail. Sheila Katz est la représentante nationale pour les Amériques. Ken Luckhardt est représentant national, secteur international, des Travailleurs canadiens de l'automobile. Et Normand Comte, Développement et Paix, du Conseil canadien pour la coopération internationale.

Nous allons procéder dans l'ordre mentionné. Si vous voulez bien, il serait bon de nous expliquer un peu pourquoi la situation en Colombie vous préoccupe, quelles sont vos inquiétudes, ou dans quel contexte vous travaillez.

Nous allons commencer par Sheila.

Mme Sheila Katz (représentante nationale pour les Amériques, Congrès canadien du travail): Merci beaucoup.

Pour répondre à vos commentaires, je suis très contente d'apprendre que vous avez passé une semaine en Colombie. J'étais là moi-même la semaine précédente, et j'ai fait la connaissance de Kimy ici au Canada plutôt qu'en Colombie. Je vous recommande fortement d'y aller avec vos collègues du comité. C'est une occasion à ne pas manquer. J'ai hâte de connaître vos réactions quand vous reviendrez de ce voyage.

Je travaille dans le secteur international du Congrès canadien du travail. Je suis responsable des relations et des projets de développement avec des syndicats dans les Amériques. Cela fait 30 ans que je fais ce genre de travail—pas nécessairement avec le Congrès du travail. Il y a exactement 30 ans, j'ai travaillé comme bénévole pour le CUSO dans une petite université industrielle en Colombie, et j'ai donc des liens avec ce pays depuis très longtemps.

Je suis heureuse d'avoir l'occasion aujourd'hui de témoigner devant le sous-comité. Le Congrès canadien du travail a présenté un mémoire, en décembre 1999, à une table ronde sur la Colombie tenue par le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international; nous sommes contents de voir que le comité s'intéresse toujours aux questions très graves et très complexes auxquelles nos frères et soeurs de Colombie font face.

J'ai fourni au comité un exemplaire du mémoire présenté à la table ronde, puisqu'il est important pour donner un contexte à mes commentaires aujourd'hui. La greffière du comité en a un exemplaire, ainsi qu'un énoncé du Congrès canadien du travail sur le plan Colombie, et un rapport du conseil d'administration de l'Organisation internationale du travail. C'est le rapport du représentant spécial du directeur général de la coopération avec la Colombie. J'estime que ces documents sont pertinents aux remarques que je vais faire concernant la situation des syndicalistes et des travailleurs en Colombie, étant donné la crise actuelle.

Je veux bien utiliser mon temps. Mon exposé contient des tableaux avec des statistiques, et ce serait peut-être plus facile pour vous si vous les aviez. J'ai le document seulement en anglais, pas en français. Je ne sais pas si cela vous dérange d'avoir sous les yeux le document en anglais seulement. Est-ce que les membres du comité pourraient me dire ce qu'ils en pensent? Vous n'avez pas le document dont je parle; je l'ai ici. C'est mon exposé ici, qui contient quelques tableaux, quelques graphiques et des statistiques. Aimeriez-vous en recevoir une copie en anglais seulement?

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Habituellement, je n'accepte pas une telle chose, mais comme il s'agit d'une cause humanitaire, je vais faire une exception. Mais j'imagine que le Congrès du travail du Canada est capable de...

Mme Sheila Katz: Oui, mais c'est une question de manque de temps.

M. Antoine Dubé: D'accord.

Mme Sheila Katz: Merci.

M. Antoine Dubé: Pour la Colombie, on veut bien.

• 1550

[Traduction]

Mme Sheila Katz: Commençons par quelques faits. En Colombie, des relations industrielles normales signifient l'organisation de syndicats, la négociation avec la direction, des grèves, si nécessaire, l'exercice des droits des travailleurs, et les pratiques de relations du travail que les Canadiens ont tendance à tenir pour acquis. Les relations industrielles ne sont pas illégales en Colombie, comme c'était le cas sous la dictature militaire du général Pinochet au Chili, par exemple, et dans d'autres dictatures militaires de l'Amérique latine au cours des années 60 et 70. Ce n'est pas illégal—je voudrais que cela soit très clair—mais c'est certainement dangereux.

Il est dangereux d'être syndicaliste en Colombie. C'est une occupation à haut risque, selon la CISL, une centrale syndicale internationale. Il s'avère que la Colombie est le pays le plus dangereux au monde pour les syndicalistes. De tous les assassinats, meurtres ou attaques visant des syndicalistes, 90 p. 100 ont lieu en Colombie. Ce n'est pas un record dont un pays puisse être très fier.

Si vous me permettez, je vais vous décrire les incidents qui se sont produits au cours d'une période de deux semaines cette année, c'est-à-dire les deux premières semaines de mai, en commençant par le 1er mai. À la suite d'une mobilisation, d'un défilé pour commémorer la Journée internationale des travailleurs, un certain nombre de dirigeants syndicaux ont été détenus et battus par la police. Il y avait, entre autres, le président du Syndicat de l'Université de del Valle, le président du Syndicat des travailleurs de Bugalgrande, et le directeur du Service des droits de la personne de la Centrale unitaire des travailleurs, la centrale syndicale la plus forte et la plus importante en Colombie.

Le 2 mai, Dario de Jesus Silva, enseignant comptant 22 années d'expérience, a été assassiné dans sa province natale d'Antioquia. Le 9 mai, Juan Carlos Castro Zapata, autre enseignant comptant cinq années d'expérience, a été assassiné également dans la province d'Antioquia. Le 10 mai, Eugenio Sanchez Diaz, président du Syndicat national des travailleurs des services d'aqueduc et de drainage et des travaux publics a été abattu d'une balle par des membres des forces paramilitaires de la province de César. Le 14 mai, Julio Alberto Otero, membre de l'Association professionnelle des chargés de cours universitaires et vice-chancelier de l'Université technologique Magdelena a été assassiné pendant qu'il faisait une promenade avec sa femme. Le 21 mai, Carlos Eliecer Prado, membre du Syndicat des travailleurs municipaux de Cali, a été abattu de 11 balles à son arrivée au travail. Tous ces meurtres sont survenus pendant une période de deux semaines au mois de mai—un mois pendant lequel beaucoup de sang a coulé en Colombie.

L'armée a ciblé ces personnes simplement parce qu'elles s'étaient jointes à des syndicats, avaient constitué des syndicats, étaient des dirigeants syndicaux ou étaient simplement membres de syndicats. En Colombie, cela suffit à faire de vous une cible de l'armée. Autrement dit, ces personnes exerçaient simplement leurs droits à la liberté d'association et à la négociation collective, droits qui sont internationalement reconnus.

Je ne vous ferai pas tout un discours sur les droits de la personne à l'échelle internationale parce que je suis sûre que le comité est très bien renseigné sur le sujet.

En Colombie, de 1991 à 2000, 1 557 syndicalistes, dont de simples membres et des dirigeants syndicaux, ont été tués. Vous trouverez à la page 3 de mes notes, qui vous ont été remises en anglais, une analyse statistique du nombre d'assassinats ayant eu lieu chaque année et par catégorie de travailleurs. Si vous jetez un coup d'oeil au tableau à la page 4, vous verrez...

La présidente: Sheila, nous devons avoir entendu nos trois témoins et leur avoir posé des questions d'ici 16 h 15. Comme nous avons votre document, vous pourriez peut-être conclure en deux ou trois minutes.

Mme Sheila Katz: Très bien. Le tableau à la page 4 montre le type de violations des droits de la personne commises à l'endroit des syndicalistes ainsi que de divers groupes populaires en Colombie. Ces violations comprennent l'homicide, les menaces de mort et le déplacement forcé. Dans le mouvement syndical international, nous avons certainement l'impression qu'on cherche à faire disparaître ce mouvement en Colombie.

À qui doit-on imputer ces violations des droits de la personne? À la page 4, un tableau fournit des statistiques sur les coupables de ces actes violents commis à l'endroit des syndicalistes. Vous verrez que plus de la moitié des attaques sont le fait de groupes paramilitaires et de groupe d'autodéfense, 14 p. 100 sont dues à l'une des deux factions de la guérilla, 6 p. 100 aux forces armées et le reste, à des personnes inconnues.

• 1555

Dans certains cas, sous la pression de la collectivité internationale, le gouvernement a offert de protéger les syndicalistes, mais bien souvent, cette protection se limite à fournir aux syndicalistes un téléphone cellulaire. En fait, la protection accordée aux syndicalistes est tout à fait inadéquate et le nombre de violations des droits de la personne dont ils font l'objet continue de croître.

J'aimerais vous parler d'un cas particulier, celui d'un dirigeant syndical bien connu de haut niveau, un certain Wilson Borja Diaz. Il était président de la Fédération nationale des travailleurs des services d'État. Il a aussi été membre de la Commission cherchant à établir la paix entre le gouvernement et l'Armée de libération nationale. Bien que des membres appartenant aux forces paramilitaires aient reconnu s'être attaqués à Wilson Borja, le capitaine de la police, Carlos Freddy Gomez, a été arrêté à Bogota le 7 février et accusé d'avoir participé au meurtre, de même que trois autres policiers et dix officiers de l'armée. Le 7 avril, le juge faisant enquête dans cette affaire a établi que des militaires appartenant à la Brigade de la troisième armée à Cali étaient aussi liés à ce meurtre.

J'attire votre attention sur ce cas précis parce que des membres du gouvernement colombien et des diplomates colombiens ont répété à de nombreuses reprises qu'il n'y avait aucun lien entre les forces armées et les groupes paramilitaires. On a retrouvé la liste entière des membres du Bureau de la centrale des travailleurs unis sur les listes noires des prétendus comités d'autodéfense ou des groupes paramilitaires. Je pense que d'autres témoins ont déjà dénoncé devant le comité l'impunité dont jouissent les coupables de ces atrocités et les problèmes que cela pose aux organismes de la société civile et aux mouvements sociaux comme les syndicats, étant donné que conformément au dernier rapport d'Amnistie internationale, il faut imputer ces violations répandues et systématiques des droits de la personne aux forces paramilitaires de Colombie.

Examinons maintenant la réponse du mouvement syndical en général. Le mouvement syndical est fondamentalement déterminé à parvenir à une solution politique et négociée au conflit armé qui perdure dans ce pays. Il continue néanmoins de faire valoir que la paix véritable est bien plus que l'absence de guerre et que les questions relatives à la justice sociale doivent faire partie des négociations. Il est inacceptable que le gouvernement s'assoie à la table avec les insurgés armés alors qu'il livre une guerre économique et sociale aux travailleurs et travailleuses et au grand public au moyen de politiques qui portent gravement atteinte aux droits sociaux et économiques. La paix, sans la justice sociale, sans la participation du mouvement syndical et d'autres secteurs de la société civile, ne pourra constituer une solution aux causes fondamentales du conflit en Colombie.

Le gouvernement colombien a prétendu à plusieurs reprises que les actes de violence à l'égard de syndicalistes ne sont qu'une autre expression du conflit armé et des diverses formes de criminalité dans le pays. Nous disons que c'est plus que cela. Le même point de vue est constamment exprimé par l'ambassade de Colombie à Ottawa, et c'est un point de vue qui a été rejeté d'emblée par les participants à la tournée des luttes invisibles qui ont visité l'ambassade en mars. Le groupe qui a fait cette tournée incluait un partenaire du CTC, soit de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT).

Le Congrès du travail du Canada est profondément bouleversé par ces déclarations qui semblent traduire une mauvaise foi de la part du gouvernement à résoudre cette situation d'une part, tandis que d'autre part, il envoie un message tacite que la violence contre les syndicats, contre les dirigeants syndicaux et d'autres secteurs populaires non armés est acceptable. C'est inadmissible. On doit mettre fin à la violence, au sang qui coule, aux meurtres.

• 1600

Dans le mémoire se trouve une série de recommandations que le Congrès du travail du Canada a présentées à plusieurs reprises au gouvernement canadien. Les recommandations qui ont été faites il y a 18 mois sont toujours valables aujourd'hui car le gouvernement colombien et le gouvernement canadien ont fait très peu de progrès pour lutter contre la violence. Nous savons que c'est une question complexe, que c'est un problème complexe, mais il faut faire plus de progrès.

La présidente: Merci beaucoup. Je pense que nous devons nous arrêter. Vos recommandations sont ici, n'est-ce pas?

Mme Sheila Katz: Oui.

La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Comte, vous avez 10 minutes.

M. Normand Comte (Développement et Paix, Conseil canadien pour la coopération internationale): Tout d'abord, je voudrais vous remercier de me permettre d'être présent ici, aujourd'hui, au Sous-comité des droits de la personne et du développement international.

C'est à titre de membre du Conseil canadien pour la coopération internationale et du Groupe de travail sur les Amériques que Développement et Paix est ici aujourd'hui. Personnellement, je travaille au bureau de Développement et Paix, qui est dans la région de la capitale. Le bureau est à Hull.

Développement et Paix est une organisation qui existe depuis déjà plus de 30 ans. C'est une des grandes agences de développement international. On travaille beaucoup à la promotion du développement communautaire, de la défense des droits humains, de la question de l'éducation populaire et beaucoup aussi à la question des secours d'urgence.

Développement et Paix maintient aussi, depuis déjà plus de 30 ans, des liens assez étroits avec des institutions et des organisations sociales de la Colombie. Une des organisations avec lesquelles on travaille et qu'on soutient est le CINEP, le Centro de Investigación y Educación Popular, qui travaille surtout à l'éducation et à l'investigation des questions de droits humains. Pour nous, c'est un lieu de référence où nous allons chercher notre information sur la situation en Colombie.

Le programme actuel de Développement et Paix en Colombie est surtout centré sur l'appui au processus de démocratisation et le renforcement des organisations sociales pour qu'elles soient maîtres de leur propre développement. Développement et Paix entretient des liens privilégiés avec des organisations autochtones de la Colombie. Parmi elles, il y a l'ONIC, l'Organisation nationale indigène de la Colombie; l'OIA, qui est l'Organisation indigène d'Antioquia; et les Calbidos Embera des rivières Verte et du Haut Sinú.

En novembre dernier, un représentant de Développement et Paix, M. Jacques Bertrand, a visité l'organisation des Embera Katio à son bureau régional de Tierralta. L'objectif était de renforcer la programmation de Développement et Paix avec des organisations autochtones de la Colombie. On voulait aller un peu plus en profondeur dans notre travail de soutien à ces organisations.

J'ai remis aux participants le court texte de ma présentation, mais il y a aussi un résumé de notre projet des Embera Katio. Malheureusement, c'est seulement en français. On se trouve dans l'autre situation maintenant, faute de temps pour la traduction. Mais on peut se procurer ces choses en anglais.

[Traduction]

La présidente: Et bien, je ne sais pas.

[Français]

M. Normand Comte: Si les gens sont intéressés à les recevoir, on les a au bureau à Montréal.

La présidente: Merci beaucoup.

M. Normand Comte: J'aimerais vous parler un peu plus du projet des Embera Katio, car c'est un projet qu'on soutient de façon un peu plus continue depuis 1998. Comme vous le savez, les Embera Katio habitent les jungles humides de l'ouest colombien. C'est une zone reconnue comme étant l'un des meilleurs coins, sinon le meilleur coin de l'Amérique, à cause de sa situation géographique stratégique. Il y a là d'énormes richesses environnementales, et ces territoires, depuis plusieurs années, souffrent de plus en plus de pressions intenses venant d'entreprises internationales, mais aussi de pressions internes de la part de colons qui veulent s'approvisionner ou, autrement dit, prendre possession des richesses de ces territoires.

Il y a eu beaucoup de massacres écologiques. Entre autres, dans les années 1950, plus de 70 000 hectares de forêt ont été abattus en prévision de la construction d'un barrage. On parlait déjà à ce moment-là d'un barrage hydroélectrique.

Dans les années 1980, cela s'est concrétisé. On a commencé à faire les premières études en vue de ce barrage. Le barrage a été terminé dans les années 1990, et on a alors remarqué une détérioration assez importante des conditions de vie des Embera Katio qui vivaient dans cette communauté.

• 1605

Auparavant, ils pouvaient voyager en canot sur la rivière pour subvenir à leurs besoins de base. Depuis la construction du barrage, cela n'est plus possible. L'endroit où ils ont cultivé les biens de consommation de leur communauté pendant des dizaines et même des centaines d'années est sur le point d'être inondé. On parle ici de cultures de base essentielles aux gens de Colombie, que ce soit le yucca ou le maïs.

La pêche a aussi diminué. Les eaux stagnantes qu'on trouve maintenant dans la partie de la rivière où ils habitaient a entraîné la venue de plusieurs moustiques, qui ont provoqué le début de maladies comme la malaria et beaucoup de problèmes de santé chez les enfants.

Les Embera Katio se sont fortement mobilisés pour faire face à cette situation. Premièrement, ils ont exigé de l'État une récupération de 7 000 hectares de terres. Ils ont aussi freiné la coupe de bois illégale sur leur territoire. Ils sont allés jusqu'à occuper la mairie de Tierralta et à présenter une action en tutelle contre l'entreprise Urrá et la mairie de Tierralta pour les dommages qui avaient été causés à leur territoire et qui nuisaient directement à leur capacité de subvenir aux besoins de base de leur communauté.

À partir de là, Développement et Paix a intensifié son appui pour les années 2000, 2001 et 2002 pour soutenir cette action en tutelle et faire respecter ce que la Cour constitutionnelle avait décidé en termes de redonner du terrain aux Embera Katio et de les dédommager financièrement. Beaucoup des promesses qui ont été faites ne sont pas encore réalisées.

On a aussi travaillé très fort afin que les gens puissent faire une effort spécial pour se réunifier en tant que peuple. Les agents extérieurs ont cherché à créer de la division chez les Embera Katio pour qu'ils ne puissent pas se mobiliser face à cette réalité.

Évidemment, on veut aussi aider les Embera Katio à évaluer l'impact du projet sur l'environnement. Nous étions d'autant plus sensibles à cela qu'au début de ce projet de construction du barrage de la compagnie Urrá, une entreprise canadienne a un peu participé à l'évaluation et à la mise sur pied de ce projet avant de savoir quel impact il aurait, etc. Cette entreprise n'avait à aucun moment fait mention des impacts négatifs terribles que cela allait avoir sur l'environnement.

Depuis ce temps, plusieurs Embera Katio ont été victimes d'enlèvements et d'assassinats. Plusieurs sont carrément disparus. On peut mentionner quelques dirigeants importants pour la communauté qui ont été assassinés. On parle du leader spirituel Alonsito Jarupia. Il y a aussi le leader Lucindo Domicó et, plus récemment, on parle de Kimy Domico Pernia qui est disparu depuis samedi.

J'aimerais porter à votre attention le fait qu'on a remis à Steve Sampson, l'adjoint de Mme Beth Phinney, une vidéo qui dure environ neuf minutes, qu'on n'aura pas la chance de voir aujourd'hui, mais qui montre Kimy qui est en train de parler de la situation que sa communauté vit et de l'implication directe du gouvernement colombien dans la situation qu'elle vit actuellement. Si vous voulez en prendre connaissance par la suite, Steve fera le nécessaire.

La présidente: Merci.

M. Normand Comte: Ce n'est pas terminé.

La présidente: Non, non. J'ai dit merci pour la vidéo.

M. Normand Comte: D'accord, parfait.

En avril dernier, Développement et Paix a rencontré personnellement Kimy Domico Pernia à Québec, lors de son intervention au Forum des droits humains, au Sommet des peuples des Amériques. Développement et Paix était à ce moment-là une des organisations qui appuyaient la réalisation du Sommet des peuples des Amériques. Pour lui, la venue de Kimy était très importante pour informer la population canadienne et continentale de la situation que la communauté des Embera Katio vivait. Ce fut un autre moment assez important pour enrichir les liens de solidarité avec ce peuple qui lutte depuis longtemps pour le respect de ses droits territoriaux et ancestraux.

• 1610

Comme on le sait tous et comme cela a été mentionné, le samedi 2 juin 2001, Kimy Domico Pernia, un important leader de la communauté Embera Katio, a été enlevé par trois hommes armés. Nous savons qu'avant d'être enlevé, Kimy Domico Pernia a participé, dans la ville de Medellin, à une rencontre avec l'ambassadeur du Canada, des autochtones représentant l'Assemblée des Premières Nations du Canada et des représentants de l'institution canadienne Droits et Démocratie.

En ce sens, c'est peut-être une première attente qu'on a ici aujourd'hui. On sait que lundi, une pétition a été lancée par ICCHRLA, le comité inter-églises. Actuellement, plus de 50 députés ont signé la pétition pour l'envoyer au président Pastrana. C'est un premier geste très concret pour nous, parce que quand des députés signent de telles pétitions, cela a beaucoup d'influence pour exercer des pressions dans des situations d'injustice, surtout en termes de droits humains, qui se vivent dans d'autres pays. Pour nous, c'est un pas très positif, et on s'attend à ce que l'action puisse se multiplier parce qu'il n'y a pas seulement 50 députés ici, à Ottawa; il y en a beaucoup plus. Alors, on s'attend à ce que ce geste concret puisse se multiplier.

Également, Développement et Paix est hautement intéressé à connaître la teneur de la prochaine résolution qui sera émise par le Parlement canadien pour répondre à la détérioration de la situation des droits humains en Colombie, et plus particulièrement, ces jours-ci, la détérioration de la situation des droits humains des communautés Embera.

Développement et Paix souhaite ardemment que cette résolution reprenne la demande présentée antérieurement au gouvernement colombien de procéder au démantèlement définitif des groupes paramilitaires et à la capture et au jugement de ceux qui en font partie, ceux qui les commandent et ceux qui les financent.

J'avais beaucoup plus de choses à apporter cet après-midi, mais malheureusement, beaucoup de documents étaient en espagnol. On m'a dit que ce n'était pas l'endroit. Je voudrais vous remercier de votre attention.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup.

Je voudrais tout simplement signaler que Bill Graham, à titre de président du Comité des affaires étrangères et moi-même, à titre de présidente de ce comité, avons envoyé une lettre au Président. Nous avons cosigné la lettre et nous l'avons envoyée. Le Comité inter-églises insistait pour que nous signions, et nous avons déjà envoyé notre propre lettre. Je voulais tout simplement vous en informer.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): À ce sujet, très brièvement, je me demande—vous en avez peut-être discuté précédemment et je m'excuse de n'avoir pas pu assister au début de la séance—je me demande donc s'il serait approprié que notre comité, le Sous-comité des droits de la personne, décide par consensus de présenter une motion pour exprimer notre profonde préoccupation relativement à la situation de Kimy et pour recommander vivement que toutes les mesures possibles soient prises.

La présidente: Puis-je vous suggérer de le faire à la fin de la séance d'aujourd'hui?

M. Svend Robinson: Certainement.

La présidente: Pouvez-vous rester jusqu'à la fin de la séance aujourd'hui?

M. Svend Robinson: Oui.

La présidente: Car nous avons un autre témoin. Nous aimerions poser des questions. Nous ferons donc cela.

M. Svend Robinson: Bien.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je voudrais signaler que plusieurs autres députés du Bloc et moi avons signé la lettre. Je pense que Svend Robinson l'a aussi signée.

[Traduction]

La présidente: Bien.

[Français]

M. Svend Robinson: Tous les députés du NPD l'ont signée.

[Traduction]

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, AC): Nous avons sans doute le consentement unanime. Selon toute vraisemblance, ce sera adopté. Nous sommes donc d'accord.

Merci beaucoup pour votre exposé et merci d'être venue. Je ne me prétends pas expert sur la Colombie...

La présidente: Pouvons-nous nous limiter à cinq minutes pour les questions? Nous ne pourrons poser que trois questions.

M. Deepak Obhrai: Oui. Je serai bref. Nous devons partir à moins cinq de toute façon, pour ce projet de loi.

La présidente: Oui. Continuez de parler.

M. Deepak Obhrai: Je comprends ce que vous dites. J'ai compris qu'il y avait des problèmes en Colombie, qu'on ne respectait pas les droits de la personne et vous avez très bien documenté ces cas. Il n'y a donc aucun doute à ce sujet.

J'aimerais savoir à qui vous avez présenté vos recommandations. Vous pouvez peut-être me le dire, en quelques mots, car j'aimerais passer à ma question suivante qui est une recommandation. Votre groupe ou tout autre groupe qui s'est rendu en Colombie a-t-il rencontré des obstacles pour obtenir la coopération ou de l'information du gouvernement de la Colombie?

Mme Sheila Katz: Pour obtenir de l'information du gouvernement?

M. Deepak Obhrai: Le gouvernement vous a-t-il aidé? Avez-vous eu du mal à obtenir de l'information ou ce que vous vouliez, le gouvernement de la Colombie a-t-il tenté de vous mettre les bâtons dans les roues, ou est-ce que vous avez eu libre accès?

Mme Sheila Katz: Lorsque nous allons en Colombie, nous traitons habituellement avec le mouvement syndical. Nous n'avons pas fait de demandes spécifiques...

M. Deepak Obhrai: Le gouvernement de la Colombie n'a cependant jamais fait obstacle, ne vous a pas empêchés d'obtenir un visa ou d'entrer dans le pays?

Mme Sheila Katz: Nous n'avons pas besoin de visa pour aller en Colombie.

• 1615

M. Deepak Obhrai: Mais il n'a jamais fait quoi que ce soit à cet égard. Il vous a accordé le libre accès au pays. Il agit comme un gouvernement démocratique. C'est là où je veux en venir.

Mme Sheila Katz: Eh bien, nous ne disons pas que ce n'est pas un pays démocratique.

M. Deepak Obhrai: Bien. J'en arrive maintenant à ma deuxième question. Nous disons donc que le gouvernement de la Colombie est démocratique, élu par la volonté du peuple colombien. Il y a donc dans ce pays un gouvernement démocratique. Il est entendu, d'après ce qu'on nous en dit, que le gouvernement a besoin de beaucoup d'aide pour bien exercer son pouvoir. Sinon il n'y aurait pas de paramilitaires et toutes sortes d'autres organisations qui travaillent là-bas.

Dans votre recommandation, vous dites que le comité et le gouvernement du Canada devraient leur parler des normes du travail—leur imposer nos normes fondamentales du travail de l'OIT. C'est bien. Je suis certain que le gouvernement de la Colombie a fait cela—peut-être pas.

Ma question est la suivante:

    Les groupes de la société civile, y compris le mouvement syndical, devraient avoir plus facilement accès aux programmes canadiens de Fonds de consolidation de la paix afin d'appuyer les efforts pour le renforcement de la société civile, la sensibilisation et l'éducation pour la paix et la saine gestion publique.

Vous parlez ici de travailler avec les ONG, de les aider. Ce que je trouve un peu étrange, et vous me pardonnerez, c'est que vous ne dites pas que le Canada devrait venir aider ceux qui ont été élus dans ce pays, comme le Parlement, les magistrats et toutes ces institutions dont on a besoin pour une saine gestion publique. Il me semble, après avoir lu tout cela, qu'il est nécessaire d'aider la Colombie sur le plan de la gestion publique. Et je ne vois rien à cet effet par écrit dans votre recommandation. Vous voudrez peut-être faire des commentaires à ce sujet.

M. Ken Luckhardt (représentant national, Département international, Travailleurs et travailleuses canadien(nes) de l'automobile): Je vais répondre en partie. Je m'appelle Ken Luckhardt. Je suis au département international des Travailleurs et travailleuses canadien(nes) de l'automobile. Je suis ici à l'invitation de Sheila car notre syndicat s'intéresse très activement à la Colombie. J'y suis allé comme membre d'une délégation syndicale en 1997. Notre syndicat a un certain nombre de projets avec des partenaires syndicaux colombiens et nous travaillons avec le CTC dans le dossier plus général de la violence.

J'aimerais revenir à votre premier point, c'est-à-dire que la Colombie est une démocratie. L'ambassadrice de la Colombie au Canada nous rappelle constamment que la démocratie colombienne est l'une des plus anciennes d'Amérique latine. Les formes et les structures sont certainement en place depuis très longtemps, mais à mon avis, ce qui manque souvent, c'est le fond.

L'une des définitions fondamentales de toute société démocratique, c'est un mouvement syndical libre et indépendant. Si, en fait, les particuliers ne sont pas libres de se joindre à des syndicats, de participer à des syndicats, de participer activement à des négociations collectives ou de faire la grève, et si le fait de participer à tout cela fait souvent en sorte que ces personnes sont assassinées, déplacées, menacées ou obligées de s'exiler temporairement ou pour de longues périodes, alors certainement l'un des piliers fondamentaux d'une société démocratique est absent. Et c'est ce qui nous préoccupe dans le mouvement syndical.

J'ai perdu des amis que j'ai rencontrés il y a quatre ans—et au cours des quatre dernières années—parce qu'ils ont été assassinés et déplacés. Ils ne faisaient que participer à des activités syndicales normales. Donc, je pense que nous devons embellir le concept de la démocratie un peu plus que de dire tout simplement qu'un parti élu est au pouvoir.

Il y a également l'histoire politique. Lorsque certains mouvements de guérilla ont rendu les armes et tenté de participer démocratiquement à l'Union patriotique—un nouveau parti politique au début des années 90—plus de 2 000 de ces personnes ont été assassinées.

M. Deepak Obhrai: Ma question...

M. Ken Luckhardt: J'arrive à votre question.

La présidente: Vous n'avez plus de temps. Pourriez-vous conclure?

M. Ken Luckhardt: Je disais que la nature de la démocratie colombienne en soi est problématique, car en fait on ne permet pas à d'importants secteurs de la société civile de participer.

La présidente: Désolée, Deepak, il ne vous reste plus de temps.

[Français]

Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé: Vous faites plusieurs recommandations et vous dites qu'elles ont déjà été adressées au gouvernement il y a 18 mois, donc il y a un an et demi. Si vous nous les remettez aujourd'hui, c'est sans doute parce que vous constatez que le gouvernement canadien n'y a pas répondu de façon satisfaisante. Est-ce exact?

• 1620

[Traduction]

Mme Sheila Katz: Nous sommes d'avis que des choses se sont produites au cours des 18 derniers mois. Le nouvel élément, qui n'existait pas il y a 18 mois, est l'existence du plan Colombie. Depuis que le plan Colombie a été rendu public, nous faisons valoir qu'il est tout à fait urgent que le gouvernement canadien se prononce publiquement et avec force contre l'aspect militaire—contre tous les aspects—du plan Colombie, car c'est un plan pour la guerre et non pour la paix. Nous aimerions que le gouvernement canadien se dissocie plus publiquement, plus ouvertement et plus directement de tous les aspects du plan Colombie.

Donc, en fait, nous estimons que très peu de progrès ont été faits par le gouvernement pour ce qui est de donner suite à la plupart des recommandations.

La présidente: Ken, vouliez-vous intervenir?

M. Ken Luckhardt: Une nouvelle recommandation qu'il importe que vous examiniez vise à appuyer le mouvement syndical colombien, lequel réclame une commission d'enquête qui serait menée par l'OIT. Il y a eu des milliers d'allocutions sur l'horreur de la situation en Colombie, et on en entend davantage chaque fois que les gens en parlent. Le principal organisme syndical de Colombie réclame une commission d'enquête et je pense que votre comité pourrait songer très sérieusement à appuyer une telle demande.

La présidente: J'allais vous demander d'expliquer ce qu'est l'OIT...

M. Ken Luckhardt: Je suis désolé. Il s'agit de l'Organisation internationale du travail dont le siège social se trouve à Genève et qui représente les gouvernements, les employeurs et les organisations de travailleurs.

La présidente: Très bien. Merci.

Mme Sheila Katz: Puis-je ajouter quelque chose?

La présidente: Madame Katz.

Mme Sheila Katz: Il s'agit d'une question urgente car l'organe directeur de l'OIT se réunit ce mois-ci à Genève. Si votre comité faisait par exemple une recommandation ou communiquait avec la division du travail ou DRHC qui représente le Canada à l'Organisation internationale du travail, il faudrait que cela se fasse très rapidement.

La présidente: Très bien.

Monsieur Dubé, il vous reste encore deux minutes.

[Français]

M. Antoine Dubé: Vous avez parlé des assassinats et de tout ce qui est arrivé aux leaders et aux syndiqués. Malgré tout, je suis impressionné par le fait qu'il y a encore des syndicats. Quelle est la situation? Est-ce que le nombre de syndiqués a considérablement diminué? Est-ce qu'il y a des syndicats qui ont fermé boutique à cause de ces problèmes? Quelle est la situation? Vous avez des chiffres, le nombre de morts et tout ça, mais malgré tout, est-ce que les syndicats réussissent à survivre?

[Traduction]

M. Ken Luckhardt: Ils sont bien en vie, mais toujours en danger. Le nombre de syndiqués a diminué, en partie, non seulement à cause de la violence, mais aussi à cause de toutes les mesures néo-libérales qui ont été imposées à la Colombie et que le gouvernement colombien a acceptées au cours des 10 dernières années. Bon nombre d'organismes publics ont été privatisés, et au fur et à mesure qu'ils le sont, de nombreux syndicats disparaissent au cours du processus.

Mais le courage de la classe ouvrière colombienne—si je peux m'exprimer ainsi—est une chose qu'il faut connaître personnellement pour bien la comprendre. Les travailleurs tentent constamment d'organiser une société pacifique. Ils essaient de s'organiser afin d'améliorer les conditions alors qu'ils sont de plus en plus marginalisés par le processus économique global. De deux choses l'une: soit ils abandonnent complètement soit ils résistent et essaient de s'organiser. C'est une situation qui se répète dans plusieurs pays du monde. Mais il ne fait aucun doute que la classe ouvrière colombienne tient résolument à se doter d'un syndicat vigoureux, lequel participera aux questions plus vastes de la société civile. Bien entendu, cela doit se faire dans la paix, une paix assortie d'une justice sociale.

La présidente: Monsieur Robinson, vous avez cinq minutes.

M. Svend Robinson: Merci, madame la présidente.

Je veux remercier les témoins, non seulement de leur présence aujourd'hui, mais aussi de leur engagement permanent envers la justice pour la population colombienne.

J'ai sous les yeux une copie du rapport le plus récent du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Mary Robinson, qui traite de la situation des droits de la personne en Colombie. Il s'agit d'une critique fort sévère de la situation des droits de la personne dans ce pays, laquelle ne cesse de se détériorer. À plusieurs reprises, elle il blâme carrément le gouvernement colombien pour cette détérioration.

Cette année, j'ai rencontré Anders Kompass, le représentant des Nations Unies à Bogota. Il a exprimé son inquiétude face à cette détérioration et au refus de la part du gouvernement colombien d'accepter les recommandations faites non seulement par les Nations Unies mais aussi par d'autres organisations humanitaires internationales.

• 1625

Je n'ai que deux questions. Je voudrais tout d'abord demander aux témoins de nous parler des préoccupations exprimées face à la violence exercée par les paramilitaires, aux preuves croissantes d'un lien direct entre ces paramilitaires et les services de sécurité du gouvernement, ainsi qu'à l'impunité dont jouissent les services de sécurité du gouvernement et les forces armées en Colombie.

Enfin, l'ambassadeur de la Colombie au Canada, Fanny Kertzman, a vigoureusement représenté son gouvernement à maints égards, mais son gouvernement, en fait le président de la Colombie, a promulgué une directive ordonnant à tous les fonctionnaires colombiens de s'abstenir de porter des accusations au sujet des actes des organisations de défense des droits de la personne, ainsi que de leurs membres.

Cet ambassadeur a fait fi de la directive en attaquant le travail de Bill Fairbairn, représentant du Comité inter-églises des droits humains en Amérique latine. J'aimerais que les témoins nous disent si ce genre d'attaque de la part de l'ambassadeur peut mettre en péril les défenseurs de droits de la personne tel que Bill Fairbairn et d'autres.

La présidente: Allez-y, Ken.

M. Ken Luckhardt: Je vais commencer par la dernière question. Je n'en reviens pas. Selon moi, et je crois que je partage l'avis des Canadiens et des Colombiens qui le connaissent, Bill Fairbairn est une des personnes les plus importantes pour établir un lien entre les violations des droits humains en Colombie et la solidarité internationale; il essaie de changer cette situation.

J'ai été complètement abasourdi d'entendre ce genre de déclaration de la part d'un ambassadeur colombien. Il me semble que si elle avait à coeur le bien-être de ses citoyens, elle aurait plutôt applaudi le travail des organisations qui défendent les droits humains au Canada, non seulement le CIEDHAL, mais aussi le mouvement syndical et les organisations parrainées par les églises. J'attends encore ce genre de commentaires.

Pour ce qui est du lien avec les paramilitaires, nous entendons constamment parler d'une preuve qui va croissante. Human Rights Watch ainsi que plusieurs autres organisations ont documenté le lien entre les paramilitaires et le gouvernement.

Dans l'avion aujourd'hui, je lisais de nouvelles citations de la part des chefs paramilitaires subalternes selon lesquelles ils sont eux-mêmes les fers de lance du Plan Colombie. Ils se rendent dans certaines régions au sud du pays, au su des militaires colombiens et forts de renseignements recueillis par eux, pour établir leur présence dans une région. Ce n'est qu'après que l'on a pris possession du territoire et évacué la population que les opérations de fumigation du Plan Colombie peuvent aller de l'avant.

Aux dires des paramilitaires, ils sont les fers de lance du Plan Columbie. Il me semble donc qu'il ne s'agit pas seulement du lien avec le gouvernement colombien; c'est aussi le lien avec le plan de guerre américain en Colombie qui me préoccupe énormément.

M. Svend Robinson: Merci.

La présidente: Merci.

Nous allons accorder une demi-heure à l'ambassadeur, notre témoin suivant; je vais donc demander aux députés libéraux de bien vouloir réserver leurs questions.

M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Je vais attendre.

La présidente: Très bien.

M. Eugène Bellemare: Madame la présidente, si j'attends l'ambassadeur, est-ce que cela signifie que je vais devoir attendre mon tour pour poser des questions?

La présidente: Non, vous seriez le suivant. Vous aurez le premier tour, Eugène.

Nous aimerions remercier nos témoins. Nous conservons les documents que vous allez nous faire parvenir. Nous attendons des documents de la part de M. Comte, et nous lui demandons de bien vouloir les faire parvenir à la greffière. Nous devrons peut-être vous convoquer de nouveau. Nous allons reprendre nos séances à l'automne.

Encore une fois, nous vous remercions d'être venus. Vous pouvez demeurer ici pour écouter l'ambassadeur, si vous voulez.

Nous allons maintenant faire une brève pause.

• 1629




• 1632

La présidente: Mesdames et messieurs, la séance est ouverte.

On vient de nous demander d'ajourner cette réunion pour retourner à la Chambre. Je suis désolée. Nous allons demander au témoin de revenir, si elle est d'accord. Je tiens à souligner que la comparution d'un ambassadeur devant un comité de la Chambre est tout à fait inusitée. J'aimerais la remercier sincèrement.

M. Svend Robinson: J'ai un bref commentaire; avant de clore la séance j'aimerais savoir si nous pouvons adopter la motion. J'ai ici le texte de la motion, qui exprime...

La présidente: La greffière y a travaillé également; ce n'est donc pas le fruit d'une seule personne.

M. Svend Robinson: Oui, parce que nous n'allons peut-être pas nous revoir. Le libellé que je vous suggère, sous réserve de consultation, est le suivant:

    Que le comité exprime sa vive préoccupation face à la disparition récente du chef aborigène colombien Kimy Domico Pernia, et exhorte le gouvernement colombien à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le retour sain et sauf de M. Pernia et sa protection future.

La présidente: Si vous me permettez un commentaire, cela ressemble beaucoup à ce que j'ai rédigé avec le président du Comité des affaires étrangères.

M. Svend Robinson: Précisément.

Mme Fanny Kertzman (ambassadrice de la Colombie): J'aimerais faire un commentaire.

La présidente: Il n'y a pas de réunion en ce moment. La réunion est terminée.

Mme Fanny Kertzman: Si vous le permettez, j'ai un bref commentaire à faire.

La présidente: Très bien.

Mme Fanny Kertzman: Si vous voulez protester contre la disparition de ce chef aborigène, une situation que nous regrettons et au sujet de laquelle nous déployons tous nos efforts afin d'établir les faits, vous devriez aussi protester contre l'assassinat de 24 aborigènes la semaine dernière, par les guérilleros dans cette même région.

La présidente: Oui, mais...

M. Svend Robinson: Je crois qu'il faudrait répondre à la lettre qui a été rédigée par la présidente du sous-comité et par le président du Comité des affaires étrangères.

La présidente: Et notre attaché de recherche a rédigé un avis semblable.

Oui?

M. Eugène Bellemare: Ne devrions-nous pas changer le terme «protester» pour le remplacer par «s'inquiéter»?

M. Svend Robinson: C'est ce qui est écrit. On ne dit pas «protester», mais plutôt «préoccupation».

La présidente: On dit «préoccupation». On ne disait pas «protester», on disait «préoccupation».

M. Eugène Bellemare: Qu'est-ce qui est écrit: «protester» ou «préoccupation»?

La présidente: «Préoccupation».

M. Svend Robinson: «Exprime sa grande préoccupation».

La présidente: «Préoccupation», c'est tout.

M. Eugène Bellemare: Et à qui allez-vous l'adresser?

La présidente: Au président du pays, en disant tout simplement que nous sommes préoccupés et que nous aimerions...

M. Eugène Bellemare: Et au sujet des autres personnes qui disparaissent? N'allez-vous pas dire: «et les autres qui disparaissent»?

• 1635

La présidente: Nous pourrions le faire, mais nous devons quitter la pièce dans 30 secondes.

M. Eugène Bellemare: Pourquoi ne citer qu'un seul cas?

M. Svend Robinson: Les Canadiens ont rencontré cette personne. Il est venu au Canada, a prononcé un discours devant le Forum des droits de la personne. Il a comparu devant notre comité.

M. Deepak Obhrai: Je comprends cela, et je suis d'accord. Nous pouvons chacun rédiger des lettres individuelles, c'est tout à fait acceptable, mais si nous envoyons une lettre au nom du comité, il me semble qu'il nous faut tenir compte des autres disparitions et des autres cas qui devraient nous préoccuper.

La présidente: Svend, je pense que nous pourrions ajouter une phrase qui dirait «et tous les autres».

M. Svend Robinson: Si nous l'ajoutons, voici à quoi cela ressemblerait:

    Que le comité exprime sa vive préoccupation face à la disparition récente du chef aborigène colombien Kimy Domico Pernia et d'autres personnes et exhorte le gouvernement colombien à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le retour sain et sauf de M. Pernia, ainsi que sa protection et celle des autres à l'avenir.

La présidente: Oui. Cela me semble acceptable. Est-ce que tout le monde est d'accord?

Nous avons peut-être repris la séance. Je m'excuse. Nous siégeons jusqu'à 17 heures.

Je crois que c'est acceptable. Quelqu'un s'oppose-t-il à la motion?

(La motion est adoptée)

La présidente: Nous allons demander à l'attaché de recherche de l'envoyer le plus rapidement possible.

Pouvons-nous maintenant retourner à l'ambassadeur? Nous vous remercions d'être venue. La séance sera brève, parce que nous devons partir à 17 heures, et nous devons nous réunir pendant cinq minutes avant de continuer.

Mme Fanny Kertzman: J'accepte volontiers de revenir après le congé d'été. Cela ne me pose aucun problème.

La présidente: Je crois que c'est la meilleure solution.

Mme Fanny Kertzman: Je préfère avoir assez de temps pour vous permettre de m'écouter et de poser toutes les questions que vous voulez. Je pourrais m'exprimer librement, sans me sentir pressée par le temps.

La présidente: Très bien. C'est ce que nous allons faire.

Nous vous remercions de votre présence. Nous remercions tous ceux qui étaient présents aujourd'hui.

La séance est levée.

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