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Mesdames et messieurs, bonjour à tous et bienvenue à la 37
e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
Cela ne figurera évidemment pas au compte rendu, mais je crois qu'il convient de dire aux députés ici présents que l'ovation a probablement mieux exprimé ma pensée que les paroles que je voulais prononcer. Et c'est sans compter vos propres propos au sujet de M. Dicerni. Chose certaine, ses capacités, sa compétence, son savoir et sa sagesse immenses, la diplomatie dont il a fait preuve — et fait mention — au sein du comité et son vocabulaire restreint...
Des voix: Oh, oh!
Le président: ...nous maqueront beaucoup. Je sais qu'avec toutes ses compétences, il manquera également au ministre.
Cela dit, nous tournerons maintenant notre attention vers nos témoins.
Merci beaucoup de vous être adaptés au déroulement de nos travaux ce matin. Je suivrai simplement l'ordre du jour et ferai de même pour l'ordre de comparution.
Nous entendrons Avvey Peters, vice-présidente, Relations extérieures, Communitech; Clément Fortin, président-directeur général, Consortium de recherche et d'innovation aérospatiale au Québec; David Harris Kolada, vice-président, Développement organisationnel et commercial, Technologies du développement durable Canada, que je connais très bien et que je suis heureux d'accueillir parmi nous; et Rob Annan, directeur, Politiques, recherche et évaluations, Mitacs.
Comme le greffier vous l'a indiqué, je crois, je vous accorderai cinq à six minutes environ pour faire vos exposés. Je commencerai par Mme Peters.
Vous conviendrait-il de prendre la parole maintenant?
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous et merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Avvey Peters et je représente Communitech, une organisation technologique de la région de Waterloo, en Ontario. J'ai également le plaisir de travailler avec le Canadian Digital Media Network, l'initiative nationale que Communitechs met en oeuvre pour réunir les grappes de l'industrie des médias numériques du Canada.
Chez Communitech, nous travaillons aux premières lignes de l'industrie technologique du Canada, servant un réseau de près de 1 000 entreprises de technologie générant des revenus de plus de 25 milliards de dollars. Notre travail nous met en rapport avec des entreprises à toutes les étapes de croissance, dont plus de 400 nouvelles entreprises actives employant moins de cinq personnes, OpenText, le plus grand concepteur de logiciel du Canada, et Research in Motion, la plus grosse société de technologie du pays. Le secteur de la technologie de la région de Waterloo emploie plus de 33 000 Canadiens.
Si je vous explique qui nous sommes, c'est parce que notre position nous permet de voir comment les emplois se créent et de savoir à quels égard les entreprises de technologies doivent réussir.
J'aimerais commencer en vous disant à quel point nous nous réjouissons que vous décidiez d'examiner la relation entre la propriété intellectuelle et l'innovation au Canada. Nous considérons en effet que la PI ne se limite pas aux brevets, au droit d'auteur et à la protection contre la contrefaçon; la PI constitue un atout canadien qui stimule la productivité. Nous devrions chercher à aider les entreprises à mieux gérer stratégiquement leur propriété intellectuelle pour en faire un atout commercial.
Dans son récent rapport sur le rendement économique du Canada, l'OCDE met en exergue plusieurs obstacles à la productivité, faisant notamment référence à une nouvelle recherche que le Conseil international du Canada a menée pour son rapport intitulé Rights and Rents: Why Canada must harness its intellectual property resources.
J'aimerais attirer votre attention sur un élément de ce rapport. Le CIC a constaté que près de 60 p. 100 des 137 entreprises canadiennes financées grâce au capital de risque qui avaient changé de main entre 2006 et 2010 avaient été vendues à des acheteurs étrangers, surtout pour leur précieuse propriété intellectuelle, provoquant ainsi l'exode à l'étranger de gens de talent ayant étudié au Canada.
Autrement dit, nous constatons que les jeunes entreprises canadiennes génèrent une propriété intellectuelle considérable, mais qu'au lieu d'exploiter pleinement cette PI au Canada, elles passent à des intérêts étrangers avant d'avoir pu prendre de l'expansion. Le Canada devient ainsi une source de PI à rabais qui peut être exploitée par l'acheteur, et les emplois découlant de la commercialisation de la PI sont créés à l'étranger. C'est une occasion perdue dans le cadre de notre régime de propriété intellectuelle actuel.
J'aimerais aujourd'hui vous exposer deux manières dont le Canada pourrait procéder pour tirer profit des avantages de la propriété intellectuelle afin de stimuler la productivité au pays. Il devrait tout d'abord aider les petites et moyennes entreprises à mieux exploiter la PI afin d'en faire un atout commercial clé, et aider les sociétés et les universités à collaborer plus efficacement afin de commercialiser la propriété intellectuelle.
Les petites et moyennes entreprises sont largement considérées comme des moteurs de création d'emplois au Canada. Dans la région de Waterloo, nous bénéficions d'un solide écosystème qui compte plus de 400 jeunes entreprises. Mais ces entreprises, toutes novatrices qu'elles soient, réussissent généralement fort mal à gérer stratégiquement leur propriété intellectuelle.
Deux raisons expliquent cet état de fait: les PME canadiennes ne saisissent généralement pas toute l'ampleur des avantages stratégiques qu'offre la PI et elles ne comprennent pas le risque considérable qu'elles courent en la gérant mal. Dans ce dernier cas, elles s'exposent souvent à des litiges en matière de brevet et ignorent que ces poursuites peuvent nuire à leur compagnie et à ses perspectives, voire les réduire à néant.
Une meilleure éducation peut contribuer grandement à abattre cet obstacle. Les organisations comme la mienne peuvent aider les entreprises à comprendre qu'il importe d'adopter une stratégie en matière de PI afin de tirer le meilleur parti de sa valeur et qu'une mauvaise gestion de la PI peut donner lieu à des litiges néfastes. Les universités canadiennes peuvent offrir davantage de formation sur la gestion de la PI. Les entreprises doivent être informées pour comprendre leurs outils et leurs stratégies de gestion des risques.
En ce qui concerne la collaboration entre l'industrie et les universités, le Canada continue de considérer la recherche universitaire comme une grande source de propriété intellectuelle et la commercialisation de cette recherche comme une grande source d'innovation. D'après notre expérience, toutefois, ce n'est pas le cas. Si les universités et les collèges créent beaucoup de propriété intellectuelle au Canada, ils ont un rôle mineur au chapitre des débouchés commerciaux.
Chez Communitech, nous travaillons avec plus d'une nouvelle entreprise par jour. Elles se présentent et font appel à notre aide. D'après ce que nous avons pu voir, moins de 12 p. 100 d'entre elles sont des entreprises dérivées d'une université. Il est plus probable qu'elles soient dirigées par un professionnel de l'industrie possédant une compréhension approfondie du marché visé.
La collaboration entre l'industrie et les universités a du bon, car elle est porteuse de nouvelles entreprises et de nouveaux partenariats, en plus de stimuler la recherche et la commercialisation. Mais nombreuses sont les entreprises qui ont de la difficulté à trouver la meilleure manière de collaborer avec des partenaires universitaires. Il faut négocier des ententes complexes en matière de propriété, souvent avec plusieurs partenaires.
Je considère que le Canada pourrait mieux s'y prendre, en s'inspirant notamment de la façon de faire d'Israël, où les instituts de recherche adoptent une approche simplifiée pour l'octroi de licence de PI. Un contrat type doit être signé pour tous les projets communs avec l'industrie recevant du financement du gouvernement. Il n'y a pas de négociation. Cette approche accélère le temps d'exécution des projets réalisés en collaboration et permet aux partenaires d'y voir clair.
Même si les universités et l'industrie ne voient pas la PI de la même manière, je crois que la situation est attribuable à une question de communications et de culture, et non de productivité. Les deux parties doivent apprendre à collaborer plus efficacement ensemble.
En conclusion, je considère que le Canada peut voir éclore des entreprises de technologies riches en PI ayant le potentiel de nous faire faire des gains immenses sur le plan de la productivité. Nous devons toutefois soutenir les entreprises et leurs efforts pour mieux tirer parti de leur PI et optimiser cet atout commercial. Nous devons mettre l'accent sur l'industrie, qui constitue la principale source de propriété intellectuelle dont le Canada profite et l'aider à devenir plus efficace.
Je vous remercie de m'avoir écoutée ce matin. Je répondrai à vos question avec plaisir.
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Bonjour. Je suis heureux de comparaître devant vous ce matin.
Le CRIAQ existe depuis 10 ans et réalise des projets de recherche collaborative: entreprises, universités, centres de recherche, et ainsi de suite. Nous en comptons plus de 100. J'ai préparé pour vous un document en français et en anglais qui permet de comprendre l'entente de propriété intellectuelle générique.
Je suis tout à fait d'accord avec Mme Peters. Comme en Israël, nous avons une seule entente qui couvre aussi bien les grandes entreprises que les petites ainsi que les universités et les centres de recherche. Pour nous, cette entente représente un outil stratégique quant au développement de l'industrie aérospatiale.
[Traduction]
Si vous examinez le document, vous y trouverez les principes fondamentaux de l'entente de propriété intellectuelle, un contrat type que tous doivent signer. Cette mesure est en place depuis 10 ans. La mission du CRIAQ consiste à accroître la compétitivité de l'industrie aérospatiale et à améliorer la base de connaissances collectives grâce à une meilleure formation des étudiants. Notre double mission concerne donc la compétitivité et la formation, qui sont évidemment étroitement liées.
Nous exécutons notre mission dans le cadre de divers projets de collaboration. Notre portefeuille en compte plus de 100, dont la valeur est évaluée à quelque 110 millions de dollars. Nous protégeons entièrement la PI pour tous ces projets, et nous formons des étudiants de troisième cycle dans le domaine de la recherche. Nous nous chargeons de la promotion et collaborons avec des partenaires nationaux et étrangers. Nous prenons part à une quinzaine de projets internationaux, en Inde et en Europe, notamment.
Les principes sont faciles à comprendre: la PI d'origine appartient au propriétaire initial. Il en sera toujours ainsi, qu'il s'agisse d'une PME ou d'une grande société.
La PI d'origine doit être déclarée d'entrée de jeu. C'est ce que nous recommandons, et le consortium compte plus de 50 membres industriels, dont 32 sont des PME. De plus, 30 universités participent à nos projets.
La PI d'origine sera assignée si le projet l'exige, mais elle demeurera la propriété du détenteur initial, conformément aux principes.
La propriété intellectuelle développée appartient quant à elle aux partenaires du projet. Fait crucial, les universités ont accepté d'accorder aux partenaires industriels — qu'on voit là — une licence exclusive sans redevance pour les applications aérospatiales ou, pour être plus juste, les applications du domaine d'intérêt des partenaires industriels, c'est-à-dire principalement l'aérospatiale.
C'est un point primordial. Nous ne négocions pas de nouvelle entente de PI. Les PME et tous les autres partenaires procèdent ainsi, y compris le CNRC. Les universités conservent la PI à des fins d'enseignement et de recherches internes. Quant aux droits de publication, ils doivent recevoir l'aval de l'industrie. Les documents doivent lui être remis avant leur publication.
[Français]
Les principes sont assez simples. Cette entente, qui compte 29 pages, est relativement complexe, résulte d'un compromis important entre les industriels et les universités, mais donne des résultats. Nous avons des projets qui font l'objet de brevets et d'autres qui mènent à des applications sur des produits présentement mis sur le marché.
Je pense que c'est tout à fait possible. Nous nous en rendons de plus en plus compte, au CRIAQ. Nous travaillons en étroite collaboration avec le CRSNG et MITACS, qui est l'un de nos partenaires principaux dans la majorité de nos projets, sinon la totalité d'entre eux, maintenant. Un des aspects importants de notre approche est qu'il est possible, dans un même projet, d'inclure de l'excellente science et des résultats largement appliqués à l'industrie. Il s'agit donc à la fois d'insister sur la commercialisation et de chercher cette combinaison des deux facteurs afin de rendre l'industrie canadienne plus concurrentielle et à l'avant-garde de tout ce qui se fait dans le monde. C'est d'autant plus nécessaire que le marché mondial est de plus en plus fort.
Merci beaucoup.
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Bonjour, monsieur le président et honorables membres du comité. Merci de me donner l'occasion de représenter Technologies du développement durable Canada, ou TDDC, une fondation indépendante fondée et financée par le gouvernement du Canada pour favoriser la commercialisation de technologies propres novatrices grâce à un soutien financier et non financier. Notre mission consiste à agir comme principal catalyseur afin d'établir une infrastructure de technologie de développement durable ou de technologies propres au Canada, avec une enveloppe de financement gouvernemental totalisant à ce jour à un peu plus d'un milliard de dollars et répartie dans deux fonds. Ces deux fonds complémentaires, près du marché, visent à combler les lacunes dans la chaîne d'innovation, principalement celles relatives au financement précommercial, aussi appelé vallée de la mort, un sujet dont le comité a, je crois, beaucoup discuté la semaine dernière.
Par technologies propres, nous faisons référence aux produits ou services novateurs qui réduisent simultanément les coûts financiers et environnementaux tout en améliorant le rendement. Ces technologies ont une incidence bénéfique sur l'économie, l'environnement et l'ensemble de la société. Porteuses d'occasions économiques en régions tant rurales qu'urbaines, elles favorisent les exportations, la création d'emplois, la santé et la qualité de vie pour l'ensemble de la population.
L'industrie des technologies propres a une envergure mondiale et est axée sur les exportations. En fait, si vous observiez les PME productrices de technologies propres, vous verriez qu'elles sont neuf fois plus susceptibles d'exporter que les PME en général. Cet important marché croît à vitesse grand V, passant de 100 milliards de dollars en 2006 à 1 billion de dollars en 2010, chiffre qui devrait tripler pour atteindre 3 billions de dollars d'ici 2020. La part de marché du Canada est actuellement d'environ 9 milliards de dollars et devrait se multiplier par six pour atteindre 60 milliards de dollars d'ici 2020. Notre part du marché devrait alors être passée d'un peu moins de 1 p. 100 à 2 p. 100. Quant aux emplois directs, ils devraient passer de 44 000 à 126 000 d'ici 2020. À ce moment, l'industrie des technologies propres devrait être le troisième secteur industriel au monde. Il s'agit d'un gros marché, qui croît rapidement et qui offre une occasion fort lucrative au Canada.
Pendant que le marché prenait de l'expansion au fil du temps, le volume de propriété intellectuelle a fait de même, comme l'indique la diapositive 5. Vous pouvez voir que le nombre de brevets demandés dans les principaux secteurs des technologies propres a triplé entre 2001 et 2009. C'est un taux de croissance moyenne composé de 14 p. 100, soit le double du taux de croissance des brevets en général à l'échelle mondiale au cours de la même période.
La propriété intellectuelle et les technologies propres sont des questions très importantes; nous sommes donc très encouragés de voir l'Office de la propriété intellectuelle du Canada instaurer un programme pour favoriser l'investissement et accélérer la commercialisation de ces technologies, emboîtant le pas à des pays comme l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, qui offrent des programmes semblables. Étant des compagnies exportatrices, les entreprises de technologies propres du Canada font généralement breveter leurs technologies à l'étranger, habituellement aux États-Unis, parfois en Europe, puis font de même au Canada. L'Autoroute du traitement des demandes de brevet, mise en oeuvre au Canada, contribue grandement à accélérer le traitement des demandes de brevet qui ont déjà été déposées ailleurs, dans d'autres pays. De même, le Traité de coopération en matière de brevets, dont le Canada est signataire, aide beaucoup les entreprises de technologies propres à déposer des demandes de brevet internationales.
Enfin, toutes les entreprises de technologie de développement durable doivent avoir protégé leur PI avant que nous ne les financions. Il s'agit d'un facteur crucial dans le cadre de notre processus de diligence raisonnable, et nous les aidons également à cet égard en finançant leurs projets.
En prévision de notre comparution, nous avons rencontré un certain nombre d'entreprises de notre portefeuille, qui en compte maintenant plus de 220. J'ai sondé leur opinion sur la question afin de vous en faire part. J'aimerais souligner six points. Tout d'abord, les entreprises de technologies propres empruntent bel et bien l'Autoroute du traitement des demandes de brevet. De plus, le nouveau programme de technologies propres de l'OPIC est peu connu, mais il commence à se faire connaître dans l'industrie concernée. En outre, la solide protection de la PI qui est en place au Canada a aidé les entreprises à être concurrentielles à l'étranger. Sachez de plus que la plupart des entreprises enregistrent leurs brevets aux États-Unis en premier, puis au Canada. Quant aux universités, elles appliquent un amalgame hétéroclite de règles en matière d'octroi de licence de PI, ce qui complique les choses et a freiné la commercialisation des technologies propres qui y sont conçues. Enfin, les processus de demande de brevet et de défense de la PI, sans égard à l'origine, sont coûteux et longs.
Voilà qui nous amène à nos recommandations, qui s'inspirent des commentaires des PME que nous avons financées, et plus de 90 p. 100 des entreprises que nous finançons sont des PME. Nous recommandons premièrement de faire en sorte qu'il soit plus facile et moins cher pour les PME de faire respecter leurs brevets et de réagir efficacement en cas de violation.
Il serait notamment utile d'instaurer quelques procédures non judiciaires permettant d'éviter des litiges. Si ces litiges s'avèrent nécessaires, il conviendrait d'établir une limite afin de réduire le coût. On pourrait offrir davantage de soutien financier et de conseils aux PME quand elles obtiennent leurs brevets dans le cadre d'un programme provincial, s'inspirant ainsi du programme de bons de l'Alberta. Il faudrait également mieux faire connaître le programme de technologies propres de l'OPIC et chercher à simplifier les règles régissant la PI pour les laboratoires universitaires ou gouvernementaux. Enfin, nous recommandons de réduire les délais de traitement des demandes et d'octroi de brevets et, si délai il y a, de mettre en oeuvre une version du calcul de prolongation de la durée de brevet du USPTO.
Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de témoigner. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui.
Je m'appelle Rob Annan, directeur, Politiques, recherche et évaluation, Mitacs.
Mitacs est une organisation de recherche nationale qui appuie l'innovation au Canada grâce à des projets de recherche auxquels collaborent des entreprises canadiennes et la crème des experts des universités canadiennes.
Notre programme-phare, Mitacs-Accelerate, favorise le transfert bidirectionnel de connaissances dans le cadre de stages de recherche industrielle permettant à des étudiants de troisième cycle et des détenteurs de bourse de perfectionnement post-doctoral de travailler dans le milieu de la recherche industrielle, où ils appliquent les compétences et le savoir-faire acquis au cours de leurs études pour combler les besoins en recherche spécialisée de l'industrie.
Ce programme, qui encourage les entreprises canadiennes à accroître leurs activités de R-D, constitue un modèle de recherche efficace qui tire parti des forces des secteurs de l'industrie et du milieu universitaire à l'avantage des deux parties, afin d'intégrer l'innovation à long terme à l'industrie canadienne.
Le programme Accelerate a pris de l'expansion, passant de 18 stages en 2007 à environ 2 000 stages offerts cette année dans toutes les régions, tous les secteurs et toutes les disciplines universitaires du pays. Le programme bénéficie entre autres du soutien du Programme de stages en recherche-développement industrielle d'Industrie Canada, ainsi que de l'appui de neuf de nos dix provinces. L'Île-du-Prince-Édouard est sur le point de se joindre au mouvement, je crois. Près de 2 000 entreprises canadiennes ont collaboré avec des universités dans le cadre de ce programme, dont environ 60 p. 100 sont des PME.
Mitacs offre plusieurs autres programmes novateurs, tous fondés sur le même modèle général consistant à réunir l'industrie et le milieu universitaire dans des projets de recherches profitables aux deux parties.
Bien entendu, le défi, et la raison pour laquelle la question fait l'objet de tant de débats, vient du fait que le Canada souffre d'une piètre productivité résultant d'une innovation lacunaire. Nos dépenses publiques en R-D sont inférieures à la moyenne, notre taux de détenteurs de doctorat par habitant se situe dans le tiers inférieur et, parmi les 17 pays membres de l'OCDE, nous figurons au 14e rang au chapitre du nombre de brevets par habitant.
Nos universités de recherches accomplissent toutefois des merveilles. Nous nous classons au 10e rang à l'échelle mondiale pour ce qui est du nombre de publications universitaires par habitant. Nous faisons encore mieux à d'autres égards, étant des chefs de file mondiaux dans des domaines comme les sciences de la vie. Nos universités sont parmi les mieux cotées au monde.
Le milieu canadien de l'éducation tend de plus en plus vers la recherche subventionnée, qui représentait plus de 25 p. 100 des budgets affectés à la recherche universitaire au milieu des années 2000, alors que cette part était de 13 p. 100 au début des années 1990. Ce processus se poursuit, avec notamment la réaffectation d'une partie des fonds des trois conseils à la recherche subventionnée dans le plus récent budget. La production d'innovation ou de produits commerciaux n'a toutefois pas augmenté à l'avenant.
Néanmoins, dans le rapport économique publié à semaine dernière sur le Canada, l'OCDE recommande une meilleure intégration de nos universités et collèges à l'industrie, ajoutant que cette intégration offre une occasion en or de stimuler l'innovation au pays. Le défi consiste bien sûr à savoir comment procéder efficacement.
À l'heure actuelle, le modèle de collaboration met largement l'accent sur la commercialisation des découvertes réalisées par les universités en procédant à l'octroi de licences ou à la conclusion d'autres ententes de transfert de PI. Le processus s'effectue généralement par l'entremise de bureaux de transfert de la technologie qui proposent aux entreprises la PI créée par les universités. Cette approche axée sur l'offre de la recherche pose des difficultés, particulièrement quand les inventeurs et les entreprises risquent de ne pas s'entendre sur la valeur des découvertes issues des étapes initiales de la recherche.
Les programmes de Mitacs reposent sur une approche axée sur la demande venant de l'industrie, selon laquelle les entreprises ayant un besoin particulier en matière de recherche peuvent faire appel au savoir-faire des universités, ce qui peut concerner la PI. L'application de cette dernière dans le cas présent est cependant plus évidente, et la valeur qu'elle peut avoir pour les deux parties est plus facile à déterminer; le risque de mésentente est donc moindre.
Il est possible de favoriser la commercialisation de la PI universitaire au moyen de l'offre de la recherche grâce à la formation des compétences des étudiants de troisième cycle et des étudiants postdoctoraux, pour leur conférer les compétences commerciales et entrepreneuriales permettant aux inventeurs d'être mieux en mesure de commercialiser leurs propres découvertes.
Pour sa part, Mitacs ne s'occupe pas de la PI. Nous laissons aux parties prenantes le soin de régler cette question, souvent dans le cadre d'ententes comme celles du CRIAQ. Mais nous avons aussi des ententes types qui nous permettent de faciliter les choses quand le processus s'avère difficile. De façon générale, l'entreprise demeure propriétaire des droits commerciaux directement liés au projet, alors que les droits sans lien direct incombent aux universités.
Mitacs a appuyé plus de 4 000 projets jusqu'à présent, et seule une poignée a rencontré des problèmes au chapitre de la PI. Nous constatons que dans bien des cas, ce n'est même pas la peine de transférer la PI. Par exemple, dans le domaine des TI, la durée de vie de certaines inventions est si brève que la technologie est désuète avant même que le brevet ne soit accordé. En pareil cas, nous proposons aux entreprises de retarder légèrement la publication et d'intégrer entretemps l'invention à certains produits.
Le modèle de Mitacs est également celui qui exige la plus grande contribution de l'industrie dans le cadre des programmes de recherche en collaboration. Pour cette raison, l'entreprise paie pour quelque chose, ce qui facilite souvent les négociations relatives à la PI.
Enfin, le modèle axé sur la demande venant de l'industrie qu'emploie Mitacs permet de bénéficier de définitions généralement claires. Nos projets font souvent intervenir soit des entreprises qui appliquent la PI préexistante que détient une université à un problème précis ou une entreprise qui applique l'expertise universitaire à la PI préexistante que détient l'industrie. Il est relativement rare que nos projets donnent lieu à la création de nouvelle PI, puisque nous avons tendance à instaurer la collaboration un peu plus loin au cours du processus d'innovation, après l'étape de l'invention et de la découverte, mais avant d'en arriver à la commercialisation comme telle.
Je conclurai en indiquant que nous considérons que la recherche menée en collaboration par l'industrie et les universités et collèges offre une occasion en or de stimuler l'innovation. La propriété intellectuelle constitue à l'évidence un élément important de cette collaboration. Mais en mettant l'accent sur une approche axée sur la demande, on aplanira les difficultés et on donnera à tous amplement d'occasions d'en profiter.
Merci.
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Je vous remercie de me poser cette question. Je crois que si nous et plusieurs autres intervenants préconisons d'accorder une attention particulière aux PME, c'est parce que nous savons qu'elles favorisent la croissance de l'emploi. Elles prennent de l'expansion plus rapidement que les nouvelles entreprises ou les multinationales. Dans notre contexte, nous les considérons comme des gazelles lancées vers une croissance fulgurante.
Cependant, elles ne comprennent pas très bien leur PI et la manière dont elles peuvent la gérer de manière inventive. Quand elles traversent la frontière pour aller aux États-Unis, elles sont fréquemment étonnées, voire choquées, par les litiges en matière de brevets. Elles sont complètement prises de court.
À mon avis, les organisations comme la nôtre peuvent certainement jouer un rôle afin d'éduquer les PME et les entrepreneurs. Je ne crois pas que les universités offrent beaucoup de formation afin d'aider les entreprises à comprendre ce qui se passe quand leur stratégie de PI fait chou blanc. Nous avons ici l'occasion de travailler en partenariat afin de chercher une solution pour aider les PME.
Comme mon collègue de Mitacs l'a souligné, les entreprises indiquent que le coût et le délai d'obtention de brevet constituent deux des principaux écueils auxquels elles se heurtent. Si nous pouvons prendre des mesures pour résoudre ces deux questions, je crois que cela aiderait considérablement les entreprises de taille moyenne à protéger efficacement leur PI.
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Il ne faut pas oublier que le CRIAQ est un réseau. Pour chaque projet, il y a au moins deux partenaires industriels et deux partenaires de recherche, en l'occurrence deux universités ou centres de recherche. Le projet est développé en équipe. En moyenne, les projets mettent à contribution trois ou quatre petites ou grandes entreprises ainsi que trois ou quatre universités ou centres de recherche, voire davantage. La propriété intellectuelle qui est développée est partagée, mais comme les besoins sont exprimés surtout par les grandes entreprises, alors que les PME accèdent à cette propriété intellectuelle à la fin du projet, les résultats sont recueillis et utilisés par les moyennes et grandes entreprises, l'objectif étant de devenir plus concurrentiel sur le marché.
Pour ce qui est des défis relatifs à la propriété intellectuelle, il faut toujours bien définir les choses au départ. C'est pourquoi notre entente en matière de propriété intellectuelle nous permet de bien établir les bases. Il n'y a pas eu de débat important. Il y en a toujours lors du développement du projet, mais une fois celui-ci terminé, il n'y a pas de problème.
Les universités sont les premières à pouvoir demander le brevet. Si elles ne veulent pas le faire, l'entreprise le fait. Même si l'université le fait, les entreprises disposent d'une licence gratuite, universelle, et ainsi de suite. Il n'y a donc pas de débat pour déterminer à qui revient le brevet ou la propriété intellectuelle.
Je vous donne un exemple concret. Récemment, une entreprise a demandé un brevet relativement à l'un des projets. Après un an, comme la date limite approchait, quelqu'un de l'université m'a appelé pour me dire que ces participants aimeraient bien récupérer le produit pour éventuellement continuer à le développer. J'ai téléphoné au président de la PME, qui m'a dit ne pas avoir l'intention de pousser plus loin cette technologie. C'est donc l'université qui va continuer à la développer.
Je pense qu'il est important de préciser que ce n'est pas une relation bilatérale mais multipartite. En effet, plusieurs partenaires partagent la propriété intellectuelle. Une PME qui fait partie d'un projet pourra en bénéficier pleinement, comme les grandes et moyennes entreprises ainsi que tous les autres participants.
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Le CRIAQ a été créé selon un modèle d'innovation ouverte. Tous les deux ans, un forum de recherche est organisé et des entreprises sont appelées à présenter des idées de projet devant une assemblée plénière. Nous l'avons fait récemment, soit en mai, et il y avait 600 participants. Les idées de projet sont relativement simples. Au départ, il y a trois diapositives, et à partir de cela, une discussion a lieu. Les gens cherchent des partenaires industriels et des partenaires de recherche. Le projet est développé conjointement par les deux parties. Il y a toujours des surprises.
Je vais vous donner un exemple très concret. Il y a deux ans, Bombardier a proposé de développer une nouvelle thématique de recherche sur l'intérieur des avions. On parle ici de design d'intérieur. À l'époque, nous nous disions qu'aucun chercheur universitaire ne s'intéresserait à du design d'intérieur appliqué aux avions, surtout à l'interface entre le bois et le polymère, dans le cas des avions d'affaires. Il y avait 10 chercheurs. J'étais alors directeur du département de génie mécanique de l'École polytechnique.
Un jour, un jeune chercheur que je connaissais très bien s'est présenté. Il a dit qu'en Angleterre, pendant qu'il y faisait son doctorat, on avait développé une technologie visant à mesurer le fini de surface des automobiles Aston Martin, soit la marque de voiture de James Bond, qui a un très beau fini de surface. Il a suggéré que cette technologie soit utilisée pour mesurer les finis quantifiés, les finis d'origine des avions de Bombardier, quand ils sortent de l'usine. De cette façon, il est possible d'établir des mesures quand ils reviennent. Bombardier n'aurait jamais trouvé ce chercheur et ce dernier n'aurait jamais trouvé une entreprise pouvant mettre ses recherches en valeur.
L'avantage de l'innovation ouverte est qu'elle donne lieu à bien des surprises, à des partenariats auxquels on ne s'attendait pas. Lors de notre dernier forum, les PME ont été fortement encouragées à proposer des idées de projet. Certaines l'ont fait. Les grandes entreprises se sont jointes aux PME en disant qu'elles allaient développer cette technologie de concert avec elles. Bien entendu, les PME sont bien placées pour bénéficier largement de ces technologies.
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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, il me semble évident que le thème commun qui émerge ici est la collaboration, que ce soit entre les partenaires ou entre l'industrie et les établissements postsecondaires.
Je suis également originaire de la région de Waterloo. Avec mon collègue, Peter Braid, je suis extrêmement fier d'avoir travaillé avec la totalité, ou la presque totalité, d'entre vous. Je n'ai jamais rencontré M. Fortin.
Communitech s'est taillé une réputation enviable dans la région de Waterloo, et j'aimerais que Mme Peters et M. Kolada traitent de la question de la PI par rapport à l'université. L'Université de Waterloo applique un régime légèrement différent pour la protection de la propriété intellectuelle. Vous nous avez donné l'exemple de Desire2Learn. Nous connaissons RIM et savons que ces entreprises sont lancées par des étudiants avant qu'ils n'obtiennent leur diplôme.
D'aucuns considèrent que le fait de laisser la propriété intellectuelle passer au producteur permettrait d'offrir davantage d'occasions de commercialisation. M. Kolada a pourtant fait remarquer que les universités appliquent un « amalgame hétéroclite » de règles en matière d'octroi de licence de PI, ajoutant que cette situation posait certaines difficultés.
Madame Peters, pourriez-vous nous parler de votre expérience lorsque vous avez travaillé dans un incubateur avec de nombreuses nouvelles entreprises de haute technologie, dont certaines relevaient de l'Université de Waterloo et de son régime? Quel effet cette méthode a-t-elle eu sur la commercialisation? M. Kolada pourrait peut-être nous dire ce qu'il en est de son point de vue. Certains témoins, que nous avons entendus la semaine dernière, je crois, nous ont indiqué que dans certaines régions du monde, les universités appliquent un régime commun en matière de PI. Je ne vois rien de tel s'instaurer rapidement ici.
Je me demande si vous auriez l'obligeance de traiter de ces deux questions. Merci.
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Volontiers, et je vous remercie de nous poser la question.
Je crois que vous avez absolument raison. Chaque université canadienne applique sa propre méthode et sa propre politique en matière de PI. Pour sa part, celle de Waterloo attribue la propriété au créateur, ce qui est fort différent des politiques de PI des autres établissements.
Le défi nous ramène, selon moi, au thème dont nous avons discuté. La collaboration est vraiment essentielle, et il faut trouver des moyens d'aplanir les difficultés qui nuisent la collaboration efficace. Les organisations comme Mitacs, qui peuvent favoriser l'instauration de partenariats et de rapports solides et profitables entre les entreprises et les universités, sont de bons moyens de promouvoir la PI, tout comme l'est le modèle de collaboration que M. Fortin a décrit.
À mon avis, si bien des universités éprouvent de la difficulté à appréhender la PI et à négocier des ententes avec des partenaires de l'industrie, c'est que quand elles conçoivent un produit complexe — un BlackBerry, par exemple —, le nombre de brevets et d'ententes d'octroi de licence pour les pièces et les logiciels rend l'affaire fort complexe. Le nombre d'ententes pour chaque propriétaire de brevet est assez compliqué à gérer.
Ce qui se passe souvent, surtout pour les petites entreprises, c'est qu'elles doivent composer avec une situation extrêmement complexe, déterminer combien d'ententes, de partenaires universitaires, de chercheurs et d'autres collaborateurs doivent intervenir pour voir si le jeu en vaut la chandelle, combien de temps l'opération prendra et combien il leur en coûtera. Voilà ce qui préoccupe surtout les entreprises.
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Certainement, et merci de me poser la question.
Pour que tout soit bien clair, sachez qu'il s'agit du point de vue des entreprises de notre portefeuille, des PME qui tentent de commercialiser ces technologies. Bien sûr, nous collaborons beaucoup avec les universités, qui font partie de notre consortium, et nous les encourageons à poursuivre les efforts.
On nous indique toutefois que c'est très complexe et difficile pour les entrepreneurs. Il semble que les démarches soient chaque fois ponctuelles. Ainsi, même si nous convenons que, compte tenu de ce qui s'est fait par le passé, il soit difficile de normaliser et d'harmoniser les procédures de toutes les universités canadiennes, nous considérons qu'on pourrait chercher à rendre le processus plus simple et plus efficace en procédant au cas par cas. Nous encouragerions les démarches faites en ce sens.
Une partie de la solution pourrait venir des mesures incitatives et des bureaux de transfert de la technologie qu'hébergent les universités. C'est un peu comme si on se disait « personne n'a été mis à la porte pour avoir acheté IBM ». De même, personne n'a perdu son emploi pour avoir passé sous silence le fait qu'une technologie potentielle n'a jamais été lancée.
Si la technologie ne voit pas le jour et que l'université ne peut en tirer sa juste part, et que cette technologie s'avère un grand succès, il semble que quelqu'un n'a pas bien fait son travail. S'il existait plus d'incitatifs pour que ces technologies soient commercialisées plus efficacement en adoptant une approche de portefeuille — s'il y avait des gagnants et des perdants, et que cela faisait partie de la procédure convenue —, peut-être qu'on pourrait procéder un peu plus efficacement et commercialiser un plus grand volume. En effet, comme Rob l'a souligné, je crois, le temps qu'on lance le produit et qu'on obtienne le brevet, le marché a évolué.
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Merci de me poser la question.
Oui, nous observons certainement une croissance à cet égard, laquelle, comme vous l'avez affirmé avec raison, accuse un léger retard. Comme nous sommes encore une organisation très portée sur la recherche, nous ne nous occupons pas beaucoup de la commercialisation. Nous nous situons au milieu plutôt qu'au tout début du processus de découverte; nous voyons donc les choses évoluer à mesure que nous avançons.
Je peux certainement vous donner des exemples faisant intervenir les chercheurs. Par exemple, nous avons fait affaire avec une petite entreprise de l'Ontario — du nom de SideStix, je crois — qui concevait des prothèses pour aider les gens à marcher, et qui n'avait vraiment besoin que de faire effectuer des recherches pour le contrôle de la qualité de certains matériaux utilisés pour assembler les dernières pièces de l'application commerciale. Les travaux ont eu lieu et le produit a été lancé.
Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, nous constatons souvent que les entreprises possédant de la propriété intellectuelle ont besoin d'expertise, pas tant pour créer de la nouvelle PI que pour la perfectionner ou obtenir de l'information à son sujet. C'est une étape essentielle du processus de commercialisation, qui ne vise toutefois pas nécessairement la création de nouvelle PI. Il ne fait toutefois aucun doute que nos entreprises s'adonnent à la commercialisation.
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Oui, on recense différents obstacles.
Ce qui pose surtout problème, ce sont les risques ou les retombées à ce stade-ci en ce qui a trait aux investissements et à l'adoption de l'innovation par les consommateurs.
Si on prend le point de vue du consommateur un instant, on sait que les risques associés au déploiement d'une technologie qui n'est pas suffisamment éprouvée peuvent être assez importants pour mettre en péril une entreprise ou mettre la vie des gens en danger. Par exemple, si on met en place une technologie qui a été mal calibrée dans une usine de traitement des eaux usées, une usine de traitement des eaux propres ou une installation qui vaut des milliards de dollars, les pertes potentielles de revenus et de possibilités d'affaires seraient énormes. Cela pose tout un problème pour l'adoption d'un produit.
La principale difficulté est donc de tester l'innovation au point où toutes les failles ont été identifiées et corrigées avant la commercialisation. Et cela prend de l'argent. C'est une étape incontournable pour ces technologies industrielles qui nécessitent des investissements importants.
Comme je le disais plutôt, le gouvernement peut aider en se donnant le rôle de cobaye dans certains cas. On pourrait utiliser les biens du gouvernement pour mettre les technologies à l'essai dans un environnement contrôlé, de façon à corriger certaines failles et à mieux calibrer les choses. S'il s'agit de tester une technologie d'éclairage dans un environnement construit, comme dans un immeuble gouvernemental, le gouvernement n'aura pas nécessairement à faire un chèque pour aider. Il peut aussi permettre d'utiliser ses biens de façon innovatrice.
Pour ce qui est des investissements, les sociétés de capital risque, les principaux bailleurs de fonds aux étapes préliminaires et intermédiaires... Pour les technologies propres, le secteur que nous représentons, il est très difficile de faire de l'argent dans cette étape qu'on appelle la vallée de la mort. Il faut beaucoup de temps avant de pouvoir récolter les fruits de ses investissements. Et les montants nécessaires pour arriver à ce prochain point d'évaluation et à un retrait potentiel sont élevés. Nous constatons que l'approche de TDDC est très efficace, c'est-à-dire qu'on offre des fonds correspondant à l'investissement du secteur privé pour financer les projets à l'étape de l'élimination des risques — c'est un partenariat, il ne suffit pas d'injecter des fonds dans des projets qui pourraient ou non fonctionner. En fait, je pense que c'est un modèle qui pourrait s'appliquer à d'autres industries de forte capitalisation, outre celle des technologies propres.
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Absolument. J'ai quelques idées à ce sujet.
Premièrement, pour l’adoption et les projets pilotes, je pense qu’il y a moyen… Si on met en oeuvre des projets comme le laboratoire CANMET en Alberta, par exemple, qui est voué spécifiquement aux technologies des sables bitumineux, c’est construit; c’est là précisément pour ce genre de technologies à cette étape-là. Il ne s’agit pas de choisir des gagnants. Il s’agit de permettre à des promoteurs d’utiliser les installations pour calibrer leur technologie. Si on va un peu plus loin, il faudrait certainement établir des critères assez stricts pour déterminer quelles technologies pourraient être mises à l’essai.
Pour ce qui est du financement et du modèle que nous utilisons, je pense qu’il est très important que nous ayons une entité indépendante, et nous choisissons les projets gagnants. C’est notre travail. Notre organisation est un outil stratégique du gouvernement. Notre travail est mené dans un cadre clairement défini. Dans ce contexte, nous ne finançons que les meilleures technologies que nous trouvons.
Nous croyons qu’il est important de fournir des fonds de contrepartie au financement du secteur privé… mais il est aussi primordial d’être en mesure de faire des choix éclairés en ce qui concerne les technologies à financer.
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Merci de me poser la question.
Cela varie. Comme vous le savez, nous traitons avec des entreprises ou des projets qui en sont aux étapes du développement et de la démonstration, alors on termine le développement et on procède à la démonstration. Selon l’endroit où se situe le projet dans le spectre, la réponse va varier. Généralement, et c'est bien évident, plus on est tôt dans le projet, moins le processus de PI est avancé, mais ce n’est pas toujours le cas.
Alors quand on dit que les protections doivent avoir été obtenues, on parle bien sûr des protections appropriées à l’étape en cours. Il faut aussi avoir un plan défendable. Quand on procède à notre contrôle de diligence raisonnable — je prends part à un processus comme celui-là à l’automne —, on vérifie que le travail nécessaire a été entrepris, c’est-à-dire qu’on a vérifié les antériorités pour s’assurer qu’il y a moyen d’accéder au marché et de fonctionner librement. Il se peut qu’on utilise des secrets commerciaux, et pas du tout de brevets. Il s’agit d’avoir une stratégie sensée et qui convient au secteur concerné.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins pour toute l'information qu'ils nous donnent aujourd'hui.
D'après ce que je vois, vous voulez tous qu'il y ait des liens plus étroits entre les universités et l'industrie. C'est ce qui semble se dégager de vos témoignages. J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre à quoi ressemblerait l'équilibre que vous recherchez ou qui serait souhaitable. Pour que ce soit plus concret, j'aimerais que vous me disiez comment un professeur d'université devrait occuper son temps.
Nous sommes habitués de voir les professeurs enseigner ou publier des recherches dans des revues spécialisées, et toute l'information publiée dans ces revues appartient au domaine public, et les entreprises comme les autres universitaires peuvent la consulter et l'évaluer. Tout cela est en grande partie défini par la structure de titularisation, qu'il est évidemment très difficile de renégocier. En fait, c'est un des éléments sacro-saints d'une université. Nous avons entendu des présidents et des vices-présidents nous dire qu'ils n'oseraient jamais s'engager dans une telle voie, notamment parce que le corps professoral va carrément s'en aller si vous décidez de toucher à la structure de titularisation, et c'est particulièrement vrai pour les professeurs les mieux rémunérés.
Les subventions de recherche ont été établies pour maximiser la liberté académique, et cela a contribué à attirer des gens de talent grassement rémunérés dans les universités. Ils obtenaient de généreuses subventions, et ils pouvaient faire des recherches sur le sujet de leur choix, publier leurs conclusions et rendre le tout disponible à la collectivité. L'application commerciale avait peu d'importance. Ce n'était pas nécessairement quelque chose qui leur tenait à coeur, et ce n'était pas nécessairement leur travail non plus. Leur travail était d'enseigner et de publier leurs recherches. C'était donc grandement axé sur l'intérêt du chercheur.
Mais le système de subventions a quelque peu changé. On s'éloigne de ce modèle. On remarque une diminution dans le financement des découvertes, qui encourage la liberté académique, et on tente davantage d'inciter les universitaires à collaborer avec l'industrie.
Si on pense au professeur d'université, il devra choisir entre l'enseignement et la publication de ses recherches, maintenant qu'il est appelé à collaborer avec l'industrie. Il devra en effet consacrer moins de temps à l'une ou l'autre de ses fonctions principales pour s'acquitter de la nouvelle. J'aimerais savoir comment vous entrevoyez cela. Est-ce qu'on devrait sacrifier le volet enseignement ou le volet recherche? Parce que c'est inévitable.
La question s'adresse à qui veut bien y répondre.
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Je peux vous parler de l'expérience de Mitacs à cet égard. Vous avez raison. Les professeurs sont sollicités de toutes parts. En plus de l'enseignement et de la recherche, il y a les tâches administratives, et toutes sortes d'autres tâches. Il ne fait aucun doute que...
Cela s'est avéré très positif pour nous d'embaucher des étudiants des cycles supérieurs et des boursiers postdoctoraux pour faire cette transition. Ils peuvent grandement tirer profit de l'expérience du système universitaire, ils ont accès au superviseur à des fins de consultation, puis peuvent passer dans l'espace industriel. C'est bon pour les étudiants, qui profitent de cette expérience de réseautage, et cela permet aussi de tisser des liens entre les deux. C'est très efficace.
J'ajouterais que non seulement le système de financement est en train de changer, mais le milieu universitaire aussi. Je suis issu du milieu universitaire, et même quand j'y étais les professeurs étaient beaucoup plus enclins à travailler avec l'industrie. En général, ils voient la chose d'un bon oeil. Seulement, ils manquent de temps. De la même façon, les entreprises, surtout les jeunes entreprises ou les petites et moyennes entreprises, manquent aussi de temps. Je pense que le manque de temps et de capacité exerce une grande pression sur les différents intervenants à ce stade-ci.
C'est pourquoi nous pensons qu'avoir des gens qui tentent de jumeler... Nous avons un service de jumelage, et nous y mettons beaucoup d'efforts. C'est une idée qui plaît à tout le monde. Il est très rare qu'on nous dise non. Cependant, nous devons faire le jumelage; les partenaires ne se trouvent pas tout seuls.
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Pour avoir moi-même enseigné à l’université pendant 30 ans, je recommanderais en général de consacrer 40 p. 100 à l’enseignement, 40 p. 100 à la recherche et 20 p. 100 aux tâches administratives. Pour ce qui est des 40 p. 100 voués à la recherche, il faut savoir que les subventions à la découverte sont minimes. Une subvention à la découverte peut valoir entre 20 000 $ et 50 000 $ par année, parfois 70 000 $. Ce serait juste assez pour soutenir deux étudiants des cycles supérieurs.
Pour la recherche coopérative, un projet moyen à la CRIAQ vaut environ 1 million de dollars, et le plus élevé vaut 1,8 million. Avec les sommes qu'on donne aux professeurs pour effectuer de bonnes recherches, comme je le disais tantôt, il faut équilibrer les choses...
Il faut voir que les professeurs font d’excellentes recherches; ils publient dans des revues reconnues. Un professeur de McGill me disait récemment qu’il avait pris part à une conférence à laquelle assistaient des représentants de Boeing et d’Airbus. Il s’agissait d’une séance plénière, et la salle était pleine. Il était là pour parler des résultats industriels concrets découlant de ses projets. Ses étudiants sont très talentueux et font de l’excellent travail.
Je ne crois pas qu’il y ait une contradiction ou une dichotomie entre la recherche… Bien sûr, il faut maintenir l’équilibre entre les idées qui viennent du système universitaire même, et celles qui arrivent de l'extérieur. Pour moi, l'équilibre parfait serait de 80 contre 20, ou quelque chose du genre. Ce serait un système de recherche très pertinent.
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Je n'ai pas de données précises à vous donner en ce moment. Nous assurons le suivi des entreprises qui finissent par être rachetées. Généralement, ce rachat arrive longtemps après notre investissement. Nous injectons des fonds aux premières étapes du processus, avant la commercialisation. La plupart des entreprises qui sont rachetées le sont plusieurs années plus tard.
Comme je le disais pour répondre à la question de M. Braid, nous pensons qu'il est plus probable que les entreprises, la propriété intellectuelle et les employés demeurent au Canada dans le secteur des technologies propres. C'est ce que nous avons pu constater. Nous voyons aussi plus d'entreprises de ce secteur s'introduire en bourse au TSX, alors elles gardent leur indépendance, les transactions s'effectuant sur le marché boursier canadien. Je crois que 30 ou 40 p. 100 des entreprises du secteur des technologies propres inscrites au TSX sont des entreprises financées par TDDC. C'est un mécanisme de financement accessible qui leur permet de rester au Canada et de demeurer indépendantes.
Les résultats sont très positifs, en ce sens que les entreprises ont permis aux actionnaires canadiens et au gouvernement fédéral de profiter des retombées économiques du financement de TDDC. Évidemment, les retombées environnementales profitent à toute la planète, alors elles continueront à s'accumuler peu importe si la commercialisation se fait par une entreprise indépendante dont les biens et les employés demeurent au Canada, ou si une société étrangère en achète les droits pour la mettre en marché.
Bien sûr, les actionnaires profitent des fusions et des acquisitions; c'est un volet important du cycle commercial. Si les investisseurs et les promoteurs n'ont jamais la possibilité de toucher le rendement de leurs investissements, ils ne pourront pas lancer de nouvelle entreprise pour reprendre le processus du début.
Merci à vous tous pour vos présentations de ce matin. J'ai plusieurs questions à vous poser à ce sujet. Je pense que nous avons pu attraper d'importants renseignements.
Je vais commencer en demandant à tout le groupe de répondre par oui ou non à la question suivante. Bien sûr, M. Carmichael et d'autres ont mentionné qu'il était extrêmement important de garder nos entreprises et le travail qui se fait au Canada, mais nous avons appris récemment qu'on allait modifier le seuil pour déclencher un examen en vertu de la Loi sur Investissement Canada. Auparavant, on déclenchait un examen pour les entreprises d'une valeur de 300 millions de dollars ou plus. Ce seuil a été augmenté à 1 milliard de dollars.
Une voix: Sur quatre ans.
M. Dan Harris: Oui, sur quatre ans, mais c'est une augmentation.
L'un d'entre vous peut me dire si cela permettra de garder les entreprises au Canada? Répondez seulement par oui ou non.
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Merci de la question. Je suis content d'en reparler.
Je dois simplement présenter deux ou trois points. Tout d'abord, nous sommes excellents et prolifiques pour ce qui est de créer des petites entreprises, au Canada. Lorsque j'étais investisseur en capital risque à la fin des années 1990, mes recherches montraient qu'il y avait plus de jeunes entreprises de technologie dans le Grand Toronto qu'à Boston et à Austin, au Texas, réunies, deux très importants pôles technologiques aux États-Unis, en plus de la Californie. Ce n'est donc pas un problème au Canada.
Il y a deux problèmes. Certaines entreprises qui n'offrent pas un bon rendement doivent cesser leurs activités. Ça fait tout simplement partie du cycle. Ces entreprises devraient fermer sans délai, parce qu'elles n'ont pas une technologie gagnante pour le marché mondial.
Par ailleurs, nous n'investissons pas assez dans les compagnies qui remportent du succès. C'est en partie pourquoi ces compagnies sont achetées trop tôt. Nous ne leur accordons pas assez d'argent pour qu'une offre importante soit bel et bien profitable aux actionnaires et à l'économie canadienne ou pour qu'elles continuent longtemps de façon ouverte et indépendante.
Il faut donc tenir compte de deux ou trois aspects de la question.
Je suis d'accord pour dire que le regroupement d'entreprises par des intérêts étrangers ou canadiens est profitable et tout à fait nécessaire. Mais une vente qui survient trop tôt n'est pas avantageuse.
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Veuillez m'excuser. Je suis content que vous complétiez mes propos.
[Français]
Monsieur Fortin, j'aimerais bien vous poser des questions sur MDA et RADARSAT, mais, malheureusement, mon temps de parole achève.
[Traduction]
Monsieur le président, je crois qu'il est temps de reparler de RADARSAT et d'inviter les représentants de MacDonald, de Dettwiler et d'Industrie Canada pour savoir quels sont les problèmes et pourquoi le programme semble figé dans le temps.
Le gouvernement et le secrétaire parlementaire nous ont répété ici à maintes reprises qu'ils prendraient des mesures. La discussion a débuté il y a près d'un mois, mais l'industrie ou le gouvernement n'a toujours pas annoncé le financement du programme.
Concernant Investissement Canada et notre étude, la propriété intellectuelle de cette entreprise canadienne est très importante. Nous pensons que l'inaction du gouvernement met présentement en péril la santé et le bien-être futur de cet actif de haute technologie stratégique, dont la vente à une entreprise américaine a été bloquée pour protéger nos intérêts.
Je suis désolé pour les témoins de rouvrir le débat, mais nous pouvons avoir une influence sur la question. Le gouvernement n'a pas encore dit s'il acceptait d'inviter les représentants de MDA et d'Industrie Canada ainsi que, merci à M. Regan, le ministre de l'Industrie pour qu'ils expliquent les retards ou pour établir un échéancier afin de savoir quelles mesures nous pouvons prendre pour aller de l'avant dans ce programme.