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Bonjour, tout le monde.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes reprend son étude sur la fraude fiscale et le recours aux paradis fiscaux.
Je veux souhaiter la bienvenue à nos invités d'aujourd'hui. D'abord, par vidéoconférence de Washington, nous accueillons M. Thomas Cardamone, directeur exécutif de l'organisation Global Financial Integrity. Bienvenue.
Aussi par vidéoconférence, mais de New York cette fois, nous accueillons M. H. David Rosenbloom, de Caplin & Drysdale. M. Rosenbloom est aussi directeur du programme d'impôt international à la faculté de droit de l'Université de New York. Bienvenue.
Ici, à Ottawa, nous recevons M. Peter Gillespie, directeur de projet pour Halifax Initiative. Bienvenue à vous.
Comme le savent sans doute nos invités en vidéoconférence, ici, à Ottawa, tous les membres titulaires du comité des finances de la Chambre des communes sont présents. Le président, , a demandé à être excusé aujourd'hui pour participer à une activité tenue à l'extérieur de la ville. Il m'a donc demandé de présider la séance, et j'ai accepté. Je m'appelle Peggy Nash et je suis la vice-présidente du comité des finances.
Je vais aussi devoir m'absenter au courant de la séance, et M. Rajotte a demandé à M. Van Kesteren de prendre la relève. Je comprends qu'il a également accepté de le faire.
Pendant cette réunion de deux heures, nous allons d'abord laisser la parole à nos invités. Ils disposeront chacun de cinq à sept minutes pour nous faire part de leur déclaration liminaire; nous passerons ensuite à la séance de questions et réponses. Les membres du comité auront un temps d'intervention de cinq minutes chacun.
Sur ce, nous allons commencer avec M. Cardamone, à Washington...
Oui, monsieur Caron.
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Bonjour. Merci de m'avoir invité à témoigner devant le Comité des finances aujourd'hui.
Je m'appelle Tom Cardamone et je suis le directeur exécutif de Global Financial Integrity, un forum de recherche et de défense situé à Washington et qui fait la promotion de politiques visant à freiner les mouvements transfrontaliers de capitaux illicites, notamment dans les économies en développement.
C'est de la question des capitaux illicites et des mécanismes du système financier mondial qui facilitent leur circulation dont j'aimerais vous parler brièvement ce matin.
Malgré les milliards de dollars versés en aide aux économies en développement, rares sont les pays en développement qui réussissent à prendre suffisamment d'expansion pour ne plus avoir besoin de cette aide. Ce n'est pas que l'aide étrangère soit intrinsèquement inefficace, le problème réside plutôt dans les flux financiers illicites.
Selon nos recherches, de 2001 à 2010, les flux financiers illicites ont coûté près de 6 trillions de dollars aux pays en développement du monde entier, et il s'agit là d'une estimation prudente. Cela signifie que pour chaque dollar que reçoivent les nations défavorisées en aide étrangère, elles en perdent huit en mouvements illicites.
C'est une question qui concerne particulièrement le Canada, vu son engagement à long terme envers la réduction de la pauvreté à l'échelle mondiale. Par l'entremise de l'ACDI, le Canada verse des milliards de dollars chaque année aux pays en développement, mais son aide est amputée par la quantité de capitaux illégaux détournés des pays bénéficiaires.
Par exemple, en 2010 et 2011, le Canada a accordé une aide d'environ 34 millions de dollars à l'Indonésie. D'après notre dernier rapport sur les flux financiers illicites des pays en développement, les mouvements de capitaux illicites ont fait perdre à l'Indonésie en moyenne 11 milliards de dollars par année de 2001 à 2010.
Si cet argent était resté en Indonésie, d'innombrables projets d'infrastructure, de réduction de la pauvreté et de bien-être social auraient pu être menés à bien, et les besoins futurs en aide étrangère auraient été moindres.
Comment est-ce que cela se produit? Dans les pays en développement, où la gouvernance n'est pas nécessairement très solide, les stratagèmes commerciaux de blanchiment d'argent, l'évasion fiscale, les transactions clandestines, les mouvements d'argent en vrac, la contrebande et la corruption sont au nombre des mécanismes utilisés pour faciliter l'évasion de capitaux. Les économies souterraines des pays en développement font généralement en sorte d'affaiblir les structures de gouvernance, pour elles gagner en force.
Plus les activités illégales de ce genre se multiplient, plus les gouvernements ont du mal à générer des revenus pour financer les services essentiels de base et les importants investissements publics, comme les écoles, les hôpitaux et les routes.
Les mouvements de capitaux illicites des pays en développement sont activement facilités par les paradis fiscaux, dont les principes en matière de secret bancaire profitent également aux criminels, aux fraudeurs fiscaux et aux fonctionnaires corrompus. Cela peut se présenter sous forme de coquilles vides et de fiducies anonymes, de lois protégeant le secret bancaire, et d'établissements qui acceptent toutes sortes de transactions sans poser de question.
Une autre forme importante de mouvements illicites est celle de la fixation abusive des prix de facturation interne, stratégie employée par les multinationales pour éviter de payer de l'impôt. Les multinationales se servent de cela pour transférer leurs revenus à l'étranger, de façon à accroître les profits déclarés dans les pays à faibles taux d'imposition, et à réduire les profits déclarés dans les pays où les taux d'imposition sont plus élevés, là où elles ont réellement gagné cet argent.
Selon un rapport publié en novembre 2012 par l'OCDE:
Bien que ces stratégies de planification fiscale d'entreprise soient techniquement légales et qu'elles s'appuient sur une interaction judicieusement planifiée de toute une gamme de règles et de principes fiscaux, ce type de planification a globalement pour effet d'éroder l'assiette fiscale des sociétés de bon nombre de pays par des moyens qui ne sont pas prévus par les politiques intérieures.
Comme première étape pour résoudre ce problème, Global Financial Integrity suggère d'imposer le dépôt de relevés financiers pays par pays, détaillant les ventes, les profits, les impôts, le nombre d'employés et les coûts pour toutes les multinationales. Des relevés financiers ainsi subdivisés mettraient en lumière les profits exorbitants que les multinationales prétendent faire dans les paradis fiscaux. Les multinationales gardent des trillions de dollars dans les paradis fiscaux pour éviter de payer plus d'impôt dans leur pays d'attache. Les pertes de revenus fiscaux nuisent aux pays développés comme aux pays en développement.
Afin de lutter contre la corruption dans les programmes internationaux d'aide et d'investissement, et finalement réduire les sommes versées en aide, le Canada peut prendre certaines mesures.
La Foreign Account Tax Compliance Act des États-Unis, ou la FATCA, exige des banques qu'elles trouvent les titulaires de comptes américains et qu'elles divulguent leurs soldes, leurs relevés de transaction et leurs retraits au Internal Revenue Service des États-Unis ou elles seront assujetties à une retenue d'impôt de 30 p. 100 sur le revenu des actifs financiers américains détenus par les banques.
Le Canada pourrait mettre en oeuvre sa propre version de la FATCA, et exercer des pressions sur les banques des paradis fiscaux pour qu'elles communiquent automatiquement des renseignements fiscaux aux autorités canadiennes, afin de prévenir la fraude fiscale transfrontière par les particuliers. Un système d'échange automatique de renseignements fiscaux entre le Canada et les États-Unis existe depuis des années, et il fonctionne très bien.
Pour lutter contre les coquilles vides anonymes — un autre outil qui sert à dissimuler et à blanchir des capitaux —, le gouvernement devrait obliger toutes les sociétés ou les fiducies créées au Canada à fournir une grande quantité de renseignements sur la propriété effective au sujet des véritables propriétaires de l'entité.
De plus, le Canada devrait défendre, au sein du G8 et du G20, la mise en oeuvre d'une norme internationale rigoureuse en matière de propriété effective. Pour aider immédiatement les pays en développement, le Canada devrait aussi envisager de fournir de l'aide fiscale technique aux pays qu'il soutient. Cela contribuerait à former les autorités locales et à acheminer l'aide plus efficacement.
Au bout du compte, nous devons nous demander pourquoi un si grand nombre de pays ont toujours besoin d'aide extérieure 50 ou 60 ans après avoir obtenu l'indépendance — et 50 ou 60 ans après la création du FMI et de la Banque mondiale. Les défis en matière de développement ne devraient-ils pas avoir été résolus depuis ce temps? Il y a manifestement quelque chose qui ne tourne pas rond.
Les pays développés comme le Canada devraient fournir aux pays en développement les outils nécessaires pour stimuler leur économie. Toutefois, cela n'est pas possible à moins qu'on fasse preuve, au sein du G8, du G20 et de l'OCDE, du leadership nécessaire pour s'attaquer au problème des politiques nuisibles qui favorisent l'opacité dans le système financier mondial.
Tant que le système financier mondial ne sera pas plus transparent, on continuera de siphonner de l'argent illicite des économies des pays en développement à coup de centaines de milliards de dollars.
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J'aimerais vous remercier de m'avoir invité à livrer cet exposé.
Je m'appelle H. David Rosenbloom et je suis avocat-fiscaliste et professeur de droit fiscal à la faculté de droit de l'Université de New York.
Depuis près de 40 ans, je me spécialise dans l'impôt international ou transfrontalier. Je dirige le programme d'impôt international de la faculté de droit de l'Université de New York, et dans les années 1970, j'occupais le poste de conseiller juridique en fiscalité internationale au département du Trésor des États-Unis. À ce titre, j'ai été négociateur en chef de la convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis.
Un de mes collègues, Scott Michel, a comparu devant le comité il y a environ un an au sujet des comptes bancaires étrangers non déclarés. Ce sujet est un peu différent de la question abordée aujourd'hui, car il est à la fois plus précis et plus général. La question de la fraude fiscale et du recours aux paradis fiscaux est plus générale que celle des comptes bancaires étrangers. Par contre, le sujet des comptes bancaires étrangers ne se limite pas aux paradis fiscaux.
Je prends donc cela au pied de la lettre. Je ne sais pas vraiment ce qui vous intéresse; j'ai donc préparé un bref exposé sur les paradis fiscaux. Je présenterai cinq observations sur les paradis fiscaux et la fraude fiscale. Si vous le souhaitez, j'expliquerai en détail ces observations.
Tout d'abord, le lien entre les paradis fiscaux et la fraude fiscale est assez évident. Comme je l'ai dit dans mon mémoire écrit, personne ne détourne des revenus vers le Japon. L'argent est plutôt transféré de pays qui ont des normes élevées en matière d'impôt vers des pays qui ont des normes peu élevées ou qui n'ont pas de loi en matière d'impôt. Je pense que le lien se fait tout naturellement.
Deuxièmement, à mon avis, les réponses des pays développés envers l'utilisation des paradis fiscaux pour la fraude fiscale sont assez pitoyables; soit on ne fait rien du tout, soit on aide ceux qui s'adonnent à la fraude fiscale. À mon avis, l'impôt n'est pas un jeu, et je pense que la plupart des gouvernements des pays développés n'ont pas respecté leur obligation envers les citoyens dans leurs réponses au problème des paradis fiscaux et du rôle que ces derniers jouent dans la fraude fiscale.
Troisièmement, la tâche la plus difficile lorsqu'on examine les paradis fiscaux, c'est de savoir de qui on parle exactement. Nous savons tous que certains pays sont peu ou pas imposés et que d'autres cherchent activement à attirer des investissements provenant de pays fortement imposés. Cependant, certains pays — l'Irlande, Singapour, le Luxembourg — sont des paradis fiscaux dans un sens, mais ils ont aussi une véritable activité économique. Il y a aussi de nombreux pays qui accordent des avantages particuliers aux étrangers afin de les convaincre d'investir dans un pays tiers par leur intermédiaire. Pensons à la Suisse, aux Pays-Bas et, dans certaines circonstances, aux États-Unis.
Quatrièmement, je pense qu'il est vain pour un pays développé ayant un régime d'imposition raisonnable de prétendre que les autres pays sont sur le même pied que lui. En effet, il y a une différence entre l'Allemagne et les îles Caïmans. Les paradis fiscaux doivent être traités de manière distincte dans le régime d'imposition du pays et dans l'examen des pays avec lesquels conclure des conventions fiscales.
Enfin, je pense qu'il faut procéder à un examen systématique des règles applicables aux activités transfrontalières, en s'attardant aux règles particulières et en établissant une stratégie spéciale pour les paradis fiscaux. Qu'il s'agisse d'une liste blanche, d'une liste noire ou d'autre chose, ce qu'il faut, systématiquement, tant en droit interne que dans les traités, c'est de désigner les paradis fiscaux.
Aucun pays ne devrait dicter à un autre son régime d'imposition ou son mode de fonctionnement. Je ne prétends pas qu'un pays qui souhaite maintenir un faible taux d'imposition doit changer sa politique ou qu'un autre pays devrait lui dire de la changer.
Toutefois, je crois que chaque pays a le droit, le devoir en fait, de protéger son assiette fiscale par des règles qui correspondent à sa réalité et non pas à une quelconque vision imaginaire ou idéologique. Les paradis fiscaux existent; il faut en tenir compte.
Enfin, n'étant pas Canadien, même si je connais un peu le système fiscal canadien, je ne suis pas du tout un spécialiste dans ce domaine. Mes commentaires sont d'ordre général, et ils sont bien sûr grandement influencés par mes antécédents en matière d'impôt américain.
Je vous remercie et je suis prêt à répondre à vos questions.
À titre d'information, l'Initiative Halifax, l'organisme auquel j'appartiens, est une coalition d'ONG canadiennes, de groupes d'ouvriers et de groupes confessionnels. Nous nous intéressons aux questions économiques à l'échelle internationale.
Je ne suis pas avocat-fiscaliste. J'ai passé les 30 dernières années à travailler avec des organismes anti-pauvreté en Asie et en Afrique, et mes commentaires seront donc en grande partie axés sur le rôle des paradis fiscaux qui favorisent les pertes fiscales chez les pays en développement. Tom a déjà certainement abordé la question.
Je vais aussi commenter le rôle que le Canada peut jouer pour encourager la transparence dans les finances internationales.
Comme l'a dit Tom, mon collègue, les paradis fiscaux sont essentiellement des pays qui pratiquent le secret bancaire, et qui permettent ainsi aux gens ou aux entités de se soustraire aux lois, aux règlements et aux règles en vigueur dans d'autres pays.
Certains d'entre vous ont rencontré James Henry lorsque mon organisme l'a fait venir à Ottawa en novembre dernier. M. Henry a mené des recherches importantes sur la quantité de fortunes personnelles qui est passée par les paradis fiscaux étrangers. Selon cette étude, on estime que de 21 à 32 billions de dollars issus des fortunes personnelles des particuliers de 139 pays à revenu faible ou intermédiaire ont été transférés, exempts d'impôt, dans plus de 80 paradis fiscaux. Cela représente des pertes fiscales de près de 200 milliards de dollars par année pour ces pays.
Des collègues de l'Université du Massachusetts ont découvert que 700 milliards de dollars sont sortis de 33 pays africains subsahariens entre 1970 et 2008. Cela signifie que l'Afrique subsaharienne est créancière nette du reste du monde, car ses actifs étrangers dépassent ses dettes extérieures, qui s'élèvent à environ 175 milliards de dollars. Une grande partie de ces actifs sont entre les mains de particuliers.
En 2007, des particuliers fortunés de l'Afrique détenaient des actifs étrangers d'une valeur de un billion de dollars. Comme mes collègues l'ont dit, les paradis fiscaux fournissent aussi aux sociétés multinationales l'occasion de réduire ou d'éliminer leurs obligations en matière d'impôt. En effet, en créant des filiales dans les paradis fiscaux, ces sociétés peuvent transférer leurs profits réalisés dans des pays lourdement imposés dans un pays qui l'est moins. Une étude récente menée par Christian Aid a calculé qu'entre 2005 et 2007, la manipulation des prix de transfert a fait sortir 8,5 milliards de dollars des 49 pays les plus pauvres du monde, entraînant des pertes fiscales de 2,6 milliards de dollars pendant cette période de trois ans.
Un de mes collègues africains a demandé, au cours d'une conférence à laquelle il a participé cette semaine en Afrique du Sud, comment une société qui compte 3 000 employés au Malawi et 3 employés aux îles Caïmans pouvait déclarer que 70 p. 100 de ses profits étaient réalisés aux îles Caïmans.
Le sous-ministre des Finances de la Zambie a déclaré le mois dernier que la plupart des sociétés minières internationales qui exerçaient leurs activités en Zambie avaient déclaré qu'elles n'étaient pas rentables, ce qui fait en sorte qu'elles ne paient pas d'impôt sur le revenu des sociétés. Il estime que son pays perd 2 milliards de dollars par année en raison du transfert des bénéfices. Selon lui, cet argent pourrait servir à construire un grand nombre d'hôpitaux et d'écoles.
Cette réalité a des conséquences désastreuses dans les pays pauvres. Cela réduit leur capacité de financer des services publics essentiels et contribue à la hausse du taux de mortalité infantile — on a mené des recherches à ce sujet — et cela nuit à l'aide au développement que fournissent des pays comme le Canada.
Nous avons donc quatre propositions; Tom a déjà fait allusion à certaines d'entre elles.
Tout d'abord, nous croyons qu'il est nécessaire d'établir un cadre multilatéral en matière d'échange automatique de renseignements fiscaux qui obligerait tous les gouvernements à recueillir des données auprès des institutions financières sur les revenus versés aux non-résidents, aux sociétés et aux fiducies.
Deuxièmement, nous devons mettre fin aux dispositions relatives au secret bancaire qui permettent aux particuliers et aux sociétés de rester anonymes. La propriété effective, le contrôle et les comptes des sociétés, des fiducies et des fondations devraient être rendus publics.
Troisièmement, nous croyons — et Tom en a parlé — que les sociétés internationales devraient être tenues de déclarer toutes leurs opérations financières: les ventes, les achats, les coûts en main-d'oeuvre, les frais de financement, l'impôt et la valeur des actifs par pays. Cela limiterait la capacité des sociétés de transférer leurs profits dans des pays à faible taux d'imposition et leurs coûts dans des pays qui sont lourdement imposés. Nous avons fait des demandes à ce sujet au Conseil des normes comptables internationales.
Enfin, nous appuyons les nombreux pays en développement qui ont demandé la transformation du comité des Nations Unies sur les affaires fiscales en une organisation intergouvernementale, une proposition à laquelle le Canada s'est opposé jusqu'ici. La politique fiscale internationale a été dominée par l'OCDE, une association qui regroupe 34 pays riches. Les pays en développement veulent un forum international où leurs besoins et leurs intérêts en matière de fiscalité seront représentés.
Nous croyons que le Canada devrait être un chef de file au sein du G-8, du G-20 et de l'OCDE, en encourageant la transparence en matière de finances et en favorisant le respect des obligations fiscales. Le premier ministre David Cameron a déclaré que l'évitement fiscal pratiqué par les sociétés sera une priorité à l'ordre du jour pendant la présidence britannique du G-8 cette année, et nous espérons que le Canada appuiera cette initiative et offrira sa participation.
Nos propositions sont ambitieuses, mais les enjeux sont considérables. Si ces sorties massives de fonds des pays en développement peuvent être endiguées, cela pourrait améliorer de façon appréciable la vie de millions de gens pauvres.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier M. Cardamone, M. Rosenbloom et M. Gillespie de leurs excellents résumés.
J'ai un grand nombre de questions, et nous avons si peu de temps. J'aimerais commencer par reprendre le dernier point de M. Gillespie, c'est-à-dire la question des dispositions en matière de secret bancaire.
Je présume que votre suggestion était de rendre la propriété effective publique.
J'invite également M. Cardamone et M. Rosenbloom à répondre, s'ils le peuvent.
Où en sommes-nous en ce qui concerne les lois en matière de secret bancaire? Quelles sont les pratiques exemplaires en vigueur ailleurs dans le monde? Existe-t-il des réformes aux États-Unis ou ailleurs qui pourraient nous aider à prendre des mesures concernant le secret bancaire?
Vous pourriez peut-être répondre en premier, monsieur Gillespie.
Je pense qu'on pratique le secret bancaire depuis longtemps à l'égard des renseignements fiscaux, et plusieurs raisons justifient cette pratique. Dans mon pays, tout comme dans un grand nombre d'autres pays, l'administration de l'impôt dépend de la volonté du contribuable de se conformer aux lois, et on pense que si le secret bancaire était constamment violé, cela aurait un effet dissuasif sur le respect des règles.
Il y a environ 10 ans, nous avons cherché à savoir si ce point de vue était valide tant au niveau des sociétés qu'au niveau des particuliers. Je n'en ai pas entendu parler depuis assez longtemps.
À mon avis, il y aurait peut-être intérêt à mener un examen approfondi au niveau des sociétés, et peut-être aussi au niveau des fiducies, en vue d'augmenter la quantité de renseignements rendus publics. Mais je ne suis pas sûr que faire la même chose au niveau des particuliers serait... Même si cela pourrait être souhaitable, je pense qu'il y aurait plus d'effets néfastes.
Je pense donc qu'il faut être prudent, car l'existence du secret bancaire se justifie. Cette pratique n'a pas été adoptée sans raison. Il y a des raisons en matière d'administration fiscale qui justifient la pratique du secret bancaire en général, mais je pense qu'on les invoque probablement plus souvent qu'il est nécessaire.
Il semble que la discussion ne porte pas sur la diffusion publique des dossiers d'impôt, mais plutôt sur la transparence publique en matière de propriété des sociétés et des fiducies. C'est important.
On cherche à savoir s'il existe des pratiques exemplaires. Je ne sais pas où l'on peut les trouver, mais elles ne sont certainement pas aux États-Unis. En effet, on a estimé qu'on ne connaissait pas les propriétaires de presque 2 millions de sociétés aux États-Unis. Ce sont probablement des PME. Ce ne sont certainement pas des sociétés multinationales, évidemment, mais des petites et moyennes entreprises, et lorsqu'elles sont constituées en personne morale, elles le sont par l'entremise d'une agence qui sert d'intermédiaire entre les propriétaires et le public. Personne ne sait qui sont les propriétaires. L'État ne le sait pas plus, et c'est un problème.
Viktor Bout est un trafiquant d'armes tristement célèbre qui vient d'être poursuivi en justice aux États-Unis l'année dernière. Il était propriétaire de plus d'une douzaine de coquilles vides aux États-Unis, en Floride et au Texas, qu'il utilisait pour blanchir les profits issus de la vente d'armes un peu partout dans le monde. Il s'agit seulement d'un des nombreux exemples que je pourrais vous donner sur les effets néfastes du secret dans... [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Nous ne parlons même pas d'impôt; nous cherchons seulement à savoir qui est propriétaire de la société. Je crois que c'est la question sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui.
M. Murray Rankin: Merci.
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Merci, madame la vice-présidente.
Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Je suis ravi de vous voir ce matin.
Il y a tellement de sujets à aborder. Par où commencer et comment se concentrer sur un seul aspect en matière de fraude fiscale ou de paradis fiscaux?
Je pense que je vais parler de l'établissement des prix de cession interne. Comment nous conseillez-vous d'aborder la question?
Sur le plan de l'établissement des prix de cession interne, bien des raisons motivent le mécanisme de fixation des prix d'une entreprise pour différents produits dans divers pays. On ne peut plus supposer que sa décision repose sur le coût de fabrication. En fait, la société évalue le marché d'une région donnée, comme les États-Unis, avant de fixer ses prix en fonction de la concurrence. Elle peut ensuite décider de vendre le même produit au Brésil à un prix différent en raison de la concurrence locale, encore une fois.
Sur quoi devrions-nous nous attarder concernant des mécanismes tels que l'établissement des prix de cession interne?
Je vais commencer avec vous, monsieur Cardamone.
Monsieur Rosenbloom, j'aimerais aussi savoir ce que vous en pensez.
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En effet, je connais bien le mécanisme d'établissement des prix de cession interne. J'ai donné des cours complets sur cette matière pendant des années. Je ne le fais plus, mais j'ai moi-même beaucoup de travail afférent à l'établissement des prix de cession interne.
Permettez-moi d'abord de vous expliquer de quoi il s'agit. L'établissement des prix de cession interne correspond à la tarification en vigueur entre des entités contrôlées par des capitaux communs. Ce concept existe parce que les forces du marché n'influencent pas les transactions entre des personnes ou des établissements apparentés. Puisqu'on ne peut pas compter sur le fait qu'une personne veuille tirer le maximum et que l'autre veuille payer le moins possible, vu que les deux parties relèvent du même pouvoir économique, les prix pourraient être manipulés aux fins d'impôts. C'est pour cette raison que le mécanisme d'établissement des prix de cession interne existe.
L'établissement des prix de cession interne est une arme à deux tranchants. En droit fiscal, il s'agit d'un processus de vérification et de redressement. Nous allons vérifier les prix, puis les ajustons s'ils ne sont pas acceptables.
Je pense qu'on réalise de plus en plus, aux États-Unis du moins, que le problème fondamental à ce chapitre, c'est que le monde a commencé à utiliser depuis longtemps — sous l'initiative des États-Unis — une méthode basée sur des conditions normales de concurrence. Afin de déterminer le prix de cession interne qui convient, tant dans le cadre de la vérification que de la rectification, nous nous demandons quel prix ces personnes apparentées auraient exigé si elles n'avaient pas été liées. Voilà en quoi consiste la méthode. Quel aurait été le prix dans des conditions normales de concurrence?
Or, ce n'est probablement pas la bonne question à se poser. Il faudrait plutôt opter pour une méthode plus facile à appliquer, qui ne repose pas tant sur les faits et qui ne demande pas pratiquement un doctorat en économie pour l'appliquer correctement. Ce qu'il faut, c'est une méthode simple et à peu près juste.
Cette explication est très sommaire, et je pourrais en dire long sur le sujet.
Bien franchement, je pense qu'un des problèmes, c'est que les États-Unis ont montré la voie de la fixation des prix basée sur des conditions normales de concurrence, puis que l'OCDE s'est mise à l'appliquer religieusement; elle croit que c'est le plus merveilleux outil qui soit.
Je pense que le monde fait tranquillement marche arrière et commence à adopter une approche plus structurée concernant l'établissement des prix entre des parties apparentées. Il ne faut pas aller trop loin, mais je crois que ce domaine évolue, et pour le mieux. En revanche, il me semble que tout le monde devrait repenser cette méthode employée depuis probablement plus de 50 ans. Merci.
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Je félicite les leaders politiques pour les gestes qu'ils posent dans le secteur fiscal. Les taxes sont un élément important. La démocratie est impossible sans un régime fiscal fonctionnel. Donc, j’appuie les efforts des pays du G8 et du G20.
Cependant, il s’agit d’un secteur très technique. Si je pouvais recommander une chose au comité en matière de fraude fiscale et de paradis fiscaux, ce serait de faire bien attention à ce que vous dites. Au cours des dernières minutes, nous avons abordé plusieurs sujets différents. Je crois que les pays développés pourraient renforcer leurs règles concernant les paradis fiscaux et ainsi protéger leur assiette fiscale. C’est ce que je voulais dire dans ma déclaration.
Les lois canadiennes ne me sont pas très familières, mais je sais qu’en adoptant quelques mesures très simples, les États-Unis pourraient protéger leur assiette fiscale contre les conséquences des paradis fiscaux, mais il y a une certaine résistance à cet égard, probablement pour des raisons politiques. C’est très différent — je dis bien, très différent — de ce que l’on peut faire pour protéger l’assiette fiscale de la Tanzanie ou la Zambie. C’est totalement différent et la situation avec ces deux pays est probablement différente sur le plan des échanges de renseignements fiscaux.
Tous ces dossiers sont importants, mais, à mon avis, aucun ne sera réglé simplement en les soumettant à une même approche.
Je voulais simplement faire un bref commentaire sur le rôle que jouent les pays du G8 et du G20 et dire s’il s’agit, selon moi, d’un rôle positif ou non.
Des mesures positives ont été adoptées. Par exemple, le G20 a demandé au Conseil de stabilité financière de mettre sur pied un programme d’identification des entités. Ce programme permettrait aux analystes… [Note de la rédaction: inaudible]… de savoir qui sont les personnes morales.
Les pays du G20 ont également établi un lien entre les activités qui se déroulent… [Note de la rédaction: inaudible]… établissement de paradis dans des pays pauvres. Donc, ils comprennent ce lien et les conséquences négatives des paradis fiscaux sur le développement.
Ce sont deux… [Note de la rédaction: inaudible]… qu’ils ont fait de bien. S’ils s’attaquaient maintenant à la question des présentations par pays et à celle des échanges automatiques de renseignements fiscaux, je crois que ce serait un... [Note de la rédaction inaudible]… vers l’atteinte de l’objectif, soit un système financier mondial transparent.
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Je vais d’abord m'attarder à votre deuxième question, car je crois pouvoir y répondre assez facilement.
Prenons deux entités, A et B, qui font partie de la même entreprise. L’entité A fournit un avantage à l'entité B, que ce soit un bien, un service, un prêt, peu importe, pour lequel B la paie. Dans le cadre d’une approche sans lien de dépendance, pour savoir si le prix de transfert, soit le montant que B a versé à A, est adéquat, il faut poser la question suivante: « Combien B aurait-elle versé à A si les deux entités ne faisaient pas partie de la même entreprise? » Ça, c’est l’approche sans lien de dépendance.
Cette approche dépend beaucoup des faits, ce qui est problématique, notamment lorsque l'avantage comporte un élément intangible. Prenons l’exemple de Toyota, au Japon, qui vend des véhicules à un distributeur, au Canada. La marque Toyota vaut beaucoup d’argent, mais vous trouverez très peu de renseignements sur la valeur du prix de transfert dans le cadre d’une approche sans lien de dépendance. Vous êtes dans l’inconnu. Il faut vraiment faire une réflexion sophistiquée pour déterminer si le prix que paie le distributeur pour les véhicules de Toyota est adéquat, car une grande partie du prix s’appuie sur la valeur de la marque de commerce.
L’approche sans lien de dépendance mène à un fouillis factuel dans lequel les pays du monde tentent tant bien que mal de manoeuvrer.
Dans le cadre d’une approche normative simple — plusieurs prônent l’adoption d’une telle approche, mais je ne suis pas nécessairement d’accord avec eux —, on ne tient pas compte du prix de vente entre Toyota et le distributeur au Canada. On s’attarde plutôt aux profits réalisés depuis la fabrication du véhicule jusqu’à sa vente sur le marché. Donc, on exclut la transaction intersociétée. On divise, à l’aide d’une formule précise, les profits réalisés par la vente du véhicule. C’est ce que font certains États américains. Par exemple, la Californie divise les actifs de la société, sa masse salariale et ses ventes en Californie par ses actifs, sa masse salariale et ses ventes à l’échelle mondiale.
Je ne veux pas exagérer à quel point c'est une bonne formule, car elle présente certains problèmes. Mais c’est sans doute une façon beaucoup plus simple de procéder que de se demander combien le distributeur aurait payé pour les véhicules s’il n’avait eu aucun lien avec le fabricant. L’approche sans lien de dépendance entraîne uniquement des disputes sans fin sur les faits et il faut vraiment avoir un doctorat en économie pour tout comprendre.
Pour répondre à votre première question — et encore une fois, je ne peux pas parler de la situation du Canada —, les États-Unis doivent adopter des règles leur permettant d’identifier les paradis fiscaux. Je tiens à vous rappeler que le plus difficile, c’est de définir de qui on parle. Je sais qu’il est question des îles Caïmans, des Bahamas et des Bermudes, mais est-il aussi question de l’Irlande et de Singapour? Si c’est le cas, on s’aventure dans un univers politique bien différent.
Peu importe. À mon avis, lorsqu’on aura identifier les pays ciblés, il faudra adopter des règles spéciales. On ne peut pas appliquer les mêmes règles en matière de prix de transfert, quelles qu’elles soient, pour les îles Caïmans et que l'on applique pour la France. C’est insensé. La dynamique est différente s’il s’agit de deux pays développés, mais c’est très différent si un des pays est un paradis fiscal.
Je crois que les pays devraient analyser leurs lois et adopter des règles spéciales qui ciblent les paradis fiscaux, notamment en ce qui a trait au prix de transfert. Les États-Unis pourraient adopter de telles règles, si seulement les dirigeants faisaient preuve d’un peu de créativité — et si, bien entendu, le régime politique américain était fonctionnel.
Merci.
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C’est une question très pertinente. Je dirais que la plupart des sociétés cotées à la bourse ne se livrent pas à des activités criminelles de nature fiscale. Ce qu’elles font est somme toute légal. Le problème, c’est que les lois actuelles leur permettent d’être plutôt agressives.
À mon avis, le plus gros problème pour les sociétés cotées en bourse, et même certaines sociétés privées, c’est le risque lié à la réputation. Aucune de ces sociétés ne veut voir son nom apparaître dans le Wall Street Journal, croyez-moi.
C’est le plus gros problème en ce moment. J’ajouterais que je suis d’accord avec M. Cardamone: nous devons avoir plus de renseignements sur l’identité des personnes morales. Soit dit en passant, les États-Unis sont parmi les pires à ce chapitre, en partie en raison de notre système fédéral. Notre gouvernement fédéral est limité dans ce qu’il peut faire à ce chapitre, puisque la question des personnes morales relève des États. Mais ça, c’est une autre histoire.
J'aimerais ajouter une chose relativement à deux sujets distincts. Même si l’on a tous les renseignements possibles concernant l’identité des personnes morales, cela ne changera rien au fait que nos lois sont trop clémentes à l’endroit des utilisateurs des paradis fiscaux. Tous ces renseignements n’empêcheront pas les évasions fiscales au sens large, y compris les évitements fiscaux.
Tout compte fait, je ne crois pas qu’il soit question de criminalité, mais bien de tirer le maximum des lois actuelles.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Premièrement, je remercie infiniment tous mes collègues du comité des finances d’examiner cette question.
De plus, je vous remercie, madame McLeod, de nous avoir aidés à présenter cela et aussi des aimables paroles que vous avez prononcées; j’en ai entendu parler.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui.
Je vais commencer par vous, monsieur Gillespie. J’ignore si cela a été abordé plus tôt, mais nous avons présenté le fait que nous avons besoin de savoir de combien d’argent, par exemple, le Canada est privé en raison des paradis fiscaux et de la fraude fiscale. En ce qui concerne les autres pays, les États-Unis, la Suède, le R.-U. et le Mexique étudient en ce moment des chiffres pour tenter de découvrir combien d’argent leur glisse entre les doigts.
Pensez-vous que c’est un renseignement que nous devrions réclamer et, dans l’affirmative, avez-vous une idée du montant d’argent que le Canada perd peut-être, en raison des paradis fiscaux?
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J’ai une suggestion précise à vous faire à laquelle il serait peut-être logique que vous réfléchissiez. Je pense qu’il serait logique que, dans ce domaine — et probablement dans d’autres domaines, mais limitons-nous à celui-ci —, un groupe relativement limité de pays développés se réunisse régulièrement pour discuter de ces questions.
De nombreux pays entrent en concurrence sur le plan fiscal. L’une des raisons pour lesquelles les paradis sont en mesure de subsister est que chaque pays fait l’objet de pressions exercées par ses propres organisations, qui affirment qu’elles subissent des pressions concurrentielles, etc.
Par conséquent, j’estime qu’il serait sensé que des pays — je parle de moins de dix pays, bien que je ne les nomme pas — qui ont des problèmes semblables se réunissent.
Je ne crois pas qu’on peut s’en remettre à l’OCDE à cet égard. L’OCDE est en train d’accroître le nombre de ses membres et, ce faisant, de devenir une organisation qui sert le plus petit dénominateur commun. Pour les mêmes raisons, on ne peut certainement pas s’en remettre à l’ONU.
Par conséquent, dans la mesure où nous parlons de fraude fiscale à l’échelle nationale, je pense qu’une organisation d’une sorte ou d’une autre devrait exister pour les pays développés du monde. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit immense ou coûteuse mais, selon moi, c’est une initiative qui vaudrait la peine d’être entreprise.
Le pire aspect de la FATCA est l’effet qu’elle a eu sur les États-Unis. Elle a essentiellement détourné une grande quantité de ressources pour les consacrer à la rédaction de règlements incroyablement détaillés qui s’appliquent à une activité qui génère très peu de revenus. Je n’ai jamais trouvé logique d’emprunter du personnel affecté à la vérification de l’impôt sur le revenu des sociétés et de leur faire rédiger des règlements destinés au reste de la planète.
J’ai également de grands doutes quant à la façon dont la FATCA interviendra. Nous allons recevoir des tonnes de renseignements de tous les coins de la planète, mais qui exactement les lira? La dernière fois que j’ai vérifié, une seule personne examinait nos rapports sur les comptes bancaires étrangers, dans un entrepôt de Détroit.
Vous savez, je doute que nous continuions indéfiniment de consacrer toutes ces ressources à cette tâche.
Maintenant, je suis certain que vous ne portez pas votre attention sur cela. Je pense que le reste du monde se soucie surtout de l’intrusion qu’elle entraîne dans les processus des autres pays, etc. Je comprends que la FATCA est une très… Elle n’a jamais fait l’objet d’une analyse de rentabilisation. Elle occasionne d’énormes coûts aux institutions financières du monde entier, et elle a eu de nombreuses répercussions négatives sur la politique et les relations étrangères mais, en ce qui me concerne, c’est une mesure législative un peu stupide, ne serait-ce que dans le contexte américain.
Par contre, je tiens à dire — et j’ai tardé à me rallier à cette idée — qu’elle a capté l’attention de la planète comme rien ne l’avait fait auparavant.
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En fait, je pense que la FATCA est en train d'évoluer pour devenir un système intergouvernemental vu qu'elle ne fonctionne pas très bien dans sa forme actuelle. Elle est incroyablement envahissante.
Les États-Unis ont élaboré plusieurs modèles d'arrangements intergouvernementaux et, à l'heure actuelle, ils négocient avec plus de 50 pays. Je crois qu'ils ont probablement déjà négocié avec le Canada. Je n'ai pas suivi ce dossier au jour le jour.
La législation ne l'envisage pas. L'Internal Revenue Service a converti la FATCA en quelque chose qui ressemble plus à un arrangement intergouvernemental, et ses efforts sont louables.
De là à savoir si cela fonctionnerait au plan multilatéral, j'ai des doutes réels. Les exigences de conformité coûtent très cher aux institutions financières. Et si vous devez vous conformer à des lois semblables dans le monde entier, si tous les pays demandent la même chose des banques, je crois que ce serait tout un fardeau.
Par contre, vous pourriez faire valoir que c'est l'une des raisons pour lesquelles FATCA est une piètre mesure législative. Si vous adoptez une loi à laquelle vous ne voulez vraiment pas avoir affaire, cela montre qu'elle contenait des lacunes dès le départ.
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Je pense en fait que la chose la plus positive que vous puissiez faire, comme je l'ai dit tout à l'heure, est de rassembler des pays développés qui partagent les mêmes intérêts.
Certains pays ont des listes noires, d'autres ont des listes blanches. Mais au bout du compte, il faut élaborer des règles qui ciblent les paradis fiscaux — c'est ce que j'entends par quelque chose de simple.
J'ai l'ai dit plus tôt, mais j'aimerais que ce soit bien clair. Nous avons une série de règles en matière de prix de transfert que nous appliquons au monde entier. Alors nous divisons le monde en deux parties: les États-Unis et le reste. À mon sens, c'est ridicule. Cela signifie que, en cas de prix de transfert, nous avons besoin d'avoir la même règle pour un paradis fiscal que pour le Japon. Pour moi, cela n'a aucun sens.
Nous pouvons nous préoccuper beaucoup moins de l'abus des prix de transfert entre le Japon et les États-Unis qu'entre les États-Unis et, disons, les Îles Caïmans.
Lorsque je dis « simple », je pense que nous — et je ne parle pas du Canada, parce que je ne sais pas — nous avons intérêt à jeter un coup d'oeil à notre loi en vue d'y ajouter des règles spéciales pour les paradis fiscaux. Mais au lieu d'un changement aussi important, la meilleure mesure à prendre serait de créer un groupe d'experts techniques des pays qui échangeront leurs pratiques exemplaires. Je crois que cela aurait bien du bon sens.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
Monsieur Rosenbloom, je connais bien votre travail. Lorsque j'étudiais les finances et la comptabilité à l'université, l'un des points auxquels nous nous attachions, surtout en comptabilité fiscale, était, bien entendu, l'évitement fiscal.
L'évitement fiscal légal est, à franchement parler, une pratique courante chez les sociétés et les particuliers. Chaque personne ici présente fait de l'évitement fiscal lorsqu'elle réclame son exemption personnelle de base ou présente un reçu d'impôt pour activités de bienfaisance. Lorsqu'elles inscrivent toutes ces choses dans leur déclaration, elles pratiquent, en fait, l'évitement fiscal.
Les sociétés en font autant. J'ai été ravi de vous entendre dire que la majorité, et je dirais même plus la très grande majorité, des sociétés respectent les lois fiscales. J'ai suivi vos dernières élections avec grand intérêt et j'ai entendu un très grand nombre de commentaires concernant les taux d'imposition des sociétés et les taux d'imposition des particuliers au revenu élevé aux États-Unis, les taux d'imposition du revenu de dividendes, etc.
L'un des exemples que j'ai entendus à maintes reprises est que General Electric, qui est un employeur important dans ma circonscription, a eu un revenu d'environ un milliard de dollars l'an dernier et n'a payé aucun impôt. Je ne crois pas que l'on laissait entendre que cette société avait fait quelque chose d'illégal, mais je pense que cela illustre un code fiscal qui pourrait, et qui franchement devrait, être simplifié.
Comme vous l'avez fait remarquer, nous avons abordé tellement de questions que je ne sais plus bien comment nous allons nous y prendre pour finir par avoir une mesure applicable. Ne serait-il pas préférable de partir du début et de se demander comment on commence, dans les faits, à utiliser un régime fiscal fonctionnel qui nous donnerait les résultats escomptés si les gens se préoccupent de l'évitement fiscal? Le code fiscal des États-Unis est si complexe et comporte tant d'exceptions que cela explique, selon moi, pourquoi vous avez besoin de plus de personnel à l'IRS, car ces règles sont complexes et variées.
Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
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C'est la question la plus difficile de toutes.
Je pense que nous savons tous quels sont les paradis manifestes. Ils vont des îles Cook dans le Pacifique, que nos gens n'utilisent pas beaucoup, aux Caraïbes, où il y a de multiples îles. Il y a beaucoup d'endroits dans le monde où il n'y a pas d'impôt ou un faible taux d'imposition.
Si j'en juge par mon expérience, les sociétés n'utilisent pas beaucoup ces endroits. Une autre distinction qu'il importe de faire, en passant, est entre l'évitement ou l'évasion des particuliers et ceux des sociétés. Il s'agit vraiment de deux sujets distincts.
La plupart des grandes sociétés publiques ne transfèrent pas de vastes quantités de capitaux vers les îles Caïmans, car elles craignent entres autres de ternir leur réputation. Mais si vous voulez vous attaquer sérieusement aux paradis fiscaux, vous devrez au moins vous demander ce que vous allez faire avec l'Irlande, Singapour, Hong Kong et Luxembourg, parce que les multinationales font affaire avec les banques de ces administrations, et beaucoup d'argent des pays développés y est transféré.
Je crois qu'il est bon de commencer par cerner ce dont vous parlez et, encore une fois, je pense qu'il n'est probablement pas judicieux pour un pays d'essayer de le faire lui-même. Je crois vraiment que c'est une question de pratiques exemplaires.
Encore une fois, l'information est toujours très utile.
Je pense très souvent que nous essayons d'en faire trop. Ce serait probablement une bonne idée de nous concentrer sur les paradis fiscaux. Lorsque l'on parle de différentes façons de réussir, il est clair qu'avec la FATCA, vous avez de quoi être consternés.
Cela dit, vous avez aussi mentionné l'importance pour les pays développés d'échanger de l'information régulièrement. Depuis 2004, le Canada, et bien sûr les États-Unis, fait partie du Centre d'information conjoint sur les abris fiscaux internationaux. Je vois que vous le connaissez. Le Royaume-Uni, l'Australie, la France, la Chine, la Corée du sud et l'Allemagne sont sur le point de les rejoindre.
Si j'en juge par vos commentaires, j'en déduis que ce type de groupe de travail est probablement la solution idéale.
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Tout d'abord, à ce que je sache, le principal problème aux États-Unis en ce qui concerne la propriété des entités est probablement le Delaware, qui permet d'être propriétaire d'entreprise au moyen d'actions au porteur. Cette pratique a suscité beaucoup de plaintes.
Un des problèmes que j'ai à cet égard est le fait qu'il faut, selon moi, décider si on parle des particuliers ou des sociétés, car les problèmes sont fort différents. En outre, quand vous citez les principales autorités, comme le Tax Justice Network l'a fait, les problèmes sont ici encore très différents pour les sociétés et les particuliers.
Je suis totalement en faveur de la transparence. Reste à voir si nous pouvons assurer cette transparence aux États-Unis, qui fonctionnent sous régime fédéral. Il existe des limites à ce que le gouvernement fédéral peut exiger des États au chapitre de la constitution en société. Je suis certain qu'il en va de même au Canada, même si je ne suis pas un spécialiste du droit canadien. Je ne crois pas que ce soit si facile.
Je dirai ceci au sujet des États-Unis, puis je rendrai la parole. Les gens oublient souvent que même pour les entités émettant des actions au porteur au Delaware, les États-Unis ne sont pas transparents, mais ces sociétés paient impôts. Croyez-moi, elles en paient. Elles n'échappent pas au régime fiscal américain.
Le gouvernement fédéral a accès à l'information et s'il le voulait, je crois qu'il pourrait débusquer les propriétaires de ces entités. Mais il faut s'astreindre à un processus complexe pour révéler les faits.
Le véritable problème, ce sont les actions au porteur émises par les sociétés dans certains États, principalement le Delaware.