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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 078 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 30 avril 2015

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    La 78e séance du Comité permanent des finances est ouverte. Selon notre ordre du jour, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur le financement du terrorisme au Canada et à l'étranger.
    Chers collègues, nous recevons ce matin deux groupes de témoins. Le premier groupe comparaîtra de 8 h 45 à 10 h 15. Nous accueillons ici même, à Ottawa, les témoins suivants: M. Edwin Black, auteur et historien, comparaît à titre personnel; M. Ron King, premier vice-président, Conformité, Services aux grandes entreprises, représente l'Association des banquiers canadiens; nous accueillons également M. Michael Donovan, vice-président et responsable adjoint de la lutte mondiale contre le blanchiment d'argent, du Groupe Financier Banque TD; M. Samuel Schwisberg, membre de l'exécutif, Droit des organismes de bienfaisance et à but non lucratif, de l'Association du Barreau canadien; et M. Terrance Carter, associé directeur général de la Carters Professional Corporation.
    Je souhaite à tous la bienvenue. Merci de vous être joints à nous. Vous aurez chacun cinq minutes au maximum pour faire une déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des membres. Nous commençons par M. Black.
    Bonjour. Merci beaucoup de m'avoir invité. Je n'ai pas beaucoup de temps, alors j'irai droit au but.
    On m'a demandé quelles étaient les voies les plus importantes du financement du terrorisme en Amérique du Nord, au Canada et ailleurs. Selon la documentation, le bailleur de fonds du terrorisme le plus convaincu et le mieux organisé, tant à l'échelle du globe qu'en Israël, c'est l'Autorité palestinienne. Et quand je parle de l'Autorité palestinienne, j'entends l'ensemble de l'organisation, jusqu'à son président, Mahmoud Abbas. J'ai en ma possession une fraction seulement des 4 000 documents récemment dévoilés par un tribunal de Brooklyn qui a infligé une amende de 680 millions de dollars à l'AP.
    Voici comment cela se passe.
    Lorsqu'un citoyen ordinaire commet un acte de terrorisme en Israël, il devient immédiatement un salarié, et son salaire augmente en fonction du nombre de vies qu'il prend et de l'ampleur des dégâts qu'il cause. Tout cela est bien précisé, selon une échelle graduée, dans une loi publiée qu'on appelle la loi du prisonnier. Le salaire peut être de seulement 500 $ par mois, disons, si le citoyen a écopé d'une peine d'emprisonnement de cinq ans, et peut atteindre 2 000 $ par mois s'il a tué suffisamment de gens pour obtenir une peine d'emprisonnement de 30 ans. En réalité, aucun de ces prisonniers ne croit qu'il purgera toute sa peine d'emprisonnement. Ils pensent tous qu'ils seront libérés.
    Cet argent passe par le ministère des Prisonniers. Ce ministère débourse de 3 à 7 millions de dollars par mois environ. L'argent est versé par le truchement d'une procuration et envoyé à la petite amie du prisonnier, à sa mère, à son club, à son équipe de soccer, il a le choix. Ce programme et des programmes similaires représentent au total 16 % environ du budget de l'Autorité palestinienne. Il existe une organisation analogue, dont la plupart des gens n'ont jamais entendu parler; on l'appelle l'organisme de soutien aux martyrs. Ce groupe a financé à hauteur de centaines de millions de dollars des activités terroristes partout dans le monde, surtout des activités dont l'auteur devient un martyr, c'est-à-dire qu'il est tué ou blessé. Son nom sera inscrit sur la liste des martyrs. Ces détails sont examinés par tout le monde, jusqu'au président, et ces examens se poursuivent pendant des années.
    J'ai ici le dossier d'Ahmed Barghouti, impliqué dans le meurtre d'au moins une douzaine de personnes. Nous voyons qu'il a gravi les échelons du gouvernement chaque année. Je peux transmettre ces documents au comité, si vous le désirez. Il est passé du grade de caporal à celui de sergent, puis à celui d'adjudant. Son salaire a augmenté chaque année. Sa famille a touché des prestations chaque année. La documentation montre que le président lui-même avait examiné son dossier et donné les autorisations nécessaires en conformité avec des conditions strictes. Au sein du gouvernement, il y a d'autres organisations qui contribuent à tout cela, il ne s'agit pas seulement du ministère des Prisonniers; il y a aussi la police, l'organisation responsable des sports, tout le reste. Même s'il y a un manque à gagner, on donne la priorité à ces paiements, qui l'emportent sur toute autre activité liée au bien-être et à la santé.
    J'ai terminé.
(0850)
    Merci, monsieur Black.
    Nous donnons la parole à M. King; allez-y, s'il vous plaît.
    J'aimerais commencer par remercier le comité d'avoir convié l'Association des banquiers canadiens — l'ABC — à comparaître aujourd'hui afin d'apporter son point de vue au dossier du financement du terrorisme au Canada et à l'étranger. L'ABC représente 60 banques membres, soit des banques canadiennes ainsi que des filiales et des succursales de banques étrangères exerçant des activités au Canada, et leurs 280 000 employés.
     Je suis président du Groupe de spécialistes de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes de l'ABC. Notre secteur est conscient du rôle clé qu'il joue dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, tout en veillant à protéger la vie privée des clients respectueux de la loi. Depuis toujours, les banques du Canada collaborent avec le gouvernement fédéral, les forces de l'ordre, les agences de renseignement et le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE, au développement et à la mise en place d'un régime efficace de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. En plus des centaines de millions de dollars que le secteur bancaire dépense annuellement afin de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, tous les membres de l'ABC ont prévu des politiques et des procédures à cet effet, notamment des règles essentielles pour « connaître son client », ainsi que les rapports sur des transactions particulières envoyés au CANAFE et à l'Agence du revenu du Canada, l’ARC. Ces politiques et procédures sont conçues afin de contribuer à la protection des Canadiens ainsi qu'au maintien de la sécurité, de l'efficacité et de la réputation du système financier du pays.
    Nous soumettons quelques recommandations à l'attention du comité, dans l'espoir que ces recommandations pourront considérablement améliorer la capacité des banques du Canada à détecter et à empêcher le financement des activités terroristes et les autres activités criminelles.
    Nous pensons qu'il est important de souligner la différence entre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. Le blanchiment d'argent implique le recyclage du produit des activités criminelles en ce qui pourrait sembler un bien licite. Le financement des activités terroristes signifie l'intention d'utiliser des fonds afin de subventionner des actions à des fins terroristes. Pour les terroristes, qu'elle soit légale ou criminelle, la source du financement n'est absolument pas pertinente. Le financement du terrorisme est souvent fait à travers de petites sommes d'argent, et l'usage de ces sommes peut paraître aussi anodin que le paiement pour un voyage ou pour des frais de subsistance.
    Le régime actuel de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes renferme des dispositions relatives à l'acheminement de renseignements au gouvernement et aux forces de l'ordre. Toutefois, aucune disposition ne traite du partage de renseignements entre institutions financières canadiennes ni d'une communication du CANAFE aux entités qui lui soumettent des rapports. Nous sommes d'avis que le gouvernement devrait permettre, dans ce domaine précis, une plus grande communication et un partage de renseignements élargi. À l'exception des organismes d'enquête régis par la LPRPDE, les lois actuelles limitent la communication de renseignements personnels sans la connaissance ou le consentement du client. Il est ainsi très difficile de restreindre les activités d'un client qui présente un risque élevé de financement du terrorisme. Par exemple, si une institution financière met fin à sa relation avec un client, parce qu'elle le soupçonne de financer des activités terroristes, il n'y a absolument rien qui empêchera ce client d'obtenir les mêmes services auprès d'une autre institution financière. Le régime de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes se retrouvera plus solide si les institutions financières peuvent partager davantage de renseignements entre elles.
    En outre, nous sommes d'avis que la législation canadienne en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme sera renforcée si le CANAFE peut communiquer des renseignements aux banques et aux autres entités qui lui soumettent des rapports. Le CANAFE pourra alors demander aux institutions financières des renseignements additionnels sur des rapports spécifiques et fournir des commentaires sur les rapports déposés. Ainsi, les entités qui soumettent des rapports, telles que les banques, pourront mettre en œuvre une approche plus efficace basée sur le risque pour identifier les clients qui présentent des risques élevés. Cette question a été soulevée dans le rapport de 2013 du Comité sénatorial des banques sur le régime de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
    D'importants avantages seront tirés du fait que tous les participants au régime puissent travailler en étroite collaboration — soit les banques, les autres entités réglementées, les législateurs, les organismes de réglementation et les forces de l'ordre. Si l'occasion et la capacité d'agir rapidement leur sont données, les banques pourront être un grand atout dans les efforts globaux dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.
    À cette fin, nous recommandons le renforcement du régime actuel en vue de permettre un échange de renseignements entre les institutions financières, le CANAFE et les forces de l'ordre au sujet des personnes d'intérêt, notamment la communication en temps réel des activités de financement du terrorisme. Ainsi, les banques canadiennes pourront mieux déceler les plans complexes de blanchiment d'argent et de financement d'activités terroristes.
    Nous sommes d'avis que les fournisseurs de services de paiement et les nouvelles technologies — qui sont non réglementés — doivent être soumis au régime actuel si nous voulons bâtir un cadre réglementaire uniforme qui s'applique à toutes les entités susceptibles d'être vulnérables face au blanchiment d'argent et au financement des activités terroristes. Garder des failles dans le régime ne fera que déplacer le risque vers des organismes qui sont moins outillés pour prévenir, déceler et signaler les opérations douteuses.
(0855)
    En conclusion, nous rappelons l'appui solide du secteur bancaire au régime de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Les banques prennent très au sérieux leur rôle à cet effet tout en maintenant leurs devoirs envers la protection des renseignements personnels des citoyens canadiens.
    Nous sommes ravis de pouvoir coopérer avec le gouvernement et les parlementaires afin de veiller à ce que le système de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes au Canada reste exhaustif et efficace.
    Merci encore une fois d'accorder à l'ABC cette occasion de fournir son point de vue. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous donnons maintenant la parole au représentant de la Banque TD, s'il vous plaît.
    Bonjour, monsieur le président, bonjour aux membres du comité. Merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous ici aujourd'hui pour discuter de ce très important sujet.
    Cela fait quatre ans maintenant que je suis responsable adjoint de la lutte mondiale contre le blanchiment d'argent pour le Groupe Banque TD. Avant de travailler pour TD, j'ai occupé un poste au CANAFE pendant une dizaine d'années environ.
    Je suis d'accord avec les points qu'a soulevés mon collègue, Ron King, en particulier au sujet du fait qu'il faut modifier les politiques de façon à faciliter l'échange d'information entre les institutions financières canadiennes de même qu'entre le CANAFE et les entités qui lui soumettent des rapports.
    La Banque TD est déterminée à exercer sa responsabilité de détecter et d'empêcher le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, et nous croyons que le fait de faciliter l'échange d'information entre les institutions financières du Canada rendrait le système financier canadien plus efficace en permettant de brosser un tableau complet des activités des consommateurs lorsqu'on soupçonne un possible blanchiment d'argent ou financement d'activités terroristes. Nous avons constaté que d'autres administrations ayant examiné le problème ont créé des régimes de lutte contre le blanchiment d'argent qui permettent aux institutions financières de s'échanger des renseignements tout en respectant le droit à la protection des renseignements personnels des particuliers.
    De plus, nous sommes heureux de voir que, dans le Plan d'action économique de 2015, il est prévu d'améliorer l'accès aux services bancaires de base en permettant la présentation d'un plus large éventail de pièces d'identité au moment de l'ouverture d'un compte. La TD est en faveur d'un cadre stratégique qui prévoit le recours à une gamme plus étendue de techniques d'identification des clients pour les services en personne comme pour les services à distance.
    Dans le contexte d'un régime de lutte contre le blanchiment d'argent, l'utilisation par les institutions financières des technologies existantes et des technologies naissantes leur procure de nouvelles techniques d'identification des clients, en particulier des clients avec qui les échanges se font en ligne. Les mots de passe, les questions « hors portefeuille », les vérifications auprès de bureaux de crédit et même les marqueurs des appareils informatiques utilisés fournissent tous des renseignements précieux pour l'identification d'un client. Ils peuvent améliorer nettement les pratiques de diligence raisonnable des clients et permettent de recueillir en toute sécurité de nombreux éléments d'information qui serviront à identifier un client. Ils peuvent également aider à cerner des transactions douteuses qui pourraient être liées au blanchiment d'argent ou au financement des activités terroristes.
    Ces modifications des politiques n'allégeraient pas le fardeau réglementaire ni n'affaibliraient l'environnement de la réglementation. Elles permettraient en fait aux organismes de réglementation — en l'occurrence, le CANAFE et le BSIF — d'examiner et de juger les pratiques de chaque institution et de prendre des décisions fondées sur le risque touchant le programme de lutte contre le blanchiment d'argent et contre le financement des activités terroristes de chacune de ces institutions.
    Nous sommes impatients de connaître les détails des propositions précises que présentera le gouvernement au cours des jours et des semaines à venir.
    Pour conclure, la Banque TD croit que ces changements, accompagnés d'un échange de renseignements accru entre les institutions financières, renforceront de manière appréciable le régime de réglementation canadien visant à prévenir le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes.
    J'ai hâte de participer à la discussion d'aujourd'hui, et je répondrai avec plaisir aux questions des membres du comité. Merci.
(0900)
    Merci beaucoup de votre exposé.
    Nous donnons maintenant la parole à un représentant de l'Association du Barreau canadien, s'il vous plaît.
    Je témoigne aujourd'hui au nom de la Section du droit des organismes de bienfaisance et à but non lucratif de l'Association du Barreau canadien. L'ABC — comme vous le savez tous, je crois — est une association professionnelle qui regroupe quelque 36 000 avocats, notaires, professeurs de droit et étudiants en droit, et sa Section du droit des organismes de bienfaisance et à but non lucratif comprend des avocats canadiens qui conseillent les organismes de bienfaisance et font partie de leurs conseils d'administration.
    De mon côté, je suis également avocat général et secrétaire corporatif de la Société canadienne de la Croix-Rouge. Aujourd'hui, cependant, c'est en tant que représentant de l'Association du Barreau canadien que je comparais.
    Tout d'abord, sachez que mon entretien avec vous aujourd'hui reposera sur une approche « pas très juridique », car je compte brosser un portrait général, sans trop aller dans les détails. Ce dont j'aimerais vous faire part, aujourd'hui, c'est du fait que, en réalité, les organismes de bienfaisance sont un atout dans la lutte contre le terrorisme. On a souvent souligné que les organismes de bienfaisance étaient vulnérables et que les terroristes potentiels pouvaient en abuser, mais je crois qu'il est important de faire valoir que les organismes de bienfaisance sont en fait un atout dans la lutte contre le terrorisme. Vous n'avez pas à me croire ni à croire l'Association du Barreau canadien sur parole; vous pourriez tout simplement prendre connaissance des directives émises en 2013 par le Groupe d'action financière, le GAFI, au sujet des pratiques exemplaires qu'il prône quand il s'agit de lutter contre les abus dont peuvent être la cible les organismes sans but lucratif.
    Dans ces directives, le groupe dit que: « Les organismes sans but lucratif peuvent aussi jouer un rôle important pour ce qui est de prévenir l'enracinement des idéologies radicales et, ainsi, devenir des alliés dans la lutte contre le terrorisme. » De plus, si vous ajoutez à cela le fait que l'un des quatre piliers de la stratégie de lutte contre le terrorisme du Canada est la prévention, il est important de souligner que les organismes de bienfaisance peuvent jouer un rôle important, eux aussi, dans l'élément de la stratégie qui est axé sur la prévention, étant donné qu'ils ont des liens dans la collectivité, tant au Canada qu'à l'étranger.
    Donc, si vous considérez que les organismes de bienfaisance, dans ce contexte, sont un atout, il est instructif d'envisager également le coût des mesures de conformité qu'ils doivent assumer alors qu'en fait, ils essaient de se conformer aux lois du Canada. C'est bien sûr nécessaire, mais les coûts sont importants. L'adoption de systèmes financiers de pointe, la vérification des bénévoles et des donateurs et les conseils juridiques et financiers sont autant de choses qui occasionnent des coûts. Il y a aussi les politiques en matière d'approvisionnement, les politiques sur l'acceptation de cadeaux, les droits relatifs à la vérification et des contrats complexes sur le contrôle des sommes versées à d'autres entités. Il y a la planification de projets, la gouvernance complexe assurée par les conseils d'administration, qui englobe la bonne gouvernance, les règlements administratifs, les politiques et la formation.
    Tout cela coûte beaucoup d'argent aux organismes de bienfaisance, et, quand on pense au fait que le public, au Canada et ailleurs, s'attend à ce que la majeure partie du don aille aux bénéficiaires et à ce que les frais généraux restent peu élevés, on voit un peu à quelle sorte de problème les organismes de bienfaisance font face. De plus, les dons sont possiblement leur seule source de revenus, et les politiques d'investissement doivent être très prudentes. C'est la loi. Un organisme de bienfaisance ne peut pas prendre de risques avec ses actifs, et il ne peut pas vraiment exercer des activités commerciales, parce que l'Agence du revenu du Canada exige que toute activité commerciale soit liée à l'objectif de bienfaisance.
    Alors, où les organismes de bienfaisance vont-ils trouver les fonds dont ils ont besoin pour respecter ces importantes exigences en matière de conformité?
    Le mémoire présenté par l'Association du Barreau canadien comprend un certain nombre de suggestions qu'il soumet à l'examen du comité, entre autres que l'Agence du revenu du Canada fournisse davantage d'information, avant une vérification, pour éviter que des organismes de bienfaisance mal équipés aient des ennuis et qu'ils sachent à quoi ils doivent s'attendre au chapitre des coûts en matière de conformité. L'Association du Barreau canadien suggère également des mesures de recouvrement des coûts et le versement aux organismes de bienfaisance de subventions visant précisément à renforcer la conformité.
    C'était là une partie des suggestions que l'Association du Barreau canadien voulait présenter à votre comité, aujourd'hui, afin de trouver des solutions créatives pour aider les organismes de bienfaisance à remplir leurs obligations juridiques au Canada.
    Voilà essentiellement mon exposé. Merci beaucoup de m'avoir accordé du temps, et je vous remercie également au nom de l'Association du Barreau canadien.
    Merci beaucoup de l'exposé que vous avez présenté au comité.
    Nous allons maintenant écouter M. Carter, s'il vous plaît.
    Bonjour, monsieur le président, bonjour aux membres du comité.
    C'est un privilège pour moi d'avoir été invité à comparaître en tant que témoin pour discuter du financement des activités terroristes. Je vais m'attacher aux pratiques exemplaires que peuvent adopter les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif.
    En guise de présentation, je dirai que je suis associé directeur d'un cabinet d'avocats, et nous travaillons avec des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif du Canada et de l'étranger, et nous avons travaillé avec des milliers d'organismes de bienfaisance, au Canada ou dans des zones de conflit. Dans le cadre de nos activités en tant que conseillers auprès d'organismes de bienfaisance, nous avons dû donner des conseils à des hauts dirigeants et à des conseils d'administration en ce qui concerne les pratiques de diligence raisonnable à adopter pour se conformer aux lois canadiennes portant sur la lutte contre le terrorisme.
    Nous travaillons dans ce domaine depuis plus de 15 ans et nous avons constaté que tous les organismes de bienfaisance, sans exception, veulent se conformer aux lois canadiennes en matière de lutte contre le terrorisme, mais qu'un grand nombre d'entre eux ont du mal à le faire concrètement. De nombreux organismes de bienfaisance adoptent la position que les obligations liées à l’observation des lois antiterroristes ne sont pas utiles pour leurs activités de bienfaisance ou alors, si elles le sont, les mesures qu’ils prennent ne sont peut-être pas aussi robustes qu’elles pourraient l’être, à cause des limites perçues ou réelles de leurs budgets d’exploitation ou de l’ensemble de leurs ressources. Quelques organismes de bienfaisance ont mis en place des politiques exhaustives en matière de diligence raisonnable, mais ils sont généralement l’exception à la règle.
    L'incapacité de la plupart des organismes de bienfaisance actifs sur la scène internationale de s'engager correctement dans les mesures de diligence raisonnable nécessaires pour se conformer aux lois antiterroristes canadiennes est due en grande partie aux lois elles-mêmes et au fait que, de manière générale, le gouvernement canadien ne fournit pas suffisamment d'orientations et de directives qui aideraient les organismes de bienfaisance à se conformer aux lois.
    Premièrement, lorsqu’on explique les lois antiterroristes canadiennes aux membres de la haute direction ou du conseil d’administration d’un organisme de bienfaisance actif à l’étranger, ces derniers trouvent que les lois sont déroutantes, trop larges et difficiles, voire impossibles, à observer concrètement.
     Par exemple, aux termes du paragraphe 83.19(1) du Code criminel, il est interdit de faciliter « sciemment » une activité terroriste. Toutefois, l'intention coupable associée à cette infraction — le fait qu'elle soit commise sciemment — perd pratiquement tout son sens en raison du paragraphe 83.19(2) qui prévoit ceci:
[…] il n’est pas nécessaire pour faciliter une activité terroriste :
a) que l’intéressé sache qu’il se trouve à faciliter une activité terroriste en particulier;

b) qu’une activité terroriste en particulier ait été envisagée au moment où elle est facilitée;

c) qu’une activité terroriste soit effectivement mise à exécution.
    Des dispositions aussi larges font que des moyens historiquement légitimes de fournir de l'aide dans une zone de conflit peuvent entraîner des sanctions criminelles, et c'est un aspect qui préoccupe à juste titre les administrateurs et les membres de la haute direction des organismes de bienfaisance canadiens actifs à l'étranger.
    Deuxièmement, les organismes de bienfaisance actifs sur la scène internationale constatent généralement l’absence de règles ou de lignes directrices claires du gouvernement canadien qui les aideraient à savoir exactement ce qu’ils devraient faire ou ne pas faire pour se conformer aux lois canadiennes contre le terrorisme. À ce sujet, une courte liste de contrôle, comme celle que l'ARC a fournie en 2009 aux organismes de bienfaisance sur les façons d'éviter l'abus à des fins terroristes, qui ne mentionne qu'en passant les lignes directrices internationales, ne fournit pas suffisamment d'information pour que les organismes de bienfaisance nationaux sachent comment mener de manière adéquate des enquêtes de diligence raisonnable aux fins de la conformité dans la pratique.
    Les renvois des lignes directrices internationales, comme les lignes directrices du GAFI ou celles du Trésor américain, ne devraient servir qu'à bonifier des lignes directrices claires sur la diligence raisonnable que les organismes de bienfaisance canadiens doivent respecter plutôt que de brouiller les cartes quant à la cible de la conformité, comme c'est actuellement le cas.
    Pour relever tous ces défis, j'aimerais faire les recommandations suivantes. Premièrement, en ce qui concerne la loi proprement dite, il faudrait modifier les dispositions pertinentes du Code criminel afin d'éliminer l'élément de responsabilité stricte de l'infraction et exiger que la Couronne prouve l'intention criminelle pour qu'une personne soit déclarée coupable d'une telle infraction.
    Deuxièmement, comme l'ont mentionné l'Association du Barreau canadien et d'autres témoins, je recommanderais l'adoption de lignes directrices établies au Canada qui permettraient aux organismes de bienfaisance désirant être conformes de disposer de paramètres clairs sur ce qu'il convient de faire et ne pas faire pour se conformer aux lois canadiennes en matière de lutte contre le terrorisme et pour être en mesure d'évaluer leur rendement à ce chapitre. À ce sujet, il faudrait encourager l'Agence du revenu du Canada à collaborer avec le secteur des organismes sans but lucratif au moment d'élaborer ces lignes directrices.
    C'est un plaisir pour moi de participer aux travaux du Comité permanent des finances; je suis impatient de vous fournir des commentaires supplémentaires.
(0905)
    Merci beaucoup de cet exposé, monsieur Carter.
    Chers collègues, nous allons faire des tours de six minutes, en commençant par M. Cullen, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Commençons par la question des organismes de bienfaisance. Monsieur Schwisberg ou monsieur Carter, savez-vous combien des 170 000 organismes de bienfaisance du Canada figurent actuellement sur la liste des organismes qui financent des activités terroristes tenue par le gouvernement?
    J'aimerais préciser qu'il n'y en a pas 170 000...
    Il y en a 85 000 qui sont enregistrés, et il y a en tout 170 000  organismes sans but lucratif et autres.
    ... 85 000, mais il y a des organismes sans but lucratif.
    Peu importe le nombre, qu'il y ait 85 000 ou 170 000 organismes sans but lucratif, savons-nous combien parmi eux figurent sur la liste d'organismes finançant des activités terroristes tenue par le gouvernement?
    Je n'en connais qu'un seul.
    De manière générale, le secteur caritatif en est un que nous encourageons tous. Je regarde les gens qui sont assis autour de la table, nous avons tous participé à divers événements, nous avons tous fait des dons. Je pense à la récente tragédie qui a frappé le Népal. Nous sommes nombreux à avoir donné généreusement, tout comme nos électeurs l'ont fait.
    Voici ce qui m'ennuie dans la façon dont la loi est décrite, et en particulier dont vous l'avez présentée, monsieur Carter. Je fais des dons à la Croix-Rouge, à Oxfam ou à la Société canadienne pour nourrir les enfants, et les intervenants se rendent sur place à Kandahar pour aider les enfants à aller à l'école. La disposition de la loi que vous avez mise en relief, qui porte sur la culpabilité des membres du conseil d'administration de la Croix-Rouge, d'Oxfam ou d'un autre organisme de bienfaisance, semble faire porter beaucoup de responsabilités sur le conseil d'administration, qui doit pouvoir déterminer si une partie de l'aide pourrait finir entre les mains d'une personne qui va, plus tard, commettre un acte terroriste. Il y a certains endroits, en particulier dans le milieu du développement international et de l'aide internationale, où cela représente un défi.
    Comment pouvons-nous concilier toutes ces choses? L'intention est bonne. Nous ne voulons pas que l'argent que les Canadiens versent à des organismes de bienfaisance légitimes finisse entre les mains de personnes qui cherchent à faire du mal là-bas ou encore ici. Comment peut-on blâmer les membres d'un conseil d'administration au Canada — celui d'Aide à l'enfance, par exemple, qui fournit une aide alimentaire et des livres scolaires d'une valeur d'environ 100 000 $ — si une partie de ces aliments ou de ces livres finit entre les mains d'un groupe terroriste?
(0910)
    Monsieur, vous avez formulé exactement la réponse que me donnent les administrateurs d'organismes de bienfaisance à qui j'explique la loi et en particulier la disposition qui concerne la facilitation, où on dit « faciliter directement ou indirectement ».
    On dit aussi « sciemment ou non ».
    Exactement.
    Encore une fois, étant donné la bonne intention derrière la loi, c'est-à-dire d'empêcher que des fonds canadiens finissent entre les mains d'organisations terroristes, comment peut-on tenir quelqu'un criminellement responsable d'avoir sans le savoir fourni de l'aide par le truchement d'organismes fiables et bien intentionnés? Si, à des endroits où le désordre est total, comme en Syrie, une partie de l'aide se retrouve au mauvais endroit six mois plus tard, s'il y a eu quatre intermédiaires, les administrateurs se trouvant ici à Toronto, à Halifax, ou à Vancouver peuvent être tenus criminellement responsables. Est-ce ainsi que la loi est conçue, aujourd'hui?
    C'est ainsi qu'elle est formulée. Elle va au-delà des recommandations et des normes internationales du GAFI et d'autres organes des Nations unies. Les lois canadiennes sont beaucoup plus lourdes de conséquences qu'ailleurs dans le monde.
    La loi des conséquences imprévues est importante quand on essaie de trouver un moyen de faire obstacle aux activités terroristes sur notre territoire.
    Les organismes qui me viennent à l'esprit sont de grande taille. Pensons à quelques-uns des petits organismes, les organismes caritatifs chrétiens actifs dans ma circonscription, qui comptent deux ou trois employés et une vingtaine ou une trentaine de bénévoles. Ils organisent une campagne de financement. Ils essaient de recueillir des aliments ou de l'aide pour l'Irak. Est-ce que l'ARC fournit aux membres du conseil d'administration, qui sont tous des bénévoles, une aide quelconque pour les aider à se conformer à la loi de la manière dont elle est actuellement formulée? Je parle d'une aide sur le plan financier, pour la comptabilité.
    Monsieur Schwisberg, avez-vous de l'expérience à cet égard? Vous avez parlé d'information préalable et de réunions avec des organismes de bienfaisance au début du processus, pour les aider à se conformer.
    Oui. Dans le cadre de contrats avec le MAECD, parfois, il est possible d'obtenir un peu de financement pour couvrir les coûts liés à la conformité, mais il faut le demander, et il faut savoir que ce financement existe. Il est certain qu'il faut informer les intéressés.
    Même dans le cas des grandes organisations, vu la façon dont la loi est structurée à l'heure actuelle... Imaginez que je m'entretiens avec un conseil d'administration et qu'il me demande: « Est-ce que nous respectons toutes les lois du Canada? » Puis-je répondre à cette question en toute confiance, étant donné la façon dont la loi est formulée? Il est tout à fait possible qu'un terroriste en puissance, dans trois ans, après avoir été traité par une équipe d'intervention d'urgence, dans un hôpital militaire de campagne que nous avons mis sur pied dans cette région, décide d'aller commettre un acte de terrorisme.
    Si vous vous en tenez à la lettre de la loi, à sa signification littérale, nous pourrions être tenus responsables de cette situation. On s'appuie beaucoup sur le pouvoir de poursuite discrétionnaire, mais nous ne pensons pas que cela est compatible avec la primauté du droit. Dans notre mémoire, nous faisons valoir qu'il faut que la loi soit plus claire afin que les organismes de bienfaisance comprennent clairement ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas faire.
    Merci à tous les deux.
    Je vais discuter brièvement avec nos amis de l'Association des banquiers. Est-ce que le CANAFE vous fournit une rétroaction après que vous lui avez présenté des rapports sur les activités soupçonnées? Est-ce qu'il vous dit ce qu'il faut faire, ce qui fonctionne ou ce qui ne fonctionne pas?
    Il nous donne une orientation générale, mais pas de rétroaction spécifique concernant les rapports que nous soumettons.
    Vous présentez un rapport disant que vous soupçonnez une activité illégale quelconque. Le CANAFE vous remercie et continue ses affaires. Ne serait-il pas utile d'entretenir une certaine communication entre vos associations membres — par exemple, la Banque TD, CIBC et les autres — au moment de cerner et d'éliminer les faux positifs, de façon à ne pas transmettre des renseignements concernant des Canadiens respectueux de la loi à des organismes canadiens de renseignement?
    Veuillez répondre brièvement, s'il vous plaît.
    Oui, nous en sommes convaincus, et c'est en partie pourquoi nous recommandons qu'il y ait davantage d'échange d'information entre les diverses entités.
    D'accord, merci.
    Merci, monsieur Cullen.
    Nous passons maintenant à M. Saxton, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de s'être présentés ici aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à M. Black.
    Monsieur Black, vous avez expliqué que l'Autorité palestinienne finance le terrorisme; mais qui finance l'Autorité palestinienne?
(0915)
    Les contribuables des États-Unis d'Amérique, à hauteur d'environ 450 millions de dollars par année, les contribuables de l'Union européenne, des particuliers, le Qatar, différentes organisations, mais je dirais que l'un des principaux bailleurs de fonds de ce terrorisme, c'est mon pays.
    Que font ces pays — et votre pays, en particulier — pour s'assurer que cet argent ne finit pas entre les mains des terroristes?
    Au départ, j'ai divulgué cette information, à la fin de 2013, dans mon ouvrage intitulé Financing the Flames, dont j'ai apporté un exemplaire pour l'offrir au comité. D'ailleurs, je crois avoir publié dans cet ouvrage une copie de la loi, la loi publique, en indiquant les montants d'argent que chaque terroriste recevait. Soulignons qu'il ne s'agit pas de combattants du djihad islamique ou de l'OLP; nous parlons de simples citoyens. Parfois, ils ont simplement besoin d'argent pour leur famille ou pour un mariage, et cela leur permet d'arriver à leurs fins.
    J'ai visité quatre parlements en quatre semaines: la Chambre des communes de Londres, le Parlement européen, la Knesset et la Chambre des représentants — vous êtes le cinquième parlement que je visite — et ils n'en revenaient pas. Aux États-Unis, le sujet a suscité beaucoup de discussions. Dans le dernier projet de loi de dépense omnibus, en décembre, il y avait une disposition spécifique indiquant que toute somme versée à des terroristes serait déduite du montant global de l'aide internationale versée à l'AP. Tous les banquiers savent que le concept de la fongibilité rend impossible la réalisation de cet objectif. Quand l'Autorité palestinienne en a entendu parler — elle ne l'a jamais nié, il n'y a eu aucun démenti, on sait cela depuis des années —, elle a dit qu'elle allait créer une commission extérieure qui permettrait à l'argent d'emprunter plusieurs voies, faisant en sorte qu'il ne serait pas lié à l'AP.
    J'aimerais offrir une opinion différente touchant le concept des organismes de bienfaisance. Bon nombre des organismes de bienfaisance que j'ai étudiés sont en fait enchevêtrés avec des activités terroristes ou avec des organisations qui financent des activités terroristes, pour ce qui est de la fongibilité et du soutien. Un rapport publié en 2003 par le gouvernement militaire israélien — il s'agit en fait du ministère des Affaires extérieures — dresse une liste des divers organismes de bienfaisance impliqués dans le détournement d'une bonne partie de cet argent. Et, il ne faut pas l'oublier, les organismes de bienfaisance sont maintenant transnationaux. Ce sont des organismes internationaux, supranationaux, et, dans certains cas, ils n'ont aucune allégeance à un pays quelconque, surtout dans le cas d'organismes qui, comme nous en voyons aux États-Unis, ont leur siège en Suisse. Personne ne sait d'où vient l'argent. L'argent est transféré par carte de crédit. Il existe aux États-Unis des fonds gérés par les donateurs. Vous n'avez qu'à y verser de l'argent. La solution à ce problème consiste non pas à améliorer les règlements visant les ONG — je crois que vous parlez ici d'organismes sans but lucratif — ou les banques, mais à démanteler les installations, l'institution...
    Une minute.
    D'accord.
    Mon temps est vraiment très limité. Merci beaucoup d'avoir répondu, mais je dois passer à d'autres témoins. Vous aurez encore l'occasion d'intervenir, j'en suis certain, grâce à mes collègues.
    Ma question s'adresse à l'ABC. Pourriez-vous expliquer ce que font les banques, actuellement, pour aider à combattre le financement du terrorisme?
    Nos principales activités, en ce qui concerne le financement du terrorisme, ont deux volets. Premièrement, nous vérifions les noms. Des noms figurent sur les listes des terroristes publiées par les Nations unies, le Canada et d'autres pays. Nous comparons notre liste de clients à la liste de terroristes, et nous cherchons à empêcher les virements de fonds éventuels. Deuxièmement, nous surveillons les transactions en recherchant des transactions correspondant aux typologies en matière de financement du terrorisme.
    Très rapidement, pourriez-vous me parler des nouvelles méthodes innovatrices que vous utilisez, aujourd'hui, à l'égard du financement du terrorisme?
    Le financement du terrorisme, comme je l'ai dit tout à l'heure, est difficile à cerner, parce que cela tient souvent à l'usage prévu de l'argent. Nous avons vu des typologies novatrices, où les terroristes menaient, en fait, des activités criminelles, y compris la fraude par carte de crédit, le transbordement de marchandises et le commerce de la drogue. Mais, la plupart du temps, il s'agit de fonds légitimes qui sont au bout du compte redirigés à des fins touchant le terrorisme, et c'est l'une des raisons pour lesquelles c'est difficile à cerner.
(0920)
    Merci.
    Merci, monsieur Saxton.
    Nous passons à M. Brison, s'il vous plaît.
    J'aimerais d'abord poser une question aux représentants du secteur bancaire.
    Parlons d'activités bancaires parallèles; souvent, les risques associés aux activités bancaires parallèles sont liés aux risques prudentiels du système et au crédit. Mais quels sont les risques associés aux activités bancaires parallèles, c'est-à-dire à la possibilité d'un financement des activités terroristes qui échapperait tout à fait au système bancaire classique? C'est ma première question.
    Deuxièmement, si nous faisons tout ce qu'il faut pour mettre un frein à toutes ces activités potentielles dans le cadre du système bancaire classique et si nous fournissons les outils nécessaires, risque-t-on que les personnes impliquées dans le financement du terrorisme poursuivent tout simplement leurs activités en marge du système bancaire classique?
    Pour répondre à votre seconde question d'abord, je crois que la réponse est oui. Et l'une des choses que nous avons observées, c'est que, dans la mesure où nos tentatives de limiter le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme donnent des résultats, il s'agit d'une menace polymorphe qui va changer très rapidement afin de s'adapter et de trouver une échappatoire.
    Pour répondre à votre première question, qu'il s'agisse d'activités bancaires parallèles, de systèmes de paiement de rechange ou d'autres types d'entités non réglementées, je crois que, dans la mesure où ces systèmes présentent des caractéristiques que des criminels peuvent exploiter, cela va se faire. Très souvent, les criminels cherchent d'abord à placer l'argent, puis à le transférer à plusieurs personnes à l'étranger; par conséquent, dans la mesure où ils peuvent utiliser différents mécanismes pour transférer de l'argent ou des valeurs d'une personne à une autre, et en particulier si cela permet de brouiller la piste de la vérification, ils s'en serviront. Et, troisièmement, l'anonymat est une chose...
    Peu importe le type de services financiers offerts, nous adoptons une approche fondée sur le risque et devons explorer ces types de vulnérabilités en cherchant à savoir comment elles peuvent être exploitées.
    Merci.
    Monsieur Donovan.
    Je serais d'accord avec M. King. Il est important de ne pas perdre de vue, quand nous pensons à la façon dont les criminels continuent à perfectionner leurs méthodes et leurs techniques, que, pour faire cela, ils doivent trouver une échappatoire afin de se donner les moyens soit de blanchir de l'argent, soit de financer des activités terroristes. Ce dont Ron parlait, c'est exactement ce qu'ils cherchent à faire.
    Y a-t-il des indications, ou même des preuves, selon lesquelles, par exemple, on utilise de plus en plus les dispositifs de stockage des valeurs? La règle actuelle voulant qu'on doive déclarer des sommes de 10 000 $ ou plus, en espèces, quand on traverse la frontière, est-elle dépassée? Est-ce un reflet de la réalité, étant donné que les gens peuvent transporter 50 000 $ sur eux, dans un dispositif de stockage des valeurs, lorsqu'ils traversent la frontière?
    Est-ce que, de fait, nous nous attaquons à ce problème d'une manière qui ne tient pas compte du raffinement technologique des gens qui sont impliqués dans ces activités?
    Je crois que l'un des défis auxquels nous faisons tous face, aujourd'hui, en tant que partenaires de ce régime, a trait aux nouvelles technologies et aux différents moyens de faire des transactions dans un environnement où les appareils mobiles sont omniprésents. Nous devons suivre la cadence de la technologie au moment d'élaborer nos politiques et nos procédures visant à intégrer ou à surveiller les clients. Les forces de l'ordre doivent également explorer la question.
    Mais il est de plus en plus facile d'obtenir du crédit, de transférer de l'argent et d'utiliser tous les services associés depuis toujours aux banques, même si on n'est pas client d'une banque, et c'est vrai au Canada et, en particulier, dans les économies émergentes des pays en développement, où la croissance des services bancaires mobiles et des services bancaires fondés sur la technologie s'est faite complètement en l'absence de tout cadre réglementaire.
    Avez-vous des idées quant à la façon dont nous pourrions, en tant que pays et membre d'un cadre multilatéral, nous attaquer à ce problème?
    J'aimerais bien savoir, monsieur Carter et monsieur Schwisberg, si vous avez aussi quelques réflexions à formuler à ce sujet, car il me semble vraiment que c'est quelque chose dont nous devrions nous préoccuper. Je suis d'accord avec le Comité sénatorial des banques, qui a fait état, dans son rapport de 2013, de problèmes au chapitre de l'échange d'information entre les intervenants du système bancaire et l'Agence du revenu du Canada.
    Nous avons même entendu des témoins dire plus tôt que certains problèmes affectent l'échange de données entre l'Agence du revenu du Canada et le CANAFE. Y a-t-il des pays qui en font peut-être plus sur le plan de la technologie? Comment pourrions-nous participer à leurs initiatives ou les appuyer?
(0925)
    Qui voudrait répondre à cette question?
    Monsieur King.
    Si vous me le permettez, j'aimerais parler de deux choses.
    Mon premier point, c'est que toutes ces technologies de rechange, très souvent, ont besoin au bout du compte de se relier au système financier légitime ou classique, d'une façon ou d'une autre. À certains égards, si vous pouvez mettre en place des mécanismes de protection à ces points d'entrée, ce sera utile. L'une des choses que les nouvelles lois, ou les nouveaux règlements, envisagent, c'est la possibilité de demander aux institutions financières de déterminer à quel endroit les entreprises de services financiers étrangères sont enregistrées au Canada.
    Mon autre point, cependant, c'est que tout cela se déroule dans un monde qui évolue constamment. Nous devons envisager le système financier dans sa globalité et réfléchir aux moyens d'assurer la sécurité de tous ses aspects.
    Merci. Nous allons revenir plus tard sur ce sujet. Notre première série de questions est malheureusement terminée.
    Nous passons à Mme Bateman, s'il vous plaît.
    Merci à tous nos témoins. Tout cela est très intéressant. Je vous remercie de nous consacrer un peu de votre temps ce matin.
    J'aimerais revenir sur vos commentaires, messieurs King et Donovan. Vous avez tous les deux parlé du CANAFE, vous avez une expérience particulière du CANAFE, et vous avez tous deux dit que, même si nous investissons bien l'argent des contribuables, nous pourrions faire mieux.
    J'aimerais beaucoup que vous nous expliquiez les étapes d'une transaction des deux côtés. C'est la comptable en moi qui s'exprime, qui veut voir les deux côtés de la chose. D'un côté, il y a le CANAFE qui vous alerte et les améliorations possibles que l'on pourrait cerner. Mais nous ferions peut-être mieux de commencer par l'autre côté, celui où vous alertez le CANAFE. Au regard de cette transaction, comment pourrions-nous utiliser de façon plus efficace et plus efficiente les ressources des contribuables pour défendre l'intérêt supérieur de l'ensemble des Canadiens?
    Je vais vous laisser tous les deux décider par vous-mêmes de quelle façon vous voulez répondre à la question. Il est évident que vous avez l'expérience de cette situation, vous en avez tous les deux parlé dans votre déclaration préliminaire.
    Oui.
    Je commencerais peut-être par un exemple; supposons que nous observons une activité inhabituelle ou suspecte dans un compte bancaire donné. Les renseignements reçus concerneraient peut-être de l'argent provenant d'autres institutions du Canada ou envoyé à l'étranger. Il pourrait s'agir par exemple de transactions où interviennent un certain nombre de filiales du Groupe Banque TD, disons, ou d'affiliés d'une autre grande banque.
    Nous allons évaluer l'information. Si nous remontons la filière et que nous avons des motifs raisonnables de soupçonner que les transactions en question pourraient avoir un lien avec le blanchiment d'argent, nous devons les signaler au CANAFE, qui va examiner l'information à la lumière de sa base de données contenant des renseignements et des signalements qu'il reçoit des autres institutions, des autres entités qui lui présentent des rapports. Le CANAFE suit les processus visant à déterminer s'il a des motifs raisonnables d'avoir des soupçons et, en se fondant sur les autres renseignements qu'il pourrait avoir en sa possession, il porte à l'attention des organismes d'application de la loi les cas où un certain seuil de certitude est atteint.
    Un certain nombre de parties interviennent dans ce processus. Quand nous transmettons des informations, comme M. Cullen l'a dit plus tôt, nous n'avons pas une rétroaction directe. En fait, la loi interdit au CANAFE de nous transmettre quelque information que ce soit. Elle ne lui permet de transmettre ces informations aux forces de l'ordre que lorsque le seuil fixé est atteint. Le CANAFE joue un peu le rôle d'un gardien chargé de prévenir l'utilisation abusive de cette information.
    Nous voyons toutefois un potentiel, en ce qui concerne l'exemple que je vous ai donné, dans lequel, dans mon cas, je constatais que de l'argent arrivait d'une institution et allait vers une autre institution. Je ne suis pas autorisé à poser des questions à cette autre institution, ou à l'institution à laquelle ma banque envoie de l'argent, et de lui faire savoir que — en passant — nous avons des soupçons.
    Vous n'êtes pas autorisé? La Banque TD ne peut pas signaler à la Banque Scotia qu'un problème a été cerné?
    Non. C'est un des aspects que nous aimerions voir soumis à un examen, nous voulons que cela puisse se faire. À l'heure actuelle, étant donné la façon dont les lois sur la protection des renseignements personnels sont structurées, et le fait que la loi actuelle relative au blanchiment d'argent ne dit rien à ce sujet, nous ne sommes pas autorisés à échanger ce type d'information. C'est une chose que nous pourrions probablement faire mieux.
    Encore une fois, nous voulons nous assurer d'avoir le bon cadre pour protéger les renseignements personnels des personnes et pour éviter les expéditions de pêche entre deux sociétés, que ce soit réellement fondé sur des critères selon lesquels nous pouvons tous travailler.
(0930)
    C'est intéressant.
    Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur King?
    Je suis d'accord avec ces commentaires. J'ajouterais seulement que le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent et contre le financement des activités terroristes est relativement jeune, la plupart des progrès ayant été réalisés au cours de la dernière décennie, à peu près. Une des choses que nous avons apprises, je crois, c'est que les choses changent beaucoup. Dans la mesure où nous pouvons réagir avec souplesse et adapter nos méthodologies, de façon plutôt proactive, aux risques à mesure qu'ils se présentent...
    Nous avons constaté, récemment, un meilleur esprit de collaboration entre les organismes gouvernementaux et les organismes assujettis à la réglementation, et j'encourage cette collaboration. Nous attendons avec impatience les résultats de l'évaluation de la menace que mène actuellement le ministère des Finances. Nous comptons sur ce document pour mieux comprendre les menaces et les vulnérabilités. Cela devrait toujours faire partie du cycle d'évaluation des risques, de mise en place des contrôles et d'évaluation.
    Il est intéressant de vous entendre souligner que les divers organismes du gouvernement collaborent davantage. Il est important d'abattre les cloisons si nous voulons que tous les secteurs communiquent.
    Il vous reste une minute.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis curieuse. Auriez-vous, l'un ou l'autre, des recommandations particulières à formuler à l'égard des politiques qui nous permettraient de donner un caractère officiel à cela? Quand des organismes collaborent, c'est parfois parce qu'il y a des gens qui misent sur la collégialité et la concertation. Avez-vous des commentaires à formuler au sujet des choses que vous aimeriez voir renforcées ou au sujet de possibles occasions qui se présentent?
    Veuillez répondre brièvement, s'il vous plaît, monsieur Donovan.
    Il y a beaucoup de collaboration entre les organismes fédéraux à cet égard, et je crois savoir qu'un règlement prévoit cela.
    Ce qui nous intéresse, en tant que partenaire clé du régime fournissant de l'information au CANAFE, lequel le fait suivre à l'échelon supérieur, aux forces de l'ordre, c'est qu'il nous soit possible de prendre part à ce processus, nous aussi, que le secteur privé participe à cet échange d'information élargi.
    Merci.
    Merci, madame Bateman.
    J'essaie de donner autant de temps à tous, mais nous pourrons revenir sur le sujet.
     Monsieur Dionne Labelle, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Cela fait quelques semaines que nous réfléchissons au financement du terrorisme au Canada et à l'étranger et du Canada vers l'étranger. Je suis en train de me faire une petite idée de la façon que cela fonctionne.
    La majorité des intervenants provenant d'institutions, par exemple les banques, l'Agence du revenu du Canada, le CANAFE ou la GRC, parlent de la nécessité d'augmenter le partage d'information. Il y a beaucoup d'informations. Depuis janvier, les banques sont obligées de déclarer au CANAFE tous les télévirements de 10 000 $ et plus. Le CANAFE devra traiter cette année plus de 10 millions de ces informations. C'est beaucoup d'informations.
    Ce que j'ai appris ici, c'est qu'en réalité, le financement du terrorisme du Canada vers l'étranger se fait par de petits montants d'argent qui ne sont pas couverts par ces déclarations. Il peut s'agir d'une personne qui vend son auto et qui envoie cet argent à son frère dans un pays quelconque. Une fois là-bas, on ne sait pas si cet argent servira ou non à financer des activités terroristes. Il peut aussi s'agir de quelqu'un dont la mère est au Moyen-Orient à qui il envoie 800 $ ou 500 $ par mois. Cette personne à l'autre bout utilise peut-être cet argent pour se nourrir ou elle le transfère peut-être à des organisations terroristes. Le problème, c'est que la nature des informations dont on dispose présentement ne cerne pas vraiment ce qui se passe en réalité.
    Je veux revenir à M. King, qui demande à être informé en temps réel. D'après ce que j'ai entendu jusqu'à présent, on n'a pas l'impression que ce sont des gros montants qui partent du Canada vers l'étranger. Même si c'était le cas, parmi les 10 millions de télévirements qui sont faits, comment peut-on distinguer le bon grain de l'ivraie?
(0935)

[Traduction]

    Merci, monsieur Labelle.
    C'est difficile et, très souvent, lorsqu'il y a des seuils pour le signalement, l'une des premières choses que les criminels vont faire, qu'ils veuillent blanchir de l'argent ou financer des activités terroristes, c'est de chercher le moyen de se soustraire à ces seuils. Une autre mesure qu'ils prennent consiste à faire de leur mieux pour masquer les mouvements d'argent et les autres transactions en leur donnant l'apparence de transactions légitimes. Ces transactions se fondent dans des millions et des millions de transactions légitimes, c'est là que les choses se compliquent pour nous. Nous demandons alors certaines choses, par exemple, un meilleur échange d'information et de meilleures analyses, de façon continue, ce qui nous permettra de mieux cibler nos activités et de ne pas faire inutilement un grand nombre de signalements. C'est ainsi que les différents...
    Les parties prenantes de ce régime doivent travailler en plus étroite collaboration.

[Français]

    En tout cas, c'est une de mes conclusions.
    J'ai beaucoup aimé l'intervention du représentant de l'Association du Barreau canadien, que M. Carter a complétée. Au début de la réunion, il semblait que c'était les organismes de bienfaisance canadiens qui transféraient de l'argent aux terroristes. Or d'après ce que M. Carter a dit, ce n'est absolument pas le cas. Cette utilisation est minime, soit 0,001 % des cas.
    Monsieur Schwisberg, vous avez dit que les organismes de bienfaisance sont un atout dans la lutte au terrorisme. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
     Il est clair que respecter les lois du Canada coûte beaucoup d'argent. Ce sont des sommes d'argent bien dépensées, mais c'est vraiment un problème pour nous. Je pense aux organismes de bienfaisance qui sont très petits. Ils ont encore plus de difficulté à se conformer aux lois. C'est pourquoi nous avons suggéré, dans notre document, d'octroyer de l'aide financière à ces organismes de bienfaisance afin qu'ils se conforment aux lois du Canada.
    Dans quel sens constituent-ils un atout pour la lutte contre le terrorisme? Est-ce parce qu'ils sont sur le terrain de la prévention?
    C'est par la façon de communiquer avec les gens autour du monde. Quand on fournit de l'aide humanitaire, cela peut toucher le coeur et les pensées des gens. En ce sens, la charité permet assez souvent de se faire des amis. Même si ce n'est pas le but exact de ce que l'on fait, cela se manifeste quand on offre de l'aide financière aux gens qui en ont besoin.
    C'est donc un impact corollaire.
    C'est exact.
    Vous avez aussi parlé de la sensibilisation avant de faire les audits. Quel type de sensibilisation suggérez-vous? Parlez-vous du cadre législatif ou d'autres dimensions?
    C'est une question d'éducation. Les organismes de bienfaisance n'ont pas beaucoup d'outils leur permettant de se conformer aux lois. On croit que l'ARC peut faire davantage pour donner des renseignements aux gens. M. Carter a dit la même chose. Il y a des avis mais, souvent, ce n'est pas assez.
    Dans d'autres domaines, l'ARC fait du bon travail. D'ailleurs, on trouve beaucoup de renseignements sur le site Web et ailleurs. Selon nous, en ce qui a trait à cet aspect de la loi, c'est un peu faible.

[Traduction]

    D'accord.
    Brièvement, monsieur Carter.
    Oui, je vais parler brièvement de cette question.
    En 2007, notre comité avait recommandé que l'ARC consulte le secteur caritatif au moment d'élaborer des lignes directrices canadiennes sur les pratiques exemplaires qui aideraient les organismes de bienfaisance à se conformer aux lois.
    En 2010, dans le cadre de l'enquête sur la tragédie d'Air India, le juge Major s'était exprimé en ces termes:
    Il est essentiel que les mesures prises pour empêcher le recours à des organismes de bienfaisance ou à des organismes à but non lucratif pour financer le terrorisme n'entravent pas les activités utiles des organismes légitimes. L'ARC devrait envisager de définir en collaboration avec le secteur des organismes de bienfaisance les lignes directrices ou les pratiques exemplaires pour la lutte contre le financement du terrorisme dans ce secteur.
    D'accord.
    Merci.
    Nous donnons maintenant la parole à M. Cannan, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite le bonjour aux témoins et je les remercie d'être venus.
    Comme vous le savez, c'est le ministre des Finances, M. Oliver, qui nous a demandé par lettre d'étudier cette grave question, le financement du terrorisme et ses implications, pas juste localement, mais à l'échelle du Canada et du monde.
    Ma première question s'adresserait à M. King qui a, je crois, déjà habité dans la région de l'Okanagan. Ce n'est pas très loin de chez moi, je suis heureux de rencontrer un autre Britanno-Colombien.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez comparé le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, vous en avez donné des descriptions différentes. J'aimerais clarifier la question, en revenant sur les commentaires de ma collègue, Mme Bateman. Pensez-vous que ce sont des activités qui s'excluent l'une l'autre?
(0940)
    Elles ne s'excluent pas l'une l'autre, ces deux typologies ont en fait un certain nombre de choses en commun. Très souvent, ces deux formes de criminalité exploitent les mêmes vulnérabilités du secteur financier et des autres entités assujetties à la réglementation. Comme je l'ai dit plus tôt, la possibilité par exemple de convertir de l'argent en actif légitime, la capacité de transférer de l'argent d'un pays à un autre, ou d'une personne ou d'une entité à une autre et la capacité de camoufler cette activité derrière une certaine forme d'anonymat ou de brouiller la piste de vérification ou de suivi de l'information, si vous voulez, voilà toutes sortes de choses qu'on cherche à exploiter.
    Ces deux typologies, le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, sont très complexes et présentent chacun des défis particuliers, quand on cherche à les cerner.
    Merci.
    Je reviendrai là-dessus avec M. Donovan. Peut-être qu'il peut également répondre à cette question.
    Vous avez tous deux fait allusion à la nécessité d'accroître la communication de renseignements personnels. Le comité a entendu de nombreux témoins. En fait, la semaine dernière, nous avons reçu une personne qui a fait valoir le même point de vue que vous. Il s'agissait d'un homme qui a été agent de la GRC pendant plus de 30 ans. À ses côtés se trouvait une merveilleuse dame de la Colombie-Britannique spécialisée dans la défense des libertés civiles qui, pour sa part, faisait valoir qu'on ne pouvait pas faire ceci ni cela.
    Vous pourriez peut-être concilier ces deux points de vue en nous expliquant comment il sera possible de communiquer des renseignements personnels tout en protégeant la vie privée de vos clients et des Canadiens.
    De toute évidence, le CANAFE dispose de mesures qui lui permettent de protéger les renseignements qui lui sont transmis et d'encadrer leurs divulgations. Au sein du secteur financier, notre rôle consiste à transmettre des informations au CANAFE de manière à ce qu'il puisse les utiliser à des fins de renseignement. Ce que nous préconisons, c'est en quelque sorte l'adoption d'une méthode qui nous permettrait de ratisser moins large et de prendre des mesures plus ciblées, ce qui, en fait, pourrait nous permettre de réduire la quantité de renseignements personnels divulgués de façon inappropriée.
    J'estime qu'il est important de se rappeler que la confiance que nos clients manifestent à notre égard en ce qui a trait à la protection de la confidentialité de leurs renseignements et de leurs éléments d'actifs constitue l'une des raisons de l'existence des banques. Nous avons donc tout intérêt à ce que toutes les mesures que nous prenons au moment de tenter de lutter contre le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme et qui donnent lieu à une communication accrue des renseignements personnels des clients s'inscrivent dans un cadre approprié permettant de protéger ces renseignements.
    À présent, nous transmettons des renseignements personnels au CANAFE. Nous le faisons depuis un certain nombre d'années. Cela n'a donné lieu à aucune atteinte à la sécurité ou à la vie privée. Des millions de rapports sont communiqués chaque année au CANAFE. Ce que nous voulons, c'est qu'il y ait une réciprocité et qu'on nous transmette aussi de l'information de manière à ce que nous puissions circonscrire un plus grand nombre de nos activités, ce qui, à notre avis, serait profitable pour l'ensemble du régime et nous permettrait de véritablement canaliser nos efforts sur les éléments présentant les risques les plus élevés.
    Monsieur Donovan, durant votre exposé, vous avez aussi mentionné que d'autres pays s'adonnaient à la communication de renseignements personnels et à la protection de la vie privée. Avez-vous des exemples à nous donner?
    La Banque TD est présente partout en Amérique du Nord, de sorte qu'elle compte un certain nombre de filiales aux États-Unis. Dans ce pays, un régime a été instauré en vertu du paragraphe 314b) de la Patriot Act qui permet aux institutions financières de procéder à des échanges de renseignements. Les activités de ce genre sont régies par le FinCEN — l'équivalent du CANAFE. On s'inscrit auprès de cet organisme et on transmet de l'information. La nature des renseignements susceptibles d'être communiqués et les motifs de leur communication sont régis de façon très stricte. Tout cela fonctionne très bien.
    Merci. En tant qu'ancien exploitant de petite entreprise, je suis préoccupé chaque fois qu'on instaure une réglementation, vu que cela constitue un véritable fardeau pour les petites entreprises. J'ai un exemple à vous donner à ce sujet. Il m'a été fourni hier par un courtier immobilier. Il a communiqué avec moi par courrier électronique pour me parler du programme du CANAFE et me dire à quel point les formalités administratives supplémentaires sont lourdes. À la lumière de votre expérience dans le secteur et de vos relations avec le CANAFE, j'aimerais que vous m'indiquiez si tout cela est utile, ou s'il s'agit davantage de donner l'impression que nous faisons quelque chose pour tenter d'endiguer le terrorisme. Ce que me dit le courtier, c'est simplement que tout cela est une perte de temps et d'argent, qu'il peut encore, en général, procéder illicitement sans la moindre signature, et que tout cela n'est qu'une simple façade.
    Je vais vous répondre du point de vue de la Banque TD. Pour faire suite à ce que j'ai mentionné durant mon exposé à propos de la responsabilité de détecter et de dissuader, je vous dirai que la mise en place d'une foule de procédures et de processus de ce genre a un effet dissuasif sur les personnes mal intentionnées et permet de les tenir à distance de notre régime financier. Nous menons également des activités de surveillance et d'évaluation des risques visant les personnes à l'intérieur du régime de façon à signaler leur présence au CANAFE et, si tout va bien, à ce que les organismes d'exécution de la loi les expulsent de notre régime et prennent à leur égard les mesures qui s'imposent.
    Dans la mesure où cela impose aux banques un fardeau lié à l'observation de la loi, nous cherchons des occasions de nous assurer que la réglementation ou les directives qui nous sont imposées par le gouvernement sont compatibles, sur le plan pratique, avec les activités des banques. Nous avons des discussions à cet égard avec le ministère des Finances, le CANAFE et le BSIF. Dans la mesure où cela fonctionne, je crois que, à ce chapitre, nos relations sont très bonnes. Bien entendu, il y a toujours place à l'amélioration, et nous continuons de tenir des discussions là-dessus.
     Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il s'agit là d'une préoccupation excessivement pénible pour nous, mais nous sommes toujours à la recherche d'occasions de nous assurer que tout cela est efficient et efficace.
(0945)
    Merci.
    Merci, monsieur Cannan.

[Français]

     Monsieur Côté, vous avez la parole et vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie tous les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    Je vais justement continuer par rapport à ce que M. Cannan a mentionné. Évidemment, j'ai pris le temps d'examiner les 18 recommandations du rapport du comité du Sénat intitulé Suivre l'argent à la trace: le Canada progresse-t-il dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. D'ailleurs, l'Association des banquiers canadiens a témoigné devant ce comité dans le cadre de ses travaux.
    Monsieur Donovan, la recommandation no 10 indiquait clairement que le CANAFE devait, en vertu de la loi, fournir aux entités tenues de produire des déclarations une rétroaction trimestrielle et personnalisée qui porterait justement sur l'utilité de leurs rapports. Je comprends que, malheureusement, cette recommandation n'est pas suivie actuellement par le CANAFE. Il n'y a pas de rétroaction régulière et personnalisée pour que vous puissiez comprendre l'utilité de vos rapports?

[Traduction]

    Dans le passé, le CANAFE a fourni de la rétroaction à la Banque TD. Il s'agissait de renseignements très généraux à propos de la qualité des données contenues dans nos rapports. Cela dit, non, le CANAFE ne nous transmet pas de mises à jour régulières ni de rétroaction concernant nos rapports, et il ne nous fournit pas non plus de renseignements d'une nature plus stratégique relativement aux rapports que nous lui soumettons.

[Français]

     Merci.
    Monsieur King, je vais parler des recommandations nos 14 et 16 en particulier.
    La recommandation no 14 semble rejoindre ce que vous avez dit dans votre présentation, à savoir « mettre en oeuvre une approche plus efficace basée sur le risque pour identifier les clients qui présentent des risques élevés ». Cette recommandation ne semble pas avoir été mise en application. Elle se lit ainsi:
    Que le gouvernement fédéral améliore le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes en mettant davantage l’accent sur : la cueillette stratégique de renseignements; l’analyse et le signalement fondés sur le risque.
    Cela correspond-il à ce que vous avez recommandé dans votre présentation?

[Traduction]

    Merci, monsieur Côté.
    J'estime que nous utilisons actuellement au Canada une approche fondée sur le risque. En fait, les lignes directrices du CANAFE — lequel est en train d'élaborer d'autres lignes directrices concernant l'approche fondée sur le risque — et celles du Bureau du surintendant des institutions financières à l'intention des institutions financières canadiennes sous réglementation fédérale recommandent l'adoption d'une approche de ce genre. De plus, le travail que le ministère des Finances est en train d'entreprendre à propos de l'évaluation de la menace au Canada vise en grande partie à cerner les menaces et les faiblesses de façon à bonifier l'approche fondée sur les risques.
    Y a-t-il place à l'amélioration? C'est possible. En outre, je pense qu'il s'agit d'un domaine où les choses sont en constante évolution. Je suis très favorable à l'accroissement de l'échange de renseignements et aux mesures qui permettent non seulement d'améliorer le régime, mais aussi de le rendre plus souple, c'est-à-dire plus apte à réagir rapidement aux menaces ou aux typologies en voie d'évolution ou de formation.

[Français]

    Tout à fait. Je suis d'accord avec vous.
    Je vais poursuivre sur les observations qu'a faites mon collègue Pierre.
    Vu le volume d'informations que vous avez à transmettre, on peut se demander s'il y a un certain niveau d'efficacité par rapport à cela.
    La recommandation no 16 du même rapport indique ceci:
    Que le gouvernement fédéral élimine le seuil de déclaration de 10 000 $ applicable aux virements internationaux de fonds effectués par voie électronique.
    Monsieur King, que pensez-vous de cette recommandation du comité sénatorial?

[Traduction]

    À coup sûr, cela permettrait de soulager les institutions financières du fardeau très lourd lié à la déclaration des transactions de 10 000 $ et plus. Nous devons non seulement déclarer chaque transaction de 10 000 $ et plus, mais également regrouper diverses transactions effectuées au cours d'une période de 24 heures et qui, combinées, donnent un total de 10 000 $ ou plus, ce qui rend cette tâche compliquée.
    Il faut savoir que, lorsqu'un seuil est fixé, des criminels tentent immédiatement de le contourner afin d'éviter une déclaration. Il s'agit là d'un véritable problème que nous devons régler.
(0950)

[Français]

    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste une minute et demie.
    C'est magnifique!
    Monsieur Schwisberg, au cours des témoignages que nous avons entendus lors d'une réunion précédente, M. Clement, un ex-agent de la GRC maintenant à son compte, a indiqué que tout ce gigantesque travail de collecte d'informations n'aboutissait pas à des condamnations, malheureusement. Il a également dit qu'il y avait un problème à maintenir l'expertise au sein de la GRC et qu'il était difficile d'avoir des procureurs vraiment dédiés et expérimentés pour instruire des causes.
    J'aimerais que vous commentiez le problème qu'il y a à mettre en oeuvre tout cet appareil de collecte d'informations pour aboutir à des condamnations.
    C'est une question de financement. Il faut investir de l'argent, si l'on veut appliquer les lois correctement. On ne peut pas adopter des lois sans consacrer les ressources et les sommes nécessaires à leur application. Nous sommes d'accord là-dessus jusqu'à un certain point.
    Nous croyons que la Couronne dispose d'avocats très talentueux et extraordinaires. Il faut ajouter que c'est toujours une question d'éducation. Les avocats sont formés pour comprendre adéquatement les lois qui sont modifiées. C'est une chose très évidente pour moi.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Van Kesteren, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous tous d'être ici.
    Notre discussion est intéressante. Comme je l'ai dit au cours de notre réunion précédente, les choses deviennent de plus en plus intéressantes à mesure que nous creusons le sujet. J'aimerais adresser quelques-unes de mes questions — et peut-être toutes mes questions — à M. Black.
    Monsieur Black, je vais avoir 60 ans cette année. Je croyais que, à mesure que je prendrais de l'âge, je comprendrais de mieux en mieux les choses, mais je constate que c'est le contraire qui se produit. Bien souvent, nous découvrons que ce que nous prenions pour la réalité n'était en fait qu'une illusion. Je crois que vous comprenez ce que je veux dire. Quelques-unes des choses que vous avez mentionnées sont étonnantes, mais je suppose que je ne devrais pas être surpris.
    J'aimerais d'abord que vous me disiez si le Canada participe à tout cela — probablement par l'entremise des Nations unies — de la même façon que les États-Unis le font. Il semble s'agir d'un problème qui concerne les Américains. Je ne veux pas formuler de critique à l'endroit de M. Schwisberg, mais je crois que, à un moment donné, une bonne partie de cela était fondée sur de bonnes intentions. Nous pensions être en mesure d'atténuer un peu la misère au Moyen-Orient, et des gens bien intentionnés ont exercé des pressions sur leur législateur afin que des millions — et probablement des milliards — de dollars soient envoyés là-bas, mais nous nous sommes fait berner.
    J'aimerais que vous disiez au comité si le gouvernement du Canada participe aussi à cela.
    Tout d'abord, les États-Unis ne sont pas les seuls à participer à cela — l'Europe et des organismes de bienfaisance du monde entier jouent également un rôle à ce chapitre. Le système d'acheminement des fonds qu'utilisent les organismes de bienfaisance est complexe. Un premier organisme transmet des fonds à un second, lequel les envoie à un troisième organisme, qui se charge de les acheminer vers des organismes et des activités sans vocation de bienfaisance. Par exemple, si des fonds étaient transmis par un organisme A à un organisme B, ils pourraient aboutir dans les coffres d'un organisme comme l'Union of Good, dirigé par le Cheikh Qaradawi. Il s'agit du principal organisme de bienfaisance du Hamas. Les fonds sont donc envoyés là.
    Et puis, il y a le ministère des Affaires sociales de l'Autorité palestinienne. Tout le monde ici parle de criminels, mais il ne s'agit pas du mot juste. Il faut parler non pas des criminels, mais des politiciens. On cherche la petite bête... L'un de mes collègues ici présents a évoqué un montant de 150 $. Ce n'est pas de sommes de cet ordre qu'il est question. Le ministère des Affaires sociales, qui a des relations avec tous ces organismes de bienfaisance, a mené une vérification interne qui a révélé qu'ils avaient financé à 13 351 occasions des activités terroristes menées à l'extérieur de la Palestine, un peu partout dans le monde — de Tokyo à Toronto. Ces sommes totalisent environ 20 millions de dollars. On peut créer une infrastructure complexe pour surveiller les transactions de 1 000 $ ou de 10 000 $, mais il s'agit là de vétilles. Ce qui importe, ce sont les 450 millions de dollars que les États-Unis versent chaque année. Quant au Canada, il verse plus de 66 millions de dollars par l'entremise d'une multitude d'organismes, d'organisations non gouvernementales ou des Nations unies. Bien entendu, les Nations unies soutiennent massivement le terrorisme, surtout par le truchement de l'UNRRA. Ces éléments sont étroitement liés.
    Je suis heureux que vous disposiez d'une infrastructure perfectionnée vous permettant d'identifier ceux qui envoient des sommes de 150 $, mais si vous voulez véritablement aller au coeur de ce financement, vous devez vous rendre à Bruxelles, à Washington et dans d'autres capitales, où les contribuables et leurs représentants ignorent qu'ils versent chaque jour des millions de dollars à des organisations terroristes.
(0955)
    J'aimerais que vous nous donniez des précisions, ou peut-être simplement votre opinion. J'aimerais que vous nous donniez davantage que votre opinion, mais votre témoignage... Je songe aux organisations... Tous, nous soutenons les organismes de bienfaisance. Pour ma part, comme probablement bien d'autres personnes ici présentes, j'aime bien soutenir Samaritan's Purse.
    Ce n'est pas d'organismes de ce genre qu'il s'agit. Ils ne versent pas de fonds aux terroristes. Outre les choses dont vous parlez, je suppose que les organismes suspects sont ceux qui participent directement à la collecte de fonds destinés à des organisations terroristes.
    Est-il juste de dire cela?
    J'avancerais que les organismes de bienfaisance participent indirectement au financement du terrorisme. Ils sont interactifs. Comme ils collaborent tous avec le ministère des Affaires sociales et d'autres organismes des Nations unies, il est très courant qu'une personne de l'intérieur, surtout des membres du Hamas, recommande l'inscription d'une personne sur une feuille de paie. On compte quelque 80 000 employés fantômes. C'est de cette façon que les choses se passent.
    Ces prisonniers et ces terroristes qui touchent une allocation mensuelle se voient tous attribuer un titre de fonction au sein du gouvernement, par exemple celui de greffier, de sous-secrétaire ou de caporal.
    Ainsi, lorsque vous recevez à Ottawa un rapport qui indique que vous financez une organisation dont les membres occupent tel ou tel emploi de bureau, vous devez savoir qu'il s'agit là de personnes qui ont tranché la gorge de petits enfants et qui ont été reconnues coupables de terrorisme. Tout le monde sait cela.
    Je ne suis pas en train de vous révéler un rare secret qui m'a été confié par une personne dans un café. Ces informations sont tirées de documents publiés par l'Autorité palestinienne. Ainsi, vous pouvez continuer à consacrer votre temps à tenter de retracer des transactions de 150 $, mais le plus important, ce sont les 450 millions de dollars qui sont versés à l'ensemble des organisations de l'Autorité palestinienne et de l'organisme de soutien des martyrs, lequel finance à l'échelle mondiale ces activités terroristes.
    Je serai heureux de vous en dire davantage après la réunion.
    Merci.
    Merci, monsieur Van Kesteren.
    Nous allons passer à M. Adler. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord m'adresser à M. Carter.
    En réponse à une question, vous avez dit plus tôt que vous ne connaissiez aucun cas d'organisme de bienfaisance s'étant vu retirer son statut.
    Non, on m'a demandé d'indiquer si l'un de ces organismes était devenu une entité inscrite. Il s'agit d'une question totalement différente de celle du statut d'organisme de bienfaisance.
    Je tiens à préciser qu'une foule d'organismes de bienfaisance perdent leur statut, et que quelques-uns d'entre eux le perdent pour des raisons liées au financement du terrorisme. Cela dit, la question qui m'a été posée ne portait pas là-dessus.
    D'accord. Merci.
    Monsieur Black, ce dont vous avez parlé représente effectivement un énorme problème. Des fonds publics — l'argent des contribuables — servent à financer le terrorisme.
    En ce qui concerne ces organisations terroristes qui recueillent activement de l'argent auprès du public ici, au Canada, pouvez-vous nous parler de ce qui se passe dans le secteur privé? Avez-vous une idée des sommes en cause? Connaissez-vous le degré d'activité de ces organisations? Savez-vous de quelles organisations il s'agit? Pourriez-vous s'il vous plaît nous parler de cela?
(1000)
    Je ne peux pas vous fournir de précision en ce qui concerne le Canada, vu que je n'ai disposé que de deux ou trois jours pour me préparer après avoir reçu l'invitation du comité, mais je peux vous dire que quelques-unes des organisations qui reçoivent du financement, par exemple le New Israel Fund des États-Unis, lequel dispose d'un bureau au Canada et aussi d'un bureau en Suisse — je ne sais pas exactement pourquoi un organisme de bienfaisance américain menant des activités en Israël a besoin d'un bureau en Suisse —, de même que d'autres organisations comme Adalah et B'Tselem, reçoivent également des fonds de la Welfare Association de la banque islamique et du NGO Development Fund, lesquels sont gérés par l'Iran, l'Arabie saoudite et d'autres pays de cette région. Qu'est-ce que ces organisations ont en commun avec l'Iran et des organismes de bienfaisance?
    J'ai mené une enquête qui a débouché sur un rapport, Funding Hate. Mon enquête portait sur la Fondation Ford, et elle a mené cette organisation à mettre fin à ses activités de financement des ONG racistes. Dans le cadre de ce travail, j'ai découvert que cette fondation versait des millions et des millions de dollars à des organisations qui soutenaient des groupes antisémites et terroristes ayant participé à la conférence de Durban, en Afrique du Sud. En fin de compte, la fondation a dû établir des règles selon lesquelles aucun de ses bénéficiaires ne pouvait permettre que ses fonds puissent, d'une façon ou d'une autre, financer des terroristes.
    Ainsi, je le répète, il est impossible pour les banques de suivre à la trace les fonds qui passent d'un organisme à un autre. Il peut s'agir d'organismes non gouvernementaux ou d'organismes établis en vertu du paragraphe 501c)(3), lesquels constituent, aux États-Unis, des organismes de bienfaisance. Que se passe-t-il sur le terrain lorsque ces organismes financent des gens qui vont commettre des attentats suicides loin de chez eux, lorsqu'ils prennent en charge des familles et qu'ils inscrivent des gens sur la feuille de paie? On doit examiner les causes profondes du problème et l'infrastructure. Le responsable de la paie, la banque centrale qui gère toutes ces sommes — les petits montants provenant du Canada et les sommes astronomiques provenant du Qatar, de l'Union européenne et des États-Unis — est l'Autorité palestinienne, et elle ne le nie pas. Elle possède ses lois, qui sont connues et qu'elle défend, et elle affirme être dans son bon droit.
     Tous les chiffres que je mentionne — ces 20 millions de dollars et ces 13 000 bénéficiaires — sont tirés de documents internes. Les gens disaient qu'il s'agissait de fonds de bienfaisance, mais récemment, ils ont déclaré: « N'insultez pas nos guerriers. Il ne s'agit pas de dons de bienfaisance. Il s'agit de leurs salaires. » Ils ont utilisé le mot arabe ratib, qui signifie « salaire ».
    Il y a eu un cas l'an dernier au Canada. Tout d'abord, il y a de cela quelques années, la Muslim Association of Canada s'est vu retirer son statut d'organisme de bienfaisance parce qu'il s'est révélé qu'elle avait recueilli une somme de 300 000 $ et qu'elle l'avait versée au Hamas. L'an dernier, IRFAN-Canada a recueilli, à notre connaissance, 14,5 millions de dollars, somme qui a été envoyée au Hamas. Lui aussi s'est vu retirer son statut d'organisme de bienfaisance.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus à propos de quelques-unes des organisations américaines qui, selon vos informations, mènent ici, au Canada, des activités qui sont...?
    Je ne peux pas vous fournir de noms précis.
    Dans ce cas, parlez-nous de la situation aux États-Unis.
    Je peux vous dire qu'on trouve là-bas des organisations qui acheminent de l'argent à divers organismes de bienfaisance, par exemple la Holy Land Foundation, qui a été mise en faillite. L'élément crucial tient aux bénéficiaires finaux de ces sommes. À Détroit, des restaurants ont dû fermer leurs portes parce qu'il s'est révélé qu'ils envoyaient de l'argent à des organisations terroristes. L'un d'eux s'appelait La Shish. Leur cuisine était délicieuse.
    Il est très fréquent que des organismes de bienfaisance créés pour une raison spéciale... Je vais vous donner un exemple. Une ONG relevant de l'Autorité palestinienne, le Prisoners' Club, a été mise sur pied expressément pour faire en sorte que le ministre responsable des prisons affecte en priorité chaque somme qu'il reçoit au paiement du salaire des prisonniers terroristes. Ce poste budgétaire passe avant d'autres comme l'aide sociale ou les infrastructures.
    Merci.
(1005)
    Merci.
    Monsieur Carter, veuillez être très bref, s'il vous plaît.
    Je tenais simplement à préciser quelque chose. Quelqu'un a dit que la Muslim Association of Canada s'était vu retirer son statut d'organisme de bienfaisance, mais c'est faux. Je voulais seulement tirer cela au clair.
    Merci.
    J'aimerais utiliser le temps qu'il nous reste pour revenir sur deux ou trois points.
    Je m'adresserai tout d'abord au représentant de l'Association du Barreau canadien, de même qu'à M. Carter, qui a évoqué des lignes directrices « établies au Canada » — qui donneront aux organismes de bienfaisance des paramètres clairs sur ce qu'ils doivent faire ou ne pas faire pour se conformer aux lois antiterroristes canadiennes.
    Sur le site Web de l'ARC, on peut consulter un document intitulé « Liste de contrôle pour les organismes de bienfaisance sur des façons d'éviter l'abus à des fins terroristes ». Il s'agit d'un document très substantiel. Il comporte des hyperliens menant à toutes sortes de documents liés à la sécurité publique. En outre, il contient une série de questions à l'intention des organismes de bienfaisance. Il me semble qu'il s'agit là de quelque chose que vous avez réclamé. Y a-t-il autre chose que vous souhaitez tous deux?
    Eh bien, monsieur le président, je vous remercie de la question.
    La liste de contrôle est assurément un pas dans la bonne direction. Elle a été instaurée en 2009, puis mise à jour en 2010. À coup sûr, nous félicitons l'ARC de l'avoir mise en place. Cela dit, elle n'est pas suffisante en soi, et ce n'est certainement pas ce que...
    Qu'est-ce que vous y ajouteriez?
    Si vous jetez un coup d'oeil aux lignes directrices du GAFI, du Trésor américain ou de la Charity Commission of England and Wales, vous constaterez qu'elles sont beaucoup plus exhaustives.
    Le document dont nous parlons est constitué d'une très courte liste qui ne rend pas compte de la nature complexe des dispositions législatives antiterroristes. L'une des questions contenues dans la liste est la suivante: connaissez-vous bien les antécédents et les affiliations de vos bénévoles? Il s'agit d'un exemple de question. Comment doit-on s'y prendre pour faire cela? Quelles mesures concrètes doit-on prendre à cette fin? Savez-vous qui utilise vos installations, votre bureau, votre téléphone et votre télécopieur? Savez-vous ce que communiquent les gens qui les utilisent? Comment est-il possible, d'un point de vue pratique, de créer un cadre de référence valable sur le fondement de telles questions?
    Nous avons élaboré à l'intention de nos clients une politique substantielle — elle tient sur quelque 27 pages — afin de tenter de mettre cela en contexte. Une mesure beaucoup plus efficace que pourrait prendre l'ARC consisterait à collaborer avec le secteur caritatif en vue de mettre au point un document pratique qui serait constitué non pas de questions, mais plutôt de recommandations relatives aux mesures à prendre, à l'instar de ce qu'a fait, à l'échelle internationale, le GAFI, ou de ce qu'ont fait des organismes aux États-Unis, en Angleterre et au Pays de Galles.
    Ainsi, à votre avis, ce sont tous là de bons exemples dont le Canada pourrait s'inspirer?
    Oui.
    Nous sommes également de cet avis.
    Nous nous sommes dotés de politiques en matière d'approvisionnement. Si nous avons pu le faire, c'est que notre personnel comporte des avocats chargés de la rédaction de politiques. Nous disposons de toutes sortes de politiques relatives à la diligence raisonnable ou aux vérifications à effectuer à propos des organisations. Nous avons également une politique en matière de sélection des bénévoles et des employés. Il s'agit là de politiques qui exigent énormément d'expertise, et une liste de contrôle comme celle dont nous parlons n'est tout simplement pas suffisamment précise.
    Je comprends très bien cela.
    J'aimerais maintenant m'adresser aux deux représentants du secteur bancaire.
    Monsieur Donovan, vous avez souscrit aux propos de M. King selon lesquels il fallait permettre un échange accru de renseignements entre les institutions financières canadiennes, de même qu'entre le CANAFE et les entités déclarantes. Cependant, je crois que vous avez mentionné, en réponse à une question, qu'il était difficile d'obtenir une rétroaction du CANAFE. Est-ce bien ce que vous avez dit?
    D'un point de vue tactique, monsieur le président, la loi interdit au CANAFE de nous fournir des précisions à propos des renseignements que nous lui avons transmis.
    Vous souhaitez donc non seulement que les institutions financières canadiennes s'échangent davantage de renseignements, mais aussi que le CANAFE transmette de façon proactive un plus grand nombre d'informations à ces institutions?
    C'est exact.
    De toute évidence, cela exigerait une modification des dispositions législatives ou réglementaires. Il faudrait que nous examinions cela.
    Cela dit, des témoins qui se sont présentés ici ont recommandé qu'on mette en place une certaine forme de mécanismes améliorés d'examen et de surveillance du CANAFE en tant que tel et de ses activités. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela? Avez-vous une opinion là-dessus?
    Vous faites allusion à un organisme distinct chargé de superviser les activités du CANAFE?
    Est-il possible d'obtenir de plus amples renseignements à propos des activités du CANAFE? Y a-t-il un moyen de s'assurer qu'il prend des mesures efficaces pour donner suite aux préoccupations soulevées par le commissaire à la protection de la vie privée relativement à la protection des renseignements personnels? Existe-t-il des moyens de faire cela?
    Comme je l'ai dit précédemment, les risques relatifs au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme sont en constante évolution. Si je ne m'abuse, le régime fait périodiquement l'objet d'un examen parlementaire, et je pense que nous avons besoin non pas nécessairement d'un organisme de surveillance, mais plutôt d'une analyse exhaustive de l'ensemble du régime qui serait menée par une tierce partie indépendante dans le cadre de cet examen. Cette analyse nous permettrait de cerner d'éventuels points à améliorer, dont certains concerneraient peut-être le CANAFE et d'autres organismes.
(1010)
    J'aimerais seulement ajouter que le GAFI — le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux — mène également, à propos du Canada, une évaluation de grande ampleur dans le cadre de laquelle il se penche, entre autres, sur les activités que mène le CANAFE en tant qu'unité du renseignement financier. Le GAFI a récemment modifié sa méthode de manière à ce qu'elle permette d'évaluer l'efficacité des régimes en place dans divers pays. Il s'agit donc là d'un autre élément qui pourrait nous donner une idée de l'efficacité globale du CANAFE et de l'ensemble du régime en vigueur au Canada.
    Merci.
    Il ne me reste qu'une minute, et je voulais revenir sur l'échange de renseignements entre les institutions financières. Je vois l'intérêt que cela suscite; je pense qu'une kyrielle de Canadiens possèdent divers comptes bancaires relevant d'institutions différentes, et il serait donc logique de surveiller cela, mais l'échange très légitime de renseignements soulève évidemment des préoccupations relatives à la protection de la vie privée. Il s'agit une fois de plus d'une question à laquelle on ne peut pas répondre en 30 secondes, mais j'aimerais que vous nous disiez ce que vous feriez pour vous assurer de respecter la confidentialité des renseignements, dans l'éventualité où le comité recommanderait l'accroissement de l'ampleur de l'échange de renseignements entre institutions financières.
    Je pense que l'industrie s'attendrait à ce que le gouvernement établisse des paramètres de manière à définir les circonstances où de l'information peut être échangée, le type précis de renseignements qui peuvent faire l'objet d'un échange et les exigences législatives qui seraient imposées à ceux qui échangent de l'information pour garantir la protection des renseignements supplémentaires qui leur sont transmis. Nous recueillons déjà continuellement une énorme quantité de renseignements extrêmement confidentiels à propos de nos clients, notamment en ce qui concerne les gens à qui ils envoient de l'argent et d'autres activités du genre. Ainsi, le milieu des services financiers, plus particulièrement les banques est profondément attaché à la protection de la confidentialité des renseignements de leurs clients. Il s'agit là de l'une des mesures que nous devons prendre pour stimuler la confiance à l'égard du régime. À mon avis, quelques-uns des freins et des contrepoids que nous avons mentionnés constitueraient des mécanismes appropriés.
    Je suis d'accord avec cela.
    Merci, je comprends cela. J'aimerais que nous puissions poursuivre la discussion, mais nous avons un autre groupe de témoins à entendre. Au nom des membres du comité, je tiens à tous vous remercier. Si vous avez des renseignements supplémentaires à fournir au comité, veuillez le faire par l'entremise de la greffière, qui veillera à les transmettre à chacun d'entre nous.
    Chers collègues, je vais suspendre la séance pendant quelques minutes pour permettre au prochain group de témoins de s'installer.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
(1010)

(1020)
    Chers membres du comité, je vous demanderais de regagner vos places. Nous allons reprendre nos travaux. Nous avons quelques minutes de retard.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins qui sont ici, à Ottawa, de même qu'à ceux qui participeront à la réunion par vidéoconférence depuis Londres et Milan.
    D'abord et avant tout, je dois présenter des excuses aux témoins. Il semble qu'on se prépare à tenir quelques votes à la Chambre des communes, mais le comité a décidé que quelques-uns de ses membres demeureraient ici et que d'autres iraient participer au vote à la Chambre. Cela nous permettra d'éviter d'interrompre la réunion et de perdre un temps précieux. Nous allons entendre le plus grand nombre possible de témoignages, de questions et de réponses.
    Commençons par les témoins qui sont présents à Ottawa. Ils disposent d'un maximum de cinq minutes. Nous entendrons ensuite les témoins qui s'adresseront à nous par vidéoconférence.
    Vous pourriez peut-être ouvrir le bal, monsieur Hunter.
    Merci, monsieur le président. Je vous sais gré de m'avoir invité à me présenter ici aujourd'hui.
    Je dois avouer que j'ai été un peu surpris de recevoir votre invitation, vu que, contrairement aux autres invités, je ne suis pas spécialiste des questions liées au terrorisme ou au financement du terrorisme. Je suppose qu'on m'a invité ici parce que je possède quelques connaissances à propos de la loi en question. De fait, j'ai agi comme conseiller juridique de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada au moment où elle a contesté des dispositions de la loi en raison de leurs répercussions sur les avocats.
    J'ai rédigé un mémoire à votre intention. J'espère que vous l'avez sous les yeux. Il donne un aperçu du litige qui a eu lieu. Ce litige, qui s'est étendu sur 15 ans, a été tranché il y a de cela deux ou trois mois par la Cour suprême du Canada, qui a déclaré inopérantes certaines dispositions de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, et donné une interprétation atténuée de certaines autres.
    Je me suis dit qu'il serait peut-être utile pour vous — et j'espère que ce sera le cas — que je vous explique brièvement ce litige et ses origines, de manière à ce qu'on puisse éviter que cela se répète dans l'avenir.
    Il est évidemment tentant d'essayer d'adopter des dispositions législatives qui obligeront les avocats à obtenir de leurs clients des renseignements pouvant être utilisés pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. Toutefois, bien entendu, cela contrevient à quelques principes constitutionnels en vigueur au pays, notamment le principe — qualifié de principe de justice fondamentale — du secret professionnel de l'avocat, le principe de l'accès des avocats aux renseignements détenus par leurs clients et la protection de la confidentialité de ces renseignements, de même que le principe selon lequel — comme la Cour suprême l'a mentionné il y a quelques mois dans le cadre de son jugement — un État ne doit pas porter atteinte au devoir des avocats de se dévouer à la cause de leurs clients. En d'autres termes, un avocat a un devoir à l'égard de son client; il s'agit d'un devoir absolu assujetti à des principes d'éthique et auquel l'État ne doit pas porter atteinte.
    L'autre problème que pose le texte législatif est lié à ses dispositions en matière de perquisition et de saisie, lesquelles autorisaient les perquisitions sans mandat. Bien honnêtement, les tribunaux n'autoriseront jamais qu'un cabinet d'avocats en soit la cible.
    À mes yeux, il y a deux ou trois leçons à tirer de ce litige. Si vous envisagez de promulguer de nouvelles dispositions législatives relatives au financement des activités terroristes, je vous enjoins de faire preuve de prudence au moment de prendre des mesures afin d'obliger les avocats à participer à la lutte contre ce financement au détriment de leurs clients. La profession juridique est très sensible sur ces questions, et les tribunaux se sont eux aussi montrés très protecteurs à l'égard de la confidentialité des renseignements fournis par les clients. Il s'agit là de principes importants de notre structure constitutionnelle, et il me semble que les tribunaux ont assez régulièrement rappelé qu'ils allaient protéger la confidentialité de ces renseignements. Les avocats ont un rôle à jouer au chapitre de l'administration de la justice, et tout cela est compatible avec ce rôle.
    J'avancerais que ce processus fait également passer le message selon lequel les barreaux peuvent jouer un rôle dans tout cela. Les barreaux — et j'utilise ce terme dans un sens général pour désigner tous les organismes de réglementation juridique provinciaux et territoriaux du Canada — possèdent le pouvoir d'instaurer des règles. Comme il est mentionné dans le mémoire, les barreaux ont redoublé d'efforts au cours des 10 ou 15 dernières années en adoptant des règles visant à réduire au minimum la possibilité que des avocats se fassent duper par leurs clients, par exemple en interdisant aux avocats de recevoir de grosses sommes d'argent que leurs clients pourraient leur remettre à des fins de blanchiment ou d'autres fins de cette nature.
    Les barreaux pourraient très bien jouer un rôle de collaboration si vous en arrivez à la conclusion que les avocats pourraient prendre des mesures supplémentaires pour s'assurer que leurs clients ne les utilisent pas à leur insu en leur faisant prendre part à des activités auxquelles ils ne devraient pas se livrer.
    Merci.
(1025)
    Merci beaucoup, monsieur Hunter.
    Monsieur Amicelle, vous avez cinq minutes. Allez-y, s'il vous plaît.

[Français]

    Chers membres du comité, au regard des recherches que j'ai menées et que je continue de mener en Europe et au Canada sur la lutte contre le financement du terrorisme, j'aimerais mettre à profit les quelques minutes qui me sont accordées pour aborder un point de tension qui structure la lutte contre le financement du terrorisme.
    Comme vous le savez, la lutte contre le financement du terrorisme — l'aspect financier du contre-terrorisme — a été promu en étant articulé autour de deux stratégies officiellement complémentaires.
     Une première stratégie vise à désigner publiquement des personnes ou des entités suspectées d'activités, ou de soutien des activités, de financement du terrorisme, et ce, afin de geler leurs avoirs financiers, leurs comptes bancaires, en espérant, par ce fait, diminuer les ressources de groupes considérés comme terroristes et que cela puisse réduire leur capacité d'action.
    Ce postulat stratégique mériterait d'être discuté et peut-être fortement nuancé. Je me tiens à votre disposition pendant la période de questions pour pointer les controverses et les difficultés liées à la mise en oeuvre concrète et pratique de cette stratégie.
    La deuxième stratégie considère, ou vise davantage à voir, l'argent et la piste financière comme une source d'information. L'objectif final de cette deuxième stratégie n'est pas tant de geler les flux financiers, mais plutôt de les suivre afin de produire du renseignement financier sur des individus ou des relations financières entre individus.
    Je souhaite véritablement insister sur cette deuxième stratégie qui conjugue la finance et la sécurité. Autrement dit, les pratiques de surveillance et de renseignement financier sont, en quelque sorte, le point de rencontre entre des acteurs très différents qui, il y a encore quelques années, n'avaient pas du tout l'habitude de coopérer ou même de parler ensemble. Cela veut dire que d'un côté, il y a des acteurs issus du monde économique et financier — à commencer évidemment par les acteurs bancaires — et de l'autre côté, il y a des acteurs issus du monde de la sécurité et du renseignement, à commencer par la cellule de renseignement financier, le CANAFE, au Canada et des agences d'application de la loi et des services de renseignement.
    Une telle coopération existe. Elle produit des effets, mais à mon sens elle renvoie à un point de tension, ou un équilibre de tension, voire un malentendu qui se cristallise complètement dans une notion, celle du risque. En effet, la lutte contre le financement du terrorisme et du blanchiment d'argent est fondée sur une approche basée sur le risque et la gestion du risque. L'ensemble des acteurs que j'ai mentionnés partagent cette terminologie et pratiquent le langage du risque. Cependant, cela ne reflète pas forcément le partage d'une représentation commune du risque à gérer.
    Autrement dit, si je puis m'exprimer ainsi, les acteurs s'accordent sur l'utilisation du même mot, qui est la notion de risque, mais ils ne parlent pas forcément de la même chose. Selon la mission qui leur est confiée, les agents de police et de renseignement, quand ils évoquent la notion de risque de financement du terrorisme, parlent avant tout de risque de violence ou d'attentat pour la société et la population.
    En revanche, les agents de conformité des banques, quand ils évoquent la notion de risque de financement du terrorisme, parlent avant tout de risque pour leur réputation financière et juridique pour eux-mêmes, leur employeur et pour leur institution. C'est ainsi que les uns parlent de risques sociétaux alors que les autres ont davantage en tête des risques institutionnels.
    En quelque sorte, il y a une convergence entre les deux. Il y a une coopération, mais elle se fait au prix d'un malentendu, ou à tout le moins, d'une divergence d'interprétation sur ce que représente cette idée de risque de financement du terrorisme.
     On pourrait penser et faire l'hypothèse que ces deux conceptions du risque peuvent aller dans le même sens, converger et se superposer. Cependant, les études empiriques que nous avons pu faire sur ces enjeux montrent plutôt l'inverse: les agents de conformité, dans les banques notamment, agissent dans un contexte de défense organisationnelle, de défense de leur institution. Dans ce cadre, énormément d'agents de conformité ont tendance à effectuer ce qu'il convient d'appeler des déclarations de complaisance ou défensives. Cela signifie qu'ils vont avoir tendance à transformer le moindre doute en soupçon suffisant pour déclarer et signaler toute transaction inhabituelle.
    Au nom d'une aversion au risque institutionnel, ils préfèrent déclarer la transaction, au risque de mal le faire et de la déclarer de façon abusive aux autorités compétentes, notamment à la cellule de renseignements financiers. Cela risque, finalement, de produire davantage de bruit informationnel que de renseignements financiers utiles. Certes, cette gestion du risque institutionnel peut être utile pour protéger les institutions financières. De là à savoir si c'est productif ou non pour gérer le risque de financement du terrorisme pour la société, c'est une question qui demeure ouverte.
(1030)
     Le débat se pose donc là, autour de ce malentendu, autour de la notion de risque et de cette coopération fondée sur ce malentendu à l'égard de ce que doit être la lutte contre le financement du terrorisme.
    En conclusion, on pourrait dire que cette coopération, cette lutte contre le financement du terrorisme est effective au sens où elle produit des effets; il y a une coopération quotidienne. Par contre, de là à savoir si cette coopération, au-delà d'être effective, est efficace, c'est une question qui soulève débat et qui demeure ouverte encore aujourd'hui.
    Merci beaucoup, monsieur Amicelle.
    Nous allons poursuivre en vidéoconférence avec Mme Napoleoni pour cinq minutes.

[Traduction]

    Je pense que nous devrions analyser ce qui s'est passé avec le groupe État islamique, qui a mis au point un nouveau modèle de financement des activités terroristes. À mes yeux, le plus grand risque que pose ce modèle tient au fait que d'autres organisations en adopteront un semblable et qu'il se propagera d'un pays à l'autre. Les éléments les plus importants sont les suivants: le contrôle du territoire dans les régions dotées de ressources stratégiques et où sévissent les fléaux de la guerre et de l'anarchie politique; l'élaboration, de concert avec la population locale, d'initiatives visant à établir un consensus, mais également à optimiser les recettes; et enfin, la création d'une structure fiscale grâce à laquelle le groupe État islamique peut prélever auprès de la population un impôt lié à l'utilisation des infrastructures et des services — par exemple l'électricité et l'approvisionnement d'eau —, mais également à l'accès au système judiciaire.
    Il s'agit là d'un régime qu'il est très difficile de changer en ce qui a trait au financement des activités terroristes, vu qu'il est totalement autofinancé. Sur le plan structurel, il s'agit d'une économie fermée qui ne fait pas affaire avec le reste du monde. Aucuns fonds ne transigent par le régime bancaire islamique ou le régime bancaire conventionnel. Tout se passe à l'échelle locale. Bien souvent, la population des régions avoisinantes avec lesquelles le groupe État islamique mène la plupart de ses activités de contrebande et d'échanges commerciaux, n'a d'autre choix que de collaborer. Ces populations ne font pas partie de ce groupe, mais elles sont, dans une certaine mesure, déterminées par ses activités. L'unique façon d'intervenir dans ce nouveau modèle de financement du terrorisme consiste à verser depuis un pays occidental de petits dons qu'il est toujours possible de faire. En règle générale, ceux qui le font sont des amis ou des membres de la famille de djihadistes qui ont rejoint les rangs du groupe État islamique, ou même des épouses de djihadistes.
    Il s'agit là d'une certaine forme de microfinancement. Les virements d'argent sont effectués par l'entremise du système bancaire parallèle, de Western Union, d'un système hawala ou d'amis qui se rendent dans les pays avoisinants. Les montants virés sont toujours très petits. Il s'agit de montants inférieurs à 500 $. L'argent électronique constitue un autre moyen de financement. Le Hamas y a eu recours dans le passé. Il est très difficile d'exercer une surveillance sur les transactions de ce genre, vu que, chaque jour, un très grand nombre d'entre elles sont conclues partout dans le monde. Il est fréquent que des collectivités parviennent à subvenir à leurs besoins grâce à l'argent qui leur est envoyé par des membres de la diaspora de leur propre pays au moyen de ce type de transaction.
    Pour terminer, je vais formuler deux recommandations.
    La première est la suivante: nous devons absolument empêcher que le modèle du groupe État islamique fasse recette, car si cela se produit, il deviendra le modèle du 21e siècle. À cette fin, il est inutile de déclencher une guerre ou une intervention militaire, vu que, comme on l'a constaté, nous avons affaire à un modèle qui s'épanouit dans ce genre d'environnement. Il serait beaucoup plus efficace d'offrir un choix ou une solution de rechange aux collectivités dont l'économie est imbriquée dans celle du groupe État islamique, par exemple celles qui font des échanges commerciaux ou celles des pays limitrophes. Bien entendu, cela passe par une pacification de ces régions. Tant que nous sommes en guerre et tant que l'anarchie politique règne, il y a très peu de choses que nous puissions faire à cet égard.
    Ma deuxième recommandation est la suivante: il faut passer au crible ces transactions de microfinancement. À cette fin, on doit établir des profils. Une multitude de personnes envoient régulièrement de l'argent aux membres de leur famille et à leurs amis. Grâce à des activités d'établissement de profils, nous pourrons créer une base de données qui nous aidera à déceler les cas de personnes qui transmettent de l'argent non pas pour des raisons familiales, mais plutôt pour financer des djihadistes ou des personnes qui deviennent membres du groupe État islamique ou d'une autre organisation.
(1035)
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Napoleoni.
    Si vous le permettez, j'aimerais prendre une pause avant que nous ne passions au prochain témoin. J'ai besoin du consentement unanime des membres du comité afin de poursuivre la réunion. Les votes se tiendront dans 28 minutes.
    Est-ce que j'ai le consentement du comité?
    Des voix: Oui.
    Le président: Merci.
    Monsieur Keatinge, vous disposez d'un maximum de cinq minutes pour nous présenter votre exposé.
    Bonjour à tous. Je suis enchanté de l'occasion qui m'est offerte.
    Je m'appelle Tom Keatinge, je suis directeur du Centre for Financial Crime and Security Studies du Royal United Services Institute, centre d'études sur la défense et la sécurité dont le siège se situe à Londres. Avant cela, j'ai été banquier en investissement chez J.P. Morgan pendant 20 ans.
    Le centre se consacre à la recherche sur les finances et la sécurité, et plus particulièrement sur les deux thèmes suivants: les politiques relatives aux crimes financiers, par exemple, celles visant l'établissement de liens entre les gouvernements et les banques du secteur privé pour combattre le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes, ce qui englobe l'amélioration de l'échange de l'information; puis les questions d'actualité, par exemple le financement de l'EIIS, le rôle du renseignement financier au chapitre de l'identification des combattants étrangers en provenance du Royaume-Uni et d'autres sujets du genre.
    Le financement des activités terroristes de l'EIIS est devenu un sujet couramment abordé. Comme on l'a mentionné, l'EIIS dispose d'un certain nombre de sources de financement, notamment l'impôt, l'extorsion, le pétrole et le vol d'antiquités. Il s'agit véritablement d'un sujet d'actualité, mais bien entendu, il ne s'agit pas d'un phénomène nouveau; il remonte à de nombreuses années. Immédiatement après les attentats du 11 septembre, le premier coup que le président Bush a porté contre Al-Qaïda dans le cadre de sa guerre contre le terrorisme a été d'annoncer qu'il s'attaquerait aux fondements financiers du réseau terroriste mondial. Au Royaume-Uni, bien avant cela, bien entendu, l'IRA provisoire avait établi des modèles de financement impressionnants.
    Les groupes qui ne veulent plus s'en tenir à une existence au jour le jour et souhaitent passer à un modèle mieux organisé ont besoin de fonds pour atteindre leurs objectifs. Le financement est le moteur des groupes terroristes, mais il représente aussi l'un de leurs points les plus vulnérables. Il en coûte peu pour mener une simple attaque, mais il faut de l'argent pour mettre en place et entretenir une infrastructure et instaurer un climat favorable.
    Comme vous le savez certainement, la politique mondiale de lutte contre le financement des activités terroristes est de nature multilatérale, et elle repose sur les recommandations du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, une série de résolutions connexes du Conseil de sécurité des Nations Unies — par exemple les résolutions 1267 et 1373 — et les diverses résolutions touchant le financement de l'EIIS adoptées au cours des 12 derniers mois.
    En général, les groupes de terroristes peuvent puiser des fonds de deux grandes sources, soit les sources internes et les sources externes. Le financement interne a lieu aux endroits où un groupe contrôle un territoire et la population qui s'y trouve. Les fonds proviennent de l'imposition de taxes qui touche les entreprises, les particuliers, les transports et les routes des contrebandiers, de même que du commerce. Comme on l'a mentionné, l'EIIS est passé maître dans cet art.
    Les fonds peuvent aussi provenir de sources externes, par exemple de donateurs — par exemple de riches partisans comme ceux de pays du Golfe —, de membres de la diaspora ou de simples particuliers motivés à appuyer une cause donnée.
    De toute évidence, il est beaucoup plus facile d'endiguer l'afflux de capitaux provenant de sources externes que de perturber le financement de sources internes. Cependant, il peut être difficile de perturber les activités de financement externes si la communauté internationale n'unit pas ses efforts. Il suffit de constater à quel point l'industrie du charbon continue de financer al-Chabab malgré les condamnations de la communauté internationale et les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. L'enlèvement contre rançon est une autre source externe de financement que la communauté internationale n'a pas réussi à endiguer en raison d'un manque de coordination.
    Pour bien s'établir, survivre et prospérer, les groupes terroristes ont besoin de mettre en place des sources fiables de financement en fonction du territoire où ils sont actifs et de la population et des ressources qui s'y trouvent. Al-Qaïda en Irak s'était rendu compte de l'importance capitale du financement. Un document déclassifié sur les « leçons apprises » saisi à la suite de l'invasion de l'Irak en 2003 révèle que le groupe estime qu'une mauvaise gestion financière et l'irrégularité de ses revenus étaient des facteurs importants ayant contribué à sa défaite.
    Cela dit, les rapports remettent régulièrement en question l'efficacité des efforts de lutte contre le financement des activités terroristes. Les donateurs acheminent davantage de fonds en Syrie; on continue de payer des rançons; les échanges commerciaux liés, par exemple, au pétrole, aux stupéfiants et au charbon, continuent de financer les activités de groupes terroristes; et, malgré les analyses menées par le GAFI et d'autres organismes multilatéraux, les cadres de lutte contre le financement des activités terroristes de bien des pays ne répondent pas aux attentes. On peut déduire de la prolifération des groupes terroristes que ces groupes s'adaptent et profitent de ce que Oussama ben Laden appelait les « failles du système financier occidental ».
    L'architecture nationale et internationale de lutte contre le financement des activités terroristes doit donc être constamment réévaluée. Contrairement au risque relativement stable que représente le blanchiment d'argent, le risque que fait peser le financement des activités terroristes varie et évolue en fonction des événements géopolitiques. Il n'y a pas si longtemps, les entreprises et les banques investissaient des sommes importantes en Turquie et en Libye, mais aujourd'hui, ces investissements les font peut-être participer au financement d'activités terroristes.
(1040)
    Il ne vous reste qu'une minute, monsieur Keatinge, si vous le souhaitez.
    Très bien.
    Au cours de la séance précédente et de la présente séance, on a soulevé un certain nombre de questions qui doivent être examinées et sur lesquelles nous pouvons revenir. Toutefois, la question la plus importante et la plus utile à examiner est peut-être celle de l'accent mis sur les partenariats public-privé et l'échange d'informations entre les autorités et les banques, approche qui a gagné beaucoup de terrain au Royaume-Uni.
    Les banques ont fait l'objet de vives critiques et de lourdes sanctions, mais les gouvernements ont besoin d'elles pour défendre les frontières financières nationales et internationales. Cet objectif peut être atteint seulement par l'établissement de partenariats constructifs entre les secteurs public et privé. David Cohen, ancien responsable de la lutte contre le financement des activités terroristes au sein du Trésor américain, a fait remarquer que le secteur privé pourrait avoir un effet multiplicateur sur les efforts de lutte d'un pays. Je recommande au comité d'examiner cela de près.
    Merci. J'ai hâte de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Keatinge.
    Chers collègues, comme notre réunion se déroule en comité restreint, je pense que nous pouvons tenir des tours d'un maximum de sept minutes.

[Français]

     Nous commencerons avec M. Côté.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également tous nos témoins d'être présents aujourd'hui.
    Je vais commencer en m'adressant à M. Hunter.
    Je vous remercie de nous parler des problèmes causés par l'obligation de divulgation imposée à la profession juridique et de la décision de la Cour suprême.
    Peut-être ai-je mal suivi votre présentation, mais je me demande une chose. L'obligation de divulgation a-t-elle rapport à un projet de loi lié à la lutte contre le terrorisme ou à la lutte contre la criminalité?

[Traduction]

    C'est exact. La loi en vigueur, à savoir la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, comportait initialement des dispositions — qui ont été retirées — concernant les avocats. Par la suite, en 2008, on a adopté des dispositions réglementaires exigeant que les avocats recueillent de l'information de leurs clients et rédigent des rapports. Voilà en quoi consistait le noeud du litige.

[Français]

    J'ai l'honneur de siéger au Comité permanent des finances depuis le début de l'année. J'y ai siégé aussi pendant l'année 2013. À cette époque, le comité a mené une étude du projet de loi monstrueux, soit le projet de loi C-48. Il s'agissait d'un projet de loi très technique qui modifiait entre autres des aspects de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ce projet de loi avait lui aussi causé des difficultés liées à la divulgation d'informations d'ordre fiscal. Aviez-vous touché à ce projet de loi? Pouvez-vous nous en parler?
     Il semble y avoir une tendance à vouloir forcer les avocats à transgresser leur devoir de réserve ou à ne plus le respecter, tout cela afin de lutter contre l'évasion fiscale, la criminalité ou le terrorisme. J'aimerais avoir vos impressions. Avez-vous des inquiétudes par rapport à cette approche?
(1045)

[Traduction]

    Oui. Je ne connais pas le projet de loi, mais dans le passé, il m'est assurément arrivé — non pas tant personnellement, mais plutôt dans le cadre de mes activités au sein d'organismes de réglementation — d'être mis en présence d'une démarche de l'ARC. Jusqu'à un certain point, je comprends la nécessité d'une telle mesure qui vise les avocats et a pour but d'exiger qu'ils fournissent des renseignements qui, à première vue, sont protégés par le secret professionnel. L'ARC peut être très agressive à ce chapitre, et la profession l'a fait reculer.
    Je ne suis au courant d'aucun problème actuel en particulier. Les problèmes ont tendance à être de nature ponctuelle, mais bon nombre d'entre eux se sont produits. Il s'agit d'un problème qui semble se reproduire.

[Français]

    Je vous remercie.
    Madame Napoleoni, j'ai suivi votre témoignage seulement en partie. C'est toujours un défi pour les parlementaires de trouver des références compte tenu du peu de temps que nous avons. J'ai perdu un peu le fil de votre témoignage et je m'en excuse.
    Vous avez parlé du problème lié à l'approche fondée sur l'utilisation d'interventions armées des États pour lutter directement contre le groupe État islamique. C'est un débat de longue date à la Chambre des communes. Le gouvernement s'est retrouvé assez isolé avec cette approche.
    Qu'est-ce qui vous inquiète? Quelles conséquences appréhendez-vous de cette approche qui consiste à mettre beaucoup d'énergie et de moyens pour que les pays occidentaux s'impliquent sur le plan militaire en Irak ou en Syrie pour lutter contre le groupe État islamique?

[Traduction]

    Eh bien, si j'ai dit qu'une intervention militaire ne donnerait pas de bons résultats, c'est que le modèle de financement des activités terroristes que le groupe État islamique a créé est fondé sur la guerre, en l'occurrence une guerre civile, qui a dégénéré en une guerre par factions interposées. Dans de telles circonstances, il est très facile pour une organisation comme le groupe État islamique de chercher de très bons commanditaires, mais aussi d'utiliser leur argent, et plutôt que de participer à la guerre par factions interposées, de prendre le contrôle d'enclaves dont j'ai parlé plus tôt — et où se trouvent les ressources stratégiques — et de créer ensuite son propre État.
    À l'heure actuelle, ces enclaves font du commerce — évidemment illégal, puisqu'il s'agit de contrebande — avec les régions avoisinantes, lesquelles ne relèvent pas nécessairement du groupe État islamique, mais qui demeurent en proie à la guerre et à l'anarchie politique. Le pétrole est l'un des nombreux produits faisant l'objet d'une contrebande. Les produits agricoles représentent une autre marchandise stratégique régulièrement vendue aux régions limitrophes. Bien souvent, aucune autre option ne s'offre à ces régions. C'est évidemment le cas de la Syrie; si l'on n'achète pas d'électricité et de pétrole du groupe État islamique, on n'a rien du tout.
    Une stratégie plus efficace consisterait à pacifier ces régions afin d'encercler le groupe État islamique. Plutôt que d'agir de l'intérieur, il faudrait s'attaquer à sa structure financière fondée sur le commerce illégal en améliorant la situation économique de la région. Bien sûr, cela exige une solution politique à l'échelle internationale. Le groupe État islamique est particulièrement puissant dans le nord de la Syrie, et, bien entendu, cette région fait du commerce avec le sud.
    À mon avis, si nous persistons à mener des interventions militaires, nous ne ferons que renforcer ce modèle, qui est issu des interventions militaires et de la guerre. Cela ne ferait que renforcer le groupe État islamique. Il prendra de l'expansion, comme cela est en train de se produire. Nous avons bombardé le nord de l'Irak. Nous avons réussi à reconquérir des positions stratégiques, et le groupe s'est déplacé vers le sud. Ainsi, les frontières évoluent elles aussi. Elles le font notamment en fonction des ressources stratégiques dont l'État a besoin pour se maintenir.
(1050)

[Français]

     Merci, madame.
     Merci, monsieur Côté.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. Saxton, qui dispose d'un maximum de sept minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Madame Napoleoni, j'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées, car j'essaie de comprendre votre position à l'égard de l'intervention militaire.
    Tout d'abord, vous avez dit que l'EIIS vendait du pétrole — sur le marché noir, je présume — pour financer ses activités. Il s'agit probablement de l'une de ses principales sources de financement. Vous avez également dit qu'une intervention militaire serait inutile.
    Eh bien, vous êtes certainement consciente du fait que l'intervention militaire vise les champs de pétrole que le groupe utilise pour financer ses activités. Par conséquent, je tente de comprendre votre position. Vous pourriez peut-être me fournir des explications là-dessus.
    On s'est attaqué à ces champs de pétrole dans le cadre de l'intervention militaire, mais cela n'a pas donné le résultat escompté, à savoir la création d'une scission entre l'ensemble de la population et le groupe État islamique. En fait, ce groupe tire parti d'un consensus qui a été établi au sein de la population par suite de l'établissement d'un partenariat entre les chefs tribaux et l'ensemble de la population en ce qui concerne l'exploitation de ces ressources. Dans une certaine mesure, la population profite de l'arrivée du groupe État islamique dans ces régions. Si nous les bombardons, la population se dira que nous sommes son ennemi, et que le groupe État islamique est son protecteur.
    Nous devons comprendre que nous combattons une organisation armée qui s'est transformée en un État. Ce groupe exerce un contrôle sur le territoire et sur les ressources. Pour la population, il s'agit là d'une situation préférable à celle qui régnait auparavant, où elle était sous l'emprise de chefs de guerre, de gangs criminels et d'une dictature.
    Bien entendu, il ne s'agit ni d'une démocratie ni d'une situation idéale, mais cela vaut mieux que la situation qui régnait précédemment. Voilà pourquoi j'affirme qu'une intervention militaire peut avoir un effet boomerang.
    J'ajouterai que nous ne remporterons jamais la victoire si nous ne disposons pas de l'appui de la population locale.
    Je dois vous interrompre, car il ne me reste que peu de temps pour poser mes questions.
    Je comprends votre argument, mais je crois que vous oubliez que les bombardements visent à miner la capacité de l'État islamique à vendre du pétrole et à fabriquer ou à entreposer des armes, ce qui sapera sans aucun doute ses efforts de guerre contre son propre peuple et contre la coalition.
    Ce que vous dites, c'est qu'il faut gagner la confiance et l'estime de la population locale, mais je crois que vous omettez de mentionner que les interventions militaires affaiblissent considérablement les efforts de guerre de l'État islamique en coupant son approvisionnement en ressources et en détruisant ses armes. C'est du moins ce que nous comprenons.
    J'aimerais maintenant poser une question à M. Keatinge.
    Monsieur Keatinge, dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que l'État islamique se finance en partie par la vente d'antiquités. Je croyais toutefois que l'État détruisait la plupart des antiquités. Pouvez-vous m'éclairer sur cette question?
    L'État islamique a certainement tourné beaucoup de vidéos où on voit de la destruction, mais il est clair qu'il revend des objets plus petits. D'un côté, il détruit des sites, et de l'autre il revend ce qu'il y a pillé, surtout en Syrie.
(1055)
    Pouvez-vous parler davantage de la vente de pétrole comme source de financement pour l'État islamique? Qui achète le pétrole? Comment est-il acheminé au marché?
    Nous devons garder à l'esprit qu'il y a des routes de contrebande qui existent depuis plusieurs dizaines d'années. La question est de savoir qui les utilise et qui les contrôle à tout moment. En 1990, lorsque l'Occident imposait des sanctions à l'Irak, les routes de contrebande étaient utilisées par le régime de Saddam Hussein.
    Les routes de contrebande, par exemple vers la Turquie, existent depuis nombre d'années. Il s'agit de savoir qui en tire parti. Pour l'instant, c'est en grande partie l'État islamique qui profite des routes de contrebande pour acheminer le pétrole passé la frontière syro-turque. Il y a également beaucoup de preuves de l'existence d'un arrangement entre le régime Assad et l'État islamique concernant la vente de pétrole. L'État islamique a donc accès à des acheteurs dans la région.
    Le transport se fait surtout par camions-citernes et par bateaux, n'est-ce pas?
    Oui, par camions-citernes, et il y a également des canalisations improvisées qui traversent la frontière à certains endroits.
    Je trouve très alarmant que, d'après ce que vous dites, le régime Assad, qui semble combattre l'État islamique, a en fait conclu une entente avec lui pour acheter son pétrole.
    À mon avis, nombre de personnes ne sont pas convaincues que le régime Assad combat l'État islamique. Je crois, comme je l'ai dit, qu'ils ont un arrangement, ce qui veut dire qu'il est parfois plus judicieux pour le régime Assad de ne pas combattre l'État islamique.
    Quelle est selon vous la chose la plus efficace que puisse faire un gouvernement pour lutter contre le financement du terrorisme?
    Comme je l'ai dit, l'État islamique dispose de sources de financement internes. Nous en avons déjà parlé. Il s'agit, entre autres, de taxes. Il est très difficile d'éliminer ce genre de financement. Je crois que ce que le Canada et les autres gouvernements du monde peuvent faire, c'est s'assurer que les sources de financement externes sont réduites au minimum.
    Comme on l'a déjà dit, l'État islamique tire la plus grande partie de son financement de sources internes. Néanmoins, les sources externes ont également leur importance. On doit donc s'assurer que les pays limitrophes de la Syrie et de l'Irak se conforment à leurs obligations internationales et qu'ils ont les moyens nécessaires pour surveiller les flux financiers et les systèmes parallèles — par exemple, les sociétés de virement d'argent —, et cela doit être fait de façon concertée, ce qui n'est pas le cas actuellement.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Saxton.
    Monsieur Van Kesteren, vous avez sept minutes. Allez-y, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous d'être ici. Encore une fois, la discussion est fascinante. Nous pourrions vraiment nous éparpiller, mais je veux revenir à l'essentiel du sujet, alors je vais m'adresser à vous, monsieur Amicelle.
    Malheureusement, je vais devoir vous parler dans ma langue, mais nous avons de bons interprètes, alors je ne crois pas que vous aurez autant de difficultés que j'en aurais dans la situation inverse.
    J'aimerais que vous nous disiez quelles mesures de surveillance des activités de financement du terrorisme fonctionnent. J'ai plusieurs questions, vous pourriez peut-être y répondre une fois que j'aurai terminé.
    Au chapitre de la surveillance des activités de financement du terrorisme, qu'est-ce qui fonctionne et qu'est-ce qui ne fonctionne pas? Dans l'ensemble, les gouvernements et les institutions financières du monde ont-ils une approche désuète à cet égard? Quels changements devons-nous apporter, et que recommandez-vous?
    Pouvez-vous émettre des commentaires sur tout ce que j'ai dit?

[Français]

     Évidemment, il s'agit ici d'une question vaste. Comme je l'ai mentionné plus tôt, il faut toujours garder en tête la lutte contre le financement du terrorisme, telle que nous la connaissons aujourd'hui. J'ai aussi parlé des deux stratégies. Ce sont à la fois des sanctions ciblées semblables au régime des Nations unies et des pratiques de renseignement financier. Il s'agissait au début de la lutte contre le blanchiment d'argent, mais la question du financement du terrorisme s'y est greffée par la suite.
    Ce qui est intéressant, au niveau international, c'est qu'un rapport publié en juin 2001 disait que les mesures antiblanchiment n'étaient pas adaptées à la lutte contre le financement du terrorisme. Puis, les événements du 11 septembre 2001 sont survenus. Le financement du terrorisme a alors été inclus dans les recommandations. On sait que le financement du terrorisme a cette particularité de ne pas avoir forcément une origine illégale. Les fonds ne sont pas forcément illégaux, mais la destination peut l'être. Souvent, il s'agit de montants relativement faibles.
    La tension entre ces deux aspects est liée à la survalorisation du financement du terrorisme. On croyait que le renseignement financier permettrait éventuellement de prévenir certaines attaques ou certains problèmes terroristes. Or il s'avère que son utilisation est efficace surtout après un attentat, c'est-à-dire dans la logique d'une enquête criminelle classique, où une attaque a été commise par un ou plusieurs individus. À partir de là, on essaie de remonter la trace financière, établir les relations financières en vue de « cartographier » un certain nombre de relations de suspects potentiels. L'idée, ici, est d'utiliser cette méthode après une attaque, comme une enquête.
    L'importance accordée aux sanctions ciblées constitue un autre problème. On peut penser ici aux mesures des Nations unies concernant Al-Qaïda et les talibans. Il s'agit de désigner des individus ou des groupes pour ensuite geler leurs comptes bancaires. Or il n'est pas facile de savoir si ces individus utilisent réellement des comptes bancaires. Une autre difficulté qui se pose concrètement, c'est l'abondante controverse autour de la façon dont sont désignés les individus et les groupes. On parle ici du respect des droits, du fait de savoir pourquoi un individu se retrouve sur une liste donnée et comment il peut se défendre s'il considère que c'est une erreur.
    Par contre, il y a une question qui n'a pas encore été soulevée aujourd'hui, mais qui est centrale, à mon avis. Il s'agit des difficultés pratiques qu'implique la mise en oeuvre du gel des avoirs. On considère que, une fois la personne ou le groupe inscrit sur la liste, son compte bancaire va être automatiquement gelé, sans autre forme d'analyse. En réalité, les acteurs bancaires ont énormément de difficulté à identifier et à détecter les personnes sur les listes parce qu'il leur manque souvent d'identifiants. Il arrive qu'ils aient un nom ou un prénom, mais pas plus. Imaginez qu'ils n'aient que le prénom Anthony. La difficulté est qu'il faut alors filtrer plusieurs millions de transactions financières, chaque jour et pour chaque banque, afin de déterminer si c'est le vrai Anthony qui est concerné, soit la personne qui est sur la liste, ou si c'est plutôt ce qu'on appelle un « faux positif ».
     Il faut toujours garder en tête que l'équilibre à trouver consiste à lutter contre le terrorisme, certes, mais sans gêner l'ordre financier existant. C'est la façon dont ce système a été conçu. Les deux objectifs sont de protéger le système financier existant et de lutter contre le terrorisme, mais si la lutte contre le terrorisme perturbe le système financier, ça cause problème. Il faut à la fois ne pas ralentir le flux financier et lutter contre le terrorisme. Or il y a clairement une difficulté en ce sens, à l'heure actuelle.
(1100)
    Monsieur Van Kesteren, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Il vous reste un peu moins de trois minutes, monsieur Van Kesteren.
    La discussion commence un peu à déraper. On parle des hostilités au Moyen-Orient, mais notre étude est censée porter sur le financement du terrorisme. Je crois que ce que nous devons faire, en tant que gouvernement et en tant que société, c'est veiller à ce que l'activité terroriste reste... Je ne veux pas nécessairement dire qu'il faut la garder au Moyen-Orient, car il est évident que nous devons l'aider à régler ses problèmes, mais il est tout aussi certain que nous ne voulons pas que cela se produise ici.
    Ma question est la suivante. Nos efforts suffisent-ils à éliminer ces activités ici? Combien d'argent passe par le Moyen-Orient, ou par tout pays où il y a des hostilités, et combien passe, en ce qui nous concerne, par l'Amérique du Nord? Est-ce que c'est séparé, ou est-ce qu'il y a un lien?

[Français]

     Sur ce point, l'enjeu principal est de savoir quels types de véhicules financiers sont utilisés.
     Si vous passez par le système bancaire classique, des transactions vont passer par les États-Unis, tout simplement parce que ces transactions internationales sont faites en dollars et passent par des banques correspondantes, aux États-Unis ou au Canada. Là, l'enjeu principal est de mettre en place une surveillance de ces flux financiers qui existent dans les banques, et qui existent dans d'autres entités du secteur économique et financier, afin de filtrer ces transactions et d'en tracer le profil.
    Encore une fois, il y a une grande difficulté, qui ne porte pas seulement sur le blanchiment d'argent — déjà, c'est compliqué — et sur le financement du terrorisme: il pourrait ne s'agir que de transactions complètement anodines. Si ce sont des fonds de faible importance, des petits montants, et si c'est de l'argent gagné légalement qui est envoyé à telle organisation qui n'est peut-être même pas au courant que cet argent va ensuite être utilisé par une organisation considérée comme terroriste par certains États, la difficulté est là.
    Par ailleurs, l'enjeu que vous soulevez de façon plus générale est, au-delà du système financier et du système bancaire, l'utilisation éventuelle d'autres voies — ou simplement de valises d'argent. La difficulté est, encore une fois, différente. Finalement, le dispositif qui a été mis en place au Canada est un dispositif de surveillance des flux financiers passant par le dispositif bancaire classique. L'effort a été mis là-dessus.
    J'ai évoqué toutes sortes de difficultés sur le plan de la détection, ce qui est extrêmement difficile à repérer et, lors de ma présentation, l'éventuel malentendu entre les deux. Les acteurs bancaires ou autres vont d'abord chercher à se protéger des régulateurs. Ils vont montrer patte blanche et dire qu'ils ont déclaré ce qu'il fallait déclarer. Dans quelle mesure cela est-il utile, par la suite, pour les services de renseignements financiers? Là est la question.
    Si j'avais une recommandation à faire, ce serait de réfléchir à tout cela. Au-delà de l'utilisation de cette notion de risque, dont la définition semble être une évidence, il faudrait se demander comment chaque acteur du dispositif interprète la gestion de risque, comment il la pense et quelle dynamique de déclaration et de surveillance cela entraîne. Réfléchir à cette coopération et à comment chacun perçoit son rôle pourrait être un enjeu très canadien.
(1105)
    Merci, monsieur Amicelle.

[Traduction]

    Merci, monsieur Van Kesteren.
    La parole va maintenant à M. Côté.

[Français]

    Vous disposez de sept minutes.
    Tout le monde aura droit à un autre tour de questions.
    Parfait, c'est excellent.
    Monsieur Amicelle, puisque vous êtes sur une lancée, je vais en profiter.
     J'aimerais vous amener sur un autre terrain. Au cours d'une séance passée, un de nos témoins, M. Haras Rafiq, avait fait une présentation très intéressante sur le problème de la radicalisation. Il a mis l'accent sur le fait que, pour tarir le financement et le soutien aux organisations terroristes, il fallait faire un travail très important afin de comprendre comment les gens qui se radicalisent le font, et dans quel but. Je lui ai posé une question concernant le problème actuel du financement de la recherche fondamentale, plus particulièrement du financement de la recherche humaine en me basant sur un article paru dans The Globe and Mail concernant un groupe de recherche dédié à l'étude du terrorisme, de la sécurité et de la société, dont le financement fédéral a été aboli.
    J'imagine que vous faites face, vous-même, à des problèmes de financement de votre travail. On sait que le réseau universitaire du Québec se plaint de manquer de soutien. Nous n'aborderons pas la question des relations avec le gouvernement provincial, mais le fédéral a quand même une responsabilité à cet égard. Pensez-vous, comme M. Rafiq, que le fait de dédier des sommes au soutien des groupes qui vont pouvoir rendre compte sous différents angles du phénomène de la radicalisation aiderait énormément à lutter, par d'autres voies, contre le financement et le soutien au terrorisme?
    Je vous remercie de votre question.
     Il se trouve que je fais partie de ces réseaux de recherche qui ont subi des compressions. Je pense que le point central pour comprendre l'intérêt d'une recherche empirique sur ces questions est qu'à chaque fois, on essaie de tenir compte de la radicalisation et de la lutte contre la radicalisation.
    Bien sûr, on parle de financement du terrorisme, mais en même temps, il faut comprendre la lutte contre le financement du terrorisme. Tous les éléments que je vous ai présentés et que j'ai essayé d'expliciter aujourd'hui sont effectivement basés sur des recherches de terrain que j'ai faites avec d'autres collègues en Europe et ici. Cela exige bel et bien des fonds de recherche, puisqu'il faut de tels fonds pour observer les pratiques des acteurs étudiés. Il faut des fonds de recherche pour mener des entretiens et avoir des équipes de recherche. Avoir des outils d'analyse est central, en effet.
    De ce point de vue, si on souhaite ne pas se limiter à de grandes généralités ou à de grandes banalités sur le groupe État islamique — comme ce qu'on lit dans les journaux — et aller un peu plus loin — ce que nous essayons de faire — dans les pratiques quotidiennes de surveillance et de renseignement de la radicalisation et du financement du terrorisme, oui, il faut faire de la recherche en sociologie ou en criminologie qui va vraiment au fond des pratiques. Il faut essayer de les observer et de les comprendre pour soulever ces difficultés et ces ambiguïtés que j'essayais de souligner plus tôt.
     Vous avez tout à fait raison, des fonds de recherche sur ces aspects sont importants.
     Monsieur Amicelle, en voulant à tout prix trouver des applications pratiques immédiates, on semble souvent restreindre une certaine liberté en recherche fondamentale, plutôt que laisser les chercheurs décider de l'angle ou du terrain qu'ils veulent explorer.
    Diriez-vous qu'en donnant plus de latitude, qu'en soutenant solidement la recherche fondamentale, entre autres en sciences humaines, même si le sujet n'est pas l'étude du terrorisme, cela pourrait mener à des bénéfices très importants à cette lutte contre la radicalisation et contre le terrorisme?
    En effet, comme je l'évoquais tout à l'heure, il faut savoir qu'un certain nombre de mesures de sécurité sont convergentes. Autrement dit, les mesures de lutte contre le financement du terrorisme recoupent notamment les mesures de lutte contre le blanchiment d'argent, que ce soit le blanchiment d'argent de la corruption, de la fraude fiscale et autres. Vous avez des mesures conjointes et des débats conjoints.
    Un chercheur peut effectivement avoir de la difficulté si le mandat de recherche qu'on lui donne est extrêmement défini. Par exemple, le mandat pourrait demander des recommandations ou des solutions pour tel aspect. À mon sens, il semble bien plus évident et bien plus productif de laisser une certaine latitude aux chercheurs afin qu'ils produisent des connaissances sur ce qu'ils voient, sur les pratiques qui sont mises en oeuvre. Certes, il y a une législation, mais il faut voir ensuite comment elle est appliquée ainsi que les tensions et les difficultés qu'elle crée.
    À mon avis, cette simple production de connaissances permettrait déjà de prendre d'éventuelles décisions politiques bien fondées. Bref, cette capacité et cette liberté me semblent absolument centrale.
(1110)
    Monsieur Keatinge, M. Rafiq a justement parlé de la voie erronée qu'avait empruntée le Royaume-Uni en réaction notamment aux attentats de 2005. Il considérait que le Canada s'engageait un peu dans la même voie erronée en cherchant à utiliser la répression pour lutter contre la radicalisation et le terrorisme plutôt que de travailler à la prévention.
    Visiblement, le Royaume-Uni a tiré des leçons et a mis beaucoup plus de moyens et plus d'accent sur la prévention afin de tarir non seulement la source de financement, mais aussi la source de recrutement qui permet d'alimenter si facilement des groupes terroristes comme le groupe État islamique.
    Voulez-vous commenter les mesures qu'a adoptées le Royaume-Uni et dont le Canada pourrait s'inspirer?

[Traduction]

    Dernièrement, la question des personnes qui quittent le Royaume-Uni pour se rendre en Syrie ou en Irak afin de combattre, ceux qu'on appelle les combattants étrangers, a fait l'objet de débats enflammés.
    Il est évident que le gouvernement du Royaume-Uni a adopté la ligne dure à l'égard de ceux qui désirent revenir au Royaume-Uni. À l'inverse, d'autres pays d'Europe — le Danemark, par exemple — ont essayé de faciliter le retour de ces personnes et d'intervenir auprès d'elles. Le Royaume-Uni a envoyé un message beaucoup plus ferme.
    Un vaste débat fait rage au Royaume-Uni pour ce qui est de savoir si c'est la bonne approche. Le noeud du problème réside dans le fait qu'un grand nombre de personnes ont quitté le Royaume-Uni pour aller en Syrie ou en Irak. Il y a des indications assez claires qu'un certain nombre de ces personnes aimeraient revenir, mais les pénalités éventuelles prévues par le Royaume-Uni aux personnes qui reviennent semblent si sévères que cela peut les dissuader de revenir. C'est le coeur du débat: est-ce la bonne approche?
    Le Royaume-Uni est en campagne électorale en ce moment, et on y discute beaucoup de l'approche adoptée par le Royaume-Uni en ce qui concerne « Prevent », un des volets de notre stratégie pour contrer le terrorisme. Il est clair que, peu importe le gouvernement élu mardi prochain, l'affaire sera réexaminée dans son intégralité. Conséquemment, je crois que la stratégie du Royaume-Uni va changer. La personne qui résidera au 10 Downing Street vendredi décidera si l'approche doit être plus ferme ou plus souple.
    Merci beaucoup, monsieur Keatinge.

[Français]

    Merci, monsieur Côté.

[Traduction]

    Monsieur Saxton, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser quelques questions à Mme Napoleoni.
    Madame Napoleoni, pouvez-vous nous parler des dangers que pose le terrorisme actuellement, en particulier en Occident et nous dire quel est le rôle du financement du terrorisme dans tout cela?
    Je crois que le pire danger que les terroristes posent pour l'Occident est la création d'un front anti-impérialiste à l'échelle du monde musulman. Nous avons vu que Boko Haram a proclamé son allégeance. Il est très important de s'attarder à la langue, aux mots utilisés: ils se sont « soumis » à l'autorité de nouveau calife.
    Nous avons également remarqué la présence en Libye de groupes liés à l'État islamique. La même chose est en train de se reproduire au Yémen et en Asie du Sud-Est. Pas plus tard qu'hier, nous en avons vu aux Philippines et en Afghanistan. Ce n'est qu'une question de temps avant que l'Asie centrale rejoigne ce front.
    Cela représente un danger très important. Le message de l'État islamique est très différent de celui d'Al-Qaïda. Il n'est pas tant religieux que nationaliste. C'est un élément très important qui est très attirant pour les jeunes occidentaux, des musulmans nés en Occident qui ont le sentiment que se joindre à l'État islamique est une sorte d'expérience patriotique. Il s'agit de la création d'une utopie politique musulmane: le rêve de leurs parents, de leurs grands-parents et de leurs ancêtres. C'est grave, parce que ce n'est évidemment pas vrai, mais c'est le message de l'État islamique.
    Le financement du terrorisme, en toute franchise, y a joué un rôle très important. D'abord, de 2011 à 2013, ce groupe a été financé par nos alliés dans le Golfe. Il a été financé officiellement et a bénéficié de contributions d'autres groupes. Bien sûr, personne n'aurait pu prévoir que ce groupe avait en fait un programme complètement différent, c'est-à-dire un programme nationaliste. Mais il demeure que cela s'est fait.
    Le financement du terrorisme ne s'est pas fait par l'intermédiaire du système bancaire international. Depuis le 11 septembre, très peu de cela passe par le système bancaire international. Cela se fait par le truchement du système bancaire parallèle ou avec de l'argent liquide, à savoir des valises ou de l'argent expédié en vrac. Il aurait été très difficile de mettre un terme à cela au moyen de nos instruments habituels, comme la liste des organisations terroristes.
    Je crois que le vrai danger à l'heure actuelle réside dans ce phénomène: notre système de freins et de contrepoids lié au financement du terrorisme n'a pas fonctionné, et voilà le résultat. Nous affrontons maintenant un nouvel ennemi, un nouveau modèle, et vous continuez à recourir aux anciennes méthodes. Nous devons regarder en avant, parce que cela comprend aussi la radicalisation. Il y a un nouveau discours, à saveur nationaliste cette fois-ci, alors nous devons porter un regard neuf sur le phénomène. C'est pourquoi ma déclaration préliminaire portait sur les façons de combattre ce phénomène en utilisant d'autres outils que ceux que nous avons utilisés jusqu'à aujourd'hui.
(1115)
    Merci beaucoup.
    Mes questions s'adressent à M. Keatinge.
    Monsieur Keatinge, connaissez-vous le Club de Madrid et sa proposition pour contrer le financement du terrorisme?
    Non, pas sous ce nom.
    D'accord.
    Selon vous, comment le financement du terrorisme a-t-il évolué au fil des ans? Mme Napoleoni vient de nous dire que le financement ne passe plus par le système bancaire classique. À votre avis, le financement a-t-il évolué d'autres façons au cours des dernières années?
    L'argent, c'est comme l'eau qui s'infiltre dans les crevasses d'un mur. Comme on l'a mentionné à juste titre, le système bancaire, peu importe ce qu'on peut en penser, a consacré beaucoup de temps et d'argent à essayer de rendre étanche le cadre financier officiel.
    On n'utilise pas le système financier officiel pour acheminer illicitement de l'argent du point A au point B. On l'achemine au moyen de sociétés de virement d'argent, on l'expédie en vrac, comme il a été mentionné, ou on a recours à des mécanismes à vocation commerciale.
    Il est important de reconnaître que le financement du terrorisme varie en fonction de la situation géopolitique et que l'argent sera réacheminé dès qu'un obstacle survient.
    Merci beaucoup.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Amicelle.
    Monsieur Amicelle, dans quelle mesure le Canada a-t-il réussi à combattre le financement du terrorisme?

[Français]

     Avant de parler de cette notion, j'aimerais apporter une petite précision.
    Depuis tout à l'heure, on parle de financement du terrorisme et de terrorisme au singulier. Pourtant, il y a des groupes extrêmement différents parmi les groupes qui sont étiquetés comme terroristes. On se focalise beaucoup sur le groupe État islamique, mais la liste terroriste de l'Union européenne d'il y a quelques années va de groupes anarchistes italiens de trois personnes jusqu'aux FARC, en passant par le Hamas. C'est simplement pour dire que la notion de terrorisme est utilisée pour plusieurs groupes différents et qu'elle n'est pas synonyme du groupe État islamique. Il y a aussi un enjeu sur ce point.
    Concernant l'efficacité, il y a effectivement un système en place au Canada. Il est assez unique par rapport à celui d'autres États dans la mesure où, pour une dizaine de secteurs économiques, il repose sur une obligation de déclaration, sur la base du soupçon et sur la base du seuil. Autrement dit, toute transaction de plus de 10 000 $ doit automatiquement être envoyée au CANAFE, qui est la cellule de renseignements financiers. Au Canada, tout l'enjeu se pose ici.
    Je vais vous donner un ordre de grandeur. En Europe, c'est la cellule britannique, soit le Royaume-Uni, qui reçoit le plus de déclarations par an, soit environ 200 000; ce chiffre est peut-être moindre maintenant. Au Canada, on en reçoit 20 millions par an. L'enjeu principal qui se pose est à l'inverse: les informations financières vont jusqu'à la cellule de renseignements financiers. L'enjeu principal concerne le traitement de ces masses de données, qui soulèvent également certaines questions, notamment de la part du commissaire à la protection de vie privée sur l'usage de données personnelles collectées en fonction du seuil de 10 000 $ ou autre, et non sur des cas particuliers fondés sur des soupçons.
    L'enjeu est là. En quelque sorte, l'information circule, c'est-à-dire qu'une coopération s'est vraiment établie avec des points de tension et des ambiguïtés. Toutefois, l'enjeu demeure l'analyse de l'information et la production du renseignement financier. Le point charnière est vraiment ici, au Canada.
(1120)
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, monsieur Saxton. J'aimerais poser une question.
    Monsieur Hunter, je n'ai pas vraiment suivi les procédures judiciaires. La Cour a-t-elle annulé certains articles en particulier, ou est-ce que les procédures se poursuivent?
    Ils ont été annulés.
    Encore une fois, pour préciser, cela concernait en particulier l'incapacité d'un avocat de miner la cause d'un client donné et les atteintes à la confidentialité sous le régime de la loi, n'est-ce pas?
    C'étaient bien les principes juridiques en jeu. La Cour s'est prononcée... Par exemple, le privilège du secret professionnel de l'avocat est reconnu et accepté depuis nombre d'années comme un principe de justice fondamentale. Mais cette idée selon laquelle l'État ne doit pas miner l'engagement d'un avocat envers la cause de son client est un principe de justice fondamentale nouveau, lié au caractère indépendant du barreau et au devoir d'un avocat envers son client, ce genre de choses. Voilà le principe sous-jacent.
    Je ne sais pas si vous saurez répondre à ma question, mais en ce qui concerne l'élaboration de la loi — la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et les modifications connexes —, y a-t-il eu des consultations ou une collaboration avec le milieu juridique? Il est évident que ce dernier est un élément essentiel, tout comme l'est le milieu bancaire, dans la lutte contre le financement du terrorisme et les activités terroristes éventuelles. Y a-t-il eu beaucoup de consultations? A-t-on demandé aux barreaux et à d'autres groupes qui représentent les avocats au pays d'intervenir?
    Je n'étais pas concerné personnellement au départ, mais après avoir monté le dossier, je ne suis au courant d'aucune consultation importante.
    Tout s'est passé en deux périodes. Autour de 2001, la première loi est entrée en vigueur et les avocats ont dû composer avec. À ma connaissance, il n'y a eu aucune consultation. En 2008, lorsque le règlement est entré en vigueur, il y a eu des discussions, mais elles consistaient essentiellement à présenter le règlement et à demander aux barreaux s'ils étaient d'accord.
    Alors, après cette expérience, cette première mouture d'un important texte de loi antiterroriste, après l'annulation d'articles de la loi par les tribunaux et devant l'impossibilité de les invoquer pour combattre le terrorisme, nous sommes allés de l'avant. Des personnes ont témoigné à propos du projet de loi C-51, la nouvelle mesure pour lutter contre le terrorisme. Le gouvernement a-t-il pris une nouvelle approche à l'égard du milieu juridique, vu ses erreurs juridiques dans la première version du texte de loi d'un gouvernement précédent, ou est-ce que l'histoire s'est répétée?
    À ma connaissance, il n'y a pas eu de consultations avec le milieu juridique à propos du projet de loi C-51, mais je ne suis pas au courant non plus de quoi que ce soit dans le projet de loi C-51 qui ait le même genre d'incidence que...
    Eh bien, laissez-moi vous donner un exemple, parce que le troisième élément que vous avez mentionné concernait les perquisitions et les saisies...
    Oui.
    ... et en particulier les fouilles sans mandat qui ont lieu dans des cabinets d'avocats. Or, le projet de loi C-51 prévoit la possibilité d'effectuer des perquisitions et saisies sans mandat, pas dans des cabinets d'avocats, mais dans une tranche plus large de la société canadienne.
    S'agit-il de principes différents en vertu de la loi? Est-ce que l'accès au contenu de cabinets d'avocats et des avocats eux-mêmes soulève davantage de préoccupations que l'obtention sans mandat de la liste d'appels téléphoniques ou du registre d'utilisation d'Internet d'une personne?
    Les perquisitions sans mandat soulèvent toujours des problèmes, que ce soit dans des cabinets d'avocats ou pas. Les tribunaux ont axé leur examen sur les cabinets d'avocats à cause du problème que soulève la nature confidentielle des dossiers. Les tribunaux ont élaboré des protocoles pour gérer ce genre de choses. Je crois qu'en droit criminel en général, les protocoles sont généralement respectés, mais l'un des problèmes était qu'ils ne faisaient pas partie de la loi. Mais les perquisitions sans mandat soulèvent des problèmes pour tous les Canadiens, pas seulement pour les avocats.
    La cour a dit, du moins dans ce cas en particulier... Parce que cela a été tranché: la Cour suprême du Canada a tranché en ce qui concerne les cabinets d'avocats. Des juges de tous les échelons du système judiciaire sont réticents à permettre à l'État de faire des perquisitions sans mandat. Il s'agit d'un de nos principes: qu'il y ait une supervision judiciaire lorsque l'État désire avoir accès aux renseignements personnels d'une personne ou d'un avocat.
(1125)
    Oui.
    Madame Napoleoni, nous allons commencer avec vous, suivie peut-être de M. Keatinge.
    Le présent comité s'est surtout attardé aujourd'hui à l'État islamique. Avez-vous une idée de la proportion de fonds utilisés aux fins de sa guerre qui provient de la vente de pétrole, par rapport aux transferts de fonds de l'extérieur du pays —de l'État —, en provenance de l'Europe ou de l'Amérique du Nord?
    Je crois que l'État islamique tire la plus grande partie de l'argent de son régime fiscal. Il se comporte comme un État, alors les gens qui doivent accéder aux infrastructures doivent payer des droits à l'État islamique. Et cela représente un très grand nombre de personnes.
    La contrebande ne représente pas une partie aussi importante, je crois, parce que celle-ci est menée conjointement avec la population locale. Les gens qui s'occupent effectivement de l'extraction, de la contrebande et du transport du pétrole jusqu'aux frontières sont non pas des membres de l'État islamique, mais des personnes qui versent un pourcentage de leurs profits au gouvernement local.
    La structure de l'État islamique est très différente de celle d'autres organisations armées, comme les talibans ou les FARC ou même les Brigades rouges italiennes. L'État islamique est constitué d'un groupe — appelons-le l'aile militaire de l'État islamique — qui ne fait que combattre et qui est essentiellement constitué de combattants étrangers, et d'une organisation administrative qui est dans l'ensemble constituée de personnes de la localité. En fin de compte, il y a une sorte d'interaction entre la population locale et ceux qui représentent l'État islamique, et c'est de là que provient la plus grande partie de son financement. L'État islamique est géré exactement comme un appareil étatique.
    Puis-je dire une chose à propos du Club de Madrid? J'ai présidé la conférence du Club de Madrid de 2005 sur la lutte contre le financement du terrorisme, et j'ai rédigé l'article de la proposition concernant les finances des pays. Je crois que l'ensemble de la proposition du Club de Madrid de 2005 est encore tout à fait d'actualité aujourd'hui. Le problème, c'est que la mise en oeuvre nécessite une coopération à l'échelle mondiale, ce qui n'a pas eu lieu en 2005. Mais même aujourd'hui, je crois que la proposition dans son ensemble est toujours incroyablement d'actualité.
    Merci beaucoup.
    Si vous me le permettez, j'aimerais arrêter un moment afin de remplir mes fonctions liées à la présidence. Une seconde motion d'ajournement a été déposée afin de lever la séance dans 18 minutes. Le comité veut-il accorder cinq minutes supplémentaires à M. Van Kesteren?
    Nous pouvons permettre cinq minutes supplémentaires.
    Êtes-vous d'accord? Cela nous laisse un peu moins de 15 minutes pour nous rendre à la Chambre.
    Est-ce acceptable?
    D'accord, monsieur Van Kesteren, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, madame Napoleoni.
    D'accord, je suppose que je vais conclure, alors.
    Il est presque impossible de résumer notre discussion, parce que nous avons abordé une telle multitude de sujets qui étaient tous fascinants. Je ne remets pas en question votre expertise, madame, au sujet du terrorisme et de son financement et de tout le reste, mais vous avez omis un grand nombre d'éléments et d'aspects — l'aspect géopolitique par exemple, y compris l'islamisme. Nous avons entendu un témoignage, il y a environ une semaine, à propos du radicalisme. Je ne crois pas que nous devons approfondir davantage.
    J'aimerais ramener la discussion à sa source. Le but de notre étude était de déterminer comment le Canada, en tant que pays, peut interrompre le flux monétaire afin de prévenir la montée du terrorisme ici, et nous allons également faire tout en notre pouvoir à l'étranger.
    Je vais tous vous donner la possibilité de résumer très rapidement votre point de vue quant à l'efficacité des systèmes que nous mettons en oeuvre et pour présenter des suggestions visant à renforcer notre efficacité.
    J'ai épuisé environ deux minutes de mon temps, ce qui veut dire qu'il reste trois minutes pour vous quatre, ou environ 45 secondes par personne.
    Commençons par M. Van Kesteren.
(1130)

[Français]

     Il faut bien comprendre que la lutte contre le financement du terrorisme est venue en quelque sorte se greffer à la lutte contre le blanchiment d'argent. On est parti du même postulat, celui de dire que l'argent est le nerf de la guerre. Dans cette optique, on croit qu'en s'attaquant aux finances, on va pouvoir mettre en échec certains groupes terroristes comme on peut mettre en échec certains groupes criminels. La question est de savoir quelle importance a l'argent pour ces groupes.
    Certes, il y a une organisation particulière armée dans le groupe État islamique. On imagine que, dans ce cas, l'argent est important. Cependant, pour des cas au Canada, la question de la centralité des flux financiers peut se poser. Dans quelle mesure, pour une personne seule, cela coûte-t-il cher d'aller poser une bombe ou d'aller faire telle ou telle chose? Cette idée qu'en tarissant les ressources financières on va mettre fin au terrorisme ou à des activités terroristes, notamment, au Canada mérite d'être questionnée.
    En revanche, dans le cadre d'une logique d'enquête criminelle classique, le fait d'avoir recours aux renseignements financiers pour résoudre une enquête est approprié. L'enjeu serait donc plutôt là.
    Il ne faut pas survaloriser ce qu'on peut faire sur le plan de la lutte contre le financement du terrorisme au Canada, mais bien voir quels sont nos enjeux, quel type de violence politique on pourrait avoir au Canada et comment on pourrait utiliser au mieux cet aspect financier, dans une logique criminelle, et ne pas penser qu'on va prévenir un attentat avec ce type d'enjeux ou en tarissant les ressources financières.

[Traduction]

    Monsieur Hunter, désirez-vous intervenir?
    J'aimerais simplement que vous gardiez à l'esprit les contraintes constitutionnelles qui vous empêchent de prendre certaines mesures. Mis à part cela, je donne le reste de mon temps à nos experts d'Europe.
    Allez-y, monsieur Keatinge.
    Peu importe les formes que prennent l'extrémisme non violent, le financement du terrorisme et la violence politique, je crois que la question que vous devriez vous poser, comme pays, est la suivante: procurez-vous le soutien, l'orientation et les règlements nécessaires aux sociétés de virement d'argent et aux organismes caritatifs pour veiller à ce qu'on n'abuse pas d'eux.
    Ces voies parallèles doivent être surveillées étroitement et évaluées continuellement.
    Madame Napoleoni, vous avez le dernier mot.
    Je crois que le Canada pourrait se pencher sur la question de la radicalisation afin de prévenir que des jeunes soient séduits par le terrorisme. Le front islamique anti-impérialiste mine une véritable campagne de charme.
    Au sujet du financement du terrorisme, je dois mettre l'accent sur le fait qu'il y a une grande différence entre le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes. Le blanchiment d'argent est toujours effectué avec des fonds illégaux, alors que le financement du terrorisme se fait parfois avec des fonds obtenus pas des voies licites. Souvent, l'argent ne devient que sale ou illicite que lorsqu'il est utilisé pour financer une attaque terroriste. La question principale à laquelle nous devons répondre consiste à savoir comment pouvons-nous nous attaquer à l'argent gagné légalement, puis envoyé quelque part pour être utilisé à des fins terroristes ou pour mener une attaque.
    Avant le 11 septembre — j'ai fait le calcul —, la somme que représentaient les fonds légitimes dans l'économie liée au terrorisme s'élevait à environ un tiers. C'est beaucoup d'argent.
    En ce qui concerne le Canada, l'argent envoyé par la diaspora, comme la diaspora irakienne au Canada ou la diaspora somalienne, est propre. L'argent est gagné légalement par les gens. Mais une fois envoyée là-bas, une partie des fonds est utilisée pour financer des activités terroristes. C'est un aspect qu'on doit vraiment approfondir afin de déterminer le cadre juridique dans lequel nous pourrons bloquer légalement ce genre de fonds.
    Merci, madame Napoleoni.
    Je tiens à remercier tous nos témoins.
    Toutes mes excuses pour les perturbations. Nous avons essayé de garder un peu d'ordre ici aujourd'hui. Vos témoignages sont très importants pour l'étude. Merci encore.
    Merci aux membres du comité.
    La séance est levée.
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