JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 3 juin 2003
Á | 1110 |
Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)) |
Mme Johanne Vallée (directrice exécutive, Association des services de réhabilitation sociale du Québec) |
Á | 1115 |
Le président |
M. Graham Stewart (directeur exécutif, Société John Howard du Canada) |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
Le président |
M. Jim Stephenson (À titre individuel) |
Á | 1135 |
Á | 1140 |
Le président |
M. David Griffin (agent exécutif, Association canadienne des policiers et policières) |
Á | 1145 |
M. Boyd Campbell (vice-président, Manitoba, Association canadienne des policiers et policières) |
Á | 1150 |
Le président |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
Á | 1155 |
Le président |
M. David Griffin |
 | 1200 |
Le président |
Mme Johanne Vallée |
Le président |
Le président |
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ) |
 | 1235 |
 | 1240 |
Le président |
M. Graham Stewart |
Le président |
M. David Griffin |
 | 1245 |
Le président |
Mme Johanne Vallée |
Mme Line Bernier (présidente, Regroupement des intervenants en matière d'agressions sexuelles, Association des services de réhabilitation sociale du Québec) |
Le président |
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD) |
M. Graham Stewart |
M. Lorne Nystrom |
 | 1250 |
M. David Griffin |
M. Lorne Nystrom |
M. David Griffin |
M. Boyd Campbell |
M. Lorne Nystrom |
M. Boyd Campbell |
M. Lorne Nystrom |
M. Boyd Campbell |
Le président |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
 | 1255 |
M. David Griffin |
Mme Marlene Jennings |
Le président |
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne) |
M. Jim Stephenson |
M. David Griffin |
M. Chuck Cadman |
M. David Griffin |
Le président |
Mme Johanne Vallée |
· | 1300 |
Le président |
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.) |
M. David Griffin |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice et des droits de la personne |
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|
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 3 juin 2003
[Enregistrement électronique]
Á (1110)
[Traduction]
Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte la 53e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Aujourd'hui, nous examinons le projet de loi C-23, Loi concernant l'enregistrement des renseignements sur les délinquants sexuels et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquences.
Bonjour et bienvenue. Ce matin, nous accueillons quatre groupes de témoins venus nous aider dans nos délibérations sur le projet de loi C-23 : Johanne Vallée, directrice exécutive et Line Bernier, présidente, de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec; Graham Stewart, directeur exécutif de la Société John Howard du Canada; à titre personnel, Jim Stephenson et Anna Stephenson; David Griffin, agent exécutif et Boyd Campbell, vice-président de la section du Manitoba de l'Association canadienne des policiers et policières.
Je crois qu'on vous a demandé de limiter vos remarques à 10 minutes. Je vous céderai la parole dans l'ordre dans lequel vous figurez à l'ordre du jour. Après neuf minutes, je tenterai frénétiquement d'attirer votre attention et, après 10 minutes, vous tenterez frénétiquement de conclure votre exposé.
Sur ce, je cède la parole à l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec.
[Français]
Mme Johanne Vallée (directrice exécutive, Association des services de réhabilitation sociale du Québec): Merci, monsieur le président. Merci aux membres du comité parlementaire ainsi qu'à M. et Mme Stephenson.
Nous vous remercions de bien vouloir entendre notre témoignage concernant ce projet de loi; ce dernier est important puisqu'il s'agit de la sécurité du public. Nous voulons saisir l'occasion de vous livrer un plaidoyer en faveur de l'accroissement de la sécurité publique face aux agressions sexuelles. Je dois avouer qu'il nous est très difficile de faire part de notre position en présence de personnes personnellement touchées par le drame de la délinquance sexuelle et de l'extrême violence qu'elle implique.
Nous ne pouvons saisir toute l'ampleur de la souffrance qui vous afflige mais soyez assurés, monsieur et madame Stephenson, qu'à titre de parents, nous sommes profondément touchés et nous sympathisons avec vous. Soyez assurés que les solutions que nous préconisons ne visent pas à minimiser ce que vous vivez. Nous espérons simplement et très humblement contribuer à ce que d'autres familles ne soient pas affligées par de tels drames.
Mais aujourd'hui, nous sommes ici en raison de notre expérience du système de justice, de notre connaissance de la problématique de la délinquance sexuelle et de notre constante préoccupation à l'égard de la sécurité du public et de celle de nos enfants. C'est d'ailleurs habités par cet objectif de protection que nous avons décidé de venir expliquer au comité les raisons pour lesquelles nous sommes persuadés que le registre n'est pas la solution qu'il laisse miroiter. Selon nous, il n'est que l'illusion d'une solution. Nous croyons sincèrement que les citoyens canadiens méritent une solution plus efficace et que le Canada possède les outils nécessaires à la mise en application de ces solutions. Je vais donc vous présenter les deux organisations qui ont conjointement élaboré le mémoire.
Le Regroupement des intervenants en matière d'agressions sexuelles est un regroupement de spécialistes de la délinquance sexuelle composé d'intervenants de différents milieux et aux spécialités aussi diverses que la psychiatrie, la psychologie, la criminologie, le service social et la psycho-éducation.
En ce qui nous concerne, à l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec, nous représentons 42 organismes dirigés par des citoyens bénévoles soucieux d'assurer la protection du public et de trouver des solutions à la criminalité tout en respectant l'équilibre délicat qui existe entre les besoins des communautés, ceux des victimes et ceux des contrevenants. À chaque année, notre réseau dessert plus de 20 000 contrevenants adultes.
Bien que l'objet principal du registre soit de contribuer aux enquêtes policières, nous émettons l'hypothèse que les citoyens canadiens évalueront cette mesure sous l'angle de la protection du public. C'est donc dans cette optique que nous avons examiné le registre. Voici, selon nous, les principaux écueils que nous y trouvons. Le registre ne vise que les délinquants sexuels identifiés, trouvés coupables et ayant fait l'objet d'une ordonnance d'enregistrement. Bien entendu, cette demande ne doit pas être contestée. À ce stade-ci, nous désirons souligner le problème de l'identification des bons délinquants. Ce problème se pose dans la mesure où le registre se base uniquement sur le délit. Or, un délit en matière d'agression sexuelle ou autre n'indique pas en soi le degré réel de dangerosité du contrevenant.
S'il n'y a pas d'évaluation rigoureuse à l'étape du procès, il est possible que la Couronne ne fasse pas la demande d'ordonnance, jugeant sur la base du délit la non-pertinence de l'enregistrement. À l'inverse, si tous les agresseurs sexuels font l'objet d'une telle demande, on risque d'encombrer le registre d'informations sur des cas non pertinents, nuisant ainsi aux enquêtes policières.
Il est important de comprendre qu'une grande partie des agressions sexuelles sont commises par des parents ou des proches. Dans de tels cas, le registre n'a pas de valeur véritable puisque la victime connaît le lieu de résidence de l'agresseur. Pour que le registre puisse appuyer l'enquête, il faut nécessairement que l'agresseur ait choisi une victime inconnue, préférablement à proximité de son propre domicile.
Pour ce qui est des agressions intrafamiliales, nous craignons que le registre ait un effet dissuasif sur les victimes. Il est possible qu'elles hésitent à dénoncer leur agresseur, compte tenu des liens émotifs qu'elles ont avec leur agresseur et de la crainte des sanctions attachées au registre. Je vous inviterais à lire dans le mémoire--vous obtiendrez également la version traduite en anglais--les données statistiques sur cette question.
Dans un autre ordre d'idée, il faut préciser que la valeur du registre repose sur la validité des informations qui y sont versées. Cependant, il n'y a pas de mécanisme prévu pour la vérification des informations. En outre, la collecte des informations repose sur la collaboration des délinquants. Or, notre expérience démontre que la collaboration s'atténue avec le risque de récidive.
Á (1115)
Dans le cas des délinquants ayant des problèmes de santé mentale ou souffrant de déficience intellectuelle et dans celui des délinquants qui ne bénéficient pas de programmes d'encadrement, il est possible que l'ordonnance de s'enregistrer ne soit pas respectée puisque cette ordonnance n'est accompagnée d'aucune mesure d'assistance. C'est important de rappeler ici que le registre va toucher tous les délinquants sexuels qui sont sous juridiction fédérale et provinciale. Je peux vous dire que pour ce qui est de la juridiction provinciale, les programmes d'encadrement sont très minimes.
Lorsque l'on examine de près les mesures les plus efficaces en matière de traitement, d'encadrement et de prévention, le registre n'offre aucune solution reposant sur les indicateurs de succès. Ainsi, il n'y a pas d'évaluation rigoureuse du potentiel de risque de tous les agresseurs sexuels qui se présentent devant le tribunal. Également, selon la gravité du crime, une condamnation n'entraînera pas nécessairement d'intervention clinique pouvant contribuer à modifier le comportement de la personne et n'entraînera pas non plus l'obligation d'encadrement des délinquants sexuels. En résumé, l'ordonnance de s'enregistrer n'ajoute aucune mesure d'évaluation ou d'encadrement de traitement.
Alors que le législateur désire, à travers le registre, trouver une solution, il n'a en fait qu'une illusion de solution. Pour assurer adéquatement la protection du public, il faut compter sur un ensemble de solutions. Donc, on veut vous proposer des alternatives.
D'abord, il faut miser sur le soutien et l'intervention auprès des victimes d'agressions sexuelles. Il faut s'assurer d'une évaluation rigoureuse des prévenus et des délinquants sexuels. Il faut s'assurer de sentences appropriées et, s'il le faut, recourir à la surveillance de longue durée. Il faut s'assurer de la disponibilité et de l'accessibilité des traitements pour délinquants sexuels, tant au niveau fédéral que provincial. Il faut s'assurer de la coordination et de la concertation des efforts des différents acteurs interpellés par ce problème. Enfin, et je pense qu'il s'agit ici d'une des propositions les plus importantes, il faut cibler les délinquants sexuels les plus à risque de récidive violente et recommander la surveillance de longue durée. La surveillance de longue durée est la seule mesure qui va permettre au Service correctionnel d'établir en tout temps le lieu de résidence du délinquant sexuel, faire une meilleure cueillette d'informations sur leur modus operandi et rendre accessibles aux policiers ces informations.
Nous savons par expérience que la meilleure façon de réintégrer le délinquant consiste à lui accorder une remise en liberté progressive, à le surveiller et à l'encadrer comme il se doit pour l'aider à vivre dans le respect des lois. Ce n'est que dans un tel contexte qu'on pourra s'attendre à une évolution positive du comportement du délinquant et à une diminution de son potentiel de dangerosité, ce qui n'est pas possible avec ce registre.
Il ne faut pas oublier qu'une réhabilitation sociale réussie est le meilleur gage de protection du public et de la société. Il est important de recourir à des mesures comme la semi-liberté, la libération conditionnelle, la surveillance de longue durée et les cercles de soutien, dont Mme McClung a précédemment soulevé l'importance. La présence de ces cercles, qui contribuent à la responsabilisation des contrevenants, c'est aussi de faire le choix d'accroître la sécurité du public.
Donc, en conclusion, c'est dans une optique de protection, de meilleure gestion du risque et de recherche de résultats optimums que nous pouvons affirmer que le registre ne représente pas le moyen le plus efficace pour assurer la sécurité du public. En recourant aux mesures déjà existantes en ce domaine, le gouvernement canadien parviendra davantage à satisfaire la préoccupation qui lui tient à coeur, soit la protection des citoyens.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à M. Stewart.
M. Graham Stewart (directeur exécutif, Société John Howard du Canada): Merci, monsieur le président, et merci de m'avoir invité à témoigner ce matin.
La Société John Howard du Canada est une organisation regroupant des sociétés provinciales et territoriales dirigées par ceux qui les composent et dont le but est de comprendre et d'éliminer les problèmes de criminalité au sein du système de justice pénale. Selon notre énoncé de mission, nous cherchons des réponses efficaces, justes et humaines aux causes et aux conséquences du crime.
Notre société est un organisme de bienfaisance présent dans une soixantaine de localités du Canada et comptant environ 15 000 adhérents. Depuis plus de 75 ans, notre société participe à la prestation de programmes et services contribuant à réduire la criminalité grâce à la réinsertion sociale des délinquants devenus citoyens respectueux des lois.
Nous avons examiné le projet de loi C-23 à la lumière de nos objectifs de bienfaisance et sommes heureux d'avoir été invités à contribuer aux délibérations de notre comité.
Les crimes de nature sexuelle, particulièrement contre les plus vulnérables, comptent parmi les plus répréhensibles aux yeux des Canadiens. Peu de gens s'opposeraient à des mesures dont on a démontré l'efficacité à réduire la perpétration de telles infractions ou à l'appréhension des délinquants.
Cela dit, nous avons des réserves au sujet du projet de loi C-23: il n'existe pratiquement aucune preuve de l'efficacité d'un registre semblable dans d'autres pays; il existe d'autres mesures qui rendent le registre superflu et, du coup, ruineux; ce registre aura probablement des conséquences négatives non voulues; il s'appliquera à de trop nombreux délinquants et pour des périodes excessives; il établit des sanctions extrajudiciaires arbitraires et très punitives; et il sera très coûteux et accaparera des ressources qui auraient pu servir à des mesures dont l'efficacité a été prouvée.
La sous-direction des politiques sur les questions correctionnelles du ministère du Solliciteur général suit l'évolution des registres de délinquants sexuels à l'échelle nationale et internationale depuis des années. Les résultats de ce contrôle et de cette analyse figurent dans un rapport qui a été rédigé par Jim Coflin et Associates en 2001. Ce rapport, volumineux et exhaustif, présente les constatations suivantes: bien qu'il existe des registres depuis 1944, aucune administration gouvernementale n'a encore fait une évaluation convenable et complète de leur efficacité; peu d'administrations contrôlent la conformité et sont en mesure de connaître le taux de conformité ou de précision de leur registre; on n'a fait aucune véritable analyse des coûts incluant tous les coûts, y compris les coûts de la police associés au registre; aucune administration n'a établi le registre dans le cadre d'une stratégie d'ensemble de prévention des délits sexuels.
Le rapport conclut ce qui suit:
À première vue, le registre de délinquants sexuels donne l'impression d'être une stratégie simple et peu coûteuse pour mieux gérer les délinquants sexuels et accroître la sécurité du public. En fait, c'est au mieux un outil qui pourrait appuyer d'autres efforts plus proactifs tels que le contrôle, la surveillance et les programmes destinés aux délinquants. Les programmes d'enregistrement des délinquants sexuels qui ne s'inscrivent pas dans le cadre d'un engagement pour une stratégie plus générale de gestion des délinquants et de prévention des crimes sexuels risquent d'être de simples gestes sans intérêt. |
Le groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les délinquants à risque élevé a tiré essentiellement les mêmes conclusions:
[Le groupe de travail] sauf en ce qui concerne deux gouvernements, arrive à la conclusion générale que la création d'un registre national des pédophiles ou des délinquants sexuels ne contribuerait pas de façon sensible à l'atteinte de ces objectifs [protéger les enfants et les autres groupes vulnérables contre les prédateurs sexuels] |
Il existe déjà des mesures visant les problèmes pour lesquels on veut créer un registre. Certaines de ces mesures n'ont été adoptées que récemment et n'ont pas encore été évaluées. Il y a notamment le centre d'information de la police canadienne qui comprend des informations exhaustives sur les antécédents criminels, la vérification judiciaire des bénévoles que font les organisations et les employeurs; les avis au public; les exceptions à la mise sous scellé des casiers judiciaires par suite de la réhabilitation de ceux ayant été reconnus coupables d'un crime sexuel; la disposition permettant de demander une ordonnance de surveillance de longue durée; la surveillance dans la collectivité pour les probationnaires, les libérés conditionnels ou les libérés d'office; les engagements de ne pas troubler l'ordre public assortis de conditions qui sont prévues à l'article 810 du Code criminel; et les dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition exigeant que l'on donne à la police toutes les informations pertinentes sur les délinquants susceptibles d'être remis en liberté dans une région donnée.
Le registre qu'on se propose de créer ajoutera aux mesures existantes puisqu'il constituera une liste d'adresses à jour des délinquants sexuels connus qui pourraient aider la police à identifier des suspects. Pour que la base de données soit utile, elle doit satisfaire à toutes ces conditions: le délinquant a déjà été reconnu coupable d'une infraction sexuelle; le crime doit être semblable à celui sur lequel on enquête; le délinquant a respecté la loi et s'est inscrit au registre; les informations contenues dans son dossier sont justes et à jour et le nouveau délit a été commis dans les environs de l'adresse donnée par le délinquant comme étant la sienne.
Á (1120)
Si une seule de ces conditions n'est pas remplie, la police se retrouvera avec une énorme base de données inutile qui devront être traitées, ce qui pourrait même parfois nuire à l'enquête au lieu de l'aider. En fait, il y a tout lieu de croire que ces conditions ne seront pas souvent remplies. Ainsi, la plupart des délits sexuels sont commis par des personnes n'ayant pas encore été condamnées pour un crime sexuel. Ceux qui ont l'intention de commettre des infractions de nature sexuelle, surtout ceux qui présentent le risque le plus élevé, ne s'inscriront probablement pas au registre et, s'ils s'y inscrivent, sont plus susceptibles de commettre leur crime loin de leur lieu de résidence figurant au registre.
Certains des prédateurs sexuels les plus dangereux au Canada étaient des personnes de passage. Avec le temps, l'exactitude et la fiabilité des informations se dégradera inévitablement et, de toute façon, la majorité des délinquants inscrits au registre seront ceux dont il sera peu probable qu'ils récidivent.
Il y a toujours des conséquences non voulues. Le projet de loi C-23 pourrait avoir des conséquences négatives qu'il faut examiner avec soin.
La stabilité et le soutien sont un aspect très important de la réhabilitation de nombreux délinquants sexuels, et la majorité d'entre eux sont réhabilités. La crainte de figurer au registre pourrait encourager certains à vivre une vie de fugitif pour éviter de s'y inscrire, ce qui augmentera le risque qu'ils récidivent.
Les délinquants qui présentent le moins risque, le moins de problème et qui sont les plus susceptibles de se conformer à la loi mais seront dissuadés de le faire par les nombreuses exigences, alors que les délinquants présentant le risque le plus élevé sont plus susceptibles de tout faire pour éviter de s'inscrire au registre.
Certains délinquants seront reconnus coupables d'une autre infraction criminelle et assujettis à une autre peine en raison de leur réticence ou de leur difficulté à s'inscrire au registre même s'ils vivent par ailleurs dans la légalité absolue.
Le projet de loi prévoit des dispositions sur la confidentialité des informations, mais, dans les faits, il pourrait être très difficile d'assurer cette confidentialité. Il est fort possible qu'en contrôlant les délinquants figurant au registre, on porte atteinte à leur vie privée en voulant confirmer le lieu de travail ou l'adresse, par exemple.
Le projet de loi C-23 prévoit une ordonnance qui aura de graves conséquences pour le délinquant, des conséquences de nature punitive pouvant même aller au-delà de la peine que le tribunal aurait imposée. Dans le cas de peines obligatoires de longue durée, il est difficile de ne pas croire que ces ordonnances visent à punir et serviront à punir. Nous avons à cet égard trois grandes préoccupations.
Le recours à des peines civiles extrajudiciaires pourrait mener à des pressions accrues pour que soient imposés d'autres châtiments coûteux échappant à l'examen judiciaire.
La très longue durée de ces ordonnances et le critère très exigeant auquel il faut satisfaire pour qu'elles prennent fin aura pour effet d'imposer une peine obligatoire très longue à tous les délinquants. En ce sens, les dispositions sur le registre vont tout à fait à l'encontre des principes de détermination de la peine portant sur la proportionnalité et qui nécessitent que l'on tienne compte de la gravité de l'infraction et de la culpabilité du délinquant. Le projet de loi C-23 semble permettre l'arbitraire dans la détermination de la peine.
Si le projet de loi C-23 était contesté aux termes de la Charte, on pourrait le juger inconstitutionnel en raison de ces caractéristiques, ce qui donnerait l'impression, tout de même fausse, que la Cour suprême du Canada fait primer les droits des délinquants sur ceux du public.
Les véritables coûts du registre seront énormes et en bonne partie cachés. Ces coûts comprendront les suivants:
Il y aura d'abord le coût de l'infrastructure pour le maintien, l'hébergement et la distribution de la base de données.
Il y aura aussi le coût important de collecte de données, de surveillance de la conformité et de la vérification des données, des tâches nécessaires pour s'assurer que les informations contenues dans le registre sont relativement justes.
Les fonds qu'on affectera au registre et pas ailleurs pourraient mener à des pertes dans des programmes dont on sait qu'ils réduisent la victimisation, tels que les traitements offerts par le Service correctionnel du Canada dont il a été prouvé qu'ils réduisent de 50 p. 100 le taux de récidive chez les délinquants présentant un risque moyen ou élevé.
La police pourrait perdre un temps énorme, pendant les enquêtes, à éplucher des centaines ou même des milliers de dossiers de gens n'ayant aucun lien avec l'affaire et présentant un risque peu élevé de récidive; cela serait coûteux et pourrait nuire grandement aux enquêtes. Le fardeau que représentera le maintien des bureaux d'inscription, le contrôle de la conformité et la vérification des informations amènera probablement la police à demander d'importants fonds additionnels puisque ces activités nécessiteront beaucoup de ressources qui seraient plus utiles dans d'autres domaines.
Le recours accru à l'incarcération pour la non-conformité en l'absence de toute autre activité criminelle pourrait aussi être coûteux.
En outre, les délinquants inscrits au registre pourraient devenir inemployables, ce qui pourrait mener à une augmentation des coûts d'aide sociale, de soins de santé, et ainsi de suite.
Nous jugeons le projet de loi C-23 inutile et demandons qu'il soit retiré.
Á (1125)
Si le Parlement décide d'adopter ce projet de loi, nous estimons qu'en apportant les modifications suivantes, il pourrait remédier dans une certaine mesure aux problèmes que nous y voyons.
L'inclusion de milliers de contrevenants présentant un risque peu élevé est inutile et coûteuse, prêtera à confusion et est punitive sans comporter d'avantage. La disposition d'exception proposée au paragraphe 490.03(4) et exigeant du tribunal qu'il juge l'effet de l'ordonnance sur le délinquant «nettement démesuré» par rapport à «l'intérêt que présente, pour la protection de la société au moyen d'enquête efficace sur les crimes de nature sexuelle» semble presque ridicule. Il est difficile de voir comment on pourrait satisfaire à cette exigence. Il en va de même pour obtenir la fin de l'ordonnance.
La longue liste d'infractions qui donnerait lieu à l'ordonnance entraînera probablement l'imposition d'ordonnances sans que cela soit avantageux.
Nous sommes contre le recours à une liste d'infractions et proposons plutôt de faire de l'ordonnance un autre outil à la disposition des tribunaux qui, au moment de déterminer la peine, pourraient juger l'ordonnance nécessaire pour que les enquêtes futures soient efficaces, lorsqu'aucune autre mesure convenable n'existe pour cette fin. Le tribunal devrait préciser la durée de l'ordonnance, qui ne devrait pas dépasser la peine maximale dont est passible le contrevenant pour le crime qu'il a commis.
L'emplacement des bureaux d'inscription n'est pas défini par la loi. Il n'est pas exigé que ces bureaux soient raisonnablement faciles d'accès et, en voulant centraliser ces bureaux afin de limiter les coûts, on pourrait dissuader les délinquants de s'y rendre. Nous recommandons donc que tout bureau de police soit considéré comme un bureau d'inscription.
Les informations sur l'emploi ne permettront pas d'en savoir plus que ce que nous dirons les adresses. En incluant les informations sur l'emploi, on risque de porter atteinte à la vie privée des délinquants en divulguant ces informations, de façon même indirecte ou non intentionnelle. Nous recommandons que les informations sur l'emploi ne soient pas recueillies et incluses dans la base de données.
Enfin, le délinquant qui a obtenu sa réhabilitation doit demander à un tribunal de mettre fin à l'ordonnance et, de plus, le critère qui s'applique est presque impossible à satisfaire; la réhabilitation perd ainsi presque tout son sens. Nous recommandons que la réhabilitation entraîne automatiquement la fin de l'ordonnance et que l'information figurant au registre des délinquants sexuels soient traitée et comme celle assujettie à la Loi sur le casier judiciaire.
Merci.
Á (1130)
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Stephenson.
M. Jim Stephenson (À titre individuel): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Je n'ai pas encore commencé mes remarques liminaires que je dois me plaindre, ou, à tout le moins, attirer l'attention du comité sur l'orthographe de nos noms. Mon nom s'écrit «Stephenson». Je sais que vous le corrigerez aux fins du compte rendu.
Avant d'aborder le sujet du registre des délinquants sexuels, le projet de loi et nos préoccupations, j'aimerais vous raconter une anecdote qui m'apparaît à-propos. C'est l'histoire d'une fillette à qui la maîtresse de maternelle avait demandé, à elle et à ses camarades, de dessiner quelqu'un qu'ils aimaient.
Les enfants se sont penchés sur leur pupitre, ont choisi leurs crayons de couleur et se sont mis à dessiner avec attention et intensité quelqu'un qu'ils aimaient. L'enseignante a remarqué une petite fille en particulier très concentrée sur la tâche qui lui avait été confiée. Elle est allée la voir et lui a demandé qui elle dessinait. La fillette, sans se laisser distraire, sans même lever les yeux, a répondu en continuant à dessiner avec toute l'intensité dont sont capables les enfants qu'elle dessinait Dieu. Après un silence, l'enseignante lui a dit: «Personne n'a vu Dieu et personne ne sait à quoi il ressemble». La petite fille a répondu, encore une fois sans lever les yeux: «On le saura quand j'aurai terminé mon dessin».
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis aussi confiant que cette fillette: notre point de vue, à moi et à ma famille, vous deviendra évident au fur et à mesure que je ferai mes remarques.
Parlons du projet de loi C-23, le projet de loi que vous étudiez. Commençons par les qualités de cette mesure législative.
Premièrement, le gouvernement fédéral s'y engage enfin à créer un registre national des délinquants sexuels.
Deuxièmement, grâce à ce projet de loi, il y aura dorénavant un lien vital entre les services de police et organismes d'application de la loi de tout le pays enquêtant sur des crimes de nature sexuelle. Malheureusement, c'est là que s'arrête la liste des qualités de ce projet de loi, à mon sens.
Il me faudra un peu plus de temps pour vous décrire les défauts de cette mesure législative. Les témoignages que vous avez entendus à votre dernière séance et ce matin, et ceux que vous entendrez après nous, sont ceux d'organisations. Ces témoins représentent des services de police, des associations de policiers et des groupes axés sur les besoins des détenus. Toutes ces personnes vous ont exprimé clairement et éloquemment ce que sont leurs préoccupations et ce qu'elles attendent d'un tel registre.
Ma femme et moi témoignons aujourd'hui à titre personnel, comme l'a indiqué le président. Nous sommes les parents d'un jeune garçon qui a été assassiné il y a 15 ans par un délinquant reconnu coupable d'un crime sexuel en liberté. Nous nous intéressons donc personnellement à ce projet de loi et j'espère que, pour cette raison, votre comité nous accordera ce matin toute son attention.
Tout d'abord, le registre proposé présente des lacunes technologiques. Le registre n'aura pas de capacité de recherche par province, par ressort, par rayon ou par code postal. Il n'aura pas non plus la capacité d'inclure une photo. Il n'y aura pas de capacité de géocartographie. La capacité d'entrée des descripteurs personnels sera limitée, tout comme la capacité de renvoi croisé. Le registre proposé vise à créer une banque contenant seulement des informations de base qui seront de peu d'utilité à ceux qui enquêteront sur les agressions sexuelles.
Á (1135)
Au bout du compte, cette base de données produira une liste alphabétique de délinquants reconnus coupables d'un crime sexuel à des fins de rapports internes seulement. En dernière analyse, ce registre ne constituera rien de plus qu'un annuaire téléphonique.
Il sera utile pour les enquêteurs si le coupable laisse sur les lieux du crime son portefeuille contenant son nom ou des articles portant son adresse, car c'est la seule valeur qu'aura ce registre pour les enquêteurs.
Le registre proposé est théorique et n'est certainement pas national.
Il a été décidé de soustraire à l'application de ce projet de loi les délinquants sexuels actuellement en détention; cela signifie que, le jour de la promulgation du projet de loi, la base de données ne contiendra aucun nom. Cette base de données n'aura donc aucune valeur pour la police. Les noms seront ajoutés au registre au fur et à mesure que des délinquants seront reconnus coupables des infractions sexuelles prévues par la loi—après sa promulgation—et il faudra attendre des années avant d'avoir une base de données qui soit utile pour la police.
Il est donc raisonnable de croire que, puisque ce registre national ne sera d'aucune utilité, la police en constatera rapidement les limites comme outil d'enquête et cessera de s'en servir. Si vous voulez investir de l'argent dans un système qui sera vite abandonné, voilà ce qu'il faut faire.
Le projet de loi prévoit deux règles différentes pour les délinquants en détention. En Ontario, on a exigé que tous les délinquants sous garde s'inscrivent au registre, les délinquants purgeant une peine pour une infraction sexuelle désignée et ceux purgeant leur peine dans la collectivité. Tous les délinquants reconnus coupables—et je le souligne—d'une infraction sexuelle après la promulgation de la loi ont aussi été inclus au registre en vertu de la loi.
Toutefois, les délinquants sexuels sous garde ne seront pas tenus de s'inscrire au registre national, à l'exception de ceux figurant déjà au registre ontarien. C'est deux poids, deux mesures, et cela prêtera à confusion. L'explication qu'on nous a donnée est vague et insatisfaisante. Honnêtement, ce n'est pas acceptable que de prétendre que la loi pourrait être contestée aux termes de la Charte si elle s'appliquait aux délinquants actuellement en détention. On se serait attendu du gouvernement qu'il obtienne l'avis de la Cour suprême sur cette question et qu'il rédige son projet de loi en conséquence. Ce n'est pas la marque d'un bon gouvernement que de déposer un projet de loi lacunaire parce qu'on croit qu'il pourrait autrement être jugé inconstitutionnel.
Passons maintenant aux ordonnances rédigées selon la formule 52. Aux termes de la loi ontarienne, toute personne reconnue coupable d'une infraction sexuelle figurant à la loi doit s'inscrire au registre. Ce projet de loi-ci, en revanche, prévoit une condition additionnelle: le poursuivant doit présenter au tribunal une demande d'ordonnance rédigée selon la formule 52 et exigeant du délinquant qu'il se présente à un bureau d'inscription. Cela signifie que le tribunal doit évaluer l'état psychologique du délinquant, son comportement, ainsi que la menace qu'il présente et le risque qu'il récidive. À mon sens, cela ne relève pas de la compétence du tribunal et l'on devrait supprimer l'exigence relative à l'ordonnance selon la formule 52 prévue au paragraphe 490.03(1). Une condamnation rendue aux termes de cette disposition de la loi devrait entraîner automatiquement l'obligation pour le délinquant de s'inscrire au registre.
Bon nombre de crimes de nature sexuelle sont commis par des contrevenants qui n'en sont pas à leur première infraction; néanmoins, ces délinquants n'auront pas à s'inscrire au registre tant qu'ils ne seront pas sous le coup d'une autre condamnation et qu'ils n'auront pas fait une autre victime.
Le critère décisif qu'Anna et moi avons utilisé pour évaluer ce projet de loi se fonde sur la question suivante: ce registre des délinquants sexuels aurait-il aidé la police lorsque Christopher a été enlevé en 1988? Dans le mémoire que nous remettrons à votre comité, nous faisons valoir qu'avec le registre ontarien des délinquants sexuels, la police aurait eu des informations utiles à temps pour intervenir et ce week-end fatidique ne se serait peut-être pas terminé aussi tragiquement pour nous. Mais si le registre national des délinquants sexuels qu'on propose ici avait existé au moment de l'enlèvement de Christopher, Fredericks n'aurait pas été tenu de s'y inscrire puisqu'il était déjà sous garde.
Puisque les autorités n'avaient pas de nom de suspect, elles n'auraient pas pu utiliser cette base de données et auraient dû recourir aux méthodes d'enquête traditionnelles, qui prennent beaucoup de temps, pour identifier le suspect.
Á (1140)
Avec ce projet de loi et ce registre, on n 'aurait pas pu prévenir l'issue tragique de cette fête des Pères de 1988. C'est aussi simple que cela.
Nous proposons l'adoption d'un logiciel et d'une application beaucoup plus robuste, semblable à celle du registre ontarien. Et nous demandons que les délinquants sexuels actuellement sous garde soient aussi tenus de s'inscrire au registre.
En dernière analyse, ce projet de loi est un pas dans la bonne direction. Toutefois, il est important de ne pas se tromper, et ce projet de loi est loin d'être parfait.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Je cède maintenant la parole à MM. Griffin et Campbell.
M. David Griffin (agent exécutif, Association canadienne des policiers et policières): Je m'appelle David Griffin. Je suis agent exécutif de l'Association canadienne des policiers et policières. Je suis accompagné de Boyd Campbell, vice-président sortant de l'Association du Manitoba et actuellement sergent d'état-major à la section des enquêtes sur les crimes sexuels et les sévices infligés aux enfants au Service de police de Winnipeg.
L'Association canadienne des policiers et policières vous remercie de lui permettre de témoigner aujourd'hui devant la Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Constituée en 1948, l'ACP est la voix nationale de 28 000 policiers et policières à l'échelle du pays.
L'Association canadienne des policiers et policières est reconnue comme étant le porte-parole national des policiers et policières en matière de réforme du système de justice pénale du Canada. Nous sommes motivés par notre ferme désir d'améliorer la sécurité et la qualité de vie des citoyens dans nos collectivités, de communiquer les expériences enrichissantes de ceux qui travaillent sur le terrain et de promouvoir les politiques publiques qui traduisent les besoins et les attentes des Canadiens respectueux des lois. C'est dans ce contexte que nous témoignons aujourd'hui sur le projet de loi C-23.
Les enfants constituent le groupe le plus vulnérable de notre société et doivent être protégés contre ceux qui voudraient abuser d'eux. À des assemblées générales successives de notre organisation, nos délégués nationaux ont adopté unanimement, année après année, des résolutions réclamant la création d'un registre national de délinquants sexuels.
Il nous faut un registre national de délinquants sexuels nous permettant de retracer tous les condamnés pour crimes sexuels remis en liberté dans les collectivités. Il nous faut aussi des lois pour protéger nos enfants contre l'exploitation par des personnes plus âgées, et il nous faut recourir davantage à la technologie pour lutter contre ces crimes visant les enfants.
Nous estimons que tous les délinquants sexuels devraient être inscrits à un tel registre. Les études prouvent que la pédophilie est incurable et que ces délinquants risquent de récidiver même bien des années après la fin de leur peine. L'expérience américaine a démontré que les registres aident la police à identifier les suspects et à élucider les crimes sexuels dont sont victimes les enfants plus rapidement.
C'est un privilège pour nous que de témoigner aujourd'hui en compagnie de Jim et Anna Stephenson qui, par leur engagement altruiste dans ce dossier, ont consacré les 15 dernières années à faire en sorte qu'aucun autre Canadien n'endure la tragédie qui fut la leur. Par suite de l'enquête sur la mort de leur fils de 11 ans, Christopher, en 1993, il a été recommandé que le gouvernement fédéral crée un registre national des délinquants sexuels pour les contrevenants condamnés pour un crime sexuel et présentant un risque élevé et que tous les délinquants sexuels soient tenus de se présenter à la police de leur localité pour s'inscrire au registre.
En 1993, dans un document intitulé «Points de vue libéraux sur le crime et la justice», le Parti libéral appuyait la création d'un registre national des personnes condamnées pour agression contre des enfants. Voici un extrait de ce document:
Les délinquants sexuels représentent presque 20 p. 100 de la population carcérale et 10 p. 100 des détenus en libération conditionnelle. Ces chiffres ne sont pas une représentation exacte de la réalité puisqu'ils ne comprennent que les personnes condamnées à des peines d'emprisonnement de deux ans ou plus. Les chiffres réels sont beaucoup plus élevés. Depuis cinq ans, on a noté une augmentation de 20,4 p. 100 du taux de déclaration de délits sexuels. De toute évidence, de plus en plus de personnes qui ont commis des infractions sexuelles réintègrent la société. Les délinquants sexuels récidivistes sont deux fois plus susceptibles que les autres délinquants de commettre d'autres délits sexuels; ils sont en outre bien plus susceptibles de violer les conditions de leur libération conditionnelle et plus susceptibles de commettre un autre délit non sexuel que tous les autres délinquants. Toutefois, les programmes de traitement des délinquants sexuels font cruellement défaut... C'est la norme, alors que cela devrait être l'exception, que les délinquants sexuels condamnés retournent dans la société sans avoir subi de thérapie ni de programme de réhabilitation. |
À l'heure actuelle, le Centre d'information de la police canadien ne fournit pas aux services de police les informations dont ils ont besoin sur la libération ou l'arrivée de délinquants sexuels dans leurs localités.
Le 11 décembre, le projet de loi C-23 a été déposé à la Chambre des communes et a reçu première lecture. L'Association canadienne des policiers et policières est heureuse de constater que le gouvernement fédéral concrétise enfin un registre national des délinquants sexuels, mais elle craint que cette proposition législative ne suffise pas à protéger le public et à appuyer efficacement les enquêtes.
Nous recommandons plusieurs amendements au projet de loi C-23. Mon collègue, M. Campbell, vous les décrira.
Á (1145)
M. Boyd Campbell (vice-président, Manitoba, Association canadienne des policiers et policières): Monsieur le président, nous disons que le registre peut et devrait utiliser les technologies les plus pointues pour atteindre le plus haut degré possible d'efficience et d'efficacité.
Par exemple, le registre ontarien des délinquants sexuels comporte 93 différents sous-domaines de recherche. Selon nous, le registre national de délinquants sexuels devrait être en mesure d'effectuer des recherches selon les provinces, les pays, le code postal et dans un certain rayon. À notre avis, le registre devrait inclure les données et les vérifications de concordance municipales mises à jour des photos numériques, les fiches signalétiques et la vérification de concordance ainsi que la géocartographie et le profilage géographique.
Le projet de loi à l'étude ne s'applique qu'aux délinquants qui seront trouvés coupables après que la loi aura été promulguée. Il exclut les délinquants qui purgent actuellement une peine pour des condamnations antérieures ainsi que ceux qui ont été condamnés pendant que le projet de loi faisait l'objet d'un débat au Parlement.
Le ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse, Michael Baker, a déclaré : « Nous devons protéger les gens non seulement des personnes qui seront trouvées coupables à l'avenir, mais de celles qui ont été trouvées coupables par le passé, particulièrement celles qui sont sous garde à l'heure actuelle. »
Parmi les exemples notoires d'individus qui, s'ils étaient relâchés dans la collectivité, ne seraient pas tenus de s'enregistrer aux termes du système proposé, il y a notamment Clifford Olson, Paul Bernardo et Karla Homolka, qui pourraient d'ailleurs porter un autre nom lors de leur libération. Nous trouvons cela tout à fait absurde.
Et étant donné la résistance persistante du gouvernement fédéral à créer un registre national des délinquants sexuels, il n'est pas surprenant que le projet de loi C-23 ne soit qu'une coquille vide. Malheureusement, il semble que les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice qui ont une phobie de la Charte continuent de se cacher derrière la présomption que le registre bien établi des délinquants sexuels ne résisterait pas à l'examen approfondi en vertu d'une contestation judiciaire aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés.
Nous affirmons que l'enregistrement de tous les délinquants sexuels trouvés coupables sert à des fins de réglementation valable et non punitive et, par conséquent, ne porte pas atteinte aux droits des délinquants, lorsqu'on tient compte des préoccupations légitimes très importantes en matière de sécurité publique. Cela est conforme à l'expérience et à la jurisprudence aux États-Unis, notamment à un arrêt de la Cour suprême américaine cautionnant le maintien de registres de délinquants sexuels qui vont bien au-delà de la proposition canadienne et de l'exemple ontarien.
Il semble par ailleurs que ni le gouvernement fédéral ni les gouvernements provinciaux ne souhaitent assumer le coût de la mise en oeuvre du registre des délinquants sexuels de façon complète et globale. C'est vraiment malheureux.
Le registre offre pourtant un autre outil d'enquête efficace qui peut réduire les coûts d'une enquête et aider à canaliser les ressources policières. Par contre, un registre qui n'est essentiellement qu'une coquille vide ou qui est en cours d'élaboration prendra des années, sinon des générations, à devenir efficace et s'avérera un outil coûteux et inefficace. Nous disons respectueusement que le registre peut et doit être appliqué globalement à tous les délinquants sexuels qui ont été condamnés. Il doit être accompagné d'un cadre administratif non punitif pour être un outil complet et efficace pour la police. À moins que ce ne soit le cas, alors franchement, ce serait vraiment trompeur et pourrait n'avoir aucune signification.
Le projet de loi C-23 établit un long processus par lequel un juge décidera que des délinquants seront inscrits dans un registre et il y aura un processus d'appel. A notre avis, cela est tout à fait inapproprié et inutile et nous pensons qu'ils ne devrait y avoir aucune discrétion judiciaire pour déterminer l'application de la loi. Nous estimons que tous les délinquants sexuels devraient être inscrits dans le registre dès leur condamnation. Le fait de ne pas s'inscrire au registre envoie un message à la police pour dire qu'un délinquant a consciemment choisi de ne pas respecter la loi. Il s'agit là d'un avertissement grave.
Nous sommes d'avis que les conséquences lorsqu'une personne ne s'enregistre pas aux termes du projet de loi C-23 sont au mieux modestes et qu'elles devraient être plus musclées afin d'encourager une meilleure observation de la loi. Il devrait être clairement plus avantageux pour le délinquant de s'enregistrer que de choisir de ne pas respecter la loi et d'accepter les conséquences s'il est arrêté.
À notre avis, le registre doit s'appliquer à tous les délinquants sexuels condamnés libérés dans la collectivité, y compris pour une absence temporaire, pour un placement à l'extérieur, pour une libération conditionnelle de jour, une libération conditionnelle, une libération d'office et toute forme de libération conditionnelle.
En résumé, nous sommes d'avis que le projet de loi C-23 ne répond pas adéquatement aux besoins de la police. Un vrai registre national des délinquants sexuels doit s'appliquer à tous les délinquants sexuels condamnés qui ont été relâchés dans la collectivité. Il doit utiliser les technologies les plus récentes et donner le plus d'information descriptive possible.
Tout ce que nous demandons en tant que policiers, monsieur le président, c'est que vous nous donniez les outils pour faire notre travail, pour appréhender ces personnes en première ligne.
Á (1150)
Le président: Merci beaucoup.
Vous remarquerez qu'il y a une lumière qui clignote. Nous irons voter vers 12 h 15. Je vais donc donner la parole à M. Sorenson pour sept minutes.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Je voudrais encore une fois remercier chacun des témoins qui a comparu aujourd'hui. C'est bien d'avoir des défenseurs des droits des délinquants, mais il ne fait aucun doute que les droits de tous doivent être protégés. Il est bien également que les Stephensons soient ici. C'est toujours un plaisir de rencontrer des gens qui ont fait une différence.
Je pense que vous devez déjà être très fiers du fait qu'à la suite de cet horrible tragédie concernant votre fils Christopher, des changements ont été apportés, quoique au niveau provincial et pas encore au niveau fédéral. Nous félicitons donc le gouvernement ontarien d'avoir reconnu la nécessité d'avoir un registre de délinquants sexuels et de l'avoir mis en place, et d'avoir donné aux forces policières les ressources nécessaires pour en assurer le fonctionnement efficace. Nous le considérons comme un outil efficace.
La police est la ressource la plus vitale qui existe pour combattre le crime. Les policiers sont des travailleurs de première ligne et nous nous attendons à ce qu'ils fassent leur travail, qu'ils assurent la sécurité de nos rues, qu'ils mettent en oeuvre les politiques que nous élaborons ici, et qu'ils appliquent les lois qui devraient, à notre avis, faire en sorte que le Canada soit un endroit plus sécuritaire. En réalité, les policiers sont notre seule méthode de détection du crime.
Malgré l'importance évidente des organismes d'application de la loi au pays, nous constatons que de plus en plus, ces organismes reçoivent de moins en moins. Autrement dit, on leur donne moins de ressources, moins de main-d'oeuvre pour faire s'acquitter des responsabilités qui sont les leurs. Je pense que cela a donné des résultats terrifiants.
Le nombre de policiers par habitant a diminué de façon considérable. Il y a eu ce que j'appelle le phénomène des services policiers privés, de l'application de la loi privée, et des agences de sécurité privées qui surgissent un peu partout au pays. Nous avons entendu en comité qu'à la suite du 11 septembre, le SCRS et la GRC ont perdu un grand nombre de membres de leur personnel qui sont partis travailler dans des agences privées de sécurité. Nous constatons beaucoup trop souvent une diminution du niveau de sécurité auquel nous sommes en droit de nous attendre, je pense. Tous les Canadiens méritent la même protection et le même service. Tous les Canadiens méritent de savoir qu'ils sont en sécurité.
Après avoir passé des années et des années à discuter pour savoir si les services policiers devraient recevoir des ressources additionnelles, nous sommes arrivés à un point où le gouvernement a reconnu qu'il s'agit d'une ressource qui améliorerait l'application de la loi, qui rehausserait la sécurité des Canadiens et qui donnerait aux simples citoyens un plus grand sentiment de sécurité. Nous avons des groupes qui viennent ici pour dire que tout cela est bien, mais que nous devons reconnaître aussi les droits des délinquants; que nous devons pas ajouter des sanctions punitives supplémentaires ou une punition supplémentaire pour ceux qui ont déjà purgé leur peine. Des représentants d' agences policières sont venus nous dire: «Vous vous attendez à ce que nous fassions notre travail, mais pourquoi nous lier les mains avant de nous envoyer dans la rue?»
En tant que membre du parti qui a proposé le registre national des délinquants sexuels, il est terriblement déconcertant pour moi de devoir voter contre ce registre maintenant. Nous aimerions que nos agences d'application de la loi aient cet outil à leur disposition, mais ce n'est pas le bon outil. Ce registre ne comportera aucun nom une journée ou une semaine après qu'il aura été établi.
Ma question s'adresse à M. Griffin. Quelle est la valeur de ce registre si le nom des délinquants qui sortent de prison n'y est pas ajouté automatiquement? Quel genre de registre est-ce là?
Á (1155)
J'avais une question pour M. Griffin et M. Stephenson, et les deux ont déjà répondu à la question. Est-ce ainsi que le gouvernement ontarien a mis en oeuvre son registre? Y avait-il rétroactivité?
Le gouvernement a longuement parlé du registre des armes à feu. L'enregistrement était rétroactif. Ceux qui fournissent de faux renseignements sont passibles d'une peine d'emprisonnement maximale de 10 ans. Aux termes du projet de loi à l'étude, une personne qui fournit de faux renseignements au registre national des délinquants sexuels est passible d'une peine d'emprisonnement maximale de 5 ou 6 mois. Encore une fois, alors que les gens demandent davantage de ressources pour une meilleure sécurité et une plus grande justice, on propose des mesures tout à fait mineures avec ce registre.
Ma question s'adresse peut-être uniquement à M. Griffin et à Mme Vallée, qui a parlé un peu du deuxième critère. La question que je voudrais lui poser à elle également est la suivante: les peines sont-elles trop douces à l'heure actuelle? Ou croit-elle qu'elles sont appropriées, à l'heure actuelle? Il y a à peu près trois questions ici.
Monsieur Griffin, vous devriez peut-être commencer. Combien de temps faudra-t-il avant que ce registre soit efficace?
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sorenson.
Monsieur Griffin et madame Vallée, et ce sera tout.
M. David Griffin: Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Sorenson.
Pour ce qui est des ressources, nous sommes en présence d' un projet de loi qui propose de mettre en place un registre qui sera essentiellement une coquille vide plutôt qu'une base de données qui contiendra de l'information. Ce qui nous préoccupe, c'est que ce registre est créé dans le cadre d'un régime de détermination de la peine et qu'il est considéré par les gens comme une mesure punitive. À notre avis, ce n'est pas là le but. Le but, c'est de constituer une base de données confidentielle qui ne servira qu'à des fins précises, c'est-à-dire dans le cadre d'enquêtes criminelles pour des délits de nature sexuelle.
Cela permettrait d'agir de façon plus efficiente lors d'une enquête où il peut être nécessaire d'identifier en quelques heures des suspects éventuels et d'en éliminer d'autres le plus rapidement possible. La technologie qui existe dans le modèle ontarien—dans d'autres modèles aux États-Unis—fournit des photographies. Elle fournit de l'information au sujet de lieux géographiques, ce qui permet d'effectuer une contre-vérification avec l'emplacement d'un incident. C'est le type de données qui, à notre avis, devrait se retrouver dans le registre national des délinquants sexuels.
En ce qui concerne les pénalités, nous craignons certainement que les pénalités ne soient pas suffisantes pour les gens qui refusent délibérément de s'enregistrer, car à notre avis, il s'agit d'un signal d'alarme sérieux. Ce qui est encore plus important, c'est que les policiers devraient pouvoir arrêter une personne sans mandat s'ils constatent que celle-ci ne respecte pas la loi. Il devrait y avoir des conséquences graves pour ceux qui tentent d'échapper au système.
En Ontario, nous croyons comprendre qu'environ 90 p. cent se sont volontairement conformés. Si le registre est bien conçu, les délinquants se rendront compte qu'il s'agit là d'un outil qui, à certains égards, les aidera à être éliminés très rapidement lors d'enquêtes. Nous ne considérons pas que le modèle qui est proposé permettra de faire un travail efficace.
 (1200)
Le président: Merci.
Madame Vallée.
[Français]
Mme Johanne Vallée: Monsieur le président, je vais saisir tout de suite cette occasion pour faire un rappel important, soit que notre organisation n'est pas une organisation de défense des droits des détenus. Nos patrons sont des citoyens bénévoles qui croient par contre que c'est possible d'accroître la protection du public en favorisant la réinsertion et la réhabilitation sociales.
Par rapport aux sentences que l'on dit inappropriées, au début, je disais qu'on a examiné la question du registre en vertu de notre connaissance des réseaux fédéral et provincial, parce qu'on dessert les deux réseaux. Ce qui nous apparaît problématique, c'est que les contrevenants--si on prend l'expérience du Québec--qui sont sous juridiction provinciale ne bénéficient malheureusement pas de programmes de réhabilitation, de traitement et d'encadrement suffisants. Les ressources financières font terriblement défaut au niveau des services correctionnels provinciaux. Cela est problématique parce que cela compromet la capacité de la personne à modifier son comportement et compromet certainement nos outils d'intervention et d'encadrement dans la communauté. Quand on regarde, par exemple, les gens qui sont en probation, je vais être honnête avec vous. Quand vous avez un caseload de 80 personnes, vous ne pouvez pas faire une surveillance adéquate et efficace.
Je rappelle aussi que les études démontrent qu'au niveau des délinquants sexuels, la grande majorité ont des problèmes de santé mentale. C'est évident que lorsqu'on parle de délinquant sexuel, on doit nécessairement inclure des interventions cliniques et des traitements. Par la suite, on doit faire un suivi et assurer un encadrement.
Quand on parle de conformité au registre, comment voulez-vous qu'un délinquant sexuel qui a des problèmes de déficience intellectuelle ou des problèmes de santé mentale puisse comprendre l'importance de se conformer au registre si en plus il est sous juridiction provinciale et qu'il ne bénéficie pas d'encadrement? Il y a peu de chances qu'il se conforme.
Ma collègue me rappelait que dans les infractions prévues au projet de loi, on parle d'amendes allant jusqu'à 10 000 $. On parle aussi de sentences d'incarcération. Ces infractions vont, dans certains cas, être plus élevées et plus punitives que la sentence même pour certains délinquants sexuels. Il y a certains délinquants sexuels qui font l'objet de sursis à l'incarcération. Donc, s'ils ne se conforment pas au registre, ils vont faire face à des infractions encore plus importantes que la sentence qu'ils ont reçue pour l'infraction sexuelle.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Je vais maintenant suspendre la séance, plutôt que d'interrompre M. Lanctôt au milieu de son intervention. Je demanderais aux témoins de rester. Nous irons voter et nous reviendrons pour terminer le dialogue.
La séance est suspendue pour 15 minutes.
 (1203)
 (1233)
Le président: Nous reprenons la 53e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Nous allons donner tout de suite la parole à M. Lanctôt pour sept minutes.
[Français]
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins qui comparaissent pour discuter d'un dossier qui peut être d'une importance relative selon la façon dont cela est fait. En principe, si cela peut être un outil supplémentaire pour autre chose, ce pourrait être excellent.
Bien entendu, pour le moment, c'est limité. Cela doit servir à rechercher et retrouver des enfants ou à les protéger des délinquants sexuels. On sait qu'il y a un grave problème. Le problème a été soulevé par les témoins. Des policiers nous ont dit que le registre ne va pas assez loin. M. Stephenson et Mme Stephenson, qui ont comparu à titre personnel, nous l'ont dit également. Il y a aussi le problème qu'on retrouve des failles énormes, notamment en matière d'efficacité, et il y a aussi les possibles contestations relatives à la Charte.
Lorsque nous l'avons interrogé, le ministre a dit que ce qui touche la rétroactivité pourrait aller à l'encontre de la Charte; la proportionnalité pourrait aussi causer un plus grand problème. Il est donc évident que le premier dossier ira jusqu'à la Cour suprême, car il y aura contestation en vertu de la Charte des droits et libertés.
On oublie une chose importante, la question de dangerosité. Pourquoi ne pas l'inclure dans le registre les délinquants sexuels dangereux? On a donné plusieurs exemples.
Je me souviens d'un exemple soulevé par M. McKay. Prenons le cas d'une agression dans une famille, qu'elle soit commise par le beau-père ou par un parent proche. Si l'agression est minime et qu'ils règlent le dossier entre eux, même s'il y a eu une accusation, on pourrait faire en sorte que cela ne soit pas un dossier criminel important qui causerait de gros problèmes familiaux. On peut supposer aussi que cette personne était sous l'effet de l'alcool ou de drogues fortes. Peut-être qu'elle n'est pas dangereuse; cet agresseur aime peut-être beaucoup sa femme et ses enfants. Or, il se retrouverait sur ce registre. Pour quelle raison?
Vous avez mentionné le fait que l'Ontario a instauré ce registre et qu'il est déjà contesté, pas sur la question de dangerosité mais pour la rétroactivité. Est-ce qu'on est allé trop vite? Est-ce qu'il faut faire un renvoi à la Cour suprême, pas seulement pour faire rétablir la rétroactivité mais aussi la question de proportionnalité? Est-ce que cela passerait le test de l'article 1? Est-ce que dans une société libre et démocratique, ce serait acceptable pour protéger les victimes? On ne le sait pas.
Le ministre a mentionné que le coût de ce registre sera de deux millions de dollars pour sa mise en place, et qu'ensuite, il en coûtera 400 000 $ par année. À peu près au même moment, celui qui est responsable de la mise en place du registre en Ontario nous a mentionné que sa mise en vigueur, entrer les informations pour chaque année, coûte quatre millions de dollars, seulement pour l'Ontario.
On en revient toujours au problème d'administration qu'on a eu avec le registre des armes à feu. Comment peut-on avoir confiance en ce que dit le ministre? Il nous dit une chose une journée et d'autres témoins nous disent autre chose, soit le même jour, soit le lendemain. Le ministre nous dit qu'il en coûtera 400 000 $ par année, alors qu'en Ontario, cela coûte quatre millions de dollars juste pour mettre à jour quelque chose. Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles.
Est-ce que ce registre sera efficace? Vous me dites que non, surtout à cause de la rétroactivité. D'autre part, on nous dit qu'il faut faire attention, qu'il pourrait y avoir d'autres choses qui entreraient en ligne de compte. Peut-être qu'on pourrait prendre cet argent pour mettre sur pied des programmes visant à aider les délinquants sexuels, même pour aider les victimes aussi. La façon de faire devient très complexe. On a voulu couper la poire en deux. Pour vous, c'est inefficace. D'autres disent qu'il est inefficace pour d'autres raisons aussi.
 (1235)
Il faut penser aussi à tout ce que cela va coûter si on va contre la Charte; il y a aussi la non-efficacité que pourrait avoir ce registre. Pourquoi ne pas établir des barèmes qui respecteraient la Charte? Ainsi, on n'aurait pas à attendre plusieurs années avec un renvoi à la Cour suprême. On pourrait avoir l'information tout de suite au lieu de jeter l'argent par les fenêtres avec des questions administratives.
Vous me dites que de votre côté, cela passe votre test. Il ne faut pas oublier que le jugement de la Cour suprême des États-Unis crée un précédent. On se sert de ce jugement. Mais il ne faut pas oublier non plus que des États américains ont encore la peine capitale, ce qui n'existe pas ici. Il faut faire attention car c'est un pays dans lequel la répression et la prohibition sont très fortes. Je ne pense pas qu'au Canada, et encore moins au Québec, on ait cette attitude. Pensez-vous que ce serait du temps perdu si on demandait à la Cour suprême de nous donner son avis, pas seulement sur le point qui fait votre affaire mais aussi sur la dangerosité et la proportionnalité?
Il y a l'article 7 de la Charte, pas seulement le paragraphe 11g). Il faut demander un avis sur les deux. Pour l'Ontario, il s'agit seulement de la rétroactivité, mais ils auraient pu demander les deux. Ce n'est pas nécessairement le registre qui va se rendre le plus loin. Vous pouvez vous imaginer les coûts que cela va entraîner; en Ontario, c'est en première instance. Vous êtes loin encore du résultat final.
J'aimerais que les témoins fassent un commentaire sur ces questions.
 (1240)
[Traduction]
Le président: Peut-être pas tous, car il nous reste 15 minutes et on nous en a déjà donné une version raccourcie.
Monsieur Stewart.
M. Graham Stewart: Pendant que j'écoutais les autres témoins, naturellement je réfléchissais à mes propres commentaires, et il m'a semblé que les témoins étaient d'accord pour dire que le registre serait sans doute inefficace. Là où on ne pouvait se mettre d'accord, c'est pour dire si un registre plus important, plus complexe et beaucoup plus coûteux résoudrait le problème. Naturellement, certains étaient d'avis que oui. D'autres, comme moi, en doutent fort. On croirait, puisque des registres sont en place depuis 1944, qu'on le saurait maintenant. Étant donné la façon dont le registre fonctionnerait en pratique et en l'absence de preuve, il semble que l'on nous propose ici une expérience extrêmement coûteuse .
Je pense qu'un renvoi à la Cour suprême afin de trancher certaines questions constitutionnelles serait utile, mais je crois comprendre que cela se fait rarement et que ce ne serait pas bien reçu par la Cour suprême elle-même. En principe, cela serait certainement utile pour moi. Je ne suis pas avocat et j'hésite à aborder des questions juridiques, mais il ne sert absolument à rien d'adopter une loi qui ne fonctionnera pas. Il semble que même une personne comme moi qui n'est pas avocat peut voir que ce projet de loi comporte de graves lacunes et pourrait avoir un impact très négatif sur la population en général.
Le président: Monsieur Griffin.
M. David Griffin: Merci, monsieur le président. Je vais tenter d'être très bref. Je ne dirai que trois choses.
D'abord, l'idée de limiter le registre aux délinquants dangereux pose deux problèmes. Le premier est l'incidence de la négociation de plaidoyer: des gens inculpés de crimes très graves pourraient être condamnés pour une infraction moins grave. Ensuite, je pense que l'on reconnaît de façon générale qu'il existe une progression du crime chez les prédateurs sexuels qui commencent par des crimes très mineurs. Certains de nos délinquants et de nos prédateurs sexuels les plus notoires au pays ont commencé par être des voyeurs. C'est cette progression qui nous préoccupe. Nous voulons être en mesure d'identifier les gens qui ont le potentiel d'agir, non seulement ceux qui sont passés aux actes antérieurement.
Deuxièmement, en ce qui concerne la Charte, je ne suis pas avocat non plus, mais je crois que les Canadiens voudraient, et certainement ce que nos députés voudraient, c'est que le ministère de la Justice et le Parlement adoptent une approche plus proactive à l'égard de ces contestations en vertu de la Charte. Dans un certain nombre de dossiers, le plus récent étant celui-ci, nous semblons constater que la Charte est utilisée comme une raison de ne pas faire des choses que la plupart des Canadiens estiment appropriées.
Nous craignons également que la façon dont le projet de loi est structuré, c'est-à-dire comme un outil de détermination de la peine, pose un problème. D'ailleurs, les contestations auront sans doute plus de succès que si ce registre était considéré comme une exigence administrative, non pas une exigence dans un contexte sentenciel.
Enfin, en ce qui concerne les coûts, je ne pense pas que l'on puisse se reporter à 1944, car nous parlions alors de systèmes sur papier. Or, ce que nous demandons, c'est que la police dispose de la technologie qui existe aujourd'hui pour l'aider à obtenir cette information. Si on examine quels sont les coûts par délinquant, on constate que les coûts annuels sont relativement mineurs.
Nous convenons que les personnes qui sont relâchées dans la collectivité devraient être mieux surveillées et que les délinquants devraient avoir davantage accès à des traitements et à des programmes de réhabilitation, mais ce avec quoi nous ne sommes pas d'accord, c'est que tous les délinquants sexuels condamnés peuvent être réhabilités. Nous craignons par ailleurs qu'en l'absence de tels programmes, nous ayons besoin d'un système afin de nous assurer ou de prouver que ces programmes sont en fait efficaces. Nous avons besoin des outils permettant d'identifier les suspects éventuels qui pourraient être liés à un crime.
 (1245)
Le président: Merci.
Madame Vallée.
[Français]
Mme Johanne Vallée: Je vais laisser répondre ma collègue, Line Bernier.
Mme Line Bernier (présidente, Regroupement des intervenants en matière d'agressions sexuelles, Association des services de réhabilitation sociale du Québec): Merci, monsieur le président. Je partage votre préoccupation en ce qui concerne les coûts de cet outil et l'aspect constitutionnel de la question, mais je suis davantage préoccupée par la protection du public. À cet égard, je partage le point de vue que vous avez émis concernant l'évaluation. Il reste que les chiffres qu'on nous a présentés diffèrent un peu des miens.
La pédophilie n'est pas incurable. Certains hommes qui ont ce problème récidivent toute leur vie durant et font de nombreuses victimes, mais ce n'est pas le cas de la majorité d'entre eux. Plus tôt, vous avez nommé un cas d'espèce, soit un abuseur intrafamilial. Dans de tels cas, il y a déjà moins de récidives.
Les recherches actuelles nous livrent suffisamment d'information pour dresser le profil des délinquants qui risquent le plus de récidiver. Évidemment, cela ne nous permettra pas d'identifier chacun de ces hommes. Comme vous le disiez plus tôt, il y a des hommes qui n'ont pas encore commis d'agression sexuelle mais qui le feront éventuellement. En revanche, on sait déjà que les hommes jeunes qui abusent des femmes et des jeunes garçons avec lesquels ils n'ont pas de liens familiaux et qui ont des antécédents criminels de nature sexuelle ou autre sont des délinquants sexuels à risque élevé de récidive. Or, si nous pouvions concentrer notre attention sur ces hommes, nous aurions plus de possibilités d'agir au chapitre de la délinquance, non seulement celle qui a eu lieu, mais celle à venir également.
Ce que nous proposons ne demande pas de changer les lois existantes. Il s'agit d'abord de faire un effort pour mieux utiliser les moyens dont nous disposons. La recherche nous aide à cibler les délinquants à haut risque, et la loi qui porte sur la surveillance de longue durée nous permet dès le départ de demander un encadrement; ce dernier peut durer jusqu'à dix ans au-delà de la sentence. Cet encadrement a l'avantage d'offrir non seulement un moyen de surveillance et de collecte d'information, mais aussi d'offrir de l'encadrement et des traitements à ces hommes.
En ce sens, il serait important qu'il y ait une bonne collaboration entre le Service correctionnel du Canada, qui fait la surveillance des cas de longue durée, et les corps policiers. Cela nous permettrait de disposer de plus d'information et de faciliter les enquêtes, puisqu'on connaîtrait la façon de procéder ainsi que les lieux où les délinquants agissent. De plus, on aurait tenté d'aider ces derniers.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Il nous reste environ 11 minutes. M. Nystrom et Mme Jennings ont sept minutes chacun. Vous pouvez faire le calcul.
Monsieur Nystrom, je n'ai pas dit cela pour exercer quelle que pression que ce soit.
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Je serai très bref et j'irai droit au but, car Marlene a elle aussi des questions.
Je pense que M. Stewart a mentionné le coût du registre. Nous avons déjà vu le coût du registre des armes à feu: 2 milliards de dollars. Le coût devait être de 2 millions de dollars et il a maintenant atteint 2 milliards de dollars, pour une loi dont l'utilité est extrêmement discutable en fin de compte.
À votre avis, quel sera le coût de ce registre?
M. Graham Stewart: Je n'en ai aucune idée, et je ne pense pas que quiconque en ait la moindre idée. L'un des problèmes, c'est que toute l'administration est répartie dans le système de justice pénale, au gouvernent fédéral, aux gouvernements provinciaux, et dans les forces policières partout au pays.
Cela dépend également de la façon dont le registre sera effectivement mis en oeuvre. S'il s'agit d'un processus d'enregistrement très simpliste qui dépend entièrement de l'observance des délinquants, ce serait moins coûteux mais de toute évidence moins utile qu'un processus qui exigerait une vérification et un examen constant afin d'assurer la conformité. Étant donné les milliers de délinquants sexuels qui seraient inscrits à ce registre au cours d'une certaine période, il serait extrêmement coûteux pour la police d'entreprendre un processus de vérification constante afin de s'assurer que la base de données est efficace.
M. Lorne Nystrom: Oui.
Monsieur Griffin et monsieur Campbell, vous avez dit que le registre comportait des avantages au niveau des enquêtes lorsqu'un crime est en fait commis. Je voudrais savoir si ce registre sera utile également pour ce qui est de surveiller les délinquants et de protéger la population lorsque le délinquant se retrouve dans un environnement où il risque de commettre un autre crime, par exemple lorsqu'il pose sa candidature pour un emploi dans un camp d'été ou ce genre de choses. Le registre comporte-t-il des avantages à cet effet, ou est-il tout simplement utile dans le cadre d'une enquête lorsqu'un crime a été commis? À votre avis, le registre permettra-t-il de protéger la population plus tard pour ce qui est d'empêcher qu'un incident puisse se produire? Je sais que cela est très hypothétique, mais le registre pourrait-il avoir l'avantage de prévenir qu'un crime soit commis par opposition à son utilité lors d'une enquête une fois qu'un crime a été commis?
 (1250)
M. David Griffin: Ce qu'on a constaté jusqu'à présent ailleurs, c'est un degré élevé de conformité volontaire, de sorte que nous ne considérons pas que la conformité soit une préoccupation importante.
Dans notre perspective, il existe déjà des outils qui nous permettent d'avoir accès aux dossiers des délinquants sexuels condamnés, même ceux qui ont reçu un pardon, s'ils posent leur candidature pour un emploi où ils seraient en contact avec des enfants.
M. Lorne Nystrom: Ça existe déjà?
M. David Griffin: Oui. Ce projet de loi a déjà été adopté. Nous n'avons donc pas tenu compte de cela...
M. Boyd Campbell: Dans la plupart des provinces... Je sais qu'au Manitoba nous avons un registre pour ce genre de choses. Si une personne veut être moniteur pour les scouts ou dans un camp de vacances, ce genre de programme est en place.
Je ne sais pas vraiment si l'un améliorerait l'autre. Ce serait une question de contre-vérification.
M. Lorne Nystrom: Ce n'est donc pas nécessairement un avantage pour ce qui est de...
M. Boyd Campbell: Je ne dirais jamais que quelque chose n'est pas nécessairement un avantage. Plus nous avons d'outils, mieux c'est, mais ce n'est certainement pas le principal objectif. Du point de vue de l'enquête policière, nous disons qu'il s'agit d'un point de départ, une base qui nous donnera suffisamment d'information au départ au cours d'un processus d'enquête pour nous donner le meilleur délai possible. Comme vous l'avez déjà entendu, dans les cas d'enlèvement par un étranger, il y a un créneau extrêmement précieux d'une heure ou deux.
M. Lorne Nystrom: Pourriez-vous expliquer au comité quel est l'avantage du projet de loi qui est proposé par opposition au CIPC qui existe déjà en Saskatchewan, qui est ma province, ou au Manitoba. Vous demandez que des améliorations soient apportées au projet de loi à l'heure actuelle.
M. Boyd Campbell: Nous réclamons des améliorations par rapport au projet de loi actuel. Nous sommes préoccupés du fait que toute personne devant s'enregistrer soit tenue de faire part aux responsables des changements d'adresse. C'est mieux que le CIPC parce que le CIPC actuellement n'est qu'une banque d'information telle qu'elle existe à un moment donné. Le seul changement, c'est que la personne entre en contact avec la police après.
Le président: Merci.
Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci à tous pour vos exposés.
Je voudrais parler, aussi brièvement que possible—et c'est un véritable défi pour moi—de la question de la rétroactivité. Certains d'entre vous ont dit que pour que le registre des délinquants sexuels soit vraiment un outil d'enquête efficace pour la police, il fallait qu'il soit rétroactif. Vous avez évoqué l'exemple du registre de l'Ontario.
J'ai lu la loi qui traite du registre de l'Ontario. En fait, on inclut toute personne condamnée pour infraction sexuelle, que le contrevenant soit détenu ou qu'il purge une peine dans une communauté. Cependant, il semble que lorsque ce registre est effectivement entré en vigueur en Ontario, il ne comprenait que les contrevenants qui avaient été déclarés coupables le jour de la proclamation du registre ou après, ainsi que les délinquants sexuels qui purgeaient leur peine en détention. D'abord, est-ce que je me trompe? Ensuite, si c'est le cas, même en Ontario, par rapport à la rétroactivité, on a vraiment limité l'étendue du registre.
La deuxième chose dont je voulais parler, c'est que nous avons un système de droit, et nous sommes protégés par la charte du risque antérieur. Je serais intéressée de savoir, monsieur Griffin, en tant que représentant d'un syndicat policier, ce qui se passerait dans la situation suivante. Supposons qu'un de vos membres est accusé d'avoir enfreint une procédure, une règle ou un règlement de l'employeur, qu'il passe par le processus disciplinaire, qu'il est reconnu coupable de cette infraction, qu'il reçoit une sanction de, disons 30 jours de suspension sans solde, qu'il avait purgé sa peine ou qu'il était en train de le faire, quand en vertu d'une nouvelle convention collective, cette infraction fait désormais l'objet d'une peine de 40 jours de suspension. Vos membres seraient-ils d'accord pour que cela s'applique à ceux qui ont déjà été jugés coupables—et je mets ça entre parenthèses—, qui, soit étaient en train de purger leur peine soit l'avait déjà fait? Seriez-vous d'accord pour que l'on applique cette sanction de manière rétroactive?
S'il me reste un peu de temps, j'ai cru comprendre que les coûts évalués par la GRC ne représentent que la partie dont ils seront responsables, mais que les coûts évalués par les provinces détermineront dans quelle mesure celles-ci participeront.
 (1255)
M. David Griffin: En ce qui concerne le modèle de l'Ontario, je ne suis pas tout à fait d'accord... Je ne sais pas si M. Stephenson est mieux placé que moi pour vous répondre. Je crois comprendre qu'il y a dans le registre de l'Ontario des noms antérieurs à l'adoption de ce dernier. En ce qui concerne le fait que ceux-ci fassent l'objet d'un accès restreint, comme vous l'avez dit, ce serait toujours mieux car on engloberait probablement 2 000 à 3 000 délinquants qui ne seraient pas répertoriés dans le système proposé par le projet de loi actuel. Je ne suis pas certain.
En ce qui concerne le risque antérieur, nous ne serions pas favorables à une proposition de ce genre pour un de nos membres dans le contexte de nos relations de travail. Mais ce n'est pas ce dont il est question ici, et de notre point de vue, il ne faut pas concevoir ce système comme une punition. Nous ne souhaitons pas que des gens soient punis plus sévèrement ou qu'ils purgent un autre type de peine. Je sais que certains veulent établir cette comparaison. Ce dont nous parlons, c'est simplement de savoir où se trouvent les personnes qui ont commis des infractions sexuelles étant donné que dans le Livre rouge de votre parti, on a reconnu que ces délinquants risquent deux fois plus de récidiver.Nous devrions pouvoir savoir où ces gens vivent dans une communauté et de déterminer le plus rapidement possible s'ils sont ou non d'authentiques suspects dans une enquête.
Nous ne voulons pas punir plus sévèrement les gens. Nous ne leur demandons pas de purger des peines supplémentaires. Nous leur demandons simplement de signaler leurs déplacements à la police, de la prévenir d'un changement d'adresse, et de lui fournir suffisamment d'information pour qu'il soit possible de les identifier au cas où un crime se produirait dans leur voisinage.
Cela ne nous semble pas être une atteinte terrible aux droits de la personne, quand vous comparez les conséquences, à la fois humaines et financières, de ne pas pouvoir obtenir de l'information suffisamment rapidement et d'avoir à chercher dans les dossiers,à sonder les informateurs et à vérifier l'information manuellement.
Mme Marlene Jennings: Merci. Y a-t-il d'autres observations?
Le président: Merci, madame Jennings.
Monsieur Cadman, voulez-vous poser une petite question, si c'est possible?
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Très rapidement à M. Stephenson et M. Griffin. Je voudrais avoir vos commentaires sur le fait que le registre, tel que proposé, n'englobera pas les jeunes contrevenants. Je connais un cas dans ma propre province où un jeune de 15 ans ayant maltraité au préalable des enfants a aussi violé et assassiné une jeune fille en l'espace d'un an—avant d'avoir atteint l'âge de 16 ans. Et dans ma communauté, il y a également eu des cas d'agressions sexuelles graves commises par de jeunes contrevenants qui n'ont pas été jugés dans des tribunaux pour adultes.
J'aimerais connaître vos commentaires là-dessus.
M. Jim Stephenson: En fait, c'est un domaine au sujet duquel je ne voudrais pas faire de commentaire. Je ne suis pas préparé à parler de cette question.
M. David Griffin: On exige qu'ils soient inscrits, n'est-ce pas?
M. Chuck Cadman: Seulement s'ils sont condamnés en tant qu'adultes.
M. David Griffin: D'accord, oui. Nous en avons parlé en nous préparant pour notre comparution d'aujourd'hui. Finalement, nous avons jugé que l'on ne pouvait pas s'attendre à ce que cet aspect du projet de loi soit amendé et nous voulions nous concentrer sur des questions plus graves.
Évidemment, le fait que des jeunes contrevenants enclins à commettre ce genre d'infractions criminelles ne soient pas inclus dans le registre n'est pas sans nous inquiéter. Cependant, nous soucions surtout aujourd'hui de l'aspect complet du registre dans un futur proche, plutôt qu'à long terme.
Le président: Madame Vallée.
[Français]
Mme Johanne Vallée: Sur la question des jeunes délinquants, on n'a pas fait de recommandations spécifiques. Mais il serait--et je vais essayer de minimiser le terme--irresponsable de forcer un jeune délinquant à s'enregistrer, sans qu'aucune mesure de traitement n'accompagne l'ordonnance. Ce serait irresponsable, parce qu'il s'agit de jeunes.
Lorsqu'ils sont victimes d'agression sexuelle à 14 ans, on les considère comme des enfants, alors que si au même âge, ils sont agresseurs sexuels--pour toutes sortes de raisons que la recherche nous permet de bien connaître--, on ne leur donne pas la chance d'être traités. C'est le cas actuellement dans certaines régions, même au Québec; de jeunes agresseurs sexuels n'ont pas accès à des traitements parce qu'il n'y a pas de pédopsychiatre dans la région, par exemple.
Si on inclut dans le registre les jeunes contrevenants agresseurs sexuels, il faudra au minimum que cette ordonnance soit accompagnée d'une obligation de traitement .
· (1300)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Je sens mon greffier nerveux, mais je vais devoir accorder le dernier mot à M. Maloney.
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): J'ai une petite question pour M. Griffin.
Nous avons entendu ce matin qu'un des partis politiques représentés à cette table n'appuiera pas le projet de loi parce qu'il ne va pas assez loin, qu'il est insuffisant, etc. Vous-même, avez identifié certaines imperfections et avez proposé des améliorations. Qu'est-ce que vous me suggérez? Dois-je appuyer le système tel qu'il est? Est-ce que c'est mieux que rien, ou est-ce que je devrais rejeter le système tel qu'il est proposé, nonobstant vos propositions pour l'améliorer?
M. David Griffin: Selon ma perspective de l'Association canadienne des policiers et policières, nous aimerions que ce projet de loi soit renvoyé à l'équipe de rédaction. Nous pensons qu'il comporte plus que quelques imperfections et que ces problèmes doivent être réglés.
Le président: Merci beaucoup.
Je veux remercier nos témoins et le comité. Je suis désolé que nous ayons eu à partir pour quelque temps. C'est la nature du Parlement. Merci.
La séance est levée.