Passer au contenu

Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
PDF


TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 17 février 1994

AFFAIRES COURANTES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

FINANCES

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

    Projet de loi C-217. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 1461

LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    Projet de loi C-218. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 1461

PÉTITIONS

LES LANGUES OFFICIELLES

LES SUPERBOÎTES AUX LETTRES

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 1462

QUESTIONS AU FEUILLETON

LES VOIES ET MOYENS

LA LOI SUR LA TAXE D'ACCISE

    Motion portant adoption 1462
    Adoption de la motion 1462

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA POLITIQUE DE DÉFENSE

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 1479

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

L'USINE DE FRACTIONNEMENT DU SANG À HALIFAX

LES NATIONS AUTOCHTONES

L'IMMIGRATION

LE PROGRAMME CANADIEN DE PRÊTS AUX ÉTUDIANTS

L'ENVIRONNEMENT

LES PRIX NATIONAUX DE MÉRITE EXCEPTIONNEL DESTINÉS AUXAUTOCHTONES

L'INSTITUT MARITIME DU QUÉBEC

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 1497

LES RÉGIMES ENREGISTRÉS D'ÉPARGNE-RETRAITE

L'ALPHABÉTISATION

LES CARTES DE TUEURS

LES BUREAUX DE POSTE RURAUX

LA VICE-PREMIÈRE MINISTRE

L'ENVIRONNEMENT

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

L'ENVIRONNEMENT

LE PROJET DES KAONS

QUESTIONS ORALES

LE CRIME ORGANISÉ

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1500
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1500
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1500

LES DÉPUTÉS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1501
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1501

LES DOUANES CANADIENNES

LES DÉPUTÉS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1502
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1502

LE BUDGET

    M. Martin (LaSalle-Émard) 1502
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1502

LE SUICIDE ASSISTÉ PAR UN MÉDECIN

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1503
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1503

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 1503
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1503

L'ENVIRONNEMENT

L'ÉCONOMIE PARALLÈLE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1504
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1504

LA BOSNIE

LES DOUANES CANADIENNES

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

L'INDUSTRIE DU FILM

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 1505
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 1506

LES RÉFUGIÉS

LES JEUX OLYMPIQUES D'HIVER

LE BUREAU DE RÉGIE INTERNE

    M. Harper (Calgary-Ouest) 1507

LA BASE MILITAIRE DE CORNWALLIS

RECOURS AU RÈGLEMENT

DEMANDE DE REPORT

DÉCLARATIONS DE MINISTRES

DEMANDE DE REPORT

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA POLITIQUE DE DÉFENSE

    Reprise de l'étude de la motion. 1508
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 1512
    M. Lavigne (Beauharnois-Salaberry) 1523
    M. Leroux (Shefford) 1525
    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 1527
    Report du vote sur la motion 1534

MOTION D'AJOURNEMENT

LES TRAVAUX PUBLICS

    M. Gauthier (Ottawa-Vanier) 1535

L'AÉROPORT DE QUÉBEC

LE TRANSPORT DU GRAIN


1461


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 17 février 1994


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

FINANCES

M. Nick Discepola (Vaudreuil): Monsieur le Président, le Comité permanent des finances a l'honneur de présenter, ce matin, son premier rapport.

[Traduction]

Conformément à son ordre de renvoi du vendredi 4 février 1994, votre comité a étudié le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu national et d'autres lois en conséquence, et a convenu d'en faire rapport sans propositions d'amendement.

* * *

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. John Nunziata (York-Sud-Weston) demande à présenter le projet de loi C-217, Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants, la Loi sur les contraventions et le Code criminel en conséquence.

-Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord remercier le député de Leeds-Grenville d'avoir appuyé la motion portant présentation de ce projet de loi.

Durant la campagne électorale, les Canadiens ont dit clairement qu'ils souhaitaient voir apporter des modifications fondamentales à notre système de justice pénale. Une bonne partie des craintes dans la collectivité semblent porter sur la Loi sur les jeunes contrevenants. À mon avis, ce projet de loi corrigera certaines des très graves lacunes de cette mesure.

Ce projet de loi a trois objectifs. Tout d'abord, il vise à réduire les limites d'âge définissant ce qu'on entend par un jeune contrevenant. Il s'agirait d'un jeune de 10 à 15 ans. Ainsi, les jeunes de 16 et 17 ans seront reconnus responsables de leurs actes criminels et poursuivis devant des tribunaux pour adultes.

À l'heure actuelle, ces jeunes sont visés par la Loi sur les jeunes contrevenants et non par le Code criminel du Canada et ils n'ont donc pas à comparaître devant des tribunaux pour adultes. À mon avis, des jeunes de 16 et 17 ans sont assez vieux pour comprendre la nature et les conséquences de leurs actes et devraient avoir des comptes à rendre en tant qu'adultes.

Le projet de loi a pour but ensuite de faire passer la peine maximale-et je souligne le terme «maximale»-pour les meurtres au premier ou deuxième degré de cinq à dix ans. Les Canadiens souhaitent qu'on modifie les dispositions sur la peine maximale imposée aux jeunes contrevenants trouvés coupables de meurtre. Ainsi, tout jeune âgé de 10 à 15 ans qui commet un meurtre de ce genre sera passible d'une peine maximale de dix ans.

Enfin, le projet de loi permettra la publication du nom d'un jeune contrevenant condamné une deuxième fois pour un acte criminel.

En conclusion, je crois qu'en adoptant cette mesure, la Chambre apaisera en grande partie les craintes tout à fait légitimes et très sérieuses des Canadiens au sujet des problèmes liés à notre système de justice pénale.

(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

(1010)

[Français]

LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert) demande à présenter le projet de loi C-218, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-chômage (emplois exclus).

-Monsieur le Président, tout d'abord, j'aimerais remercier la députée de Laurentides d'appuyer ce projet de loi, et j'aimerais en donner également une brève explication.

Ce projet de loi a pour but de soustraire de la catégorie des emplois exclus, les emplois caractérisés par un lien de dépendance entre l'employeur et l'employé.

Présentement, l'emploi des femmes collaboratrices n'est pas assurable, à moins, comme le dit l'article 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage, que ces femmes prouvent qu'elles auraient conclu un contrat de travail semblable si elles n'avaient pas été conjointes de leur employeur.

1462

Cet article de la Loi sur l'assurance-chômage est discriminatoire, en ce sens qu'il crée un fardeau de preuve différent, notamment pour les femmes collaboratrices.

Voilà pourquoi je souhaite que mon projet de loi soit débattu le plus tôt possible.

(La motion est réputée adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

[Traduction]

PÉTITIONS

LES LANGUES OFFICIELLES

Mme Marlene Cowling (Dauphin-Swan River): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(1) du Règlement, je dépose cette pétition qui est dûment certifiée par le greffier des pétitions.

Les électeurs de Dauphin-Swan River demandent au gouvernement fédéral de faire approuver par les Canadiens la politique du Canada en matière de langues officielles.

LES SUPERBOÎTES AUX LETTRES

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(1) du Règlement, je présente une pétition soumise par des citoyens inquiets du canton de Langley, dans la circonscription de Fraser Valley-Ouest, en Colombie-Britannique.

Plus de 1 000 personnes ont signé cette pétition pour contester l'installation de superboîtes aux lettres dans une localité à caractère historique, Port Langley, le berceau de la Colombie-Britannique. Les superboîtes ne cadrent pas avec les traditions ancestrales de cette localité historique.

C'est pourquoi les pétitionnaires demandent au Parlement d'exempter les localités historiques du Canada du programme des superboîtes aux lettres de la Société canadienne des postes.

J'approuve pleinement l'objet de cette pétition.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le Président: Toutes les questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

LES VOIES ET MOYENS

LA LOI SUR LA TAXE D'ACCISE

L'hon. Fernand Robichaud (au nom du ministre des Finances) propose: Qu'une motion des voies et moyens visant à modifier la Loi sur la taxe d'accise, déposée le lundi 14 février 1994, soit adoptée.

(La motion est adoptée.)

_____________________________________________


1462

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA POLITIQUE DE DÉFENSE

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants) propose:

Qu'un Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes soit constitué pour étudier la politique de défense du Canada;
Que le document intitulé «Examen de la politique de défense du Canada, document d'orientation du ministre de la Défense nationale» soit renvoyé au Comité;
Que le Comité ait le mandat de procéder à de vastes consultations et à analyser les questions traitées dans le document susmentionné, et à formuler dans son rapport des recommandations sur les objectifs et l'application de la politique de défense du Canada;
Que onze députés de la Chambre des communes et cinq sénateurs fassent partie du Comité;
Que les membres du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants de la Chambre des communes soient nommés pour agir au nom de la Chambre à titre de membres dudit Comité;
Que le Comité soit autorisé à siéger pendant les séances de la Chambre et les périodes d'ajournement;
Que le Comité ait le pouvoir de faire rapport de temps à autre, de convoquer des témoins, d'exiger la production de documents et de dossiers, et de faire imprimer ces documents et témoignages de temps à autre, selon ce qu'ordonnera le Comité;
Que le Comité ait le pouvoir de retenir les services de spécialistes, de personnel professionnel, technique et de bureau;
Que le Comité ait le pouvoir de se déplacer d'un endroit à l'autre au Canada et à l'étranger et que, s'il y a lieu, le personnel nécessaire accompagne le Comité;
Que le quorum du Comité soit fixé à neuf membres lorsque celui-ci doit voter, se prononcer sur une résolution ou prendre une autre décision, à condition que les deux Chambres soient représentées et que les coprésidents soient autorisés à tenir des réunions pour entendre des témoignages et en autoriser la publication, lorsque six membres sont présents, à condition que les deux Chambres soient représentées;
Que le Comité ou ses représentants se réunissent lorsqu'ils le jugent à propos avec le comité parlementaire chargé d'examiner la politique étrangère du Canada ou ses représentants;
Que nonobstant les usages en vigueur à la Chambre, si la Chambre ne siège pas au moment où le Comité termine son rapport intérimaire ou final, le Comité fasse rapport au greffier de la Chambre et que ledit rapport soit alors réputé avoir été déposé sur le Bureau;
Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 30 septembre, 1994; et

1463

Qu'un message soit envoyé au Sénat le priant de se joindre à la Chambre pour les fins susmentionnées et de choisir, s'il le juge opportun, des sénateurs pour le représenter audit Comité mixte spécial.
(1015)

-Monsieur le Président, je suis très heureux d'avoir l'occasion de prendre officiellement la parole à la Chambre et de donner le coup d'envoi à l'examen de la politique de défense.

Au cours des prochaines minutes, j'expliquerai comment se fera l'examen et à quoi ressemblera la nouvelle politique de défense du Canada.

[Français]

On reconnaît généralement la nécessité de procéder à un examen approfondi de la politique de défense du Canada. En fait, durant la campagne électorale, tous les partis ont demandé un examen de la politique actuelle afin de nous assurer que celle-ci corresponde bien aux besoins d'aujourd'hui. L'attention accordée aux questions de défense ne devrait surprendre personne. La défense est un devoir fondamental du gouvernement et elle a des répercussions importantes au pays et à l'étranger.

En outre, le maintien et le fonctionnement de nos forces armées représentent une partie considérable des dépenses publiques. Par conséquent, nous devons nous doter d'une politique claire et réaliste qui définisse, d'une part, ce que nous attendons des Forces canadiennes et, d'autre part, comment nous avons l'intention de leur fournir l'équipement et l'entraînement dont elles ont besoin pour remplir les tâches qui leur sont confiées.

Durant la campagne électorale, mon parti a maintenu qu'il était urgent de soumettre la politique de défense du Canada à un examen afin de tenir compte des nouveaux besoins du pays et de la réalité financière à laquelle nous faisons face, ainsi que du caractère fluctuant de la scène internationale.

Je voudrais maintenant décrire comment le gouvernement a l'intention de procéder à cet examen de la plus haute importance.

[Traduction]

Comme en témoignent les discussions qui se sont déroulées ces derniers mois sur divers sujets qui ont été soulevés, le gouvernement accorde une grande importance à la consultation publique. Au cours de la campagne électorale, tous les partis ont insisté sur l'importance de la consultation et ont demandé un rôle accru du Parlement dans la formulation de la politique gouvernementale. Le Parlement a toujours joué un rôle essentiel à cet égard, mais depuis quelques années le gouvernement accordait moins d'importance à une consultation adéquate des parlementaires au sujet de l'élaboration de ses politiques.

Depuis le retour du Parlement en janvier, nous avons tenu des débats sur deux questions très importantes, soit le maintien de nos gardiens de la paix dans l'ancienne République de la Yougoslavie et les essais des missiles de croisière.

Animés de la même volonté de consultation, nous proposons aujourd'hui la création d'un Comité mixte spécial chargé d'examiner la politique de défense du Canada.

Vu le caractère unique de l'examen et afin d'éviter de surcharger les députés qui auront beaucoup à faire dans de nombreux autres comités, le Comité mixte spécial sera constitué des membres du Comité permanent de la Défense nationale et des Affaires des anciens combattants et d'un certain nombre de sénateurs. Autrement dit, les députés chargés d'examiner les questions de défense courantes et les prévisions budgétaires du ministère s'occuperont également de l'examen de la politique de défense, de sorte que les personnes les plus compétentes en matière de défense rempliront simultanément les deux fonctions.

Nous espérons que le plus de personnes possible participeront aux travaux du comité, non seulement les spécialistes et les groupes d'intérêt, mais les Canadiens de toute provenance qui s'intéressent à cette question nationale fondamentale qu'est la politique de défense.

Toutefois, nous ne voudrions pas que ce comité suive l'exemple peu recommandable qu'avait donné, il y a un an à peu près, le comité chargé par le gouvernement conservateur d'examiner l'Accord constitutionnel de Charlottetown; on sait que les déplacements de ce comité avaient dégénéré en un véritable cirque. Nous souhaitons que le comité tienne des audiences dans diverses régions du Canada afin de permettre aux Canadiens qui n'auront pas la possibilité d'aller jusqu'à Ottawa de se rendre dans ces centres régionaux. J'espère que cette entreprise n'entraînera pas de dépenses indues pour la Chambre et qu'on choisira des localités importantes pour entendre le point de vue de la population.

Nous souhaitons que le comité fasse rapport au plus tard le 30 septembre prochain. Pourquoi le 30 septembre? Eh bien, c'est que nous voulons respecter l'échéancier de notre livre rouge. Je devine que nos vis-à-vis commencent peut-être à en avoir assez de ce livre rouge, mais nous voulons absolument que les Canadiens sachent que notre gouvernement entend faire tout ce qu'il peut pour remplir ses promesses électorales et il en donne un exemple dans ce cas-ci. Nous voulons que l'étude soit terminée d'ici la fin de l'année pour qu'enfin les Canadiens connaissent l'orientation de notre politique de défense en ces temps troublés.

(1020)

Nous suivrons l'évolution du débat public dans les journaux, les conférences et les médias. Dès que le comité aura terminé ses travaux, nous les reverrons minutieusement, pour garantir que le volet public de l'étude de la politique de défense soit dirigé, comme il se doit, par la Chambre des communes et par le Sénat. En effet, le Parlement est le véhicule par excellence pour assurer la participation des Canadiens. Si le Parlement n'arrive pas à véhiculer la volonté des Canadiens, je ne sais vraiment pas quel instrument y parviendra.

Le gouvernement compte s'inspirer beaucoup du rapport pour structurer sa réponse. Je parle ici d'un Livre blanc qui paraîtra probablement dans les mois qui suivront la présentation des conclusions du comité. Tout ce travail devrait être réalisé d'ici la fin de l'année. Je tiens à être très clair avec les sénateurs et les députés. Leur rapport ne sera pas la nouvelle politique de défense et nous aurions tort d'écarter un grand nombre, voire la plupart des recommandations.


1464

Comme je l'ai dit, nous croyons que les parlementaires occupent une place privilégiée pour conférer au débat une dimension qu'il ne pourrait avoir avec les consultations privées que j'espère avoir avec des spécialistes et des fonctionnaires ainsi que divers intéressés dans le domaine de la défense, de même qu'avec nos alliés qui éprouvent des difficultés comparables dans l'élaboration de leurs politiques en matière d'affaires étrangères et de défense. Je m'engage à réaliser ces consultations et ces discussions, mais je souligne que la participation des Canadiens et le rôle des parlementaires détermineront en grande partie la nouvelle politique que nous adopterons.

D'ici là, le gouvernement doit prendre des décisions. Le monde ne s'arrête pas le temps que le Canada étudie sa politique de défense et j'espère que les députés en tiendront compte. J'imagine qu'il va se produire certains événements dans les semaines et les mois qui viennent. J'espère que les députés ne demanderont pas à la Chambre pourquoi le gouvernement n'attend pas la fin de l'étude pour prendre des décisions. Le fait est que nous devons prendre des décisions difficiles.

Nous avons pris une décision très difficile, que nous avions aussi promis de prendre dans le livre rouge, en annulant le contrat des hélicoptères EH-101. Nous avons eu des discussions difficiles avec nos alliés de l'OTAN, tant au sommet de Bruxelles que ces dernières semaines, au téléphone, le ministre des Affaires étrangères, le premier ministre et moi-même, sur la situation très délicate qui prévaut dans l'ancienne République de la Yougoslavie et le possible recours aux attaques aériennes pour y remédier. Certaines décisions qui sont sur le point d'être prises ont fait l'objet de consultations approfondies à la Chambre. Je veux parler du maintien de la paix et de l'essai des missiles de croisière.

On pourrait envisager, par exemple, que le gouvernement soit consulté sur la façon de réagir aux événements qui surviennent en Bosnie, sur la possibilité d'envoyer là-bas des troupes additionnelles de maintien de la paix. Ce sont manifestement des décisions qui doivent être prises très rapidement, au fur et à mesure des événements. Elles ne sauraient attendre.

Nous allons garder le Parlement et surtout le comité bien au courant de toute décision importante que nous allons prendre, tant que nous n'aurons pas à trahir la confiance de nos alliés à cet égard. Nous allons tenter de nous assurer que les décisions qui doivent être prises au jour le jour, en un sens, ne compromettent pas les résultats de l'examen. Nous allons veiller le plus possible à ce que toute décision spéciale que nous prendrons au fur et à mesure des événements ait l'appui de la vaste majorité des Canadiens.

[Français]

Au cours de la même période, le ministre des Affaires étrangères procédera à l'examen de la politique étrangère du Canada. Le ministre fournira des détails à ce sujet au Parlement, d'ici quelques semaines. Étant donné que la politique étrangère et la politique de défense du pays se recoupent dans plusieurs domaines, mon collègue et moi-même avons élaboré un processus qui permettra aux deux examens de se dérouler en harmonie.

Selon le terme de référence du comité parlementaire chargé d'examiner la politique de défense, ce dernier se réunira avec le comité parlementaire responsable de l'examen de la politique étrangère du Canada.

(1025)

J'ai aussi accepté l'invitation de mon collègue, le ministre des Affaires étrangères, à coprésider le Forum national sur les relations internationales qui portera certainement sur des questions liées à la défense.

[Traduction]

Il s'agit d'une tribune nationale sur diverses questions-politique en matière de défense, politique étrangère, aide au développement à l'étranger, politique commerciale-que mes collègues, le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international, et moi-même allons animer dans quelques semaines. Cela aussi a fait l'objet d'une promesse dans le livre rouge.

Les questions fondamentales qui feront partie de l'examen envisagé de la politique en matière de défense sont exposées dans le document d'orientation que le gouvernement a rédigé. Si les députés sont d'accord, je propose de le déposer maintenant dans les deux langues officielles, conformément au paragraphe 32(2) du Règlement.

Le président suppléant (M. Kilger): Y a-t-il consentement unanime pour permettre le dépôt du document?

Des voix: D'accord.

M. Collenette: Il s'agit du document d'orientation qui sera remis à tous les membres du comité pour les aider dans leurs délibérations. Ce document n'impose aucune condition préalable. Il énumère simplement les questions à aborder et fixe un cadre pour les délibérations du comité. Il est destiné à stimuler la discussion et à orienter le travail du comité sur les questions critiques qu'il faut régler.

Pour que les députés puissent se faire une idée de la vision que le gouvernement a des questions de fond, je prendrai quelques minutes pour donner un aperçu du document que je viens de déposer.

Ce document commence par un survol des questions, tant nationales qu'internationales, qui ont une incidence sur la politique de défense du Canada.

Il y est souligné que depuis la fin de la guerre froide, il y a eu de véritables améliorations dans la sécurité internationale. Depuis 1989, les choses ont changé radicalement, surtout en Europe de l'Est, avec le démantèlement de l'Union soviétique et la renaissance d'États qui n'avaient pas connu l'indépendance depuis de nombreuses années, voire, dans certains cas, depuis des siècles.

Des progrès majeurs ont été enregistrés au chapitre du contrôle des armements, et grâce au règlement de différents conflits régionaux qui duraient depuis longtemps. Je crois que nous devrons tenir compte de la rapidité à laquelle les événements se déroulent en Europe dans la formulation de notre politique de défense.


1465

Dans le document d'orientation, il est question d'imprévisibilité, d'instabilité et de violence sur la scène internationale. Nous le voyons dans la désintégration de l'ancienne Yougoslavie. Et nous le voyons aussi ailleurs, dans les anciennes républiques de l'Union soviétique, tant en Europe qu'en Asie centrale.

Les événements qui surviennent dans cette partie du monde m'inquiètent beaucoup étant donné que de petits États peuvent devenir des puissances nucléaires tout simplement parce qu'ils ont sur leur territoire des armes nucléaires de l'ancienne Union soviétique. Cependant, je dois admettre que je suis très heureux de l'accord auquel a apparemment souscrit l'Ukraine, maintenant État indépendant, qui prévoit le contrôle et le démantèlement de son arsenal nucléaire.

Dans cette partie du monde, il y a beaucoup de gens qui ont travaillé aux programmes d'armements et aux programmes nucléaires. Comme nous le savons, il existe des régimes qui, pour toutes sortes de raisons, notamment par volonté d'expansion territoriale ou par désir d'hégémonie régionale, sont prêts à utiliser les armes nucléaires. Nous nous retrouvons devant une situation très déconcertante et nous devons faire preuve de prudence dans la formulation de notre politique de défense.

Ce que je veux dire, c'est que l'espoir et l'euphorie qui ont suivi l'éclatement de l'empire soviétique en 1990 et 1991 ont fait place à un peu plus de réalisme et de pragmatisme. Oui, le monde peut être meilleur! Nous ne sommes plus témoins de cette épouvantable course aux armements entre les deux superpuissances, mais les retombées, surtout en Union soviétique, en Russie et dans la région, ont créé une certaine instabilité qui a de quoi nous préoccuper. Nous allons suivre de très près la situation en Russie; le Canada appuie évidemment de tout coeur les efforts déployés par les autorités pour organiser le pays de la façon la plus démocratique et la plus équitable possible dans son nouveau rôle de pays indépendant, libre de toute idéologie.

(1030)

La Russie demeure une puissance militaire; elle possède des armes nucléaires et d'importantes forces armées dont le gros des effectifs ont été rapatriés des anciens États d'Europe de l'Est. Nous trouvons inquiétants des événements comme la seconde tentative de coup d'État en octobre dernier et les résultats des récentes élections. Ces événements reflètent l'état précaire de la réforme dans un contexte de graves problèmes sociaux et économiques.

Il est déjà bien difficile de prendre des décisions à long terme concernant les Forces canadiennes quand tout va bien. Cela est encore plus difficile quant l'avenir de la sécurité internationale est si complexe et si incertain.

[Français]

Le document d'orientation nous rappelle l'importance que revêt la dimension nationale de la défense du Canada. Au plus strict minimum et aux termes de la Loi sur la défense nationale, les forces sont tenues d'intervenir dans les situations qui menacent l'ordre public au pays. Les forces ont aussi toujours eu un rôle à jouer dans la défense du Canada, la protection de la souveraineté canadienne, un rôle qui inclut l'assistance aux autres ministères et aux autres paliers de gouvernement.

Au fil des ans, le gouvernement a eu pour pratique de demander aux forces de prêter assistance à certains organismes gouvernementaux dans le cadre d'activités reliées à la recherche et au sauvetage, au secours en cas de catastrophes nationales et à la protection de nos ressources maritimes.

Au fur et à mesure des délibérations, le comité devra déterminer quels sont les rôles nationaux appropriés pour les forces canadiennes et de quel niveau de capacités nos militaires auraient besoin pour jouer ces rôles.

[Traduction]

Les contraintes budgétaires représentent évidemment l'un des problèmes intérieurs les plus importants auxquels la Défense nationale et les Forces canadiennes soient confrontées. J'aborde cette question dans l'avant-propos du document d'orientation et j'ai souligné que nous devons mettre au point une politique qui soit réaliste et économique. Je tiens à le répéter aujourd'hui. En raison du caractère urgent des contraintes budgétaires, nous devons établir des priorités et nous concentrer sur les plans, les acquisitions de matériel militaire et les opérations qui sont les plus essentiels à nos besoins.

Le document d'orientation présente trois domaines où le comité et les Canadiens doivent réfléchir soigneusement aux priorités de défense pour tâcher de concevoir une politique de défense qui soit appropriée aux années 1990, mais, ce faisant, nous ne pouvons en oublier les conséquences sur le plan des coûts.

Dans ce contexte, je voudrais revenir sur une observation qui a été soulevée par l'opposition, par les autres partis et même par certains de mes propres collègues. On se demande s'il est bien logique d'entreprendre un examen de la politique de défense alors que nous sommes sur le point de sabrer massivement dans le budget de la défense. Voilà encore un sujet qui était abordé dans le livre rouge.

Au chapitre de la défense, nous avons décidé de supprimer le programme d'achat des hélicoptères EH-101. C'est une bonne décision, une décision judicieuse. Ces appareils étaient trop coûteux pour nos besoins et nous estimions que le gouvernement précédent faisait erreur; nous l'avons affirmé pendant la campagne électorale et nous avons respecté nos engagements à cet égard.

Il faudra bien un jour répondre au besoin de remplacement des Sea Kings pour exercer les activités de recherche et de sauvetage et autres opérations navales auxquelles le EH-101 était destiné, ou du moins certains d'entre eux. Les membres du comité pourront nous aider à cet égard quand ils examineront le rôle des Forces canadiennes et quand ils élaboreront leurs recommandations quant au genre de potentiel dont nous avons besoin pour les opérations de recherche et de sauvetage de même que pour la surveillance maritime, et quant à la force navale en général à laquelle les EH-101 devaient être affectés.

Nous avions par ailleurs promis de réduire de 1,6 milliard de dollars le budget de la défense. Cette promesse figure au livre rouge. Ce n'est pas un secret budgétaire. Cela a été annoncé


1466

officiellement. Le ministre des Finances en tiendra évidemment compte quand il présentera ses projections financières.

(1035)

C'est une promesse que nous tiendrons. Je l'ai dit dans des discours et à la Chambre.

Pour assainir de toute urgence notre situation budgétaire, car les économies doivent commencer à se concrétiser le 1er avril, deux possibilités s'offraient à nous au début de l'exercice financier 1994-1995. Nous aurions pu décider de réduire les activités. Comme je l'ai dit, non pas en plaisantant, mais en toute franchise, nous aurions pu décider de ne faire voler nos F-18 que tous les sept jours.

Nous aurions pu décider de ne faire faire que des excursions sur les Grands Bancs aux nouvelles frégates qui font l'admiration des spécialistes navals du monde entier au lieu de les laisser aller plus loin et, si l'on veut pousser davantage la plaisanterie, d'avoir des armes sans balles ou des véhicules blindés de transport des troupes qui ne fonctionnent pas.

Nous ne pouvons nous permettre cela sans mettre en jeu la défense de notre pays et nos intérêts primordiaux. Nous devons agir le plus efficacement possible. Nous avons décidé de prendre les décisions difficiles que les gouvernements précédents ont esquivées, faisant ainsi preuve d'une irresponsabilité flagrante.

Le pourcentage des dépenses de l'État que représente le budget des Forces canadiennes est passé d'environ 24 p. 100 en 1963-1964, à environ 8 p. 100 aujourd'hui et il baissera encore, le nombre de militaires en uniforme étant passé de 130 000 à environ 77 000 ou 78 000. Il baissera encore en raison des compressions déjà annoncées par le gouvernement précédent. Ces compressions sont appliquées dans l'ensemble du système.

Nous devons prendre des décisions. De toute évidence, le gouvernement aimerait que le comité lui dise jusqu'où il peut aller au chapitre des compressions tout en ayant une défense crédible. Si l'on va trop loin, que pourra-t-on faire et que devra-t-on renoncer à faire?

Pendant 30 ans, nous avons sacrifié du personnel en uniforme sans faire de compressions équivalentes au niveau del'infrastructure et de la capacité. Nous avons une capacité et une infrastructure administratives et physiques qui sont démesurées par rapport à nos forces armées actuelles plus modestes.

Comme le savent tous les gens d'affaires, quiconque voit sa part de marché chuter radicalement doit réduire ses frais généraux pour rester en affaires. Contrairement à ce qu'ont essayé de faire certains députés, nous n'essaierons pas de diriger le gouvernement comme s'il s'agissait d'une entreprise privée, car ce n'est pas une entreprise comme les autres. C'est une institution unique qui doit concilier de nombreux intérêts opposés.

Dans l'intérêt des Canadiens, nous devons toutefois essayer de fonctionner le plus efficacement possible. Les compressions que nous annoncerons au chapitre de la défense tiendront compte du déséquilibre toucha
nt l'infrastructure et des frais généraux et administratifs exagérés qui ne cadrent pas vraiment avec le rôle que jouent les forces armées de nos jours.

Nos décisions seront très controversées. Elles auront des répercussions sur toutes les régions du Canada. Je ne saurais trop insister sur la gravité des décisions que nous avons à prendre. Si nous n'agissons pas rapidement, soit dans les semaines qui viennent, nous allons devoir comprimer notre budget de fonctionnement, ce qui paralyserait complètement nos activités. Il se peut aussi que cela nous force à annuler certaines activités à l'étranger, sous réserve de la décision de la Chambre d'envoyer des troupes dans l'ancienne Yougoslavie, de la décision du gouvernement et des avis exprimés à la Chambre.

Je ne pense pas que c'est ce que veulent les Canadiens. Nous devons remplir nos engagements, là ou ailleurs. Nous devons garantir le maintien des services qu'assurent les Forces canadiennes.

Ce serait très difficile. Ce serait très controversé. Je demande donc aux députés, non seulement de l'opposition, mais de mon propre parti, de comprendre la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons.

En procédant de la sorte, nous traiterons les personnes touchées avec beaucoup de délicatesse en allant au-delà de ce que prévoient les conventions collectives. Nous ferons tout ce qui est possible de faire pour atténuer le choc des changements sur le plan humain. Quant aux collectivités touchées, ce sera très difficile. Certaines pourront absorber les pertes d'emplois et le déclin de l'activité économique, mais pas d'autres. Nous ne voulons pas provoquer la dissolution de collectivités entières.

(1040)

Même si les moyens financiers du gouvernement sont gravement réduits, nous travaillerons avec les provinces, les collectivités, les députés et les entreprises en cause pour garantir que les installations des bases qui seront fermées servent à d'autres fins. Qu'il s'agisse d'entreprises commerciales, de projets communautaires ou de travaux publics, nous veillerons le plus possible à ce que l'activité économique ne soit pas annihilée, mais maintenue dans une certaine mesure.

Cela dit, il n'y aura pas d'autres Summerside. Nous ne pouvons pas nous le permettre. L'ex-gouvernement-je ne veux pas manquer de respect à mes collègues de l'Île-du-Prince-Édouard, il y en a un ou deux à la Chambre aujourd'hui-a fermé la base, ce qui a provoqué un tollé. C'est compréhensible. La compensation que la population de l'île a reçue était généreuse comparativement à ce que nous pouvons faire aujourd'hui. Nous ne disposons tout simplement pas des centaines de millions de dollars pour renflouer l'économie.


1467

Je veux profiter de l'occasion pour dire aux députés pourquoi nous procédons de cette façon. Nous devons le faire maintenant pour préserver la capacité de combat de nos forces, mais sans toutefois préjuger de l'issue de l'examen des activités de la défense.

Si nous mettons l'équipement en réserve, si nous réduisons les opérations, il y aura toujours des pertes d'emplois. Par ailleurs, lorsque l'examen de la politique de défense sera terminé, que les membres du comité auront beaucoup travaillé et qu'ils préconiseront une orientation, nous devrons dire que nous ne pouvons pas l'accepter parce que nous nous sommes débarrassés de cet équipement, que nous avons éliminé cette unité des forces armées et que, pour la rétablir, il faudrait des centaines de millions de dollars.

Je pense qu'en agissant comme nous le faisons, le comité mixte et les autres parties à cet examen pourront en arriver à une politique satisfaisante, de sorte que, à la fin de l'année, nous ayons une capacité de combat qui nous permettra de remplir le mandat confié par le comité.

Je demande donc aux députés de faire preuve de coopération lorsque nous annoncerons nos compressions budgétaires. Mes collègues et moi serons là pour expliquer aux régions ce que nous sommes en train de faire et pour essayer d'atténuer l'impact. Nous ferons tout notre possible pour aider les collectivités. Or, le temps est venu de s'attaquer à ces questions très difficiles. Nous devons le faire maintenant. Nous ne pouvons attendre plus longtemps.

Je prends un peu plus de temps que prévu et je m'en excuse auprès des porte-parole de l'autre côté. J'en ai probablement dit plus à la Chambre que je n'en ai dit aux membres du Cabinet. Ils sont réunis en haut, et il faut que j'aille y défendre mon dossier. Il est quelque peu inhabituel que la Chambre assiste à un discours plus long sur la défense que celui adressé aux membres du Cabinet. Ils sont maintenant réunis, et je dois m'excuser auprès des députés d'en face de ne pouvoir être présent pour entendre ce qu'ils ont à dire à ce sujet. Mon secrétaire parlementaire est là et, comme vous le savez, c'est un ancien de la marine canadienne. Il prendra des notes et me rendra compte de tout ce qui aura été dit à la Chambre aujourd'hui.

Pour terminer, le gouvernement veut tout savoir au sujet de la politique de défense, de nos relations multilatérales, de l'OTAN, du NORAD-l'Accord du NORAD qui doit être renégocié, je crois bien, en 1996. Nous voulons que le comité soit absolument libre d'examiner les questions qu'il veut. Nous voulons être raisonnables, et j'espère, bien entendu, que les députés le seront également. Nous nous réunirons avec le comité des affaires étrangères. Je vois que mon collègue de Toronto, le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, est en train de suivre le débat. Il va, de toute évidence, y avoir des chevauchements, mais nous tiendrons des réunions mixtes pour veiller à ce qu'il n'y ait pas duplication des travaux.

Je fais confiance aux députés des trois partis qui sont membres du comité de la Chambre des communes. Ils connaissent bien la question. Ils sont déjà intervenus dans le débat sur les essais des missiles de croisière, sur la Bosnie et sur notre rôle de maintien de la paix. Ce sont des personnes bien informées et sincères, qui veulent une politique canadienne de défense satisfaisante pour tous et dont nous pourrons être fiers. Ils ne cherchent pas la bisbille.

Les Forces canadiennes ont une excellente réputation. Et cela fait des décennies. Cela remonte à notre participation aux guerres mondiales, à la guerre de Corée et à toutes nos opérations de maintien de la paix. Nous venons tout juste d'envoyer une mission d'enquête dirigée par des représentants du ministère des Affaires étrangères. Des militaires haut gradés évaluent actuellement la situation en Bosnie, parce que nous devons décider très rapidement si nous envoyons ou non d'autres soldats dans cette région. Les commentaires au sujet du comportement des soldats canadiens sont extrêmement positifs.

(1045)

Je n'aime pas reprendre les propos d'un des belligérants, mais un général serbe, parlant de nos troupes en poste à Srebrenica, a dit ceci: «Nous voulons que les Canadiens restent. Nous leur faisons confiance. Nous les aimons bien». C'est peut-être le seul point sur lequel s'entendent les trois factions en Bosnie, c'est-à-dire que les soldats canadiens sont probablement les meilleurs soldats qui relèvent du commandement des Nations Unies.

Nous avons une institution dont nous pouvons être fiers et des soldats fantastiques. Dans un sens, il est honteux que nous n'ayons pas su mieux reconnaître les efforts accomplis par nos forces armées depuis tant d'années. Le dernier gouvernement a eu, à leur égard, un comportement des plus répréhensibles. Il a publié un Livre blanc sans tenir de consultations publiques. Il a fait des réductions ici et là, un peu partout, sans aucune raison ni logique, opérationnelle ou militaire. Cela a certainement nui au moral des forces armées.

Nous avons cependant des professionnels qui savent à quoi s'attendre, en ce qui concerne les réductions dans le secteur de la défense, mais qui font vraiment confiance au Parlement, au public canadien dont l'attitude est en train de changer, et au gouvernement qui essaie de se montrer juste et honnête avec eux afin de leur permettre de remplir leur mission dans l'intérêt de tous les Canadiens.

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord féliciter l'honorable ministre de la Défense de son exposé. Toutefois, durant l'élaboration de mon exposé, j'exprimerai quelques divergences d'opinions avec l'honorable ministre.

Je ne sais trop s'il faut remercier le gouvernement d'avoir suscité la révision de la politique de la Défense nationale dans le cadre d'une motion visant à créer un comité mixte pour étudier le document provenant du ministère de la Défense intitulé Examen de la politique de défense du Canada.

Je n'ai pas l'intention de discuter longuement des raisons militant en faveur d'un tel comité mixte ou des arguments militant contre la formation d'un tel comité. Il me semble que le rôle du Comité permanent de la défense est justement de remplir en tous points les mandats que l'on veut confier à ce nouveau comité. Sans vouloir faire redondance, n'est-ce pas là un autre mode de duplication et de chevauchement qui ne pourrait qu'en-


1468

traîner une perte de temps dans la prise de décision que la population québécoise et canadienne réclame à grands cris?

De plus, ce nouveau comité aura les mêmes mandats consultatifs: mandat de convoquer des témoins, mandat d'engager des consultants, mandat de faire imprimer des documents. Il aura aussi le pouvoir, comme le disait M. le ministre, de se déplacer à travers le Canada pour recueillir des informations nécessaires permettant de prendre des décisions éclairées.

Tout, dans la structure et le fonctionnement de ce comité, n'est qu'une duplication du Comité permanent de la défense qui entraînera des coûts additionnels qui, sans être exorbitants, seront mal vus et incompris par la population québécoise et canadienne.

On ne cesse de répéter qu'il faut réduire les dépenses du gouvernement, rendre plus efficace l'appareil administratif et, ce que tout contribuable demande, simplifier pour rendre productifs et économiques les intervenants parlementaires. Et voilà que l'on ajoute à la lourdeur de l'appareil gouvernemental, et ça, j'ai beaucoup de difficultés à l'admettre. Chacun de nous, collègues parlementaires, devrait, dans la mesure de ses connaissances et de son travail, tenter de diminuer toute dépense inutile, si petite soit-elle, pour prouver à ceux qui nous ont élus que la situation financière est très critique et que chacun de nos gestes doit justifier l'engagement que tous les partis ont pris envers leurs commettants.

L'idée d'un tel comité mixte, après une analyse plus approfondie, me fait rejeter l'idée d'une telle duplication d'énergie humaine, de temps et aussi d'argent. M. le ministre de la Défense nous a dit précédemment que les députés avaient beaucoup d'occupations et il souhaite ajouter à leurs occupations en ajoutant un comité additionnel qui aura les mêmes mandats qu'un comité déjà formé.

(1050)

Je me répète pour dire que c'est le mandat du Comité permanent de la défense de se saisir du document de l'honorable ministre, de l'analyser et de faire les recommandations les plus éclairées. Le Comité permanent peut inviter tout spécialiste, qu'il soit militaire ou spécialiste en politique étrangère, pour poser les questions pertinentes afin d'élaborer une politique de défense dont il fera rapport au gouvernement. À nouveau, les membres du Comité permanent qui font partie du comité mixte, pourront avoir les mêmes spécialistes, poser les mêmes questions et, sans nul doute, avoir les mêmes réponses. Si c'est cela l'efficacité dans la prise de décisions, alors je comprends très bien pourquoi le Canada est si endetté.

Par contre, je vois un avantage certain à la présentation de cette motion, c'est qu'elle permettra aux parlementaires de cette Chambre de devoir discuter de la motion présentée et d'argumenter sur la politique de défense du Canada, qui est souvent pointée du doigt par la population, les médias, les élus et le vérificateur général.

Je pense que chacun d'entre nous souhaitons un débat d'idées, mais aussi une critique exhaustive de la réalité de la défense nationale. Nous devons toucher à tous les aspects de ce dossier. Les aspects impliquant nos engagements avec l'OTAN, les Nations Unies et les États-Unis sont des facteurs prépondérants dans la révision de notre politique. En effet, nous savons que ces dernières années ont amené des changements majeurs dans l'échiquier mondial, que tous les pays membres de l'OTAN ont révisé, puis modifié leur politique de défense, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont enclenché de nouvelles approches. Le Canada a suivi le même processus partiel, en dévoilant, en 1992, un nouvel énoncé de sa politique de défense.

Cette nouvelle tendance s'est traduite par trois axes dans le réajustement des politiques de la défense. Tous les pays, dans un premier temps, ont diminué les budgets consacrés à la défense, entraînant comme conséquence une diminution de l'industrie militaire tant dans ses marchés que dans sa production. Cet état de fait a durement touché les pays producteurs d'armes, dont le Canada, qui a perdu des milliers d'emplois. Bien entendu, le Québec a écopé lourdement, car une bonne partie de l'industrie militaire canadienne était centrée dans la région de Montréal.

Le second axe est plutôt de matière stratégique en évaluant les sources de menace extérieure suite à la diminution des conflits bipolaires Est-Ouest. Cette évidence de tension étant quasiment disparue, la menace de conflit régional, voire local, a pris une ampleur évidente que les nouvelles politiques de défense ne peuvent ignorer. Le Canada a emboîté le pas en partageant cette vision avec ses alliés.

Comme troisième axe, c'est la transformation progressive des institutions internationales, tels l'ONU et l'OTAN, dont les missions politiques et stratégiques sont en pleine révision.

Dans le champ de nos relations extérieures avec les pays étrangers, il faudra se souvenir que le rôle des Casques bleus a été longuement discuté sur la situation en Bosnie et sur les missions de paix canadiennes, et l'honorable ministre de la Défense en a parlé abondamment dans son discours ce matin. C'est pourquoi je ne m'attarderai pas longuement sur cette question.

D'autres aspects concernant la révision de la politique de défense nationale sont tout aussi importants, mais beaucoup plus près de nous et de nos commettants, c'est-à-dire l'aspect national et l'aspect financier.

L'aspect national se situe au niveau d'interventions intérieures. Quel rôle voulons-nous confier à nos militaires à l'intérieur du territoire? Devront-ils participer davantage à la sécurité intérieure? Devront-ils protéger tout notre littoral contre d'éventuels envahisseurs? Devront-ils participer plus activement à la lutte antidrogue? Devront-ils collaborer au contrôle des pêches dans les eaux territoriales? Devront-ils participer davantage au sauvetage en mer et en montagne? Devront-ils aider la population lors de tout sinistre?

Lorsque nous aurons clarifié le rôle et le mandat à confier à la Défense nationale, alors seulement nous serons en mesure de déterminer les effectifs et les équipements requis pour bien réaliser le mandat confié.

Cependant, il m'apparaît prématuré d'évaluer et d'analyser ce que seraient les changements de la politique de défense tant que le ministre des Affaires étrangères, en collaboration avec le ministre de la Défense, n'aura scruté attentivement nos engagements dans NORAD, nos engagements avec l'OTAN, ainsi que


1469

notre participation dans les missions de paix avec l'ONU. D'ailleurs, le ministre a parlé précédemment qu'il va y avoir des rencontres entre le ministère des Affaires extérieures ainsi que le ministère de la Défense nationale. Donc, tant que les conclusions ne seront pas parvenues à la Chambre, il est difficile de prévoir quelle direction va prendre la politique de défense du Canada.

(1055)

Alors seulement on pourra déterminer quels seront les effectifs nécessaires et cela devrait se faire avec la collaboration des autorités militaires pour cerner les besoins futurs. Je pense que dans un tel contexte, nous ne pouvons nous pencher sur de grandes orientations mais plutôt en ce moment scruter les points administratifs et tenter d'en extraire les réelles implications.

Comme canevas de départ, le Bloc québécois suggère d'évaluer les programmes de coupures déjà enclenchés, soit la diminution des effectifs, la diminution des officiers et la fermeture de certaines bases; comprendre les raisons de tout équipement militaire, soit l'achat et l'entretien, en déterminer la pertinence avec l'aide des militaires, et faire les choix nécessaires; éviter que les milliards dépensés pour l'achat d'équipement le soient dans le seul but de développement régional à des coûts souvent plus grands que si on y allait par compétence et expertise. En dernier lieu, forcer le ministre à repenser sa politique d'achats militaires au complet, tel que signalé à maintes reprises par le vérificateur général.

Ici, monsieur le Président, je ne peux m'empêcher de citer quelques exemples de cette politique d'achat qui a coûté si cher aux payeurs de taxes et qui, si elle n'est pas modifiée, coûtera encore très cher.

En effet, le dernier contrat de la modernisation des destroyers fut accordé à la compagnie Litton Systems, de Toronto, qui n'avait aucune expertise navale. Le contrat de deux milliards accordé à la compagnie Litton Systems a coûté inutilement de l'argent, car cette compagnie n'a pu respecter ses engagements vu son manque d'expertise navale.

Pourquoi logiquement ne pas avoir accordé la modernisation de ces destroyers à la firme MIL Davie, de Lauzon, qui les avait construits et qui en connaissait parfaitement les composantes et qui avait l'expertise nécessaire pour respecter les engagements?

Un autre exemple est le contrat de 250 millions de dollars pour la construction de véhicules sur chenilles à une compagnie de Colombie-Britannique qui s'est tournée vers un modèle de fabrication suédoise alors que Bombardier fabrique de tels modèles de véhicules à chenilles depuis des décennies. Si par exemple ces contrats avaient été accordés à des firmes d'expérience dans chacun de leurs domaines, il y aurait eu des économies et c'est vers cela que tout gouvernement doit tendre.

Dans le rapport du vérificateur général de 1992, il est fait mention de problèmes de fonctionnement extrêmement importants, notamment au niveau des politiques reliées à la gestion de programmes d'acquisition d'armement ou d'équipement militaire. Les nombreuses difficultés qui sévissent dans ce domaine sont responsables de fouillis gigantesques, ralentissant le traitement du dossier et monopolisant des ressources en personnel très considérables. Plusieurs recommandations font état de ces problèmes reliés au personnel et surtout au système de gestion des programmes du ministère de la Défense.

Dans sa recommandation 17.25, le vérificateur général dénonce carrément le système de gestion des programmes en expliquant que ce système, en plus d'être inefficace, représente une charge de travail gigantesque. Le vérificateur s'explique ainsi et je le cite: «Premièrement, ce processus encombrant représente une importante charge de travail additionnelle pour le personnel. Notre analyse de tous les projets de plus de 10 millions de dollars cités dans le programme des services de la défense au mois de février 1991 révèle qu'il faut en moyenne 1 109 jours entre le moment où le projet est mentionné pour la première fois dans la base de données du ministère et celui ou l'énoncé de l'insuffisance est approuvé. Il faut en moyenne 1 107 jours pour approuver la Proposition de planification du programme, 1 608 jours pour la Proposition de développement du programme et 1 332 jours pour la Proposition de changement au programme, et enfin 394 jours avant que le Conseil du Trésor donne son approbation finale. Les délais majeurs entre les divers stades du système de gestion du programme de la Défense et le nombre de fois où l'on modifie et l'on fait circuler à nouveau les documents donnent une bonne idée des ressources nécessaires en personnel.»

Avec autant d'embûches, d'obstacles et d'engorgements, le vérificateur général estime qu'une infime partie des programmes passe bel et bien par toutes les étapes de ce processus incroyable et inefficace.

(1100)

Il signale, entre autres, que toutes modifications au Programme d'acquisition de matériel de défense, et elles sont nombreuses-pensons entre autres aux contrats des frégates et aux différends entre le ministère de la Défense, la St. John's Shipbuilding du Nouveau-Brunswick et la MIL Davie de Lauzon-alourdissent encore davantage ces procédures déjà beaucoup trop longues et pénibles qui coûtent si cher aux contribuables.

Les coûts d'un pareil système de gestion ne peuvent être isolés puis analysés exclusivement. Il demeure néanmoins que des ressources considérables sont mises à contribution et que ces ressources, loin de faciliter la tâche du gouvernement, la compliquent davantage, à ce point que désormais, le gouvernement lui-même se soustrait à ce processus complexe et accorde directement aux entreprises de lucratifs contrats, comme ce fut le cas avec les hélicoptères de transport tactique donnés à Bell Hélicoptère de Mirabel et le véhicule tout-terrain de transport léger donné à Western Star.

Je pense que si le vérificateur général signale des lacunes aussi graves, comment se fait-il que le Parti libéral ne parle aucunement de s'y attaquer? Aucune entreprise ne pourrait survivre et serait vouée à la faillite avec un tel système.

Un autre exemple de laxisme administratif ou de processus bizarrement coûteux est le nombre anormalement élevé de hauts gradés dans l'armée canadienne. Comment comprendre que notre armée ne comprenne que 9 370 simples soldats, alors que


1470

nous retrouvons 32 999 caporaux et 7 631 capitaines. Il existe dans notre armée presque autant de capitaines que de simples soldats. Sur un total de 77 975 militaires, l'armée canadienne ne compte que 9 370 soldats, ce qui en fait l'armée la plus gradée au monde, toute proportion gardée, et aussi nécessairement la plus dispendieuse.

Ne serions-nous pas en droit de nous questionner sur la pertinence de tant de grades qui sont coûteux? Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux avoir moins d'officers et, avec l'économie ainsi générée, permettre peut-être de mieux équiper nos soldats? Une telle proportion dans les dépenses impose indiscutablement des corrections dans ses pertes budgétaires.

Après avoir exposé cette problématique du personnel, je veux parler de la problématique des infrastructures, soit la fermeture des bases militaires. Ce n'est pas la première fois dans l'histoire canadienne que le gouvernement doit fermer des bases militaires. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs bases furent fermées. Ce fut également le cas vers les années 1960 et vers les années 1970 et aussi vers les années 1988-1989, dernièrement donc, alors que le gouvernement conservateur fermait plus de 13 bases et stations à travers le pays.

Malgré tout ce remue-ménage, les infrastructures de la défense sont encore beaucoup trop grosses, compte tenu du volume de ses troupes. Alors que le personnel militaire des Forces armées canadiennes atteint à peine 78 000 militaires, les infrastructures de l'armée à travers le Canada sont suffisantes pour acceuillir environ 140 000 soldats. Il va de soi que de nouvelles coupures s'imposent, d'autant plus que plusieurs bases militaires sont désuètes et qu'elles coûtent de plus en plus cher à entretenir. Enfin, leurs fonctions stratégiques ne sont plus les mêmes que lorsqu'elles furent construites de sorte que tous ces éléments obligent le gouvernement à faire un choix et à imposer une nouvelle vague de fermetures.

Dans les derniers jours de son rôle d'opposition officielle, le Parti libéral, et au cours de la dernière campagne électorale, a pris position à l'égard de telles fermetures. Il a proposé en retour des garanties formelles et concrètes à l'endroit des localités et des communautés qui seraient touchées par de telles mesures. D'ailleurs, précédemment, le ministre de la Défense a glissé quelques mots en ce qui concerne le processus à suivre pour les fermetures préconisées.

Des promesses de reconversion des bases militaires désaffectées en centres d'entraînement pour les Casques bleus ont été concoctées dans le livre rouge. La plan libéral de reconversion de la Défense dévoile à cet effet une stratégie de reconversion exclusivement orientée en prolongement de la politique extérieure du Canada qui voit dans les Casques bleus une base politique sur laquelle le Parti libéral mettra beaucoup d'efforts.

Le plan de reconversion des bases désaffectées en centres d'entraînement des Casques bleus est un élément qui semble important dans la politique extérieure du Parti libéral et le communiqué de presse du 26 mars 1993 était très explicite à cet égard. Il ne faut donc pas minimiser cette orientation politique et s'attendre à des initiatives du présent gouvernement en ce sens.

Il importe, à ce stade du débat, de dénoncer le recours à un débat spécial sur la politique nationale de défense alors que le gouvernement lui-même n'a pas encore dévoilé son nouveau livre blanc sur la défense.

(1105)

Cette position tient autant pour la question des coupures dans les bases militaires que pour la question des armes d'entraînement des Casques bleus.

Or, l'initiative des centres d'entraînement des Casques bleus, nous ne pouvons, nous, le Bloc québécois, l'approuver, et ce, pour plusieurs raisons.

Premièrement, il est utopique de croire que les pays du monde entier ou membres de l'OTAN viendront s'entraîner dans des centres de ce type. Qui va payer les frais de déplacement des troupes et le transport des équipements des troupes internationales qui viendront s'entraîner ici? L'ONU n'a pas les ressources nécessaires pour défrayer de tels coûts. De plus, les délais de ce genre de mission internationale sont toujours extrêmement serrés. Comment concilier ces délais avec un séjour dans des centres d'entraînement canadiens qui occasionneront des délais encore plus longs?

Deuxièmement, comme M. le ministre le mentionnait tout à l'heure, il est prouvé que les Casques bleus canadiens sont parmi les mieux entraînés au monde. Donc, pourquoi créer un centre d'entraînement, alors que nos troupes jouissent déjà de conditions exceptionnelles d'entraînement sur leurs bases déjà existantes? Pourquoi faudrait-il débourser de nouvelles sommes d'argent pour délocaliser nos troupes qui s'entraînent déjà sur place, et à bien meilleurs frais, en vue de missions internationales?

Troisièmement, il est malhonnête et hypocrite de faire croire à la population que la création d'un centre d'entraînement n'entraîne pas de coûts supplémentaires au gouvernement canadien. Comment peut-on faire croire que, d'un côté, on coupe dans les dépenses du ministère de la Défense nationale, et de l'autre côté, on garde les bases militaires désaffectées ouvertes pour des entraînements de militaires Casques bleus. Un tel discours est contradictoire et mérite d'être contesté par le Bloc québécois.

Quatrièmement, les bases militaires du Québec, Valcartier en particulier, jouent un rôle très important dans la préparation des troupes canadiennes à ces missions de paix internationales. Encourager la création de centres d'entraînement pour les Casques bleus-à Cornwallis, par exemple-signifie explicitement la fin de ce type d'activité en territoire québécois et la perte de ressources économiques considérables. Il faut à tout prix que nous nous opposions à de telles mesures, car c'est la base même de l'activité du ministère de la Défense sur le territoire québécois qui risque d'en être affectée.

La véritable solution pour compenser les communautés qui seront affectées par les coupures des dépenses militaires demeure la mise sur pied de comités de reconversion militaire. La réussite de ces projets de reconversion repose exclusivement sur la prise en main, par les gens du milieu, des moyens économiques offerts par l'État pour compenser les pertes encourues par l'arrêt des activités militaires et stimuler la diversification économique de la région affectée par ces changements.


1471

Nous vous proposons de prioriser les intervenants locaux et régionaux dans le processus de reconversion des bases militaires. Ces intervenants du milieu sont ceux qui sont les plus susceptibles de savoir comment optimiser les ressources et comment statuer sur les projets de diversification économique; et d'élaborer un plan de réaffectation économique des bâtiments et des installations qui seront fermés par le ministère de la Défense nationale pour ensuite réintégrer les infrastructures existantes aux projets de renouvellement économique mis en place par les intervenants locaux.

Il faut que les aspects de gestion, de préparation et de planification des programmes soient cédés aux intervenants du milieu, pour éviter que le gouvernement fédéral centralise trop, encore une fois. De toute façon, il y a plus de chances que les projets retenus par les gens du milieu soient plus valables que ceux qui pourraient émaner du gouvernement fédéral. D'ailleurs, une approche centralisée risquerait de provoquer des coûts excessifs et favoriserait à nouveau la bureaucratisation de l'intervention gouvernementale. Le cadre d'intervention du gouvernement fédéral ne doit donc pas nuire aux initiatives locales et communautaires.

En conclusion, le Bloc québécois réitère son engagement à l'endroit des coupures qu'il faut faire dans le budget du ministère de la Défense. Dans mon exposé, j'ai signalé plusieurs dépenses douteuses au système de gestion coûteux et exigeant, et il n'est pas farfelu de croire, comme le pense le vérificateur général, que de sévères modifications s'imposent dans ce secteur.

Finalement, en ce qui concerne la fermeture des bases militaires, la liste des critères de fermeture déjà établis depuis de nombreuses années doit se faire d'une façon rationnelle et indéfectible. Lorsque l'on regarde sur le plan de l'infrastructure, il est important de se rappeler que le Québec ne recueille que 13 p. 100 des valeurs d'immobilisation du ministère de la Défense. Il serait donc mal venu de croire que les bases au Québec puissent encore être diminuées, car ce ne serait qu'aggraver l'injustice existante envers le Québec dans ce domaine. De plus, les bases de Bagotville, Valcartier, Saint-Jean et Montréal sont opérationnelles et indispensables dans le fonctionnement militaire, car elles représentent l'entité minimale requise au Québec.

(1110)

Pour terminer, je veux signaler à nouveau mon désaccord envers la motion de formation d'un comité mixte, et exhorte plutôt le gouvernement et le ministère de la Défense à simplifier, plutôt que compliquer, le processus d'étude et d'examen de la politique de défense.

Je souhaite que le ministre ait le courage politique nécessaire afin de rationaliser la gestion de ce ministère avec honnêteté intellectuelle et collaboration éclairée de tous les intervenants.

Je salue, en terminant, l'engagement qu'a pris l'honorable ministre dans son discours pour réaliser la rationalisation tant souhaitée par tous.

[Traduction]

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe): Monsieur le Président, je félicite le ministre de la Défense nationale à propos de son exposé de ce matin. Même si je ne partage pas certains éléments qu'il a fait valoir dans son discours, je tiens également à féliciter mon collègue du Bloc québécois.

Je signale que le Parti réformiste est tout à fait favorable à l'idée d'un examen de notre politique de défense. Voilà un exercice absolument nécessaire que le Canada n'a déjà que trop tardé à entreprendre.

Mon parti souscrit également à la création d'un comité mixte, donc composé de représentants de la Chambre des communes et du Sénat. Si j'ai bien compris, ce dossier serait confié en fait à deux comités, qui pourraient fusionner en un seul.

Le savoir-faire dont a fait preuve le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères dans son rapport de 1993 sur la participation canadienne aux opérations de maintien de la paix illustre bien le précieux concours que l'on peut espérer du Sénat. Il est de raison que plusieurs avis valent mieux qu'un, surtout s'il s'agit d'avis provenant de personnes bien informées. On obtiendra ainsi toute une gamme de points de vue.

Pour l'heure, le comité comprend plus de représentants de l'Est que de l'Ouest. J'ose espérer que le Sénat y nommera plus de gens de l'Ouest afin que le comité ait une représentation vraiment nationale.

Mon parti souhaite vivement la production de documents qui puissent faire l'objet d'échanges avec d'autres comités parlementaires. Nous pensons qu'il est important que le comité des affaires étrangères soit invité à participer à cet exercice. Il y a manifestement son mot à dire. Nous pensons également qu'il faille solliciter la collaboration du comité de l'industrie, afin de voir comment nous pouvons aider l'industrie de la défense à prendre le prochain tournant et à se reconvertir dans le meilleur intérêt du Canada.

Comme le ministre l'a dit, avec la fin de la guerre froide, un vif soulagement a envahi notre pays et le monde tout entier: l'énorme menace qui pesait sur nous depuis toutes ces années a disparu. Dans une large mesure, c'était vrai. Le Pacte de Varsovie avait vécu et il n'y avait plus cette menace de consolidation ou de mainmise sur l'Occident.

Cependant, des événements récents ont montré qu'il subsistait d'autres dangers. Nous sommes maintenant confrontés à un monde plus volatil. Le nationalisme refait surface dans bien des régions du globe, dont l'ancienne Union soviétique. C'est ainsi que des conflits locaux ou élargis peuvent éclater dans cette région.

Nous connaissons les terribles conséquences des conflits ethniques et religieux comme ceux qui secouent à l'heure actuelle l'ancienne Yougoslavie. Il serait donc faux d'affirmer que le monde est un endroit plus sûr maintenant. En fait, je pense qu'il est probablement plus dangereux à la suite de la disparition du pacte de Varsovie qui contrôlait la situation avec une main de fer.

On doit également se préoccuper de la menace terroriste croissante. Des armes modernes sophistiquées peuvent tomber entre les mains de pratiquement n'importe qui dans le monde entier,


1472

car certains des pays qui en possèdent manquent quelque peu de devises étrangères et risquent d'être tentés par des offres d'achat. En tant que pays indépendant, nous devons être conscients de cette situation et prêts à faire face à une menace terroriste.

(1115)

Il faut se demander, je crois, si nous entrons dans une ère d'instabilité permanente ou si cette période de troubles et de conflits n'est que passagère. La réponse n'est pas facile à trouver bien entendu et nous allons devoir attendre la suite des événements pour voir ce qui va se passer. Je crains que ces conflits ne se prolongent plus longtemps que nous ne le souhaiterions.

Depuis toujours, les priorités du Canada en matière de défense sont d'abord et avant tout le respect de notre souveraineté; puis, la conclusion d'alliances mutuelles; l'aide au pouvoir civil; le maintien de la paix; et enfin, les opérations de recherche et de sauvetage. Dans le cadre de cet examen de notre politique en la matière, rien ne devrait être sacré; nous devrions examiner tous nos objectifs pour décider si nous souhaitons les poursuivre ou modifier nos priorités et pour déterminer si nous avons les moyens de faire ce que nous disons vouloir réaliser.

Ainsi, les opérations de recherche et de sauvetage sont pratiquement tenues pour acquises. Les gens considèrent que les forces de défense doivent être là pour aider les gens en mer, pour retrouver ceux qui se perdent et pour prêter assistance aux survivants d'écrasements aériens et le reste. Cependant, la question qui se pose est celle-ci: l'armée est-elle la mieux placée pour le faire ou est-il possible qu'un organisme civil engagé à contrat puisse s'en charger à moindres frais? Je pense qu'on doit réfléchir à la question.

Il faut tenir compte des besoins nationaux du pays, de notre capacité de faire respecter notre espace aérien, de repérer les gens qui y pénètrent et de surveiller leurs déplacements; ainsi que de contrôler nos frontières. Il s'agit de protéger le pays contre la contrebande, la pollution délibérée, l'immigration illégale, le trafic de stupéfiants et la surpêche. Là encore, on doit se demander quelle part de ces responsabilités les forces armées doivent assumer et dans quelle mesure il serait possible d'en confier certaines à d'autres organismes entièrement ou en partie.

Nous devons également tenir compte des besoins et souhaits du Canada sur la scène internationale, notamment en ce qui a trait aux alliances. Le Canada est membre de l'OTAN depuis 1949. Cette organisation s'est révélée être une entreprise très utile puisqu'on lui doit, à mon avis, l'écroulement du Pacte de Varsovie. L'OTAN a mis un frein à l'empiétement de l'Est sur le territoire de l'Ouest. Même si l'OTAN peut être considérée comme une entreprise de grande envergure relativement inefficace et très coûteuse, elle aura néanmoins atteint son objectif et je crois qu'on doit lui en reconnaître le mérite.

Le NORAD fait presque figure, aux yeux de certains, d'organisme qui a fait son temps. Pour ma part, j'estime que toute évaluation de cet organisme doit être teintée d'une grande prudence car le NORAD joue aussi un rôle accessoire de protection de l'espace aérien, que nous ne saurions négliger qu'à nos risques et périls.

En raison de la prolifération actuelle d'armements sophistiqués dans le monde, il est très probable que certains pays finiront par posséder des missiles stratégiques contre notre voeu. Le NORAD n'a pas été conçu pour servir de bouclier contre ces armes, mais il pourrait certainement déceler leur lancement et déterminer leurs cibles probables. C'est un peu ce qu'on a fait lors de la guerre du golfe Persique, quand les renseignements concernant les points de lancement et de frappe des missiles Scud ont été transmis à nos navires dans le Golfe.

Au-delà de ces deux alliances de défense mutuelle, nous devons tenir compte du rôle croissant du Canada dans le bassin du Pacifique. Le Canada se verra-t-il dans l'obligation d'adhérer à une quelconque alliance de défense avec des pays de cette région?

Le Canada participe depuis leurs débuts aux activités de maintien de la paix des Nations Unies. Une majorité de Canadiens se prononcerait probablement en faveur de la poursuite de notre participation. Nous devrons cependant examiner très sérieusement les activités dans lesquelles nous voulons nous engager et combien nous sommes prêts à dépenser pour le faire. Car il faut non seulement déployer le personnel mais aussi assurer sa formation et son transport et répondre à ses besoins après son retour au pays.

Pour revenir à la guerre du Golfe et ailleurs où le Canada avait des engagements, nous avons actuellement des navires dans le golfe Persique, dans la mer Rouge, dans le golfe d'Aden, dans l'océan Indien et dans la mer Adriatique.

(1120)

Il faut bien prendre conscience qu'aujourd'hui, plus de 44 pays utilisent une flotte mondiale de plus de 700 sous-marins, et que 150 de ces appareils sont actuellement en construction.

Le sous-marin est devenu une arme de choix pour de nombreux pays, parce que son utilisation coûte relativement peu cher et que sa capacité de contrôler les circonstances environnantes est assez prodigieuse. Par exemple, au cours de la guerre des Malouines, un seul sous-marin britannique avait bloqué la flotte argentine au complet, l'empêchant de prendre part au combat.

Par conséquent, nous devons y penser très sérieusement. Quand nous déploierons nos forces navales, agirons-nous en tant que nation capable d'assurer sa propre protection ou le ferons-nous plutôt aux côtés d'une force qui s'ajoutera à notre protection? C'est la décision que nous devons prendre.

Nous participons actuellement à une mission d'aide humanitaire dans l'ancienne Yougoslavie. Cette mission suscite beaucoup de craintes chez les Canadiens, qui se demandent si ce type d'intervention est vraiment efficace et si les Canadiens devraient maintenir leur engagement à cet égard.

Nous devons aussi, bien sûr, tenir compte de la volonté des Canadiens d'intervenir pour des raisons idéologiques, par exem-


1473

ple lorsque les droits de la personne sont continuellement violés dans un pays et que la population croit que le Canada devrait agir. La mission en cours en Haïti nous vient à l'esprit, sur ce point.

Finalement, nous devons penser à la menace du terrorisme, que j'avais mentionnée tout à l'heure. Il est très probable qu'une grave menace terroriste se posera éventuellement. Le Canada n'en sera pas nécessairement la cible. Cette menace pourrait peser contre l'un de nos voisins ou de nos alliés, mais elle pourrait aussi être tournée contre nous, et nous devons être prêts à faire face à une telle éventualité.

Selon le document d'orientation en cause, nous devons, au cours de cette étude, nous demander si le Canada doit établir et maintenir, au moindre coût possible, une force totale prête au combat, composée de forces navales, terrestres et aériennes convenablement équipées, dotées d'éléments d'appui appropriés et pourvue de la formation voulue, afin d'être en mesure d'assurer la défense de sa population et le rayonnement de ses intérêts et de ses valeurs tant au pays qu'à l'étranger.

À mon avis, la réponse sera affirmative, même si nos anciennes priorités devront peut-être changer une fois que nous aurons étudié notre politique de défense. Nous devrions chercher à assurer aux Canadiens les forces armées qu'ils veulent et qu'ils sont disposés à se payer.

Ma perception du rôle que nous devons jouer dans cette étude diffère un peu de celle des Bloquistes, sur un point et peut-être davantage. Je ne sais pas. En ce qui me concerne, compte tenu de l'importance des forces armées et du budget de défense que les Canadiens veulent se donner, il faudrait au moins que les fonds alloués à la défense se limitent aux dépenses de la défense et ne couvrent pas les frais accessoires.

Les avantages sociaux qui sont depuis longtemps associés à la solde et aux listes de paye des militaires viennent après les besoins en matière de défense.

Enfin, l'étude de la politique de défense devrait avoir pour objet de satisfaire les besoins des Canadiens partout au pays, et non seulement d'une région. Je crains que nous cherchions à établir la liste des besoins en matière de défense pour toutes les Forces canadiennes, de l'île de Vancouver à Terre-Neuve et de la frontière américaine au pôle nord.

Nous devrions nous attacher à satisfaire nos besoins le mieux possible dans les limites de nos moyens financiers. Ce devrait être notre but ultime. J'espère que le livre blanc qui paraîtra dans les mois qui suivront la conclusion des travaux et la présentation du rapport final de l'étude tiendra fidèlement compte des constatations que nous aurons faites au cours de l'étude.

M. Ovid L. Jackson (Bruce-Grey): Monsieur le Président, j'interviens avec plaisir dans ce débat et j'apprécie la participation des gens d'en face.

L'intervention que vient de faire le député du Parti réformiste était excellente. Il a parlé avec mesure. Il a dit qu'en tant que nation, nous avions des exigences à respecter, notamment pour lutter contre l'insurrection ou la contrebande, pour défendre nos frontières ou pour effectuer des activités de recherche et de sauvetage, et que nous devions nous demander si toutes ces responsabilités devaient incomber au secteur militaire ou si elles ne devraient pas plutôt être confiées au secteur privé. Le Canada s'est taillé une place unique dans le monde en raison de son rôle dans les deux guerres mondiales et dans divers conflits. Outre cette réputation, notre taille, notre base économique et notre géographie ont placé le Canada dans une position particulière dont il faut tenir compte, car il est reconnu en tant que gardien de la paix. Certains se demandent s'il faut parler de maintenir la paix ou de la faire. Là n'est pas la question, puisque notre rôle principal consiste probablement à favoriser la résolution de conflits.

(1125)

Le député d'en face a fait valoir un excellent argument au sujet des sous-marins. Les sous-marins, les missiles de croisière et les F-18 ont changé la façon de faire la guerre. Le canal de Suez était un point stratégique jusqu'à l'arrivée des sous-marins. Depuis, on se faufile n'importe où dans le monde. Un vecteur à têtes multiples indépendamment guidées sort de l'eau, grâce à une hélice et un tir de roquettes. Il peut se diviser en sept ogives indépendamment guidées. Par conséquent, il importe donc peu aujourd'hui de se demander s'il faut avoir une base à tel ou tel endroit.

Pour ma part, j'attends toujours qu'on réponde à la question du député: quel est notre rôle au juste? C'est en fonction de la réponse que nous pourrions déployer nos effectifs. Bien sûr, la définition de ce rôle exige non seulement l'apport du Comité permanent de la défense, mais également celui des spécialistes des questions militaires.

D'après le ministère de la Défense, nous n'exploitons pas notre système comme une entreprise. Il a raison. Comme l'a dit le député d'en face, nous ne devrions pas faire le commerce d'engins de guerre. Nous sommes peut-être obligés d'en acquérir pour notre propre protection et, comme nous affichons un excédent, nous en vendons un peu partout dans le monde. Et puis on se bat sur la question de savoir qui, de Montréal, Québec, la Colombie-Britannique ou l'Ontario, obtiendra le contrat. Cela ne devrait peut-être pas faire partie du présent débat, étant donné qu'il est question ici de notre position, du genre de matériel dont nous avons besoin et de la façon dont nous allons nous le procurer, compte tenu de nos moyens limités.

J'ai un point à faire valoir et j'espère qu'on en discutera. Beaucoup de députés, dont celui de York-Sud-Weston, ont examiné les dépenses de défense et ont trouvé qu'il y avait beaucoup de généraux et de haut gradés.

Certains disent que notre armée régulière n'étant pas très imposante, il semblerait que nous ayons besoin de ces gens-là pour former des soldats en cas de besoin et que, au plan stratégique, ils occupent les postes qu'il faut à cet égard.

Étant donné que nous sommes toujours allés chercher dans le secteur privé des gens qui ont une expérience militaire et qui, d'ailleurs, en tiennent compte dans le calcul de leurs années de service donnant droit à une pension, il conviendrait peut-être de faire encore appel au secteur privé. Au plan stratégique, nous avons besoin de haut gradés. En fait, toutefois, je ne crois pas que


1474

nous ayons les moyens de nous offrir tous ces généraux et autres haut gradés. Nous encourageons ces gens-là à passer des examens et à toujours rechercher les promotions. Il s'ensuit qu'il y a plus de chefs que d'Indiens. Une technique innovatrice consisterait peut-être à les laisser dans le secteur privé où l'on a besoin de leurs aptitudes de gestionnaire, dans le domaine de la logistique ou dans toute autre spécialité, et à leur permettre de se mêler à l'occasion aux militaires afin de garder la main.

Je félicite les députés d'en face pour leurs interventions. Je sais qu'il y a un autre sous-comité. Je ne sais pas très bien pourquoi. Personnellement, je me moque de savoir quel comité étudiera la question. Tout ce que j'espère, c'est qu'il examine les faits.

Bismarck a dit un jour que seuls les pays de même taille devraient s'allier. Quand on s'allie à quelqu'un de plus grand que soi, on se prépare à avoir des ennuis. On ne peut pas prétendre à la neutralité. On peut être neutralisé, mais on ne peut pas être neutre. C'est la froide réalité du pouvoir et des relations de pouvoir en ce monde. Le Canada est unique. Nous, Canadiens, ne voulons nous battre avec personne. Il se trouve que nous sommes voisins des États-Unis, une force d'envergure mondiale et qui est déployée à l'échelle du monde. Dans ce vaisseau spatial qu'est la Terre, tout est interdépendant. Le conflit qui enflamme un coin de la planète peut s'étendre à d'autres régions, comme cela s'est vu maintes fois, et nous toucher.

Il nous faut examiner cela au plan stratégique et nous y attaquer à notre façon à nous. C'est ainsi que nous devrions procéder, à mon avis.

(1130)

M. Frazer: Monsieur le Président, je ne crois pas qu'une question ait été posée. Il s'agissait essentiellement d'une observation. Je suis d'accord avec une bonne partie de ce qu'a dit le député.

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, tout d'abord, je voudrais répliquer au député du Bloc québécois qui a soutenu qu'il ne fallait pas créer un autre comité parce qu'il en existe déjà un pour faire le travail. La semaine dernière, le Bloc soutenait exactement le contraire en réclamant la création d'un comité pour étudier le gaspillage et les dédoublements au sein du gouvernement. Aujourd'hui, les bloquistes s'opposent à la création d'un comité qui fera un travail supplémentaire.

Je voudrais demander au secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Je rappelle aux députés qu'au cours des périodes de questions et observations, celles-ci ne peuvent être adressées qu'au dernier député à avoir pris la parole. En l'occurrence, il s'agit du député de Saanich-Les Îles-du-Golfe. Je demande au député de St-Albert d'adresser son observation ou sa question à ce député.

M. Williams: Ma question s'adresse donc au dernier député qui a pris la parole. La circonscription de St-Albert, où j'habite, est située juste à côté d'une importante installation militaire, soit la base d'Edmonton, qui emploie environ 3 300 personnes. C'est une grande base.

Je voudrais vous donner quelques renseignements généraux sur le rôle de cette base. Elle fournit du soutien administratif et technique non seulement aux unités du Commandement aérien, mais aussi aux unités du Quartier général de la Défense nationale, du Commandement des forces terrestres, du Commandement maritime, du Quartier général des Systèmes d'instruction et du Commandement des communications qui sont stationnées à Edmonton. La base est un centre tactique pour l'Aviation canadienne ainsi qu'un centre d'entraînement au parachutisme.

De plus, la base abrite d'autres unités telles que le Centre des opérations aéroportées du Canada, le Dépôt de maintenance des parachutes, l'École de survie ainsi que quatre escadrons aériens. Et ce n'est pas tout, le Centre de recherche et de sauvetage pour l'ouest et le nord du Canada est situé à Edmonton.

Il y a environ deux ans, nous avons eu cet horrible accident d'avion à Resolute Bay, et l'équipe de recherche et de sauvetage n'avait pas pu arriver à temps sur les lieux pour sauver tout le monde. Je crois que c'est absolument essentiel que nous ayons une installation militaire à Edmonton qui peut desservir le nord.

Nous avons entendu le ministre de la Défense nationale dire que d'importantes réductions seront annoncées au cours des semaines qui viennent, avant que l'examen de la politique de défense ait été effectué. Je veux demander à mon collègue du Parti réformiste qui vient de parler s'il est d'accord avec moi pour dire qu'aucune décision de ce genre ne devrait être prise, particulièrement pas en ce qui concerne une installation militaire qui emploie 3 300 personnes, avant que la politique de défense ait été examinée et que nous sachions si ces réductions sont nécessaires ou non. Comment peut-on décider qu'une grande base militaire qui emploie 3 300 personnes et qui dessert tout l'ouest du Canada n'a plus sa raison d'être?

Je veux demander au député de Saanich-Les Îles-du-Golfe s'il est d'accord avec moi pour dire que nous devrions attendre que l'examen de la politique de défense soit terminé avant de prendre des décisions aussi importantes.

M. Frazer: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question.

J'ai déjà fait savoir publiquement au ministre qu'il me semblerait préférable d'attendre le résultat de l'examen de la politique de défense avant de fermer des bases militaires et de prendre des décisions du genre. Il est très important que nous sachions ce que nous faisons, et pourquoi, avant de le faire. Il est beaucoup plus coûteux, et cela prend beaucoup plus de temps, d'essayer de reconstituer une capacité que nous avons abandonnée, que ce ne l'est de la maintenir encore quelques mois avant de finir par conclure que nous n'en avons plus besoin désormais. Il serait plus sage d'attendre la fin de l'examen de la politique de défense


1475

avant d'annoncer des fermetures de bases et autres décisions du genre.

Par ailleurs, étant donné la multitude d'activités qui se déroulent à la base d'Edmonton, je présume qu'elle n'est pas du nombre de celles qu'on songe à fermer. Si toutefois l'examen de la politique de défense révélait que la capacité attribuée à la base d'Edmonton pouvait être répartie entre d'autres bases et que la capacité nécessaire reste disponible, je dirais alors qu'il me faut prendre le parti du Canada et de ses forces de défense dans leur ensemble plutôt que de soutenir une région du pays en particulier.

(1135)

L'hon. William Rompkey (Labrador): Monsieur le Président, je suis très heureux de participer au débat d'aujourd'hui et je voudrais commencer par parler brièvement du caractère fort opportun du débat. J'en parle à titre de député nommé récemment à la présidence du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants de la Chambre des communes.

À ce titre, je suis impatient d'entreprendre cet examen et d'entendre des témoins venus de tous les coins du pays. Je tiens à remercier le gouvernement d'avoir décidé ainsi de faire entreprendre cet examen. Quand nous étions dans l'opposition, nous avons demandé à maintes reprises au gouvernement de faire exactement ce que l'on fait aujourd'hui.

Je me rappelle avoir demandé au ministre de la Défense nationale, lorsque j'étais porte-parole de l'opposition en la matière, s'il accepterait de renvoyer cette question au comité permanent de la Chambre des communes; la question nous est maintenant renvoyée, et je m'en réjouis beaucoup.

Cela me paraît être la bonne façon de procéder. Nous avons vu imposer des compressions budgétaires à la Défense au cours des dernières années, nous savons tous que la guerre froide est terminée, que l'on touche un dividende de la paix et qu'une certaine restructuration doit se faire.

Nous sommes très conscients également de la situation budgétaire et financière, et plus spécialement du déficit qu'il est nécessaire de réduire et de contenir. La Défense nationale a évidemment contribué à réduire le déficit et continuera de le faire.

Quand nous étions dans l'opposition, nous estimions, et avec raison, que tirer la politique de défense du ministère des Finances n'était pas la bonne façon de modeler les Forces armées du Canada pour l'avenir.

Nous estimions qu'il fallait au contraire y procéder en examinant les buts et les objectifs des Forces armées, c'est-à-dire pourquoi nous voulons des Forces armées canadiennes pour l'avenir prévisible et pour le siècle à venir.

C'est donc ainsi que nous procédons maintenant, et ça me paraît être la bonne façon de procéder, car on peut effectuer des compressions budgétaires à la Défense, comme on devrait le faire et comme on l'a déjà fait, mais il existe une masse critique à préserver au sein des Forces armées. En decà de cette masse critique, nous nous privons de notre capacité de relever les défis de demain et de donner à nos Forces armées les moyens de s'acquitter du travail qui sera alors le leur.

Il n'était pas et il n'est toujours pas légitime que le ministère des Finances détermine la politique en matière de défense. Je suis donc très heureux que nous envisagions cette étude en faisant preuve d'une ouverture d'esprit et en nous interrogeant sur toutes les hypothèses à la base du rôle que l'on entrevoit pour la défense nationale dans l'avenir.

Je me réjouis aussi que les élus de la Chambre des communes, les représentants de la population, soient mis à contribution de manière que le plus grand nombre de Canadiens possible puissent participer au débat. À titre de parlementaires, nous voudrons entendre l'opinion des Canadiens de toutes les régions du pays qui s'intéressent aux questions touchant la défense et la sécurité du Canada. J'espère qu'ils participeront aux discussions. Je les invite à le faire. Nous pourrions peut-être même utiliser le médium de la télévision, comme nous le faisons aujourd'hui, pour faire participer le plus grand nombre de Canadiens possible.

Nous voulons connaître leurs idées. Ils doivent sentir que c'est leur débat, leur étude, leurs Forces armées, les Forces armées de leur pays. J'espère qu'un grand nombre d'entre eux participeront à l'étude.

Nous travaillerons également de concert avec nos collègues du comité des affaires étrangères, car il y a de toute évidence un lien très étroit entre les Forces armées et les affaires étrangères du Canada. Cette question concerne les Forces armées, et nous l'examinerons. Nous nous interrogerons sur notre statut comme membre de l'OTAN, sur l'évolution de la CSCE, sur notre participation aux activités du NORAD ainsi que sur les alliances que nous avons conclues et celles que nous pouvons envisager avec des partenaires de notre continent ou d'ailleurs.

J'attends avec impatience le début de cette étude. J'aimerais maintenant parler de mon expérience personnelle avec les Forces armées. Elle fera peut-être ressortir un aspect des Forces armées dont nous n'avons pas entendu parler et qui n'est peut-être pas toujours pris en considération.

(1140)

Je me souviens de m'être joint à la réserve navale de l'Université Memorial, à St. John's, lorsque j'avais 19 ans. En fait, je n'étais Canadien que depuis sept ans à l'époque. Je ne suis pas Canadien de souche. Je m'amuse parfois beaucoup quand je dis à des gens que je suis un néo-Canadien. Je suis arrivé dans ce pays quand j'avais 13 ans.

Il importe de souligner que, avant 1949, Terre-Neuve ne faisait pas partie du Canada. Lorsque j'ai gagné les rangs de la réserve navale, j'étais Canadien depuis sept ans. J'étais rarement sorti de mon île. Le député qui vient de Summerside sait que ceux d'entre nous qui sont nés et vivent sur une île connaissent une existence originale et surréelle qui fait l'envie de bien des gens. Le fait de vivre sur une île crée des liens entre les insulaires, mais ne favorise pas les relations avec les gens d'ailleurs.

Quand je suis entré dans la marine canadienne, j'ai rencontré d'autres Canadiens pour la première fois. J'ai appris à les connaître. J'ai suivi un entraînement à Halifax, à Esquimalt, en Colombie-Britannique. J'ai visité les deux extrémités du pays et tout ce qu'il y a entre les deux. Cela m'a fait connaître le Canada.


1476

Si je vous dis cela, c'est parce que j'estime que nous ne devrions pas sous-estimer le rôle des forces armées dans deux domaines. L'un d'eux concerne la citoyenneté canadienne au sens large.

Compte tenu de la situation dans le monde et dans notre pays, ainsi que du genre de Canada que nous voulons maintenant et dans l'avenir, il ne faut pas sous-estimer le rôle des institutions nationales.

Alors que nombre d'institutions nationales sont en voie de disparition ou de transformation, il me semble que les Forces armées canadiennes constituent une des institutions nationales toujours en existence qui jouent un rôle très important pour la citoyenneté canadienne au sens large du terme.

Les forces m'ont permis de m'instruire. Elles m'ont appris un certain nombre de choses. Je suppose que si la guerre éclate et que je sois appelé sous les drapeaux, je devrai me rappeler ce que j'ai appris il y a plus de 30 ans, et je prie le ciel que je m'en souvienne.

Cependant, elles m'ont appris bien plus que la navigation, la signalisation et des choses semblables. Elles m'ont appris à connaître les gens, à communiquer avec eux, à travailler avec eux, à vivre avec eux. Et elles m'ont fait connaître le Canada.

Je pense que nous ne devrions pas sous-estimer la valeur des forces armées pour l'éducation et la citoyenneté au sens le plus large du terme. Je ne dis pas que c'est là le rôle principal des forces armées, mais simplement que c'est un rôle important.

Au cours de cet examen, nous devrions chercher à savoir en quoi les forces armées reflètent autrement le Canada. Combien d'autochtones, par exemple, y a-t-il dans les forces? Ce nombre est-il proportionnel au pourcentage d'autochtones dans la population totale? Comment les forces armées reflètent-elles la nature bilingue et biculturelle du Canada? Le bilinguisme existe bel et bien dans les forces. En fait, les forces comptent des éléments qui travaillent dans les deux langues officielles.

Au printemps dernier, j'ai eu le privilège de séjourner à la base Valcartier où j'ai rencontré les soldats du Royal 22e Régiment qui se préparaient à partir pour la Bosnie. Encore une fois, j'ai été impressionné par les compétences, le professionnalisme et le dévouement de cette unité de combat qui jouit d'une réputation non seulement nationale, mais aussi mondiale. Sa capacité de réagir aux situations nouvelles m'a vivement impressionné.

Cette unité de combat n'a pas simplement une tradition. Lorsque j'ai vu, à Valcartier, la simulation des événements que les soldats allaient vivre en Bosnie, j'ai compris que cette unité n'avait pas seulement des traditions, mais aussi les compétences nécessaires pour prévoir les situations auxquelles seraient exposés les soldats et préparer ceux-ci en conséquence.

Dans cette étude, nous devrions nous demander dans quelle mesure les forces armées reflètent les différentes facettes du Canada et tiennent compte des autochtones, des francophones et des anglophones.

(1145)

Nous devrions également examiner d'autres facteurs afin de voir si nos forces armées reflètent réellement le genre de Canada que nous avons et que nous souhaitons avoir.

Dans quelles situations voulons-nous que nos forces armées interviennent? En fait, devrions-nous parler de défense ou parler plutôt de sécurité, de la sécurité du Canada et de la façon dont nous voulons qu'il soit protégé? Nos frontières sont-elles à l'abri des incursions de trafiquants de drogues, par exemple? Sont-elles sûres à cet égard? Sommes-nous protégés contre la surpêche étrangère? Comme je l'ai dit récemment, au cours des derniers jours, le ministre des Pêches et des Océans s'est rendu à Bruxelles pour tenter de convaincre l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest de la grave crise que traverse notre pays.

Les nouvelles, ce matin, n'étaient pas très encourageantes. Radio-Canada rapportait ce matin que certains pays d'Europe refusent encore de reconnaître qu'il y a une crise et que nos stocks de poisson ont diminué de façon spectaculaire, en particulier au cours de la dernière année.

Si nous n'avons pas réussi à bien défendre nos intérêts et nos ressources par la voie de la discussion et dans les forums internationaux, il est possible, étant donné qu'il s'agit pour nous d'une question très importante-et j'estime être assez modéré-il est possible donc qu'à un moment donné, nous devions envisager des mesures très rigoureuses pour défendre ces ressources.

Je pense que nous devons, dans ce contexte, examiner l'avenir de la marine canadienne. Pas seulement dans le contexte des opérations de recherche et de sauvetage, dont a parlé tout à l'heure le député de Saanich-Les Îles-du-Golfe, à juste titre. J'ai appris à connaître les techniciens en recherche et sauvetage au fil des ans et je sais qu'ils sont parmi les membres les plus compétents et les plus efficaces des forces canadiennes. Nous devons veiller à leur donner les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail.

Les opérations de recherche et de sauvetage représentent, surtout pour les habitants des deux côtes, un programme essentiel qu'il faut protéger.

Comment assurer la sécurité de nos villes en cas d'urgence? Comme mon collègue l'a dit, les forces armées canadiennes ont joué un rôle de taille sur ce plan et continueront de jouer ce rôle dans l'avenir. Comment assurer la sécurité de l'Amérique du Nord avec la collaboration de notre très puissant voisin du Sud? Comment assurer la sécurité de ce continent? Comment protéger l'espace aérien? Comment protéger les eaux qui entourent l'Amérique du Nord? Comment protéger les villes de l'Amérique du Nord?

Il y a là, à mon avis, un rôle pour les forces armées. Nous devons nous interroger et faire des comparaisons entre le Canada et les États-Unis. Les États-Unis ont une garde nationale. Avons-nous besoin d'une garde nationale au Canada? Je l'igno-


1477

re, mais ce sont des questions intéressantes à examiner au moment où nous nous penchons sur les moyens à prendre pour protéger nos villes et nos côtes et sur le rôle des forces armées à cet égard.

Enfin, à part nous pencher sur les moyens à prendre pour assurer la sécurité de ce continent, nous devons examiner les organisations de défense que nous avons, comme le NORAD. Avons-nous besoin d'un NORAD pour le Pacifique et d'un autre pour l'Atlantique?

Qu'advient-il de l'océan Arctique dans ce pays qui, on ne cesse de nous le rappeler, le premier ministre en particulier, a trois côtes? Je viens de voir mon collègue d'Iqaluit à la Chambre. Lui et moi avons l'impression que, pour les Canadiens, la direction est d'est en ouest. Mais il y a aussi une côte nord. Ma circonscription se trouve à proximité de l'océan Arctique, à proximité de l'île de Baffin. Elle est située juste au sud de l'île de Baffin et ce passage nord-ouest est aussi très important pour nous.

Le Canada va d'un océan à un deuxième océan à un troisième océan et nous devons donc veiller à la sécurité des trois côtes. C'est notre responsabilité.

Comment le faire? Nous ne devons pas non plus oublier que nous devons aussi assurer la sécurité dans le monde. Le Canada a lui aussi un rôle à jouer là-dedans.

(1150)

Le monde est devenu un gros village. Que ce soit dans notre intérêt ou pas, nous n'avons pas le choix: le Canada doit collaborer avec les Nations Unies. Il est de plus en plus urgent, me semble-t-il, de passer en revue les structures internationales que nous nous sommes donnés pour voir si elles constituent un processus décisionnel efficace sur le plan du maintien de la paix dans le monde. Après avoir évalué l'efficacité de l'ONU, de l'OTAN, de la CSCE et d'autres organisations internationales du même genre, il nous faut nous interroger sur leurs besoins en effectifs militaires et sur la contribution du Canada dans ce domaine.

Voilà bien des années que nous offrons nos services de gardiens de la paix dans le monde. Nous jouissons d'une réputation internationale bien méritée. Cet examen doit être pour nous l'occasion de nous demander jusqu'où nous pouvons aller sur le chapitre du maintien de la paix. On nous demande déjà d'envoyer plus de troupes canadiennes en Bosnie, vu que le cessez-le-feu semble vouloir se prolonger.

Quelles sont les limites du Canada dans ce domaine? À l'heure actuelle, nos militaires participent à 17 missions de maintien de la paix. Selon les chiffres les plus récents, il y a quelque 2 700 soldats canadiens de par le monde, dont 2 000 dans la seule Bosnie, en ancienne Yougoslavie. Sommes-nous en mesure de déployer 2 700 personnes dans 17 missions de maintien de la paix? Il n'y a pas que les effectifs des Forces canadiennes qui participent à ces opérations, mais aussi ceux de la GRC, sans oublier certains de nos agents douaniers. Quelles sont les limites du Canada? Quel devrait-être le rôle du Canada?

Voilà les questions que nous devons nous poser. De combien de militaires avons-nous besoin pour accomplir nos missions? De combien de soldats, d'aviateurs, de marins avons-nous besoin? Voilà des questions pertinentes.

Quelle formation doit-on leur assurer? Doit-il s'agir d'une préparation au combat? Le printemps dernier, à la BFC Valcartier, j'ai rencontré les généraux qui assurent l'entraînement de nos casques bleus déployés en Bosnie. Selon eux, le gardien de la paix le plus efficace, c'est le soldat prêt au combat, puisqu'il est en mesure de faire face à toutes les situations urgentes. Pour être le moindrement efficace, il faut être capable de faire face à toutes les situations urgentes.

Il nous faudra nous interroger non seulement sur les modalités de cette formation, mais également sur sa finalité. Nous devrons ensuite nous pencher sur la question de l'équipement. De quel niveau d'armement avons-nous besoin? Comment les obtenir? Combien allons-nous en fabriquer ici? Combien allons-nous en acheter à l'étranger? Voilà autant de questions qui ne doivent pas rester sans réponse.

Et quelles en seront les retombées pour les Canadiens? Bien sûr, sans parler de l'industrie canadienne de production d'armes, il s'agit d'un facteur important pour les Forces canadiennes et pour la situation économique que traverse actuellement le Canada. Ce sont là également des questions que le comité devra trancher.

Quelle sera la part de fabrication au Canada? Nous fabriquons déjà. Nous construisons des navires à Halifax. Nous avons des activités à Saint John et d'autres, parmi les meilleures, au Québec. Nos activités de construction navale sont parmi les meilleures et les plus efficaces du monde entier. Nous construisons à London, en Ontario, où la société General Motors possède une importante usine de construction de véhicules blindés.

Il s'agit donc de déterminer quelle portion de ces activités nous est nécessaire; quelles activités resteront au Canada; quelle quantité de matériel nous pourrons acheter ailleurs, et enfin quel sera le niveau de financement accordé aux forces armées.

Dans sa déclaration, le ministre indiquait à juste titre que ces questions doivent occuper une place importante dans notre examen. On peut lire au paragraphe 6 du document d'orientation, déposé aujourd'hui par le ministre, que le ministère de la Défense nationale continuera d'appuyer, comme il l'a fait par le passé, les efforts en vue d'améliorer la situation financière du Canada. Les dépenses prévues ont été réduites de plus de 14 milliards de dollars entre 1989 et l'exercice de 1997-1998.

L'annulation du programme d'achat d'hélicoptères EH-101 et les réductions du budget de la Défense annoncées pendant et depuis la récente campagne électorale fédérale permettront de réduire les dépenses militaires de plus de 10 p. 100 au cours des quatre prochaines années. Grâce à ces mesures, les dépenses militaires, qui représentaient 40 p. 100 du budget il y a quelques années, pourraient passer à moins de 7 p. 100. À l'heure actuelle, les dépenses militaires représentent moins de 8 p. 100 du budget fédéral, comparativement à 20 p. 100 en 1964. Les prévisions de dépenses de la Défense ont subi un important recul. Elles ont été réduites et subiront d'autres réductions dans le cadre de nos


1478

efforts de redressement de la situation financière et de la lutte au déficit.

(1155)

En terminant, comme je le disais au début, nous ne devons pas oublier qu'il existe une masse critique des forces armées et que si nous réduisons les dépenses en-deçà d'un certain niveau, les forces armées pourraient se trouver incapables d'accomplir les fonctions que nous attendons d'elles. Nous allons aborder ce genre de question dans l'examen de la politique.

[Français]

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi): Monsieur le Président, j'ai écouté avec attention l'orateur précédent. Permettez-moi de souligner la verve avec laquelle il nous a fait faire un tour d'horizon de la Défense nationale. Toutefois, je ne partage pas entièrement les propos qu'il a tenus, d'autant plus qu'il ne s'en est pas tenu directement à la motion qui est déposée en cette Chambre.

Au sujet la motion déposée ce matin par le ministre de la Défense nationale, je trouve que ce recours à un débat spécial sur la politique nationale de défense n'a actuellement pas sa raison d'être puisque le gouvernement lui-même n'a pas déposé son livre blanc. Le gouvernement cherche-t-il à favoriser des échéanciers et à amadouer l'opinion publique en tenant ce débat ce matin? Cette position que je viens d'énoncer vaut autant pour la question des coupures dans les bases militaires que pour la question des centres d'entraînement des Casques bleus.

J'aurais aimé que le débat porte surtout sur les moyens à prendre pour réduire les dépenses militaires et ce, avant même que le Budget ne soit présenté, plutôt que de débattre de la formation d'un comité mixte, composé de X nombre de personnes, avec un mandat bien précis, qui va occasionner, je suis sûr, des dépenses aux Canadiens et aux Canadiennes qu'il nous est impossible d'évaluer actuellement. Toutes les questions sur lesquelles l'honorable député s'est interrogé tantôt, à partir de nos stratèges militaires, de notre état-major, nous avons déjà actuellement assez de documents, et avons eu assez de discussions avec ces gens-là pour savoir où on doit se rendre avec la défense nationale.

Je m'interroge naturellement sur les coûts de cette opération. Je m'interroge également sur la composition du comité, puisque je ne vois pas la nécessité que cinq sénateurs en fassent partie. Je pense que c'est augmenter inutilement des dépenses, mais d'une manière ou d'une autre, je suis contre la formation de ce comité.

J'ai beaucoup plus confiance, dans le débat sur la Défense nationale, à nos stratèges militaires. Sans cela, il faudrait arrêter de siéger, parce que dans tous les départements, dans tous les ministères, c'est la même chose, il faudrait consulter, consulter et consulter. À titre d'exemple, je vous parlerai de la base de Bagotville, qui est une base organisée de façon à pouvoir exécuter les rôles de défense aérienne du territoire canadien, le contrôle de l'espace aérien et la lutte antidrogue, la contingence internationale, ainsi qu'un appui aux forces terrestres et maritimes.

(1200)

La base de Bagotville a déjà tous ces éléments-là, donc, elle peut assurer la défense aérienne. Elle peut répondre à tout ce que nous envisageons par rapport à NORAD. Étant située à 245 milles de Gagetown, 240 milles de Tracadie, 370 milles de Clearwater, 85 milles de Valcartier et 290 milles de Petawawa, la base de Bagotville est le centre même, c'est la base la mieux localisée pour donner, de façon optimale, les services auxquels les Canadiens ont droit. Tout ce qui manque à cette base actuellement-une base francophone à 99,9 p. 100-pour être vraiment efficace et rendre le service qu'elle devrait rendre, c'est un centre d'entraînement requis pour un polygone de tir air-sol.

J'espère que le gouvernement prendra ces remarques en considération et j'aimerais qu'il passe à l'action et cesse de nous dire continuellement: «Attendez. Attendez la création des jobs, attendez le budget.» Les populations qui sont dans l'inquiétude de la fermeture des bases, actuellement, veulent savoir. Je désire donc poser la question suivante à mon honorable collègue: Les populations qui sont en attente d'une décision du gouvernement, est-ce qu'elles vont attendre encore pendant un an, pendant deux ans? Va-t-on les laisser traîner continuellement dans une incertitude? Le sachant, ces populations pourraient déjà se mettre en coopération avec les syndicats, les industries visées, la population elle-même, et se concerter pour bâtir un projet nouveau pour remplacer celui qu'ils vont perdre. C'est la question que je pose.

[Traduction]

M. Rompkey: Monsieur le Président, je veux simplement dire à mon collègue que la base de Bagotville revêt beaucoup d'importance pour moi car les CF-18 de Bagotville viennent parfois à la base de Goose Bay. Ainsi, ma circonscription a un lien tout à fait direct avec Bagotville. J'ignore l'avenir de cette base ou des autres. Je sais par contre que le gouvernement va sous peu préciser clairement ses intentions à cet égard conformément aux promesses qu'il a faites dans son Livre rouge durant la campagne électorale. Les Canadiens sauront donc très bientôt à quoi s'en tenir.

Je voudrais simplement formuler deux autres observations. Si j'ai bien compris le député, il voulait tout d'abord connaître les intentions du gouvernement. En tant que député qui siège dans cette enceinte depuis quelque temps déjà, je tiens à dire que je suis très impressionné par la façon dont fonctionne le nouveau Parlement; on demande en effet aux députés ce qu'ils pensent avant que le gouvernement ne prenne des décisions.

Les députés d'expérience savent que cela n'a pas toujours été le cas. On prenait des décisions qui devenaient un fait accompli; les gens devaient s'y plier qu'ils l'aient voulu ou non. C'est là une bien meilleure façon de procéder. Non seulement consulte-t-on les parlementaires avant d'adopter des mesures à long terme, mais les Canadiens ont aussi la chance d'avoir leur mot à dire. Lorsque nous siégions dans l'opposition, nous prônions cela, et je suis très heureux de voir que c'est ce qui se passe maintenant.

En ce qui concerne l'augmentation des dépenses, qu'on soit d'accord ou non avec la formation d'un comité mixte, cette décision ne devrait pas entraîner un accroissement marqué des dépenses. Qu'ils représentent les deux Chambres ou non, les


1479

membres du comité devront se déplacer et leurs salaires vont être versés peu importe le comité auquel ils siègent un jour donné. Je ne vois pas en quoi un comité mixte coûterait beaucoup plus cher qu'un comité composé uniquement de représentants de la Chambre des communes.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, j'essaierai d'être un peu plus bref en posant ma question. Je crois que bon nombre d'entre nous ici à la Chambre avons eu des contacts avec le milieu militaire à un moment ou un autre. J'ai de nombreux amis un peu partout au pays que je connais depuis une vingtaine d'années et qui sont encore militaires.

(1205)

Je suis d'accord avec les observations du député de Labrador relativement à la fierté nationale, mais je crois que de nos jours, bon nombre de personnes ne savent pas précisément quel est le rôle des militaires. Il règne même une certaine confusion chez les militaires eux-mêmes, ce qui ne peut que nuire à leur moral.

À mon avis, on devrait d'abord examiner la question et ensuite passer à l'action, comme l'a déclaré mon ami de Saanich-Les Îles-du-Golfe. Je crois aussi que nous devrions mettre fin au jeu politique qui a cours au sein des forces armées depuis au moins 20 ans. Il semble que cette question revient chaque année au moment de la préparation du budget.

J'aimerais que le député commente trois points s'il le veut bien. Premièrement, dans son entrée en matière, le ministre a déclaré que le gouvernement accorde une grande importance à la consultation publique, mais que le rapport issu de cette consultation ne sera pas la nouvelle politique de défense. Je me demande s'il s'agit là d'une forme de désaveu des conclusions du rapport lui-même ou si c'est simplement une autre façon de dire que le comité n'a pas autant d'autorité que nous le croyons.

Deuxièmement, pour ce qui est des localités choisies pour les consultations, il serait important de choisir, entre autres, des endroits comme Summerside, qui a déjà connu ce genre de situation. Les gens de cette localité pourraient certainement apporter des suggestions utiles puisque des mesures ont déjà été mises en application à cet endroit. Il faudra procéder avec prudence pour évaluer et choisir les lieux.

Troisièmement, j'aimerais aussi que le député commente le rôle de la réserve. Je me rappelle très bien mes jeunes années dans les Maritimes, vers le milieu des années 1960. Je me suis inscrit dans les forces armées à Halifax à l'âge réglementaire dès la fin de mes études. Peu de possibilités s'offraient à moi, mais grâce aux Forces canadiennes j'ai trouvé un milieu de vie et j'ai profité de toutes sortes d'occasions qui m'ont mené à une carrière par la suite.

Comment le gouvernement voit-il le rôle de la réserve? Il y a là un grand potentiel de progrès. Si le député le veut bien, je lui demanderais d'expliquer aussi quel est l'avenir des jeunes dans la réserve.

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de donner la parole au député de Labrador, j'aimerais dire que le député de Fraser Valley-Ouest, comme tous les autres nouveaux députés de cette trente-cinquième législature, a bien appris sa leçon en peu de temps; il a su regrouper plusieurs questions en une seule pour le député de Labrador.

J'essaie de respecter le Règlement pour ce qui concerne le temps accordé aux discours durant la période des questions et observations, particulièrement lors d'un débat comme celui-ci qui est d'une importance capitale pour tous les Canadiens et je veux donner à autant de députés que possible l'occasion de participer; je demande donc la coopération de tous afin que nous puissions donner la parole au plus grand nombre de députés possible.

M. Rompkey: Monsieur le Président, je comprends et je serai bref.

Sur le dernier point soulevé par le député, permettez-moi seulement de dire que je préconise un rôle accru pour la réserve au sein des Forces canadiennes. Nous croyons au concept de la force totale, tout comme l'ancien gouvernement. Nous examinerons les observations du vérificateur général sur la bonne ou la mauvaise utilisation de la réserve au sein des forces, mais je crois personnellement que cet élément devrait y jouer un rôle de plus en plus important. En fait, l'effectif canadien actuellement en poste en Bosnie est composé de réservistes dans une proportion d'environ 30 p. 100.

Pour ce qui est du lieu des audiences, je comprends les préoccupations du député et je peux lui assurer que le comité voudra se déplacer aux quatre coins du Canada pour entendre le plus de gens possible. Nous écouterons tous les intéressés, qu'ils fassent partie des forces ou non.

Revenons aux observations que le ministre a formulées ce matin au sujet du Livre blanc qui fera suite au rapport du comité. Si le député vérifie les «bleus», il constatera que le ministre a bien dit que le gouvernement ne se considérerait pas nécessairement totalement lié par le rapport du comité. Le ministre a alors poursuivi en disant-je crois que le compte rendu en témoignera, monsieur le Président-que le gouvernement aurait tort d'écarter les recommandations du comité.

(1210)

Ce que je comprends de la déclaration du ministre, c'est qu'il se laisse suffisamment de latitude pour pouvoir exercer son rôle, tout en affirmant clairement qu'il s'agit d'un processus sérieux et que le gouvernement veut prendre connaissance des recommandations et des politiques que formuleront les parlementaires après avoir entendu les Canadiens.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, le gouvernement nous convie aujourd'hui à un troisième débat en cette Chambre sur la politique de défense du Canada. Contre toute logique, le gouvernement amorçait cette série de débats en demandant à la Chambre des communes de se pencher sur deux aspects bien spécifiques de la politique de défense du Canada, à savoir la présence des Casques bleus canadiens en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, de même que l'autorisation des essais de missiles de croisière en territoire canadien, et ce avant même d'avoir pris la peine de faire connaître ses intentions générales en matière de défense.


1480

Contre toute attente, le gouvernement récidive aujourd'hui en demandant à cette Chambre de débattre des grandes orientations d'une toute nouvelle politique de défense, sur la base d'un document vague et général qui n'a été soumis à l'attention des députés qu'à la toute dernière minute. Qui plus est, le gouvernement agit comme si la politique de défense pouvait être envisagée indépendamment de la politique étrangère, ce qui ne saurait être possible. Et là encore, le gouvernement a soigneusement omis de faire connaître ses intentions quant aux grandes orientations de cette nouvelle politique étrangère qu'il appelle de tous ses voeux.

Quoi qu'il en soit, et puisque nous devons composer avec le cadre général qui a été mis en place par le gouvernement pour la tenue du présent débat, je considère qu'il ne saurait être question de l'aborder sans faire état du contexte général géopolitique qui prévaut actuellement, lequel doit conditionner les choix que le Canada sera éventuellement appelé à faire quant à la définition d'une nouvelle politique de défense.

Il n'est pas inutile de rappeler à cet égard qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le monde s'est divisé en deux blocs géopolitiques distincts, l'Ouest et l'Est, dont les concentrations stratégiques se sont regroupées en deux alliances militaires concurrentes; l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN, à laquelle le Canada a adhéré en 1949, et le Pacte de Varsovie.

Avec la fin de la guerre froide, vers la fin des années 1980, ce contexte de bipolarité politique s'est transformé radicalement. Le Pacte de Varsovie s'est dissous, laissant l'OTAN sans organisation rivale apparente. Pour les pays de l'Ouest, il n'existe donc plus de menaces directement identifiables en ce sens. Désormais, l'équilibre mondial ne reposait plus sur une structure bipolaire. On a progressivement vu apparaître un certain nombre de nouvelles puissances nucléaires, souvent très instables politiquement. Dans ces circonstances, il devenait problématique pour le Canada et pour ses alliés de remettre en question le système de sécurité collective qui avait conditionné leur politique de défense pendant toute la période de la guerre froide.

Sur un autre plan, la perte d'influence des pays de l'Est et de la Russie sur les questions internationales a eu un effet direct sur la stabilité politique et militaire dans plusieurs régions du globe. Le cas de la Yougoslavie et des anciennes républiques soviétiques en sont les exemples les plus probants.

Certaines régions ont également tenté de profiter de ce nouveau partage des forces stratégiques pour tenter de s'affirmer politiquement et militairement dans leur région immédiate. Le cas de la guerre du golfe arabo-persique demeure, à cet égard, un exemple en tout point conforme à la nouvelle configuration politique mondiale.

Pour contrer les nouveaux rapports de forces politiques qui émergeaient, les pays membres de l'OTAN ont néanmoins révisé, puis modifié leurs politiques de défense. Le même processus a été réalisé au Canada et le gouvernement du Canada dévoilait, en 1992, un nouvel énoncé politique qui remplaçait l'ancien livre blanc de Perrin Beatty, qui datait déjà de 1987.

Le réajustement de la politique de défense des pays occidentaux s'est effectué en fonction de plusieurs axes. Le premier, et le plus important, je pense, fut de diminuer les budgets consacrés à la défense car les menaces extérieures ne correspondaient plus à celles qui prévalaient durant la période de la guerre froide, et conséquemment, ne nécessitaient plus la mobilisation d'autant de ressources que par le passé. Une conséquence directe de ce réajustement touche l'industrie de l'armement qui a vu ses marchés diminuer substantiellement. Des centaines de milliers de mises à pied ont été progressivement enregistrées dans les pays producteurs d'armes, et le Canada n'a pas échappé à cette tendance.

(1215)

Le deuxième axe, de nature plus stratégique, fut de réévaluer les sources potentielles de menaces extérieures. En vertu de la nouvelle conjoncture internationale, les risques d'un conflit Est-Ouest ont été grandement minimisés. Les nouveaux risques identifiés par les pays membres de l'OTAN concernent davantage les conflits régionaux qui émergent en divers points du globe depuis quelques années. Le Canada partage cette évaluation, comme en fait foi l'énoncé politique de 1992.

Le troisième et dernier grand axe réside dans la transformation du rôle des grandes institutions internationales dont les missions politiques et stratégiques sont en complète redéfinition. À cet égard, les deux exemples les plus pertinents sont certainement l'ONU et l'OTAN.

L'Organisation des Nations Unies, par le biais de son conseil de sécurité, est de plus en plus souvent sollicitée pour intervenir dans les conflits qui prennent naissance dans plusieurs régions du monde. Les précédents qu'ont été la guerre du Golfe et la guerre civile en ex-Yougoslavie annoncent de nouvelles tendances qui influencent considérablement les politiques nationales de défense des pays occidentaux.

L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, de son côté, semble vouloir occuper un espace beaucoup plus vaste depuis la disparition du Pacte de Varsovie. Autrefois destinée à assurer la défense mutuelle des pays membres de l'alliance, l'OTAN cherche désormais à modifier son mandat de défense de l'Atlantique Nord pour pouvoir se rapprocher de plus en plus de l'Organisation des Nations Unies, à titre d'organisation militaire de soutien destinée à faire respecter les mandats que cette dernière se voit confiés par le biais de son Conseil de sécurité.

On peut observer cette tendance à travers les présentes négociations au sujet du bombardement aérien des troupes serbes en Bosnie-Herzégovine.

En tant que membre de ces deux importantes organisations internationales que sont l'OTAN et l'ONU, le Canada ne peut, et ne doit, se soustraire aux discussions qui ont cours en la matière. Force est de reconnaître que le contexte international est particulièrement instable et qu'il serait hautement hasardeux de nous soustraire à nos engagements internationaux.

Est-il besoin de rappeler que le Canada ne dispose pas des ressources nécessaires pour assurer lui-même la sécurité et la défense complète de son vaste territoire.

Ce constat conditionne d'ailleurs la politique de défense du Canada depuis plusieurs décennies, et sa participation aux systèmes de sécurité collective mis en place dans le cadre de l'OTAN et de NORAD. En outre, il serait éminemment illusoire de penser que le Canada n'est pas concerné par l'évolution de la situation


1481

politique mondiale. Il nous faut donc prendre conscience du fait que le Canada peut jouer un rôle stratégique sur le plan international, ce qui lui permet, en retour, d'assurer la sécurité de son territoire par le biais de ses alliances internationales. C'est sur quoi s'attarde l'énoncé politique de 1992.

Cet énoncé a remplacé le livre blanc de 1987, comme je le disais plus tôt, qui avait été rédigé dans un contexte de guerre froide. Cette nouvelle politique de défense voulait traduire une adaptation au nouveau contexte international. Elle révèle en tout point le danger qui persiste sur le plan stratégique malgré la disparition du Pacte de Varsovie, et vous me permettrez de vous citer un passage de cet énoncé de politique:

L'arsenal nucléaire de l'ex-Union soviétique reste suffisant pour dévaster notre continent. Le climat d'instabilité dans la nouvelle communauté des États indépendants incite à la prudence et exige que l'on tienne compte de ce potentiel militaire dans la formulation de notre politique de défense.
Étant donné l'immensité de notre pays, sa situation stratégique et les ressources limitées qu'il peut affecter à sa défense, il est important qu'il entretienne, dans l'avenir prévisible, ses relations de longue date avec les États-Unis.
Jusqu'à nouvel ordre, cet énoncé politique demeure encore aujourd'hui la politique officielle du gouvernement canadien en matière de défense nationale. Quelques réajustements ont été effectués depuis, dont le renouvellement de l'Accord canado-américain sur les essais de missiles de croisière. Le Canada a également contribué, par le biais de son contingent de Casques bleus, à redéfinir son rôle à l'intérieur des institutions internationales.

Sur le plan stratégique, nous avons vu que le contexte géopolitique est changeant et qu'il se transforme à un rythme accéléré. Cette évolution, je le signalais plus tôt, ne doit pas être interprétée comme étant forcément annonciatrice d'une nouvelle ère de paix. Les événements sanglants qui prennent naissance dans diverses parties du monde devraient nous faire prendre conscience de cet état de fait.

Il serait illogique de croire que, parce que le monde ne repose plus sur une structure bipolaire, comme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il faille abandonner notre rôle à l'intérieur des systèmes de sécurité collective.

(1220)

La notion de menace ne doit pas être uniquement perçue comme étant intrinséquement liée à la notion de territoire. S'il advenait que le conflit yougoslave déborde de ses frontières nationales, par exemple, il est bien entendu que l'Europe et l'OTAN seraient directement impliquées. Les effets catastrophiques d'un tel scénario suffisent à eux seuls à nous faire prendre conscience de la pertinence et de la nécessité de mettre de l'avant une politique de défense qui ne soit pas uniquement centrée sur le territoire canadien ou québécois, mais sur la sécurité de nos alliés stratégiques et historiques.

Au cours des dernières élections et depuis le 25 octobre, le Bloc québécois a maintes fois réitéré son soutien ferme à des coupures dans le budget du ministère de la Défense nationale. En dépit du contexte international dont je viens de faire état, nous croyons qu'il serait possible d'effectuer des coupures d'environ 25 p. 100 dans le budget du ministère de la Défense nationale, sans affecter d'une façon dramatique le fonctionnement de cet important ministère.

Réduire de 25 p. 100 le budget du ministère de la Défense nationale ne signifie pas pour autant qu'il faille se désengager de nos obligations de défense. Bien au contraire. Le Bloc québécois, en adoptant une telle stratégie, ne prête pas flanc à la critique en proposant l'élimination complète des grands programmes d'acquisition d'équipement, bien que certains programmes mériteraient d'être abandonnés.

Ces programmes demeurent importants pour que le Canada puisse répondre à ses engagements internationaux. Mais il demeure toutefois que l'évolution rapide du contexte de politique mondiale implique, pour les pays occidentaux, la nécessité d'une constante redéfinition de leurs politiques de défense. Ainsi en est-il pour le Canada.

Un nouveau gouvernement a été élu et il lui appartient maintenant de proposer des nouvelles orientations en matière de défense qui pourront répondre adéquatement à ces changements rapides et fondamentaux qui s'opèrent à travers le monde. À cet égard, notons que le Parti libéral du Canada a déjà fait état de certaines prises de position, alors qu'il siégeait de ce côté-ci de la Chambre, dans l'opposition, et au cours de la dernière campagne électorale.

Mais il n'est pas inutile de signaler que ce n'est pas d'aujourd'hui que le Parti libéral envoie des messages contradictoires et confus à l'égard de sa politique de défense. Rappelons simplement que, sous Pierre Trudeau, le gouvernement canadien a d'abord tenté de se démarquer de son voisin américain au début des années 1970, pour ensuite s'en rapprocher sensiblement au début des années 1980. Il est intéressant de souligner, pour s'en convaincre, que c'est le gouvernement de Pierre-Elliott Trudeau qui, pour la première fois, a autorisé les essais de missiles de croisière en territoire canadien, en 1983.

Rappelons également que le premier ministre Trudeau s'était investi d'une mission de paix internationale, alors qu'au même moment il rehaussait substantiellement les budgets consacrés à la défense nationale et qu'il autorisait l'achat d'équipement sophistiqué pour soutenir la politique de défense canadienne. Je pense notamment à l'achat des CF-18 et à la première commande de nouvelles frégates destinées à la marine canadienne.

Alors qu'il siégeait sur les banquettes de l'opposition, le Parti libéral a souvent accusé le gouvernement conservateur de se montrer trop conciliant à l'endroit des États-Unis. Cela n'a pas empêché le Parti libéral de réitérer son appui aux essais de missiles de croisière en janvier dernier, et ce malgré le fait que plusieurs de ses ténors avaient déjà condamné de tels essais. Il est donc difficile de projeter quelles seront les grandes orientations du présent gouvernement en matière de défense nationale.

Il demeure que sur le plan politique, il est important de s'assurer que le gouvernement définisse rapidement les orientations d'une nouvelle politique de défense et d'une nouvelle politique des affaires étrangères qui soient crédibles, précises et réalisables.

Le temps n'est plus à l'énumération stérile de voeux pieux comme le livre rouge s'est employé à le faire jusqu'à présent. Le Parti libéral est maintenant au pouvoir. Il doit prendre ses responsabilités et cesser de donner l'impression de consulter, de façon à gagner du temps. Le principe de la consultation est éminemment louable, soit, mais il ne dispense pas le gouvernement de son obligation de faire connaître ses intentions et les


1482

lignes directrices des politiques qu'il entend mettre de l'avant. Toute discussion n'a de valeur que si elle repose sur des bases solides.

La Chambre des communes en est maintenant à son troisième débat d'urgence sur des questions qui ne sont aucunement appuyées par une politique franche et concrète en matière de défense nationale. Pire encore, ces débats ne semblent pas vouloir déboucher sur une politique bien définie.

Une telle attitude est tout à fait inappropriée. Il importe, à ce stade-ci du débat, de dénoncer le recours à un débat spécial sur la politique nationale de défense alors que le gouvernement n'a pas encore dévoilé son nouveau livre blanc en matière de défense.

(1225)

Qu'il me soit également permis de m'interroger sérieusement sur la pertinence, tant du point de vue du fonctionnement que du point de vue budgétaire, de la création d'un comité mixte de la Chambre et du Sénat chargé d'étudier et de définir les orientations d'une nouvelle politique de défense pour le Canada.

Puisqu'un comité permanent de la Chambre est déjà mandaté pour se pencher sur les questions relatives à la défense, nous considérons qu'un comité mixte ne pourrait que faire double emploi, avec tous les inconvénients que cela comporte du point de vue de l'efficacité pratique et de l'efficience budgétaire. Le gouvernement, pensons-nous, doit faire l'économie de ces pratiques coûteuses qui ne sont destinées qu'à démontrer l'utilité et justifier l'existence du Sénat au Canada. Ce seul constat devrait nous amener à nous interroger sur la pertinence du maintien de cette institution vétuste et poussiéreuse.

[Traduction]

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Monsieur le Président, je voudrais dire un ou deux mots sur la déclaration du député de Verchères; j'aimerais également lui poser une question.

Premièrement, il a dit que le présent débat était le troisième en 100 jours sur les forces armées, et cela n'a pas l'air de lui plaire. J'ai l'impression qu'il y a beaucoup de Canadiens, et de députés de cette Chambre, qui trouvent par contre que c'est une très bonne chose. Je sais, en tout cas, que les membres des forces armées se réjouissent qu'on parle de leur métier. Trois débats en 100 jours sur la défense nationale, c'est plus que nous n'avons eu en cette enceinte, sur le sujet, ces dix dernières années. Je pense que c'est une bonne chose.

Deuxièmement, le député nous reproche de parler de politique de défense avant d'avoir adopté une nouvelle politique en la matière. Je lui rappellerais que, dans le cas de la Bosnie, nous participons aux opérations de maintien de la paix parce que le maintien de la paix s'inscrit dans notre politique de défense; quant à savoir si nous devons retirer nos forces de maintien de la paix d'un endroit donné, cela relève d'une décision opérationnelle prise à l'échelle nationale, et non d'une décision politique.

Pour ce qui est des missiles de croisière, le ministre a dit clairement, le 3 février, en réponse à une question qui lui avait été posée, que nous avions accepté de participer aux essais de ces missiles mais que nous avions prévenu le gouvernement américain qu'à l'avenir notre accord serait donné en fonction de notre politique de défense. Ses propos à ce sujet sont donc injustes.

J'ai une question à poser. Le député prétend que nous essayons de gagner du temps. Dans le livre rouge, nous avons dit que nous publierions un Livre blanc sur la défense, d'ici la fin de l'année. C'est ce à quoi nous nous employons. C'est clair. On en a parlé il y a plusieurs mois, presque six pour être précis. Le député enchaîne en disant que ça ne va pas, qu'on ne peut pas prendre de décisions tant qu'on n'a pas une nouvelle politique et que ça ne se fait pas à la légère. Puis il ajoute que nous essayons de gagner du temps et finit par dire que, de toutes façons, il faut réduire le budget de la défense de 25 p. 100.

Le député doit choisir entre adopter une politique qui guidera nos décisions et réduire le budget de 25 p. 100. On ne peut faire les deux à la fois.

[Français]

M. Bergeron: Monsieur le Président, à écouter mon honorable collègue, j'ai l'impression d'avoir dit beaucoup de choses que je n'ai pas du tout prononcées. Tout d'abord, je voudrais dire que j'ai pris la peine de préciser que ce genre de débat est éminemment souhaitable et louable, mais qu'on ne peut discuter simplement pour discuter. Pour pouvoir avoir une discussion le moindrement productive, encore faut-il avoir des documents, des orientations sur lesquels on peut axer cette discussion-là.

Lorsque nous avons tenu notre débat sur le maintien des Casques bleus canadiens en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, puis le débat sur l'autorisation des essais de missiles de croisière en territoire canadien, on a émis, de ce côté-ci de la Chambre, la critique suivante-pas une critique sur la nature même du débat et sur la pertinence du débat-, mais sur le fait que ce débat se tenait avant que le gouvernement ait fait connaître sa politique d'ensemble ou ses intentions générales quant à la politique de défense du Canada.

Mon honorable collègue a tout à fait raison de dire que la question des missiles de croisière et la question des Casques bleus font partie de la politique générale de défense du Canada. Alors, pour nous, c'était tout à fait illogique de procéder à l'inverse et, comme je le disais, à ce moment-là, de mettre la charrue devant les boeufs en discutant d'aspects bien spécifiques de la politique de défense, avant même de discuter de la politique de défense dans son ensemble.

(1230)

Ayant émis ces critiques, on aurait cru que le gouvernement aurait compris quelque chose. Eh bien non! Il nous revient aujourd'hui avec le débat sur la politique de défense du Canada, sans aucune orientation ou ligne directrice, si ce n'est le petit document qui nous a été remis ce matin même.

Je pense que ce document aurait dû nous être remis beaucoup plus tôt, de façon à ce qu'on puisse savoir quelles étaient les interrogations et les préoccupations du gouvernement quant à la politique de défense. Il nous remet cela ce matin! Comment


1483

peut-on faire un débat le moindrement sérieux dans de pareilles conditions? C'est cela que je critiquais par rapport au débat d'aujourd'hui, pas la pertinence du débat comme tel, mais la façon dont il se déroule.

[Traduction]

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole et je dois aussi souligner que je suis ravi de constater que nous avons tenu trois débats sur la défense nationale en 100 jours, au Parlement, soit plus que nous n'en avions tenu en dix ans auparavant. J'en suis très content et je suis convaincu qu'il en est de même pour les autres députés et pour les membres des forces armées. Je considère que c'est très positif.

Ensuite, en ce qui concerne le sujet dont nous sommes saisis aujourd'hui, je voudrais souligner que c'est la première fois, si ma mémoire est bonne, que les parlementaires s'interrogent, écoutent ce que les Canadiens ont à dire et s'apprêtent à définir leur politique de défense. Sauf erreur, il n'y a jamais eu de Livre blanc pour faire suite aux travaux d'un comité parlementaire. Je trouve que la façon dont on entend procéder est la bonne, au lieu de laisser des gens élaborer en cachette des documents dont on ne peut être certain qu'ils feront l'affaire. C'est vraiment ainsi qu'on élabore un Livre blanc.

En commençant, permettez-moi de décrire un peu la démarche que je compte adopter pour faire valoir mon point de vue aujourd'hui. Je vais d'abord revoir comment nous avons élaboré les politiques de défense au Canada jusqu'à maintenant. Je m'arrêterai ensuite sur les facteurs qui ont changé et qui peuvent nous pousser à repenser la façon dont nous élaborons ces politiques. Enfin, compte tenu du temps dont je dispose, je donnerai des exemples des discussions d'ordre général que nous aurons à cette fin.

Jusqu'à maintenant, de nombreux facteurs ont influé sur le mode de planification en matière de défense au Canada. Bon nombre de ces facteurs ne peuvent changer. Nous devons d'abord tenir compte de l'évolution politique du Canada et, dans une certaine mesure, de notre sentiment de dépendance postcolonial-dont nous nous sommes un peu affranchis par suite de notre participation à la bataille de la crête de Vimy mais qui a persisté pendant quelques années ensuite-, de nos vastes étendues et de nos grandes distances-notre pays vient au deuxième rang pour sa superficie, il est bordé par trois océans, il possède le plus long littoral et son voisin immédiat est la plus grande puissance au monde-et, surtout, de notre culture politique bizarre et de son influence sur notre mode de gouvernement.

La formulation d'une politique au Canada n'est jamais simple ni facile. À mon avis, la politique de défense a rarement été une orientation stratégique planifiée ou l'élément pleinement intégré d'un but et d'un objectif nationaux.

Pendant plus de 40 ans, le Canada a défini sa politique de défense en fonction de la guerre froide. C'est ce qui a guidé nos choix de priorités et nos décisions.

Le Livre blanc de 1964 partait du principe que s'il y avait une guerre, ce serait une guerre nucléaire qui ne durerait pas longtemps, d'où l'inutilité, à toutes fins utiles, des forces conventionnelles ou de réserve.

Le Livre blanc de 1971 réduisait le nombre de militaires, mais élargissait leur rôle à la protection de notre souveraineté, à la défense de l'Amérique du Nord, au soutien de l'OTAN, aux urgences nationales et aux missions de maintien de la paix des Nations Unies.

Dans le Livre blanc de 1987, des sous-marins à propulsion nucléaire, de nouveaux chars d'assaut, des bases dans le Nord et des bases d'opérations avancées pour les F-18 étaient jugés essentiels à notre défense. Ce Livre blanc arrivait peu avant la fin de la guerre froide.

(1235)

Le concept de force totale, où des forces de réserve complétaient les forces régulières, y était aussi envisagé.

Le dernier énoncé de politique publié par un ministre de la Défense, en septembre 1991, apportait des précisions utiles et longtemps attendues à un changement d'orientation. Si l'on s'arrête à ses grandes lignes, ce document constituait davantage une rationalisation de décisions déjà prises au fil du temps qu'un réexamen sérieux des fondements d'une future politique et de futurs plans.

Nos points de référence ne sont plus les mêmes. Il est maintenant temps d'évaluer la politique à la lumière des changements survenus et, de là, prendre les décisions qui sont dans l'intérêt de la nation.

Tout d'abord, nous vivons à une époque de changements technologiques que l'on pourrait à juste titre appeler une deuxième révolution industrielle. Les progrès en micro-électronique, en génie génétique, en technologie des matériaux, en technologie spatiale et en télécommunications ont bouleversé les modes de planification industrielle.

Si l'on tient compte des grandes tendances observées dans les domaines de l'environnement, des droits de la personne, de la démographie, du commerce et de l'économie, on ne peut faire autrement qu'arriver à la conclusion qu'il faut renoncer à notre vision traditionnelle statique de la planification des programmes de défense.

Je crois aussi que le concept de sécurité nationale change. Aujourd'hui, il faut reconnaître que la puissance d'une nation n'est plus, comme autrefois, proportionnelle à sa puissance militaire. De nos jours, le pouvoir relatif des pays est déterminé par le jeu de plus en plus complexe de facteurs économiques et militaires, et par la fragilité des systèmes politiques modernes.

Les nouvelles démocraties en Europe de l'Est, par exemple, en Amérique latine et ailleurs ne feront qu'accroître la stabilité dans leurs régions respectives si elles sont perçues comme étant capables de régler elles-mêmes leurs problèmes internes.

Dorénavant, la sécurité nationale aura peut-être autant à voir avec les questions environnementales et la capacité d'un pays de se nourrir qu'avec la taille, la nature et la structure de ses forces


1484

armées qui sont là pour répondre à un besoin traditionnel, soit le maintien de la souveraineté territoriale et de la sécurité.

Le déversement de pétrole de l'Exxon Valdez au large de l'Alaska me vient à l'esprit, de même que la collision qui s'est produite au début de la présente décennie entre deux sous-marins nucléaires, un américain et un russe, près de la base navale russe dans l'Arctique. Dans ce dernier cas, certains experts ont soutenu que, si l'angle de la collision entre les deux sous-marins avait été différent, les deux auraient pu couler instantanément sans pouvoir arrêter leurs réacteurs nucléaires.

Le développement économique et social, qui a toujours été considéré comme important du point de vue de l'intérêt national, est devenu important aussi du point de vue de la planification militaire en cette époque où les États luttent pour obtenir leur indépendance, pour protéger leurs marchés et pour s'assurer l'accès à des ressources vitales pour leur économie.

Par exemple, l'interruption des exportations de pétrole du Moyen-Orient a été l'un des principaux facteurs qui ont poussé le Canada à prendre les armes pour la première fois en 40 ans dans le golfe Persique en 1992.

De la même façon, la préoccupation des Canadiens de ma province et de toute la région atlantique au sujet de la survie des stocks de morue du Nord pourrait fort bien les pousser à faire appel aux forces maritimes pour contrer les bateaux étrangers qui font de la surpêche sur le nez et la queue des Grands Bancs.

Le député de Labrador a parlé de cette question ce matin et d'autres impératifs nationaux dont il faudra tenir compte. Je ne m'étendrai donc pas sur le sujet.

Je voudrais maintenant jeter un coup d'oeil sur la scène internationale. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y avait 60 pays reconnus dans le monde. Par suite des révolutions, de la décolonisation et, plus récemment, de l'éclatement de certains pays, nous nous retrouvons aujourd'hui, moins de 50 ans plus tard, avec trois fois plus de pays.

Dans ces 180 pays, on compte 4 000 langues et autant de religions. Ce qui est intéressant au sujet de la composition des pays, c'est qu'elle est à l'origine de la tendance que nous voyons aujourd'hui. Ainsi, 60 de ces pays ont une population d'un million d'habitants ou moins, et 40 en ont une de moins de 200 000 habitants, ce qui est inférieur à la population de la plupart des petites provinces canadiennes.

(1240)

Mais surtout, et il y a là un lien avec l'argument que je fais valoir, moins de 10 p. 100 de ces pays ont une population homogène du point de vue ethnique et moins de 5 p. 100 comprennent un groupe ethnique représentant plus de 75 p. 100 de la population.

À mon avis, les pays se morcellent de l'intérieur, au point d'être composés de très petits groupes ethniques et religieux.

Depuis quatre ans et demi, nous avons participé, dans le monde et au Canada, à plus d'opérations de maintien de la paix qu'au cours des 40 dernières années. Compte tenu de la tendance dont j'ai parlé précédemment et de l'intolérance croissante que les différents groupes religieux, sociaux et ethniques manifestent les uns envers les autres, je crois que la portée, le nombre et la complexité des opérations de maintien de la paix s'accroîtront.

Prenons certains exemples très simples. Nous sommes intervenus au Cambodge en raison de l'instabilité politique, en Somalie parce que la population n'arrivait plus à se nourrir, et dans l'ancienne Yougoslavie à cause des guerres ethniques. Les Canadiens se demandent pourquoi. Voilà certains des aspects qui seront traités dans notre politique de défense.

La réponse, c'est tout simplement que le Canada est un important partenaire commercial à caractère multiculturel et qu'il est dans notre intérêt d'investir nos ressources nationales pour assurer une plus grande stabilité à l'échelle mondiale.

L'incertitude concernant le nouvel ordre mondial qui émergera après 45 ans d'une guerre froide relativement stable a aussi des répercussions sur la notion traditionnelle de sécurité nationale. On remarque généralement des tendances historiques. Il y en a certainement eu depuis que je suis né.

L'exemple le plus récent que je puisse donner, c'est qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il a fallu quelques années pour qu'on remarque une tendance concernant la guerre froide et pour que les alliances politiques et militaires de l'Est et de l'Ouest se polarisent de part et d'autre du Rideau de fer. Il y a eu le Pacte de Varsovie d'un côté, et celui de l'OTAN de l'autre. La guerre froide est maintenant terminée, les mécanismes de sécurité que nous avons toujours connus sont remis en question et nous attendons de voir ce qui les remplacera tôt ou tard.

Outre les alliances traditionnelles, la situation au Moyen-Orient a évolué. Les tendances commerciales ont changé, et nous ne savons pas trop ce qui les remplacera. Nous sommes encore en train de nous habituer à l'idée d'une seule superpuissance et à ce qu'elle signifiera pour l'issue des conflits régionaux, quoique la récente guerre du golfe Persique illustre bien comment on pourrait réagir lors de futurs conflits.

Ce qui se passe au Moyen-Orient se répercutera à bien des égards sur l'Europe et sur les perspectives d'ordre mondial que l'on peut entrevoir pour les décennies à venir. On peut dire la même chose pour l'Asie, où les équilibres de puissance en changement influent sur les positions de la Chine et du Japon de même que sur les petits tigres économiques comme la Corée et Taïwan.

Et puis, surimposée à tout cela, il y a bien sûr la nécessité impérieuse de rénover les mécanismes de fonctionnement des Nations Unies. Il n'est sans doute pas nécessaire d'entrer dans les détails pour faire comprendre cette nécessité aux députés présents à la Chambre.

Jusqu'à ce qu'une nette tendance se dessine, ce qui, à en juger par l'histoire, devrait se faire d'ici quelques années, il peut s'avérer très risqué de prendre des décisions précipitées sur des programmes de services de défense pour une période de quinze ans en se fondant sur une politique de défense désuète remontant à il y a cinq ans.


1485

Une autre considération me vient à l'esprit, à savoir la nécessité de réduire immédiatement les budgets de défense en répondant à ces facteurs de changement en fonction des pressions nationales. Avec la disparition d'ennemis identifiables, nous n'avons pas de Pacte de Varsovie, pas d'Union soviétique identifiables. Avec la disparition d'un ennemi perçu comme tel, les partisans du financement de la défense au Canada et à l'étranger diminueront par l'effet d'un ordre naturel et de tendances naturelles, tandis qu'augmenteront les appels en faveur des dividendes de la paix et de la conversion de la force militaire.

(1245)

L'Alliance canadienne pour la paix, par exemple, demande déjà que le budget soit amputé de moitié. Des journaux nationaux publient encore des éditoriaux disant qu'il est important de définir les paramètres industriels et les impératifs nationaux concernant la conversion des industries de défense. La conversion de ces industries est le grand sujet de débat aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Je vois des députés qui hochent la tête. Ils ne sont peut-être pas d'accord, mais je crois qu'il faut aborder la question en procédant à une revue en bonne et due forme de notre politique de défense.

Pour me résumer, je dirai que maintenant, il est particulièrement important d'asseoir notre politique de défense sur une très solide compréhension de la situation mondiale, très complexe. Nous donnons à la notion de sécurité nationale un sens plus large et nous voulons canaliser nos efforts pour nous éloigner des méthodes traditionnelles au nom de l'efficacité. Je le répète, le fait que le Livre blanc soit l'oeuvre de comités politiques, de parlementaires qui étudieront les questions, montre bien, selon moi, que nous avons accepté de rompre avec les méthodes séculaires.

Le Canada cherche la paix. Après tout, c'est ce que vise notre intérêt national. Notre objectif national est de promouvoir un environnement international plus stable, comme je l'ai dit plus tôt. Le rôle de nos forces armées est de défendre notre pays et de contribuer à préserver la paix et la stabilité dans le monde entier. Notre politique de défense doit appuyer ces objectifs.

L'efficacité exige que notre démarche se fonde sur une perception claire qui tienne compte à la fois des réalisations du passé et des dangers qui persistent à l'heure actuelle.

Sir John Hackett, éminent écrivain et personnalité militaire fort respectée, a dit un jour: «Quand une société examine ses forces armées, c'est comme si elle se regardait dans un miroir et, si le reflet qu'elle obtient est fidèle, elle se voit telle qu'elle est.»

Nos forces armées se sont toujours acquittées admirablement de leurs devoirs. Leur réputation de professionnalisme n'est plus à faire, quelle que soit la mission militaire: participation à l'OTAN, maintien de la paix, protection civile, recherche et sauvetage et que sais-je encore.

Notre examen de la politique de défense du Canada doit être rigoureuse, afin que, lorsque nos jeunes gens en uniforme sont affectés à une opération et envoyés au diable vauvert, comme c'est le cas d'un grand nombre aujourd'hui, leur gouvernement et leur patrie sachent que leur présence là-bas est nécessaire et qu'ils ont tout l'équipement et le soutien logistique dont ils ont besoin pour s'acquitter de leur tâche du mieux qu'ils peuvent dans les circonstances.

Bref, quelle que soit notre politique de défense, nos décisions doivent obéir à trois critères: engagement, objectif et prudence.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, j'ai écouté avec attention le discours de mon collègue. Il y a une question cependant qu'il ne semble pas aborder dans toute la révision que l'on fait de la politique de défense du Canada, et donc de l'armée canadienne, et c'est celle concernant la langue de travail au sein des forces armées.

Je sais que l'ex-ministre, M. Masse, du temps des conservateurs, avait déploré le fait que le français était fort peu utilisé dans les forces armées et que les promotions de francophones étaient fort limitées, justement du fait du peu d'utilisation du français.

Je sais que dans mon comté certaines personnes qui font partie de la réserve ne peuvent recevoir de cours en français, donc n'ont pas accès à des promotions parce que le cours n'est pas accessible en français.

Donc je me demande si le gouvernement va considérer cette question de la révision de l'ensemble du rôle des forces armées, et donc du fonctionnement des Forces armées canadiennes. J'aimerais l'entendre à ce propos, parce que la situation me semble assez déplorable au moment où on se parle.

(1250)

[Traduction]

M. Mifflin: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Qu'elle s'applique ou non à la discussion que je viens tout juste d'avoir importe peu, je suppose. Je conviens avec lui qu'il faudrait examiner cet aspect de la politique. Je n'en ai pas parlé, mais il comprendra qu'il est impossible, en vingt minutes, d'épuiser le sujet.

Sa question me semble juste. En réponse, je vais lui dire quelque chose que le premier ministre n'a pas dit. Je suis sûr qu'il sera d'accord, même si je ne l'ai pas consulté.

Il n'y a pas de vaches sacrées. Nous ne tenons rien pour acquis en ce sens. Il y a, bien entendu, certains paramètres à respecter. Je parle en général, et d'après mon expérience personnelle. Des progrès considérables ont été réalisés dans ce domaine, mais d'autres restent à faire.

Je donnerai au député un exemple d'un projet qui est en cours dans sa province et qui concerne la force de réserve, soit un centre d'excellence de la réserve navale. Comme il le sait, le quartier général des réserves navales est situé à Québec et ce centre d'excellence sera utilisé pour l'entraînement des réservistes, pour veiller à donner aux membres des forces navales que


1486

l'on a tendance à poster sur la côte est et sur la côte ouest la possibilité de travailler dans leur langue seconde.

Ce n'est qu'un exemple des efforts qui se font à la Défense nationale. Pour en revenir à la question du député, je suis sûr qu'on examinera cet aspect de la politique.

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, je félicite le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale pour l'éloquence avec laquelle il a défendu le ministère de la Défense nationale.

Deux bases des forces armées se trouvent à la limite de ma circonscription: la BFC Namao et la BFC Edmonton. Le ministre de la Défense nous a dit ce matin qu'il allait y avoir des réductions. Je peux comprendre que des réductions soient nécessaires, mais voilà que nous débattons ce matin de la nécessité d'un examen de la politique de défense. Je crains fort que le ministre n'ait l'intention d'apporter de sérieuses réductions aux établissements de la défense.

Avant même d'entamer l'examen, ou au moment où celui-ci commence, la BFC Edmonton compte parmi son personnel environ 2 800 militaires, en plus d'un très grand nombre de civils. C'est elle qui sert de base pour les opérations de recherche et de sauvetage dans le Nord. Comme je l'ai mentionné, des personnes ont perdu la vie dans l'accident d'avion qui s'est produit dans la baie Resolute, parce que nous n'avons pas été en mesure de dépêcher assez rapidement du personnel sur place pour les sauver.

Le secrétaire parlementaire peut-il plus ou moins me donner, à moi et aux habitants de ma circonscription, la garantie que, si les rumeurs voulant que la BFC Edmonton soit sur le billot sont vraies, les emplois des personnes travaillant à la base seront protégés? Il s'agit, en effet, d'un établissement important. Nous ne pouvons pas déclarer que ce que nous avons fait jusqu'ici est maintenant tout à fait superflu et que nous devons fermer complètement la base. Cette base constitue le centre des forces armées de l'Ouest du Canada et abrite de nombreuses installations d'état-major.

Le secrétaire parlementaire pourrait-il nous garantir que la BFC Edmonton sera maintenue de façon à ce que nous puissions assurer aux gens qu'ils continueront, comme ils l'ont toujours fait, de jouer un rôle essentiel dans le domaine de la défense du Canada?

M. Mifflin: Monsieur le Président, je comprends que le député soit préoccupé par les conséquences de cette décision pour ses électeurs. Je le serais moi aussi.

Je voudrais simplement répéter ce que le ministre a dit ce matin et je l'ai entendu dire à de nombreuses reprises. Nous devons insister clairement sur le fait que la rationalisation de l'infrastructure n'a rien à voir avec la politique de défense.

(1255)

Le député de Saanich-Les Îles-du-Golfe se rappellera comme moi que chaque fois qu'on parlait de réduire la force militaire, ceux d'entre nous qui portaient l'uniforme invoquaient également ce qu'on appelait une étude de l'infrastructure. Nous la remettions aux politiciens, car nous savions qu'ils ne réduiraient jamais l'infrastructure. Il était politiquement dangereux de se livrer à la rationalisation de l'infrastructure.

Nous, tous les politiciens-je suis maintenant un de ceux-là-ne pouvons plus agir ainsi. Notre infrastructure actuelle comptait auparavant 130 000 personnes, alors qu'il n'en reste plus que 75 000. Nous pouvons peut-être nous permettre un déficit de plus ou moins 10 ou 20 p. 100, mais pas de 100 p. 100. La capacité de l'infrastructure est le double de l'effectif des Forces canadiennes. Nous ne pouvons pas justifier cela. Nous ne pouvons pas accepter cela et réduire en même temps les moyens opérationnels des forces armées. Ce ne serait pas juste pour les Canadiens et Canadiennes en uniforme.

Nous disposons actuellement de moyens opérationnels qui servent essentiellement à envoyer un groupe opérationnel en mer, deux escadrons d'avions de chasse et un groupement tactique à l'étranger. Nous voulons honorer les engagements que nous avons pris dans le livre rouge tout en respectant nos engagements opérationnels, jusqu'à ce que nous déterminions nos engagements à venir dans un examen de la politique de défense.

Le député sait qu'il m'est impossible de commenter la question qu'il m'a posée. J'espère que la vue d'ensemble que je lui ai donnée lui permettra de situer le problème dont nous discutons aujourd'hui, ainsi que la nature de l'examen de la politique et les décisions qu'il faudra prendre auparavant à l'égard del'infrastructure.

[Français]

M. Maurice Godin (Châteauguay): Monsieur le Président, j'écoute depuis un certain temps mon collègue d'en face sur cette question de la défense. Je dois dire sincèrement que je me questionne beaucoup quant à la formation de ce nouveau comité, parce que je ne peux trouver aucun élément qui pourrait justifier la nécessité de ce nouveau comité qu'on veut mettre en place.

On nous disait tout à l'heure qu'on était heureux, car c'est la troisième fois qu'on en parle en 100 jours. Pour ma part, je prétends que ce n'est pas un gage de résultat, du fait qu'on en parle pour la troisième fois. Avec une meilleure préparation, on aurait peut-être pu n'en parler qu'une fois.

Également, on parle beaucoup de la façon de procéder de ce gouvernement, qui consulte avant d'agir. Je suis bien d'accord que l'on consulte les députés, mais lorsqu'il s'agit d'implanter un comité, dont on ne connaît pas encore les coûts, on se doit d'y regarder de plus près. Un confrère tout à l'heure parlait du cirque de Charlottetown, qui a coûté, on le sait, plusieurs millions de dollars.

Quant à moi, ce qui me chicote un peu, en plus des coûts, c'est qu'on cite beaucoup le livre rouge. À ce qu'il semble, le livre rouge a toutes les solutions possibles à la gestion du gouvernement. Dans ce cas, pourquoi ne pas appliquer tout simplement le livre rouge dès le départ; que le gouvernement l'applique, et on sera en mesure de juger. Peut-être qu'on n'aura pas besoin de ce comité, qui va se promener d'un bout à l'autre du Canada.

De plus, on parle de coupures, de rationalisation. Alors, qu'est-ce qu'on va faire? On va se promener à travers le Canada pour aller chercher des suggestions, sans savoir si on va disposer, tout à l'heure, des montants, de l'argent nécessaire, du budget voulu pour les appliquer.

Donc pour résumer, j'aimerais demander à mon confrère combien, d'après lui, ce comité va coûter? Et qu'est-ce que cela va


1487

nous apporter de plus? D'autant plus qu'il y a à peine une semaine ou 15 jours, on s'opposait justement au fait que nous, du Bloc québécois, avions recommandé la formation d'un comité pour étudier toutes les dépenses gouvernementales qui se font ici. Et on trouvait que cela n'était pas nécessaire, parce qu'on avait tous les éléments nécessaires au sein de ce gouvernement pour faire ce travail.

(1300)

Je pense qu'aujourd'hui ce n'est pas simplement un comité additionnel que l'on veut, mais on veut se promener un peu partout à travers le Canada pour aller voir ce que les gens en pense. On vient de sortir d'une élection. Qu'ils appliquent donc, en premier, leur livre rouge, et ensuite on verra si on a besoin de plus.

[Traduction]

M. Mifflin: Monsieur le Président, je crois que je vais manquer de temps. Puis-je avoir le consentement unanime de la Chambre pour répondre à la question? Ce ne sera pas long.

Le président suppléant (M. Kilger): Le secrétaire parlementaire a encore du temps devant lui pour répondre. S'il dépasse la limite du temps de parole qui lui est accordé, nous prendrons alors sa requête en considération.

M. Mifflin: Monsieur le Président, le député avait plusieurs questions, mais je crois qu'il voulait essentiellement savoir pourquoi nous avons besoin de ce comité. Mon collègue fait sans doute référence au comité mixte car je ne pense pas qu'il s'opposerait à ce que le comité permanent de la défense soit chargé d'examiner la question de la défense. Aussi, je présume qu'il s'interroge sur la justification d'un comité mixte.

La position du Bloc ne me paraît pas claire. Il y a une semaine ou dix jours je me trouvais à la Chambre et le Bloc a demandé la création d'un comité chargé d'examiner les activités du vérificateur général. Le Bloc revendique la création de certains comités, mais par ailleurs il s'oppose à la création de comités chargés d'examiner une question aussi importante que nos activités de défense.

Mon collègue me demande pourquoi nous n'appliquons pas tout simplement le livre rouge? C'est précisément ce que nous faisons, puisque le livre rouge prévoit la tenue d'un examen de la politique de défense d'ici la fin de l'année. C'est ce que nous faisons et cela ne devrait surprendre personne.

Le Bloc parle de temps de préparation. Mon Dieu, des gens ayant leurs connaissances ne devraient normalement pas avoir besoin de beaucoup de temps pour se préparer à examiner une question comme la politique de défense. Dieu sait que les députés du Bloc ont abondamment parlé de cette question durant la campagne électorale; ils ont donc dû avoir amplement le temps de se préparer à aborder un sujet général comme celui-là. Il ne s'agit pas d'une question précise. N'importe quel député peut parler d'une question qui se rapporte à l'examen de la défense. Franchement, je n'éprouve pas beaucoup de sympathie pour ce genre de problème.

Je voudrais néanmoins répondre à la question de fond. Le député voulait savoir comment le secrétaire parlementaire et le ministre peuvent favoriser la création d'un comité mixte. Je lui donnerai la réponse. Elle est simple.

Autrefois, à l'époque des méthodes traditionnelles de défense dont je parlais, la planification de la défense était relativement simple. Il s'agissait d'identifier l'ennemi. Il suffisait de regarder de l'autre côté de l'océan, de l'autre côté de la Chambre ou dans les airs pour identifier un ennemi possible. Une fois l'ennemi identifié, il fallait évaluer ses capacités. Nous avons maintenant des satellites qui, dans une orbite de 200 milles, peuvent non seulement lire un numéro de plaque minéralogique, mais en préciser les pigments de la peinture. Nous savions donc à peu près ce que possédait l'ennemi. Nous avions identifié l'ennemi, nous connaissions ses ressources.

Nous devions alors savoir quelles étaient ses intentions. Allait-il lancer des missiles balistiques par surprise? Allait-il envoyer une force de débarquement dans l'Arctique? Quelles étaient ses intentions?

Il est plus difficile de prédire des intentions que d'identifier l'ennemi et connaître ses ressources. Si un pays possède des forces supérieures à ce qu'il est justifié et raisonnable d'avoir pour sa propre défense, on peut en conclure qu'il n'a pas l'intention de s'en tenir à sa propre protection, qu'il a l'intention d'attaquer. Selon que sa capacité de défense excède fortement ou rien qu'un peu le niveau raisonnable, on peut déterminer plus ou moins à quel point ses intentions sont belliqueuses.

Maintenant que nous ne pouvons plus identifier l'ennemi, nous ne pouvons plus connaître ses intentions. Nous ne savons plus rien des ressources qu'il possède. Maintenant que nous en sommes là, parce que la guerre froide est terminée, nous ne pouvons plus que progresser à tâtons. Nous ne savons plus comment réagir.

(1305)

Cependant, comme beaucoup de députés le savent bien, nous pouvons encore amener des hommes et des femmes raisonnables à examiner ensemble une situation marquée par l'incertitude. Étant donné les circonstances, plus ils seront nombreux au sein d'une institution, c'est-à-dire le Parlement dans le cas qui nous occupe, à se pencher sur le problème, plus on aura de chances de porter un jugement équilibré sur la situation.

En amenant les deux Chambres du Parlement à travailler ensemble, nous obtenons d'une part le point de vue des députés, qui constituent un groupe représentant une certaine tranche d'âge, une certaine idéologie et un certain engagement, parce qu'ils veulent se faire bien voir et être réélus; d'autre part, nous obtenons la participation de la Chambre haute, ce qui donne une tout autre dimension aux facteurs que je viens d'énumérer.

Les salaires doivent être payés de toute façon. Le coût des déplacements représente une somme tellement minime que c'est sans conséquence.


1488

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord m'excuser auprès d'un de mes électeurs. Je suis venu dans cette enceinte aujourd'hui en étant certain que nous obtiendrions l'appui unanime de tous les députés de tous les partis relativement à cet examen de notre politique de défense. Ainsi, je voudrais présenter des excuses à cette personne de Penticton qui n'avait dit que chaque fois qu'elle regardait la Chaîne parlementaire, elle ne voyait jamais rien de constructif. Je pensais que ce serait différent aujourd'hui. J'espère que mes observations seront constructives car j'appuie cet examen de la politique de défense du Canada.

Il se fait attendre depuis longtemps. Même si de temps à autre, on met plus l'accent sur un aspect plutôt qu'un autre et on aborde les questions de façon quelque peu différente, il n'en demeure pas moins que cette politique ressemble beaucoup à ce qu'elle était il y a 30 ans. Je souscris donc à cette motion.

J'attends avec impatience de pouvoir étudier les documents d'orientation dont il est question dans la motion que le ministre a déposée ce matin, afin de connaître exactement la portée de nos travaux.

Je tiens en outre à féliciter le gouvernement de se servir de notre système de comités pour entreprendre une étude aussi importante de notre politique. L'utilisation efficace des comités constitue un excellent moyen pour un député de présenter le point de vue de ses électeurs dans le cadre de l'élaboration d'une politique de défense nationale.

En tant que membre du Comité permanent de la défense nationale, il me tarde de m'attaquer à la tâche qui nous attend, car je sais que nous pourrons compter sur la vaste expérience des membres du comité sur les plans militaire, universitaire et commercial. J'appuie également la formation d'un comité mixte. En effet, la plupart des membres du comité viennent de l'Est du pays et seuls quelques-uns pourront défendre le point de vue de l'Ouest. On peut espérer que les cinq sénateurs membres du comité pourront ainsi représenter cette région du pays.

Les travaux de ce comité mixte seront extrêmement importants. Trois questions me viennent à l'esprit et je suis persuadé que de nombreux Canadiens se les posent également. Premièrement, nos forces actuelles sont-elles bien adaptées à cette période suivant la guerre froide? Deuxièmement, avons-nous les moyens militaires de respecter nos engagements internationaux? Et troisièmement, les crédits que nous consacrons à la défense sont-ils bien dépensés? Ce sont là des questions auxquelles tous les Canadiens voudraient une réponse.

Je me rappelle que durant la campagne électorale, alors que je me trouvais dans la ville de Keremeos, dans ma circonscription, un homme s'est levé dans le fond de la salle pour dire qu'il ne croyait pas à la nécessité d'avoir des forces armées au Canada et qu'il ne voyait pas pourquoi il devrait payer des impôts pour encourager des gens à aller se battre à la guerre. Je lui ai demandé alors s'il connaissait le rôle de nos militaires. Je voulais savoir s'il s'opposerait, par exemple, à ce qu'ils participent à une opération ayant pour but de capturer des gens déchargeant des cargaisons de cocaïne sur nos côtes pour vendre cette drogue à nos jeunes et si, en cas de naufrage, il ne voudrait pas que les responsables des opérations de recherche et de sauvetage en poste sur l'île de Vancouver viennent à sa rescousse. Je lui ai demandé s'il serait encore contre cette politique à ce moment-là. Je lui ai demandé enfin s'il s'opposerait à ce que des militaires veillent à ce que d'autres pays ne viennent pas menacer notre souveraineté ou piller nos ressources naturelles, comme le font aujourd'hui les services de patrouille des pêcheries.

(1310)

Je ne crois pas que les Canadiens prennent vraiment le temps de réfléchir au rôle des militaires canadiens et à l'importance réelle de ce qu'ils font. À mon avis, c'est une lacune dont les Forces canadiennes sont en partie responsables car elles n'ont jamais fait connaître à tous les Canadiens exactement quels rôles elles jouent. C'est certainement un aspect que nous devons examiner. Il s'agit là de questions fondamentales et le comité devra s'en occuper.

J'ai un peu d'expérience militaire. J'ai passé quelque temps dans la Marine royale du Canada au début des années 1970 et je me souviens qu'à cette époque on n'améliorait pas le matériel. Nous faisions de notre mieux avec le matériel à notre disposition, mais le gouvernement ne consacrait aucun fonds à la modernisation du matériel.

Je me souviens d'un cas précis alors que j'étais en service sur un navire, à Esquimalt sur la côte ouest. Nous avons été appelés parce qu'un destroyer russe passait au large de la côte de la Colombie-Britannique; notre tâche était de le suivre et de veiller à ce qu'il ne fasse rien de répréhensible.

Nous avons alors constaté que ce destroyer était bien plus équipé que notre navire. Technologiquement, il était très évolué et nous ne pouvions même pas le suivre à cause du type de navires que nous avions à cette époque.

Le capitaine du navire s'est tourné vers l'un des maîtres d'équipage et lui a demandé d'aller chercher le boulier de bingo dans le mess des matelots de première classe. Tout le monde se demandait de quoi il parlait mais le maître d'équipage fit ce qu'il lui avait demandé et remonta avec cette boîte munie d'une poignée et dans laquelle on met les boules de bingo. Ordre fut donné de la hisser en haut du mât. Tout le monde se demandait où le capitaine voulait en venir. Après l'avoir admirée, il se frotta les mains et déclara que le destroyer allait en prendre des photos pendant les deux heures suivantes et qu'il passerait trois semaines à essayer de trouver ce que c'était.

Ce que je tente de démontrer c'est que même si nous n'étions pas toujours bien équipés, nous savions nous adapter à n'importe quelle situation.

J'aimerais aborder un sujet dont personne n'a encore beaucoup parlé aujourd'hui, à savoir le personnel militaire et comment nous allons arriver à faire face aux besoins avec les forces armées que nous aurons. J'aimerais parler en particulier du concept de la force totale, qui a été introduit en 1987, et à l'élaboration duquel a participé, si je ne m'abuse, le député de


1489

Bonavista-Trinity-Conception. Selon ce concept, les réservistes sont un élément clé de la politique de défense du Canada.

Le concept de la force totale vise à intégrer les forces régulières et les réservistes de façon à donner à ces derniers un rôle accru. Ce concept a également pour but de maintenir notre puissance militaire tout en réduisant les coûts. Les réservistes, qui ne sont payés que lorsqu'ils s'entraînent ou sont en service actif, représentent donc un fardeau moindre pour le Trésor public.

Du fait que ce concept fasse davantage appel aux réservistes, leur nombre a augmenté alors que celui des forces régulières a diminué.

En 1990-1991, le Canada comptait 88 000 personnes dans les forces régulières, chiffre qui devrait passer à 75 000 en 1995-1996. Par contre, on compte aujourd'hui quelque 38 000 réservistes et, d'ici l'an 2000, ce nombre devrait atteindre 47 000.

À l'heure actuelle, les réservistes jouent un rôle de plus en plus important dans les opérations de maintien de la paix du Canada. Ils représentent une partie beaucoup plus grande des forces de remplacement qui vont remplir des missions à l'étranger.

Nous avons appris aujourd'hui je crois que la dernière rotation des troupes à l'étranger serait assurée à 50 p. 100 par des réservistes.

On s'inquiète beaucoup du fait qu'on se fie de plus en plus sur les réservistes; j'espère que le Comité mixte spécial examinera de plus près ces questions.

Depuis quelques années, on s'interroge aussi concernant le fardeau qu'on impose aux réservistes, surtout ceux qui ne possèdent pas une formation équivalente à celle de nos forces régulières.

Quand il a examiné les Forces de réserve, en 1992, le vérificateur général a souligné qu'à mesure que les réservistes montaient en grade, bien qu'ils ne soient pas le moindrement à blâmer, leur manque de formation et de compétence les désavantageait par rapport aux soldats de même grade des forces régulières.

(1315)

Il a constaté que l'expérience pratique faisait défaut chez les réservistes. Prenons, par exemple, les officiers des armes de combat qui sont admis au grade de major. Il y a une différence de 750 jours de formation entre les deux catégories.

Nous devons donc nous demander si nous mettons nos réservistes dans des situations pour lesquelles ils ne sont pas assez préparés. Face à ces inquiétudes, le Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants a recommandé en 1993 que, dans les contingents déployés dans des opérations dangereuses de l'ONU, comme en Bosnie, le nombre des réservistes ne dépasse pas 10 p. 100 de la force totale. Jusqu'à maintenant, il n'y a eu sur le terrain aucun problème dû au manque de formation et nos troupes se sont acquittées de façon satisfaisante de leurs tâches.

Tous les Canadiens devraient reconnaître l'excellent travail qu'accomplissent les Forces de réserve et encourager celles-ci à continuer de manifester le même dévouement dont elles ont fait preuve au cours de ces dangereuses manoeuvres.

Toutefois, nous devons veiller à ne pas trop exiger de nos Forces de réserve. On a exprimé de sérieuses réserves sur le niveau de préparation des réservistes. En outre, dans son rapport de 1992, le vérificateur général rapporte que le tiers seulement des réservistes se présenteraient en cas d'urgence et que nombre de ceux-là n'auraient pas la formation nécessaire. Ce comité mixte doit veiller à ce que le Canada ne sacrifie pas la préparation de ses réservistes.

Une des principales raisons pour lesquelles les réservistes ne sont pas suffisamment entraînés ni expérimentés, c'est leur manque de sécurité d'emploi dans le civil. Il est extrêmement difficile et risqué pour beaucoup de réservistes de participer à des exercices d'entraînement, car ils peuvent alors perdre leur ancienneté, leur droit à de l'avancement, leurs vacances et jusqu'à leur emploi dans certains cas. Tout cela pour servir leur pays dans les Forces de réserve.

Cette question me préoccupe beaucoup. J'ai énormément d'admiration et de respect pour les réservistes qui mettent leur emploi en jeu pour servir le Canada.

Cela constitue aussi un obstacle très important à la réalisation du concept de force totale. Le Congrès des associations de la Défense a fait remarquer récemment que ce concept ne prendra réellement forme que si l'on règle la question de la sécurité d'emploi.

Le Conseil de liaison des Forces canadiennes est préoccupé. Il s'efforce à l'heure actuelle de résoudre ce problème en faisant valoir auprès des employeurs que l'entraînement et la discipline qu'acquièrent les réservistes leur seront profitables à eux, les employeurs, et compenseront amplement pour le temps perdu par les employés.

Il faut tenir compte très sérieusement de l'argumentation et du point de vue des propriétaires d'entreprise. Après tout, cela suppose des frais additionnels et des inconvénients pour eux lorsque leurs employés réservistes sont appelés à l'entraînement ou au service actif.

Cela peut se révéler particulièrement éprouvant pour les petites et moyennes entreprises. Tout le monde ici a reconnu que ce sont les petites et moyennes entreprises qui créent les emplois au Canada. Par conséquent, un examen de la politique de défense doit tenir compte du fait qu'un certain nombre des emplois qui sont créés par les petites et moyennes entreprises seront probablement occupés par des réservistes et occasionneront donc des efforts additionnels.

Toutefois, cette politique n'a pas encore été véritablement éprouvée. À l'heure actuelle, beaucoup des réservistes en poste outremer sont des étudiants qui veulent et peuvent interrompre temporairement leurs études. Ces étudiants-réservistes devront peut-être être remplacés par des travailleurs-réservistes qui auront beaucoup plus de mal à se libérer.


1490

J'espère que ce Comité mixte spécial explorera des moyens d'encourager les employeurs à permettre aux réservistes de faire leur service au Canada. Dans beaucoup d'autres pays, la loi prévoit qu'on permette aux réservistes de prendre congé de leur travail pour s'entraîner et faire leur service sans qu'ils perdent pour autant leur emploi ni leur ancienneté. Le problème, c'est que cela risque de décourager les employeurs d'engager des réservistes. Il faudrait donc être très prudent et y penser à deux fois avant d'adopter une loi de ce genre.

Dans le cadre de cet examen de la politique de défense, on devrait envisager aussi des moyens de protéger l'emploi des réservistes appelés à l'entraînement ou dans le service actif. J'ose croire au moins qu'on donnera l'exemple au secteur privé et qu'on prendra des mesures pour protéger l'emploi des fonctionnaires qui servent activement leur pays dans les Forces de réserve. En faisant cela, nous montrerions que nous soutenons nos réservistes à qui nous demandons de jouer un rôle croissant dans notre politique de défense.

(1320)

Les Forces canadiennes ont la réputation d'une armée bien dirigée et efficace, capable de s'acquitter avec distinction et honneur des nombreuses missions qui lui sont confiées. Qu'il s'agisse de surveillance du Nord, de surveillance des pêches au large de nos côtes ou de missions de maintien de la paix dans des pays déchirés, les hommes et les femmes qui servent si bien le Canada méritent notre admiration et notre soutien. Cependant, la dette et le déficit que nous avons aujourd'hui nous obligent à tirer le maximum de l'argent des contribuables.

Dans son rapport de 1992, le vérificateur général déclarait que les problèmes découlant de la lenteur des réservistes à répondre à l'appel avaient réduit les économies possibles dans le scénario de la force totale. J'espère que le Comité mixte spécial mettra ces problèmes au rang de ses priorités.

Enfin, je voudrais parler d'un programme qui me tient beaucoup à coeur et qui est financé par le budget de la Défense, le programme national des cadets. Ce programme, auquel j'ai participé pendant plusieurs années, est un programme utile et productif qui fait naître chez les jeunes Canadiens le sens civique et la fierté nationale. Peu importe qu'ils soient de Valcartier, au Québec, du Labrador, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Saskatchewan ou de l'Alberta, les jeunes cadets suivent tous le même programme d'entraînement. Cela aide à renforcer l'unité canadienne.

Le programme des cadets devient de plus en plus populaire, mais son budget diminue. J'imagine que c'est par souci de dépenser efficacement les fonds publics. Mais combien de programmes inefficaces conservons-nous au détriment de ce programme qui permet à 65 000 jeunes Canadiens d'acquérir une formation en leadership et une éducation en civisme et de suivre des cours de conditionnement physique?

C'est là le genre de programmes que nous devrions favoriser. C'est un programme rentable d'un point de vue particulier parce qu'il est mis en oeuvre conjointement par le ministère de la Défense nationale et des organismes civils comme la Navy League of Canada, l'Army League of Canada et la Air Force League of Canada. Dans les collectivités où il y a des cadets, il existe aussi des organismes communautaires qui contribuent à leur financement. Dans ma propre collectivité, Sumerland, en Colombie-Britannique, le Club Kiwanis soutient le programme des cadets.

Le gouvernement s'est dit intéressé au sort des jeunes. Le programme national des cadets du Canada est déjà le meilleur programme du monde pour les jeunes. Au cours de l'année qui vient, il ne fait aucun doute que je ferai connaître au comité mixte le rôle important que le programme des cadets joue dans la vie des Canadiens.

Ce sont là quelques-unes des questions dont j'ai hâte de parler au cours de l'examen de la politique de défense. J'appuie la motion et je félicite le gouvernement de permettre au Comité mixte spécial de mener de vastes consultations avant de formuler ses recommandations. J'ai hâte d'entendre ce que les Canadiens ont à dire sur la question et j'espère que nous respecterons toutes les opinions émises. Je crois que la consultation publique nous permettra d'effectuer un bon examen de notre politique de défense.

[Français]

M. Bernard Deshaies (Abitibi): Monsieur le Président, j'aimerais tout d'abord remercier mon confrère du Parti réformiste pour cet excellent discours où il a su nous informer très bien sur le bon travail que les forces armées au Canada peuvent faire.

N'ayant pas parlé pertinemment sur sa prise de position d'appuyer la proposition du gouvernement visant à créer un comité spécial sur cette étude, j'aimerais qu'il me dise pertinemment pourquoi, alors qu'il existe déjà un comité sur la défense nationale ici au Parlement, un autre comité est nécessaire? Monsieur le Président, comment le député peut-il justifier ces dépenses supplémentaires? C'est sûr qu'un comité spécial va permettre au comité régulier de faire d'autre travail, mais pourquoi un comité spécial? Pourquoi ces sommes spéciales devraient-elles être allouées pour se promener à travers le Canada, alors que le Parti réformiste, à de nombreuses reprises, je pense, a demandé de diminuer les dépenses? Pourquoi le député croit-il qu'il soit nécessaire de mettre ces fonds particuliers à la disposition de ce groupe de parlementaires et de sénateurs, pour étudier une nouvelle approche, une nouvelle politique des forces armées? Comment peut-il concilier ces besoins en fonds et sa position?

(1325)

[Traduction]

M. Hart: Monsieur le Président, j'ai abordé cette question dans mon discours. Je crois que c'est important en raison de la composition du comité permanent de la Chambre. Nous avons deux membres de ce comité qui représentent l'Ouest. En ajoutant cinq sénateurs, j'espère que toutes les régions du pays seront représentées. C'est pourquoi j'appuie cette motion.

Je ne vois pas la création de ce comité spécial comme un dédoublement parce que le Sénat a son propre comité qui travaille dans ce domaine. En unissant les deux comités, nous nous trouvons en fait à réaliser des économies. C'est exactement ce dont le député parlait, c'est-à-dire s'assurer que la main droite sait ce que fait la main gauche.


1491

Je ne veux pas revenir sur des choses que j'ai déjà dites. Toutefois, sur la question des dépenses liées aux voyages qui seront nécessaires pour faire des consultations dans tout le pays, mon collègue du Parti réformiste qui siège à ce comité et moi-même tenons à dire que ces voyages au Canada devront être justifiés et que nous allons vraiment travailler durant ces voyages. Si ce n'était pas le cas, nous n'accepterions pas de nous déplacer ainsi.

M. John Richardson (Perth-Wellington-Waterloo): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le député d'Okanagan-Similkameen-Merritt de l'esprit positif avec lequel il cherche une solution au très grave problème auquel notre législature est confrontée, c'est-à-dire la crise de l'endettement. La tournure des événements dans le monde nous oblige à évaluer nos alliances et nos engagements envers elles et à examiner comment nous avons pu laisser s'éparpiller nos forces armées d'un océan à l'autre dans des bases qui n'ont plus aucun rapport avec les raisons pour lesquelles on les avait initialement établies. Il faudra examiner en toute objectivité s'il faut les fermer ou non, car cela relève souvent d'une décision politique.

Les représentants des forces armées peuvent nous parler de leurs besoins, de leurs programmes d'entraînement, de leurs effectifs et le reste. Chaque fois qu'il s'est agi de prendre des décisions, les représentants des Forces canadiennes ont su démontrer sur quel point on pouvait effectuer des compressions budgétaires sans nuire à leur efficacité.

Ce sont quelques-unes des décisions que nous aurons à prendre au nom des Canadiens de sorte que nous puissions maintenir nos forces armées solidement en mesure d'entreprendre les tâches que le gouvernement leur confie sans cesse. Leurs effectifs sont trop dispersés, car cela se trouve dicté par la nature de la politique en fonction de laquelle ont été prises les décisions politiques concernant les bases.

À l'instar du député d'Okanagan-Similkameen-Merritt, j'espère qu'on examinera ces situations. Certaines des bases subsisteront et seront probablement agrandies. Nous ne savons pas cela. Mais si nous devons prendre des décisions, nous avons certainement besoin de toute l'information pertinente. Comme le député l'a dit, il nous faudra peut-être, dans certains cas, nous rendre sur place pour visiter les bases afin de pouvoir parler en connaissance de cause quand nous voulons parler au nom des forces armées.

Je remercie encore une fois le député. Il ne faut pas oublier que si les forces armées ont besoin d'être remaniées, c'est parce que les décisions ont été sans cesse remises à plus tard ici à la Chambre. Ce n'est pas la faute du ministère de la Défense nationale, car on lui a imposé des compressions budgétaires année après année.

M. Hart: Monsieur le Président, je remercie le député de ses observations, et je suis d'accord avec lui.

[Français]

M. Lavigne (Beauharnois-Salaberry): Monsieur le Président, je voudrais savoir si on est encore à la période de questions et commentaires ou si nous reprenons le débat.

(1330)

Le président suppléant (M. Kilger): Nous poursuivons encore la période de questions et commentaires pour quelques minutes.

[Traduction]

M. Glen McKinnon (Brandon-Souris): Monsieur le Président, je veux féliciter le député qui vient de prendre la parole; sa présentation était excellente et, de toute évidence, il connaît très bien la question. Je crois qu'il a mis beaucoup de temps à préparer son exposé d'aujourd'hui.

Le député d'en face peut-il nous dire s'il voit des avantages militaires à prévoir un roulement constant de personnel entre les cadets, la réserve et la force régulière, sur le plan de la formation?

M. Hart: Monsieur le Président, actuellement, le programme des cadets ne prévoit pas de promotion à la force régulière ou à la réserve. La principale raison à cela, c'est qu'il encourage non seulement les jeunes qui sont intéressés à faire une carrière militaire, mais aussi ceux qui s'intéressent à l'aviation, qui veulent acquérir des qualités de leadership, qui s'intéressent à leur communauté et qui veulent assumer des responsabilités civiques. L'orientation n'est pas uniquement militaire. Je ne sais pas si le programme s'en trouverait amélioré si nous y ajoutions ce volet.

À l'heure actuelle, de nombreux cadets embrassent d'autres carrières, et leur expérience comme cadet s'avère positive. À mon avis, l'expérience que les cadets acquièrent est très importante et en fait de meilleurs citoyens, quelle que soit l'orientation qu'ils choisissent.

Je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée de prévoir, dans le programme des cadets, la promotion à la force régulière ou à la réserve. Quoi qu'il en soit, les jeunes qui participent au programme des cadets en retirent certainement une expérience positive, peu importe l'orientation qu'ils choisissent. Certains optent d'ailleurs pour une carrière militaire.

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Monsieur le Président, le député a raison, bien entendu. La raison d'être de l'organisation des cadets n'est pas d'amener les jeunes Canadiens à entrer dans les Forces canadiennes.

Cela dit, il y a tout de même un lien naturel. Je n'ai pas les chiffres sous les yeux, je le regrette, mais il m'est arrivé plusieurs fois, ces dix dernières années, d'étudier la situation des collèges militaires, des unités militaires, des corps d'officiers. Chose certaine, si vous vous adressiez à ces unités, surtout aux élèves des collèges militaires, et leur demandiez combien ont été cadets, vous seriez étonné de voir le nombre de mains qui se lèvent.

Je ne parle pas souvent de mon expérience personnelle à la Chambre, mais je suis entré dans la marine parce que j'ai fait partie du corps des cadets de la marine, CRCCM Matthew, où j'ai été premier maître de première classe. À l'une des inspections annuelles, l'officier a apporté de la documentation et a discuté de nos projets d'avenir. Il y a eu un lien direct entre mon appartenan-


1492

ce à un corps de cadets et ma décision de faire une carrière militaire. Il est important de faire ressortir la corrélation.

Un dernier mot. Même si certains cadets ne songent jamais à se rendre au centre de recrutement, l'organisation des cadets au Canada est l'une des plus belles organisations pour les jeunes, sinon la plus belle, et c'est aussi l'une des moins remarquées et des moins louangées. Que ce soit intentionnel ou pas, je l'ignore. Il reste que ce programme extraordinaire contribue à faire de nos jeunes gens et de nos jeunes femmes de meilleurs citoyens.

M. Hart: Monsieur le Président, au début de mon intervention, j'ai dit que j'espérais avoir une expérience positive aujourd'hui. Je ne suis pas déçu.

À titre d'ancien commandant d'un corps de cadets de l'air, j'ai vu deux de mes cadets accéder au Royal Roads Military College. Ce lien est indéniable.

(1335)

Il est certain aussi que ce programme sert la cause de l'unité dans toutes les régions, car il est partout présent. Les programmes des cadets sont d'un intérêt vital pour les Canadiens.

J'espère qu'on commencera à faire cas de ce programme et à y participer.

M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, il y a longtemps, je dirais près de cinq ans, que j'attends la tenue d'un tel débat à la Chambre.

En tant que député de la Nouvelle-Écosse élu pour la première fois en 1988, il me semble que quiconque est venu ou a séjourné dans ma province et s'y connaît le moindrement en matière de défense saura que l'apport des Forces canadiennes en Nouvelle-Écosse, voire dans tout le Canada atlantique, représente beaucoup plus qu'une simple question d'argent pour les collectivités.

Quand j'étais jeune, dans ma ville natale, mon père, qui a servi sous les drapeaux pendant la Seconde Guerre mondiale, nous a appris à traiter avec beaucoup de respect les militaires qu'on rencontrait dans la rue. En fait, je ne pense pas qu'il y ait d'autres endroits dans notre grand pays où les militaires étaient plus respectés qu'en Nouvelle-Écosse durant la Seconde Guerre mondiale. C'est encore le cas aujourd'hui.

Des provinces comme la Nouvelle-Écosse ont profité énormément sur le plan financier de l'installation de bases des Forces canadiennes chez elles. Il importe donc, en étudiant la motion dont la Chambre est saisie aujourd'hui, d'inscrire cette question dans son contexte historique.

Quand j'ai été élu en 1988, l'une des doléances que j'ai maintes fois entendues-et la base de Shearwater et sans doute la moitié de la marine canadienne de la côte est sont établis dans ma circonscription-, c'est que ces militaires qui ont si fièrement servi leur pays avaient le sentiment que leurs élus les oubliaient sitôt leur élection.

En 1988, ces gens en avaient assez d'un ensemble d'initiatives où, selon eux, le gouvernement ne se souciait manifestement pas du travail qu'ils étaient appelés à faire. À leurs yeux, ces initiatives n'étaient pas axées sur une politique, mais plutôt sur un besoin impérieux pour le Parti conservateur de se faire élire, de sorte qu'il leur promettait n'importe quoi. Cependant, une fois élu, il a dit qu'il fallait prendre des décisions difficiles à cause de la dette et du déficit. Or, devinez qui subissait les plus fortes compressions chaque fois qu'il fallait prendre des décisions? Les hommes et les femmes des Forces canadiennes.

On pourrait se demander pourquoi il en est ainsi. C'est peut-être, entre autres, parce que lorsqu'on devient membre des Forces canadiennes et qu'on est un bon soldat, un bon marin, un bon pilote d'avion ou d'hélicoptère Sea King, on doit renoncer à bien des droits fondamentaux que tous les autres Canadiens tiennent pour acquis. On doit renoncer à son droit de critiquer publiquement la politique du gouvernement.

Bon nombre des hommes et des femmes qui appartiennent aux Forces canadiennes deviennent immédiatement une cible facile pour des compressions sans fondement politique et effectuées à tort et à travers dans le domaine où ils ont décidé de gagner leur vie, à savoir la défense nationale.

En 1988, j'ai trouvé qu'il était difficile de faire campagne. Lorsque je frappais aux portes des maisons de Dartmouth, des officiers de navire me disaient que mon parti était contre le programme de sous-marins nucléaires. Comment pouvez-vous dire que votre gouvernement défendra les intérêts de l'effectif militaire du Canada, de la structure de l'industrie de défense et, en fait, les intérêts du Canada en tant que pays souverain si vous n'appuyez pas cette initiative?

Je leur ai alors dit que, à mon avis, il fallait donner aux Forces canadiennes les moyens de faire le travail qui leur avait été confié. Cependant, avant d'engager ces dépenses considérables, il fallait d'abord que nous examinions la politique de défense. Nous devions avoir un Livre blanc solide, qui tiendrait compte du fait que le monde avait changé radicalement depuis qu'un gouvernement, quel qu'il soit, avait examiné de fond en comble la politique de défense nationale.

Les gens m'ont dit à ce moment-là que M. Beatty, qui était alors ministre de la Défense nationale, avait présenté un document à la Chambre des communes. Je leur ai répondu qu'il n'y avait pas donné suite et qu'il en discutait toujours. Ils ont rétorqué qu'il s'agissait néanmoins d'un document. J'ai eu bien du mal à les convaincre que le Parti libéral était déterminé à procéder à un examen fondamental de la politique de défense et que nous moderniserions nos forces de défense nationale en fonction d'un monde en évolution. Je présume que beaucoup d'entre eux n'ont pas voté pour moi.


1493

(1340)

Environ six mois plus tard, quand les conservateurs ont été réélus en 1988, tous leurs plans, toutes leurs politiques et tous les merveilleux projets qu'ils envisageaient pour l'armée canadienne sont tombés à l'eau, en raison de la dette et du déficit. Tout d'un coup, on a envoyé valser le Livre blanc de M. Beatty sur la défense. Encore une fois, on a agi un peu n'importe comment avec les forces de la défense nationale du Canada.

En 1989, lorsque le budget a été présenté, après que de nombreux membres des Forces canadiennes, hommes et femmes, eurent voté en faveur du Parti conservateur, en faveur de ce gouvernement, parce qu'ils croyaient ce qui avait été dit dans ce fameux Livre blanc de 1987, en 1989, donc, les conservateurs ont réduit de près de trois milliards de dollars, plus exactement de 2,75 milliards de dollars, le budget de la défense nationale sur une période de quatre ans. Et cela, sans avoir examiné les conséquences pour le rôle que nous demandions aux Forces canadiennes de jouer pour le Canada ici et à l'étranger.

Nous avons assisté à la fermeture de bases, encore une fois sans qu'un examen fondamental n'ait été effectué. Qu'attendez-vous des membres des forces armées? Dites-le leur, et ils feront de leur mieux. Par contre, n'allez pas leur dire que vous voulez qu'ils continuent d'agir comme ils l'ont fait jusque-là et ajouter, en passant, que vous allez les faire participer à des missions de maintien de la paix dans trois ou quatre autres points chauds de la planète, alors que vous réduisez le budget de la défense de deux, trois, cinq ou sept milliards de dollars.

C'est ridicule! Il est impossible de faire les deux choses à la fois. Cependant, les militaires ont fait de leur mieux. Ensuite, nous avons eu droit à ce que je considère comme une attaque contre les réalités régionales du Canada.

Comme le gouvernement conservateur n'avait pas tellement de députés dans le Canada atlantique, il a décidé, lorsqu'il a fait des réductions dans le secteur de la défense en 1989, que cette région serait plus touchée que les autres. Le Canada atlantique, qui accueillait alors 22 p. 100 de tout le personnel des Forces canadiennes, a subi 55 p. 100 des réductions annoncées dans le budget de 1989. Oublions le mandat de ces bases et ce qu'elles faisaient. Oublions les conséquences de ces réductions pour la capacité des Forces canadiennes de faire leur travail. On réduisait, un point c'est tout! La décision de faire les réductions dans le Canada atlantique était une décision politique, parce que les conservateurs avaient très peu de députés dans cette région.

Les conservateurs n'ont pas regardé ailleurs, et nous avons perdu des bases. Nous avons perdu la base de Sydney, la base de Barrington et celle de Summerside. J'ai encore du mal à croire que nous avons perdu cette base. Il y a eu des compressions à Gander, à Chatham, au Nouveau-Brunswick, et surtout à la BFC Moncton, la base d'approvisionnement. J'en ai parlé avec les généraux, et ceux-ci sont d'avis qu'il faut maintenir la BFC Moncton et la BFC Chatham.

Des décisions politiques ont d'ores et déjà été prises. On a fait fi de l'avis des généraux. Le gouvernement qui comptait beaucoup de sièges dans une seule et même province-le Québec-a décidé de l'emplacement de certaines bases d'approvisionnement. C'est bel et bien ce que le gouvernement précédent a fait.

Ce n'est donc pas étonnant que nos militaires, hommes et femmes, commencent à se montrer un petit peu soupçonneux à l'égard de tous ceux qui poursuivent une carrière politique dans cette enceinte. Ils ont été trompés encore une fois.

Au fil des ans, les budgets se sont succédé pour réduire d'environ 11 milliards de dollars les dépenses engagées au titre de la défense nationale, sans que l'ombre d'une politique en la matière ne pointe à l'horizon. À tous les coups, ne parvenant pas à bien gérer son dossier financier, le gouvernement s'en prenait, comme je l'ai expliqué, à la défense nationale. Les hommes et les femmes qui jouent un rôle dans la défense nationale n'ont pas voix au chapitre. Ils ont renoncé à ce droit fondamental que possède tout Canadien en choisissant de servir leur pays.

Voici de nouveau le spectre du déficit et de la dette. Où le gouvernement va-t-il vraisemblablement effectuer des compressions en premier lieu? Eh oui, dans le secteur de la défense nationale. J'ai fait mon devoir. J'ai consulté. J'en suis venu à une conclusion. Le pays est confronté à un endettement énorme. Notre déficit est considérable.

S'il y a un poste de dépense qui a peu contribué à notre dette et à notre déficit, c'est bien la défense nationale. Depuis le milieu des années 1950, nous avons assisté, non pas à une augmentation, comme c'était le cas dans la plupart des autres secteurs, mais à une diminution régulière des fonds consacrés à la défense nationale. S'ils représentaient environ 25 p. 100, ils sont tombés à environ 7 p. 100. Les Forces canadiennes ont été pratiquement réduites de moitié au cours des dix dernières années.

La défense nationale est un poste budgétaire important. Je ne dis pas le contraire. À mon avis, de nouvelles réductions, à ce stade, en l'absence d'un examen complet et fondamental de la politique de défense, seraient non seulement stupides et dangereuses, mais aussi désastreuses, quand on se dit que, dans 12 ou 14 mois, un nouveau rôle pourrait être assigné aux Forces canadiennes et que nous n'aurions pas les ressources humaines et matérielles nécessaires.

(1345)

Il y a autre chose que je veux démythifier, quelque chose qui vient de ce côté-ci de la Chambre et que j'ai personnellement du mal à accepter. Quand le gouvernement doit réduire les dépenses, il ne s'arrête pas aux raisons stratégiques qui justifient l'emplacement des bases, car il estime simplement que le mal doit être également réparti. En tant que Canadien de la région atlantique et député à la Chambre depuis cinq ans, quand on parle de répartir également le mal, cela signifie généralement plus de mal dans ma région qu'ailleurs. Certains au ministère et certains au sein du gouvernement le disent. Et ça m'effraie.

Quelqu'un m'a dit l'autre jour: «Vous savez, Ron, les dépenses consacrées à la défense nationale en Nouvelle-Écosse sont de 1 240 $ par habitant, alors qu'elles sont nationalement de l'ordre de 388 à 389 $. Je suppose donc que votre province peut se révéler une cible plus importante que les autres, s'il y a des réductions.» J'ai vérifié: pas un pays au monde n'a un littoral


1494

aussi étendu que le Canada. Je dirais que, de toutes les provinces du Canada, la Nouvelle-Écosse est celle qui a probablement le littoral le plus long, si l'on tient compte des anses et des escarpements.

J'ai vérifié. Dans tout État souverain qui possède une force navale, celle-ci doit être située sur les côtes. Sa place n'est tout de même pas dans les Prairies! Ni au centre du Canada! Elle pourrait peut-être, je présume, être sur les Grands Lacs, mais elle aurait parfois de la difficulté à en sortir. J'ai vérifié. Dans un État maritime, la force navale doit être située sur les côtes. Le Canada a un littoral plus étendu que n'importe quel autre pays du monde. La Nouvelle-Écosse a un littoral plus étendu que n'importe quelle autre province.

La Colombie-Britannique se trouve du côté du Pacifique. Où plaçons-nous nos forces navales? Sur nos côtes. C'est la raison pour laquelle Victoria, Esquimalt et le port de Halifax abritent les forces navales du Canada.

Certes, on ne peut entretenir une marine gratuitement. Il en coûte environ un milliard de dollars par côte pour notre petite marine dérisoire qui a sans doute besoin de bien plus de matériel qu'elle n'en possède, mais qui fait un excellent travail avec le peu d'équipement et de ressources qu'on lui donne.

Je ne vais pas m'excuser et dire, étant donné que Halifax est le plus grand port libre de glaces sur la côte est du Canada, que nous pourrions fermer toutes les installations militaires de la région de l'Atlantique puisque nous avons la marine. Je ne dirai pas une telle chose, parce que sur le plan stratégique ce serait insensé. L'argument est plein de viles subtilités et je refuse d'en discuter ici.

Si nous retirons de la région de l'Atlantique la marine canadienne et sa contribution, les dépenses de cette région pour tous les autres établissements de défense passent soudainement sous la moyenne nationale. N'est-ce pas choquant? Le député de Chatham connaît très bien la question, tout comme le député de Summerside. Toutefois, les gouvernements antérieurs nous ont dit qu'on possédait un peu plus que la moyenne et que, par conséquent, on devait souffrir un peu plus. Eh bien, nous avons suffisamment souffert de la mauvaise planification stratégique de la défense et de la mauvaise planification financière du gouvernement précédent. J'espère que mon gouvernement ne fera pas la même chose aujourd'hui.

Je sais par contre que nous avons des infrastructures excédentaires dans les Forces canadiennes. Je le sais. C'est un fait. C'est même élémentaire. Je sais aussi que lorsque les planificateurs du ministère des Finances commenceront à définir ce qui serait raisonnable en matière d'infrastructures pour la défense, notre politique de défense frappera un écueil. Je sais que les planificateurs de la Défense ne sont pas plus aptes à décider de l'avenir des sciences, de la technologie ou de l'éducation postsecondaire au Canada que les planificateurs des Finances ne peuvent le faire en matière de défense.

Voilà pourquoi nous avons besoin, d'abord et avant tout, et j'insiste sur cet aspect, nous avons d'abord besoin de procéder à un examen en profondeur de ce que nous attendons des Forces canadiennes. Dressons une liste, établissons les priorités, mettons les chiffres sur la table, et après avoir calculé combien il en coûtera, que le gouvernement décide quelles priorités choisir.

Je pense que s'y prendre autrement serait tomber dans le même piège que le gouvernement conservateur qui nous a précédés et laisser les Forces canadiennes se détériorer à un point tel qu'elles ne pourraient s'en remettre que difficilement.

Vendre le livre rouge pendant la campagne électorale ne fut pas aisé. Je l'ai fait, mais ce n'était pas facile. On y disait que, si nous étions élus, nous annulerions le contrat d'achat d'hélicoptères EH-101.

(1350)

La Base des Forces canadiennes Shearwater se trouve dans ma circonscription. Elle emploie un grand nombre de personnes qui font un travail merveilleux pour les Canadiens. J'ai aussi la marine dans le port de Halifax. Ce n'était pas facile pour moi d'aller dire aux militaires que je trouvais que ce serait bien d'avoir de nouveaux hélicoptères mais que je n'étais pas en faveur de ce contrat. Je l'ai fait parce que je crois à la politique d'ensemble de notre gouvernement.

Je l'ai dit et je le répète, et ce sera dans le hansard, tant que la marine canadienne existera, elle aura besoin d'appui aérien embarqué. Tant que nous aurons des navires et une marine qui auront besoin d'appui aérien, il faudra que nous ayons des appareils sûrs pour nos pilotes.

Les hélicoptères Sea King basés à Shearwater sont vieux. Ils n'en peuvent plus. Nous avons de formidables équipes d'entretien qui les gardent en état de voler, mais cela ne les rajeunit pas. Ils se font vieux et le gouvernement, celui-ci ou un autre, devra prendre la décision de les remplacer, parce que c'est nécessaire.

Il faut alors se demander si le choix de l'ancien gouvernement était judicieux. Je ne le crois pas. L'hélicoptère qu'on envisageait d'acheter avait été choisi suivant les principes établis dans un vieux Livre blanc, faute d'une politique plus moderne, et qui préconisait l'achat d'hélicoptères convenant à une situation de guerre froide.

J'ai affirmé à mes électeurs que s'ils me choisissaient pour les représenter au sein d'un gouvernement libéral, je verrais à ce que les Forces canadiennes aient un défenseur, tant au sein de mon caucus que sur le parquet de la Chambre des communes. Je m'assurerais qu'un examen en profondeur de la politique de défense a bien eu lieu et je ferais en sorte qu'après, il reste quelqu'un qui lutte pour le maintien des ressources nécessaires aux Forces canadiennes, afin que les hommes et les femmes pleins de bonne volonté qui servent fièrement leur pays au nom de chacun de nous puissent s'acquitter des tâches qu'on leur confie.


1495

Nous en sommes là. J'ai lu le livre rouge. J'ai pu mettre mon grain de sel dans la rédaction de cet ouvrage, comme d'autres députés qui siègent de ce côté-ci. Nous savions qu'on sabrerait dans le budget de la défense, mais nous avons précisé deux choses. Nous avons dit que nous financerions le programme d'infrastructure annoncé dans le livre rouge grâce aux compressions exercées dans les programmes actuels, et que l'un des programmes ou des ministères touchés serait celui de la Défense nationale.

Nous avions prévu retirer 360 millions de dollars à la défense. Par contre, nous avions affirmé que nous ne ferions pas comme l'ancien gouvernement conservateur. Autrement dit, nous n'exercerions ces compressions qu'après consultation. J'insiste sur le mot après. Nous avons indiqué que toute réduction supplémentaire du budget de la défense nationale découlerait de l'examen fondamental de la politique de défense nationale.

J'espère que le budget de mardi prochain confirmera ces engagements que nous avons pris et sur lesquels chacun d'entre nous a fait campagne.

Parmi tous les membres des Forces canadiennes que j'ai rencontrés, je ne crois pas qu'il y en ait un seul qui nie que les temps soient difficiles. Tous le savent car ils sont eux aussi des contribuables. Ils n'ignorent pas que la dette et le déficit deviennent incontrôlables, mais ils savent également que le gouvernement a la responsabilité de maintenir des forces de défense.

Qu'est-ce que je souhaiterais voir inclure dans l'examen de la politique de défense? D'abord et avant tout, je souhaite que nous examinions nos besoins sur le plan intérieur. Nous avons une marine sur la côte est du Canada. Nous envoyons en mission des frégates et des navires ravitailleurs. Ces bâtiments effectuent des exercices dans l'Atlantique nord et sud, ce qui coûte beaucoup d'argent. Mais tant que le Canada demeurera membre de l'OTAN, ce genre d'activité fera partie de ses obligations.

Je souhaite que nous examinions la façon la plus efficace et la plus rentable d'utiliser les ressources navales limitées dont nous disposons sur les deux côtes, mais surtout que nous déterminions nos besoins en tant qu'État souverain.

J'ai rappelé à quatre ou cinq reprises que le Canada a le littoral le plus long du monde. Je n'ai besoin de rappeler à personne que l'industrie des pêches de l'Atlantique traverse une crise majeure. Nous n'avons même pas les moyens d'assurer la surveillance dans notre zone de 200 milles. Les moyens de surveillance insuffisants dont nous disposons ont permis à de nombreux pêcheurs, canadiens autant qu'étrangers, de faire de la surpêche. Or, notre incapacité de surveiller nos propres pêcheries de la côte est a fait en sorte que l'industrie de la pêche de cette région compte maintenant 40 000 chômeurs.

L'élimination presque complète des stocks de morue du Nord représente une catastrophe écologique incalculable et j'espère que nous en aurons tiré la leçon qui s'impose. Aussi, je souhaite et je crois que l'examen de la politique de défense permettra d'étudier de très près les façons dont la marine pourra assurer la protection des pêcheries, qui sont constituées de ressources renouvelables et qui ont employé des centaines de milliers de Canadiens depuis des siècles, une fois que les stocks de morue seront reconstitués. Ce pourrait être un des sujets d'étude de l'examen de la politique de défense.

(1355)

L'autre chose dont nous devons tenir compte, c'est qu'il y a une autre guerre qui se livre dans nos eaux, alors qu'on débarque de la drogue dans les criques, coins et recoins, le long de nos côtes est et ouest. Cette drogue détruit notre jeunesse. Manifestement, nous devons utiliser les forces militaires à notre disposition, afin de combattre cette vague de criminalité et cet assaut contre nos côtes.

J'espère également que nous allons songer aux autres rôles que nos forces de défense peuvent remplir. De nos jours, la sécurité nationale englobe également la sécurité en matière d'environnement. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas utiliser les compétences de nos militaires pour créer une force d'intervention très bien entraînée qui pourrait en tout temps, en cas de catastrophe environnementale ou écologique au Canada, se rendre sur place, afin de protéger la zone touchée et l'environnement et réduire le plus possible les répercussions pour les Canadiens.

Sur la scène internationale, nous allons devoir nous décider. Nous ne pouvons gagner sur les deux tableaux. Nous sommes un petit pays de 28 millions d'habitants environ. Nous faisons de notre mieux. Le Canada a participé à toutes les opérations de maintien de la paix depuis la Seconde Guerre mondiale. Pensez-y. Nous consacrons plus d'un milliard de dollars à notre intervention en Bosnie à une époque où le gouvernement a un déficit de 45 milliards de dollars et où il est question de sabrer dans les programmes et les transferts aux particuliers.

Nous traversons une période difficile. Cependant, dans le cadre de cet examen de notre politique de défense, nous allons sûrement étudier toutes ces questions et nous demander le rôle que nous allons confier à nos forces armées en matière de sécurité nationale. Nous nous pencherons en outre sur notre contribution au niveau international en fonction de la responsabilité collective des divers pays du monde. Peut-être que notre rôle en est un de maintien de la paix. Il se peut que nous décidions que d'autres responsabilités nous incombent.

Ce que je sais, c'est qu'il faudra mener à bien l'étude proposée dans le Livre rouge. Cet examen de notre politique de défense dont nous discutons aujourd'hui est absolument essentiel. Il se fait attendre depuis trop longtemps et je suis très heureux de voir que l'une des premières mesures prises par notre gouvernement a été de choisir de créer ce comité le plus rapidement possible afin de lui permettre de parcourir le pays et de consulter les gens en vue de nous soumettre ensuite un cadre permettant d'établir une politique moderne pour les Forces canadiennes.

Je ne suis pas devin et je n'ai pas de boule de cristal. Cependant, j'espère de tout coeur que les mesures que doit prendre mardi le ministre des Finances pour contrôler la spirale de la dette et du déficit ne nuiront pas à la réalisation de cette étude. En fait, j'espère que les ministres des Finances et de la Défense nationale pourront faire le plus d'économies possible à l'intérieur du ministère, sans dévaster l'infrastructure des forces canadiennes.

En terminant, je dis que ce débat est stimulant et que j'ai hâte d'y participer à nouveau plus tard aujourd'hui. Les hommes et les femmes des Forces canadiennes ont attendu trop longtemps qu'un gouvernement remplisse ses engagements en matière de

1496

défense nationale. Ils seront fiers et heureux de savoir que cette étude est finalement entreprise et, lorsqu'elle prendra fin, ils constateront que la démocratie fonctionne vraiment et que les partis politiques et les premiers ministres tiennent effectivement la parole qu'ils donnent aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes.

[Français]

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi): Monsieur le Président, j'espère que j'aurai le temps de faire mon commentaire.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre, s'il vous plaît. Je veux tout simplement rappeler au député de Chicoutimi qu'il dispose de trois ou quatre minutes, mais que le député de Darmouth souhaiterait pouvoir lui répondre.

M. Fillion: J'ai l'impression, monsieur le Président, que le député a bénéficié d'un peu plus de temps que prévu. Je ne sais pas si je me trompe.

Le président suppléant (M. Kilger): Je dois dire que j'ai suivi attentivement tous les discours ce matin et, dans la plus grande mesure, j'ai fait respecter le Règlement.

M. Fillion: Monsieur le Président, j'ai apprécié le discours qui vient d'être fait et je remarque que, pour la première fois ce matin, on semble avoir un autre son de cloche de l'autre côté de cette Chambre.

L'honorable député a parlé d'un livre blanc, une question qu'on avait soulevée ce matin. J'aimerais rappeler au député une déclaration du premier ministre actuel, alors qu'il était dans l'opposition, en mars 1993, et je cite: «Les Canadiens et les Canadiennes méritent un gouvernement qui sait tracer la voie, un gouvernement qui apporte de nouvelles idées et de nouvelles stratégies, un gouvernement qui les aide à s'adapter aux changements.»

(1400)

Le débat d'aujourd'hui et la démarche que ce gouvernement entreprend depuis 100 jours ont mis à l'écart cette déclaration du premier ministre. Pour permettre à mon collègue de pouvoir répondre suite à ce qu'il a dit sur le livre blanc, je lui demande s'il est prêt à demander à son caucus que le gouvernement libéral dépose au plus vite son livre blanc sur la défense nationale et laisse l'actuel comité parlementaire de la défense faire son travail, et non la création d'un nouveau comité.

[Traduction]

Le Président: Le député de Dartmouth dispose d'environ 30 secondes.

M. MacDonald: Je serai très bref, monsieur le Président.

Je comprends le député d'en face, car il s'était probablement habitué à voir les conservateurs de ce côté-ci prendre des décisions avant de consulter. Or, il a affaire à un tout autre gouvernement aujourd'hui. Nous sommes fondamentalement convaincus que les Canadiens ont le droit de se faire entendre avant que les décisions soient prises.

Le Livre blanc fera suite aux discussions qui auront lieu au sein de notre caucus, à la Défense nationale, au Parlement du Canada et au comité permanent qui a été formé aujourd'hui.

Si le député veut bien se montrer un peu patient envers nous et donner aux Canadiens le temps de s'exprimer, le document sera déposé en temps voulu à la Chambre.

Le Président: Comme il est 14 heures, conformément à l'article 30(5) du Règlement, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés en conformité de l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


1496

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

L'USINE DE FRACTIONNEMENT DU SANG À HALIFAX

M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur un article paru hier dans le Globe and Mail.

Selon cet article publié en première page, les problèmes qu'a connus l'usine de fractionnement du sang, à Winnipeg, en raison de manigances politiques, ont pris le dessus sur l'application rigoureuse de la technologie et sur les bonnes pratiques commerciales. Le Comité canadien du sang, précurseur de l'Agence canadienne du sang qui est en train d'essayer de faire échouer le projet d'aménagement d'une usine de fractionnement du sang, à Halifax, et de s'accaparer la banque de sang, a gaspillé des millions de dollars avant de vendre pour une somme dérisoire cette usine devenue désuète.

En revanche, l'usine de fractionnement du sang qu'il est proposé d'aménager à Halifax sera construite, financée et administrée par le secteur privé. La société Miles Pharmaceutical, qui administre des usines de fractionnement du sang dans le monde entier, a garanti la rentabilité de cette usine.

Je demande aux ministres provinciaux de la Santé de tirer une leçon de cette expérience, de mettre de côté les mesquineries politiques et d'appuyer le projet d'aménagement d'une usine de fractionnement du sang à Halifax, parce que c'est, sur le plan économique, un excellent projet pour cette région qui a désespérément besoin de bonnes nouvelles économiques.

* * *

[Français]

LES NATIONS AUTOCHTONES

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre): Monsieur le Président, la secrétaire d'État à la Formation et à la Jeunesse accusait, hier, le Bloc québécois de poursuivre une vendetta visant la destruction des Mohawks parce que leur volonté d'autonomie gouvernementale constituerait une menace à la souveraineté du Québec.

Permettez-moi de rappeler à la secrétaire d'État que le Québec, plus que quiconque, a toujours fait preuve d'un très grand


1497

respect à l'égard des nations autochtones. C'est d'ailleurs le gouvernement du Parti québécois qui a reconnu le premier le principe de l'autonomie gouvernementale des Premières nations. C'était le 20 mars 1985.

Les interventions récentes de l'opposition n'ont jamais remis en question les liens tissés avec les autochtones. Ces interventions visent essentiellement l'arrêt d'activités illégales menées par un petit groupe agissant en toute impunité.

Nous regrettons infiniment qu'un député de ce gouvernement refuse de reconnaître que l'unique revendication. . .

Le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable députée, mais son temps de parole est maintenant écoulé.

* * *

[Traduction]

L'IMMIGRATION

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre): Monsieur le Président, quand justice sera-t-elle faite? Quand arrêterons-nous de défendre les droits des criminels et quand commencerons-nous à défendre les droits de la victime et des éventuelles victimes?

Je veux parler ici de Michael Drake, un agresseur d'enfants qui a été mis en liberté sous caution en attendant l'audience en vue de son expulsion. Cette audience a eu lieu hier. Aujourd'hui, Michael Drake est de nouveau en liberté sous caution, étant donné que son avocat s'apprête à en appeler de la décision rendue par la commission de l'immigration de l'expulser aux États-Unis.

Combien de fois une telle situation devra-t-elle se reproduire pour qu'on se décide à faire quelque chose? Combien d'innocents devront devenir des victimes pour que le ministre de l'Immigration prenne des mesures afin d'empêcher que des agresseurs, comme Drake, ne soient mis en liberté sous caution pendant le processus d'appel?

* * *

LE PROGRAMME CANADIEN DE PRÊTS AUX ÉTUDIANTS

M. Glen McKinnon (Brandon-Souris): Monsieur le Président, je suis heureux d'annoncer aux députés que j'ai reçu hier un valentin de la Fédération canadienne des étudiants du Manitoba. Dans ce valentin, les étudiants exprimaient certaines réserves au sujet du programme canadien de prêts aux étudiants mis en place par le gouvernement précédent et se demandaient dans quelle mesure ils pouvaient compter sur ce programme.

(1405)

Au nom de ces étudiants, j'inviterais tous les députés de la Chambre à appuyer certains changements à ce programme, dont la réintroduction de la période de grâce de six mois, l'annulation de la privatisation et une réévaluation complète des critères d'admissibilité et des limites de prêts hebdomadaires.

Monsieur le Président et tous les députés, ce message s'adresse à tous ceux d'entre vous qui ont l'éducation à coeur.

L'ENVIRONNEMENT

Mme Susan Whelan (Essex-Windsor): Monsieur le Président, hier, j'ai rencontré la ministre de l'Environnement pour l'informer que Fermi II, une centrale nucléaire des États-Unis, s'apprêtait à déverser 1,5 million de gallons américains d'eau radioactive dans le lac Érié.

Au dire des dirigeants de la centrale et de la Commission américaine de réglementation nucléaire, le degré de radioactivité de cette eau est de beaucoup inférieur aux limites permises.

Je veux rassurer les habitants de la circonscription d'Essex-Windsor en les informant que la ministre de l'Environnement a ordonné aux autorités ontariennes de la région d'effectuer des essais in situ à la centrale Fermi II avant que l'eau ne soit déversée, afin de vérifier que les niveaux de radiation ne dépassent pas les normes établies et qu'il n'y a pas d'autres contaminants. Ces essais sont en cours.

À l'instar des habitants d'Essex-Windsor, je suis très préoccupée. Le lac Érié est un cours d'eau que partagent le Canada et les États-Unis et la population canadienne a le droit d'être informée des dangers que court son eau potable. Il se peut très bien que les niveaux de radiation soient de beaucoup inférieurs aux limites permises, voire aux normes canadiennes, mais rien n'empêche qu'il convient d'aviser les Canadiens longtemps à l'avance lorsqu'on s'apprête à procéder à ce genre de déversement.

* * *

LES PRIX NATIONAUX DE MÉRITE EXCEPTIONNEL DESTINÉS AUX AUTOCHTONES

M. Jack Iyerak Anawak (Nunatsiaq): Monsieur le Président, le lundi 28 février, nous remettrons nos premiers prix nationaux de mérite exceptionnel destinés aux autochtones. La cérémonie, qui aura lieu au Centre national des arts, sera l'occasion de rendre hommage aux réalisations professionnelles exceptionnelles de 13 autochtones, dont cinq des Territoires du Nord-Ouest. Voici le nom des lauréats de cette année: Susan Aglukark, Thelma Chalifoux, Nellie Cournoyea, Jean Goodwill, Cindy Kenny-Gilday, Verna Kirkness, Rosemarie Kuptana, Bill Lyall, Ted Nolan, Alanis Obomsawin, Murray Sinclair, Art Solomon et Bill Reid.

À tous et à toutes, félicitations et merci pour tout le bien que vous avez fait pour nos communautés, nos peuples et notre pays.

La cérémonie de remise des prix sera diffusée au réseau CBC le 3 mars. J'invite tous les députés et tous les Canadiens à se joindre à nous pour célébrer nos talents, notre fierté et notre espoir.

* * *

[Français]

L'INSTITUT MARITIME DU QUÉBEC

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, l'Institut maritime du Québec, implanté à Rimouski, célèbre cette année son 50e anniversaire et je tiens à souligner aujourd'hui ce moment important de l'histoire de la formation maritime québécoise et canadienne. Depuis 50 ans, l'Institut s'est établi une réputation nationale et internationale enviable dans plusieurs domaines reliés à la vie maritime. Des


1498

jeunes et des adultes de partout y reçoivent une formation de qualité dans ces domaines.

Enraciné dans la vocation maritime de la région, l'Institut assure la pérennité de l'expertise québécoise et contribue à son rayonnement dans l'ensemble du Canada. Il gère, pour la Garde côtière canadienne, le Centre de formation aux mesures d'urgence en mer. Depuis 1987, il contribue à la formation des réservistes des Forces armées canadiennes et est engagé dans de nombreux projets de coopération internationale.

Nous ne pouvons que féliciter l'Institut maritime du Québec pour l'esprit d'initiative, la rigueur et le souci d'excellence dont il a fait preuve, en souhaitant que le dynamisme qui l'anime lui permette de poursuivre longtemps encore son développement à travers vents et marées.

* * *

[Traduction]

LES RÉGIMES ENREGISTRÉS D'ÉPARGNE-RETRAITE

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin): Monsieur le Président, je voudrais signaler au ministre des Finances qu'un grand nombre de mes électeurs demandent que le gouvernement maintienne au niveau actuel la cotisation maximale à un REER. Par le passé, une grande partie de la main-d'oeuvre était employée par des entreprises qui avaient les moyens de lui offrir des pensions de retraite. Aujourd'hui, de plus en plus de gens travaillent pour des petites entreprises ou sont autonomes et n'ont pas de pension de retraite.

Nous devons préserver les REER, car ils constituent un moyen indispensable pour les gens qui veulent assurer leur retraite au lieu de devenir dépendants des programmes gouvernementaux de sécurité sociale. La réduction du niveau maximum de cotisation aux REER représente un avantage minime par rapport aux coûts énormes qu'elle entraîne. Cette réduction n'est pas dans l'intérêt des Canadiens.

J'exhorte donc le ministre des Finances à ne pas modifier le régime enregistré d'épargne-retraite dans le budget qui sera déposé bientôt.

* * *

L'ALPHABÉTISATION

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord): Monsieur le Président, aujourd'hui marque le deuxième anniversaire de la Journée de l'alphabétisation. Dans un effort en vue de sensibiliser davantage la population aux questions d'alphabétisation et de mettre celles-ci au rang des priorités nationales, des groupes comme le Rassemblement canadien pour l'alphabétisation et d'autres demanderont aux députés d'appuyer cette cause.

(1410)

Au Canada, il y a plus de sept millions de Canadiens d'âge adulte dont les aptitudes à lire et à écrire sont minimes. Seulement dans ma circonscription, Don Valley-Nord, plus de 12 000 habitants se trouvent dans cette situation, qui est non seulement décourageante, mais aussi absolument inacceptable.

Pour donner suite aux lignes de conduite qu'il a exposées dans son livre rouge, le gouvernement a promis de rétablir à son niveau initial le financement du Programme national d'alphabétisation. En outre, je demande au gouvernement d'accroître ce financement pour que les gens puissent surmonter cette difficulté.

Je prie les députés de faire tout en leur possible pour supprimer les obstacles qui empêchent un grand nombre de Canadiens de bénéficier des avantages énormes que représente l'enrichissement culturel.

* * *

LES CARTES DE TUEURS

M. John Finlay (Oxford): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le Conseil scolaire du comté d'Oxford d'avoir adopté la résolution suivante:

Que le Conseil scolaire du comté d'Oxford appuie toutes les démarches entreprises en vue d'empêcher l'entrée et la vente des cartes de tueurs en Ontario.
Je tiens à dire combien cette question est importante pour moi et pour beaucoup d'autres députés, en particulier ceux d'entre nous qui ont travaillé dans l'enseignement et savent que ces cartes ignobles sont avilissantes pour les victimes et ne devraient jamais être autorisées à traverser la frontière.

Je demande au gouvernement de prendre les mesures qui s'imposent pour empêcher l'entrée de ces cartes au Canada et, un fois de plus, je félicite le Conseil scolaire du comté d'Oxford d'avoir adopté cette louable résolution.

* * *

LES BUREAUX DE POSTE RURAUX

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants): Monsieur le Président, depuis 1986, environ 1 400 des 5 200 bureaux de poste ruraux du Canada ont été fermés.

Reconnaissant le rôle important des bureaux de poste ruraux, le gouvernement libéral a imposé un moratoire sur les fermetures, dès son élection en octobre.

J'estime que la préservation des bureaux de poste ruraux a un lien direct avec la viabilité des collectivités, non seulement de ma circonscription, Annapolis Valley-Hants, mais de tout le Canada. Ces bureaux de poste fournissent des services utiles et nécessaires, et de nouvelles fermetures couperaient un lien important pour la cohésion sociale des communautés rurales.

En réaffirmant sa volonté de garder ces bureaux de poste ouverts, le gouvernement peut jouer un rôle important dans le renforcement de l'infrastructure économique et sociale des communautés rurales.

Je prie le gouvernement de continuer à démontrer la fermeté de son engagement envers les Canadiens ruraux et à faire en sorte que ces bureaux restent ouverts.

* * *

[Français]

LA VICE-PREMIÈRE MINISTRE

Mme Monique Guay (Laurentides): Monsieur le Président, on rapporte dans les journaux, ce matin, des propos tenus par la vice-première ministre concernant notre parti vis-à-vis des Mohawks.

En tant que députés du Bloc québécois dûment élus par la population québécoise et dûment reconnus comme opposition officielle, nous nous insurgeons fermement aux propos totale-


1499

ment blasphématoires particulièrement tenus hier par la vice-première ministre à notre endroit.

Comment la vice-première ministre peut-elle suggérer que «les Mohawks ont raison d'être choqués par les propos du Bloc», alors que nous avons toujours fait une nette distinction entre certains contrebandiers warriors et les autres Mohawks qui vivent dans la terreur créée par ces warriors.

Qui d'entre nous a le plus de visées incendiaires, la vice-première ministre ou les députés du Bloc qui ne font que respecter le mandat que leur a confié la population?

* * *

[Traduction]

L'ENVIRONNEMENT

M. John Duncan (North Island-Powell River): Monsieur le Président, la Commission on Resources and the Environment est un organisme créé par le gouvernement de la Colombie-Britannique pour examiner les conflits se rapportant à l'utilisation du sol sur l'île de Vancouver et pour formuler des recommandations à cet égard. Les discussions ont échoué.

Un rapport communautaire a été présenté. Il recommandait la protection de 12 p. 100 de l'île avec des pertes minimales d'emplois, la création de neuf parcs et le maintien de la participation de la collectivité à la planification.

Le rapport du commissaire a été rendu public la semaine dernière. Pratiquement toutes les collectivités du nord de l'île s'opposent aux recommandations qui obligeront des travailleurs à déménager et qui en pousseront beaucoup au chômage.

Le rapport est une décision imposée à la base par le pouvoir et les collectivités touchées veulent faire comprendre au gouvernement que c'est inacceptable et qu'il doit écouter la population.

* * *

[Français]

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

M. Guy H. Arseneault (Restigouche-Chaleur): Monsieur le Président, j'aimerais aujourd'hui attirer l'attention des députés sur l'importance de la ligne du CN qui passe par le nord du Nouveau-Brunswick.

(1415)

Le gouvernement et CN doivent maintenir la ligne ferroviaire qui passe par le nord du Nouveau-Brunswick afin de garantir la viabilité économique et le développement de cette région et de cette province.

[Traduction]

La ligne du CN dans le nord du Nouveau-Brunswick est parmi les plus rentables de l'est du Canada, mais elle constitue l'un des principaux atouts pour le développement actuel et futur des secteurs forestiers et miniers de la région et des deux ports internationaux de Belledune et Dalhousie.

J'exhorte le CN à reconnaître l'importance économique de cette ligne de chemin de fer pour le nord du Nouveau-Brunswick et à en continuer l'exploitation sans réduire le service.

* * *

L'ENVIRONNEMENT

L'hon. Charles Caccia (Davenport): Monsieur le Président, encore une fois, nous apprenons que les substances toxiques que notre société produit et consomme continuent de grandement détériorer les Grands Lacs et le Saint-Laurent. Selon la Commission mixte internationale, des niveaux intolérables de substances toxiques persistantes continuent de miner la qualité de l'eau.

La commission exhorte les Canadiens et les Américains à régler le problème que posent ces substances toxiques qui menacent l'économie, la vie humaine, la faune, la flore et toutes les autres formes de vie.

La commission recommande aux gouvernements, au milieu des affaires, aux syndicats, aux éducateurs et aux médias d'unir leurs efforts pour enrayer cette menace, rétablir l'intégrité de l'écosystème et protéger la santé des millions de gens dont le bien-être et l'économie reposent sur ces magnifiques étendues d'eau.

* * *

LE PROJET DES KAONS

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral a promis de financer un tiers du projet des kaons. Réalisé à Vancouver, ce projet à la fine pointe de la technologie semble très prometteur. Pour finaliser l'accord de financement, il ne reste plus qu'à s'assurer la participation des Américains.

Devant les messages contradictoires qu'envoie le ministre de l'Industrie au sujet du projet des kaons et l'appui chancelant du gouvernement fédéral, nos partenaires internationaux perdent confiance.

Les Américains appuient avec enthousiasme ce projet, à preuve, cet extrait d'un communiqué diffusé par leur groupe d'étude sur les kaons:

Il nous semble avoir reçu des messages contradictoires de la part du Canada. Pour mener rapidement ce projet à bien, il serait très utile que le ministre canadien demande à ses homologues américains de lui fournir une réponse.
Tout comme les investisseurs internationaux intéressés, le gouvernement de la Colombie-Britannique et la communauté scientifique, nous devons savoir si le ministre continuera d'appuyer ce projet.

1500


1500

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE CRIME ORGANISÉ

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Les témoignages et sources de la GRC, relayés chaque jour par les médias, nous révèlent de plus en plus l'ampleur des activités criminelles relatives à la contrebande menée par les warriors. La gravité du problème s'accroît singulièrement, alors que le quotidien La Presse de Montréal nous apprend, ce matin, que le champ d'action des contrebandiers oeuvrant sur les réserves s'étend au blanchiment de l'argent, impliquant, et je cite: «. . .la pègre italienne, les gangs de motards et même certaines familles colombiennes.» De son côté, le responsable des opérations de la GRC au Québec affirme que la GRC ne peut faire échec aux activités criminelles sur les réserves, si elle n'a pas la coopération des autorités mohawks.

Compte tenu de la situation qui dépasse les bornes de l'admissible dans une société de droit, est-ce que le premier ministre ne reconnaît pas qu'il a le devoir de rencontrer les chefs mohawks afin de s'assurer de leur coopération pour mettre enfin un terme à l'action des warriors, tel que le demande la GRC?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous avons donné le mandat clair et net à la GRC de faire son devoir pour enrayer toute la contrebande partout au Canada et aussi sur les réserves indiennes.

Comme je l'ai expliqué à cette Chambre, toute la question de la police sur une réserve indienne est très compliquée: il y a d'abord la police locale mohawk, qui a un mandat délégué soit par le gouvernement de l'Ontario, soit par le gouvernement du Québec; il y a la police provinciale qui est chargée de l'application générale de la loi, soit la police provinciale du Québec, soit celle de l'Ontario.

Quant à la police fédérale, son rôle sur les réserves indiennes est de s'occuper de la question de la contrebande. C'est ce qu'elle fait en ce moment. Pour ma part, je ne crois pas avoir autre chose à ajouter. Le mandat de la GRC est clair et net: remplir ses devoirs tel que le prescrit la loi.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, il est bien connu que toute police, aussi efficace, aussi prestigieuse qu'elle soit, et c'est le cas de la GRC, nous le reconnaissons, a besoin de l'appui et de l'autorité du niveau politique. Dans ce cas-ci, la GRC ne l'a pas, c'est très évident.

(1420)

Je voudrais demander au premier ministre s'il ne reconnaît pas que la question que je lui ai posée, à laquelle il n'a pas du tout répondu, est la question la plus pertinente qui soit, c'est-à-dire qu'il doit donner à la GRC le moyen de pouvoir compter sur la coopération des chefs de ces réserves, et qu'en conséquence, le premier ministre doit les voir lui-même, et non pas laisser les gens rencontrer les ministres au sortir de réunions, où chacun dit le contraire?

[Traduction]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, si le chef de l'opposition tient vraiment à ce qu'on résolve le problème, il demandera à ses députés de cesser de ramener sans cesse la question des Mohawks sur le tapis.

Nous poursuivons les criminels-il y en a à l'extérieur des réserves et il y en a peut-être dans les réserves. Mais l'impression qu'ont à l'heure actuelle les Mohawks vient de ce que le Bloc québécois mène une campagne visant à ternir leur réputation. Ce qui n'aide rien.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, il y a une marge entre ternir une réputation et s'en tenir aux faits. Le Bloc n'a jamais posé de question qui ne soit pas fondée sur les faits et le Bloc a repris des allégations présentées et publiées par des journaux très respectés au Québec, soit Le Soleil, La Presse et Le Droit, notamment.

La réponse du premier ministre revient donc à abdiquer l'autorité de la loi. Et si le premier ministre voulait assumer ses responsabilités, il s'entretiendrait avec les chefs de ces villages et localités et s'assurerait de leur entière collaboration.

Comme il est ici question d'activités internationales, le premier ministre va-t-il solliciter l'entière collaboration du gouvernement américain en vue de mettre en oeuvre un plan d'action international d'intervention policière qui soit efficace et professionnel?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, la GRC est déjà entrée en communication avec les autorités américaines.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, la presse nous apprend également ce matin que la GRC serait en mesure de démontrer qu'en 1993 seulement, au moins 700 millions de dollars d'argent liquide auraient transité par la réserve d'Akwesasne et que la contrebande de cigarettes se serait étendue à bien d'autres produits et intéresserait bien d'autres groupes du crime organisé.

Le premier ministre peut-il s'engager à mettre fin aux activités du crime organisé qui profite d'une zone protégée, à quelques kilomètres de Montréal seulement, pour blanchir de l'argent et développer ses activités illicites sans être inquiété?

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, l'affaire de blanchissage d'argent dont parle le député fait déjà l'objet d'une enquête de la GRC. Notre gouvernement appuiera entièrement toute mesure que la GRC jugera nécessaire


1501

de prendre pour démanteler les réseaux de contrebande dans quelque région du pays que ce soit.

Si seulement elle pouvait compter sur le même appui de la part du Bloc!

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, ma question supplémentaire s'adresse au solliciteur général, puisque c'est lui qui répond à la place du premier ministre.

Le solliciteur général, qui dispose de toutes les sources d'information possibles, peut-il nous expliquer pourquoi il est toujours le seul à ne rien savoir, alors que ces allégations viennent d'enquêteurs de la GRC? Le solliciteur général vit-il sur une autre planète, ou préfère-t-il fermer les yeux?

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je parle de choses réelles, contrairement aux bloquistes qui posent des questions qui ne font que se rapprocher des faits.

Si les bloquistes étaient sérieux, ils poseraient des questions fondées sur des faits réels, car c'est le genre de réponses que donne notre gouvernement. Nos réponses sont fondées sur des faits réels. Dans ce cas, la réalité est que nous appuyons entièrement la GRC et le travail qu'elle fait partout au Canada.

* * *

LES DÉPUTÉS

Mme Deborah Grey (Beaver River): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Hier, le premier ministre a qualifié de révoltante l'idée que les députés puissent voter en se fondant simplement sur ce que leurs électeurs veulent ou croient.

(1425)

À un moment où les Canadiens cherchent à être mieux représentés au Parlement, le premier ministre pourrait-il expliquer pourquoi il trouve cette idée aussi révoltante?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'ai dit que nous ne pouvons pas gouverner le pays à coup de référendums. C'est ce que j'ai dit.

Si certains députés pensent qu'ils ne peuvent pas passer eux-mêmes de jugement sur une mesure dont la Chambre est saisie, ils ne sont pas à leur place ici. C'est ce que j'ai dit. Nous ne pouvons pas tenir un référendum chaque fois que le député n'arrive pas à prendre une décision. Comme on dit souvent, que ceux qui trouvent la situation intenable s'en aillent.

Mme Deborah Grey (Beaver River): Monsieur le Président, nous sommes ici, à la Chambre, et voici ce qui nous inquiète. Je cite: «Cette désaffection [des citoyens à l'égard du gouvernement] semble tenir à plusieurs causes: certains élus ont commis des indélicatesses, d'autres ont gouverné avec arrogance. Les citoyens sont mécontents parce qu'ils ne sont pas consultés, parce que leurs vues ne sont pas prises en compte. . .» Ces mots sont tirés directement du livre rouge du Parti libéral.

Monsieur le Président, quand le premier ministre a-t-il déchiré cette page de son livre rouge?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, c'est exactement ça la démocratie. Les Canadiens ont lu le livre rouge et ils ont voté pour le Parti libéral. C'est la démocratie à son meilleur.

* * *

[Français]

LES DOUANES CANADIENNES

M. Pierre Brien (Témiscamingue): L'émission Prime Time News du réseau CBC rapportait hier que des contrebandiers d'alcool auraient acheté la complicité de douaniers canadiens pour faciliter leurs activités illégales. Ce matin, le ministre a demandé une enquête et annoncé l'embauche de 350 agents supplémentaires.

Le ministre du Revenu national peut-il nous dire s'il s'est assuré d'un contrôle serré lors de la sélection, afin d'éviter l'embauche de personnes pouvant avoir des liens avec le crime organisé, et qu'il fera rapport à la Chambre lorsque son enquête sera terminée?

[Traduction]

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national): Monsieur le Président, je puis donner au député et à la Chambre l'assurance que les nouveaux douaniers qui seront embauchés devront satisfaire à nos critères de sélection habituels; ceux-ci sont très stricts et garantissent l'embauche des meilleurs candidats.

Nous nous réjouissons de ce qu'un grand nombre de Canadiens aient travaillé à temps partiel pour le ministère durant l'été, nous fournissant ainsi un excellent réservoir de candidats parmi lesquels nous pourrons recruter nos nouveaux employés.

Je puis assurer au député que nous maintiendrons les critères de sélection actuellement très élevés du service des douanes quand viendra le moment de recruter les nouveaux douaniers dont le premier ministre a annoncé l'embauche la semaine dernière.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Dans ma question supplémentaire, je voudrais de nouveau demander au ministre de préciser s'il va faire rapport à la Chambre sur son enquête? J'aimerais lui demander également s'il reconnaît que l'absence de suivi sur les marchandises en transit au Canada constitue une faiblesse des douanes canadiennes, et que cette faiblesse fait le jeu des contrebandiers de toutes sortes?

[Traduction]

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national): Oui, monsieur le Président, nous ferons certainement rapport à la Chambre. Évidemment, comme nous venons tout juste de demander au commissaire de la GRC de faire enquête, il y a très peu de choses à signaler pour l'instant.


1502

Cependant, à mesure que la situation évoluera et dès que le commissaire et la GRC remettront leur rapport au solliciteur général, nous en informerons la Chambre.

* * *

LES DÉPUTÉS

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur le Président, je voudrais poser une question au premier ministre. Quand les députés ministériels votent à la Chambre, le premier ministre s'attend-il à ce qu'ils représentent la position de leur parti, leur jugement personnel ou l'opinion majoritaire de leurs électeurs?

Des voix: Oh, oh!

Le Président: La question me paraît acceptable telle qu'elle a été posée.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'ai répondu à cette question hier. C'est très simple, l'idée que l'on puisse nous remplacer par des sondages me révolte. Je le répète aujourd'hui. Nous avons été élus pour nous servir de notre jugement. Les députés de notre parti exercent leur jugement, mais ils savent qu'ils appartiennent à un parti qui a été porté au pouvoir sur la foi d'un programme qui a été distribué d'un bout à l'autre du pays. C'est en cela que consiste un parti politique.

(1430)

La députée devrait se préoccuper davantage de la façon dont vote son parti que de la façon dont le fait le Parti libéral.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur le Président, je crois que la seule façon de rétablir la confiance publique dans le jugement des parlementaires consiste pour ces derniers à manifester une plus grande confiance dans le jugement des gens.

Le premier ministre ne trouve-t-il pas qu'un des moyens les plus efficaces de le faire consiste à donner de temps en temps aux gens la possibilité de participer directement aux grandes décisions grâce à un référendum national ayant force obligatoire?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, il y a eu un référendum au Canada il y a environ un an et demi. On peut y recourir une fois de temps en temps, mais pas en faire une formule d'activité parlementaire. Ce n'est pas la bonne façon de procéder. Nous avons été élus sur la foi d'un programme.

Nous pouvons parfois tenir des votes libres à la Chambre comme c'est arrivé déjà à propos de l'avortement et de la peine de mort. Je dois dire à la députée que j'ai voté contre la peine de mort et contre l'avortement, même si mes électeurs pensaient autrement. Ils ont cependant continué de voter pour moi, car je me suis servi de mon jugement et de mon expérience dans ces cas-là. Il s'agissait pour moi d'une affaire de conscience. J'ai pris mes responsabilités à ce moment-là, et je me suis représenté devant mes électeurs. La députée devra faire la même chose.

Vous devez vous servir de votre jugement. Si les électeurs ne sont pas contents, ils voteront contre vous. C'est ça, la démocratie.

Le Président: J'ai parfois de la difficulté quand on pointe du doigt, même si je sais que c'est à moi qu'on s'adresse.

* * *

[Français]

LE BUDGET

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, à quelques jours du dépôt du Budget fédéral, des inquiétudes sont exprimées de toutes parts quant à l'éventualité d'une hausse des taxes et des impôts et l'élimination de certaines dispositions fiscales favorisant les familles à revenu moyen.

Le ministre des Finances est-il conscient que les contribuables à revenu moyen ont été surtaxés depuis dix ans et peut-il s'engager à les rassurer, à les ménager, cette fois-ci?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, le ministre des Finances est conscient que le gouvernement précédent a imposé, je pense, 38 ou 39 taxes de suite. Il est très clair que la classe moyenne, et d'ailleurs tous les Canadiens et Canadiennes souffrent d'un fardeau de taxation imposé par le gouvernement précédent, dont le chef de l'opposition a été un membre très important.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, j'ai très hâte à mardi prochain, car j'espère pouvoir m'amuser moi aussi.

À quelques jours du dépôt du Budget-et je pose ma question à nouveau-le ministre peut-il rassurer les familles québécoises et canadiennes en niant les rumeurs d'une hausse des impôts des contribuables à revenu moyen, en niant les rumeurs d'une imposition des régimes d'assurances collectives, en niant les rumeurs aussi du rabaissement du plafond des REER?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, le critique des finances du Bloc québécois est un économiste qui connaît très bien les règles du jeu. Il sait fort bien qu'à trois ou quatre jours d'un budget, ce n'est pas vraiment le rôle du ministre des Finances de révéler le Budget. Il sait fort bien qu'il devra attendre à mardi et je ne comprends pas pourquoi il ne fait pas preuve de bon sens.

* * *

[Traduction]

LE SUICIDE ASSISTÉ PAR UN MÉDECIN

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Sauf erreur, le premier ministre et son parti ont appuyé et même réclamé la Loi référendaire que le gouvernement précédent a fait adopter en 1992. C'était une situation particulière. Pourtant, dans la réponse qu'il m'a faite hier, le premier ministre a refusé la tenue d'un référendum sur le suicide assisté par un médecin.


1503

(1435)

A-t-il perdu confiance dans les Canadiens pour refuser de les laisser prendre cette décision au moyen d'un référendum national qui se tiendrait en même temps que les prochaines élections?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je voudrais que la députée vérifie quelques chiffres. Combien a coûté le dernier référendum? Les députés d'en face répètent sans cesse que nous dépensons trop. La députée estime-t-elle que chaque fois que les députés sont traumatisés et n'arrivent pas à se brancher, il faudrait que nous dépensions un demi-milliard pour les aider à se décider?

Nous exercerons notre jugement, et la population pourra nous juger aux prochaines élections. Je sais que nous les gagnerons.

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam): Monsieur le Président, je rappelle que ce référendum aurait lieu aux élections, ce qui règle le problème des coûts.

L'application de la Loi référendaire n'est pas limitée aux questions constitutionnelles. Le premier ministre le savait certainement lorsqu'il a écrit au très honorable Joe Clark le 12 novembre 1991: «Donnez au gouvernement fédéral le pouvoir de tenir un référendum.»

Pourquoi refuse-t-il ce droit aux Canadiens, à propos d'une question spéciale semblable à la Constitution?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous allons siéger pendant quatre ans et demi et nous aurons alors 25 questions à poser aux électeurs parce que tel ou tel membre du Parti réformiste, qui n'a aucune plate-forme, veut demander l'avis de ses électeurs au lieu d'avoir le cran de prendre position et de proposer un programme aux élections.

* * *

[Français]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. René Laurin (Joliette): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Devant le Comité permanent des finances hier, le vérificateur général a mis le gouvernement en garde contre l'impact coûteux de remplacer la TPS par une autre taxe dont on ne connaît toujours pas la nature et les modalités. Il a judicieusement fait valoir que l'implantation de la TPS avait coûté au gouvernement et aux entreprises plus de 800 millions.

Le ministre des Finances partage-t-il l'opinion du vérificateur général voulant que le remplacement de la TPS coûtera inutilement des millions de dollars au gouvernement et aux entreprises, alors que l'adaptation de ces entreprises à la TPS n'est même pas encore terminée?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, la responsabilité du comité est précisément de déterminer les alternatives à la TPS. Je pense que c'est là un exercice, un jugement démocratique très important. Si le gouvernement précédent avait fait cet exercice, peut-être qu'on ne serait pas dans le pétrin dans lequel on se trouve présentement.

Cela dit, le député doit savoir que je partage la plupart des opinions du vérificateur général, et je rappelle celle qui est d'éliminer entre ministères et départements, les chevauchements, les dédoublements. C'est le rôle du vérificateur général de faire la vérification des livres du gouvernement, et c'est le rôle du comité et du ministère des Finances de faire la politique de taxation dans le pays.

M. René Laurin (Joliette): Monsieur le Président, le ministre des Finances, plutôt que de remplacer la TPS, ne reconnaît-il pas qu'il serait plus judicieux de la simplifier, de régler les nombreux problèmes administratifs qu'elle pose et de prendre les moyens nécessaires pour percevoir les comptes en souffrance, qui s'élèvent à plus de 1,5 milliard de dollars?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, simplifier la taxe de vente, avoir une taxe, baisser les coûts, le fardeau de l'administration, tout ça fait partie vraiment de notre optique de remplacer la TPS. D'ailleurs, c'est une opinion qu'on partage et, jusqu'à maintenant, je pensais que cette opinion était partagée par votre critique des finances. Si ce n'est pas le cas, vous devrez le dire certainement au comité.

* * *

[Traduction]

L'ENVIRONNEMENT

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe): Monsieur le Président, la Commission mixte internationale a publié aujourd'hui un rapport où elle soutient que les gouvernements ne font pas assez d'efforts pour lutter contre la pollution dans les Grands Lacs. On sait que des produits chimiques toxiques continuent d'être déversés dans les Grands Lacs. En fait, des preuves montrent que cela cause des dommages à l'environnement tout en étant nuisible à la santé humaine.

(1440)

Ma question s'adresse à la ministre de l'Environnement. Le gouvernement a-t-il des plans particuliers pour remédier à ce grave problème?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, je voudrais remercier la députée de sa question. Je sais qu'elle s'acquittera fort bien de ses nouvelles responsabilités au poste de vice-présidente du Comité de l'environnement parce que sa réputation en matière de protection de l'environnement est bien établie.

Le fait est que le rapport de la CMI renferme de bien mauvaises nouvelles pour les 45 millions de gens dont l'eau potable vient des Grands Lacs. Le rapport confirme encore une fois nos craintes quant aux effets nocifs directs et indirects de ces produits.


1504

D'ailleurs, j'enverrai certains de mes collaborateurs à une réunion internationale qui se tiendra la semaine prochaine pour continuer les discussions sur l'élimination complète des produits toxiques.

Nous comptons établir un échéancier et un cadre de travail d'ici six mois. Dans la deuxième phase de l'entente canado-américaine sur la qualité de l'eau, nous voulons nous attaquer directement aux problèmes de la diminution du nombre de spermatozoïdes dans le sperme et de l'augmentation des cas de cancer du sein par l'élimination des produits toxiques.

* * *

L'ÉCONOMIE PARALLÈLE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Selon Radio-Canada, les contrebandiers d'alcool font des profits de 105 000 $ par camion en versant des pots-de-vin aux agents des douanes canadiens pour que ces derniers facilitent leur commerce. Le ministre des Finances parle d'abolir certaines échappatoires fiscales bien secondaires tandis que des contrebandiers trouvent des échappatoires de cette envergure.

Le gouvernement a-t-il l'intention d'appliquer les principes de son plan d'action contre la contrebande de cigarettes à tous les secteurs de cette économie souterraine en pleine croissance?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, si le député avait écouté l'annonce que j'ai faite à la Chambre la semaine dernière, il saurait que la GRC va s'attaquer non seulement à la contrebande de cigarettes, mais aussi à la contrebande d'alcool, de drogues et d'armes. C'est le mandat de la GRC et du ministère du Revenu national.

Pour réussir, nous devons dépenser davantage et nous avons accordé plus de crédits à la GRC et au ministère du Revenu national afin qu'ils possèdent les instruments requis pour faire le travail.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, j'aimerais poser une question supplémentaire.

Le gouvernement sait qu'il existe un lien direct entre des taxes élevées et la croissance de la contrebande qui alimente l'économie souterraine. Il a fixé des objectifs en matière de réduction du déficit et de création d'emplois.

Je demande au premier ministre si le gouvernement a aussi fixé des objectifs à long terme pour la réduction des taxes et s'il peut dire à la Chambre quels sont ces objectifs.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous avons déclaré que nous voulions ramener le déficit à 3 p. 100 du PNB. Je ne peux rien ajouter à ce que le ministre des Finances aura le plaisir de nous annoncer, mardi prochain, pour l'année financière qui vient. Le député n'a qu'à patienter jusqu'à cette date et il aura alors sa réponse.

[Français]

LA BOSNIE

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Monsieur le Président, hier, les dirigeants de la FORPRONU ont réclamé de 2 000 à 3 000 Casques bleus supplémentaires pour assurer efficacement le maintien du cessez-le-feu et le retrait de l'artillerie aux abords de Sarajevo.

En point de presse, le ministre des Affaires étrangères a déclaré hier qu'il considère l'envoi d'un nombre supplémentaire de Casques bleus et que le gouvernement prendrait une décision dans les jours qui viennent.

Compte tenu de l'urgence de la situation, le ministre des Affaires étrangères peut-il nous dire, oui ou non, si le Canada est en mesure de répondre favorablement à la demande de l'ONU et d'envoyer des Casques bleus supplémentaires à Sarajevo?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, l'honorable député devrait savoir que le Canada est le troisième pays en importance de contribution de forces onusiennes dans l'ex-Yougoslavie. Nous pensons que nous avons déjà fait plus que notre part à cet égard.

Il est évident que, afin de permettre un cessez-le-feu efficace et de maintenir la paix dans cette région, les Nations Unies essaient d'obtenir un nombre supplémentaire de troupes pour assurer et maintenir cette paix.

(1445)

Je pense que d'autres pays peuvent faire un effort plus important et nous espérons qu'ils suivront notre exemple et qu'ils répondront positivement à la demande du Secrétaire général des Nations Unies.

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Monsieur le Président, si je comprends bien, le ministre vient de dire que le Canada fait plus que sa part au niveau de cette mission. Donc, à défaut de pouvoir compter sur des effectifs additionnels, l'ONU pourrait rapidement s'avérer incapable de maintenir, dans des conditions durables, un cessez-le-feu auquel nous avons tous souscrit.

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je n'ai pas très bien compris la question, mais je présume que le député veut que je lui dise si je souscris à la demande des Nations Unies pour augmenter les effectifs sur place. Je pense que la réponse est oui. Nous l'avons dit à d'autres pays et nous pensons que nous faisons notre large part. D'autres pays devraient faire de même.

* * *

[Traduction]

LES DOUANES CANADIENNES

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Revenu national.

Le syndicat des douanes et de l'accise s'oppose à l'intégration des agents des douanes au ministère du Revenu national, car selon le syndicat, ils s'occuperont alors de la perception des impôts, plutôt que de la protection des frontières.


1505

Le ministre dit prendre des mesures pour assurer la sécurité de nos frontières. Peut-il également garantir à la Chambre que dans le cadre de ce processus, les descriptions de poste actuelles des agents des douanes demeureront inchangées?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national): Monsieur le Président, on a discuté longuement de cette question dans cette enceinte dans le cadre du débat en deuxième lecture sur le projet de loi C-2. On s'est à nouveau penché là-dessus au comité des finances, il y a peu de temps.

Le fait est que nous entendons continuer d'avoir ce que je considère être l'un des meilleurs services douaniers du monde pour ce qui est de l'aspect qui ne touche pas la perception des taxes aux frontières. En ce qui concerne cette tâche, nos agents font de l'excellent travail également, tout comme lorsqu'il est question d'essayer de trouver des enfants kidnappés ou d'empêcher la contrebande de produits, qu'il s'agisse de drogue, d'armes, d'alcool ou de je ne sais quoi.

Je peux garantir au député que le gouvernement n'a absolument pas l'intention de modifier le rôle fondamental du service des douanes à la frontière.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, je remercie le ministre de sa réponse.

Je voudrais préciser que c'est à cause de ce processus d'intégration et de l'initiative FP 2000 qu'on devra rédiger de nouvelles descriptions de poste. Le ministre peut-il me garantir que le nouveau libellé des descriptions de poste des agents des douanes mettra encore l'accent sur l'application des lois et la protection des frontières, plutôt que simplement sur la perception des impôts?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national): Monsieur le Président, je pensais avoir répondu à la question.

Je peux lui assurer que dans le cadre de la rédaction des nouvelles descriptions de poste, nous aurons tout d'abord à l'esprit l'excellent travail effectué à l'heure actuelle par les agents des douanes et peut-être le rôle toujours plus important que nous entrevoyons pour eux à la frontière.

Manifestement, à ce stade-ci, étant donné les négociations qui auront lieu avec le syndicat et au sein du ministère, je ne peux m'engager à ce que les descriptions de poste ne changent absolument pas à l'avenir.

En ce qui concerne l'accent mis sur certains aspects, et je crois que c'est là l'objet de la question du député, je n'envisage certes aucune modification à cet égard.

* * *

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre responsable de la Société canadienne des postes.

La politique du gouvernement précédent a entraîné la fermeture, entre 1986 et 1993, de quelque 1 300 bureaux de poste en zone rurale. En novembre dernier, le ministre a annoncé l'arrêt temporaire de ces fermetures.

Peut-il nous dire maintenant ce qu'il a l'intention de faire pour éviter la fermeture des bureaux de poste dans les régions rurales du Canada?

[Français]

L'hon. David Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique): Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. J'annonce aujourd'hui l'imposition, par le gouvernement du Canada, d'un moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux.

[Traduction]

Comme le sait le député, avant, pendant et après la campagne électorale, notre parti et le premier ministre ont clairement pris position contre la fermeture des bureaux de poste ruraux. Je désire annoncer l'entrée en vigueur immédiate d'un moratoire sur la fermeture des bureaux de poste dans les régions rurales et les petites villes du Canada.

(1450)

Des voix: Bravo!

M. Dingwall: Monsieur le Président, j'espère obtenir l'accord de la Chambre à 15 heures pour donner plus de détails à tous les députés.

* * *

[Français]

L'INDUSTRIE DU FILM

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine canadien.

Selon nos informations, le ministère du Patrimoine a commandé une étude pour évaluer un projet de fusion des activités de l'Office national du film et de Téléfilm Canada. Le ministre confirme-t-il l'intention de son gouvernement de fusionner les mandats de l'Office national du film et de Téléfilm Canada au sein d'un seul organisme?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, je peux confirmer qu'effectivement, il y a une étude en cours. Les conclusions, nous ne les avons pas encore. Il est bien sûr qu'il y aura des conclusions et des recommandations. Quand les recommandations nous viendront, et je ne peux pas anticiper ce qu'elles seront, des décisions seront prises.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, dans l'éventualité où il y aurait une recommandation pour la fusion, le ministre reconnaît-il qu'une telle fusion aurait pour effet de diluer ou de sacrifier l'aide au cinéma


1506

documentaire et d'animation en abolissant l'Office national du film pour l'intégrer à Téléfilm Canada?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, je peux certainement dire que j'ai un grand souci du public. J'ai un grand souci de la qualité et de l'information qui viennent de ces remarquables institutions. L'Office national du film est une institution qui date depuis longtemps. Dans toute décision qui sera prise, nous nous soucierons de ce service au public et de la qualité du service.

* * *

[Traduction]

LES RÉFUGIÉS

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

M. San Martin Pedro Hugo, un terroriste péruvien reconnu qui a été impliqué dans le meurtre de hauts fonctionnaires, s'est vu refuser le statut de réfugié et a été expulsé du Canada. Or, ce même individu a obtenu un permis du ministre et a pu revenir au Canada. Le réexamen de la demande de statut de réfugié de cet homme va coûter des dizaines de milliers de dollars aux contribuables canadiens.

Monsieur le Président, quand le ministre va-t-il mettre un terme à cette procédure et ordonner l'expulsion du terroriste?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. J'ai déjà discuté de cette affaire avec lui.

En ce qui concerne cet individu qui a demandé le statut de réfugié, mes fonctionnaires estimaient qu'il représentait une menace pour la population canadienne et c'est pourquoi ils ont refusé sa requête et ont ordonné qu'il soit expulsé immédiatement vers le Pérou.

Par la suite, l'avocat de l'individu a fait appel à la Cour fédérale du Canada. Le tribunal a ordonné l'audition d'un nouvel appel devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Comme nous sommes tous obligés de respecter la loi, le ministère de l'Immigration a tout simplement dû obéir à la Cour fédérale, conformément aux lois du pays.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Je me demande si la décision a été prise dans le meilleur intérêt des Canadiens. Depuis l'élection du gouvernement actuel, le ministre a pu prendre connaissance de nombreux cas d'abus de la procédure d'examen du statut de réfugié. Les Canadiens craignent que le système ne soit devenu incontrôlable.

Combien d'autres abus le ministre va-t-il permettre avant de faire droit aux préoccupations légitimes des Canadiens qui demandent une révision générale de la procédure de reconnaissance du statut de réfugié?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, le gouvernement est intervenu rapidement pour faire droit aux attentes des Canadiens en ce qui concerne l'amélioration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. En fait, le gouvernement a effectué des nominations qui ont rehaussé le niveau d'expérience et de compétence des membres de la commission. Ce fait a été communiqué par le secrétaire de presse au chef de son parti, qui a finalement reconnu que ces nominations étaient un pas dans la bonne direction.

(1455)

Deuxièmement, nous procédons actuellement à des examens qui permettront d'assurer un équilibre entre les impératifs de la tolérance et la criminalité. Le député devrait prendre garde de ne pas dramatiser et aggraver les choses en disant que la situation est devenue incontrôlable et que les demandeurs du statut de réfugié sont en grande partie des criminels. Les faits démontrent que cela est tout simplement incorrect.

Troisièmement, les fonctionnaires de l'Immigration ont renvoyé l'individu dans son pays, mais l'appel qu'il a interjeté auprès de la Cour fédérale lui a permis d'obtenir une ordonnance de réexamen de sa demande. Nous avons dû nous conformer aux lois du pays.

Je demanderais à mon collègue de se conformer à la loi. S'il souhaite que la loi soit modifiée, c'est là une autre affaire.

* * *

[Français]

LES JEUX OLYMPIQUES D'HIVER

M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine canadien.

Vendredi le 4 février dernier, à la veille du départ des frères Gorecki pour représenter le Canada dans le volet de la sculpture sur neige des Jeux de Lillehammer, j'avais reçu l'assurance du bureau du ministre que le délégation canadienne recevrait les frères Gorecki, avec tous les égards qui leur sont dus. Tel ne fut pas le cas cependant. N'eût été de la générosité des gens de la Norvège, les frères Gorecki auraient passé leur séjour sur le banc de neige.

Le ministre peut-il nous expliquer comment, bien au chaud dans sa suite, il a pu laisser se produire un tel impair, connaissant sa courtoisie diplomatique légendaire?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, je serais extrêmement peiné de perdre ma courtoisie diplomatique en faisant de la vie politique. Je crois que nous avons à Lillehammer une maison qu'on appelle la «Maison du Canada», qui est ouverte à tous les Canadiens qui viennent aux jeux olympiques et bien sûr, au premier chef, à nos athlètes.

Les personnes auxquelles on a fait allusion étaient certainement invitées à y venir et je suis navré si elles n'ont pas trouvé l'occasion de le faire. Je rajoute que je me suis arrêté voir leurs travaux, leurs sculptures de neige et de glace, et je me ferais un plaisir de les féliciter.

M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, j'aimerais que le ministre me précise les heures d'ouverture de la «Maison du Canada» à Lillehammer. Je crois que les frères Gorecki auraient droit de la part du ministre au moins au minimum, une excuse, parce que ces gens-là se sont rendus là-bas, et ils n'ont même pas été reçus chez eux.


1507

[Traduction]

Le Président: Le ministre a-t-il une réponse à donner?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Il n'y avait pas de question, monsieur le Président.

Le Président: Je n'en ai pas entendu.

* * *

LE BUREAU DE RÉGIE INTERNE

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au whip du gouvernement, en sa capacité de porte-parole du gouvernement pour le Bureau de régie interne.

Le whip sait certainement que, ces dernières années, le Bureau de régie interne, qui gère les affaires de la Chambre et son budget annuel de 240 millions de dollars, s'est réuni à huis clos et a refusé de publier ses décisions, y compris celles qui ont trait aux questions financières. Dans bien des cas, deux ou trois ans après la mise en oeuvre d'une décision, celle-ci n'était toujours pas rendue publique.

Le whip peut-il dire à la Chambre quelles sont les mesures qu'on a prises à cet égard, quelles sont celles qu'on envisage de prendre et à partir de quand nous pouvons compter sur une réforme qui assurerait un processus plus ouvert?

M. Alfonso Gagliano (Saint-Léonard): Monsieur le Président, je remercie le député de Calgary-Ouest de m'avoir posé cette question.

Il y a deux ans, en janvier 1992, quand mon chef-le premier ministre actuel-m'a confié un poste au sein de ce comité, j'avais dit que ses délibérations devraient être plus ouvertes. Je suis fier d'annoncer à la Chambre et, par son intermédiaire, à tous les Canadiens, que le Bureau de régie interne a décidé, à sa dernière réunion, de déposer ses procès-verbaux dès qu'ils seraient approuvés par la Chambre, afin que tous les députés et tous les Canadiens puissent connaître les décisions qu'il prend.

Je veux vous remercier, monsieur le Président, ainsi que tous les membres du bureau, d'avoir permis qu'on prenne cette décision. Je suis sûr que c'est un pas dans la bonne direction, pour un gouvernement qui se veut plus ouvert.

Des voix: Bravo!

* * *

(1500)

LA BASE MILITAIRE DE CORNWALLIS

M. Harry Verran (South West Nova): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

La base de Cornwallis est un centre de formation des recrues des Forces canadiennes depuis près d'un demi-siècle. Or, nous venons d'apprendre qu'en vue d'un déploiement dans l'ancienne Yougoslavie, les soldats canadiens reçoivent leur formation de gardiens de la paix en Californie.

Le ministre peut-il dire à la Chambre pourquoi cette formation se donne aux États-Unis plutôt qu'au principal centre de formation des forces canadiennes à Cornwallis?

Le ministre peut-il également nous assurer que les forces canadiennes n'engageront pas de coûts additionnels pour cet engagement et pour la formation qui se donne aux États-Unis?

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je remercie le député de South West Nova pour ses nombreuses questions.

Tout d'abord, la formation des soldats canadiens qui seront gardiens de la paix en Bosnie se poursuit actuellement en Californie. Ce groupe porte le nom de Strathcona et vient de Calgary. La formation se donne en Californie parce que nous devons garantir des conditions climatiques appropriées, ce que nous ne pouvions faire dans aucune base au Canada, que ce soit celles de Cornwallis, de Gagetown ou de Valcartier.

Ensuite, les installations pour la formation en plein air à Cornwallis ne convenaient pas du tout à ce genre de formation.

Je signale aussi que le député s'est montré fort assidu en me poursuivant dans tous les coins et recoins des édifices du Parlement pour faire valoir la cause de Cornwallis. Permettez-moi de lui dire, ainsi qu'à ses électeurs, que nous gardons à l'esprit les promesses que nous avons inscrites dans notre livre rouge. Nous n'oublions pas que nous avons promis l'établissement au Canada d'un centre de formation pour les gardiens de la paix. Dans les semaines qui viennent, nous ferons connaître les décisions qu'entraîneront les compressions budgétaires et diverses mesures concernant la Défense nationale.

J'espère simplement qu'il comprendra que nous l'écoutons et que nous accordons à ses opinions toute l'attention nécessaire. J'espère aussi qu'il se rendra compte que nous tenons à remplir les engagements que, conjointement avec le premier ministre, nous avons pris pendant la campagne électorale.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

DEMANDE DE REPORT

M. Jag Bhaduria (Markham-Whitchurch-Stouffville): Monsieur le Président, je prends la parole pour fournir une explication sur un fait personnel et vous demander de reporter votre décision relativement à la question de privilège que j'ai soulevée à la Chambre, le 15 février.

Je formule cette demande afin d'avoir le temps de retenir les services d'un avocat et de discuter avec celui-ci. Je souhaite être jugé par mes pairs dans le cadre d'un processus juste et transparent, c'est-à-dire par le Comité permanent des élections, des privilèges, de la procédure et des affaires émanant des députés.

Je m'engage à honorer et à respecter le verdict de mes pairs au terme d'une audience juste. Je suis convaincu que l'application régulière du processus prévu me permettra d'être disculpé de toute accusation et de tout soupçon.

DÉCLARATIONS DE MINISTRES

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Compte tenu de l'ouverture d'esprit qui caractérise la Chambre, celle-ci serait-elle disposée à revenir aux déclarations de ministres, afin de permettre au ministre des Services gouvernementaux de faire la déclaration à

1508

laquelle il a fait allusion au cours de la période des questions orales au sujet des bureaux de poste ruraux?

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, j'avais indiqué au leader du gouvernement et au whip que j'étais en accord avec la déclaration du ministre et qu'on accorderait notre consentement unanime, même si on a reçu de façon très tardive l'information et le document.

D'autre part, nous aurions apprécié, de ce côté-ci de la Chambre, un peu plus de retenue de la part du parti gouvernemental lors de la période des questions, afin qu'il y ait vraiment une déclaration et non une avant-première de déclaration, comme ce fut le cas lors de la période des questions. Le ministre aurait peut-être pu se garder de demander à un autre député de lui poser une question bien préparée par son ministère. Nous accordons notre consentement.

(1505)

[Traduction]

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, j'aimerais prendre la parole au sujet du même rappel au Règlement.

Nous pensons qu'il serait déplacé de permettre une déclaration de ministre au cours de la période des questions orales. Par conséquent, nous ne sommes pas disposés à accorder le consentement nécessaire dans ce cas-ci.

DEMANDE DE REPORT

M. John Nunziata (York-Sud-Weston): Monsieur le Président, le député de Markham-Whitchurch-Stouffville a formulé une demande à la présidence mais je ne crois pas que celle-ci y ait répondu. La présidence va-t-elle reporter sa décision?

Le président: Je vais reporter ma décision à une date ultérieure. Je croyais l'avoir mentionné clairement. Oui, je vais reporter ma décision.

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, j'aimerais demander au leader du gouvernement de nous informer sur les travaux de la Chambre pour les prochains jours.

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, aujourd'hui, la Chambre poursuivra l'étude de la motion visant à constituer un Comité mixte spécial pour étudier la politique de défense. Vendredi, la Chambre étudiera le projet de loi C-5, Loi modifiant le Tarif des douanes, ainsi que le projet de loi C-7 concernant la réglementation de certaines drogues contrôlées.

Lundi sera une journée d'opposition. Mardi, la Chambre étudiera le projet de loi C-11 portant sur la vente du tabac. Comme vous le savez déjà, à 17 heures, le ministre des Finances fera son exposé budgétaire. Le débat sur le budget commencera mercredi et se poursuivra jeudi.

Le vendredi 25 février, la Chambre se penchera sur une mesure législative que nous déterminerons, en consultation avec les leaders parlementaires de l'opposition. Vers la fin de la semaine prochaine, nous espérons également être en mesure de discuter avec les leaders parlementaires des travaux auxquels la Chambre devra s'attaquer immédiatement après son congé d'une semaine.

En terminant, lorsque j'ai dit que lundi était une journée d'opposition, les services du greffier auront compris que je voulais faire de cette journée un jour désigné. Je tiens à préciser que, toutes les fois que je mentionnerai que lundi ou tout autre jour est journée d'opposition, cela signifiera que je le désigne officiellement comme tel. J'espère que toutes les parties intéressées auront bien compris mon message.

Je ne fais pas allusion ici à mes collègues, les leaders parlementaires de l'opposition, mais bien aux gens chargés de consigner nos travaux.

_____________________________________________


1508

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA POLITIQUE DE DÉFENSE

La Chambre reprend l'étude de la motion.

M. Ron MacDonald (Dartmouth): Madame la Présidente, avant la période des questions, le député m'a posé une question au sujet du Livre blanc sur la défense. Je voudrais y répondre plus en détail.

La question était essentiellement la suivante: Serais-je d'accord pour que notre gouvernement dépose un livre blanc sur la politique en matière de défense? Le député semblait d'avis que cela devrait précéder toute consultation. Je lui ai fait savoir très clairement que notre gouvernement est différent du précédent. Nous consultons avant d'agir et non l'inverse.

Dans notre livre rouge, nous nous sommes engagés à tenir des consultations. Nous avons dit aux Canadiens en général et aux membres des Forces canadiennes en particulier qu'ils ne verraient plus d'entreprise de démolition en matière de politique de défense, que nous reconnaissons en tant que gouvernement avoir le devoir de moderniser notre secteur de la défense. Nous reconnaissons aussi qu'il existe des restrictions financières, restrictions que nous avons héritées du gouvernement précédent. Mais nous reconnaissons avant tout que, en matière de politique nationale de défense, de politique sociale, de politique des pêches ou de quelque autre politique, nous avons le devoir de consulter les


1509

Canadiens. Ce que nous avons fait ici, aujourd'hui, avec ce débat, c'est lancer le processus. C'est maintenant au tour d'un comité parlementaire d'examiner ce que nous devrions faire dans le contexte géopolitique moderne.

(1510)

Bref, nous y reviendrons à un moment donné. Oui, j'appuierai notre gouvernement, notre parti dans la présentation et le dépôt à la Chambre des communes d'un Livre blanc sur la défense nationale. Mais cela ne se fera, j'y insiste, que lorsque le comité aura accompli son travail et que tous les groupes d'intérêt et tous les Canadiens qui le désirent, auront d'abord été entendus.

M. Guy H. Arseneault (Restigouche-Chaleur): Madame la Présidente, j'ai écouté attentivement mon collègue de Dartmouth et je sais qu'il s'intéresse vivement aux affaires liées à la Défense nationale. Il a parlé avec beaucoup d'éloquence aujourd'hui et à d'autres occasions à la Chambre et au caucus. Il est certainement un ardent défenseur de la Défense nationale. Je lui demanderais aujourd'hui de faire quelques remarques supplémentaires au sujet des fermetures de bases à la Défense nationale.

M. MacDonald: Madame la Présidente, je veux bien faire quelques remarques supplémentaires à ce sujet.

Si nous discutons avec des militaires canadiens qui savent de quoi ils parlent, aux gens qui devraient participer à l'élaboration de la politique de défense, et si nous leur demandons de quoi ils ont besoin pour faire le travail que nous leur avons confié, ils diront que, depuis que le gouvernement conservateur a réduit le personnel permanent, il n'y a eu aucune réduction correspondante dans l'infrastructure de défense. Nous savons tous que c'est le cas.

Les arguments que je présente aujourd'hui sont fondés sur un principe fort simple. Si nous demandons à un comité de la Chambre des communes de faire de vastes consultations d'un bout à l'autre du pays au sujet de notre politique de défense, alors nous ne devrions pas, dans la mesure du possible-et je dis bien dans la mesure du possible-porter préjudice au résultat de ces consultations.

Ce que nous devrions faire, conformément aux engagements que nous avons pris dans le livre rouge, c'est essayer de réduire de 360 millions de dollars les dépenses au titre de la défense en touchant le moins possible à l'infrastructure existante.

Nous venons d'entendre mon collègue de la région de Cornwallis, le député de South West Nova, poser une question au ministre au sujet de la base de Cornwallis. Nous savons que cette base, située en Nouvelle-Écosse, est le centre d'instruction des recrues anglophones pour les Forces canadiennes. Même si nos forces sont réduites, je suppose que l'examen de la politique montrera que nous aurons encore de nouvelles recrues anglophones.

Mon collègue de South West Nova a posé une question précise au sujet du maintien de la paix.

Je veux faire valoir que si nous pouvons laisser l'infrastructure intacte dans la mesure du possible en attendant le résultat de l'examen de la politique de défense, nous laisserons au comité d'examen la porte ouverte à toutes les possibilités pour ce qui est du rôle qui, selon lui, devrait être confié à nos forces armées.

Ce n'est jamais facile de fermer une base. Je tiens à le dire. Cependant, cela peut être déraisonnable pour un gouvernement de fermer une base sans examiner les priorités et les exigences en matière de défense et analyser l'incidence de la fermeture de cette base sur ces exigences.

J'espère que le ministre de la Défense nationale et le ministre des Finances, dans toute leur sagesse, examineront les opérations et envisageront des moyens tels que la réduction des heures de vol des Sea King à Shearwater. Chaque heure de vol des Sea King de la base de Shearwater nécessite environ 21 heures de maintenance. Si on pouvait réduire de 30, 40 ou 50 p. 100 les heures de vol de ces appareils sans nuire à leur mandat et sans les empêcher d'exécuter certaines manoeuvre obligatoires, on réaliserait des économies importantes sur une année.

On pourrait aussi réduire les heures de vol des Challenger qui font la surveillance des pêches au-dessus de l'Atlantique. Je crois comprendre que 40 p. 100 de ces vols n'ont vraiment rien à voir avec la surveillance des pêches. Si nous mettions en oeuvre des mesures de ce genre à court terme, pendant un an peut-être, d'ici à ce que l'examen de la politique de défense soit terminé, cela nous permettrait de réduire les dépenses sans nuire au résultat de l'examen de la politique.

(1515)

Voilà ma position au sujet de l'examen de notre politique de défense. J'espère que, lorsque le budget sera déposé mardi, les ministres responsables auront été capables de trouver des façons de réaliser des économies à l'interne sans trop toucher aux bases et à l'infrastructure.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières): Monsieur le Président, c'est avec un plaisir plutôt relatif que je suis amené à prendre la parole en cette Chambre aujourd'hui.

Le présent débat spécial commandé par le gouvernement sur la politique canadienne de défense ressemble étrangement aux précédents débats spéciaux qui ont marqué les travaux de cette Chambre depuis le 17 janvier dernier. Débat sur les programmes sociaux, débat sur le rôle du Canada en Bosnie, débat sur les missiles de croisière, débat sur la vie parlementaire, débat prébudgétaire, etc., tous ces débats présentés à la pièce sans fil conducteur illustrent combien ce nouveau gouvernement fraîchement élu semble ne pas avoir le courage politique d'aller au fond des choses.

Ceci contraste cependant curieusement avec les prétentions contenues dans le livre rouge du Parti libéral du Canada qui, pendant des dizaines de pages, a fait miroiter aux Canadiens et aux Québécois combien le Parti libéral était apte à comprendre et à solutionner les énormes problèmes économiques et sociaux que nous rencontrons aujourd'hui.


1510

Ce débat ne s'inscrit nulle part alors qu'il aurait dû l'être dans le cadre d'une réflexion globale sur la politique étrangère du Canada, sur le rôle du Canada face au tiers monde, sur le rôle du Canada face aux missions de paix, sur le rôle du Canada face au désarmement, sur les relations avec les États-Unis, sur les relations entre la politique étrangère et la politique de défense, etc.

Nous sommes soumis à un débat spécial sur la politique canadienne de la défense dont l'un des objets principaux est de suggérer l'établissement d'un comité mixte où l'autre Chambre serait représentée, sans doute avec l'objectif ultime d'augmenter en apparence son degré d'utilité et ainsi légitimer un peu plus le bien-fondé de son existence dans l'opinion publique canadienne.

Des voix: Bravo!

M. Rocheleau: Ce comité, qui, au surplus, fera de façon évidente double emploi avec le Comité permanent de la défense, sera une superbe illustration de gaspillage de fonds publics, de perte d'énergie et de temps, et de chevauchements.

Ce débat est d'autant plus vide de sens qu'il ne reflète même pas-et c'eût été là la moindre des choses-ce que dit le livre rouge en matière de reconversion industrielle, dimension qui m'intéresse particulièrement comme porte-parole en matière d'industrie.

Le livre rouge dit de façon claire, nette et précise, à la page 50 de sa version française: «Les industries militaires emploient directement et indirectement à l'heure actuelle plus de 100 000 Canadiens. La fin de la guerre froide met en péril des milliers d'emplois de haute technicité. Un gouvernement libéral mettra en place un programme de reconversion des industries militaires en industries civiles vouées à la haute technologie.»

Aujourd'hui, pas un mot. Pas un mot dans le discours du Trône, pas un mot dans la réponse au discours du Trône du ministre de l'Industrie, pas un mot dans la présentation de ce débat spécial sur la politique de défense par le ministère de la Défense. La question de la reconversion industrielle des usines militaires a complètement été évacuée du discours et des préoccupations de ce gouvernement.

Les entreprises qui oeuvrent dans le domaine de la production d'armement sont pour la plupart des entreprises manufacturières qui rapportent beaucoup en terme de valeur ajoutée dans la production d'un produit. Les emplois reliés à la production de défense sont donc des emplois précieux et il importe de les préserver car l'affaiblissement de l'industrie manufacturière au Canada et au Québec peut avoir des conséquences extrêmement dommageables sur l'économie.

On estime à plus de 46 000 le nombre d'employés au Québec qui dépendent de la production d'armes. De ces 46 000 emplois, plus de 32 000 sont répertoriés dans des secteurs industriels. La question de la reconversion industrielle se pose ainsi au Québec avec une acuité toute particulière. En effet, les livraisons d'armes produites au Québec ont chuté, entre 1987 et 1992, de plus de 48 p. 100, passant de 1,6 milliard en 1987 à 810 millions en 1992 et pour la même période, 11 000 emplois directs ont ainsi disparu.

(1520)

Le contexte géopolitique, de même que la diminution des contrats d'achat d'équipement du ministère de la Défense nationale ont provoqué une baisse sensible de la production de matériel militaire, dans la région de Montréal tout particulièrement. Les entreprises associées à ce type de production traversent donc une période extrêmement difficile et la transition n'est pas garante de la préservation de nombreux emplois.

À titre d'exemple, l'abandon du contrat des hélicoptères EH-101 occasionne, pour l'économie québécoise, un manque à gagner important. Les entreprises de défense travaillent dans des secteurs de très haute technologie où les coûts sont élevés. Autrement dit, si la reconversion doit se réaliser, c'est vers des productions civiles à très haute valeur ajoutée et à très fort contenu technologique, certainement pas dans la fabrication de tuyaux de poêle ou de biens de consommation courante.

S'il y avait, chez ce gouvernement, une réelle volonté politique, il pourrait agir quasi immédiatement dans deux dossiers où pourrait s'effectuer de façon tangible une restructuration industrielle. J'ai mentionné tantôt le dossier des hélicoptères et la décision du gouvernement de mettre fin à leur fabrication, et ce, avec l'appui du Bloc québécois. Il faut se rappeler, cependant, de la compensation de la contrepartie que suggérait alors l'opposition officielle afin d'atténuer ou d'éviter complètement l'impact négatif découlant de cette décision. Il s'agissait de transporter et les budgets et l'expertise scientifique et technologique du projet de fabrication des hélicoptères vers le projet de train à grande vitesse, le TGV Québec-Windsor, projet aux retombées économiques et technologiques très importantes et qui a l'immense mérite de répondre à un besoin de la population civile et dont la technologie pourrait être ensuite exportable.

Jusqu'à maintenant, le gouvernement libéral a fait la sourde oreille face à cette suggestion malgré les énoncés du livre rouge. Même attitude dans le dossier du chantier naval de la MIL Davie. Autrefois spécialisée dans la fabrication de navires militaires, elle est maintenant menacée de disparition. En effet, cette entreprise a déjà été dans l'obligation de mettre à pied 600 travailleurs depuis le début de 1993. Si rien n'est fait, ce chantier pourrait bien être obligé de fermer ses portes après la livraison du dernier navire à la marine canadienne. L'entreprise s'est engagée dans un processus qui lui permettra de se reconvertir de l'industrie militaire à l'industrie civile. Elle s'est engagée dans ce processus. Dans ce contexte, pour qu'elle survive, il faut absolument que MIL Davie reçoive le contrat de construction du traversier des Îles-de-la-Madeleine et une aide à la mise au point d'un navire nouveau genre appelé «multifonctionnel» ou smart ship.

Le dossier de la MIL Davie a d'ailleurs fait l'objet d'un consensus unanime lors du Rendez-vous économique 1993 du secteur privé tenu les 15 et 16 septembre 1993 à Montréal, suite à une proposition présentée par le Conseil du patronat où étaient réunies 18 associations, allant de la Chambre de commerce de Montréal en passant par la Fédération canadienne des entreprises


1511

indépendantes jusqu'au Front de solidarité des travailleurs du Québec et les quatre grandes centrales syndicales du Québec.

Lors de ce même «Rendez-vous», une résolution présentée par l'École polytechnique de Montréal fut aussi adoptée unanimement par les mêmes participants concernant la mise en oeuvre du projet de train rapide Québec-Windsor. Dans cette même veine, je voudrais porter à votre attention que des gens de ma circonscription et de la région de Trois-Rivières m'ont présenté, la semaine dernière, une pétition de près de 6 700 noms demandant une réduction substantielle des dépenses militaires et qu'une bonne partie des économies ainsi réalisées soient réinvesties dans la création d'emplois «valables». Ces 6 700 noms s'ajoutaient à 5 000 autres qui avaient manifesté antérieurement leur désaccord avec le contrat de fabrication des hélicoptères. Je voudrais d'ailleurs profiter de l'occasion pour saluer et rendre hommage pour leur ténacité, tous ceux et celles qui ont collaboré à cette opération, et c'est avec fierté que je déposerai dans cette Chambre cette pétition, dans les semaines qui viennent.

(1525)

Si elle doit se faire et réussir, la reconversion industrielle se fera cas par cas, usine par usine. Il y a déjà quelques cas de réussite, dont notamment un qui m'a particulièrement intéressé, soit celui de l'usine Expro de la région de Montréal. C'est de l'instrument qui a permis d'arriver à ce succès dont je voudrais vous entretenir brièvement, soit la mise sur pied d'un comité d'adaptation de la main-d'oeuvre communément appelé CAMO.

Je suis d'autant plus fier et à l'aise de traiter de cet aspect que j'ai oeuvré pendant 11 ans, dans ma région, pour le compte du ministère de la Main-d'oeuvre du Québec, au sein de ces comités de protection de l'emploi appelés CAMO. Je peux donc témoigner de la force, de la puissance de ces comités au sein d'une entreprise, quand sa présence et son rôle sont bien compris, force qui découle de l'information, souvent confidentielle, qui circule au sein du comité, de la cause commune qui est en jeu et de l'intérêt des parties à trouver ensemble des solutions à des problèmes communs.

Quand ensemble, employeurs et salariés sont appuyés par les gouvernements et épaulés par un tiers-intervenant neutre et indépendant qui diagnostique les forces et les faiblesses de l'entreprise, tant celles de l'employeur que des employés, et que ce tiers-intervenant présente ensuite, les parties s'étant entendues sur le diagnostic, un plan de redressement contraignant, il est très rare que la situation ne s'améliore pas.

Comme dans le cas d'Expro, cela devrait être la structure privilégiée par le gouvernement s'il devait un jour décider de donner suite à ses engagements électoraux concernant la reconversion industrielle.

En conclusion, il faut être conscients que c'est toute une partie de l'industrie manufacturière porteuse de haute technologie qui se voit menacée par la conjoncture actuelle. L'avenir économique du Canada et du Québec est largement tributaire de notre capacité de réagir positivement à ce changement structurel. Il faut que ce gouvernement se ressaisisse et qu'il démontre concrètement sa volonté politique d'agir avec vigueur et cohérence afin d'assurer la reconversion industrielle de nos entreprises militaires.

[Traduction]

M. Ron MacDonald (Dartmouth): Madame la Présidente, le député vient de nous dire quelles dépenses du ministère de la Défense nationale pourraient, à son avis, être réduites.

Il y a des gens qui estiment que certaines provinces n'obtiennent peut-être pas assez de retombées économiques des dépenses de la Défense. L'une de ces provinces où les retombées sont assez appréciables, c'est le Québec. Apparemment, beaucoup de députés québécois qui siègent de ce côté-ci et beaucoup d'employés de députés québécois que je connais ne sont guère informés des répercussions économiques appréciables et très positives des dépenses du ministère de la Défense dans leur province.

Je rappelle au député que, selon les chiffres que j'ai demandés au ministère de la Défense, ce ministère dépense directement plus de deux milliards de dollars-c'est beaucoup-au Québec.

J'irais encore plus loin. Il y a des sommes qui, parfois, n'entrent pas dans les calculs, notamment les retombées des projets d'immobilisations dans le Canada atlantique. Nous avons le programme de remplacement des frégates canadienne à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Beaucoup de ces navires sont construits au Québec. Le ministère de l'Industrie a même indiqué clairement qu'environ 44c. de chaque dollar dépensé en immobilisations dans le Canada atlantique prenait la direction de l'Ontario et du Québec.

Par conséquent, les retombées économiques réelles des programmes de la Défense nationale au Québec sont peut-être 50 p. 100 ou même deux fois plus élevées que ce que disent les chiffres. Il s'agirait donc de trois à quatre milliards de dollars.

Le député de Trois-Rivières a dit qu'il avait une pétition d'habitants de sa circonscription. Selon les pétitionnaires, il devrait peut-être y avoir des compressions encore plus radicales.

Le député sait qu'il y a des employés militaires et civils de la Défense nationale dans sa circonscription, qui bénéficie ainsi de quatre à six millions de dollars au moins. Serait-il prêt à renoncer à l'argent que représentent les salaires des employés civils et militaires de la Défense, ses contributions et ses acquisitions, pour l'injecter ailleurs dans sa circonscription? Est-il d'accord avec les pétitionnaires qui disent que nous devrions enlever quatre ou cinq millions de dollars à Trois-Rivières?

(1530)

[Français]

M. Rocheleau: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. Je pense qu'il faut voir la question dans sa perspective la plus large. Il y a sur cette planète des transformations majeures sur le plan géopolitique, et, sur le plan interne canadien, il y a eu effectivement des coupures de budget, déjà enclenchées depuis quelques années. Je l'ai illustré dans mon propos, les dépenses ont diminué d'environ 48 p. 100, et cela a eu pour effet de faire diminuer les emplois de 11 000 au Québec, et des emplois de haute technologie.


1512

Il va falloir développer, dans les milieux gouvernementaux et chez la classe politique, une vision large. Je pense qu'on ne pourra pas se limiter à du court terme; il faudra voir les choses à moyen et à long terme. C'est sûr qu'il y aura peut-être des sacrifices à faire. Mais ce sur quoi je voulais insister, entre autres, c'est que ça se fera cas par cas. Je pense qu'il ne s'agira pas de grands programmes gouvernementaux bien conçus, ici à Ottawa, mais ce sera du cas par cas, usine par usine, en utilisant l'instrument avec lequel je suis familier: les comités de main-d'oeuvre. Ces comités ont connu leur succès dans toutes sortes de situations, notamment dans un cas qui fait, à ce qu'on m'a dit, déjà école sur cette planète, où toutes sortes de gens, entre autres, des universitaires, étudient la façon dont on s'y est pris chez Expro pour parvenir à faire en sorte que, d'une entreprise qui était renommée pour ses conflits de travail de toutes sortes, grèves, lock-out, où il s'est produit toutes sortes de choses plutôt négatives, c'est une entreprise qui, aujourd'hui, a su développer des relations de travail exemplaires et retrouver la rentabilité.

Je pense qu'il faut privilégier cet instrument-là qui n'est pas sorcier, sauf qu'il faut le faire: entretenir de bonnes relations entre le patron et l'employé. Le secret de ce mécanisme-là, il ne faut pas se le cacher, c'est l'information.

[Traduction]

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte): Madame la Présidente, je me réjouis certainement de voir que mon collègue d'en face a lu si religieusement le livre rouge. Nous sommes heureux de le constater.

Après avoir écouté ses observations à propos des programmes économiques et sociaux et de toutes ces mesures que nous devrions prendre aujourd'hui, je puis assurer au député que notre gouvernement s'y emploiera.

Quant au comité de la défense et à l'objet du débat d'aujourd'hui, le député a fait plusieurs observations à propos de solutions de rechange et suggéré des moyens pour le gouvernement de travailler avec et pour les citoyens et de leur donner l'occasion d'apporter leur contribution.

Le comité dont il parle permet en fait d'apporter une contribution additionnelle. J'espère bien que le député donnera au comité la chance de profiter de sa compétence en participant à ses travaux et en y faisant des suggestions. Voilà exactement à quoi il sert. C'est une tribune permettant à autant de gens que possible dans ce domaine de nous faire bénéficier de leur compétence et de leur contribution pour aider le ministère à prendre les meilleures décisions possible en dernière analyse.

Nous devrions nous réjouir du fait que le gouvernement actuel continue de donner ainsi l'occasion d'apporter une contribution. Cela n'a pas toujours été le cas sous les gouvernements précédents.

Le député est-il prêt à faire bénéficier le comité de sa compétence et de sa contribution pour l'aider à prendre ces décisions qu'il faudra prendre pour le long terme autant que pour le court terme, et à formuler les recommandations qu'il adressera au ministère de la Défense?

[Français]

M. Rocheleau: Monsieur le Président, je remercie l'honorable collègue pour ses propos; je trouve très flatteur que cela ait attiré son attention. Il est évident que si jamais, en certains milieux, on pensait que ma contribution pourrait être utile, je serais flatté de pouvoir apporter ma contribution. Mais, dans mon discours, ce à quoi j'en veux quand on parle du comité, c'est du comité mixte dont il est question ici, qui va faire double emploi avec le comité permanent de la Chambre sur la défense. Personnellement, je ne vois pas là matière utile, mais il s'agit peut-être d'une façon comme une autre de désennuyer les gens de l'autre Chambre. Je pense que, au prix que cela coûte, et les gens de ce côté-ci de la Chambre seront d'accord avec moi-des statistiques sont sorties récemment-je pense qu'il y aurait peut-être d'autres façons de les utiliser, s'il y a matière à les utiliser.

(1535)

Il m'apparaît, de plus, que ce débat ne s'inscrit nulle part. On aurait été en droit de s'attendre, en tant qu'opposition officielle, à un plan d'action, un plan d'ensemble, une vision d'ensemble de la défense et de la politique étrangère, un livre blanc. Mais, ce n'est pas le cas, puisqu'on nous propose une motion où on fait état de la mise sur pied d'un comité mixte. C'est très décevant.

Quant à l'autre point, il me fera plaisir, si jamais en certains milieux on juge ma contribution pertinente, d'y collaborer.

[Traduction]

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est): Madame la Présidente, je serai aussi brève que possible.

Je tiens à remercier le député de son exposé. Il a donné dans son intervention des détails très intéressants sur des activités du secteur manufacturier québécois qui sont axées sur la défense et qui fournissent effectivement beaucoup d'emplois; il a parlé de 46 000 emplois.

Il a déploré dans ses remarques préliminaires l'absence de fil conducteur pour lier nos débats à la Chambre. C'est une critique bien légitime qui reflète un souci de cohérence-c'est le terme que le député a utilisé-dans l'élaboration de programmes nationaux. Mais il est ensuite passé au domaine provincial pour insister sur des sujets de préoccupation plus restreints.

Comment peut-il prétendre jouer un rôle de représentant national et travailler en même temps à un scénario cas par cas à l'intérieur du Québec et pour le Québec? Cela n'assure pas la cohérence nationale dont il parlait dans ses remarques préliminaires.

[Français]

M. Rocheleau: Madame la Présidente, je remercie ma chère collègue de Calgary-Sud-Est pour ses propos.

Dans le cas qui nous occupe, et c'est peut-être là où mon expérience entre en ligne de compte, je sais que les programmes gouvernementaux qui s'adressent aux problèmes internes des entreprises doivent être traités de façon interne dans ces entreprises. C'est par le biais justement d'une intervention maison, où les principaux intervenants sont présents, c'est-à-dire un employeur qui est là en chair et en os, et des salariés, qu'ils soient syndiqués ou pas, où les gens doivent apprendre à se parler, et cela se fait dans n'importe quelle situation. Expro en est un cas


1513

patent; cela se fait, entre autres, relativement à la reconversion militaire, comme cela s'est fait dans d'autres domaines où il y a eu diagnostic et redressement valable de la situation.

[Traduction]

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Madame la Présidente, je suis très heureuse de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui. C'est la première occasion que j'ai de le faire quand c'est vous qui occupez le fauteuil.

Je tiens à vous féliciter pour votre nomination comme vice- présidente des comités pléniers. Je sais que la Chambre bénéficiera des bons conseils que vous lui donnerez en présidant nos travaux aujourd'hui et dans l'avenir. Je vous offre donc mes plus sincères félicitations.

Je me réjouis aussi de participer à ce débat et de parler pendant quelques minutes d'une question qui nous préoccupe beaucoup, mes électeurs et moi. Depuis maintenant plus de cinq ans, j'ai l'insigne honneur de représenter la population d'Halifax.

Cette ville a bien des surnoms. On dit d'elle que c'est la ville des arbres. C'est en outre celle qui compte le plus d'espaces verts en Amérique du Nord, mais grâce à Hugh MacLennan, elle est surtout connue comme étant le Gardien de l'Atlantique Nord. Durant la Seconde Guerre mondiale, elle était décrite dans bien des dépêches et des bulletins d'informations comme un petit port canadien de la côte est.

(1540)

Depuis sa fondation en 1749, elle a été un ville militaire d'une grande importance pour la défense de l'Amérique du Nord et plus particulièrement pour celle de l'Atlantique nord. C'est non seulement la base navale de l'est du Canada, mais c'est aussi la plus importante base navale de notre pays.

Diverses raisons expliquent le choix d'Halifax. La plus importante, c'est probablement le fait que nous ayons l'un des plus beaux ports naturels du monde. Jusqu'à cette année, il avait généralement été libre de glaces, mais l'hiver en cours a frappé durement beaucoup d'entre nous. Même dans le port de Halifax, il y a eu un peu de glace cet hiver. Habituellement, nous nous targuons d'avoir le plus grand port naturel libre de glaces du monde entier.

Un autre avantage du port d'Halifax, c'est qu'il est le port d'Amérique du Nord le plus près de l'Europe. Il est également situé à proximité des principaux ports maritimes de la côte est des États-Unis. Le bassin Bedford se trouve derrière le port d'Halifax. J'ai dit à maintes reprises, comme d'autres d'ailleurs, que même si tous les bateaux du monde y jetaient l'ancre, il resterait encore de la place dans ce bassin.

Halifax est le siège de la Marine royale du Canada depuis sa fondation. Elle ne s'appelait peut-être pas la Marine royale du Canada à l'époque. Je suis certaine que le député de Bonavista peut me dire quel était son nom exact en 1749; je ne veux pas dire qu'il était présent, mais qu'il le sait sûrement.

M. Mifflin: Sir Edward Cornwallis.

Mme Clancy: C'est exact, il était amiral à l'époque.

Mais trêve de plaisanteries, Halifax a joué un rôle de premier plan pour la marine canadienne dès que celle-ci a vu le jour. Les Haligoniens sont maintenant fiers et heureux-même s'ils ne l'ont pas toujours été-que leur ville soit le siège de la Marine royale du Canada.

Comme mon collègue de Terre-Neuve le reconnaîtra, nous avons eu des différends à certains moments, mais ceux-ci sont réglés depuis longtemps. Comme je l'ai dit, la présence de la Défense nationale à Halifax et dans les environs est très importante pour la santé de l'économie de la ville, de la province et de toute la région de l'Atlantique, mais elle compte aussi beaucoup dans notre histoire et notre vie culturelle.

Nous sommes une ville portuaire et nous nous définissons en fonction de notre port. Nous savons que la présence militaire revêt une extraordinaire importance. Nous savons aussi que ce qui compte énormément pour l'économie de notre ville, ce ne sont pas uniquement les navires et leur personnel, mais aussi le travail qui se fait dans les chantiers navals.

Je provoque toujours l'étonnement en le disant, mais nous sommes essentiellement une ville sans industrie. Nous sommes le centre régional de l'administration fédérale et la capitale de la Nouvelle-Écosse. Nous avons cinq universités, ou plutôt six, excusez-moi. Mon collègue de Halifax-Ouest ne tarderait pas à me rappeler que nous comptons, sur le territoire de nos deux circonscriptions, six universités. Nous avons aussi cette pièce maîtresse de notre économie, le ministère de la Défense nationale.

Par conséquent, pendant l'examen qui s'amorce sur nos forces armées et notre politique de défense, il est crucial, pour les habitants de Halifax, de réaffirmer qu'il est essentiel pour tous les Canadiens et surtout pour les Néo-Écossais que les activités de la Défense nationale à Halifax se poursuivent et même qu'elles soient plus importantes que jamais.

Il y a plusieurs choses dont j'aimerais parler au sujet des domaines qui seront, je l'espère, abordés dans cet examen. Pendant la majeure partie des cinq ans que j'ai eu la chance de passer comme députée, j'ai été porte-parole pour les femmes. Mes tâches sont aujourd'hui différentes, mais on ne se détache jamais tout à fait d'un travail qu'on a fait pendant longtemps. Les femmes qui sont députées se doivent de transmettre certains messages, car elles représentent 52 p. 100 de la population canadienne.

(1545)

L'an dernier, sous un autre gouvernement, la ministre de la Défense et députée de Vancouver-Centre d'alors a déposé un rapport sur certains éléments du ministère de la Défense nationale et des activités liées au harcèlement sexuel et à la discrimina-


1514

tion fondée sur le sexe. À ce moment-là, des députés de mon parti et moi avons réclamé des réformes au sein du ministère de la Défense nationale.

Je tiens à préciser, d'entrée de jeu, que je ne considère pas le ministère de la Défense nationale comme le seul coupable, voire le pire, quand je signale des cas liés à l'égalité des sexes, au harcèlement sexuel et à la discrimination fondée sur le sexe.

Nous vivons hélas dans une société qui est encore fondamentalement sexiste. Nous vivons dans une société où les femmes en général sont encore victimes de discrimination. Leur travail continue d'être mal reconnu. Elles continuent d'être victimes de harcèlement. Elles continuent de lutter contre ce mur invisible qui les empêche d'avoir des promotions que nombre d'entre elles méritent amplement.

En conséquence, il nous incombe à tous, dans cette enceinte, hommes et femmes, de ne jamais oublier qu'en toute matière de politique nationale il faut tenir compte de l'équité et de l'égalité des sexes.

En tant que députée de Halifax, je tiens des heures de bureau dans ma circonscription tous les vendredis et toute la semaine quand la Chambre ne siège pas, comme le font sans doute les autres députés. Depuis cinq ans, un certain nombre de jeunes femmes sont venues me voir. Nombre d'entre elles font partie du personnel civil ou militaire du ministère de la Défense nationale. Beaucoup d'autres sont venues me voir qui venaient d'autres ministères fédéraux ou de ministères provinciaux, etc.

À l'occasion de cet examen, je voudrais émettre un souhait très spécial. Je sais que le ministre, son secrétaire parlementaire, les membres du Cabinet et même le premier ministre ne feront pas la sourde oreille parce que c'est un gouvernement qui est en faveur de l'équité. Je compte qu'au cours de cet examen on étudiera le rapport déposé l'an dernier au sujet de l'inégalité des sexes et du harcèlement sexuel au ministère de la Défense nationale et qu'on prendra des mesures pour y remédier.

En ma qualité de députée de Halifax, je le répète, quand ces jeunes femmes venaient me voir, elles me racontaient toutes des problèmes semblables de harcèlement sexuel que nombre de gens n'ayant jamais fait face à cette forme de discrimination auraient de la difficulté à croire, comme c'est le cas des hommes honnêtes et sincères que je connais. J'estime que la vaste majorité des députés ici présents sont des hommes honnêtes et sincères. Il y a deux problèmes. Je tente d'expliquer les problèmes de harcèlement sexuel.

L'un d'eux, c'est que la vaste majorité des hommes auxquels les femmes ont affaire ne songeraient jamais à s'adonner à des activités de cette nature et qu'ils ne peuvent croire que cela puisse arriver. L'autre, c'est qu'une poignée d'entre eux ne veulent pas qu'on fasse la lumière là-dessus et qu'on les démasque. Par conséquent, ils ne veulent pas en entendre parler. Cependant, je pense que les premiers sont les plus nombreux.

Je tiens à assurer à ceux qui pensent que ce genre d'activité est inhabituel que ce n'est pas le cas. Il est très difficile pour les victimes de se plaindre ouvertement. Il y a toutes les réactions habituelles, que les femmes n'ont pas à faire de vagues, qu'elles n'ont pas à s'attaquer au statu quo, qu'elles n'ont pas à agacer leurs supérieurs. Vu que le poste qu'elles occupent est souvent crucial pour leur famille, pour leur niveau de vie et pour le maintien de leur place dans la société, elles se disent fréquemment: «Je dois me faire des idées» ou pire «J'ai dû faire quelque chose pour provoquer cette réaction.»

(1550)

Ce n'est absolument pas le cas. En fait, selon la recherche empirique faite dans ce domaine, ce n'est presque jamais le cas. Tout comme dans cette autre pratique inacceptable, le racisme, cela vient du comportement inadmissible de l'auteur et non des gestes de la victime.

C'est pour cela que je vais supplier que dans cet examen de la politique de défense, dans les décisions que prendra le ministère de la Défense nationale, je voudrais que l'on n'oublie pas les mots d'une Américaine-ce n'est pas souvent que je cite une source américaine.

Une des premières grandes féministes d'Amérique du Nord, Abigail Adams, la femme du deuxième président des États-Unis, John Adams, et la mère du quatrième-du moins je pense que c'était le quatrième-John Quincy Adams, a dit lorsque son mari et ses collègues rédigeaient la déclaration d'indépendance et plus tard la Constitution des États-Unis: «N'oubliez pas les dames.»

Nous sommes maintenant dans les années 1990, et c'est ce que je voudrais dire en substance à mes collègues et à ceux qui vont examiner le ministère de la Défense nationale. La politique d'égalité des sexes doit être partie intégrante des nouvelles forces armées et du nouveau ministère de la Défense nationale.

Les femmes de ce pays méritent et ont gagné le droit d'être des partenaires à part entière de toutes nos entreprises. Les femmes peuvent servir dans l'armée et ce avec distinction, comme elles le font depuis tant d'années. Cependant, elles doivent pouvoir entrer dans ce milieu, comme dans tout autre milieu, mais en particulier dans un qui est régit par la politique publique de ce pays, en sachant qu'elles ne seront pas harcelées, qu'elles ne seront pas traitées en personnes de deuxième catégorie et que si quelqu'un les traitait ainsi il y aurait en place des systèmes adéquats pour répondre à leurs plaintes.

La difficulté que nous avons eue avec le sexisme et le racisme, non seulement au Canada, mais aussi dans d'autres sociétés démocratiques, c'est que nous avons eu tendance à examiner chaque cas individuellement en recourant à des commissions des droits de la personne bien intentionnées et bien pensantes. Ainsi, une personne qui dépose une plainte pour violation de la loi sur les droits de la personne obtiendra peut-être justice dans son cas, mais le système qui a permis de commettre l'infraction n'a toujours pas changé. Il n'empêche pas de commettre d'autres


1515

infractions. C'est ce que nous devons changer à tous les niveaux de gouvernement et dans toute la politique d'intérêt public.

L'examen qu'effectue le ministère de la Défense nationale nous offre donc une occasion en or, une occasion à ne pas manquer et dont nous pouvons tirer parti encore une fois sans dépenser trop d'argent, car c'est ce qui nous préoccupe tous à une semaine du dépôt du budget.

(1555)

En effet, je suis convaincue qu'il est possible d'enrayer la discrimination systémique au sein des organismes fédéraux en général sans que cela coûte énormément d'argent. Ce n'est pas le cas pour d'autres questions qui me tiennent beaucoup à coeur, comme l'équité salariale. Elles coûteront de l'argent et il faudra payer les violons avant longtemps.

Nous pouvons enrayer la discrimination systémique dans notre pays en établissant dans nos institutions, qu'il s'agisse du ministère de la Défense nationale ou d'autres organismes, des commissions sur les droits de la personne ou des commissions royales chargées de produire divers rapports. Des commissions de ce genre ont déjà prouvé que c'était possible. Je songe par exemple au rapport Abella sur l'équité en matière d'emploi qui indique certains moyens de lutter contre la discrimination systémique.

Il y une douzaine d'années, madame la Présidente, nous avons assisté, vous et moi, à une réunion organisée ici même par ce qui s'appelait à l'époque Emploi et Immigration. Nous y avons appris que, par l'intermédiaire de l'ACDI, le Canada vendait un peu partout dans le monde un programme qui enseignait à d'autres pays comment éliminer, à peu de frais, la discrimination systématique dans le secteur privé et dans la fonction publique.

Le programme, nous l'avons. Il est là. Je crois qu'il est possible de le mettre en oeuvre dans notre propre fonction publique, y compris au ministère de la Défense nationale.

Tant que nous tolérons le racisme et le sexisme, tant que nous tolérons la discrimination sous toutes ses formes ici même, dans une des sociétés les plus pluralistes et les plus multiculturelles du monde, nous ne pouvons pas nous enorgueillir d'être Canadiens, car nous savons que nous pourrions faire de notre pays un véritable paradis terrestre.

Les Canadiens sont des gens plutôt paisibles, mais on les accuse parfois de ne pas être assez conscients des avantages qu'ils ont de vivre dans ce merveilleux pays. Même si notre économie a connu un repli, même si les conditions météorologiques sont exécrables, du moins à Ottawa, je ne crois pas qu'il puisse se trouver des Canadiens pour nier qu'ils sont parmi les plus chanceux de la terre.

Tant que nous ne réussirons pas à résoudre les problèmes auxquels sont confrontés 52 p. 100 de nos concitoyens, nous ploierons sous un fardeau que nous aurions tort de transmettre à nos enfants.

[Français]

M. Louis Plamondon (Richelieu): Madame la Présidente, je voudrais féliciter la députée de la belle province de Nouvelle-Écosse qui vient de prendre la parole, pour avoir amené dans le débat d'aujourd'hui cet aspect de discrimination dans les forces armées, tout en précisant bien que ce n'était pas le seul ministère où il y avait de grands changements à faire.

Cependant, la proposition d'aujourd'hui qui nous demande de créer ce comité mixte pourrait bien sûr englober cet aspect de discrimination. Je me demande si on ne répète pas un exercice déjà fait, que l'heure n'est pas à refaire encore une analyse de la situation mais à poser des gestes concrets. Vous avez parlé du rapport Abella, vous avez parlé du rapport de l'année dernière où on avait très bien démontré qu'il y avait discrimination dans plusieurs secteurs au sein de la Défense nationale.

Les faits sont connus, les solutions sont avancées, les intervenants ont déjà réagi à ces différents rapports qui ont été publiés et le seul groupe qui ne bouge pas, c'est le gouvernement. Ce nouveau gouvernement qui est élu depuis le 25 octobre, connaissant le problème depuis des années, surtout depuis le rapport de l'année passée, n'aurait-il pas intérêt à déposer immédiatement des mesures concrètes pour contrer cette discrimination?

(1600)

Vous l'avez dit tout à l'heure avec raison, et j'ai été surpris l'an dernier lorsque j'ai su que le gouvernement vendait des solutions aux autres pays pour éliminer la discrimination dans certains organismes, même des organismes privés et qu'il ne pensait pas à les appliquer dans ses propres organismes.

Tout en vous félicitant d'être intervenue dans ce dossier, je vous ai trouvé douce envers ce nouveau gouvernement de ne pas lui dire plus carrément qu'il est temps de faire quelque chose de concret, car le rapport est connu, les solutions sont connues également. Les intervenants n'ont qu'à prendre une décision-les intervenants, c'est le gouvernement-pour faire en sorte que surtout, comme vous l'avez souligné, au niveau des bases militaires, cette discrimination disparaisse.

Je ne crois pas qu'un tel comité, surtout formé des deux Chambres, donc un comité très large, qui aurait pour vocation de parler de la reconversion, de réfléchir sur l'utilité potentielle d'une nouvelle base pour l'entraînement des Casques bleus, d'étudier la fermeture de certaines bases, ou même du genre de participation à apporter comme force internationale dans les forces multilatérales, pourrait également, comme vous le dites, parler de discrimination. Il y a déjà trop de choses dont il faut parler dans ce comité. On devrait en parler, en priorité de ce que vous dites, et en dehors d'un comité qui fait une réflexion sur l'avenir. Il me semble qu'on n'a plus à réfléchir là-dessus. C'est acquis dans l'ensemble de la population qu'il doit y avoir des changements. Il doit y en avoir et le gouvernement peut les faire, sans comité, en s'inspirant des rapports déjà établis.


1516

Également, ce comité-là m'apparaît être un comité de trop, car on a déjà un comité de la défense nationale qui a pour but de réfléchir sur l'avenir, sur les budgets, de faire comparaître les militaires, de faire comparaître les citoyens. Par exemple, le député de Trois-Rivières disait tantôt dans son discours qu'il avait une pétition de près de 7 000 personnes à Trois-Rivières, qui sont contre le fait que des fonds soient consacrés avec autant de générosité dans la défense nationale ou dans le militarisme, et qui dit qu'il faudrait faire de la reconversion. On a déjà un comité qui est capable d'accueillir ces témoins et qui est capable également de faire des recommandations au gouvernement et d'arriver à faire son travail.

J'ai connu la députée comme une ardente défenderesse des droits des femmes. Je l'encourage, et je sais qu'elle continuera, mais elle se rendra compte que c'est beaucoup plus difficile. Un grand politicien un jour disait que «les contraintes du pouvoir, on les réalise automatiquement quand on arrive au pouvoir». Je lui demande donc si elle est prête à se lever dans son caucus, à se lever ici en Chambre pour, non pas émettre le voeu qu'on réfléchisse sur la discrimination, mais demander qu'on applique immédiatement les mesures recommandées dans des rapports, comme le rapport Abella, qui nous disent exactement où sont les cas de discrimination, et comment les corriger.

Alors que son action, qu'elle veut voir grandir, se fasse directement par des décisions gouvernementales et que, parallèlement à cela, le comité suggéré aujourd'hui soit plutôt aboli, c'est-à-dire démontrer la non-utilité de ce comité, puisque nous avons déjà un comité de la défense nationale qui pourrait se pencher sur tous les aspects dont le ministre a parlé ce matin et dont le livre rouge, que vous avez porté bien haut pendant la campagne électorale, parlait également, mais de façon beaucoup plus claire que l'énoncé du ministre ce matin.

Est-ce que la députée ne partage pas mon point de vue, qu'il est temps de passer à l'action en ce qui concerne la discrimination plutôt que de retourner étudier en comité?

[Traduction]

Mme Clancy: Madame la Présidente, je suis très heureuse de voir le député reprendre le chemin de Damas et, puisqu'il a si gentiment relaté mon passé quand, députée de l'opposition, je défendais ardemment les droits des femmes, je me permets de lui rappeler le sien quand, ministériel, il faisait partie d'un gouvernement qui avait pleinement accès au rapport Abella déposé à la Chambre en 1984.

(1605)

Je suis sûre que son désir de voir des actes posés rapidement fait suite, disons, à certains changements survenus dans sa situation. Je suis un peu déçue de voir que le député cherche à discréditer un comité qui n'a pas encore été constitué. Il existe, certes, un comité de la défense nationale, qui est même un comité permanent de la Chambre et qui a un mandat bien particulier.

Le comité mixte dont il est question dans cette résolution aura un mandat bien précis, ainsi que promis dans le livre rouge. Les députés de ce côté-ci de la Chambre tiennent toujours leurs promesses. Nous avons l'intention de tenir celle-ci.

Ce que je voudrais que ce comité mixte fasse dans le cadre de son mandat à long terme, et il le fera j'en suis sûre, c'est d'examiner les changements systémiques qu'il faudra apporter afin d'empêcher la discrimination au sein des forces armées. Il serait irréaliste de croire que l'on peut confier ce travail au Comité permanent de la défense nationale. Le député est sans doute de cet avis.

Par exemple, le Comité permanent de la défense nationale devra examiner des prévisions et diverses autres questions, dans les affaires courantes, qui se rapportent au ministre de la Défense nationale et à ses responsabilités.

Ce comité mixte sera appelé à faire un travail très particulier, dans des délais bien précis, un travail qui, je le répète, est absolument indispensable pour la santé et l'avenir du ministère de la Défense nationale.

En ce qui concerne le plan d'action, je tiens à préciser que, dans mon intervention, je ne demandais certainement pas d'autres études. Nous savons quels sont les problèmes, à quel niveau ils se situent, pourquoi ils existent et comment les régler.

Ce comité aura pour mandat d'examiner ces problèmes, ce qu'il fera j'en suis certaine, et de recommander les changements que le ministère de la Défense nationale devra apporter au sein des forces armées d'ici la fin de ce siècle et au-delà.

M. Allan Kerpan (Moose Jaw-Lake Centre): Madame la Présidente, je me joins à d'autres députés pour appuyer la motion dont la Chambre est saisie aujourd'hui et qui propose de constituer un Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes pour étudier la politique de défense du Canada.

Nombreux sont les gens au Canada et à l'étranger qui sont convaincus de l'urgence et de l'opportunité, en cette dernière décennie du présent millénaire, de réexaminer la politique de défense et la question de la sécurité nationale.

Les facteurs internationaux, régionaux et internes qui nous obligent, nous Canadiens, à examiner notre politique de défense ont été clairement énoncés par plusieurs personnes de l'industrie de la défense et de l'extérieur. Je suis sûr que ces facteurs seront attentivement examinés par le comité mixte que nous nous proposons aujourd'hui de constituer.

Pour ma part, sont prioritaires les questions d'austérité financière, d'instabilité politique, de sécurité et d'équipement adéquat des soldats que nous envoyons en mission à l'étranger.


1517

J'insisterai, dans le cadre de ma contribution à ce débat, sur le processus d'examen. J'encourage le comité qu'il est proposé de constituer à tenir auprès des Canadiens des consultations sérieuses durant ce processus d'examen, et ce, pour deux raisons fondamentales.

Premièrement, le gouvernement fédéral a une responsabilité unique et spéciale pour ce qui est d'informer les Canadiens sur les questions de sécurité et de défense nationale. En vertu de la Constitution, la défense nationale relève entièrement du gouvernement fédéral. Nous devons nous acquitter de notre devoir à cet égard.

Ce processus d'examen est une occasion de faire connaître aux jeunes et, en particulier, aux néo-Canadiens, le rôle que jouent nos forces armées et les services qu'elles nous rendent. J'espère que le comité mixte examinera au cours de ses délibérations d'autres moyens de sensibiliser les Canadiens à l'importance de la défense.

L'élaboration de programmes d'enseignement et de formation permettra de pouvoir compter sur une réserve de personnel pour servir dans les forces armées. Les consultations qui seront tenues feront indubitablement ressortir diverses opinions et idées au sujet du rôle de la défense. Une discussion franche et ouverte, tout en étant importante sur le plan de l'éducation, devrait nous permettre de nous entendre sur une politique de défense qui guidera nos actions jusqu'à la fin de ce siècle et au-delà.

(1610)

L'importance de parvenir à un consensus national de ce genre est l'autre raison d'être de vastes consultations approfondies auprès des Canadiens. La meilleure politique ou loi qu'un gouvernement puisse adopter est celle qui a l'appui soutenu de la population.

Non seulement les Canadiens ont-ils besoin de comprendre notre politique de défense, ils veulent le faire. Je suis persuadé qu'ils vont souscrire à une politique qu'ils comprennent et qui a été élaborée en tenant compte de leurs points de vue.

C'est en ayant cela à l'esprit que je voudrais formuler des critiques constructives sur le moment choisi pour procéder à cet examen. À mon avis, dans le livre rouge du Parti libéral, on prend un certain nombre de décisions en matière de politique qui risquent de se révéler prématurées. Il est question notamment d'accroître la priorité donnée aux opérations de maintien de la paix, de transformer les bases militaires désaffectées en centres d'entraînement pour Casques bleus, de forcer la reconversion de l'industrie militaire canadienne, de créer un contingent spécial de Casques bleus composé de volontaires et de réduire le budget de la défense de 1,6 milliard de dollars sur quatre ans.

D'autres en ont parlé également. Je crois moi aussi que cette modification au coup par coup de notre politique de défense avant qu'un examen complet n'ait été effectué revient à mettre la charrue devant les boeufs. Nous ne saurons pas au juste en quoi consisteront nos besoins, par exemple dans le domaine de la réorganisation des bases, tant que notre étude ne sera pas terminée. Autrement dit, j'encourage le gouvernement à être aussi objectif et ouvert que possible dans le cadre de ce processus d'examen.

Les deux fonctions essentielles que le comité mixte peut alors assumer en élaborant un excellent processus de consultation consistent à informer les gens et à parvenir à un consensus. Le gouvernement doit continuer de chercher des façons de réaliser ces objectifs.

Je voudrais également présenter à la Chambre une idée que j'ai déjà soumise en privé au ministre de la Défense relativement à la fermeture possible de bases. J'ai recommandé que le ministre crée un caucus spécial de députés ayant des bases dans leur circonscription, afin qu'ils participent pleinement à l'examen de la question.

Cette façon de procéder aurait les avantages suivants: tout d'abord, le ministre pourrait recevoir sur chaque base et la collectivité avoisinante des renseignements sur lesquels il ne pourrait peut-être pas compter autrement. Ces données, ainsi que d'autres opinions, seraient discutées ouvertement à un caucus spécial, ce qui permettrait de procéder à la meilleure analyse possible et de prendre les décisions les plus éclairées.

En outre, les députés pourraient ainsi mieux représenter le point de vue de leurs électeurs. Ensuite, les parlementaires et, par conséquent la population canadienne, participeraient davantage à la prise de décision.

Il est important que le gouvernement, lorsqu'il prendra sa décision, sache s'allier plutôt que s'aliéner les députés concernés, indépendamment de l'avenir de chaque base en particulier.

Une fois informé de tous les facteurs du processus décisionnel et après avoir eu la possibilité de contribuer à la discussion au nom de ses électeurs, chaque député pourra jouer un rôle très utile en communiquant, regroupant et surveillant les résultats de la décision et en obtenant l'appui de la population à cette décision.

Enfin, une optique basée sur la consultation et la collaboration en ce qui a trait à la politique de défense ou à l'un de ses volets semble tout à fait conforme à la promesse du gouvernement de rendre le Parlement plus ouvert et plus efficace.

Aucun d'entre nous, j'en suis sûr, ne peut dire avec certitude ce que nous réserve le siècle à venir sur le plan de la stabilité intérieure, régionale et internationale. Je crois cependant qu'une bonne planification est la meilleure façon de dissiper cette incertitude. Une chose est sûre, l'avenir se concrétisera. La question est de savoir si nous allons nous y préparer ou y aller à l'aveuglette.

Les Canadiens se sentiront plus confiants face à l'avenir si leurs dirigeants les consultent, les informent, les écoutent, afin de prendre ensemble les meilleures décisions possibles.

M. Mac Harb (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international): Madame la Présidente, je tiens à féliciter le premier ministre et le ministre de la Défense nationale ainsi que le gouvernement d'avoir entrepris cet examen de nos


1518

politiques de défense, des services que nous offrons sur ce chapitre et du rôle de notre appareil de défense. Il était grand temps que cela se fasse. Je veux aussi féliciter le gouvernement d'avoir enfin sollicité la participation de tout le personnel de la Défense nationale, des forces armées et de tous ceux que la politique de défense touche de près ou de loin.

(1615)

Il faut, je crois, beaucoup de courage pour entreprendre un tel examen. Je suis très heureux de voir qu'on s'y est mis. Contrairement à mon collègue de l'opposition, je suis heureux de constater que cet examen donnera plus de poids à notre rôle dans le monde, notamment parce que certaines de nos bases serviront de bases d'entraînement pour des forces étrangères qui s'intéressent aux fonctions de maintien de la paix.

Pour ce qui est des fermetures de bases, nous devons nous y résoudre. Mon collègue dit que les députés devraient être consultés, afin qu'ils puissent en parler à leurs électeurs et ensuite faire savoir au gouvernement ce que la population en pense. Il va sans dire que tout député qui me dirait que ses électeurs sont favorables à la fermeture d'une base serait dans l'erreur. Il n'y a pas un Canadien qui aimerait voir fermer une base dans sa région.

Il faut donc que les parties concernées participent à un examen de la question pour s'assurer que, quelle que soit la décision que prendra le gouvernement, elle n'aura que peu ou pas d'effet sur la communauté avoisinante. C'est exactement ce que le gouvernement est en train de faire.

J'ai appris que le député avait pris l'initiative, dans sa province, la Saskatchewan, d'aller visiter l'une des bases visées et d'inviter tout le monde, sauf le député de la région dans laquelle cette base est située. J'aimerais lui demander pourquoi il ne pratique pas ce qu'il prêche. Lorsqu'il a pris cette initiative, pourquoi n'a-t-il pas invité tous les partenaires à cette réunion, ou manifestation, au lieu de choisir seulement les personnes qu'il voulait y voir?

Le député ne convient-il pas qu'il est déplacé de présumer des décisions du gouvernement dans un dossier qu'il vient juste d'ouvrir? Ne convient-il pas qu'il serait préférable d'attendre que le comité soit constitué et qu'il ait mené son examen à bien? Ne pense-t-il pas que ce sera alors le meilleur moment et le meilleur endroit pour faire des recommandations au nom de ses électeurs? Est-ce que ça ne sera pas alors pour lui le moment de dire, au gouvernement et au ministre, ce qu'il aimerait que le gouvernement fasse en matière de défense?

M. Kerpan: Madame la Présidente, j'aimerais faire deux remarques. Premièrement, la base dont il est vraisemblablement question se trouve dans ma circonscription en Saskatchewan. Deuxièmement, chaque fois que le caucus de la Saskatchewan s'est réuni, il a invité tous ceux qui étaient intéressés à participer aux échanges.

La question du député est excellente et j'en ai déjà parlé dans ma présentation. À ce moment-ci, il est impossible de couper ou de modifier certains éléments de la défense sans d'abord procéder à un examen complet. Nous devons attendre les résultats d'un tel examen.

La fermeture des bases est un exemple parfait. On pourrait fermer ou modifier radicalement la base x dans la province y aujourd'hui et, à l'automne, une fois l'examen terminé, découvrir qu'il aurait mieux valu ne pas y toucher. On ne peut porter un jugement sur la mission ou les objectifs à long terme de notre défense sans d'abord voir ce que seront les résultats de l'examen.

M. Ron MacDonald (Dartmouth): Madame la Présidente, j'étais dans le couloir, mais j'écoutais néanmoins le député. Je comprends très bien l'anxiété qu'il doit ressentir, compte tenu de la possibilité que la base qui se trouve dans sa circonscription soit fermée par suite de compressions budgétaires. Je sympathise avec lui si cela devait se produire et j'espère sincèrement qu'il n'aura pas à vivre cette situation dans l'immédiat.

J'ai une question fondamentale à lui poser. Au cours de la campagne électorale, le Parti réformiste déclarait à qui voulait l'entendre dans ma circonscription-qui compte l'une des plus fortes concentrations de personnel militaire au pays-qu'il allait éliminer le déficit en trois ans. Cependant, chaque fois que des rencontres regroupant tous les candidats étaient organisées, tant de mon côté, à Dartmouth, que de celui de ma collègue de Halifax, les questions liées à la politique de défense restaient sans réponse.

Je demande donc au député qui, comme il se doit, s'exprime maintenant au nom de ses électeurs, quelle est la position de son parti sur cette question. Dans son programme électoral, le Parti réformiste disait qu'il allait éliminer le déficit en trois ans. Compte tenu du fait que 37c. de chaque dollar disponible est consacré à la défense, comment le parti du député s'y prendrait-il pour ainsi éliminer le déficit sans aussi détruire la plus grande partie de l'infrastructure de la défense nationale?

(1620)

Après tout, on ne peut pas tout avoir. Cela n'a jamais été possible. Par conséquent, comment s'y prendrait-il?

M. Kerpan: Madame la Présidente, si les intéressés prenaient le temps de lire notre fameux livre bleu, ils constateraient que nous ne prônons aucune réduction importante de l'actuel budget de défense de 12 milliards de dollars.

Cela dit, nous, du Parti réformiste, pensons que des compressions devront être effectuées tôt ou tard au niveau de l'infrastructure. Je ne m'oppose pas à des compressions ou à des changements qui toucheraient la défense. Ce que je dis c'est qu'il faut poursuivre le processus jusqu'au bout. Je suis d'accord avec les ministériels qu'il faut procéder à cette étude de la politique de défense, mais il ne faut pas modifier cette politique avant de l'avoir examinée.


1519

En fait, il est possible qu'une installation située dans ma propre circonscription doive être éliminée. Je le regretterais et mes électeurs le regretteraient aussi, mais une telle mesure s'inscrirait dans les décisions difficiles qui doivent être prises dans les années à venir.

M. Murray Calder (Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe): Madame la Présidente, je tiens à féliciter le député pour son discours.

Je l'ai écouté avec un vif intérêt parce qu'il est évident qu'il nous faudra réviser le rôle des militaires au XXIe siècle. Les choses ont changé. Par exemple, la guerre froide est bel et bien terminée.

Pour l'instant, c'est le processus de l'étude qui m'intéresse. Je voudrais savoir comment le député envisage le fonctionnement de cette étude, comment le comité sera formé. De toute évidence, nous examinerons notamment les coûts qu'il entraînera et il va sans dire que le Parti réformiste tient à examiner le coût de fonctionnement du gouvernement.

Je voudrais savoir comment le député envisage la formation du comité.

M. Kerpan: Madame la Présidente, je remercie le député pour sa question, qui est d'ailleurs excellente.

À mon avis, le comité sera formé de députés dont les circonscriptions renferment des bases des Forces canadiennes. Cela nous permettrait à tous, car il y a aussi une base militaire dans ma circonscription, de pouvoir nous arrêter pour préparer un dossier ou pour dire au ministre ou au comité pour quelle raison, par exemple, l'escadrille 15 de Moose Jaw est très bonne, très importante.

Pour ma part, je ferais valoir des arguments tels que le faible coût de fonctionnement de ce service en Saskatchewan. Nous ferions cela avec l'aide de spécialistes, de membres actuels de l'industrie de la défense. Il faudra faire des concessions pour rechercher ce qu'il y a de mieux pour cette industrie ainsi que pour l'ensemble des Canadiens, et non pour une circonscription en particulier.

Ayant dit tout cela, je sais bien, comme je l'ai mentionné précédemment, qu'il y aura des choix difficiles à faire. Je crois que si l'on demande à un député de faire partie du comité, quand il rentrera dans sa circonscription, il sera mieux en mesure d'expliquer pourquoi la base x a été modifiée ou que la base y a été fermée.

J'étais d'accord avec cette idée et elle est peut-être logique. Nous devrons faire des modifications en fonction de nos discussions.

M. George Proud (Hillsborough): Madame la Présidente, comme c'est le cas pour de nombreux aspects de la vie au Canada, le temps est venu de réévaluer attentivement notre politique de défense afin de déterminer quelle direction nous voulons lui faire prendre et comment nous voulons l'inscrire dans notre politique nationale.

Je voudrais d'abord vous dire combien j'apprécie cette occasion qui m'est donnée de participer à un débat aussi important. Ce débat est important parce qu'il touche l'ensemble de nos concitoyens.

Après tout, les questions de défense intéressent tous les Canadiens, peu importe leur âge, leur occupation ou leur lieu de résidence. C'est pourquoi je suis très heureux que le gouvernement ait pris la décision de lancer officiellement l'Examen de la politique de défense ici même, à la Chambre des communes. Par ce geste, le gouvernement montre encore une fois qu'il a l'intention de consulter les Canadiens et de tenir compte de leur opinion pour définir la future politique de défense.

(1625)

Des Canadiens préoccupés par les questions de défense auront l'occasion de s'exprimer ici aujourd'hui, et leurs prises de position auront certainement une influence sur la structure et le mandat de nos forces armées.

Comme l'a indiqué le ministre dans son discours, le but de cet examen est d'élaborer une nouvelle politique de défense pour le Canada. Cette politique tiendra compte non seulement de l'instabilité qui règne sur la scène internationale, mais aussi de nos besoins ici, au pays, ainsi que des valeurs chères à tous les Canadiens.

Le gouvernement espère que le Comité mixte spécial sur la politique de défense permettra au plus grand nombre possible de Canadiens d'exprimer leurs vues sur l'avenir de la défense au Canada.

Dès que le comité sera établi, j'imagine qu'il s'organisera pour tenir des consultations publiques sur la plus vaste échelle possible. Mais avant d'entreprendre ces consultations, nous devons répondre à la question suivante, qui est fondamentale, à savoir: Est-il nécessaire d'avoir des forces armées dans le monde d'aujourd'hui? Bien des gens se posent la question.

À mon avis, la réponse est «oui». Pour s'en convaincre, il suffit de lire les manchettes des journaux. Malheureusement, le risque de conflits demeure, aussi bien entre États qu'à l'intérieur des États.

Dans le monde d'aujourd'hui, les forces armées jouent toutes sortes de rôles. Au cours des prochaines minutes, je mentionnerai ces rôles, en général, et j'expliquerai comment les Forces canadiennes, en particulier, pourraient aider le Canada à atteindre ses objectifs en politique intérieure comme en politique étrangère.

Je cernerai en même temps les rôles spécifiques des Forces canadiennes. Les forces canadiennes ont pour raison d'assurer notre sécurité intérieure et de contribuer à la sécurité et à la défense au plan international en participant à des opérations de défense collective à l'étranger.

Enfin, je décrirai certaines des activités des forces canadiennes. Ces activités sont la preuve que nos forces armées constituent un atout précieux, étant donné leur grande aptitude à s'acquitter des nombreuses tâches qui leur sont confiées, au pays comme à l'étranger.

La principale raison pour laquelle un pays entretient des forces armées, c'est qu'il en a besoin pour protéger sa population,


1520

son territoire et son indépendance politique. Les forces armées doivent donc protéger le pays contre les menaces extérieures qui mettent en péril sa souveraineté et contre les menaces intérieures dirigées contre la loi et l'ordre, lorsque les autorités civiles sont incapables de faire face à la situation.

Les gouvernements démocratiques préfèrent éviter d'avoir recours à l'armée pour maintenir l'ordre public, mais le fait d'avoir cette option constitue une sorte d'assurance contre les risques inacceptables.

Les Forces canadiennes ont été appelées à protéger l'ordre public. Ainsi, le calme et la discipline dont elles ont fait preuve pendant la crise d'Oka, il y a quelques années, ont contribué à désamorcer une situation explosive. Protéger la population est une tâche importante, mais cela ne constitue pas la seule raison d'être des forces armées.

La plupart des forces armées sont aussi capables de remplir toute une gamme de missions civiles, comme la recherche et le sauvetage et les opérations de secours en cas de catastrophe. Nous n'avons pas besoin de regarder loin pour trouver des exemples de ce genre de rôles nationaux.

Les rôles nationaux peuvent être d'un secours très précieux. L'un des plus importants et des plus spectaculaires est la recherche et le sauvetage. C'est une tâche qui exige beaucoup de professionnalisme et de détermination, et qui se déroule très souvent dans des conditions très exigeantes. Les équipages qui participent aux missions de recherche et de sauvetage sont fiers de leurs succès. Ce fut le cas récemment, lorsqu'un hélicoptère Sea King a secouru deux chasseurs en détresse sur une île au large de la Nouvelle-Écosse, et qu'un autre hélicoptère a sauvé neuf marins du Honduras dont le navire était sur le point de sombrer au large d'Haïti.

Bien sûr, les efforts de nos militaires ne sont pas toujours couronnés de succès, comme on l'a vu en janvier lorsque des recherches ont été menées en vain pour retrouver l'équipage d'un cargo disparu dans l'Atlantique, ou encore l'été dernier, lorsque, après 12 jours de recherches dans une région sauvage du Québec, on a retrouvé la carcasse d'un avion écrasé. Mais ce qui importe, c'est que nos forces soient entraînées, équipées et prêtes à intervenir pour répondre à nos besoins en matière de recherche et de sauvetage.

Nos forces armées sont également prêtes à intervenir en cas de catastrophe. Les soldats, aviateurs et marins des Forces canadiennes luttent contre les inondations et les feux de forêt, et ils évacuent la population de collectivités menacées. Depuis plus de cinquante ans, les Forces canadiennes jouent aussi un rôle dans la protection de nos ressources marines. Aujourd'hui, les avions patrouilleurs Aurora et Arcturus survolent de vastes régions océaniques pour surveiller les zones de pêche, ce que faisaient avant les Argus, les Tracker et les Lancaster.

(1630)

La compétence de nos militaires, hommes et femmes, est due à la formation qu'ils reçoivent et au matériel dont ils disposent. Mais le dévouement dont ils font preuve dans l'accomplissement de leurs missions nationales démontre qu'ils sont un atout précieux pour notre pays. Étant donné la contribution exceptionnelle que les Forces canadiennes apportent à la défense de nos intérêts nationaux au pays même, il ne fait aucun doute qu'elles devraient continuer de jouer un rôle important dans notre avenir collectif.

Je viens de décrire le rôle que remplissent les forces armées à l'intérieur des frontières canadiennes. Bien sûr, les forces armées ont aussi pour mission d'intervenir en cas d'atteinte grave à la sécurité internationale. Nous pouvons tous, sans chercher trop loin, trouver des exemples. On songe tout de suite aux deux guerres mondiales, à la guerre de Corée et à la guerre du golfe Persique, plus récente.

Lorsque la guerre froide a pris fin, on a osé espérer qu'il n'y aurait plus de menaces du genre, mais l'invasion du Koweït par l'Irak nous a démontré que l'agression armée et les conflits ne sont pas encore choses du passé.

Outre les nombreuses guerres civiles qui font rage actuellement, il y a, entre certaines nations, des tensions qui pourraient facilement dégénérer en conflit. Songeons, par exemple, à la trêve précaire entre la Corée du Sud et la Corée du Nord ou aux craintes des pays limitrophes de la zone de conflit dans les Balkans. Il est clair que rien ne peut remplacer les armées lorsqu'il faut intervenir là où, la diplomatie et la négociation ayant échoué, des pays ont recours à la force.

En effet, même les auteurs d'un document rempli d'espoir comme la Charte des Nations Unies ont reconnu que ce genre de situations continuerait d'exister. Pour y faire face, ils ont demandé aux États de maintenir des forces armées qui pourraient se porter à la défense des principes de la Charte.

Les forces armées du Canada ne sont pas étrangères aux opérations de cette nature. Nous avons figuré parmi les puissances mondiales alliées pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous avons envoyé des forces en Corée sous le commandement des Nations Unies. Et, en 1990, nous avons été l'un des premiers pays à affecter des forces à la coalition multinationale qui, appuyant les résolutions des Nations Unies, a libéré le Koweït de l'occupation irakienne.

La défense collective est une autre forme de coopération militaire multilatérale à laquelle peuvent choisir de participer les pays soucieux de préserver la sécurité. Alors que les États souverains deviennent membres d'organisations comme les Nations Unies dans le but de maintenir la sécurité internationale d'une façon très globale, les alliances de défense collective ont un objectif plus limité et plus précis. Les pays qui adhèrent à ces alliances s'engagent essentiellement à assurer leur défense mutuelle.

L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN, est l'exemple classique de ce genre d'alliance. Depuis sa fondation en 1949, l'OTAN s'est élargie, et elle compte aujourd'hui 16 pays membres qui se sont tous engagés à mettre leurs ressources en commun pour assurer leur défense collective. L'objectif principal de l'OTAN était de prévenir un conflit généralisé en décourageant l'agression. Dans ce sens, l'alliance a pleinement atteint son but.

Si l'on songe que la guerre froide aurait très bien pu se terminer par une confrontation nucléaire, il est heureux que l'OTAN n'ait jamais eu à se servir de son potentiel militaire. Cela ne signifie pas cependant qu'en plus d'empêcher une confrontation Est-Ouest, il n'y a pas eu d'autres avantages à faire partie de l'OTAN. Bien au contraire. En effet, l'OTAN nous a permis de nous défendre plus efficacement et à moindre frais au sein de la


1521

communauté atlantique. Et sur le plan politique, l'OTAN a beaucoup contribué à la réconciliation de pays qui, il n'y a pas si longtemps, étaient en guerre l'un contre l'autre.

L'OTAN a également servi de forum où les nations ont pu discuter des problèmes de sécurité, et elle a favorisé la standardisation et l'interopérabilité des armées. Les relations qui se sont établies entre les pays membres de l'OTAN se sont révélées très utiles pendant la guerre du Golfe. En effet, beaucoup de pays membres de la coalition connaissaient bien le matériel et les procédures de leurs alliés, un facteur qui a contribué au succès des opérations conjointes.

Les Canadiens sont très favorables à la défense collective, non seulement au sein de l'OTAN, mais aussi dans le cadre d'un accord bilatéral établi de longue date avec les États-Unis. Nous n'hésitons pas à mettre nos forces armées au service de l'OTAN et du NORAD, et nous participons activement à l'élaboration des prises de position de ces alliances. J'espère que le Canada choisira de continuer dans cette voie.

(1635)

Il existe un troisième rôle que peuvent assumer les forces armées, et que remplissent en particulier les Forces canadiennes. Vous l'avez deviné, il s'agit du maintien de la paix. Aujourd'hui, la plupart des Canadiens sont au courant de notre contribution au maintien de la paix, ce concept qui a fait son apparition dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. À l'époque, les missions d'observation et de maintien de la paix passaient pour une innovation un peu «exotique». Aujourd'hui, elles sont passées dans les moeurs.

L'examen de la politique de défense fournira aux Canadiens une excellente occasion de réfléchir à l'évolution et à la complexité croissante des opérations de maintien de la paix. En réalité, bon nombre des opérations qui se déroulent actuellement n'ont pas grand-chose à voir avec le concept initial de «maintien de la paix».

Au cours des cinq dernières années seulement, les forces militaires affectées au maintien de la paix se sont vu confier des tâches de plus en plus nombreuses et variées. Examinons certaines de ces tâches.

En Afrique et en Amérique centrale, les gardiens de la paix ont surveillé le déroulement des élections. En Afghanistan, ils ont montré aux gens comment reconnaître et désarmer les mines terrestres. Au Cambodge, ils ont contribué à organiser l'administration du pays. Et dans ce qui reste de l'ex-Yougoslavie, ils ont assuré l'acheminement de l'aide humanitaire et créé des zones de sécurité pour les réfugiés.

En quelques années seulement, le nombre de missions de maintien de la paix a augmenté de façon exponentielle, et la demande de personnel qualifié pour participer à ces opérations a monté en flèche. Personne n'est plus conscient de cette évolution que les Canadiens. Au cours des dernières années, nous avons suivi les bulletins de nouvelles faisant état des activités de nos troupes dans les points chauds du globe. C'est avec fierté que nous avons appris que les équipages des avions canadiens avaient livré de l'aide humanitaire à Sarajevo. Par une chaude journée d'été, nous avons suivi à la télévision les exploits d'un jeune soldat canadien qui, toujours à Sarajevo, a risqué sa vie pour sauver deux femmes blessées par un tireur embusqué. Nous avons appris par les journaux l'importante contribution de nos gardiens de la paix au Cambodge, en Amérique centrale et au Moyen-Orient.

Il y a bien d'autres exploits tout aussi glorieux dont les médias n'ont pas beaucoup parlé. Songez, par exemple à ces spécialistes du génie militaire qui, en Bosnie, ont abaissé la chaussée dans un tunnel de montagne, et qui ont éliminé des virages en épingle à cheveux pour améliorer une route indispensable à la livraison de l'aide humanitaire. Ou encore aux soldats canadiens en Somalie. Nous avons beaucoup entendu parler d'eux, mais pas de ceux qui ont rénové des écoles, rouvert un hôpital et remis en marche des services d'utilité publique.

Essentiellement, l'examen de la défense nous permettra de proposer une nouvelle orientation aux Forces canadiennes au moment d'entrer dans le XXIe siècle. Leur rôle a beaucoup changé depuis la fin de la guerre froide. La défense de notre souveraineté et la défense collective restent des priorités importantes, mais le maintien de la paix est devenu une activité centrale pour les Forces canadiennes. Il s'agit maintenant de chercher le juste équilibre entre les deux missions.

En guise de conclusion, je dirai que la fin de la guerre froide a entraîné un réalignement dramatique et de profonds bouleversements dans une grande partie du monde. Pour relever les défis d'aujourd'hui et ceux que nous entrevoyons pour l'avenir, nous devons pouvoir compter sur des forces militaires souples et compétentes.

Si le Canada veut la paix, en cette période de transition et de bouleversement, nous devons garder des forces armées capables de relever les défis de notre défense et de notre sécurité tant chez nous qu'à l'étranger.

[Français]

M. Gaston Péloquin (Brome-Missisquoi): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'exposé de mon confrère de Hillsborough et je conviens avec lui qu'il y a beaucoup de bienfaits à la Défense nationale et que celle-ci joue un rôle important.

Cependant, si nous regardons en détail chacun de ces services, tout le monde a son importance et tout le monde y joue un rôle. Je me pose la question suivante: on a déjà un Comité de la défense nationale et je me demande, à l'époque actuelle où on demande à la classe moyenne et aux pauvres de se serrer encore la ceinture, qu'est-ce qu'un comité spécial mixte de seize personnes va venir ajouter à ce que les autres comités sont déjà en mesure de faire?

Je demanderais à mon confrère pourquoi ces seize personnes devraient avoir la possibilité de se déplacer au Canada et à l'étranger pour entendre des témoignages?

Ne serait-il pas plus raisonnable de faire comparaître ces témoins ici?

(1640)

[Traduction]

M. Proud: Madame la Présidente, je remercie le député de ses observations et de ses questions. Je suppose qu'on pourrait dire


1522

que c'est blanc bonnet et bonnet blanc. Je suppose que si on fait appel à un comité mixte c'est pour que les deux Chambres participent, soit 16 personnes. Que ce soit 11 ou 16, cela n'a pas vraiment d'importance. Ce qui compte, c'est que ce soit un comité mixte composé de représentants et d'experts des deux Chambres.

Ces dernières années, on a beaucoup parlé du rôle peu utile de l'autre endroit. Cela s'explique notamment par le fait qu'on a pas fait assez appel à l'autre endroit pour les études comme celle que nous commençons maintenant au sujet de nos forces armées.

Les membres de l'autre endroit contribueront aussi bien que nous aux travaux de ce comité. Quant à la proposition voulant que les 16 membres du comité se déplacent partout au Canada, pourquoi ne pas plutôt faire venir les témoins? Le député trouvera qu'il arrive souvent qu'on fasse venir les témoins. Ce serait la meilleure chose à faire.

Rappelons-nous que lorsque d'autres comités se sont déplacés d'un bout à l'autre du pays ces dernières années bien des gens se sont plaints que le comité ne soit pas allé chez eux. Il faut le reconnaître. Nous devrions nous rendre dans le plus possible de régions. En outre, nous pourrions diviser le comité en sous-comités qui seraient chargés de visiter différentes régions du pays à des moments différents. Cela accélérerait le processus et permettrait de voir tous les intéressés.

Il n'en reste pas moins que, dans bien des cas, il serait beaucoup plus efficace et économique de faire venir les gens à Ottawa.

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke): Madame la Présidente, je tiens à dire au député qui a pris la parole avant moi qu'il a une grande expérience des affaires gouvernementales. Il a servi le gouvernement de sa province et est à Otawa depuis un certain temps déjà.

Ne pense-t-il pas qu'il est très important que ce comité se compose de 16 membres de toutes les régions du Canada, dont des sénateurs, qui sont parfaitement au courant de questions aussi capitales que l'avenir de la politique de défense de notre vaste pays, un pays mondialement renommé pour le rôle qu'il a toujours joué dans le maintien de la paix et qui a fait, à la vérité, plus que sa part en temps de guerre?

Nous y verrons de nombreux spécialistes de la politique étrangère. De nombreux spécialistes des affaires militaires. Et beaucoup d'autres spécialistes dans les domaines de l'industrie et de la formation. Les Forces canadiennes sont le plus grand centre de formation au Canada.

Le député ne pense-t-il pas qu'il est important que des experts de toutes les régions du Canada fassent partie de ce comité et que ce comité aille rencontrer les Canadiens qui, vu la distance, n'ont pas les moyens de venir à Ottawa pour leur demander leur opinion sur des questions comme la politique de défense et la politique étrangère? Une personne qui n'a pas les connaissances suffisantes ne risque-t-elle pas de se replier sur elle-même au lieu de s'ouvrir au monde et, en fait, à son pays?

M. Proud: Madame la Présidente, je remercie le député de son intervention et de ses questions, qui sont très pertinentes, à mon avis.

(1645)

J'ai justement parlé de cela il y a quelques instants. Ce comité est certainement l'un des plus importants auxquels j'ai siégé depuis mon arrivée à la Chambre. Il faudra examiner à fond notre politique de défense pour déterminer quelles orientations nous prendrons au cours du prochain millénaire. À mon avis, c'est ce que nous devons faire et c'est ce que nous nous sommes engagés à faire. Jusqu'ici, je suis très heureux de la composition du comité; il compte beaucoup de députés de tous les partis à la Chambre, ce qui est de bon augure. Je suis certain que les sénateurs qui seront choisis nous feront tirer parti de leurs propres connaissances.

Comme je l'ai dit il y a quelques instants, nous devrons nous déplacer dans les régions du pays et probablement aussi dans d'autres régions du monde pour recueillir tous les points de vue des gens qui s'intéressent de très près aux forces de défense dont nous devrions disposer au cours des années à venir.

Nous n'allons pas faire du rafistolage, comme cela s'est déjà produit par le passé. Les Canadiens nous ont dit que le temps était venu de faire des changements. Notre économie nous dit la même chose. Ce comité de 16 membres sera donc divisé en sous-comités qui se rendront dans les régions du Canada et dans d'autres pays pour déterminer de quelles forces nous aurons besoin au cours des prochaines années. Cela est extrêmement important pour l'avenir de notre pays.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne): Madame la Présidente, il ne reste, malheureusement, que quelques minutes, mais je pense que je pourrais faire un discours de 20 minutes tellement je suis frustré des propos que je viens d'entendre. J'essayerai d'être calme et précis, tout en demandant une réponse précise à mon honorable confrère d'en face.

Lors de la première journée consacrée à l'opposition, nous demandions la formation d'un comité spécial qui étudierait les dépenses du gouvernement poste par poste, afin de faire économiser, non pas des millions, mais des milliards de dollars. Les libéraux se sont opposés à un tel comité par souci d'économie et par souci de ne pas dédoubler les rôles des comités, disaient-ils à ce moment-là. Ils nous offrent la même chose maintenant avec ce comité de la défense-je m'excuse-pas la même chose, un réel dédoublement, à des coûts monstrueux, sur des rapports qu'on possède déjà, des réponses qu'on connaît déjà, avec des sénateurs, pour probablement juger de la pertinence de leurs fonctions et pour les occuper, jusqu'à un certain point, car ils n'ont rien à faire. Avec 16 députés, 14 membres dans ce comité-là, je m'excuse, mais je voudrais avoir des clarifications sur la pertinence de ce comité, l'approximation des coûts et la raison pour laquelle vous vous opposiez à la création d'un comité qui aurait fait économiser, non pas des millions, mais des milliards, alors que maintenant, vous vous proposez d'en dépenser.


1523

En conclusion, je voudrais vous proposer de garder votre introduction du livre rouge pour la prochaine campagne électorale, si prochaine campagne il y a, qui disait que les électeurs ne font plus confiance à la classe politique parce qu'en agissant ainsi, ils vont continuer à ne plus faire confiance.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je peux accorder environ 30 secondes au député de Hillsborough s'il pense pouvoir répondre dans ce délai.

M. Proud: Madame la Présidente, ce comité a déjà été constitué par la Chambre. Il est déjà en place. Il s'agit du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes chargé d'étudier cette question.

Il est tout à fait ridicule de dire que nous allons dépenser plus d'argent. Ce comité dispose d'un budget pour ses travaux qui consistent à définir la future politique de défense du Canada pour les prochaines années.

[Français]

M. Laurent Lavigne (Beauharnois-Salaberry): Aujourd'hui, madame la Présidente, un peu en catastrophe, le gouvernement vient nous proposer, à partir d'une motion, la création de deux comités, un comité mixte qui viendrait jumeler ou doubler le Comité permanent de la défense. Je ne veux pas m'étendre trop longuement sur le fond même de la motion, parce que plusieurs de mes collègues ont argumenté contre cette motion et la non-justification d'avoir un comité mixte qui viendrait doubler le Comité permanent de la défense pour dédoubler, augmenter les coûts et ralentir la mise en place d'un programme de défense. Je me joins évidemment à tous mes collègues du Bloc québécois qui sont intervenus sur cette motion pour dénoncer la formation du fameux comité mixte que nous propose le gouvernement présentement.

(1650)

Je voudrais plutôt m'attarder et explorer quelque peu toute la partie de la reconversion industrielle. On sait qu'il y a énormément d'emplois dans les usines militaires et que depuis l'avènement de la fin de la guerre froide, ces usines ont des carnets de commande beaucoup moins importants. On connaît déjà à ce moment-ci des mises à pied. Donc il faut voir rapidement à la reconversion des usines militaires vers le domaine civil.

Ce que je ne comprends pas, c'est que le Parti libéral du Canada a comme deux langages. Il avait un langage du temps qu'il formait l'opposition officielle, et maintenant qu'il est au pouvoir il semble avoir un tout autre langage. Pour confirmer mes dires et appuyer ce que je viens d'avancer, je pourrais relire brièvement une partie d'un communiqué de presse, en date du 26 mars 1993, que le cabinet du chef de l'opposition d'alors avait préparé pour publication immédiate. Le chef du gouvernement actuel était donc chef de l'opposition officielle à cette date. Il était à Québec lorsqu'il a annoncé aux journalistes une politique de reconversion de l'industrie militaire vers le domaine civil, que l'on pouvait lire dans les journaux du lendemain, pendant qu'ici à Ottawa, trois de ses députés qui formaient l'opposition à ce moment-là, faisaient de même en couvrant presque tous les médias du Canada.

Donc le gouvernement libéral a en main toutes les données qu'il avait du temps qu'il formait l'opposition. Pourquoi tout reprendre, des études, des analyses, des voyages, avec non seulement un comité, le Comité permanent de la défense, qui est justifié, mais avec un autre supercomité mixte? Cela n'a pas de sens.

Je voudrais vous lire un peu le contenu de la conférence de presse donnée le 26 mars 1993 par le chef de l'opposition d'alors : «Le chef libéral, Jean Chrétien, à Québec et les députés libéraux à Ottawa ont dévoilé aujourd'hui la politique de reconversion de la défense qu'adoptait le gouvernement libéral pour faire entrer notre industrie de la haute technologie militaire dans l'après-guerre froide, tout en créant de nouvelles avenues de développement économique.»

Voici les faits saillants de l'annonce faite à Québec par M. Chrétien, et à Ottawa par le porte-parole pour les Affaires extérieures, M. Axworthy, le porte-parole de la Défense, M. Bill Rompkey et le porte-parole pour l'Industrie, M. Jim Peterson. Ce sont les trois députés ici à Ottawa qui ont fait le pendant des dires de M. Chrétien qui était à Québec.

Ils proposaient d'étendre le mandat du programme de productivité de l'industrie du matériel de défense, ce qu'on appelle le PPIMD, le ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie, qui ne vise qu'à favoriser la mise au point de technologies de défense et dont le budget s'élève à 200 millions de dollars, pour y inclure un volet d'aide à la reconversion et à la diversification vers des domaines tels que les technologies, l'écologie, et les technologies de pointe pour le maintien de la paix. Ils proposaient aussi la création d'une commission de reconversion avec l'industrie et la main-d'oeuvre pour faciliter et coordonner la reconversion de l'industrie militaire qui emploie quelque 100 000 personnes. Ce n'est pas peu, le monde qui travaille dans le domaine militaire, 100 000 personnes.

Les libéraux pressaient l'opposition et suggéraient aux conservateurs, au pouvoir à l'époque, de conclure des ententes de reconversion économique avec les États-Unis, qui représentent 80 p. 100 du marché d'exportation de notre production d'équipements militaires. Sous l'administration Clinton, les États-Unis ont entrepris un vaste effort de reconversion de la défense qui s'est traduit par une baisse de la demande pour les équipments militaires canadiens.

«La guerre froide a pris fin et le Canada doit s'adapter à l'évolution de la conjoncture», a déclaré M. Chrétien lors de cette conférence de presse. «Les conservateurs [disait-il] n'ont aucune politique de reconversion de la défense. En ce qui concerne la diversification, ils attendent simplement que les fonds du marché dictent leur ligne de conduite.»

(1655)

M. Chrétien a indiqué, lors de cette conférence de presse, qu'il insistait, depuis mars 1990, pour que le gouvernement intervienne dans le dossier de la reconversion et de la défense. Le chef libéral a qualifié le commerce international de l'armement qui, par ailleurs, affiche une décroissance de 25 p. 100 depuis quelques années, d'industrie du passé. Nous devons, disait-il, investir dans les secteurs d'avenir, ceux qui créeront les emplois de demain. Il voulait investir, et il suggérait au gouvernement conservateur d'alors d'investir 5,8 milliards de dollars pour des


1524

hélicoptères. Il disait que c'était une politique de guerre froide. Ce n'était pas le moyen de développer le potentiel technologique du Canada. Selon les libéraux, il s'agit plutôt d'orienter une industrie de décroissance vers des productions militaires et civiles plus prometteuses. Le gouvernement peut et doit tracer la voie du changement. C'est toujours M. Chrétien qui parlait.

Et M. Chrétien, de conclure: «Les Canadiens et les Canadiennes méritent un gouvernement qui sait tracer la voie, un gouvernement qui apporte de nouvelles idées et de nouvelles stratégies; un gouvernement qui les aide à s'adapter au changement. Notre politique de reconversion de la défense est un exemple qui montre comment un gouvernement libéral entend répondre aux besoins des Canadiens et des Canadiennes dans les années 1990.»

Quand on regarde, qu'on écoute et qu'on lit ce que les libéraux nous disaient du temps où ils formaient l'opposition officielle versus ce qu'ils ne font pas lorsqu'ils sont au pouvoir, ce sont des gens qui ont deux langages: un langage pour le côté gauche de la bouche et l'autre langage pour le côté droit de la bouche.

La politique du Bloc québécois en ce qui concerne la reconversion, considérant l'importance de l'industrie de l'armement et de ses effets structurants dans l'économie, le Bloc québécois a déjà proposé, au cours de la dernière campagne électorale, qu'il souhaite ardemment que le gouvernement fédéral amène des dispositions pour faciliter le processus de reconversion des entreprises militaro-industrielles. Un tel programme est nécessaire et doit être implanté le plus rapidement possible.

Le Bloc québécois est d'avis que le gouvernement libéral ne poursuivra pas une politique de reconversion très poussée. L'épisode des hélicoptères EH-101 est révélateur à cet égard et montre clairement que le gouvernement libéral n'entend pas poursuivre une stratégie très développée sur ce sujet. L'occasion était parfaite pour que ce gouvernement démontre ses véritables intentions sur ce dossier, mais il a préféré s'attaquer au seul programme d'hélicoptères, sans programme de reconversion en retour.

Comment alors mettre en branle un tel programme? Les professeurs Bélanger, Fournier et Desbiens, du groupe de recherche de l'industrie militaire et de la reconversion à l'Université du Québec à Montréal, ont fait une recherche et ils sont arrivés à la conclusion que Montréal, une région où ils ont fait une étude plus poussée sur les effets de la non-reconversion, détient un très grand nombre d'employés dans ce domaine.

La région de Montréal est le plus important centre industriel de défense de la province de Québec. Plus de 500 entreprises militaires y sont localisées, et la valeur totale des livraisons manufacturières en produits militaires représente un peu plus de 2,1 milliards de dollars. La région assure à elle seule 63 p. 100 des activités économiques rattachées à l'ensemble du marché québécois de la défense et occupe 26 p. 100 du marché canadien. Le tableau de l'emploi offre un portrait singulier de ce qui est en train de se passer.

Le temps qui m'est alloué est terminé, madame la Présidente, même si j'aurais aimé poursuivre. Je me reprendrai à une autre occasion. J'aimerais vous dire que, dans toute la question de la reconversion industrielle, il y a beaucoup d'emplois, et ça presse d'y intervenir.

La présidente suppléante (Mme Maheu): À l'ordre! Conformément à l'article 38, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir : l'honorable député d'Ottawa-Vanier-Les travaux publics; l'honorable député de Louis-Hébert-L'aéroport de Québec; l'honorable député de MacKenzie-Le transport du grain.

Y a-t-il des questions ou des commentaires?

(1700)

[Traduction]

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que disait le député de Beauharnois-Salaberry. Il a dit beaucoup de choses avec lesquelles je suis d'accord. Il nous a donné quelques bons chiffres sur la reconversion.

Je ne sais pas exactement s'il voulait dire-et c'est une question sérieuse de ma part-que l'examen devrait englober la question de la reconversion ou s'il estimait que nous avions exclu cet aspect de la question. Je peux lui dire que ce n'est pas le cas. Il n'y a rien d'exclu de l'examen. Il n'y a rien de sacré et on n'a pas demandé à ce que certains aspects soient laissés de côté.

Je m'interrogeais aussi sur autre chose. D'après ce que disait le député de la décision concernant les hélicoptères EH-101-il s'agit bien sûr de la décision du gouvernement d'annuler le projet-il me semble que son parti était également en faveur de l'annulation.

Je serais très heureux que le député élabore un peu sur ces deux points.

[Français]

M. Lavigne (Beauharnois-Salaberry): Il me fait plaisir de répondre à la question soulevée par mon collègue. C'est sûr que le Bloc québécois a été d'accord à 100 p. 100 avec l'annulation du contrat des hélicoptères, sauf que c'est une opération à demi faite. Il fallait non seulement annuler le contrat des hélicoptères, mais également récupérer l'argent qui devait y être investi pour le placer dans un fonds de reconversion industrielle. Et c'est là que je blâme le gouvernement de ne pas avoir fait cette partie du travail. Travail à moitié fait, à mon avis.

C'est la deuxième partie du travail, l'argent ainsi économisé, ce qui avait été consenti par le gouvernement pour la fabrication et l'achat des hélicoptères, au-delà de cinq miliards de dollars, qui aurait pu tout sauver. Si ces cinq ou six milliards avaient été investis dans la reconversion des entreprises militaires, on aurait sur-le-champ, au moment où on se parle, pu bloquer l'hémorragie qu'on connaît.


1525

Je prends l'exemple de l'usine Expro dans mon comté, qui est une usine de fabrication de poudre et d'obus. Il n'y a pas si longtemps, à l'usine Expro, on employait plus de mille personnes, mais vu la fin de la guerre froide les commandes du ministère de la Défense, via l'usine Expro, ont énormément diminué. Maintenant cette usine n'a plus que 400 employés. Je vous donne cet exemple parce que je le connais tout particulièrement. Cette usine est dans ma circonscription. Mais c'est le même danger qui guette les soixante et quelque mille travailleurs dans ces usines militaires à travers la province de Québec, et au-delà de 60 000 si on considère l'ensemble canadien.

Ce fut un travail à demi fait par les libéraux quand ils ont bloqué le contrat d'hélicoptères, parce qu'ils n'ont pas su réutiliser cet argent pour l'investir dans la reconversion industrielle.

Il y avait un deuxième volet à la question, mais j'ai tellement insisté sur le premier que j'ai oublié le deuxième. Je ne sais pas si mon collègue d'en face. . . Ah oui! Elle me revient, madame la Présidente.

Toute la question de la reconversion industrielle doit probablement être discutée par le Comité permanent de la défense, et j'espère qu'on n'aura pas en plus à en discuter au comité mixte que vous voulez mettre sur pied, parce que cela prolongerait encore le débat, ça n'en finirait plus. Il y a des travailleurs dans nos usines qui attendent maintenant un programme de reconversion avant de se retrouver au chômage. C'est ça qui nous guette.

Des voix: Bravo!

M. Lavigne (Beauharnois-Salaberry): Les travailleurs des usines militaires qui sont menacés de perdre leur emploi demain matin ne veulent pas entendre parler de la formation d'un comité mixte qui va peut-être fournir un rapport dans six mois, un an ou deux. Il faut que le gouvernement prenne position là-dessus. C'est urgent. Le temps des discussions est terminé, il faut maintenant passer à l'action.

(1705)

M. Jean H. Leroux (Shefford): Madame la Présidente, mon intervention dans ce débat traitera des iniquités qui existent entre le Québec et d'autres parties du Canada.

En effet, le Québec est une des régions les plus défavorisées sur le plan des retombées économiques du ministère de la Défense nationale. Si on regarde la moyenne des dépenses per capita, le Québec arrive nettement en dessous de la moyenne pour les dépenses de ce ministère. Les chiffres qui suivent sont éloquents à cet égard. Les dépenses per capita, selon un document interne du ministère de la Défense pour 1990-1991 sont de 1 217 $ pour la Nouvelle-Écosse, qui vient en première place; pour le Nouveau-Brunswick, au deuxième rang, elles sont de 1 050 $. Le Québec se retrouve au sixième rang avec des dépenses per capita de 316 $ seulement.

Des compilations ont été mises à jour de sorte que, pour l'année fiscale 1992-1993, les tendances qui s'étaient manifestées à l'endroit du Québec sur le plan de l'iniquité dans la redistribution économique se sont aggravées. Les derniers chiffres provenant du ministère de la Défense que nous a transmis le ministre de la Défense au cours d'une rencontre avec les parlementaires, le 10 février dernier, confirment que le Québec voit sa part de retombées diminuer considérablement. En effet, le Québec reçoit 16 p. 100, alors que l'Ontario reçoit 36 p. 100, les provinces de l'Atlantique reçoivent la même chose que le Québec et les provinces de l'Ouest, 20 p. 100.

Les dépenses du ministère de la Défense prennent différentes formes. Il y a des dépenses d'infrastructures, les dépenses en personnel, les dépenses en équipement et les dépenses en approvisionnements et services. Si on regarde au niveau des dépenses en personnel seulement, le Québec, malgré une population représentant 25,4 p. 100 de la population canadienne, ne recevait que 773 millions de dollars en retombées sous ce chapitre en 1990-1991, alors que l'Ontario, avec 36,6 p. 100 de la population canadienne, recevait 1 821 millions de dollars. La Nouvelle-Écosse recevait plus que le Québec, soit 793 millions.

Réalisée en 1992, une étude interne du ministère de la Défense analysait dans quelle mesure le Québec recevait une part équitable dans certains types de dépenses du ministère. Calculé en rapport avec le PIB du Canada, cet exercice a pu mettre en relief le traitement inéquitable que réserve le gouvernement canadien au Québec dans les dépenses du ministère de la Défense. Les postes budgétaires qui se sont avérés inéquitables sont les suivants: la construction, la recherche et le développement, l'infrastructure, le fonctionnement et l'entretien, réserve et cadets-donc c'est la fourniture et l'équipement des cadets de la réserve-total des dépenses de défense, dépenses du personnel, force régulière, effectif civil, enfin, dans tous ces domaines-là, c'était nettement déficitaire pour le Québec.

Sur le plan des infrastructures de défense du Canada, il importe de souligner que le Québec recueille seulement 13 p. 100 des valeurs en infrastructures de défense du gouvernement canadien, comparativement à 34 p. 100 pour l'Ouest, 27 p. 100 pour les Maritimes et 26 p. 100 pour l'Ontario. Pour corriger cette situation, le ministère de la Défense et le gouvernement canadien, sous le passage de Marcel Masse, ancien ministre conservateur de la Défense nationale, ont mis sur pied un programme important de renouvellement des infrastructures québécoises en créant, çà et là, des manèges militaires comportant de fortes dépenses en immobilisations. On parle de plus de 100 millions de dollars.

Ces projets ont fait hausser la part du capital réservé à des fins de construction à plus de 19,6 p. 100 du total du poste budgétaire. Ces projets sont néanmoins menacés à court terme au Québec par le nouveau budget de dépense qui sera déposé le 22 février prochain, comme nous le savons tous. Il est important que le Québec conserve la priorité dans ces dossiers, car ce dernier est nettement défavorisé dans ces dépenses gouvernementales.

(1710)

En termes techniques, il existe quatre grandes bases militaires au Québec, et plusieurs milliers de personnes y travaillent: Valcartier, 6 085 personnes; Montréal, 3 922 personnes; Saint-Jean, 2 031 personnes; Bagotville, 1 782 personnes.

Le ministère de la Défense demeure donc un employeur majeur au Québec avec plus de 13 820 personnes répertoriées dans ces quatre bases québécoises. Malgré ce nombre important de travailleurs au sein de ce ministère, il ne faut pas oublier que, toutes proportions gardées, le Québec ne reçoit pas sa part sur ce plan et que, par conséquent, il faut s'opposer à toute forme de


1526

coupure qui serait contractée sur le dos de l'économie québécoise.

Un autre élément qu'il faut retenir dans ce volet des retombées régionales des contrats du ministère de la Défense en acquisitions d'équipement, c'est la question du commerce interprovincial dans le secteur de la production des armes au Canada.

Un économiste du Collègue militaire royal de Kingston, John Treddenick, s'est penché sur cette question, et les études qu'il a menées révèlent que le Québec, malgré sa bonne performance sur le plan de l'octroi en première main des contrats de défense du ministère de la Défense, voit sa part diminuée sensiblement.

Le potentiel de rétention des contrats militaires de l'économie québécoise se comporte inversement à celui de l'Ontario. Cette dernière sort grande gagnante de ce sous-commerce interprovincial, puisqu'elle met la main sur d'importants sous-contrats dont la maîtrise d'oeuvre est localisée dans d'autres provinces. Elle est alors en position avantageuse envers toutes les provinces canadiennes sans exception, de sorte que le tissu militaro-industriel de cette province doit être considéré comme nettement supérieur par rapport aux attributions officielles de première main qui sont octroyées par le ministère de la Défense.

Néanmoins, il ne faut pas minimiser pour autant l'activité économique du Québec sur le plan de la production militaire. L'économie québécoise, et en particulier l'économie de la région de Montréal, est nettement sensible aux contrats du ministère de la Défense, comme l'a souligné à maintes reprises le professeur Yves Bélanger de l'Université du Québec à Montréal qui s'est spécialisé sur ces questions. Par conséquent, il faut mettre de l'avant une stratégie de reconversion industrielle le plus rapidement possible.

Il importe, à ce stade-ci du débat, de renoncer au recours à un débat spécial sur la politique nationale de défense, alors que le gouvernement lui-même n'a pas encore dévoilé son livre blanc. Cette position tient autant pour la question des coupures dans les bases militaires que pour la question des centres d'entraînement des Casques bleus. Or, l'initiative des centres d'entraînement des Casques bleus ne doit pas être appuyée par le Bloc québécois, et ce, pour plusieurs raisons.

Premièrement, il est utopique de croire que les pays du monde entier viendront s'entraîner ici, dans des centres de ce type. Qui va payer les frais de déplacement des troupes et le transport des équipements des troupes internationales qui viendraient s'entraîner ici? L'ONU n'a pas les ressources nécessaires pour défrayer de tels coûts.

Deuxièmement, il est prouvé que les Casques bleus canadiens sont parmi les mieux entraînés au monde. Pourquoi alors créer un centre d'entraînement, alors que nos troupes jouissent déjà de conditions exceptionnelles d'entraînement sur leurs bases déjà existantes.

Troisièmement, il est malhonnête et hypocrite de faire croire à la population que la création de centres d'entraînement n'entraîne pas des coûts supplémentaires pour le gouvernement canadien. Comment peut-on faire croire que, d'un côté, on coupe dans les dépenses du ministère de la Défense et, de l'autre côté, on garde des bases militaires désaffectées ouvertes pour l'entraînement des Casques bleus. Un tel discours est contradictoire, fallacieux et mérite d'être contesté par le Bloc québécois.

Quelle est la position de mon parti? Nous avons reçu le mandat de la population du Québec de combattre les iniquités qui existent et faire en sorte qu'enfin, le Québec reçoive la juste part qui lui revient.

(1715)

[Traduction]

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Madame la Présidente, je n'ai pas perdu un mot de l'allocution de mon collègue, même si j'ai dû m'absenter pour téléphoner, car je tendais l'oreille dans le couloir. Je suis passablement d'accord avec lui. Je trouve qu'il a fait valoir de très bons points.

À propos de l'aspect de l'examen de notre politique de défense dont il a traité, je présume que le dossier de la reconversion industrielle intéressera mon collègue. L'examen de notre politique de défense devra nécessairement porter sur la reconversion, puisque ce processus est amorcé depuis la fin de la guerre froide. Le Royaume-Uni s'est déjà lancé dans la reconversion. Les États-Unis aussi. Quoi qu'il en soit, c'est un thème incontournable. L'examen de notre politique de défense sera l'occasion rêvée d'en parler avec les experts qui comparaîtront devant le comité.

Si le parti du député a tant à coeur la question de la reconversion industrielle, j'imagine qu'il ne s'opposera pas à l'idée d'un examen de la politique de défense parce que le mécanisme du comité permanent ne lui convient pas. Au fond, il s'agit presque d'un détail. Autrement, les gens de ce parti s'en tiendraient au tableau d'ensemble et verraient comment un examen de notre politique de défense peut être très bénéfique pour leur circonscription.

[Français]

M. Leroux (Shefford): Je voudrais remercier mon collègue pour ses propos. Je pense que nous n'avons pas besoin de former un comité mixte pour décider de la politique de conversion qu'on entreprend. Je me souviens très bien, pendant l'élection, d'avoir vu des programmes de différents partis politiques qui traitaient déjà du sujet. Comme le disait tout à l'heure mon collègue du Bloc québécois, je pense qu'il va falloir qu'à un moment donné le gouvernement agisse et prenne ses responsabilités.

Actuellement on semble vouloir nous faire discuter de toutes sortes de sujets au nom d'une pseudo-démocratisation de la Chambre, mais une chose est certaine, c'est que le gouvernement a été élu pour gouverner et non pas seulement pour consulter.

Je pense qu'à ce stade-ci il serait opportun que notre gouvernement, dûment élu, porte ses culottes et prenne les décisions qu'il faut pour qu'enfin on puisse avoir au Canada une politique qui reflète les besoins de la population.

M. Louis Plamondon (Richelieu): Je voudrais féliciter le confrère qui vient de prendre la parole. Je pense qu'il a souligné un aspect fort important de ce débat en ce qui a trait à la répartition des fonds et la part que le Québec reçoit dans cette répartition des fonds de la défense nationale. La perception par rapport au nombre de bases est à l'effet que le Québec est très bien servi. Bien sûr que les emplois que nous avons sont des emplois auxquels nous tenons et bien sûr également que nous en acceptons


1527

volontiers les retombées. Par ce discours, nous faisons encore une fois la démonstration que notre part n'est pas suffisante.

Je pense que mon confrère, et j'aimerais que vous le précisiez, a parlé au niveau du personnel d'environ 15 p. 100 seulement, alors que nous sommes 23 ou 24 p. 100 de la population. Il a parlé des infrastructures qui ne représentent que 13 p. 100. Il a parlé de façon globale de toutes les répartitions de la richesse du ministère de la Défense qui totaliseraient 15,8 p. 100, seulement pour le Québec. Cet aspect-là est très important dans notre réflexion.

Indépendamment de cette injustice historique que nous subissons, je pense que, dans sa réflexion, le député a touché exactement le point sensible, c'est que le gouvernement tente de gagner du temps par des débats, et celui-ci est très mal situé, très prématuré, puisque les Affaires étrangères n'ont pas encore décidé de la politique internationale en ce qui regarde la participation du ministère de la Défense.

(1720)

Je termine en disant également que je partage entièrement l'opinion de mon confrère en ce qui regarde la création de ce comité-là. On a déjà un comité de la défense nationale, c'est suffisant. Former un comité mixte avec les sénateurs, encore là, c'est une perte de temps. C'est le temps d'agir. Le temps est aux décisions et le gouvernement a été élu pour cela. Qu'il agisse et qu'il cesse de former des comités.

La présidente suppléante (Mme Maheu): L'honorable député de Shefford a la parole, mais il devra être bref.

M. Leroux (Shefford): Je vous remercie de votre courtoisie madame la Présidente. J'ajouterai tout simplement ceci. Au risque de me répéter, nous, les députés du Bloc québécois, avons été élus pour faire en sorte que le Québec ne soit pas juste une province qui reçoit de l'aide sociale et de l'assurance-chômage. Dans tous les dossiers et dans tous les domaines de juridiction fédérale, nous allons faire en sorte d'aller chercher tout ce qui est dû au Québec. Et, je termine avec cela, le Québec, dans le passé, n'a pas reçu ce qu'il devait et maintenant c'est le temps de lui donner cela.

[Traduction]

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury): Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir participer à cet important débat sur l'avenir de la politique de défense du Canada, chez nous et à l'étranger. Cette étude survient à point nommé puisque le Canada a reconnu, comme d'autres pays, que la fin de la guerre froide nous oblige à revoir la composition et le rôle de nos forces armées.

Le débat actuel survient aussi au moment opportun pour une autre raison d'ordre plus général. En effet, la fin de la guerre froide entraîne non seulement un changement des priorités en matière de défense mais aussi une nouvelle orientation sur le plan politique. Non seulement le rôle des forces armées constitue une question des plus vastes mais, comme je le disais, ce rôle a son importance plus près de chez nous. Les militaires sont nécessaires pour protéger le périmètre de notre territoire, mais ils peuvent encore apporter leur aide à ceux d'entre nous qui en ont besoin.

Cela dit, la fin de la guerre froide n'a pas rendu les forces armées superflues, bien au contraire. Nous devrons toutefois modifier nos priorités dans un certain nombre de domaines. Les comités sont actuellement en train de redéfinir les façons dont le gouvernement pourrait mieux servir les citoyens qui l'ont élu. Nous cherchons également à trouver des moyens qui permettent aux forces armées de mieux servir la population canadienne aussi bien que les autres pays qui ont besoin de leurs services.

Au plan international, l'accent mis sur la formation en vue des opérations de maintien de la paix, qui prennent une importance mondiale, nous amène à favoriser davantage la recherche de solutions aux conflits que la confrontation. Ce changement arrive au bon moment et répond à une nécessité compte tenu des transformations que subit l'ensemble de la société.

Au Canada comme ailleurs, on revendique plus de paix et de justice. On accorde plus d'importance à la démocratie et aux droits de la personne. Lorsque la guerre froide a cessé de dominer les relations internationales, nous avons pu entretenir, en tant que nation, un grand espoir, celui de renforcer l'esprit de coopération et de collaboration internationales.

Les tensions politiques se sont peut-être relâchées dans certaines parties du monde, mais les conflits militaires demeurent une réalité intrinsèque, voire un mode de vie dans de trop nombreuses régions. Des pays essaient encore de réaliser leurs desseins politiques par la force. La volonté du gouvernement actuel de renforcer le leadership du Canada en matière de maintien de la paix et de s'efforcer d'améliorer les politiques des Nations Unies dans ce domaine ne pouvait arriver à un moment plus opportun dans l'histoire de ce pays.

Il est juste que le Canada joue un rôle en matière de pacification, de consolidation de la paix et de maintien de la paix. À cette liste de responsabilités s'ajoute la protection de l'aide humanitaire. Cette forme d'intervention humanitaire permet aux convois d'aide d'atteindre les personnes qui ont un urgent besoin d'aide. Compte tenu du nombre de vies humaines que ces interventions ont permis de sauver, rares sont ceux qui oseraient en contester les bienfaits.

Le temps est venu de parvenir à un consensus au sujet du rôle de nos forces armées et de revenir au rôle premier attribué aux Nations Unies dans leur charte de 1945, soit celui de contribuer au premier plan au maintien de l'ordre et de la stabilité dans le monde.

Il importe non seulement d'examiner les nouveaux rôles de nos forces armées sur les plans national et international mais aussi de voir comment ces changements peuvent se concrétiser au pays.

(1725)

Nous devons continuer à former nos militaires afin qu'ils soient prêts à participer à un combat armé autant qu'à une opération de maintien de la paix. Nous devons trouver un équilibre entre le maintien de forces armées pour assurer notre protection et la participation à des opérations internationales de maintien de la paix. Je crois que le moment est venu pour notre ministère de la Défense nationale d'adopter un rôle plus étendu,


1528

qui ne se limite pas aux seules opérations militaires. En effet, cette conception de la défense ne tient pas compte de la conjoncture moderne, où les affaires intérieures et étrangères sont étroitement liées.

Le Canada possède l'une des forces militaires les plus respectées du monde, en grande partie grâce à l'entraînement que subissent ses effectifs. Nous devons profiter davantage de cette capacité et offrir cet entraînement à la communauté internationale. Nous en faisons déjà beaucoup dans ce domaine, mais nous pouvons faire plus.

La BFC Gagetown, qui se trouve dans ma circonscription, Fredericton-York-Sunbury, est la plus grande base militaire du Canada, pour sa superficie terrestre. En tant que centre d'entraînement au combat, Gagetown est, pour les forces terrestres, un centre d'excellence formant des soldats et des officiers dont la compétence les place parmi les meilleurs. Toutes les unités s'y entraînent aux opérations interarmes, jusqu'au groupement tactique, dans des conditions de simulation perfectionnées qui leur assurent un environnement réaliste. Les instructeurs qui dirigent l'entraînement comptent parmi les plus grands experts dans leur domaine.

La base offre aussi des cours supérieurs aux membres de l'infanterie, de l'artillerie et des blindés, au sein du commandement des forces terrestres, et assure l'entraînement de militaires qui ont déjà participé à une ou plusieurs missions de maintien de la paix. Le Royal Canadian Regiment, stationné à la BFC Gagetown, a participé à deux missions en deux ans. Il a fait partie du contingent de Chypre, d'octobre 1991 à avril 1992, et de celui de l'ancienne Yougoslavie, de novembre 1992 à mai 1993. En outre, il y a toujours un certain nombre de soldats de la BFC Gagetown qui servent au sein des Nations Unies et d'autres missions de maintien de la paix. L'entraînement offert à la BFC Gagetown a permis aux effectifs militaires canadiens d'acquérir plus d'expérience et de leadership. C'est ce qui a fait le succès des troupes canadiennes lors des nombreuses missions de maintien de la paix qu'elles ont accomplies depuis quelques décennies.

Environ 2 000 réservistes de la région de l'Atlantique ont aussi participé à ces missions de maintien de la paix après s'être entraînés à Gagetown. Les réservistes constituent par ailleurs une importante ressource d'urgence, parce qu'ils sont capables de travailler aux côtés du personnel de la force régulière dans divers contextes. On pourrait réévaluer l'entraînement quesubissent les réservistes en vue de confier un rôle nouveau à nos forces armées sur le plan de l'entraînement offert aux forces étrangères.

Nous devons aussi envisager de confier de nouvelles fonctions civiles à notre effectif militaire et d'utiliser nos installations à des fins non militaires. Il arrive trop souvent qu'on réclame du matériel plus perfectionné et un effectif plus nombreux dans le domaine de la recherche et du sauvetage. Si on pouvait plus facilement avoir recours aux militaires pour aider des organismes comme la GRC et l'OIU, on serait en mesure de réduire de beaucoup le traumatisme et l'angoisse dont souffrent certaines personnes et dans bien des cas, des familles et des collectivités entières.

Il faut également revoir les rôles que le personnel et les installations militaires peuvent jouer dans le cadre de leurs programmes de formation professionnelle non militaire. Comme je l'ai signalé dans une déclaration faite plus tôt cette semaine durant la période réservée à cette fin, le ministère de la Défense nationale a annoncé récemment une initiative de coopération avec le ministère de l'Enseignement supérieur et du Travail du Nouveau-Brunswick pour assurer une formation professionnelle spécialisée, ainsi que des cours de préparation à la vie.

Ainsi, lundi dernier, 30 Néo-Brunswickois sans emploi âgés de 17 à 24 ans ont entrepris à la BFC Gagetown un programme de formation de 20 semaines. Cette formation pratique donnée à des bénéficiaires de la Stratégie Jeunesse, ainsi que de programmes des peuples autochtones ou de l'assistance sociale, permettra à ces jeunes sans emploi d'acquérir les compétences voulues pour se bâtir un nouvel avenir.

Il n'est pas simplement question de former 30 personnes pour qu'elles puissent se trouver un emploi. Même si je ne veux pas en réduire l'importance en cette période d'austérité, il faut absolument étudier les avantages financiers qu'il y a à offrir des programmes de formation de cette façon. Étant donné que les forces canadiennes fournissent les installations et les instructeurs pour le projet au Nouveau-Brunswick, on a donc facilement accès aux ressources humaines et matérielles, ainsi qu'aux locaux nécessaires. Je suis persuadé que c'est là une solution tout à fait créative pour les gouvernements fédéral et provinciaux.

On doit également se demander comment nos militaires peuvent contribuer à la protection de l'environnement et aux travaux d'assainissement, ainsi qu'à la défense de nos frontières, surtout dans le Nord et en mer. On veut ainsi élargir le mandat de nos forces armées, qui ne se contenteront plus de défendre le pays.

Alors que nous envisageons la place qui revient à notre pays sur la scène mondiale, nous devons nous rappeler que le Canada a une excellente réputation internationale bien établie depuis des décennies. Des pays du monde entier nous admirent et nous imitent. Nous voulons continuer de donner l'exemple aux autres nations du monde. Nous pouvons le faire en redéfinissant le rôle de nos forces armées, afin qu'il reflète mieux les changements sociaux qui se produisent au niveau international. À plusieurs égards, non seulement sommes-nous capables de donner un tel exemple, nous avons le devoir de le faire.

(1730)

Lorsque je suis arrivé à Ottawa pour y représenter les gens de Fredericton-York-Sunbury, la diversité culturelle de cette Chambre m'a immédiatement frappé. J'ai toujours été fier des efforts que le Canada faisait pour reconnaître également toutes les cultures qui se trouvaient à l'intérieur de ses frontières et j'ai été encore plus fier lorsque j'ai vu cette réalité de près.

Nous sommes des citoyens du monde vivant au sein d'un même pays. Nous connaissons chez nous et nous représentons une multitude de cultures qui viennent de toutes les régions du globe. Contrairement aux États-Unis, nous ne croyons pas à la politique du creuset de civilisation où les gens doivent renoncer à


1529

leur propre culture; nous favorisons l'individualité et la spécificité. À cause de cette philosophie, nous occupons une position unique qui nous permet de comprendre les divers intérêts et les différentes cultures des pays du monde.

Puisque nous saisissons la véritable beauté de cette diversité, nous sommes mieux placés que quiconque pour aider les autres lorsqu'ils doivent faire face à divers degrés ou à diverses formes de conflits armés. La diversité des cultures à l'intérieur de nos frontières ne nous a pas seulement appris à être compatissants et bienveillants, elle nous a fait connaître les modes de vie de divers peuples. Nous pouvons donc profiter de ces connaissances non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour aider les autres lorsqu'ils ont des conflits à résoudre.

Je sais que notre désir d'accueillir toute une variété de cultures porte parfois à controverse et doit à l'occasion être appuyé par le gouvernement, mais on ne devrait pas en conclure que nous ne désirons pas cette diversité.

Nous pouvons mettre les connaissances et le respect des autres que nous avons acquis au service des Nations Unies afin qu'elles puissent mener à bien leur mission en faveur de la paix mondiale; en fait, je crois que c'est notre devoir envers la communauté internationale. Nos connaissances de la diversité ethnique, notre expérience et notre excellente formation militaires nous mettent dans l'enviable position d'être plus que capables de contribuer à la stabilité globale.

Pour terminer, j'aimerais ajouter que les habitants de Fredericton-York-Sunbury sont pacifiques et fiers d'être Néo-Brunswickois et Canadiens. Cette fierté ne leur vient pas seulement de leur intégrité et de la qualité de vie dans leur communauté, mais aussi de la réputation internationale que nous nous sommes faite dans le monde entier.

Ils reconnaissent que cette image positive a pour corollaire certaines obligations et responsabilités envers ceux qui sont dans le besoin. En tant que pays, nous ne pouvons nous permettre de nous défiler. Nous sommes trop conscients de ce qui se passe autour de nous pour pratiquer la politique de l'autruche en espérant que les situations explosives se désamorcent toutes seules, de préférence sans faire de vagues.

Puisque nous devons étudier et redéfinir le rôle des Forces canadiennes, je suis en faveur de la création d'un Comité mixte spécial constitué de membres du Sénat et de la Chambre des communes pour examiner la politique de défense du Canada.

[Français]

M. Paul Mercier (Blainville-Deux-Montagnes): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt mon collègue et je l'approuve tout à fait quand il dit que l'évolution de la situation internationale nous impose une diversification du rôle de l'armée et, par conséquent, un élargissement des types d'entraînement que nos forces reçoivent.

Mon collègue a souligné avec raison le rôle que l'armée canadienne a joué dans l'aide humanitaire. En tant que Québécois, je pourrais aussi souligner la parfaite maîtrise de la situation de laquelle elle a eu l'occasion de faire preuve lors de la crise d'Oka.

Je voudrais souligner le fait que pendant les deux premières guerres, l'armée a pu donner la mesure de sa valeur militaire et depuis quelques années, elle a acquis l'admiration du monde dans des rôles pacifiques.

Je voudrais apporter à mon collègue mon témoignage personnel. Je me trouvais en Belgique lors de la libération de certaines villes belges par l'armée canadienne et d'autres part, je me trouvais au Katanga, l'actuel Zaïre, lors de la participation de forces canadiennes de transmission, lors d'une mission de l'ONU, bien oubliée depuis, au Katanga en 1963. J'ai donc eu l'occasion d'admirer l'armée canadienne, et dans son rôle proprement militaire et dans son rôle humanitaire.

(1735)

Ce que je voudrais souligner actuellement, ce serait la nécessité de ne pas oublier, dans cette diversification, le fait que la paix éternelle n'est pas assurée, qu'il n'est pas dit que nous n'aurons plus jamais qu'à séparer les combattants ou à leur apporter notre aide humanitaire. Il n'est pas exclu que nous soyons encore entraînés dans des conflits qui nous concernent personnellement.

La fin de la guerre froide, c'est très bien. Maintenant, je ne suis pas militaire, je ne suis pas stratège, mais est-ce que la situation actuelle de la Russie est plus rassurante que la situation de l'ancienne URSS? Voilà une chose qui n'est pas certaine. Il y a d'autres cas de conflits dans lesquels nous pourrions être directement impliqués. Ce rôle que l'on devrait donner à des bases, pour ne pas devoir les supprimer, devrait continuer à avoir un aspect proprement militaire, en plus, je suis tout à fait d'accord, d'y ajouter le volet des aides humanitaires diversifiées qu'il faudrait leur apporter.

Mon message est de demander à mon honorable collègue s'il est d'accord avec moi pour convenir que nous devrions continuer à nous préoccuper de l'aspect proprement militaire de défense du territoire et de participation à des alliances démocratiques dans d'éventuels conflits, par rapport à cet aspect nouveau et proprement humanitaire?

[Traduction]

M. Scott (Fredericton-York-Sunbury): Madame la Présidente, je remercie le député. J'apprécie son intervention. Les nombreuses questions qui ont été soulevées indiquent bien à quel point une étude est nécessaire.

Nous avons rappelé notre rôle traditionnel en matière de défense dans les conflits internationaux. Nous avons aussi parlé de l'aide humanitaire et de la nécessité d'élargir la portée de la formation pour y inclure d'autres activités. J'accepte tous ces arguments qui, en fait, militent en faveur de l'étude et de la formation du comité mixte.

Je suis également heureux de dire qu'à mon avis, nous devrions être plus précis. Nous devons agir de façon plus stratégique et demander la participation des troupes; car il se produit un changement au sein de nos forces militaires et du ministère.

Je m'arrête un moment sur la question de la formation. Je ne crois pas qu'il faille élargir simplement l'étendue de la forma-


1530

tion militaire qui serait offerte, mais plutôt prévoir une formation élargie de manière à inclure d'autres disciplines. Nous reconnaissons tous qu'un groupe de travail sur le développement des ressources humaines cherche des endroits de formation. Ces endroits pourraient faire l'affaire.

M. George Proud (Hillsborough): Madame la Présidente, je veux féliciter mon collègue des observations qu'il vient de formuler et de l'intérêt qu'il porte à cette tâche très précise à laquelle nous nous attaquons.

Ces dernières semaines, un grand nombre d'interventions ont porté sur notre politique actuelle de défense, notre rôle de gardiens de la paix, de même que les coûts liés à toute entreprise importante à laquelle nous participons, que celle-ci soit de nature militaire ou autre.

Comme tout le monde, j'ai mes idées quant à l'avenir de notre pays et de notre rôle militaire. J'ai déjà dit dans mon discours que certains semblent d'avis que nous n'avons pas à participer à quoi que ce soit, tandis que d'autres estiment que notre budget tout entier devrait être consacré à de telles missions.

J'imagine que, tôt ou tard, nous allons devoir prendre une décision quant à notre avenir dans ce secteur. Les situations sont nombreuses et différentes. Dans les opérations de maintien de la paix auxquelles nous participons à l'heure actuelle, la plupart de nos troupes sont en fait des forces terrestres. Mais nous avons aussi une marine et une aviation. J'aimerais que le député nous dise quelle orientation devrait être adoptée au terme de cette étude, lorsque le gouvernement prendra une décision, tant à partir d'une perspective propre à sa circonscription que d'une perspective nationale.

(1740)

M. Scott (Fredericton-York-Sunbury): Madame la Présidente, ce qu'il est important de retenir à propos de cet examen, c'est sa nature même, qui se résume en la tenue de vastes consultations. On a beaucoup parlé de la nature de ces consultations, mais je crois sincèrement que la politique de défense nationale d'un pays, peut-être plus que tout autre programme, doit obtenir l'appui considérable du public, doit être bien comprise, et ainsi de suite.

À mon avis, les Canadiens appuieront la politique s'ils estiment avoir eu une quelconque influence sur son élaboration.

Plus que toute autre chose, le débat d'aujourd'hui nous vaudra, en fin de compte, une politique nationale concise et sérieuse que les Canadiens pourront comprendre facilement, puisqu'ils auront eu l'occasion de contribuer à son élaboration, dans le cadre des vastes consultations que tiendra le comité mixte.

Les objectifs et la nature des missions et autres opérations auxquelles nous avons participées, particulièrement au niveau international, nous ont semblé confus. Aux termes de ce débat, je crois sincèrement que nous comprendrons au moins le rôle exact que doivent jouer nos troupes.

C'est crucial, à mon avis.

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Je serai très bref, monsieur le Président. Le député de Fredericton-York-Sunbury a parlé du programme de formation qui a été mis en place à Gagetown avec la collaboration du gouvernement du Nouveau-Brunswick.

Pourrait-il nous parler plus en détail de ce programme très intéressant?

M. Scott (Fredericton-York-Sunbury): Madame la Présidente, ce programme est le fruit d'une collaboration entre le ministère de la Défense nationale et le ministère provincial de l'Enseignement supérieur et du travail, à Fredericton. Le programme utilise essentiellement les installations, le personnel, les instructeurs, l'équipement et toutes sortes de matériel de la BFC Gagetown. Le programme a été annoncé dans toute la province et un certain nombre de personnes ont posé leur candidature. Comme il s'agit d'un projet pilote, le nombre des participants est limité à 30, mais on compte élargir éventuellement le programme.

Au terme de ce programme de 20 semaines, les participants pourront s'engager à la Défense nationale elle-même. Compte tenu de la nature de certains cours offerts par le ministère de la Défense nationale, ces personnes auront aussi acquis des connaissances pratiques, des aptitudes en recherche d'emploi et une certaine confiance en soi. D'une façon ou d'une autre, tant la Défense nationale que le gouvernement provincial, à Fredericton, ne peuvent qu'être gagnants.

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke): Madame la Présidente, puisque je n'ai pas encore eu l'occasion de le faire, je vous félicite pour votre nomination à la présidence. Je sais que vous ferez du bon travail.

Je profite aussi de l'occasion pour remercier les électeurs de ma circonscription qui m'ont réélu et qui m'appuient comme ils le font depuis des années. Notre comté est le plus grand de l'Ontario et, en plus, ma circonscription englobe une partie du district de Nipissing.

Je vis à trois milles de la base militaire de Petawawa. Cette base est associée aux missions de maintien de la paix depuis le premier jour. Les familles des militaires et les civils se coudoient. Ils s'entendent bien. Ils s'amusent ensemble, travaillent ensemble, étudient ensemble et font des plans ensemble.

Les rapports entre les militaires et les civils sont excellents dans toute la collectivité. C'est très important. Il est très important que les civils appuient les Forces canadiennes. La politique de défense dont nous parlons aujourd'hui signifiera sans aucun doute qu'à long terme, nos militaires devront relever le défi des grandes différences culturelles qu'ils rencontreront partout dans


1531

le monde. Ils seront exposés à des croyances religieuses et à des coutumes très différentes partout où ils iront.

(1745)

Il n'est pas facile pour les militaires canadiens d'être envoyés dans des régions perturbées de la terre. Ils sont prêts à partir, ce sont des professionnels, mais il y aura des accidents en route et lorsque ces accidents surviendront, nous devrons les soutenir. Si nous ne le faisons pas, c'est que, selon moi, nous aurons manqué à la promesse solennelle que nous faisons le 11 novembre, lorsque nous nous tenons devant le cénotaphe et disons «nous nous souviendrons d'eux».

Tous les soldats qui vont à l'étranger aujourd'hui pour travailler au nom du Canada ont le même dévouement envers leur pays que ceux qui les ont précédés. Nous leur souhaitons beaucoup de succès.

Lorsque nous examinerons la politique de défense du Canada au cours des mois qui viennent, il sera très important de consulter nos militaires et les Canadiens en général.

On ne peut pas tenir un débat comme celui-ci sur la politique de défense du Canada sans jeter un regard sur l'extérieur. Tout comme la politique étrangère, la politique de défense nécessite que nous examinions la situation sous une perspective non pas nationale, mais bien internationale. Nous devons nous tourner vers la communauté internationale et être prêts à travailler avec elle.

Nous devons jeter sur le monde un regard humanitaire et réaliste. Il est absolument impossible pour nous d'affronter les situations qui existent dans le monde d'aujourd'hui sans être professionnels. Les membres des Forces canadiennes sont des professionnels. Il y a de nombreux échanges entre Gagetown et Petawawa. Je veux remercier mon collègue de la région de Gagetown pour le discours qu'il a prononcé cet après-midi. Il comprend manifestement très bien ses électeurs du secteur militaire. C'est très important d'avoir cette compréhension lorsque nous parlons de la politique de défense et de la politique étrangère au nom des Canadiens à la Chambre des communes.

Beaucoup de députés ont fait des remarques au sujet du comité de la défense cet après-midi. Je ne peux pas croire certaines des remarques que j'ai entendues. On pourrait presque penser qu'un comité permanent est quelque chose de nouveau à la Chambre. Les comités permanents existent depuis des décennies. Ils ont entendu les témoignages de certains des plus grands experts et d'organisations de toutes sortes. Qu'est-ce que la démocratie? Un gouvernement qui est élu et qui prend des décisions sans consulter la population?

Nous venons de terminer une période de neuf ans sous un gouvernement de ce genre. Il disait toujours qu'il consultait les gens mais ne le faisait que très rarement. Je pose la question: où est ce gouvernement aujourd'hui? À un certain moment, sous ce gouvernement précédent, le chef du Bloc québécois avait sa place de ce côté-ci de la Chambre, dans la première rangée. C'est peut-être une bonne chose qu'il ait changé de parti, autrement il ne serait pas à la Chambre aujourd'hui.

Lorsque nous parlons des comités permanents de la Chambre des communes, cela me fait penser à mon propre conseil de comté, qui se compose d'environ 35 ou 36 citoyens très respectés. L'administration locale a établi ses propres comités et elle fait un travail extraordinaire. On peut ainsi s'éviter bien des maux de tête et des problèmes dans l'avenir. Au moins, on a une idée de la situation. On bénéficie des conseils de spécialistes.

(1750)

À titre de députés de cette Chambre, nous ne sommes pas tous des spécialistes. Nous ne savons pas tout. Je défie n'importe quel député de l'opposition de prétendre le contraire et de dire qu'il est inutile de parler à quiconque. Ce n'est pas ainsi qu'un bon gouvernement fonctionne.

Un bon gouvernement travaille avec la population. Il prend conseil auprès de celle-ci. Dans certains cas, il doit toutefois se prononcer s'il n'y a pas consensus. Cela s'appelle faire preuve de leadership.

Il n'y a pas de démocratie sans leadership. Il y a parfois des décisions difficiles à prendre, mais il faut les prendre. C'est pour cela que nous sommes ici. C'est pour cela que les contribuables nous paient.

Le Canada a joué un rôle de premier plan dans les opérations de maintien de la paix de l'ONU. Il en a été abondamment question aujourd'hui. Lorsque nous parlons de cela et de notre politique de défense, rappelons-nous toutefois que le rôle que nous avons joué ces dernières années sur la scène internationale et à l'échelle nationale découle de notre participation à deux conflits mondiaux majeurs et à la Société des Nations entre ces deux guerres.

La guerre de Corée a été le premier véritable test pour l'ONU. Allait-elle se prononcer? Les pays membres de l'ONU allaient-ils se prononcer ou se dérober comme l'avaient fait de nombreux pays membres de la Société des Nations entre les deux guerres mondiales?

Il est très important que notre pays demeure un bon négociateur. Il importe aussi que nous puissions compter sur des Forces canadiennes qui ont la capacité d'intervenir sur la scène internationale et d'affronter toutes sortes de catastrophes et de défis. Ceux qui se sont joints aux forces armées l'ont fait parce qu'ils savent que c'est là le défi qu'ils doivent relever. Ils aiment cette vie.

Le Canada a joué un rôle prépondérant dans la création des Nations Unies après la Seconde Guerre mondiale. D'ailleurs, j'imagine que nous avons élaboré une partie de notre politique de défense à cette époque. Pour préconiser la création des Nations Unies et en être membre dès le premier jour, nous devions les


1532

appuyer. En d'autres termes, il nous fallait parfois les appuyer dans le règlement de conflits internationaux.

Si nous n'adoptons pas cette attitude, non seulement nous ne nous ferons pas honneur, mais nous laisserons aussi tomber les Nations Unies et la communauté internationale. Pire encore, nous abandonnerons les forces de maintien de la paix du monde entier et nous nous trouverons devant un conflit majeur. De nos jours, il y a toutes sortes de gens qui cherchent les conflits.

Le Canada a joué un rôle important dans la fondation de l'OTAN, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. Lester B. Pearson et Louis Saint-Laurent, et Mackenzie King avant eux, ont joué un rôle de premier plan dans la formation de l'OTAN. Nous savons très bien que si ce n'avait été des forces de l'OTAN qui étaient prêtes à livrer bataille, prêtes à affronter les pays du Pacte de Varsovie et si ce n'avait été des efforts visant à promouvoir un équilibre de la puissance à cette époque dans le monde, il ne fait aucun doute pour moi, qui étudie l'histoire, que nous aurions plongé dans une autre grande guerre mondiale.

Que serait-il arrivé dans une guerre nucléaire? Nous connaissons la réponse à cette question. Je suppose que nous ne voulons pas croire à la réalité d'une telle guerre, mais le risque existait. Si nous ne relevons pas ces défis d'aujourd'hui, si nous ne nous dotons pas d'une politique étrangère pour le Canada et si nous ne nous dotons pas d'une bonne politique de défense pour notre pays, nous ne nous acquitterons pas de notre tâche de façon responsable comme membre de la communauté internationale ni n'accomplirons un bon travail pour notre propre population dans notre pays bien-aimé, le Canada.

(1755)

L'Accord d'Ogdensburg conclu en 1940 par Mackenzie King et le président Roosevelt constitue un bon exemple du genre de responsabilité internationale que nous avons partagée pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le NORAD est un autre exemple où l'on protège le Canada en même temps que l'on contribue à protéger d'autres pays.

Le Canada a toujours eu une grande foi dans les opérations multinationales de défense. Avec une population d'environ 26,5 millions d'habitants, peut-être davantage aujourd'hui, nous ne pourrions pas commencer à défendre nos frontières, nos eaux territoriales et notre grand Nord si nous ne faisions pas partie d'une alliance de défense internationale. C'était là le véritable fondement de l'OTAN. C'est là où nous devons maintenir nos relations avec les autres pays du monde.

Le Canada est respecté dans le monde entier et c'est pourquoi nous pouvons travailler avec d'autres pays pour maintenir la paix et circonscrire les conflits.

Nous avons exercé une grande influence dans la création de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe et dans la poursuite de ses activités. Cela se rattache aussi à notre organisation de défense, car, si nous n'en avions pas fait la promotion, nous n'aurions pas milité pour le bien-être de la communauté internationale et surtout des pays qui adhèrent à cette organisation.

Que s'est-il passé pendant la guerre froide? C'était un affrontement dans lequel il fallait voir qui ferait faillite le premier. Le matériel militaire et la nouvelle technologie coûtent si cher que l'enjeu était de savoir qui pourrait y consacrer le plus d'argent, qui avait la meilleure assiette fiscale. Il ne s'agissait pas de savoir qui pouvait gagner la guerre, mais qui pouvait soutenir la guerre froide le plus longtemps. Nous savons maintenant que c'est l'Union soviétique qui a flanché, mais non sans avoir plongé les États-Unis dans de lourdes dettes. Quant au Canada, nous ne savons que trop quelle est sa situation.

Pour appliquer une politique de défense, il ne suffit pas de se réunir entre chez nous et d'en élaborer une politique. Nous devons bien nous entendre avec les pays voisins, avec l'ensemble de la communauté mondiale. Cela demande une certaine compétence, un certain professionnalisme.

Les membres des forces canadiennes pourraient soutenir la comparaison avec n'importe quelle organisation diplomatique au monde. Nous les voyons comme des gens qui sont là pour se battre. Ils sont effectivement prêts à le faire. Ce sont de bons soldats, mais ce sont aussi de bons négociateurs, car ils sont parfois plongés dans des situations où ils doivent négocier ou parlementer avec l'ennemi ou encore tenter de rapprocher des camps adverses dans un cadre pacifique.

Je dis toujours aux membres des forces canadiennes qu'ils sont non seulement de bons soldats, mais aussi de bons diplomates. Ils n'aimeront peut-être pas le troisième terme, mais je crois que ce sont aussi de bons politiques, car il faut ce genre de leadership, de talent de négociateur pour faire de la politique; ils ont besoin de ces qualités dans la communauté internationale aujourd'hui. Nos soldats en ont besoin, et nos professionnels aussi, lorsqu'ils se rendent à l'étranger.

Tous les problèmes de la planète n'ont pas pris fin avec la guerre froide. Certains le croient, mais ils se leurrent. Voyez ce qui est arrivé dans l'ancienne Yougoslavie. Nous disons que notre monde est humain. Nous pensons que certaines entités existent depuis tellement longtemps qu'on y a un point de vue très humain et réaliste. Ce que nous avons vu dans l'ancienne Yougoslavie est un bon exemple de ce qui s'est passé au Moyen Âge, où il y avait des guerres entre tribus.

La Somalie est un autre exemple de pays divisé contre lui-même, où des factions rivales s'affrontent, réduisant la population à la famine pour l'obliger à se plier aux volontés des chefs militaires, de petits chefs locaux. C'est une situation atroce.

(1800)

Il va falloir que notre politique de défense garantisse-et je le dis le plus sincèrement du monde-que les Forces canadiennes resteront à un niveau suffisant pour assurer la mise en oeuvre de notre politique étrangère.


1533

Si nos forces sont réduites à un point tel que notre influence sur la communauté internationale devienne négligeable, que nous ne puissions plus exercer efficacement nos fonctions de maintien de la paix, que nous ne puissions plus aider les Nations Unies dans de nouvelles missions, nous ne pourrons pas jouer notre rôle et mettre en oeuvre notre politique étrangère. Nos forces armées revêtent une grande importance pour notre politique étrangère.

Nos vis-à-vis nous ont demandé aujourd'hui pourquoi nous ne présentions pas un livre blanc maintenant. Ils nous ont demandé pourquoi nous voulons faire toutes ces entrevues, entendre tous ces témoignages d'experts, de spécialistes et du personnel des forces, au lieu de présenter un livre blanc pour qu'il soit débattu.

Le gouvernement précédent, celui des conservateurs qui a été en poste de 1984 à 1993, a fait cette expérience. Il a présenté un livre blanc. Où est ce livre blanc aujourd'hui? Quelle partie de ce livre blanc est encore valable aujourd'hui? Nous avons dépensé des milliards de dollars pour un livre blanc qui était mal conçu dès le départ, avant même d'être déposé à la Chambre.

Ce n'est pas comme ça que nous allons faire. Nous allons agir d'une manière responsable et déterminer d'abord ce que nous voulons faire avant de présenter un livre blanc. Ce sera un document d'une très grande importance.

Nous préparerons notre Livre blanc lorsque nous aurons défini notre politique. Et nous ne définirons notre politique que lorsque nous saurons ce que les défis sont réellement. Le livre blanc dira ce que nous devrons faire pour relever ces défis. Il devra aussi prévoir l'évolution des choses.

Je voudrais revenir à ma base de Petawawa. Lorsque des groupes de maintien de la paix sont constitués, ils viennent souvent à la base de Petawawa pour se préparer et peindre leurs véhicules. Tous les véhicules utilisés sous l'égide de l'ONU sont peints en blanc. Ensuite on ajoute dessus, en grand, les deux lettres UN. Finalement, ils sont acheminés par train, par bateau ou par avion Hercules à l'endroit du monde où il faut intervenir. C'est toute une opération qui se fait intégralement à Petawawa.

Les soldats viennent de Calgary, d'autres de Gagetown, de Kingston ou de Chilliwack. C'est une opération nationale et la réunion se fait là. Le professionnalisme de nos soldats, qu'il importera de promouvoir dans notre examen de la politique de défense, fait qu'ils peuvent travailler ensemble. Ils s'entraînent ensemble et ils s'entraînent avec nos alliés. Cela fera certainement partie de notre politique de défense. Nous devons continuer à nous entraîner avec les Américains, avec les Britanniques, avec les Allemands, avec la communauté internationale, tant chez eux qu'eux chez nous.

Comme nous le savons, la communauté internationale s'entraîne déjà au Canada, à des endroits comme Goose Bay et Shilo, au Manitoba et en Alberta. C'est une excellente opération.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je regrette de devoir interrompre le député, mais son temps de parole est épuisé.

M. Murray Calder (Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe): Madame la Présidente, je félicite le député pour son discours.

Quand je me suis présenté aux élections, en 1988, je me suis opposé dans ma campagne aux sous-marins nucléaires que je considérais comme un luxe dont le Canada n'avait pas besoin. La même chose s'est reproduite durant la dernière campagne électorale avec l'entente sur les hélicoptères qui était encore une fois un luxe pour notre pays.

Le député a dit que le ministère de la Défense nationale allait faire l'objet d'un examen. Je m'en réjouis, car nous devons essentiellement examiner le rôle qui va être celui du ministère de la Défense nationale au XXIe siècle.

(1805)

Le Canada s'est fait traiter de scout sur la scène internationale où nous avons réglé des problèmes et sommes venus en aide à des pays qui en avaient besoin. Je suis actuellement ce qui se passe en Russie-la Russie qui s'est ruinée avec la course aux armements et vend maintenant à des prix totalement dérisoires tous ses arsenaux à différents pays qui veulent bien les acheter. Cela va de toute évidence poser un problème.

Le député peut-il regarder dans sa boule de cristal et nous dire quelle sera, après l'examen auquel nous allons procéder dans notre pays, notre position au sein des Nations Unies et de l'OTAN, ainsi que sur la scène internationale?

M. Hopkins: Madame la Présidente, je remercie l'honorable député de sa question. J'ai entendu maintes fois employer l'expression «scouts» à propos de nos militaires. Tout ce que je peux dire, c'est que s'il y avait plus de scouts comme eux, le monde aurait moins de problèmes qu'il n'en a en ce moment. Je pense que l'expression se veut plutôt amicale. Nos militaires se sont toujours montrés à la hauteur: braves et courageux, ils s'acquittent de leurs missions à la perfection.

Sans les aptitudes des Forces canadiennes à maintenir la paix dans le monde, les conflits seraient encore plus nombreux qu'ils ne le sont aujourd'hui. Et je leur rends hommage.

Que ferons-nous après l'examen? Je suis persuadé que l'honorable député ne tenait pas à ce que je vole la vedette au comité qui est chargé de procéder à l'examen des forces, ni à ce que je préjuge des résultats, alors que l'étape des audiences n'a débuté que ce matin avec la création du comité de la défense.

Néanmoins, je voudrais toucher un mot des Nations Unies. Certes, le Canada doit procéder à un examen de sa politique de défense, mais il doit en faire autant en ce qui concerne sa participation à l'ONU. Je pense que le Canada est le pays tout indiqué pour conduire cet examen et s'en faire l'ardent défenseur, car voilà bien des années que nous finançons l'ONU et participons à ses missions. Et puis ne sommes-nous pas au nombre de ses principaux fondateurs?


1534

Dès à présent, nous devons contrôler ses opérations et les améliorer, et cela, pour deux raisons: une ONU meilleure aura des effets bénéfiques sur la politique de défense du Canada et il nous faut un processus décisionnel plus efficace.

Quant à l'OTAN, voici ce que j'en pense pour l'instant. Si la tendance est aux conflits majeurs, comme c'est actuellement le cas, une solide alliance s'impose.

Il est très important que l'OTAN soit maintenue et que ses membres restent en relation les uns avec les autres en cas d'une éventuelle crise majeure. Il ne s'agit pas de déployer tout son arsenal tous les jours que le bon Dieu fait, mais plutôt d'assurer sa cohésion et de consolider sa base pour les temps à venir.

L'autre jour, j'ai lu un article qui illustrait très bien la façon d'entreprendre cet examen de notre politique de défense. On y disait qu'il fallait bâtir sur les feux, et non sur les cendres, du passé.

L'un de ces feux du passé, c'est l'élan qui nous a amenés à créer les Nations Unies. Notre pays avait la volonté d'agir, sur le plan politique, quand il a participé à la création de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. Ne perdons pas cette volonté d'agir: bâtissons sur les feux du passé et entretenons-les encore pendant longtemps. Ce n'est que de cette façon que nous pourrons assurer un certain degré de paix à notre bonne vieille planète.

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest): Madame la Présidente, je voudrais également féliciter le député du discours qu'il a fait ce soir. Tout comme lui, je comprends très bien l'histoire et le rôle de nos forces armées puisque je viens d'une région où les militaires sont très nombreux. Même s'il n'y a pas de base dans la circonscription de Halifax-Ouest, de nombreux habitants de cette circonscription travaillent soit à la base de Shearwater, soit à la base de Halifax, ou encore au chantier maritime ou sur les bateaux.

(1810)

Je me réjouis à l'idée que notre gouvernement examine la politique de défense de notre pays, ce qui aurait dû être fait depuis longtemps. Je pense que nous avons un rôle important à jouer dans le maintien de la paix. Il est très important, en ce qui concerne notre politique étrangère, que nous jouions un rôle sur la scène internationale et que nous continuions de le faire vu les nombreux problèmes auxquels le monde est confronté. Étant donné l'augmentation de la pauvreté, l'accroissement de la population et les problèmes environnementaux, les pressions sur le monde ne cessent de s'intensifier.

Le député pourrait-il me dire de quelle façon l'intensification de ces pressions va influer sur le rôle futur de notre armée?

M. Hopkins: Madame la Présidente, le député a mentionné en dernier lieu les problèmes en matière d'environnement. Si nous pouvions empêcher le genre de conflits qui s'est produit dans le Golfe persique, nous pourrions faire une grande faveur à toute cette partie du monde, car la guerre du Golfe persique a eu des répercussions terribles sur l'environnement là-bas.

C'est pourquoi je tiens à souligner aujourd'hui que notre nouvelle politique de défense et notre politique étrangère doivent mettre énormément l'accent sur la nécessité de réduire au minimum le risque de désaccords et de faire en sorte qu'ils se règlent de façon pacifique avant qu'ils dégénèrent en véritables conflits. C'est à ce point qu'intervient l'ONU. Si cette organisation avait eu plus de pouvoir et avait pu agir avec célérité, nous aurions peut-être évité certains désastres.

Je suis d'accord avec le député que partout où l'on trouve des bases, les militaires ont tendance à s'intégrer aux collectivités avoisinantes, ce qui est une bonne chose parce que les deux groupes, militaires et civils, en viennent à se bien connaître. Il importe, dans le cadre de cette étude de la politique de défense, d'insister sur les relations entre militaires et civils, tant dans les collectivités mixtes que dans les endroits où il n'y a pas de présence militaire.

Le député et moi-même sommes conscients de cet aspect, de même que d'autres intervenants qui ont pris la parole aujourd'hui. Toutefois, ceux qui ne vivent pas dans des collectivités au sein desquelles se trouve une présence militaire ne sont pas aussi conscients de cet aspect. Voilà pourquoi cette étude est si importante et pourquoi il importe aussi que le comité responsable se déplace au Canada et informe les populations de ces endroits de ce qui se passe au sein de la collectivité militaire.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

La présidente suppléante (Mme Maheu): Conformément à l'ordre adopté le mardi 15 février 1994, le vote par appel nominal sur la motion est reporté à 15 heures, le mardi 22 février 1994.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Dois-je déclarer qu'il est 18 h 30?

1535

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


1535

MOTION D'AJOURNEMENT

(1815)

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LES TRAVAUX PUBLICS

M. Jean-Robert Gauthier (Ottawa-Vanier): Madame la Présidente, à la fin de janvier, nous avons appris par les médias que Travaux publics Canada avait terminé l'étude préliminaire d'un projet voulant que la fonction publique fédérale libère le quart de ses bureaux du centre-ville pour s'installer dans des régions périphériques. On me dit que cette étude a été commandée par l'ancien gouvernement conservateur dans la foulée du piètre plan de restructuration de la fonction publique annoncé en juin 1993.

Les médias nous disent que ce projet coûterait environ 175 millions de dollars sur dix ans, alors qu'on épargnerait à peu près 20 millions de dollars par année en déménageant vers la banlieue. Cela ne prend pas la tête à Papineau pour se rendre compte que ce déménagement coûterait fort cher et qu'on ne l'amortira même pas en dix ans.

Je ne peux pas dire si le projet ira de l'avant, car j'ai eu beau m'enquérir à ce sujet auprès du ministère, je n'ai toujours pas eu de réponse. C'est pour cette raison que j'attire aujourd'hui là-dessus l'attention de la population. Si le projet va de l'avant, on libérera l'équivalent de trois immeubles de la taille de l'Esplanade Laurier au centre-ville d'Ottawa. Cela représente manifestement beaucoup d'espaces à bureaux et pourrait avoir un effet très néfaste sur le coeur de la capitale nationale.

Selon les médias, entre 11 000 et 14 000 fonctionnaires quitteraient le centre-ville d'Ottawa si ce projet était mis en oeuvre. Je veux parler de l'incidence que le départ d'un aussi grand nombre de fonctionnaires pourrait avoir.

Par exemple, nous savons tous qu'un emploi dans la fonction publique crée deux ou trois emplois dans le secteur des services. Ce projet aurait un effet dévastateur sur les petites entreprises de la région, qui auraient beaucoup de difficulté à survivre. La disparité entre les exigences actuelles des entreprises et la possibilité qu'elles ne puissent même pas survivre à cause du départ des fonctionnaires nuira beaucoup au centre-ville.

Le secteur immobilier dans la capitale connaît déjà certaines difficultés et nous proposons de faire quelque chose qui lui rendrait la vie encore plus difficile. Les contribuables locaux ont beaucoup investi dans l'infrastructure des transports, y compris dans la voie réservée aux autobus d'OC Transpo. Ce réseau de transport en commun a été bâti sur l'hypothèse qu'il y aurait et continuerait d'y avoir un fort niveau d'emploi dans le centre de la ville

Enfin, le gouvernement dit se soucier de l'environnement, mais que dire de l'incidence qu'une telle mesure aurait sur l'environnement si des milliers de fonctionnaires devaient aller travailler en périphérie et continuaient à habiter dans la ville d'Ottawa? Je me demande combien d'entre eux adopteraient le transport en commun au lieu d'utiliser leur voiture ou d'autres moyens de transport privés, ce qui se traduirait par une augmentation du nombre des voitures sur les routes. On a constaté que les gaz d'échappement constituent la principale cause de pollution atmosphérique à Ottawa. Cela aurait donc un effet nuisible pour l'environnement.

Quand j'ai soulevé le problème à la Chambre en posant ma question le 1er février, le ministre des Travaux publics a dit qu'aucune décision ne serait prise à ce sujet, et je le crois, avant que ne soient menées de larges consultations auprès des députés, du ministère de l'Industrie et du ministère des Affaires intergouvernementales.

Les collaborateurs du ministre ont également proposé le 1er février de tenir une séance d'information pour moi et mes collègues. J'estimais que cela devrait se faire au plus tard le 15 février. Je dois malheureusement signaler qu'à ce jour, le cabinet du ministre n'a proposé aucune date ni même aucun échéancier pour cette séance d'information.

L'exaspération me pousse à soulever cette question, car je voudrais bien savoir ce qu'il advient de cette étude préliminaire qui aurait de telles répercussions sur le centre-ville d'Ottawa.

(1820)

[Français]

Mme Marlene Catterall (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor): Madame la Présidente, il me fait grand plaisir de pouvoir répondre à la question de mon collègue et de pouvoir lui expliquer de quoi il retourne. Il a, en effet, soulevé un certain nombre de points lorsqu'il nous a fait part de ses préoccupations concernant le bien-être économique du centre-ville d'Ottawa.

[Traduction]

Lorsque le député a posé sa question le 1er février, le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux lui a donné l'assurance qu'il allait écouter ce que le député et ses collègues de la région de la capitale nationale avaient à dire.

Les consultations sont indissociables de la transparence que nous entendons pratiquer. Quant aux informations des médias voulant que le gouvernement dresse des plans sur l'utilisation de locaux dans la région de la capitale nationale, je voudrais rappeler ce que le ministre a dit. Il s'agit uniquement d'une étude préliminaire. Elle a été faite aux fins de la planification stratégique, mais aucune option n'est exclue.

L'initiative de restructuration qui a regroupé seize ministères en seulement huit nécessite un réexamen des besoins en locaux. C'est un élément qui va de soi dans la planification. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux a pour mandat de fournir des locaux pratiques et à prix raisonnable pour l'administration fédérale, vu l'importance considérable des locaux occupés par l'État dans la région de la capitale nationale, soit environ deux millions de pieds carrés. Ce mandat exige nécessairement une planification à long terme et l'étude d'op-


1536

tions diverses et de leurs conséquences non seulement pour le ministère lui-même, mais aussi pour d'autres ministères et d'autres gouvernements, sur l'économie, l'environnement et le secteur privé.

Nous savons que les changements de gouvernement ont des répercussions sur l'économie en général et le marché immobilier en particulier.

[Français]

La gestion des installations constitue, après les salaires, la dépense la plus élevée de la fonction publique. Comme c'est le cas dans le secteur privé, le gouvernement fédéral cherche la façon la plus rentable possible de loger ses employés, tout en leur assurant un milieu de travail leur permettant d'être productifs.

[Traduction]

Je ne puis que répéter ce que le ministre a dit. Il s'agit d'une étude préliminaire. Toutes les options sont envisagées et aucune décision ne sera prise avant la tenue de consultations approfondies.

[Français]

L'AÉROPORT DE QUÉBEC

M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Madame la Présidente, vendredi dernier, j'ai posé la question suivante au ministre des Transports:

Le ministre est-il au courant que le nouveau radar de Bernières [. . .]ne fonctionne pas entre les 241e et 247e degrés, bien que toute la circulation aérienne entre Québec et Montréal emprunte ce corridor?
Quelle a été la réponse du ministre? La décision est prise depuis longtemps, d'autres villes ont aussi perdu leur salle de contrôle radar, le critère de base est la sécurité.

Madame la Présidente, ma question ne portait pas sur l'époque de la décision, elle ne portait pas plus sur l'identité d'autres villes qui subiraient le même sort, non plus que sur les critères ayant prévalus à cette prise de décision.

Je sais que des vols de calibration ont été faits les 27, 28 et 29 novembre 1993 pour vérifier l'état de fonctionnement du radar de Bernières. Sans avoir en main le rapport, je connais quelques conclusions: premièrement, la région comprise entre les gisements 241 et 247 degrés du site n'est pas sous couverture primaire; deuxièmement, la couverture primaire au nord-est de l'aéroport est médiocre.

En clair, ce que cela veut dire c'est qu'entre les 241e et 247e degrés, le radar de Bernières, qui prendra la relève de la salle de contrôle radar de l'aéroport de Québec après son déménagement, au plus tard le 1er septembre, est mis automatiquement hors circuit pour éviter l'interférence au sol. Or, tous les avions qui circulent entre Québec et Montréal empruntent ce corridor. Cela veut dire que, pour un certain nombre de minutes, ces avions n'existent plus. Comment le ministre peut-il croire que je peux me satisfaire de sa réponse lorsqu'il dit, et je cite:

Je n'ai aucun doute que le transfert du terminal de contrôle de Québec à Montréal ne présentera aucun problème au niveau de la sécurité des utilisateurs.
L'absence de réponse à ma question qui portait pourtant sur la sécurité du public permet de donner origine à toutes les hypothèses, y compris celle du conflit linguistique constituant la revanche contre les gens de l'air pour leur combat d'il y a 15 ans.

(1825)

Ma question complémentaire portait sur le fait que dans la lettre qu'il adressait au porte-parole de l'opposition officielle en matière de transport, le ministre prétendait baser la décision de ses fonctionnaires sur l'administration fédérale de l'aviation des États-Unis. Or, dans cette question complémentaire, je rappelais au ministre qu'une étude commandée par son ministère à un groupe de spécialistes américains, le groupe Sypher-Mueller, recommandait non seulement de ne pas fermer les terminaux de North Bay et de Québec, mais plutôt de leur permettre de prendre de l'expansion.

C'était là encore une question fort claire: Quels spécialistes américains devons-nous croire? Ceux de l'administration fédérale de l'aviation des États-Unis auxquels le ministre fait vaguement allusion, sans aucunement situer le contexte et l'objet de leur avis, ou ceux mandatés par son ministère pour faire une étude précise sur un projet bien précis de centralisation des terminaux des villes de Regina, Halifax, Saskatoon, Québec, North Bay et Thunder Bay? Les membres de ce groupe ont unanimement recommandé de ne pas fermer Québec et North Bay.

Je ne peux donc me satisfaire de la réponse du ministre qui revient encore ici sur l'utilisation de critères similaires d'un terminal à l'autre et qui nous parle de justice et d'équité dans chacune des décisions.

Ma question était majeure, elle mettait en cause le fondement même de la décision du ministère des Transports de fermer le terminal de Québec.

Je conclus donc des réponses reçues à ces deux questions que le ministre est incapable de garantir à la population de Québec, à l'Association des gens de l'air, au personnel de vol des équipes d'aéronefs et aux députés de cette Chambre, que les installations du nouveau radar de Bernières sont en état de prendre la relève du personnel du terminal de Québec. Le ministre a aussi été incapable de démontrer à la population de la région de Québec que la décision de fermer le terminal de Québec se base sur des données objectives émanant de spécialistes. Cela laisse la porte ouverte à toutes les interprétations.

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien): Madame la Présidente, le ministre des Transports a répondu aux questions et a fait parvenir une lettre incluant une note d'information, en plus d'avoir organisé une session d'information.

Ce qui m'inquiète dans cette affaire, c'est que mon collègue ne veut simplement pas entendre la réponse.

1537

Le député est au courant que la priorité du ministre des Transports est d'assurer un service sûr et efficace aux pilotes et leurs clients, les passagers et les transporteurs de cargaison canadiens. Pour ce faire, on compte sur un nombre considérable de systèmes aéronautiques sophistiqués et sur un personnel hautement qualifié.

Encore une fois, le système du contrôle de la circulation aérienne comprend des éléments de base. Un de ces éléments est la tour de contrôle d'aéroports individuels, comme c'est le cas pour la ville de Québec.

Un autre élément de base est le Centre de contrôle régional, comme il en existe un à Montréal.

Le député est bien au courant que le radar de Bernières sera pleinement opérationnel lors du transfert.

La technologie existe pour offrir un service sûr et efficace aux pilotes.

Il essaie de nous convaincre que la ville de Québec a été traitée d'une façon différente. Ce n'est certainement pas le cas.

Les unités de contrôle terminal de Halifax et North Bay, qui avaient plus de circulation que l'UTC de la ville de Québec ont également été relocalisées, de même que les unités de contrôle terminal de Regina, Thunder Bay et Saskatoon.

J'espère que le député ainsi que ses collègues prendront bonne note de l'invitation du ministre des Transports de visiter le Centre de contrôle régional de Montréal afin qu'ils comprennent tous que les électeurs continueront de profiter d'un service sûr et efficace, en français, d'un centre très sophistiqué qui est doté d'une technologie des plus modernes.

[Traduction]

LE TRANSPORT DU GRAIN

M. Vic Althouse (Mackenzie): Madame la Présidente, hier, j'ai posé au gouvernement une question à laquelle le ministre des Transports a répondu. Cependant, celui-ci n'a pas très bien compris le sens de la question. Il a fait comme s'il s'agissait d'une question prébudgétaire, alors qu'elle n'en était pas une.

La question portait essentiellement sur l'intention du gouvernement en ce qui concerne la subvention du Nid-de-Corbeau aux termes de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, un sujet qui ne figure pas dans le livre rouge et dont le Parti libéral n'a pas parlé pendant la campagne électorale. J'estime qu'il est temps que le gouvernement nous fasse connaître ses intentions à l'égard de la subvention du Nid-de-Corbeau parce que cela est très important pour la poursuite du développement économique de l'Ouest.

Pour ceux qui ne le savent pas, le tarif du Nid-de-Corbeau a été établi pour stimuler la colonisation de l'Ouest, qui n'aurait jamais été si grande au tournant du siècle, n'eût été dudit tarif. En 1982, le gouvernement libéral de l'époque a décidé de supprimer le tarif du Nid-de-Corbeau pour le remplacer par la subvention du Nid-de-Corbeau, qui était censée durer à perpétuité.

Sous la direction de Brian Mulroney, l'ancien gouvernement conservateur a décidé de commencer à supprimer la subvention du Nid-de-Corbeau, la réduisant de 10 p. 100, à compter de la campagne agricole de cette année, le 1er août, et le ministère des Transports a déposé un projet de loi qui aurait pour effet de la supprimer entièrement dans quatre ans.

Ainsi, le gouvernement économisera entre 650 et 730 millions de dollars par année. Je présume que c'est la raison pour laquelle je frémis à la pensée que le ministre des Transports ne puisse pas voir plus loin.

Essentiellement, cette subvention du Nid-de-Corbeau et son prédécesseur, le tarif du Nid-de-Corbeau, ont joué énormément sur la valeur des terres agricoles dans l'ouest du Canada. À l'heure actuelle, elles valent environ 35 milliards de dollars. Avec la suppression de cette subvention, elles ne vaudront plus rien.

Si le gouvernement élimine cette subvention, il privera l'économie de l'Ouest de capitaux propres d'environ 35 milliards de dollars qu'il ne sera pas facile de remplacer et qui servent actuellement à financer la refonte de cette économie. Des gens hypothèquent leurs terres agricoles pour emprunter afin de pouvoir construire dans leur collectivité des usines-grandes et petites-qui permettront de diversifier l'économie de cette partie du pays.

Si on laisse faire le ministère des Transports, il va mettre immédiatement un terme à cette possibilité de diversifier l'économie. Non seulement cela, il va supprimer tout espoir de trouver dans la région les fonds nécessaires à la diversification. Il va tuer les espoirs et les rêves, voire anéantir le travail de quatre générations, et ruiner des gens dont les entreprises vont faire faillite par suite de cette politique.

Si le gouvernement ne comprend pas comment ça fonctionne, il n'a qu'à jeter rapidement un coup d'oeil à ce qui se passe dans ma communauté où les montants compensatoires du Nid-de-Corbeau s'élèvent à quelque chose comme 29 $ la tonne. Nous produisons environ une tonne par acre et les rentrées dans cette région sont d'environ 25 $ par tonne. Éliminer les montants compensatoires du Nid-de-Corbeau signifie que les rentrées vont être de moins 4 $ par acre. Je peux dire au porte-parole du gouvernement qu'avec des rentrées de moins 4 $ par acre, la terre ne vaut pas grand-chose.

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien): Madame la Présidente, le député de Mackenzie a reparlé aujourd'hui de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

Hier, il a déclaré que l'ancien gouvernement avait réduit sa subvention de 10 p. 100 depuis août dernier et que des propositions visant d'autres changements avaient été déposées. La réduction, l'an dernier, de la subvention prévue par la LTGO faisait suite à l'exposé économique que l'ancien gouvernement avait présenté en décembre 1992.

Hier, le ministre des Transports a dit au député qu'il devrait attendre à mardi prochain pour avoir la réponse à sa question, lorsque le ministre des Finances aura le plaisir de déposer un premier budget au nom de ce gouvernement.

1538

Ce budget reflétera l'un des processus de consultations les plus ouverts et les plus complets à avoir jamais été mis en oeuvre avant la présentation d'un budget à la Chambre. Les Canadiens ont raison d'être confiants, de penser que ce budget fera beaucoup pour remettre les gens au travail et relever les défis qui se posent sur le plan financier dans notre pays.

L'été dernier, l'ancien gouvernement a déposé un avant-projet de loi visant à réformer la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Il a mis en marche certains processus afin de consulter les parties intéressées sur deux questions: le mode de paiement ainsi que le transport du grain et l'efficacité de sa manutention.

Le ministre de l'Agriculture a déclaré que notre gouvernement n'avait pris aucun engagement ferme à l'égard de cet avant-projet de loi. Nous reconnaissons que la LTGO est une question très importante pour tous les Canadiens. Nous reconnaissons également que de nombreuses personnes ont consacré beaucoup de temps et d'énergie aux processus de consultations qui étaient en cours lorsque nous sommes arrivés au pouvoir.

C'est pourquoi nous avons décidé de mener ces processus à terme et de décider ensuite des mesures à prendre. Les ministres compétents espèrent pouvoir, d'ici cet été, donner une réponse plus précise sur ce que le gouvernement a l'intention de faire en ce qui concerne la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Conformément à l'article 38(5) du Règlement, la motion portant que la Chambre s'ajourne est maintenant réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à 10 heures, conformément à l'article 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 33.)